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Documents - Page 33

  • Vous ne pouvez pas comprendre l'État islamique sans connaître l'histoire du Wahhabisme en Arabie saoudite (Le Huffington Post)

    L'irruption spectaculaire de l'Etat islamique (EI) sur le devant de la scène irakienne a surpris nombre d'observateurs occidentaux.

    Sa violence et son pouvoir d'attraction chez les jeunes Sunnites en déconcertent et en horrifient plus d'un. L'ambivalence de l'Arabie saoudite face à ce phénomène, d'autant plus inquiétante et inexplicable, pose la question de savoir si les Saoudiens comprennent que l'EI est également une menace pour eux.

    Même aujourd'hui, les dirigeants du royaume semblent divisés. Certains se réjouissent que EI combatte le "feu" des Chiites iraniens par celui des Sunnites, qu'un nouvel Etat sunnite prenne forme au cœur de ce qu'ils tiennent pour des terres historiquement sunnites, et que la stricte adhérence à l'idéologie salafiste de l'EI s'apparente à celle que pratiquent les Saoudiens.

    D'autres, plus pessimistes, gardent en mémoire la révolte des Wahhabites de l'Ikhwan contre Abd-al Aziz (précisons que l'Ikhwan en question n'a aucun lien avec l'organisation éponyme des Frères musulmans, et que cet article fait exclusivement référence à la milice wahhabite, N.d.a.) qui a failli marquer la fin de ce mouvement et celui de la dynastie saoudienne à la fin des années 1920.

    D'autres encore s'inquiètent des doctrines radicales de l'EI, et commencent à remettre en question certains aspects de la politique et du discours saoudiens.

    LA DUALITÉ SAOUDIENNE

    Les dissensions internes et les tensions saoudiennes autour de l'EI ne se comprennent qu'à travers le prisme de la dualité historique inhérente (et tenace) au cœur de la doctrine du royaume.

    Un élément dominant de l'identité saoudienne est directement lié à Muhammad ibn ʿAbd al-Wahhab (fondateur du wahhabisme), et à l'application de sa doctrine radicale puritaine d'exclusion par Ibn Saud (qui n'était alors qu'un chef de tribu parmi d'autres quand les Bédouins se faisaient continuellement la guerre dans le désert impitoyable du Nejd).

    Le deuxième élément de cette dualité étonnante est incontestablement dû à la création d'un État souverain par le roi Abd-al Aziz dans les années 1920 : il a réprimé la violence de l'Ikhwan (afin de pouvoir instaurer des relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis) et institutionnalisé l'élan initial wahhabite - en prenant opportunément le contrôle du robinet à pétrodollars dans les années 1970 afin de rediriger les excès de l'Ikhwan vers les pays étrangers - par le biais d'une révolution culturelle, plutôt que par une révolution violente de l'ensemble du monde arabe.

    Cette "révolution culturelle" n'avait rien d'un mouvement réformiste bénin. C'était une révolution fondée sur la haine quasi-jacobine d'Abd al-Wahhab envers la putrescence et le déviationnisme qu'il percevait autour de lui, ce qui explique ses appels à purger l'Islam de toutes ses hérésies et idolâtries.

    LES IMPOSTEURS MUSULMANS

    L'écrivain et journaliste américain Steven Coll a expliqué comment Abd al-Wahhab, disciple austère et dogmatique du savant Ibn Taymiyyah (XIVe siècle), méprisait "la noblesse égyptienne et ottomane bien comme il faut, prétentieuse, fumeuse de tabac et de haschisch, qui traversait l'Arabie en jouant du tambour pour aller prier à La Mecque".

    Aux yeux d'Abd al-Wahhab, ces gens-là n'étaient pas des Musulmans, mais des imposteurs. Il ne portait pas non plus les Bédouins du coin en très haute estime. Ils l'agaçaient en honorant des saints, en érigeant des pierres tombales, et en se montrant "superstitieux" (ils allaient notamment se recueillir sur des tombes ou des lieux qu'ils estimaient sacrés).

    Pour Abd al-Wahhab, ce genre de comportement était "bida", une hérésie.

    Comme Taymiyyah avant lui, Abd al-Wahhab pensait que le séjour du prophète Mohammed à Médine correspondait à un idéal de société musulmane (la "meilleure de tous les temps") que tous les Musulmans devraient s'efforcer de retrouver (c'est, à peu de choses près, la définition du salafisme).

    Taymiyyah avait déclaré la guerre aux Chiites, aux Soufis et aux philosophes grecs. Il avait également condamné les pèlerinages sur la tombe du prophète et les festivités liées au jour de sa naissance, estimant qu'ils ne faisaient qu'imiter les rites idolâtres chrétiens. Abd al-Wahhab s'était emparé de ces théories initiales, déclarant que quiconque ne respecterait pas à la lettre cette interprétation de l'Islam devrait "craindre pour ses biens et pour sa vie".

    L'un des principes fondamentaux de la doctrine d'Abd al-Wahhab se retrouve dans le takfîr. Ce texte permettait à Abd al-Wahhab et ses disciples de décider qui, parmi leurs coreligionnaires, méritaient d'être considérés comme des infidèles s'ils empiétaient de quelque manière que ce soit sur la souveraineté absolue du roi. Abd al-Wahhab dénonçait les Musulmans qui vénéraient les morts, les saints ou les anges. Il estimait que ces croyances les détournaient de l'indispensable soumission totale envers Dieu, et Lui seul. L'Islam wahhabite interdisait donc les prières aux saints et aux morts, les pèlerinages sur les tombes et les mosquées, les festivals religieux qui honoraient les saints, la célébration de la naissance du prophète Mohammed, et même l'utilisation de pierres tombales.

    "Ceux qui ne se conforment pas à cette interprétation doivent être tués, leurs femmes et leurs filles, violées, et leurs biens, confisqués".

    Abd al-Wahhab exigeait que l'on se conformât, de manière physique et tangible. Il pensait que chaque Musulman était tenu de faire serment d'allégeance à un chef unique (un calife, le cas échéant). "Ceux qui ne se conforment pas à cette interprétation doivent être tués, leurs femmes et leurs filles, violées, et leurs biens, confisqués", écrivait-il. La liste des apostats condamnés à mort incluait des Chiites, des Soufis et des Musulmans d'autres confessions, qu'Abd al-Wahhab ne considérait pas comme des vrais musulmans.

    De ce point de vue, il n'y a aucune différence entre le wahhabisme et l'EI. La rupture ne s'est faite que plus tard, au moment de l'institutionnalisation de la doctrine de Muhammad ibn ʿAbd al-Wahhab ("Un seul chef, un seul pouvoir, une seule mosquée", les trois piliers du wahhabisme dans lesquels on s'accorde à voir le roi d'Arabie saoudite, le pouvoir absolu de la religion d'Etat, et son contrôle sur "le verbe", c'est-à-dire la mosquée).

    C'est cette rupture - le refus de reconnaître ces trois piliers, sur lesquels repose entièrement le pouvoir sunnite - qui fait de l'EI une grave menace pour l'Arabie saoudite, bien que l'organisation se conforme par ailleurs en tout point au wahhabisme.

    PETIT COURS D'HISTOIRE (1741-1818)

    Les positions extrémistes d'Abd al-Wahhab finirent par le condamner à l'exil et, en 1741, après une longue errance, il trouva refuge auprès d'Ibn Saud et de sa tribu. Dans le discours novateur d'Abd al-Wahhab, Ibn Saud percevait un moyen de rejeter les traditions et conventions arabes, et de s'emparer du pouvoir.

    "Leur stratégie - comme l'EI aujourd'hui - était d'asservir les peuples des territoires conquis, de préférence par la terreur."

    Le clan d'Ibn Saud, paré de la doctrine d'Abd al-Wahhab, pouvait désormais se livrer à ce qu'il avait toujours fait, c'est-à-dire au pillage des villages alentour. Affranchi du cadre de la tradition arabe, il se revendiquait à présent du jihad. Ibn Saud et Abd al-Wahhab avaient également réintroduit le concept du martyr dans le jihad, puisqu'il leur assurait l'accès immédiat au Paradis.

    Dans les premiers temps, ils s'emparèrent de quelques communautés et y imposèrent leur loi (les habitants avaient un choix - des plus limités - entre la conversion au wahhabisme ou la mort). Dès 1790, l'Alliance contrôlait la quasi-totalité de la péninsule arabe et menait des expéditions répétées contre Médine, la Syrie et l'Irak.

    Leur stratégie - comme l'EI aujourd'hui - était d'asservir les peuples des territoires conquis, de préférence par la terreur. En 1801, ils attaquèrent la ville sainte de Karbala, en Irak, et se livrèrent aux massacre de milliers de Chiites, hommes, femmes et enfants. De nombreux sanctuaires chiites furent détruits, y compris celui de l'imam Hussein, le petit-fils assassiné du prophète Mohammed.

    Décrivant la situation, le lieutenant britannique Francis Warden écrivit : "Ils ont totalement dévasté Karbala, pillé la tombe d'Hussein (...) et massacré plus de cinq mille personnes en une seule journée, avec une cruauté extraordinaire..."

    Osman Ibn Bishr Najdi, l'historien du premier Etat saoudien, détailla les circonstances de ce massacre : "Nous nous sommes emparé de Karbala, dont nous avons massacré les habitants. Les survivants ont été réduits en esclavage, à la grâce d'Allah, Seigneur de l'univers. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli, et nous disons aux infidèles qu'ils subiront le même sort."

    En 1803, Abdul Aziz entra dans la ville sainte de La Mecque, dont les habitants, cédant à la terreur et à la panique, s'étaient rendus (la même chose allait se produire à Médine). Les partisans d'Abd al-Wahhab détruisirent plusieurs monuments historiques, ainsi que toutes les tombes et sanctuaires qu'ils contenaient. A l'issue des combats, des siècles d'architecture islamique avaient été réduits en poussière près de la Grande Mosquée.

    Mais, en novembre de la même année, un Chiite assassina le roi Abdul Aziz pour se venger du massacre de Karbala. Le fils de la victime, Saud bin Abd al Aziz, lui succéda et poursuivit sa conquête de l'Arabie. Les chefs ottomans ne pouvaient cependant plus se contenter de voir leur Empire grignoté peu à peu. En 1812, l'armée ottomane, composée d'Egyptiens, reprit Médine, Djeddah et La Mecque. En 1814, Saud bin Abd al Aziz mourut des suites d'une forte fièvre. Son malheureux fils, Abdullah bin Saud, fut emmené de force à Istanbul, où il fut exécuté d'une manière particulièrement horrible : un visiteur de passage explique l'avoir vu traîné dans les rues d'Istanbul trois jours durant, avant d'être pendu puis décapité. Sa tête fut ensuite tirée par un canon, tandis que son cœur était extirpé et planté sur sa dépouille.

    En 1815, les forces wahhabites furent écrasées par les Egyptiens (sous les ordres des Ottomans) lors d'une bataille décisive. Trois ans plus tard, les Ottomans s'emparèrent de la capitale wahhabite, Dariya, qu'ils détruisirent entièrement. Le premier Etat saoudien avait vécu. Les quelques survivants se retirèrent dans le désert, où ils ne firent plus parler d'eux jusqu'au XXe siècle.

    L'HISTOIRE SE RÉPÈTE AVEC L'EI

    Il est aisé d'imaginer la façon dont la création d'un Etat islamique dans les frontières de l'Irak contemporaine peut être perçue par ceux qui connaissent de l'Histoire de cette région. La philosophie du wahhabisme du XVIIIe siècle, loin de s'éteindre à Nejd, a ressurgi dans les décombres de l'Empire ottoman suite au chaos de la Première guerre mondiale.

    La dynastie Al Saud - sous sa forme contemporaine - était conduite par le laconique Abd-al Aziz, habile politicien, qui sut unir les différentes tribus bédouines et instauré l'Ikhwan saoudien, dans l'esprit des combattants prosélytes d'Abd-al Wahhab et Ibn Saud.

    L'Ikhwan était une réincarnation de l'ancienne mouvance cruelle et semi-indépendante, composée de fervents "moralistes" wahhabites armés, qui avaient réussi à conquérir l'Arabie au début du XVIIIe siècle. Encore une fois, les militants réussirent à s'emparer de La Mecque, Médine et Djeddah entre 1914 et 1926. Mais Abd-al Aziz comprit rapidement que ses intérêts étaient incompatibles avec le jacobinisme révolutionnaire de l'Ikhwan. Les rebelles se révoltèrent, faisant plonger la région dans une guerre civile qui dura jusque dans les années 1930, quand le roi les fit passer par les armes.

    Pour Abd-al Aziz, les vérités simples des précédentes décennies n'étaient plus d'actualité. Du pétrole venait d'être découvert dans la péninsule. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis le courtisaient, mais continuaient à soutenir Sharif Husain, seul souverain légitime. Les Saoudiens avaient besoin d'élaborer une nouvelle approche diplomatique.

    Le wahhabisme, mouvement djihadiste révolutionnaire empreint de pureté théologique, fut donc contraint de devenir un mouvement socialement, politiquement, théologiquement et religieusement conservateur, justifiant de faire allégeance à la famille royale saoudienne et au pouvoir absolu du roi.

    LA FORTUNE PÉTROLIÈRE RÉPAND LE WAHHABISME

    L'aubaine pétrolière permit aux Saoudiens, selon les termes du politologue français Gilles Kepel, de répandre le wahhabisme à travers le monde musulman, de "wahhabiser" l'Islam, et de réduire ainsi la multitude des courants de cette religion à un principe unique transcendant les divisions nationales. Des milliards de dollars furent -- et continuent à être -- investis dans cette forme de puissance par cooptation.

    Ce sont ces sommes étourdissantes -- et l'enthousiasme des Saoudiens à faire coïncider les intérêts de l'Islam sunnite avec ceux des Etats-Unis, tout en répandant le wahhabisme dans les sphères éducatives, sociales et culturelles islamiques -- qui ont créé les conditions d'une dépendance de l'occident envers l'Arabie saoudite, dépendance qui perdure depuis la rencontre entre Abd-al Aziz et Roosevelt sur un navire de guerre américain ramenant le président de la conférence de Yalta.

    Les Occidentaux ont regardé le Royaume, et ils ont vu des richesses innombrables, une apparente modernité et une influence autoproclamée sur l'ensemble du monde musulman. Ils ont choisi de croire que le Royaume allait succomber aux impératifs du monde moderne, et que la gestion de l'Islam sunnite aurait également un effet positif.

    "D'un côté, l'EI est profondément wahhabite. De l'autre, son ultraradicalisme ne s'apparente pas à ce mouvement. On pourrait l'envisager comme un retour de balancier face au wahhabisme moderne."

    Mais l'idéal religieux de l'Ikhwan saoudien ne s'est pas éteint dans les années 1930. Il a battu en retraite tout en maintenant son emprise sur certains des rouages du système, ce qui explique la dualité que nous observons aujourd'hui dans l'attitude des Saoudiens envers l'EI.

    D'un côté, l'EI est profondément wahhabite. De l'autre, son ultraradicalisme ne s'apparente pas à ce mouvement. On pourrait l'envisager comme un retour de balancier face au wahhabisme moderne.

    L'EI est un mouvement "post-médinien" : il cherche à imiter les deux premiers califes, plutôt que le prophète Mohammed, et il refuse de reconnaître la légitimité du régime saoudien.

    Pendant que la monarchie saoudienne se boursouflait à l'ère du pétrole, le message de l'Ikhwan a gagné du terrain (en dépit de la campagne de modernisation du roi Faisal). La "méthode Ikhwan" a bénéficié -- et bénéficie encore -- du soutien d'hommes et femmes influents, et de cheikhs. D'une certaine façon, Oussama ben Laden était l'incarnation parfaite de cette méthode.

    Aujourd'hui, le travail de sape de l'EI contre le royaume saoudien n'est pas perçu comme un problème, mais comme un retour aux véritables origines du projet wahhabite saoudien.

    En laissant les Saoudiens gérer la région avec eux tandis qu'ils s'adonnaient à leur nombreux projets (contrer les influences socialistes, ba'athistes, nasséristes, soviétiques et iraniennes), les Occidentaux ont révélé leur vision de l'Arabie saoudite -- richesse, modernisation et position dominante -- mais choisi d'ignorer l'élan wahhabite.

    Car, pour les services de renseignement occidentaux, les mouvements islamistes les plus radicaux étaient les mieux placés pour éreinter l'URSS en Afghanistan, et renverser les chefs d'Etat et les pays de la région qui n'avaient plus les faveurs de l'Occident.

    Au regard de ces éléments, pourquoi sommes-nous étonnés de voir émerger un mouvement révolutionnaire ultraviolent sur les ruines du corps expéditionnaire du Prince Bandar, mandaté par l'Occident et l'Arabie saoudite pour porter secours aux rebelles syriens dans leur combat contre le président Assad ? Et pourquoi sommes-nous étonnés -- quand on connaît un peu le wahhabisme -- de constater que les rebelles "modérés" en Syrie sont une denrée inexistante ? Comment a-t-on pu penser que le wahhabisme radical engendrerait un mouvement modéré ? Ou que la doctrine "Un seul chef, un seul pouvoir, une seule mosquée : soumettez-vous ou préparez-vous à mourir" pourrait conduire à la modération et à la tolérance ? A moins que nous n'ayons tout simplement pas réfléchi.

    Publication: 04/09/2014 06h10 CEST Mis à jour: il y a 5 heures

    http://www.huffingtonpost.fr/alastair-crooke/etat-islamique-arabie-saoudite_b_5761184.html?utm_hp_ref=france

  • Nouveautés sur AFPS

     
     
  • Syrie. Un «accord» qui traduirait un mépris continu pour ceux et celles qui luttent contre Da’ech et Bachar (A l'Encontre)

    La menace que l’Etat islamique (Da’ech) fait aujourd’hui peser en Irak et en Syrie a finalement contraint les Etats-Unis et les Etats démocratiques à prendre la mesure des dangers auxquels les exposait leur indifférence prolongée pour les souffrances du peuple syrien.

    Alors qu’ils pourraient être obligés de sortir bientôt de leur indécision, principale raison de leur immobilisme, il est cocasse de lire ou d’entendre des hommes politiques, des députés, des chercheurs et des experts suggérer à ces mêmes Etats de faire confiance, s’ils devaient intervenir en Syrie, au… Costa Concordia!

    Comme cet ex-fleuron de la marine de plaisance, Bachar al-Assad, au profit duquel ils plaident explicitement ou implicitement en dressant de lui un tableau flatteur déconnecté de la réalité, ne se maintient à la surface depuis la fin de l’année 2012 que grâce aux énormes flotteurs qu’ont constitué pour lui les milliers de mercenaires recrutés du Liban à l’Afghanistan, avec l’aide de l’Iran dans l’ensemble du monde chiite [1]. En dépit de leur taille, ces adjuvants inélégants risquent d’être bientôt insuffisants pour empêcher le navire de sombrer, les défaites militaires consécutives subies par les forces du pouvoir provoquant des remous et des critiques contre le capitaine du bateau, dont les compétences sont mises en doute à haute voix par des membres mêmes de son équipage.

    Brefs rappels adressés aux «chantres de la victoire» de Bachar

    A ceux qui, pour influencer les arbitres de la situation en faveur de leur poulain, affirment que les forces de Bachar al-Assad sont dans «une dynamique de victoire» et qui se déplacent d’une chaîne de radio à l’autre en chantant sur l’air des lampions «Bachar il a gagné, Bachar il a gagné», on rappellera brièvement que:

    désignée objectif prioritaire après la reconquête de Qousseir, au début du mois de juin 2013, la ville d’Alep reste en majorité entre les mains de l’Armée syrienne libre et de ses alliés;

    la prise de Yabroud n’a nullement mis fin à la résistance du Qalamoun, dans lequel les groupes armés font subir au Hizbollah et à l’armée régulière de lourdes pertes, les morts seuls se comptant par centaines;

    en dépit de bombardements quotidiens et du recours à des gaz asphyxiants, les forces pro-régimes ne sont pas encore parvenues à s’emparer de certains quartiers de Damas et de quelques agglomérations du gouvernorat de Damas campagne, auxquelles elles n’ont d’autre solution que de proposer des trêves;

    les «rebelles» ont progressé ces dernières semaines dans le gouvernorat de Daraa, en dépit des difficultés qu’ils rencontrent dans leurs relations avec le Front de Soutien (Front Al-Nosra);

    Le régime est en passe d’être chassé de celui de Qouneitra et en particulier de la zone tampon avec les forces israéliennes;

    après la prise de Morek, les révolutionnaires avancent aujourd’hui dans le gouvernorat de Hama en direction de son aéroport militaire;

    l’aéroport de Deïr al-Zor est désormais sous la menace directe d’une opération de l’Etat islamique qui mettrait fin à toute présence du régime dans ce gouvernorat aussi…

    Au cours des mois de juillet et d’août 2014, l’Etat islamique s’est emparé des dernières implantations de l’armée régulière dans le gouvernorat de Raqqa, capturant et exécutant dans la foulée plus d’un millier de soldats et d’officiers, dans une stratégie de terreur destinée à démontrer tout à la fois sa force, sa résolution et son impunité. Or, si la cruauté manifestée à cette occasion par le groupe radical a choqué l’ensemble des Syriens, elle est aussi à l’origine de critiques extrêmement sévères de partisans inconditionnels du pouvoir en place contre les plus hauts responsables de l’Etat-major et de la Défense.

    Elles visent en réalité, sans pouvoir la nommer, la personne même de Bachar al-Assad, commandant en chef de l’Armée et des Forces armées syriennes, qui porte la responsabilité de toutes les décisions politiques, sécuritaires et militaires en Syrie. Elles témoignent d’une perte de confiance dans les rangs des soutiens traditionnels du régime, qui prennent enfin conscience que leur vie et celle de leurs proches comptent peu pour celui dont la seule préoccupation, en dépit de l’accumulation des morts et de l’aggravation quotidienne des destructions, est de se cramponner ad vitam aeternam à son poste et à ses privilèges.

    La cousine de Bachar, Falak al-Assad, s’interroge publiquement

    La première salve de critiques ou du moins la plus bruyante a été tirée après la chute du camp de la 17e division entre les mains de Da’ech, le 24 juillet. Ce qui a particulièrement attiré l’attention, c’est qu’elle était l’œuvre d’une parente du chef de l’Etat, sa cousine Falak al-Assad, fille de Jamil al-Assad et d’Amina Aslan. Mariée à un autre cousin, Qousaï Ali Aslan, elle a laissé libre cours à sa colère le 26 juillet, au lendemain de la diffusion par Da’ech d’une photo montrant le cadavre décapité du colonel Samir Aslan, l’un de ses cousins par alliance, qui était à la fois le chef de la Sécurité militaire à Raqqa et l’officier responsable de la 17e Division.

    Elle écrivait: «A quelques jours de distance, chute du champ pétrolier d’al-Cha’er et désastre de la 17ème Division… Ces jours ont suffi pour mettre en lumière l’extrême faiblesse des responsables militaires, sécuritaires et médiatiques, qui ne pensent à rien d’autre qu’à se remplir les poches, fut-ce au détriment du sang des martyrs… Où sont les grands chefs militaires? Cela faisait 2 ans que la division était encerclée. Da’ech avait annoncé qu’elle s’en emparerait avant la fête… Où sont passés le soutien, les avions, les armes stratégiques? A moins que leur rôle se réduise à récupérer et à voler? La sécurité n’a-t-elle pour mission que de rechercher ceux qui ont fait l’objet de rapports, de poursuivre les détenteurs de dollars et de les rançonner, à inventer des histoires et à terroriser les simples citoyens et les commerçants, à faire du business et de la contrebande dans les ports et les aéroports? Si les fils de responsables se trouvaient avec leurs camarades au service de la Patrie, nous l’aurions certainement déjà emporté… Il n’y aura de victoire que lorsque des hommes honorables seront installés aux postes de décision».

    Son exaspération envers les responsables militaires, dont l’incompétence ou la corruption avaient contribué à l’issue dramatique des combats pour la possession du camp, était justifiée par les interrogations sur les circonstances exactes de sa capture et le sort de ses occupants.

    Pourquoi le régime n’avait-il pas répondu aux appels à l’aide lancés par les officiers qui savaient l’attaque imminente? Pourquoi les bombardiers du régime avaient-ils interrompu leurs vols de soutien après quelques passages, au cours de la journée du 24 juillet, tirant davantage sur la ville de Raqqa que sur les forces de Da’ech? Comment une petite centaine d’officiers et de soldats étaient-ils parvenus à gagner à pied le casernement du 93ème régiment, à près de 45 kilomètres, alors que la région est tenue et quadrillée par le groupe radical? Le camp abritant quelque 1500 militaires au moment de sa capture, qu’était-il advenu de ceux dont les noms ne figuraient ni parmi les victimes (105), ni parmi les rescapés (97) ?

    Malaise dans la famille: le silence s’impose

    Une autre salve est venue d’un autre cousin du chef de l’Etat, Douraïd al-Assad, dont le père n’est autre que Rifaat al-Assad et dont la mère appartient à la famille Makhlouf. Il a lui aussi laissé éclater son irritation en réclamant sur sa page Facebook, le 28 août 2014, au lendemain de la chute de la base de Tabqa, dernière emprise du régime dans le gouvernorat, «la mise à pied du ministre de la défense, celle du chef d’état-major, celle du commandant des forces aériennes, celle du ministre de l’Information, et celle de tous ceux qui sont impliqués dans la chute de l’aéroport militaire de Tabqa et qui portent la responsabilité de la capture et de l’assassinat de centaines de soldats de l’armée arabe syrienne. Ils doivent être déférés devant une cour spéciale».

    Le nom même de Bachar al-Assad n’a évidemment été mentionné ni par l’un, ni par l’autre de ses cousins. Mais le destinataire ultime de leurs messages d’insatisfaction ne fait aucun doute. Lorsqu’ils demandent le limogeage du général Fahd al-Freij, le ministre de la Défense surnommé par les partisans du régime «ministre de la Mort», et le renvoi du général Ali Abdallah Ayyoub, le chef d’état-major, ils sont bien placés pour savoir que les intéressés n’ont «aucun pouvoir et ne peuvent prendre une décision de quelque importance sans en référer au chef suprême des Armées, Bachar al-Assad, qui détient seul, avec les chefs des services de renseignements, la capacité de décider». (All4Syria). La personne du chef de l’Etat étant sacrée et celle de ses collaborateurs devant être au minimum ménagée, ils ne peuvent faire plus, pour exprimer leur désarroi ou leur colère, que de s’en prendre à ceux qui sont là pour prendre les coups et servir de «décor».

    Bachar al-Assad n’étant disposé à entendre aucune critique sur ses décisions, une telle dénonciation n’est malgré tout pas sans danger… quand elle provient d’ailleurs que du sein de sa famille. On l’a vu ces tout derniers jours avec le sort réservé à l’un des initiateurs d’une campagne destinée à demander aux responsables du pays, sous le titre #waïnoun (Où sont-ils?), de répondre aux légitimes interrogations des parents sur le sort de leurs proches, présents dans le gouvernorat de Raqqa, lors de la chute des derniers bastions gouvernementaux. Ils avaient envisagé d’organiser une marche de soutien aux disparus et à leurs familles, mardi 26 août, mais ils y ont finalement renoncé sous la pression des moukhabarat. Ceux-ci n’en ont pas moins sanctionné l’un d’entre eux, un dénommé Moudarr Hassan Khaddour, un chabbiha connu pour son attachement au régime, qui a été enlevé vendredi 29 août 2014 par les services de renseignements de l’armée de l’air et qui a depuis lors disparu…

    Et, pour montrer qu’il n’entend se laisser guider sa conduite par personne, et surtout pas par le fils d’un oncle dont il craint également les ambitions et le retour, Bachar al-Assad a reconduit à son poste le ministre de la Défense contesté, en bonne position dans l’ordre protocolaire dans le nouveau gouvernement du Dr Wa’el al-Halqi !

    Sa gestion est visée, dans les rangs de ses partisans

    Il n’y a pas lieu de douter que c’est bien la gestion du successeur de Hafez al-Assad qui est aujourd’hui en cause, au sein même de ses partisans les plus résolus, parce que c’est à lui qu’ils imputent, in fine, l’accumulation des «pertes inutiles» dans les rangs de l’armée et que c’est son action en tant que chef suprême des forces armées qui est aujourd’hui l’objet de leur défiance.

    Un exemple

    Le 27 août, les habitants du village d’al-Hounadi, dans le gouvernorat de Lattaquié, ont chassé de chez eux un membre du Commandement régional du Parti Baath, Yousef al-Ahmed. Il n’est pas inutile de savoir qu’il est parent par alliance du chef de l’Etat dont il a épousé l’une des cousines, Raw’a al-Assad, une autre fille de Jamil al-Assad. Tant qu’il s’est contenté de leur présenter les condoléances des autorités pour la mort au combat d’un membre d’une famille locale tué par Da’ech lors de la «livraison» de Raqqa au groupe extrémiste, et aussi longtemps qu’il a disserté sur les thèmes de la résistance et du nationalisme chers à la propagande du régime, ils l’ont écouté en silence. Mais lorsqu’il a observé que «8000 jeunes réservistes de Lattaquié s’étaient abstenus de répondre à l’appel, en plus des réfractaires au service militaire obligatoire», et quand il leur a demandé de «coopérer avec le régime en envoyant leurs enfants à l’armée», un vieillard est intervenu pour déclarer: «Lorsque tu enverras ton fils comme réserviste, nous ferons de même. Je souhaite que les prochaines condoléances nous réunissent autour de l’un de tes enfants ou de tes frères, de manière à ce que tu puisses bénéficier toi aussi des mérites attachés au martyre»! Pour échapper à la colère des assistants que ces propos avaient déclenchée et pour ne pas entendre les insultes proférées contre lui-même et la famille Al-Assad tout entière, Yousef al-Ahmed a préféré s’éclipser sous la protection de ses gardes du corps…

    Alors que le nombre exact des militaires disparus au combat – 70 000? 100 000? – est soigneusement dissimulé par la hiérarchie militaire, que celle-ci hésite ou temporise avant de rendre à leurs familles les dépouilles des soldats décédés, et qu’elle préfère parfois enterrer les victimes dans des fosses communes pour bénéficier temporairement du bénéfice du doute, les partisans du régime s’étonnent de plus en plus souvent du grand nombre de décès intervenus dans certaines familles depuis le début de la répression du mouvement de protestation, comparativement à d’autres. Ils estiment que la mort de Hilal al-Assad, disparu à Lattaquié le 23 mars 2014 dans des circonstances jamais vraiment élucidées, ne suffira pas à démontrer que la famille Al-Assad dans son ensemble a payé le «prix du sang» et donné des gages de son patriotisme, alors que d’autres familles alaouites, comme les Moalla par exemple, se passeraient bien de pleurer la disparition de plusieurs dizaines de morts entre officiers et soldats du rang.

    Les partisans du régime se gaussent ou s’irritent aussi du peu de considération de Bachar al-Assad pour les familles de victime. Tandis qu’il prétend les «dédommager», tantôt en leur offrant deux têtes de chèvres, tantôt en leur octroyant un petit Suzuki, tantôt en leur distribuant du riz et du bourghoul, tantôt en leur proposant une kolabaun kiosque ou une échoppe, Asma al-Akhras son épouse paraît soucieuse de profiter de sa réception des mères de martyrs pour soigner son image. Toujours vêtue à la dernière mode de la tête aux pieds et soigneusement manucurée, elle semble afficher des sentiments de compassion artificielle et donne à penser que «les soldats de la Patrie se sacrifient chaque jour pour défendre son élégance et son apparence et pour lui offrir l’occasion de montrer toutes les chaussures qu’elle possède». Mais «les membres de la communauté alaouite ne savent sans doute pas que ses chaussures valent 1000 dollars et plus, soit 147 000 livres syriennes, pour ne rien dire de ses habits qui dépassent allègrement cette somme».

    Un autre exemple

    Les habitants des villages de Qamhaneh et Erza, considérés comme de véritables «repaires de chabbiha», ont récemment accueilli le colonel des services de renseignements de l’armée de l’air Souheïl al-Hassan surnommé le «Tigre», nouveau responsable des opérations militaires dans le gouvernorat de Hama, au cri de «notre vie, notre sang, nous le donnerons pour toi ô Souheïl».

    Cette formule est totalement iconoclaste en Syrie pour tout autre que le chef de l’Etat, auquel elle est strictement réservée, et où elle peut mettre en danger immédiat de mort celui qui ne peut manquer d’être dès lors considéré comme un concurrent… Surtout quand elle inspire l’ouverture de pages Facebook destinées à susciter des amis à celui qu’elles présentent comme «le Tigre de Syrie»… dans une allusion évidente à Bachar al-Assad, «le Lion de Syrie». Pour avoir laissé percer ses ambitions de devenir président à la place du président, Rifaat al-Assad a été banni de son pays par son frère Hafez en 1985. Pour avoir mal dissimulé les siennes, Asef Chawkat, qui n’était qu’une pièce rapportée et n’était pas suffisamment protégé par son mariage avec Bouchra al-Assad, a été supprimé par son beau-frère, Bachar al-Assad, dans l’attentat du siège du Bureau de la Sécurité nationale, en juillet 2012…

    Aigreur dans la «communauté alaouite»

    D’autres problèmes que le nombre croissant des morts irritent aujourd’hui la communauté alaouite.

    Le premier est celui que pose la prolifération des armes dans la région côtière. Certes, les alaouites avaient besoin d’être protégés contre les raids éventuels de groupes combattants, nationalistes et surtout islamistes. Mais, au lieu de confier cette mission aux militaires, traditionnellement qualifiés en Syrie de «Protecteurs des maisons» – avant le soulèvement – le pouvoir a opté pour la distribution massive de fusils, voire de fusils d’assaut, à ses fidèles. Mais, en équipant inconsidérément des civils de tous âges, auxquels l’Association caritative al-Bustan de Rami Makhlouf et les branches locales du Parti Baath ont distribué plus de 100 000 armes dans les villes et un nombre encore supérieur dans les villages, le pouvoir a favorisé l’anarchie. Il leur a donné les moyens de se dresser les uns contre les autres avec violence à la moindre occasion, par exemple pour le vol d’une tresse d’ail, et il a facilité la multiplication dans la région des crimes, des agressions, des enlèvements et des exactions en tout genre.

    Il est aujourd’hui incapable de maîtriser une situation qui se traduit par l’apparition d’une quantité de «nouveaux chabbiha», lesquels profitent de la place laissée vacante par leurs prédécesseurs dans le métier, incorporés dans les Forces de défense nationale et mobilisés sur d’autres terrains d’action. Il a ouvert une boîte de pandore dont feront les frais ceux dont il prétendait assurer la sécurité, puisque certaines de ces armes ont été vendues et revendues, d’autres «perdues» et d’autres enfin dissimulées par leurs détenteurs, pour éviter de devoir les restituer quand elles leur seront réclamées.

    Un second problème est l’indifférence manifestée par le régime pour le sort des familles de ses partisans prises en otage. Dans le nord du pays, seule une partie des femmes enlevées avec leurs enfants lors des opérations menées sur les hauteurs de Lattaquié, au début du mois d’août 2013 ont été aujourd’hui libérées. Une vingtaine d’entre elles, avec plus de trente enfant, restent à ce jour détenuespar le Front islamique. A Adraa, dans la grande banlieue de Damas, les femmes parentes de militaires ou de membre des Comités populaires enlevées à la mi-décembre 2013, n’ont toujours pas été concernées par des négociations, le régime espérant récupérer cette ville soit par un siège, soit par des bombardements. Dans les deux cas, les ravisseurs avaient proposé au pouvoir un échange de prisonnières, mais cette offre a été à chaque fois ignorée ou refusée.

    Les menhebbakjis, les adorateurs de Bachar al-Assad, sont d’autant plus exaspérés par le pourrissement de cette situation qu’ils ont eu l’opportunité d’observer la différence de traitement par le régime de situations similaires.

    1° Une solution a en effet été trouvée qui a permis, le 9 mars 2014, la libération des 13 religieuses du couvent orthodoxe de Mar Taqla, enlevées à Maaloula quelques mois plus tôt. Elles ont été remises aux autorités syriennes en échange de la libération de 153 femmes détenues à la prison civile d’Adra.

    2° Un officier répondant au nom de Ghadir Youssef a été échangé, en avril 2014, contre une famille entière (un couple et ses deux enfants de moins de 2 ans), parce que son père, officier en poste à la Présidence, était parvenu à convaincre Salem al-Ali, conseiller du chef de l’Etat, d’obtenir une décision en ce sens du président ou du Conseil de Sécurité nationale.

    3° Des Iraniens qui combattaient à Alep avec les forces du régime ont également été libérés par leurs ravisseurs en échange de la sortie de Homs de ses derniers défenseurs, au début du mois de mai 2014…

    Mieux vaut donc, en Syrie, pour voir son sort pris en considération par les responsables, être chrétien ou Iranien, ou appartenir à une famille disposant d’accès au plus haut niveau. Ces éléments conduisent les alaouites à penser et à dire à présent de plus en plus ouvertement que, pour Bachar al-Assad, qui les recrute pour les envoyer au combat et pour protéger son pouvoir dans des affrontements dont il tient éloignés les membres de sa famille, ils ne sont guère plus que de la chair à canon.

    Se résoudre à penser que c’est sur un tel chef qu’il faudrait s’appuyer pour lutter contre Da’ech et à un dirigeant aussi contesté que devrait profiter une intervention des Occidentaux en Syrie contre cette organisation, traduirait un manque singulier d’imagination. Elle serait surtout la preuve d’un immense mépris pour les milliers de Syriens qui, en ce moment, continuent de lutter à la fois contre le radicalisme de l’Etat islamique et le jusqu’au-boutisme de Bachar al-Assad.

    (3 septembre 2014, publié sur le blog d’Ignace Leverrier; titre et intertitres de la rédaction A l’Encontre)

    [1] The Fighting shiite militias in Syria. http://sn4hr.org/public_html/wp-content/pdf/english/shia’a-en.pdf

    http://alencontre.org/moyenorient/syrie/syrie-un-accord-qui-traduirait-un-mepris-continu-pour-ceux-et-celles-qui-luttent-contre-daech-et-bachar.html

     

  • Nouveautés sur "Lutte Ouvrière"

              Israël-Palestine : l'annexion lente de la Cisjordanie

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  • « Le cessez-le-feu à Gaza est un succès considérable pour le Hamas » (Essf)

    Après cinquante jours de guerre entre le Hamas et l’armée israélienne qui auront laissé la bande de Gaza exsangue, les deux camps se sont accordés, mardi 26 août, sur un nouveau cessez-le-feu qui sera, cette fois, « illimité ». Spécialiste du Proche-Orient au Conseil européen des affaires étrangères, un centre de recherche basé à Londres, Daniel Lévy analyse les termes de cet accord.

    Camille Bordenet : L’accord de cessez-le-feu est-il plus ambitieux que ce qui avait été négocié jusqu’à présent ?

    Daniel Lévy : Cet accord ressemble plus ou moins à ceux conclus en novembre 2012 et janvier 2009, et qui n’avaient pas vraiment été respectés par la suite. Pour l’heure, nous ignorons si nous pouvons attendre plus de celui-ci. De nombreux points de dissensions entre les deux camps devront encore être abordés dans un mois dans le cadre de nouvelles négociations pour parvenir à un accord de cessez-le-feu permanent.

    L’issue de ces longs pourparlers aura donc débouché sur un accord politique, puisque rien ne pouvait être conclu sur le plan militaire. Mais aujourd’hui, plus que lors des précédents accords, les objectifs sont plus ambitieux : le Hamas exige la construction d’un port et d’un aéroport, ainsi que la levée totale du siège imposé à la bande de Gaza depuis 2006. Pour autant, je ne suis pas sûr que les résultats, eux, seront très différents.

    Pourquoi Benyamin Nétanyahou et le Hamas ont-ils accepté de signer un accord maintenant ?

    Je pense que les deux camps étaient tout simplement à bout et n’avaient plus rien à gagner à continuer. Et, de ce point de vue-là, je ne pense pas que l’on puisse attribuer cet accord à la médiation égyp- tienne. L’Egypte était plus préoccupée par ses propres objectifs, vis-à-vis du Hamas notamment, que par la mise en place d’un cessez-le-feu.

    Cet accord a pu être conclu car les deux camps avaient autant à perdre s’ils continuaient et autant à gagner s’ils arrêtaient. Bien sûr que, s’il l’avait souhaité, Nétanyahou aurait pu venir à bout militaire- ment du Hamas et anéantir totalement la bande de Gaza, mais à quel prix ? Contrairement à certains de ses ministres, il ne le souhaitait pas.

    Nétanyahou a senti qu’il était de plus en plus affaibli – en témoigne sa chute de popularité dans les récents sondages – et que le temps des compromis était venu. Venir à bout de la bande de Gaza aurait coûté beaucoup de temps et de vies et lui aurait été fatal politiquement, tant sur le plan interne qu’international. Et avec en plus la rentrée scolaire la semaine prochaine, il ne pouvait pas se le permettre.

    Le Hamas revendique la « victoire », en est-ce réellement une pour lui ?

    Je pense que quand vous perdez plus de deux mille vies humaines, c’est difficile de parler de victoire. Mais d’un point de vue stratégique, c’est vrai qu’Israël ne peut pas s’arroger la victoire. Donc oui, c’est un succès considérable pour le Hamas : qu’il ait tenu cinquante jours durant, qu’il ait réussi à démon- trer qu’Israël pouvait être vulnérable, qu’il ait mis en place une certaine forme de dissuasion malgré le déséquilibre des forces en sa défaveur...

    Habituellement, la réalité de l’asymétrie du conflit israélo-palestinien veut que les Palestiniens paient un très lourd tribut, tandis que, du côté de l’Etat hébreu, on fait en sorte que les Israéliens ne se rendent même pas compte de la situation et continuent à vivre normalement. Or cette fois, le Hamas changé la donne : pendant cinquante jours, les israéliens n’ont pas eu de répit.

    Bien sûr, le prix à payer aura été lourd sur tous les plans, mais politiquement et symboliquement, le Hamas en ressort plus fort et Nétanyahou, plus faible.

    Pensez-vous que les exigences du Hamas ont des chances d’être suivies ?

    Cela dépend des points de l’accord : je ne pense pas que la construction d’un port et d’un aéroport puisse aboutir. Par contre, ouvrir un peu plus la bande de Gaza avec la levée partielle du blocus de l’enclave en vigueur depuis 2006 me semble possible, surtout pour faire rentrer de l’aide humanitaire, des biens et des moyens de reconstruction.

    Propos recueillis par Camille Bordenet
    Journaliste au Monde

    LEVY Daniel, BORDENET Camille

     

    * Le Monde.fr | 27.08.2014 à 16h53 • Mis à jour le 27.08.2014 à 20h42.

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article32870

     

  • Nouveautés sur "Agence Médias Palestine"

     

     

    Tandis que la guerre fait rage à Gaza, la violence et les arrestations se poursuivent sans relâche en Cisjordanie.

    Tandis que la guerre fait rage à Gaza, la violence et les arrestations se poursuivent sans relâche en Cisjordanie.

    “Les arrestations, les expulsions, les démolitions de maisons, les saisies de terres et le harcèlement des Palestiniens par les colons continuent : depuis le début des combats au sud le 8 juillet, les soldats et la police ont blessé 2 139 Palestiniens en Cisjordanie.” Par Amira Hass 24 août 2014 Vus de dos, des Palestiniens...
     
     

     

    VISUEL: Gaza occupée sous attaque - Les chiffres (au 18 août 2014)

    VISUEL: Gaza occupée sous attaque – Les chiffres (au 18 août 2014)

     

    En photos : des familles de Gaza rentrent chez elles vers l’horreur et la dévastation

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    Silvia Boarini – The Electronic Intifada – 22 août 2014 La famille Qarana est revenue dans sa maison démolie à Shujaiya, à l’est de Gaza ville, pour sauver des biens, le 26 juillet. Après près de vingt jours de guerre, le quartier de Khuzaa, au sud de Gaza, près de Khan Younis, était toujours hors...
     

     

    Un jeune lyonnais arrêté et intimidé pour avoir donné des informations sur les Français qui servent dans l'armée israélienne

    Un jeune lyonnais arrêté et intimidé pour avoir donné des informations sur les Français qui servent dans l’armée israélienne

    Hassan, jeune lyonnais qui tient une page facebook “H & O Production” a été arrêté et intimidé pour avoir diffusé des informations (qui étaient déja publiques comme on peut le lire dans le témoignage de Hassan) sur les soldats français qui servent dans l’armée d’occupation israélienne. Nous republions son témoignage ci-dessous. L’Agence relaye également son...
     
     

     

    Qu’arriverait-il si la Palestine saisissait la Cour Pénale Internationale ?

    Qu’arriverait-il si la Palestine saisissait la Cour Pénale Internationale ?

    De Michael Kearney – 20 août 2014 Destruction dans le quartier de Shujaiya à l’est de Gaza City, le 19 août. (Mohammed Asad / APA images) Qu’arriverait-il si Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité Palestinienne, signait une plainte auprès de la Cour Pénale Internationale (CPI) ? La question a acquis une certaine urgence dans l’attaque en cours...
     
  • La dimension politique de l’archéologie en Israël et en Palestine (Ujfp)

    Conférence/débat de Jean-Baptiste Humbert

    Le Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient vous invite à une conférence débat de Jean-Baptiste Humbert, Dominicain, Directeur du laboratoire d’archéologie de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem.

    Rendez-vous le mercredi 24 septembre 2014 à 20 heures (accueil à partir de 19 h 45)
    à la Maison Fraternelle, à Paris.

    37, rue Tournefort
    75005 Paris.

    Accès :
    Métro : Place Monge ou Censier-Daubenton ou Les Gobelins.
    Bus : 27, 47

    http://www.ujfp.org/spip.php?article3483

  • Palestine: Gare à la tentation symétrique! (Anticapitaliste.ch)

    De Barack Obama à Didier Burkhalter, ils y sont tous allés du même couplet en réaffirmant, malgré les images insoutenables dont les télés nous abreuvent depuis plus d’un mois, le «droit d’Israël de se défendre».

    Trop désireuse de ne pas prêter le flanc aux soupçons d’antisémitisme systématiquement évoqués par les agences de propagande sionistes, une partie de la gauche a fait sien ce couplet. En l’enrobant d’un pacifisme à première vue radical qui veut que, puisqu’une victime est une victime ce sont tous «les violents», les «violences de tout bord contre les civils» qu’il faut rejeter de manière symétrique.

    C’est juste absurde

    La logique est absurde. A commencer par l’aspect comptable. Quelle symétrie entre les plus de 2000 morts -75% de civils- d’un côté et les 65, pratiquement tous des militaires, de l’autre? Quelle symétrie entre les plus sophistiquées des armes modernes et les roquettes quasi-artisanales balancées sur la ville juive de Sderot construite en 1951 sur les ruines du village arabe de Najd, rasé par l’Hagana, le bras armé du sionisme?

    Quelle symétrie entre une armée d’occupation capable de réduire en cendres écoles et hôpitaux et ces roquettes dont plus de 95% ont été interceptées par les systèmes de défense de l’Etat des juifs? Quelles symétries entre une population de presque deux millions d’habitants dont une moitié d’enfants enfermée dans une prison à ciel ouvert, Gaza, depuis 2006 et une entité étatique qui exporte massivement les armes et les systèmes de sécurité expérimentés sur les palestiniens?

    Car, n’importe quel marchand d’armes le confirmera, la démonstration d’efficacité en situation réelle est le meilleur des arguments publicitaires. C’est ainsi, par exemple, qu’une bonne part du milliard de dollars dépensés pour la sécurité -la surveillance de la population- lors du dernier Mundial au Brésil l’ont été pour payer des systèmes et des entreprises de sécurité qui ont fait leurs preuves … en Palestine.

    Recul de civilisation

    Mais, au-delà de son absurdité logique, la tentation symétrique constitue une remise en cause fondamentale du droit reconnu par l’ONU de résister, y compris par la lutte armée, à l’occupation par des armées étrangères.

    Priver les populations sous occupation militaire du droit de se défendre, y compris par les armes, revient non seulement à reconnaître et accepter le principe de l’occupation : cela constitue un véritable recul de Civilisation.

    C’est au nom de ce droit de se défendre contre l’occupation que les mouvements de libération, de l’Algérie au Vietnam, avaient pu triompher des armées coloniales et impérialistes.

    C’est ce même droit que s’étaient octroyé, bien avant sa reconnaissance internationale, la résistance yougoslave ou les partisans grecs, norvégiens, italiens et français pour combattre l’occupation par les armées nazies, pour les chasser. C’est de ce même droit qu’avaient fait usage les insurgés du ghetto de Varsovie.

    C’est aussi leur droit, leurs résistances qui sont remis en cause de manière rétroactive par qui prétend renvoyer dos à dos l’agresseur et l’agressé, l’occupant et l’occupé.

    La clé de chez eux

    Dans le cas de la Palestine, l’existence de l’occupation est reconnue. Sauf qu’elle ne se réduit pas à ceux qu’on appelle communément les «territoires occupés», à savoir ceux qui l’ont été lors de la guerre «des six jours» en 1967. L’occupation de la Palestine date de bien avant avec l’installation, durant l’entre-deux-guerres de centaines de milliers de juifs en Palestine et est formalisée avec la création de «l’Etat des juifs» -les termes sont ceux de la déclaration d’indépendance- en 1948.

    Son implantation ne s’est pas faite dans un désert, mais sur des terres habitées par les palestiniens dont des centaines de milliers furent expulsés de leurs maisons, de leur terre. Celles et ceux d’entre eux qui ne sont pas morts en exil, dans les camps de réfugiés au Liban, en Syrie ou ailleurs, gardent encore fièrement «la clé de chez eux», de la maison dont ils ont été chassés il y a soixante-six ans.

    C’est sur leurs terres, à la place de leurs maisons qu’a été fondé, par la force des armes, l’Etat des juifs. Puisqu’il est censé, d’après la déclaration d’indépendance du 14 mai 1948, «ouvrir ses portes à tous les Juifs», cet Etat se fonde non pas sur l’appartenance territoriale ou nationale, mais sur l’appartenance religieuse.

    Les droits des uns et ceux des autres…

    Définie en ces termes, la citoyenneté entière ne peut être reconnue qu’aux juifs, c’est-à-dire aux fidèles d’une religion. Ce qui signifie l’exclusion de la citoyenneté de tous ceux qui ne le sont pas, juifs, les droits n’étant pas les mêmes pour tout-le-monde.

    Ainsi, un juif de New-York dispose automatiquement, de par sa religion, de la nationalité israélienne. Il bénéficie ainsi de plus de droits qu’un chrétien ou un musulman de Bethléem, dont le mariage, par exemple, n’a aucune validité dans la mesure où la loi israélienne ne reconnaît comme valables que les mariages bénis par l’autorité religieuse … juive.

    Fondé sur la discrimination, sur l’apartheid, l’Etat des juifs se prévaut d’un «lien historique du peuple juif avec la Palestine» dicté, lui aussi, par l’approche religieuse, celle des textes sacrés. Le territoire qu’il revendique s’y trouve, dicté par La Parole, nimbé d’Absolu.

    Une garnison permanente

    La réalisation de ce projet exclusif nécessite évidemment une force de frappe. Dès lors, le service militaire est obligatoire pour les citoyens de l’Etat des juifs, hommes ou femmes qu’ils soient, à l’exception des religieux ultra-orthodoxes. Ainsi, cet Etat n’est pas seulement une entité confessionnelle et expansionniste, il est une garnison permanente.

    C’est pour cela que son existence même est une menace permanente pour la paix.

    Or, au-delà des exigences immédiates en termes humanitaires -fin du blocus, destruction du mur de séparation, démantèlement des colonies, libération des prisonniers palestiniens-, c’est le démantèlement de l’Etat confessionnel sioniste qui doit être proposé comme perspective pour la paix en Palestine. Avec, évidemment, le droit au retour de qui a été chassé…

    C’est la perspective du remplacement de l’Etat des juifs par un Etat binational, laïc et démocratique, dans lequel l’appartenance religieuse est une affaire privée -et pas une affaire d’Etat- qu’il faut mettre en avant.

    C’est d’ailleurs le meilleur antidote -symétrique, celui-ci- à la montée en puissance d’autres prétendants à l’Absolu, que ce soit celui du califat ou celui de l’ordre moral…

    Paru également dans Gauche Hebdo Paolo Gilardi 23 août 2014

    http://www.gauche-anticapitaliste.ch/?p=12327

  • Gaza: impossible de se taire Patrick Baudoin, FIDH

     

    http://revolutionsarabes.hautetfort.com/media/01/02/653879823.jpeg

    Pourquoi cette peur, cette retenue à condamner sans réserves les crimes d’Israël ?

    La popu­lation civile de la prison à ciel ouvert qu’est Gaza est soumise à un véri­table carnage. Ce sont des femmes et des enfants qu’on assassine de façon aveugle et dis­pro­por­tionnée. Le dés­équi­libre des forces en pré­sence est criant. D’un côté près de 2000 Pales­ti­niens qui ont été tués, dont environ 80% de civils et plus de 250 enfants, et de l’autre 64 mili­taires et 3 civils israéliens.

    Pourquoi cette pas­sivité, cette com­plai­sance, cette impuis­sance ?

    L’opération « Bordure pro­tec­trice » est un épi­phé­nomène dra­ma­tique qui ne doit pas occulter une réalité de beaucoup plus longue durée, qui est qu’Israël ignore depuis près de 50 ans les réso­lu­tions du Conseil de sécurité des Nations unies qui ont toutes exigé le retrait des ter­ri­toires occupés et l’arrêt de la colonisation.

    Pourquoi l’Etat d’Israël est-​​il le seul vis-​​à-​​vis duquel est tolérée l’absence de sou­mission au droit inter­na­tional ?

    Les agis­se­ments israé­liens dans le cadre de l’opération mili­taire en cours consti­tuent sans dis­cussion pos­sible des crimes de guerre tels que définis par le Statut de la Cour pénale inter­na­tionale, à savoir le fait de diriger inten­tion­nel­lement des attaques contre la popu­lation civile en tant que telle ou contre des biens de caractère civil, qui ne sont pas des objectifs militaires.

    Certes les tirs de roquette du Hamas visent de façon éga­lement indis­cri­minée des popu­la­tions civiles. Ces actes sont tout autant condam­nables et iden­ti­quement qua­li­fiables. Mais il suffit de se référer au nombre de vic­times occa­sionnées par les uns et les autres pour en mesurer la dis­pro­portion. Alors qu’Israël ne connaît pra­ti­quement que des pertes mili­taires, Gaza est soumis à un déluge de feu et de sang et avec des vic­times prin­ci­pa­lement civiles.

    Bien sûr Israël a droit à la sécurité mais ce n’est pas en uti­lisant tou­jours plus la force, la répression et la vio­lence aveugle qu’il obtiendra cette sécurité. Qu’Israël res­pecte le droit inter­na­tional, les droits des pales­ti­niens et alors en cas de viol de sa sécurité cet Etat aurait toute légi­timité à se poser en victime. Mais les auto­rités israé­liennes pré­fèrent jouer aux pom­piers pyro­manes : pousser les pales­ti­niens vers tou­jours plus de désespoir et de radi­ca­li­sation. Demain sera alors pire qu’aujourd’hui.

    LA VIOLENCE AVEUGLE NE CONDUIT PAS À LA SÉCURITÉ

    Israël se targue souvent d’être la seule démo­cratie de la région, mais pré­ci­sément une démo­cratie pour mériter ce nom doit res­pecter les règles de droit vis-​​à-​​vis de tous et pas seulement de ses propres citoyens, ou alors il s’agit d’un leurre. Il est cho­quant de constater que les plus cou­rageux et les plus lucides pour dénoncer la poli­tique du gou­ver­nement israélien sont des israé­liens eux-​​mêmes, mal­heu­reu­sement mino­ri­taires. Il serait sou­hai­table que les Occi­dentaux puissent avoir le même courage. Contester la poli­tique israé­lienne comme on est en droit de contester celle de n’importe quel autre pays n’est pas être ennemi du peuple juif et ne saurait être assimilé de façon mal­honnête à une marque d’antisémitisme.

    Il faut revenir à l’application de la règle de droit et contraindre Israël à suivre cette voie, et ne pas laisser les auto­rités israé­liennes déployer leur pro­pa­gande sur l’utilisation de la légitime défense : tuer des femmes et des enfants réfugiés dans une école ne pourra jamais être considéré comme tel au regard du droit inter­na­tional. Qui aura le courage d’affirmer et d’imposer ces prin­cipes, seuls de nature à mettre un terme à un engrenage infernal qui ne peut conduire qu’au pire, y compris pour Israël ? Il n’est pas d’exemple dans l’histoire que l’on puisse indé­fi­niment bafouer les droits de tout un peuple par le recours à la force. Cela doit être le rôle de l’Union euro­péenne, avec la France en tête : avoir le courage et la clair­voyance de mettre des mots sur ce qui est en train de se passer, et contraindre par tous moyens Israël à cesser cette opé­ration meurtrière.

    Aussi, cet engrenage ne fera que se répéter éter­nel­lement si l’impunité demeure la règle. La justice pénale inter­na­tionale doit pouvoir agir, qua­lifier les actes commis et sanc­tionner les auteurs, pour rendre justice aux vic­times et créer l’espoir que ces crimes ne se répètent pas à l’avenir. Forte de son statut d’Etat obser­vateur auprès des Nations unies, l’Autorité pales­ti­nienne doit accepter la com­pé­tence de la Cour pénale inter­na­tionale, et le Bureau du Pro­cureur de la CPI doit au plus vite ouvrir un enquête sur les crimes commis à Gaza.

    Le Monde, Patrick Baudouin, dimanche 24 août 2014

    Patrick Bau­douin ( Avocat Pré­sident d’honneur de la Fédé­ration inter­na­tionale des ligues des droits de l’Homme FIDH)

    http://www.france-palestine.org/Gaza-impossible-de-se-taire

    Lire aussi:

    http://www.fidh.org/fr/maghreb-moyen-orient/tunisie/Patrick-Baudouin-president-d

  • Pour rompre avec le funeste cercle trêves-guerres-négociations (Al'E)

    Eviscérer le Droit au Retour

    Reconnaître et appliquer les droits légitimes du peuple palestinien!

    1. Gaza: la réalité cruelle des chiffres donnés le 18 août – 2016 personnes tuées, dont 541 enfants, 250 femmes et 95 personnes âgées; 100’410 personnes sans domicile – ne fait sens qu’en tenant compte d’un facteur: l’armée de l’Etat israélien, disposant d’une technologie militaire quasi sans comparaison, s’attaque à une population entassée dans une sorte de prison-ghetto. La «précision» des tirs – dont l’armée de l’Etat d’Israël se vante – équivaut à celle d’une police militaire «professionnelle» qui sème la terreur et la mort dans une prison surpeuplée.

    Il s’agit d’une barbarie «high-tech». Et le complexe militaro-industriel israélien s’empresse d’exporter ces systèmes d’armes. Ils disposent d’un «avantage concurrentiel». En effet, ils ont été testés lors «d’opérations militaires délicates»,formule d’un haut militaire israélien. Tueries et business se marient dans ce système capitaliste mondialisé.

    Dès le 19 août 2014, les bombardements reprennent et une nouvelle phase politico-militaire s’ouvre. Après les «roquettes», puis «l’objectif des tunnels», les «cibles légitimes» – selon Netanyahou – sont dorénavant les dirigeants de l’aile militaire du Hamas: les Brigades Ezzedine al-Qassam. Ainsi, Mohammed Abou Shamala, Raed al-Attar et Mohammed Barhoum ont été assassinés le 20 août, en même temps qu’enfants, femmes et voisins. Ainsi, les services dits d’intelligence de l’Etat d’Israël vont stimuler une vague de soupçons et donc des «liquidations de traîtres» dans et autour des «brigades combattantes» palestiniennes. Une stratégie contre-insurrectionnelle expérimentée par les forces coloniales françaises ou les services du régime d’apartheid sud-africain.

    2. L’opération appelée «Bordure protectrice» – qui dure depuis 46 jours – doit d’abord être comprise comme un épisode d’une longue occupation militaire qui a commencé en 1967. Depuis septembre 2005, date du «retrait unilatéral» d’Israël de Gaza, des milliers de Palestiniens et Palestiniennes ont été tués. La présentation d’un Etat d’Israël sans cesse menacé par des terroristes «palestiniens» permet de justifier toutes les formes d’agression, de contrôle, d’emprisonnement, d’exclusion contre le peuple palestinien.

    Ces guerres récurrentes favorisent une unité nationale qui peut se dégrader sous l’effet de divers facteurs: une population où l’hétérogénéité des trajectoires historiques s’accentue (immigrés anciens et récents, laïcs et religieux, sionistes de diverses nuances…); une crise sociale d’envergure qui s’est exprimée dans la rue, en août 2011; des Palestiniens d’Israël (appelés Arabes israéliens) qui refusent l’apartheid, etc. Ces tensions ont été constatées entre 1993 («Accords d’Oslo») et 2000 (entrevue de Camp David), alors que régnait une certaine illusion sur une «solution au conflit». En 2000, Ehoud Barak en a fait le constat devant la Commission Or.

    Il faut ajouter un élément socio-militaire d’importance: les colonies, depuis 1967, ne cessent de s’étendre. Dans les commandos et les unités les plus aguerries, les militaires issus des colonies des territoires occupés sont les plus nombreux. Leur poids chez les officiers est fort grand. La dimension religieuse est appuyée. Ils ont été formés à la répression colonialiste contre les Intifada et aux expéditions punitives contre Gaza. Pour eux, l’ennemi est «le Palestinien». L’apartheid ainsi que le transfert de population est une perspective qui nourrit leur vision «ethno-politico-religieuse». Dès lors, l’Etat d’Israël devient de plus en plus un Etat de guerre. Replaçons maintenant «la bande de Gaza» dans ce contexte d’Etat de guerre colonialiste.

    3. La bande de Gaza dite non occupée l’est en fait toujours restée: le blocus s’applique aux échanges marchands et financiers ainsi qu’à la libre circulation des personnes. La porte de Rafah, la seule échappant au contrôle direct de l’Etat israélien, s’ouvre et se ferme selon la volonté du pouvoir égyptien. L’électricité et la distribution d’eau sont dépendantes, très largement, des décisions de l’Etat israélien. Les destructions d’infrastructures et de bâtiments illustrent cette option de maîtrise systématique: centrale électrique détruite; réseau d’eau endommagé et réduction dramatique de nappes d’eau potable par la pollution; zones agricoles bombardées alors qu’elles étaient, sur les 500 mètres proches de la frontière, déjà neutralisées antérieurement; destruction de mosquées pour porter atteinte à une identité culturelle, évidemment au nom de «la lutte contre le terrorisme». Les infrastructures de santé ont été endommagées et paralysées, parfois bombardées, ainsi que les écoles.

    La «bande de Gaza» n’est pas simplement «une petite enclave». Sa situation et celle de sa population renvoient à un ensemble de revendications immédiates avancées par tout le peuple palestinien. Ainsi, près d’un million d’habitants de Gaza ont le statut de réfugié. Donc la question du «retour des réfugiés» et de leur indemnisation – selon les termes de la résolution 194 de 1948 de l’ONU – est directement posée par les Gazaoui·e·s, que ce soit pour les réfugié·e·s en Cisjordanie, au Liban, en Syrie ou en Jordanie. La libre circulation leur est interdite et les échanges commerciaux et financiers sont étroitement contrôlés ou bloqués. Disposer d’un port et d’un aéroport fait partie, pourtant, des prétentions reconnues par l’ONU. Or, elles sont présentées comme «maximalistes» par l’Etat d’Israël, au nom de la «lutte contre le terrorisme». Donc, les exigences des Gazaouis sont valables pour les Palestiniens de Cisjordanie, qui se heurtent à un mur, symbole en béton d’une occupation aux multiples facettes. Le gouvernement d’Israël le sait parfaitement.

    En détruisant régulièrement Gaza et en modulant le blocus, l’Etat d’Israël rejette les revendications essentielles des Gazaoui·e·s dans les ténèbres, de pair avec celles de tous les Palestiniens. En effet, les terribles efforts de survie et de la «reconstruction» continue deviennent la priorité vitale pour les Gazaoui·e·s. Ce qui fait oublier, en partie, leurs exigences, car la «communauté internationale» se propose «d’aider à la reconstruction» et de la surveiller.

    En cherchant à décapiter la direction de l’aile militaire du Hamas – les Brigades Ezzedine al-Qassam, que Netanyahou compare le 21 août à l’Etat islamique (EI) –, le gouvernement d’Israël a deux objectifs.

    1° Stimuler des ripostes que l’Etat sioniste sait pouvoir contenir. Et utiliser cette résistance – dont l’audience a été démontrée lors des funérailles des trois dirigeants militaires le 21 août – pour proclamer au monde entier: «le Hamas n’est pas un interlocuteur, nous ne pouvons pas négocier; ce sont des terroristes». Dans les années 1970 et 1980, le gouvernement israélien faisait de même avec l’OLP.

    2° Susciter un malaise au sein du Hamas, car il se propose, à la fois, comme interlocuteur dans une négociation «pour la paix» et exerce son droit à la résistance. Dès lors, avec un cynisme consommé, le gouvernement d’Israël va trompeter: «le devenir du conflit repose dans les mains du seul Hamas»! Avi Issacharoff résume avec insolence cette option politico-militaire: «Au final [suite aux «éliminations»], la branche politique du Hamas devra décider combien de temps le conflit va encore continuer – ce conflit qui amène la destruction et la dévastation de Gaza et qui met en danger la survie du Hamas. Elle devra aussi déterminer si et quand l’heure viendra de mettre un terme au combat, même en sacrifiant le prix de sa popularité.» (Times of Israel, 21 août 2014)

    4. Pendant ce temps, des négociations indirectes se déroulent, par intermittence, au Caire.

    • Qui est la charnière de ces négociations indirectes? Les services de sécurité militaire du président ex-maréchal Abdel Fattah al-Sissi.

    • A qui le gouvernement israélien et Al-Sissi veulent donner la responsabilité de la «reconstruction» de Gaza et de nouvelles négociations «pour une paix durable»? A l’Autorité palestinienne (AP) de Mahmoud Abbas. L’AP a détrôné l’OLP, ce que voulait Tel-Aviv!

    • Qui va contrôler le financement de la «reconstruction», une fois «un cessez-le-feu durable conclu»? L’Autorité palestinienne recevra les fonds récoltés sous l’égide de l’Egypte et de la Norvège. «Surveillance» internationale et blocus israélien modulé vont se marier.

    Il est donc décisif de diffuser et d’expliquer le sens des revendications portées par la société civile palestinienne. En effet, cette dernière affirme un droit essentiel: en tant que peuple occupé elle détient le droit de se défendre pour des terres reconnues comme les siennes. Outre les exigences mentionnées à propos de Gaza, cette résistance réclame: le démantèlement du mur de séparation et des colonies; la libération de tous les prisonniers politiques; l’application stricte de tous les droits fondamentaux des citoyens et citoyennes arabes israéliens et celle des résolutions de l’ONU, trop souvent oubliées… par «réalisme».

    En Suisse, l’action solidaire avec le peuple palestinien peut porter, entre autres, sur:

    • l’arrêt de toute collaboration militaire et coopération en matière d’armement de la Suisse avec l’Etat d’Israël qui dispose de l’arme nucléaire. Dans cette optique peuvent être développés des objectifs de la campagne internationale BDS;

    • la reconnaissance du statut de réfugié politique aux Palestiniens visés par le pouvoir militaire et policier israélien; statut étendu à celles et ceux menacés de mort, de torture et de prison: par les gouvernements autocratiques de la région, en priorité le régime dictatorial de Bachar el-Assad, prochain allié des Etats-Unis contre l’EI; par les forces obscurantistes et criminelles de l’Etat islamique. (21 août 2014)

    Publié par Alencontre le 22 - août - 2014

    Les lectrices et lecteurs du site A l’Encontre trouveront ci-dessous le texte diffusé par le Mouvement le socialisme – Bewegung für Sozialismus à l’occasion de la manifestation nationale de solidarité avec le peuple palestinien, manifestation qui à lieu à Berne le 23 août 2014. (Réd. A l’Encontre)

    http://alencontre.org/moyenorient/palestine/pour-rompre-avec-le-funeste-cercle-treves-guerres-negociations-reconnaitre-et-appliquer-les-droits-legitimes-du-peuple-palestinien.html