Un précédent article sur la Syrie a cherché à mettre en évidence la nature oppressive et liberticide du régime dans lequel le peuple syrien évolue depuis 47 ans comme facteur d’explication du soulèvement populaire[1].
S’il s’agit là en effet d’un élément de première importance, des causes économiques ont également pu aggraver le mécontentement populaire, sans toutefois le déclencher directement. À partir des années 1990, l’épuisement des réserves de brut du pays provoque une baisse majeure des revenus du pétrole, soutien vital de l’économie syrienne[2]. Le pays, encore très agricole, est également confronté à plusieurs vagues de sécheresse. C’est dans ce contexte que Bachar el-Assad entame, en 2005, une libéralisation économique dont les conséquences s’avèreront désastreuses pour la majorité des Syriens. La forte hausse des investissements étrangers, en provenance notamment des pays du Golfe, ne profite guère qu’à une minorité bourgeoise et urbaine constituée sous les ors du régime. Les campagnes sont sacrifiées. Les privatisations, la suppression des subventions agricoles et la sécheresse paupérisent les populations, qui n’ont d’autre choix que l’exode rural. Ainsi, tandis que la part des ouvriers agricoles dans la population active passait de 30 à 14%, le chômage passait de 2,3 à 14,9% de 2000 à 2011 selon les chiffres officiels – 20 à 25% selon d’autres sources. La classe moyenne se rapproche rapidement du seuil de pauvreté, les revenus ne suivant pas le rythme d’une inflation galopante, qui atteint officiellement 17% en 2008[3].
L’explosion des inégalités, bien qu’ayant certainement joué un rôle dans la genèse de la contestation, ne peut cependant pas être retenue comme l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. C’est au mieux un facteur aggravant. En effet, l’hypothèse économique seule n’explique pas la nature des revendications et les slogans des syriens insurgés. Comme l’écrivent Adam Baczo, Gilles Dorronsoro, et Arthur Quesnay dans Syrie, anatomie d’une guerre civile :
« Pourquoi des individus peu politisés, ne disposant d’aucune structure de mobilisation, décideraient-ils de braver un système répressif particulièrement violent ? »
Alors qu’une grande partie de la population s’était rendue au désespoir économique, politique et social, c’est bien la chute des régimes tunisiens et égyptiens en 2011 qui va faire renaître un espoir de changement. Durant la période où le Printemps arabe essaime, les syriens suivent les événements avec passion sur les chaînes étrangères – notamment France 24, la BBC, Al Jazeera, Al Arabiya – et internet. L’identification du peuple syrien aux peuples arabes insurgés contre des régimes autoritaires devient vite évidente. « Plus on recevait d’informations sur les manifestations qui se déroulaient ailleurs, plus le fait de manifester nous semblait réaliste »[4]. Malgré tout la série de facteurs évoqués précédemment, c’est bien l’espoir d’émancipation suscité par les mouvements révolutionnaires arabes, qui a été le déclencheur des premières manifestations.
On présente souvent les événements qui sont survenus en mars 2011 à Deraa comme l’étincelle de l’insurrection. Pourtant, la page Facebook « Révolution syrienne 2011 » est créée dès le 18 janvier et le 31, une première manifestation réunit une centaine de personnes à Damas. Ils se rassemblent en silence, bougie à la main, avec des écriteaux sur lesquels est inscrit « oui à la liberté ». Les manifestants seront encerclés puis arrêtés par les services de sécurité. Le jour même, Bachar el-Assad, à l’occasion d’une interview pour le Wall-Street journal, déclare que les sociétés arabes ne sont pas prêtes pour la démocratie et que les Syriens ne sont ni égyptiens ni tunisiens et qu’ils ne se révolteront pas[5]. Deux jours plus tard, une nouvelle manifestation à Bab Touma est violemment dispersée. Sur les réseaux sociaux, les appels à manifester fleurissent et ensemencent à tel point que des internautes sont arrêtés et que les accès à Facebook et Youtube sont bloqués. Le 17 février, Bachar el-Assad annonce une série de mesures sociales pour tenter d’enrayer la montée des contestations. Les accès à Facebook et Youtube sont rétablis fin février. Cela permet au régime de cibler les militants de l’opposition et de les arrêter.
C’est alors que surviennent les événements de Deera, qui feront basculer la situation. Tout commence fin-février, quelques jours après la chute d’Hosni Moubarak en Egypte. Un groupe d’écoliers de la ville est arrêté par le Moukhabarat pour avoir tagué sur les murs de l’école des slogans anti-Assad. L’incarcération des jeunes détenus se prolongeant, un groupe de parents, emmenés par un cheikh de la petite ville, se rend chez le chef de la branche locale de la Sécurité, Atef Najib – un cousin de Bachar el-Assad. Celui-ci ignore les supplications des familles et leur répond :
« Oubliez vos enfants et allez retrouver vos femmes. Elles vous en donneront d’autres. Et puis, si vous n’êtes pas capables de leur faire des enfants, amenez-nous vos femmes. On le fera pour vous »[6] .
Dans ce village conservateur et connu par avoir toujours été loyal aux Assad, ces propos provoquent une indignation générale. Le 15 mars, un premier rassemblement est organisé pour obtenir la libération des enfants, ce qui inaugure une série de manifestations de plus en plus massives. Les forces de sécurité tirent sur la foule pacifique et tuent. L’enterrement des victimes se transforme en émeutes. Bachar el-Assad refuse de pénaliser son cousin pour calmer les habitants de Deera et en guise de réponse aux protestations, envoie son armée qui mate violemment les rassemblements pacifiques.
Si la révolte de Deera n’a pas été l’étincelle de la révolution syrienne, elle a été incontestablement le catalyseur de luttes éparses, entraînant la propagation de la contestation dans tout le pays. C’est à ce titre qu’elle est le premier épisode majeur du soulèvement syrien. Dès le 18 mars s’organise dans tout le pays, en soutien aux habitants de Deraa, la première des « manifestations du vendredi », qui sera baptisée – selon le choix des internautes sur la page Facebook Révolution syrienne 2011 – « Vendredi de la dignité ». Le slogan de cette première manifestation – « Dieu, la Syrie, la Liberté et c’est tout » – est un détournement du slogan nationaliste du régime « Dieu, la Syrie, Bachar et c’est tout » (Allah, Suriyya, Bachchar w bass). Ces manifestations hebdomadaires et pacifiques sont immédiatement réprimées dans le sang. Pourtant, elles ne cesseront jamais d’avoir lieu, partout dans le pays, durant les années qui suivront.
Le 24 mars, le gouvernement décide de jouer à nouveau la carte de l’achat de la paix sociale par de nouvelles concessions économiques et la levée à venir de l’état d’urgence, en vigueur depuis 1963. Le 25 mars, dit « Vendredi de la fierté », les manifestants se rassemblent à la sortie des mosquées à Damas, Deraa, Homs, Lattaquié, Alep et Hama pour répondre que « Le peuple de Deraa n’a pas faim », affirmant explicitement le caractère politique et non-économique des revendications. La mobilisation de Hama – ville dont les habitants ont été massacrés par dizaine de milliers en 1982 après s’être soulevés – et de Lattaquié – ville majoritairement alaouite et théoriquement acquise au régime – ont une forte portée symbolique.
Le 30 mars, le gouvernement réplique en organisant une série de « manifestations spontanées » pro-régime encadrées par les moukhabarat – manifestations habituellement organisées à l’occasion de l’anniversaire ou d’un déplacement du président[7]– où des centaines de milliers de fonctionnaires, ouvriers, enseignants et écoliers, tous tenus d’être présents, doivent y dénoncer « le complot terroriste inspiré de l’étranger », dont « le Mossad et ses chiens »[8]
Sous le slogan « Uni, uni, uni, le peuple syrien est uni », faisant explicitement référence à une union entre les communautés religieuses, malgré les morts, les arrestations et la torture, les manifestations de l’opposition ne faiblissent pas. Alors que les manifestants brandissaient jusque-là le drapeau national, commence alors à apparaître l’ancien drapeau syrien de 1932 (vert-blanc-noir à trois étoiles rouge), celui là même qui sera ensuite adopté par l’armée syrienne libre.
Le siège fin-avril de Deraa, ceux de Homs et Rastan plus tard, la découverte au mois de mai d’une fosse commune – la première d’une longue série – poussent déjà certains soldats à désobéir aux ordres et à déserter. Le 25 mai, le corps torturé d’un enfant de Deraa de 13 ans arrêté lors d’une manifestation pacifique, Hamzeh Ali al-Khatib, est rendu à ses parents. Les photos de l’enfant torturé à mort, émasculé et recouvert des marques des sévices font le tour du pays et du monde entier via les réseaux sociaux. Le 27 mai est alors baptisé « Vendredi Hamzeh al-Khatib » et le visage de l’enfant devient le symbole des manifestations qui submergent désormais le pays.
Un soulèvement unanimiste
Le ferment de la mobilisation se développe, dès le début de l’année 2011, au cœur d’espaces privés dans lesquelles on commente l’actualité entre personnes de confiance. En effet, les regroupements de plus de trois personnes et les discussions politiques sont criminalisés. La seule réunion autorisée est la prière du vendredi, expliquant ainsi que de nombreuses manifestations auront pour point de départ les mosquées. Ces espaces offrent l’occasion d’élaborer un point de vue, une stratégie, une grammaire et des revendications communes. Ces dernières sont nationales, trans-communautaires, unanimistes et universalistes[9]. La nature des slogans permet d’affirmer que ceux qui s’engagent dans la contestation veulent dépasser les clivages communautaires, religieux et sociaux. Le caractère unanimiste des revendications est d’autant plus évident pour les contestataires du fait qu’ils sont jeunes, ont étudié dans les mêmes universités et ne se retrouvent pas dans les oppositions idéologiques et communautaires qui avaient sous-tendu les mobilisations des années 1980.
Dans le contexte du Printemps arabe, c’est le choix de revendiquer sous forme de manifestations pacifiques qui s’impose, stratégie qui sera maintenue des mois durant, malgré la violence de la répression. Dans un pays très majoritairement musulman et où personne ne saurait être plus grand que Bachar el-Assad, un slogan comme « Dieu est le plus grand » (Allah Akbar) n’est non seulement pas à sur-interpréter sur le plan confessionnel, mais est de fait hautement subversif. C’est la raison pour laquelle certains chrétiens n’hésitent pas à le scander quand ils manifestent. La polysémie des quelques symboles d’origine religieux utilisés permet de fédérer la population insurgée qui refuse de se diviser par des appartenances politiques partisanes. Arabes et Kurdes, musulmans et chrétiens manifestent ensemble sous des slogans appelant à l’unité face à Assad tels que « Sunnites et alaouites, unis, unis, unis » ou celui choisi pour le vendredi 20 mai « Azadi », mot kurde signifiant liberté. Le 17 juin est baptisé « vendredi Salah al-Ali », du nom d’un alaouite ayant dirigé la révolte syrienne contre le mandat français en 1919. Le 12 juillet, le père jésuite Nebras Chehayed publie son appel aux évêques de Syrie à soutenir les manifestants : « Nos autels sont tachés de sang »[10]. Dans ce contexte unanimiste, c’est le drapeau national de 1932 qui s’impose comme celui de la contestation. Après avoir réclamé la « liberté », la « dignité » et « l’unité », face à la violence de la répression, les revendications deviennent plus radicales et les slogans « Dégage ! » ou « Le peuple veut la chute du régime » apparaissent.
S’organiser face à la répression
« Après la chute des régimes tunisien et égyptien, nous avons commencé à discuter entre nous des moyens utilisables. Nous savions que le régime syrien était beaucoup plus fort, avec de redoutables services de sécurité. Aussi, nous n’avons pas fait comme dans les autres pays »[11].
L’omniprésence des Moukhabarat et la violence du régime envers les opposants imposent rapidement la forme de la contestation. L’occupation de place est suicidaire, comme en attestent les dizaines de morts suite à la tentative sur la place de l’Horloge à Homs le 17 avril. L’infiltration des réseaux militants par les services secrets impose des marches contestataires improvisées et quelques fois spontanées. Les premières actions, marches, flash mob, réunions, se déroulent sur des temps très courts. La stratégie consiste à varier les lieux le plus possible. Les cortèges sont composés principalement d’hommes jeunes. Les femmes, moins nombreuses, sont regroupées au centre ou à l’arrière pour être protégées.
A Alep, les contestataires proviennent majoritairement des quartiers populaires, mais aussi de façon moins importante, des quartiers bourgeois de l’Ouest. La menace de représailles, d’arrestation ou la désapprobation de proches amènent de nombreux manifestants à quitter leur famille et leur emploi. C’est en particulier le cas dans les milieux sociaux plus aisés dont les jeunes se rendent dans les quartiers auto-construits et sous-administrés pour rejoindre la révolution. De plus, les larges rues des quartiers riches sont plus difficiles à tenir face à la police. Par ailleurs, dans les villes kurdes et dans le quartier kurde au Nord d’Alep, le PYD réprime les manifestations à partir de septembre 2011[12]. Les protestataires kurdes défendant une révolution unanimiste et dépassant les clivages communautaires se rendent donc dans les quartiers majoritairement arabes pour manifester.
Dans chaque ville, les lieux de contestation sont souvent choisis pour la faible présence policière ou la faible probabilité d’y être reconnu. Les quartiers où se déroulent les manifestations ne sont donc pas nécessairement les lieux de vie des protestataires. L’anonymat est un préalable et de nombreux syriens manifestent le visage couvert. Les mobilisations débutent dans des petits groupes de confiance – amis, étudiants, voisins, famille – puis s’élargissent peu à peu. Les liens qui unissent les manifestants deviennent si forts qu’ils forment, selon les témoignages, une seconde famille. Rejoindre les rangs insurgés sous entend d’accepter de braver un risque individuel et collectif très coûteux. La violence inouïe du régime soude les protestataires dont certains, recherchés activement basculent dans la clandestinité et se coupent de leurs anciens cercles sociaux. Le processus révolutionnaire est pour la plupart des syriens une expérience pratique intense de refondation de soi.
Les rapports sociaux sont profondément modifiés, surtout pour les femmes. Particulièrement dépolitisées jusque-là, leur engagement leur confère une légitimité importante; elles sont considérées comme des égales dans les institutions révolutionnaires. Elles endossent des rôles jusque là inédits pour elles, ce qui participe à « transformer les rapports de genre au sein de la sphère privée »[13]. Suhair Atassi, opposante de longue date, dirige la Commission générale de la révolution syrienne, une coalition des comités locaux tandis que la Coordination des comités locaux (CCL), est dirigée par l’avocate et militante Razan Zaitoune. Fatma (nom d’emprunt), habitante de Idlib non politisée jusque-là, s’engage sur les réseaux sociaux et crée le groupe Facebook « Liberté Idlib » (Huriyya Idlib). Couturière, elle réalise également des masques pour les manifestants. Elle recueille des témoignages et correspond avec les chaînes de télévision étrangères. Devenue localement célèbre, elle est élue au Conseil du gouvernorat d’Idlib. Adiba, originaire d’un quartier riche d’Alep quitte sa famille et son mari, établit un dispensaire, une école et un centre de distribution d’aide, ce qui la rend populaire. Elle divorce en 2012 et se remarie avec un ami engagé dans la révolution. Elle est élue en avril 2013 au Conseil de quartier puis nommée à sa tête[14].
Les femmes sont particulièrement présentes sur les réseaux sociaux et lors de la phase de contestation pacifique. Compte tenu des risques associés au fait de manifester dans les rues, le sit-in à domicile filmé[15] devient un mode d’action féminin répandu. Plusieurs dizaines de participantes se réunissent dans un salon, entourées de banderoles, de portraits de martyrs et de drapeaux révolutionnaires. Elles y lisent des communiqués condamnant les violences du régime et expriment leur solidarité avec les manifestants ou y entonnent des chants révolutionnaires. Le rôle des femmes a tendance à se restreindre avec la militarisation du conflit.
A la peur, se mêlent l’excitation de participer au changement et au bouillonnement politique auquel chacun prend part en créant les structures d’auto-organisation. Le capital social de chacun est renversé : l’engagement dans le processus révolutionnaire prend le pas sur l’appartenance à la communauté alaouite, à la bourgeoisie proche du régime ou au Parti Baath.
Les foyers de la contestation sont multiples et sont loin de ne concerner que les zones délaissées socialement par le pouvoir. Deir ez-Zor, Lattaquié ou Deraa, les lieux de la construction historique du Parti, loyaux à la famille Assad depuis toujours, deviennent des bastions de la révolte.
L’une des particularités du cas syrien, est le rôle majeur des nouveaux moyens de communication dans la genèse et la propagation de la contestation : téléphones portables, internet et séquences vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Dès le départ, le régime met en place un embargo médiatique sur la couverture des manifestations et diffuse une propagande relayée par les médias officiels. Aux journalistes – privés de rapporter la réalité des faits – se substituent rapidement de très nombreux jeunes insurgés qui assurent une couverture permanente et intensive des évènements. Les manifestations sont systématiquement filmées et les séquences affluent par milliers sur Youtube et les réseaux sociaux[16]. Ceux qui s’improvisent journalistes publient quasiment en temps réel, à l’aide de smartphones et de petites caméras. Il en résulte une quantité d’archives visuelles considérable. Ces vidéos de cortèges rassemblant des centaines, voire des milliers d’insurgés, sont avidement visionnées par les sympathisants du mouvement en Syrie et à l’étranger.
Ce phénomène, qui augmente encore le sentiment de la légitimité de la mobilisation est un facteur déterminant dans l’incitation à rejoindre les rangs de l’opposition. La vision de centaines puis de milliers de personnes rassemblées amène le spectateur à penser que le risque individuel diminue, à la faveur d’un risque assumé collectivement. Les protestataires prennent rapidement conscience de l’impact des images et de leur pouvoir mobilisateur. Un soin particulier est pris à rendre facilement intelligible leurs revendications.
Afin de prévenir tout risque de détournement des images, chaque vidéo commence par un plan sur un écriteau indiquant le lieu, la date de l’évènement, ainsi que le slogan du vendredi. Face aux accusations complotistes du régime, les manifestants mettent en avant l’aspect pacifique de leur mobilisation et démontrent l’illégitimité de la violence de la répression. Slogans, chants et danses sont autant de preuves filmées de la cohésion interne et de la détermination du mouvement. Certains regorgent d’ingéniosité pour faire passer des messages à leurs compatriotes ou à la communauté internationale. Les habitants du village insurgé de Kafrnabel, dans le nord de la Syrie, se font connaître par leur sens de l’humour. Des vidéos tournées sur fond d’humour noir mettent en évidence l’absurdité de la position de certains pays étrangers ou encore les usages de la violence commise par Assad[17]. Ils mettent également en lignes des clichés de manifestants posant avec des banderoles aux divers slogans sarcastiques à l’adresse des Occidentaux[18]. La ville de Binnich, se distingue par ses fresques humaines adressant des messages au régime ou aux étrangers. Le groupe de comédiens à l’origine de cette initiative réalise également un puzzle géant dont chaque pièce rappelle un massacre perpétré par le régime, le tout mis ensemble représentant une main formant le V de la victoire.
Des artistes réalisent des actions filmées dans l’espace public. En juillet 2011, un groupe organise depuis les hauteurs de Damas, un lâcher de balles de ping-pong sur lesquelles était écrit le mot « Liberté »[19]. Au mois de novembre, ils réalisent également sur le mont Qassioun qui domine la capitale une inscription lumineuse visible de Damas : « Dégage! »[20] La vidéo favorise la diffusion des actions protestataires. Ainsi, le lâcher de balles de ping-pong génère plusieurs actions de ce type dans d’autres villes, comme à Hama, Alep ou Tell. Suite à l’attaque meurtrière survenue à l’université d’Alep le 15 janvier 2013, premier jour des examens, des étudiants de la faculté de médecine lancent « la campagne des examens du sang ». Ils versent de l’encre rouge dans plusieurs endroits du campus[21]. De même, des activistes versent du rouge dans une fontaine de Damas pour symboliser le sang des manifestants[22].
Des campagnes de réappropriation de l’espace public sont réalisées par des graffeurs. Ils créent la page Facebook Grafite Syrian Revolution[23] ou encore la page « Freedom Graffiti week Syria »[24] inspirée de la page égyptienne « Mad Graffiti week » et réalisent des vidéos explicatives des techniques qu’ils utilisent.
Les chanteurs ne sont pas en reste. Ibrahim Qachouch, militant de Hama, se rend célèbre en écrivant des chants révolutionnaires satyriques. Ses paroles sont scandées sur des airs célèbres pendant les manifestations, d’abord à Hama, puis dans tout le pays. «Yallah irhal ya Bachar» («Allez dégage Bachar!»)[25] devient l’un des chants les plus populaires de la protestation. La 4 juillet 2011, le parolier qui animait les foules est retrouvé mort dans l’Oronte, ses cordes vocales arrachées. Les images de son corps mutilé font le tour du pays et génèrent l’indignation.
L’annonce du passage à la désertion d’un soldat fait également systématiquement l’objet d’un enregistrement vidéo. Après s’être identifié, carte d’identité à l’appui, le déserteur, expose à visage découvert les raisons de son départ et invite les autres membres de l’armée à faire de même[26].
Les journalistes de la révolution, devenus souvent correspondants pour la presse étrangère, sont traqués par le régime. La diffusion des images, efficace sur le plan de la mobilisation, a cependant un coût humain élevé.
La riposte du régime : diviser, criminaliser, démobiliser, exterminer
L’appareil sécuritaire du gouvernement syrien, épuré constamment grâce à la surveillance de ses agents et à la compétition entre les services de renseignement, reste loyal au régime. De plus, les nombreuses désertions que connait l’armée de Bachar el-Assad seront plus que largement compensées par le flux de combattants du Hezbollah et de l’Iran venus en soutien pour réprimer la contestation.
Face au soulèvement pacifiste qui agite le pays, la première stratégie de Bachar el-Assad consiste à diviser le mouvement contestataire. Tout d’abord, comme nous l’avons vu, il propose une série de concessions économiques et sociales à une partie de la population. A Deraa, il libère les quinze adolescents torturés puis démet le gouverneur. Dix jours plus tard, face à l’ampleur des manifestations, il destitue le gouverneur de Homs. Les mesures sociales annoncées par le gouvernement ne trouvent aucun écho au sein de la population qui répond que « le peuple de Deraa n’a pas faim ». Quelques mesures sont prises à l’attention du clergé sunnite, tel le rétablissement de l’autorisation du port du niqab pour les institutrices. Cependant, les imams étant perçus comme des agents du régime, leur soutien à Bachar el-Assad n’a guère d’effet sur la contestation.
Surtout, le président présente le soulèvement comme le fait de sunnites qui seraient financés par l’étranger. Stigmatisée par le régime comme étant le terreau d’un terrorisme islamique, la population sunnite est particulièrement ciblée par les services de sécurité. Dans cette logique, le régime fait le choix de négocier avec des mouvements dont l’idéologie est explicitement identitaire pour en faire des protagonistes supposés de la contestation.
Il ménage les minorités : Chrétiens, Druzes, Alaouites et Kurdes. Après des décennies de refus, il accorde subitement la nationalité syrienne à 150 000 Kurdes et libère des prisonniers politiques appartenant à cette communauté. Il conclut un accord avec le PKK, interdit dans le pays depuis 10 ans, dont il autorise à nouveau les activités sur le territoire syrien, ainsi que le contrôle sur les enclaves kurdes du nord du pays, en échange de la répression des manifestants kurdes. Le régime finance des milices alaouites et tente de former des milices druzes. Les opposants provenant des minorités sont arrêtés comme tout un chacun. Par exemple, un activiste pacifiste druze du nom de Chadi Abu Raslan est arrêté et torturé à mort pour avoir collé au dos de son téléphone portable le drapeau syrien pré-baasiste[27]. Mais alors que les manifestations dans les villes sunnites sont réprimées par des tirs à balles réelles, les manifestations dans les villes druzes ou alaouites sont dispersées à l’aide de gaz lacrymogènes. Le régime fait courir des rumeurs de massacres commis par des groupes islamistes et met en garde les minorités contre le péril sunnite qui pourrait survenir s’il n’était pas là pour les défendre.
Ainsi, pour donner corps à son propos et s’assurer de l’effective division de l’opposition, Bachar el-Assad favorise sa radicalisation en éliminant ses éléments modérés démocrates et laïques et en relâchant les radicaux islamistes.
Alors qu’il tente d’éliminer sans ménagement les militants unicistes et non violents – qui prennent en défaut la propagande du régime dénonçant un complot de groupes armés islamistes extrémistes – fin mars 2011, il libère de sa prison de Saidnaya 150 djihadistes impliqués dans le conflit irakien, dont certains ont combattu avec al-Qaida[28]. Ces combattants islamistes constitueront le commandement de plusieurs groupes armés émergeant début 2012, notamment le Jabhat al-Nosra. L’utilisation d’acteurs violents pour diviser et mieux régner est une stratégie dont la famille Assad a toujours fait usage.
Plusieurs figures modérées de l’opposition sont assassinées, comme Mechal Tamo, opposant et figure de l’opposition kurde. En effet, le fondateur du parti kurde Le Courant du futur, considérant les Kurdes comme faisant partie intégrante du peuple syrien, défendait au sein du Conseil National Syrien qu’il avait contribué à créer, une co-citoyenneté arabe et kurde syrienne faisant valoir les mêmes droits pour tous[29].
La violence inouïe à laquelle les manifestants sont confrontés a pour but de les dissuader de s’engager d’avantage dans la contestation. Aucun parti, association ou syndicat n’étant à l’origine de la mobilisation, le régime ne peut cibler précisément un quelconque leader pour juguler la contestation. Il tente donc de dissuader les manifestants en augmentant la prise de risque associée à un engagement dans les rangs du soulèvement. Les médecins sont officiellement interdits de prendre en charge des manifestants blessés. Ceux qui désobéissent sont abattus. La torture est systématisée, les manifestations sont écrasées brutalement et la violence s’exerce de plus en plus collectivement et radicalement. Le rapport César – issu des documents exfiltrés par un fonctionnaire syrien ayant fait défection et expertisés par Human Rights Watch – contient les photos d’au moins 11000 cadavres de personnes torturées à morts en moins de deux ans rien que dans les prisons de Damas[30]. Le dernier rapport d’Amnesty international fait état d’au moins 13000 personnes tuées dans la prison de Saidnaya en 5 ans. Les proches des contestataires sont menacés, ce qui motive de nombreuses entrées dans la clandestinité.
Cependant face à l’ampleur de la contestation, l’appareil sécuritaire est rapidement débordé et le gouvernement doit s’appuyer sur des milices formées de chabbiha opérant hors de toute procédure régulière pour terroriser la population.
Les témoignages de hauts-gradés déserteurs rapportent comment, dès le début du soulèvement, le régime crée des commissions parallèles aux structures officielles dont le but est d’organiser l’escalade de la violence afin d’accélérer la militarisation de l’opposition et ainsi justifier sa répression dans le sang. Elle planifie par exemple la dissémination d’agents armés parmi les manifestants qui tirent sur la foule et créent la panique. Un général déserteur de l’armée prend l’exemple de la manifestation du 1er juillet à Hama :
« Aucun des manifestants n’était armé. Mais, alors que la foule était parvenue sur la place de l’Oronte, à près de 300 mètres de l’endroit où je me trouvais, des coups de feu ont éclaté. Ils provenaient, selon une enquête de la police à laquelle j’ai eu accès, d’une vingtaine d’éléments, 22 exactement, de la Sécurité militaire, auxquels s‘était joint un membre de la Sécurité d’Etat. Tous adjudants-chef et tous kurdes alaouites, ils avaient été amenés d’al-Yaroubieh, puis répartis et dissimulés en plusieurs endroits. Mohammed Muflih comme moi- même avons été surpris de cette intervention injustifiée. Elle contrevenait à toutes les consignes et elle s’est soldée par des dizaines de morts ! »[31].
Ces comités organisent également des attentats spectaculaires visant à éviter le ralliement des minorités et à dissuader les Syriens de rejoindre la protestation.
Devant la propagation rapide et massive de la contestation, le régime déploie son armée en renfort de la police et des services de renseignement : chars, tirs d’artillerie, sièges des quartiers insurgés, voire de villes entières, bombardements, le tyran déclare la guerre à son peuple et commet des destructions massives. Le régime s’attache à maintenir un niveau de violence toujours très supérieur à celui de ses opposants. La multiplication des foyers de contestation rend les opérations difficiles et après avoir assiégé et massacré les habitants d’une ville insurgée durant quelques jours, l’armée se retire pour aller purger un autre lieu mobilisé. Deraa, Banyas, Homs, les quartiers sunnites de Lattaquié, Hama, Rastan et bien d’autres villes subissent des offensives extrêmement violentes, puis sont laissées livrées à elles-mêmes dans les décombres. Human Rights watch dénombre 207 morts à Homs rien que pour le mois de septembre 2011 et à la fin de l’été, les bombardements sur Homs font 200 victimes parmi les manifestants en 3 jours seulement[32]. L’efficacité relative de cette stratégie pour faire taire la contestation ainsi que les désertions au sein de l’armée amènent le régime à mettre en place un blocus des villes insurgées pour affamer la population et à systématiser les bombardements qui ont l’avantage de provoquer moins de désertions car ne ils confrontent pas directement l’armée aux civils. L’excuse systématiquement invoquée par Bachar el-Assad pour justifier cette politique de la terre brûlée est la présence supposée de « groupes terroristes » qui seraient à l’origine des insurrections.
Finalement, à la fin de l’année 2011, l’armée complètement dépassée se voit contrainte d’abandonner de nombreux territoires, d’évacuer la plupart des villes en rébellion et les forces de l’ordre ne se rendent plus dans les quartiers auto-construits d’Alep et de Damas où sont concentrées les contestataires – dont nombre d’entre eux sont passés dans la clandestinité – et les administrations autogérées révolutionnaires. Un ingénieur de Deraa rapporte son expérience :
« A l’automne 2011, lorsque j’ai vu ma photo à la télé et ma tête mise à prix, tout a basculé pour moi. Je me suis réfugié dans le quartier de Tariq al-Sad à Deraa, où la police ne rentrait plus en raison de la présence de révolutionnaires armés. Il s’agissait d’un lieu bien protégé où les révolutionnaires se rassemblaient, s’organisaient. J’ai pu rejoindre un groupe et continuer mes activités sur internet »[33].
Au printemps 2012, quand le gouvernement décrète que tous les hommes aptes à combattre doivent rejoindre l’armée, de nombreux appelés refusant de rejoindre les casernes sont contraints d’entrer eux aussi dans la clandestinité sous peine d’être fusillés. Face à l’extrême violence de la répression et l’impossibilité de négocier avec un régime qui refuse de laisser la place, les insurgés sont confrontés à un choix restreint : l’exil, la lutte armée ou la mort.
Militarisation du conflit
La présence de groupes armés reste très marginale jusqu’à l’été 2011. Le passage à la lutte armée ne se généralise que fin 2011. Il se fait à partir d’initiatives locales spontanées qui s’inscrivent dans la plupart des cas dans la continuité des groupes d’autodéfense qui se sont constitué durant l’été et qui protègent les manifestations des milices du régime. Pistolets et fusils à chevrotine apparaissent et permettent aux cortèges de se déplacer plus sereinement et à nouveau en nombre. Lorsque les déserteurs commencent à rejoindre les contestataires et à assurer leur protection, les manifestations prennent une ampleur considérable – notamment à Homs – et l’armée se voit contrainte d’évacuer certains quartiers dont les habitants reviennent grossir les rangs insurgés.
Pour autant, l’usage des armes fait débat au sein des groupes de défense. Pour certains, la garantie de la réussite du mouvement contestataire réside dans sa forme non-violente. D’autres consentissent à un usage purement défensif visant à permettre la marche des cortèges dans de meilleures conditions de sécurité. Enfin, le déroulement des évènements dans les autres pays arabes insurgés amènent certains révolutionnaires à penser que le chute du régime ne peut avoir lieu qu’en menant une offensive armée contre ses positions clés. Au sein des comités locaux révolutionnaires, ces trois positions traversent les débats stratégiques sur les formes de luttes à adopter avec en surplomb l’ensemble des risques qu’entraine un passage à la lutte armée. Finalement, le même modèle se répète dans tout le pays :« après avoir tenté de protéger les manifestations, les protestataires prennent les armes avec l’aide de déserteurs en réaction aux opérations du régime »[34].
Les premières opérations armées visent des postes militaires isolés, des patrouilles et des commissariats. Les objectifs vont de la libération de prisonniers politiques à la saisie d’armes et parfois jusqu’au retrait de l’armée dans certains quartiers. Objectifs parfois difficiles à atteindre en raison de l’inexpérience des insurgés et surtout du manque lancinant de moyens qui perdurera tout au long du conflit :
« Recherchés par la police, nous étions réfugiés à l’extérieur de la ville et la décision d’attaquer directement l’armée à Azaz et a été un choix collectif. Nous avions d’abord essayé de protéger les manifestations avec des armes. Celles du 15 et du 23 février 2012 ont été des succès avec plus de 17000 personnes dans les rues d’Azaz. Mais le régime a ensuite envoyé beaucoup de soldats avec des chars, des douchka (mitrailleuses lourdes). Manifester est devenu suicidaire tant il y avait des arrestations. La population a fui la ville. C’est ainsi qu’on a décidé d’attaquer. Nous savions que nous étions recherchés et ce n’était qu’une question de temps avant d’être pris. Mais notre groupe était très mal organisé, avec seulement deux pistolets, trois AK-47 et quelques bombes artisanales. Il nous a fallu du temps pour nous préparer. La première attaque contre un poste de police à Azaz a échoué faute d’organisation et de munitions. Sur 300 personnes de notre groupe, seuls 60 avaient une arme. La seconde attaque a également été un désastre. Nous avions des RPG mais ils n’ont pas fonctionné et nous avons du nous enfuir devant les chars »[35].
Un cercle vertueux se met en place pour la rébellion, la multiplication des lieux insurgés et le ralliement de nombreux révolutionnaires et de déserteurs entrainent une multiplication des groupes armés (plusieurs centaines) qui débordent un régime dont les ressources et l’encadrement s’avèrent insuffisants. Les affrontements se normalisent dès l’hiver 2011-2012 installant durablement la logique insurrectionnelle au sein des groupes rebelles qui limitent souvent leur action à la défense de positions contre l’armée du régime. Les déserteurs aident les insurgés à créer les premiers bataillons d’ampleur : la Katibat Khalid ibn al-Walid et la Katibat al-Faruq. Plutôt que de mener des attaques frontales, les groupes armés profitent des replis des forces du gouvernement et ciblent les zones où le régime ne dispose pas de troupes suffisantes. En février 2012, les villages du nord d’Alep sont libérés. Au début de l’été 2012, c’est au tour d’Azaz, de al-Bab et d’autres villages de passer aux mains des rebelles. En juillet et août, l’insurrection prend le contrôle de plusieurs quartiers de Damas puis de la moitié d’Alep. En dix-huit mois, les insurgés libèrent plus de la moitié du territoire syrien. A la fin de l’été, le régime d’Assad semble sur le point de tomber. Deir ez-Zor et Raqqa passent également sous le contrôle de l’insurrection. Privée d’armement lourd et d’équipement anti-aérien, l’Armée syrienne libre ne peut s’engager avec les quelques kalachnikovs que les déserteurs ont emporté avec eux contre les dernières villes-bastions du régime lourdement armé et dans lesquelles l’armée officielle se retranche.
Le conflit s’installe alors dans la durée et l’issue dépend désormais de la capacité de chaque camp à mobiliser des ressources sur le long terme. Progressivement, le conflit se territorialise et des fronts apparaissent. D’aspect diffus et en mosaïque, l’espace du conflit prend en 2013 un aspect plus territorial avec l’émergence de fronts ainsi que de zones insurgées et de zones sous contrôles du régime géographiquement stabilisées. Les révolutionnaires contrôlent principalement des régions du nord et du sud du pays, non loin des frontières. L’utilisation de l’aviation pour détruire les bases arrières des rebelles, afin d’empêcher leur approvisionnement, va s’avérer être une tactique efficace pour le régime. Mais c’est l’afflux de centaines de milliers de combattants étrangers iraniens et du Hezbollah qui expliquera un recul très franc du front révolutionnaire en 2013 et 2014. En effet, l’armée du régime, dépassée et affaiblie par les désertions, sous-traite désormais son action militaire à des milices étrangères. Une modification progressive de l’anatomie interne de l’opposition va se faire à la faveur du régime qui reprend à l’automne 2014 l’essentiel des régions du nord. Fin 2014, les fronts se stabilisent.
La militarisation et tous ses maux sont une conséquence directe de la façon dont le régime a répondu à la contestation. Mais même sur ce terrain, à l’été 2012, les révolutionnaires ont été en passe de renverser Assad. L’intervention de puissances étrangères ont cependant profondément changé la donne, avec à la clé un prolongement de l’état de guerre civile. Contrairement à l’Egypte, à la Tunisie et à la Libye où les insurgés ont rapidement pu conquérir les institutions suite à la chute de leur régime, l’installation dans la durée du conflit en Syrie oblige les quartiers et villes rebelles à s’administrer eux-mêmes. En effet, les blocus, l’état de siège ou l’abandon des zones insurgées par le régime de Damas contraint les civils à créer leurs propres institutions et à s’autogérer. Comités de coordination, comités locaux, cours de justice, hôpitaux, circuits alimentaires, le peuple insurgé livré à lui même s’organise[36].