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Documents - Page 29

  • Puissances locales, impérialismes, question kurde... Comprendre le Moyen-Orient (Npa)

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    Depuis des années, le Moyen-Orient s'affiche à la une de l'actualité : guerres impérialistes, lutte de libération nationale, soulèvements populaires...

    Le Moyen-Orient une zone stratégique pour les grandes puissances qui élaborent leur agenda : le grand Moyen-Orient des administrations étasuniennes, l'Union pour la méditerranée de l'Union européenne, la nouvelle stratégie géopolitique définie par la Russie après l'effondrement de l'URSS et ses satellites...

    Les États de la régions tentent, eux, de s'imposer comme « régulateurs » de la région, en complicité ou en compétition avec les impérialistes occidentaux. A cela s'ajoute la montée en puissance des courants islamiques fondamentalistes, militarisés et transnationaux.

    Le Moyen-Orient est aujourd'hui une région de guerres, et de luttes, « démocratiques » ou de « libération ». Le mouvement ouvrier, les organisations révolutionnaires, y sont très faibles et subissent une répression impitoyable, tant des États que des forces obscurantistes religieuses.

    L'objet de ce dossier est d'en donner quelques éclairages.

  • "Entre aspiration à un espace transnational et cristallisation autour d’identités nationales bien réelles" (Npa)

    Analyse.  Entretien. Daoud est docteur en science politique et chercheur à Amman en Jordanie.

    Avec lui, nous revenons sur la situation du Moyen-Orient depuis la fin du « partage du monde » USA-URSS et la politique des grandes puissances depuis.

    Quelles ont été les conséquences de la fin du bipolarisme mondial USA-URSS sur la région ?

    La chute de l’URSS a eu des effets contradictoires sur le monde arabe. D’un côté, l’URSS s’était clairement désengagée, sous le mandat de Gorbatchev, des questions moyen-orientales. De plus, le rapport de l’URSS au monde arabe fut paré d’ambiguïté : soutien à la naissance d’Israël en 1948, pour, quelques années plus tard, favoriser le transfert d’armes tchécoslovaques à l’Égypte de Nasser, dans le cadre d’un conflit général entre l’Égypte nationaliste arabe et Israël.


    En dépit de ces contradictions, la chute du bloc soviétique a favorisé une crise générale des gauches arabes : des formations comme le Parti communiste libanais ou le Front populaire pour la libération de la Palestine ont perdu, à partir de 1989, une manne financière, et indirectement militaire, qui était bien réelle.

    Si la montée des courants islamistes précèdent clairement, dès le début des années 1980, la crise des gauches arabes, il est certain que l’abandon de l’aide soviétique au début des années 1990 a permis une inversion radicale du rapport de forces entre forces islamistes et mouvements de gauche.

    Y a t-il une relation entre les guerres actuelles et la division territoriale imposée par les impérialistes anglais et français avec les accords de Sèvres et Lausanne (1920-1923) ? Peut-on parler d’État-nation dans la région, dans le sens où des communautés de peuple décident de partager un « destin » national dans un espace géographique défini ?


    Les accords Sykes-Picot, en 1916, tout comme la conférence de San Remo, en 1920, associé à l’abolition du califat ottoman en 1924, ont permis une nouvelle définition des frontières dans le monde arabe. Clairement, l’ensemble des forces politiques du monde arabe, des nationalistes arabes baathistes et nassériens aux islamistes en passant par la gauche, ont porté jusqu’à aujourd’hui ce refus des frontières coloniales imposées à l’époque.

    Il y a encore aujourd’hui une réalité panarabe : elle se définit par une langue commune, présente dans les médias transnationaux arabes, par un attachement commun, du Maroc au Yémen, à la cause palestinienne. En même temps, une certaine réalité des États-nations s’est imposée : il y a bien un nationalisme tunisien, égyptien, des particularités nationales construites. Le monde arabe vit perpétuellement cette dialectique entre aspiration à un espace transnational qui n’est pas rêvé, et cristallisation autour d’identités nationales bien réelles.

    Depuis 1980 et l’Afghanistan, le bloc impérialiste occidental, et ses alliés locaux, ont favorisé l’émergence de groupes « militaires » idéologiquement religieux. Aujourd’hui, ces groupes, descendants de ces années d’affrontement entre les deux blocs, sont-ils toujours soumis à l’agenda occidental, ou bien ont-il leur propre agenda, contradictoire avec celui du bloc occidental ?

    Tout dépend ce qu’on entend par « groupes religieux armés ». Certains groupes religieux entretiennent un antagonisme continu avec les États-Unis, comme le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien. D’autres, anti-­américains autrefois, comme le mouvement islamiste Ennahdha tunisien, veulent aujour- d’hui un modus vivendi avec les États-Unis et l’Union européenne. Le dernier cas, plus complexe, est celui de la mouvance salafiste jihadiste : cette dernière, soutenue par les États-Unis dans les années 1980 lors de la guerre d’Afghanistan, s’est clairement retournée contre les États-Unis. La mouvance salafiste jihadiste, comme nous la connaissons actuellement en Syrie et en Irak, avec l’action de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), a son logiciel propre : communautaire, dirigé contre les chiites de la région, mais aussi anti-américain.

    Dans ce monde post bipolaire, comment comprendre l’agenda des puissances montantes, telles la Russie et la Chine, dans la région ?

    La Russie de Poutine articule deux discours : un discours néo-­tiermondiste, qui ferait de la Syrie de Bashar al-Assad et du Venezuela de Chavez et Maduro un axe clair face à la politique américaine, réveillant la politique bipolaire des années 1960 et 1970. D’autre part, la Russie de Poutine a établi des liens privilégiés avec Israël. Dans les deux cas, il faut lire la politique très pragmatique de Poutine comme la redéfinition progressive d’un nationalisme russe, malmené dans les années 1990 par la chute de l’Union soviétique.

    Concernant le Moyen-Orient, la politique chinoise est plus prudente, et moins en avant que celle de Poutine : ils s’alignent certes sur les positions de la Russie, en ce qui concerne le soutien au régime syrien et à l’Iran, mais avancent leurs cartes prudemment, n’ayant ni bases militaires dans la région, ni implantation politique historique.

    Quel est l’agenda particulier, dans les affrontements régionaux, de l’Iran ? Et des monarchies de la péninsule (Arabie saoudite / Qatar) ?


    La Syrie a cristallisé une politique des axes. On a pas un, mais trois axes, si ce n’est plus. Un axe Iran-Syrie soutenu par le Hezbollah libanais ; un axe Qatar-Turquie favorable à la chute du régime de Bashar al-Assad, soutenant certains groupes armés de l’opposition sur place ; un axe Egypte-Arabie saoudite soutenant d’autres formations de l’opposition syrienne.

    Concernant le premier axe, il participe à la résilience du régime de Bashar al-Assad. Concernant les deux autres, ils font partie de la tragédie de l’opposition syrienne, divisée en interne selon ses lignes d’alliances régionales, participant à son effritement.

    Les soulèvements populaires en Égypte, à Barhein, en Syrie, au Yémen, et dans une moindre mesure Jordanie... ont-ils comme facteur premier une dimension économique et sociale, ou bien faut-il intégrer à la réflexion d’autres facteurs ?

    La dimension économique et sociale est indéniable. Le modèle tunisien est central, notamment au travers du rôle central qu’a pu jouer un syndicat, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), dans le processus révolutionnaire.

    Il serait cependant très réducteur de réduire les révolutions arabes à un pur déterminisme socio-­économique. Les facteurs communautaires, religieux et géographiques, sont pleinement intervenus. À Bahrein, c’est majoritairement une politique chiite, discriminée socialement, qui s’est mobilisée. En Jordanie, la révolte des mouvements tribaux de l’est jordanien, contre les régions plus urbaines de l’ouest, fut centrale. La révolution yéménite butte sur une question encore insurmontable : celle de l’opposition entre Houthis (chiites) et populations sunnites.

    Pour conclure, partages-tu l’idée que pour l’impérialisme occidental, il s’agit d’empêcher toute existence d’une puissance étatique qui puisse concurrencer l’État d’Israël dans la région ?

    C’est là tout l’enjeu autour de l’Iran et de la Syrie. Le blocus américain sur l’Iran, malgré les dernières négociations, résulte depuis plus de trente ans d’une peur fondamentale : qu’une puissance régionale puisse concurrencer Israël en termes économique et militaire. C’est là tout l’enjeu autour du dossier nucléaire.

    Concernant la Syrie, la guerre civile à l’œuvre profite à tous les acteurs :

    un régime baathiste faible, tout comme une opposition syrienne faible, qui se combattrait encore dix ans dans un pays complètement et déjà détruit, ce qui empêche à terme l’émergence d’un État fort qui jouxterait les frontières d’Israël. C’est en somme la résultante de la théorie néo­conservatrice du chaos constructif.

    Propos recueillis par Marc Prunier

    http://npa2009.org/arguments/puissances-locales-imperialismes-question-kurde-comprendre-le-moyen-orient

  • Repères. Scènes politiques du (des) Kurdistan (Npa)

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    Cette note a pour but de rappeler brièvement les composantes politiques des quatre parties du Kurdistan, ainsi que leurs dynamiques.

    La présence d’un bassin de peuplement kurde remonte à plusieurs millénaires, mais le traité de Lausanne en 1923 sacrifie l’idée d’un Kurdistan sur l’autel des intérêts occidentaux liés à la Turquie kémaliste naissante. Les Kurdes se retrouvent alors divisés sur quatre États : la Turquie, foyer de population kurde le plus important (15 à 20 millions), l’Irak (4 à 5 millions), la Syrie (3 à 4 millions) et l’Iran (5 à 6 millions). (Il y a des kurdes dans d'autres états, comme ceux de l'ex URSS et l'Europe de l'Ouest note du blog)

    Turquie


    La création de la République turque s’est accompagnée d’une sévère répression de la population kurde et de sa culture.

    En 1979 est créé le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). D’abord marxiste-léniniste et nationaliste, le parti change de direction après l’arrestation de son leader, Abdullah Ocalan, emprisonné depuis 1999 en Turquie. Aujourd’hui, la ligne politique du PKK et des organisations affiliées à l’idéologie d’Ocalan tient dans la mise en place d’un confédéralisme démocratique, où les entités locales sont autonomes et démocratiques et où l’économie est au service de l’humain et respectueuse de la nature.

    Le droit des femmes est également un axe majeur de cette idéologie, notamment par la codirection politique. La revendication d’un État-nation kurde n’est plus au programme du parti. Le KCK regroupe le PKK et des groupes partageant la même idéologie présents dans les autres zones Kurdes. PKK et KCK sont classés terroristes et traqués par les autorités turques. Le fragile cessez-le-feu en vigueur depuis 2013 risque de ne pas tenir devant l’inaction des Turcs face à l’attaque jihadiste en cours à Kobané.

    Depuis 1993, les Kurdes de Turquie ont le droit de créer des partis politiques pour défendre leurs intérêts et représenter le PKK. Ces partis sont régulièrement dissous. Le dernier en date est le BDP, Parti pour la paix et la démocratie, majoritaire dans les zones kurdes. En 2014, hors des zones kurdes, des dirigeants importants du BDP ont démissionné pour créer le HDP (Parti démocratique des peuples). Le HDP reprend les idées politiques du BDP, tout en englobant en son sein d’autres minorités de la société turque : Alévis, LGBT, etc. Enfin, si une partie importante des Kurdes de Turquie soutient le PKK et les partis affiliés, il existe aussi un électorat conservateur qui vote pour l’AKP, parti islamiste du président Erdogan ou pour Hüda-Par, le parti islamiste kurde minoritaire.

    Irak

    Le Kurdistan irakien est marqué par les guerres qui l’ont traversé. C’est là qu’est né en 1946 le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) sous l’égide de Mustafa Barzani et de son clan. En 1975, l’UPK, Union patriotique du Kurdistan, fait scission avec le PDK.

    PDK et UPK ont tous deux lutté contre le régime de Saddam Hussein, arrivant à obtenir un Kurdistan autonome après la guerre du Golfe, puis se sont déchirés dans une guerre de pouvoir de 94 à 98.
    À l’heure actuelle, le Kurdistan irakien est divisé en deux : le nord sous contrôle du PDK, dirigé par Massoud Barzani, fils du fondateur, et le sud contrôlé par l’UPK dirigé par Jalal Talabani. Ce dernier a été poussé par les Américains à la présidence de l’Irak jusqu’en 2014. Barzani, lui, préside le KRG, Kurdish Regional Government.


    En 2009, un nouveau parti apparaît : Goran (« Changement »), mais malgré son nom, beaucoup le voient comme une pseudo-alternative. On trouve aussi de petits partis politiques : les islamistes de l’UIK et du GIK, et les minorités (dont le PC). Suite à la percée de l’État islamique, les Kurdes d’Irak ont étendu leurs zones de contrôle, notamment sur Kirkouk, et ont réclamé leur indépendance totale. Après la débandade de l’armée irakienne devant les jihadistes, l’Occident a choisi de les soutenir militairement, sans pour autant appuyer leur revendication.

    Le Kurdistan irakien reste très conservateur.

    Le clientélisme partisan et la corruption sont de mise, ainsi que le fonctionnement clanique, cela malgré un vernis démocratique. L’économie est ultralibérale. L’argent apporté par la manne pétrolière a été dilapidé dans des investissements hasardeux et a amené à un abandon progressif de toute forme de production alimentaire ou énergétique locale, conduisant la zone à devenir dépendante de la Turquie et de l’Iran. Les investissements occidentaux ont été accueillis les yeux fermés. Mais la puissance médiatique du Kurdistan irakien lui permet de travailler son image. Suite au cessez-le-feu avec le gouvernement turc, les combattantEs du PKK se sont réfugiés dans leur bastion des montagnes du nord de l’Irak. Leurs relations avec le PDK sont très mauvaises.

    Iran

    Aujourd’hui, c’est en Iran que les Kurdes subissent le plus de discriminations. Leurs droits civils et politiques sont régulièrement bafoués. Le taux de chômage des Kurdes avoisine les 50 %, engendrant nombre de problèmes sociaux. Régulièrement, des militantEs sont arrêtés et exécutés. Les Kurdes d’Iran ont une représentation politique via le PDKI, le Parti démocratique du Kurdistan iranien, issu du mouvement de Barzani. Dans les montagnes à la frontière irakienne, une guérilla issue du PKK, le PJAK, continue à se déclarer en lutte contre l’Iran, et cohabite avec le Komala, un parti à l’idéologie marxiste devenu aujourd’hui sociale-démocrate. Le parti communiste-ouvrier d’Iran comprend aussi un courant nationaliste kurde.

    Syrie

    En Syrie, sous Bashar al-Assad, les Kurdes étaient soumis à une politique de répression et de discrimi- nation. La guerre civile fut une opportunité pour eux de prendre leur destin en main. Le Kurdistan syrien (appelé Rojava) est composé de trois cantons situés au nord de la Syrie, le long de la frontière avec la Turquie : Afrin à l’ouest, Kobané au milieu, Jezireh à l’est. 10 % des Kurdes syriens vivaient dans la banlieue de Damas.

    Rojava est divisée entre deux coalitions. Le PYD, ou Kurdish democratic union party, affilié au PKK et ses alliés, se sont regroupés fin 2013 au sein du People’s council of western Kurdistan et ont déclaré la formation d’un gouvernement autonome de transition dans les trois cantons, avec la mise en place d’administrations locales, dirigées chacune par un Premier ministre et constituées de représentants des divers partis alliés au PYD, ainsi que des minorités (syriaques, arabes...).

    Le KNC, Kurdish national council, a été fondé sous l’égide de Barzani et est composé de l’aile syrienne du PDK, le PDKS et de ses alliés. Le KNC ne reconnaît pas la légitimité de l’administration locale des cantons et n’y participe pas, malgré l’offre qui leur a été faite. Il a préféré miser sur l’opposition syrienne en intégrant fin 2013 le Conseil national syrien (CNS). Ce rapprochement est une divergence importante entre les deux partis car le CNS est proche de la Turquie, et s’oppose donc aux projets d’autonomie des Kurdes. Le KNC accuse le PYD de vouloir la mainmise sur les zones kurdes, mais sans proposer de réelles alternatives.

    Le PYD travaille activement à une reconnaissance internationale. Confronté aux assauts incessants des jihadistes et à un embargo, Rojava a un besoin urgent d’aide humanitaire et militaire, mais la proximité politique avec le PKK braque les puissances occidentales.

    Yann Renoult


    Photographe reporter qui a vécu plusieurs mois en 2014 entre le Kurdistan syrien et irakien. Reportage photo : http://cargocollective.com/yannrenoult/Syrian-Kurdistan-towards-autonomy

    http://npa2009.org/arguments/puissances-locales-imperialismes-question-kurde-comprendre-le-moyen-orient

  • Syrie comme Irak : Pas de nouvelle guerre ! (l'Anticapitaliste.ch)

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    La situation au Moyen-Orient semble très compliquée.

    L’État Islamique(EI) met chaque jour sous son contrôle de nouveaux territoires, en profitant de la guerre civile en Syrie qui continue. Les incidents meurtriers entre Palestiniens et armée israélienne se reproduisent tous les jours, et les États-Unis et leurs alliés utilisent avions et drones pour bombarder à droite et à gauche avec leur « fameuse » précision.

     Les coalitions traditionnelles paraissent incapables d’affronter cette instabilité, et le rôle des classes dominantes de la région reste flou. Pourquoi la Turquie n’attaque-t-elle pas les forces de l’EI qui entourent Kobané et qui prennent «gentiment» le contrôle d’une grande partie de la frontière entre Turquie et Syrie ? Pourquoi face à une telle menace les États-Unis ne déploient-ils pas plus de forces militaires ? Pourquoi l’occident n’utilise-t-il pas l’armée israélienne afin de stabiliser la région comme il l’a fait auparavant ?

    Et enfin, que peut-on faire ici en Europe face à cette situation ? Doit-on soutenir les bombardements contre ces « barbares » qui décapitent des innocents ? Soutenir les islamistes ? Ou bien se distancer  d’un conflit dont le résultat sera de toute façon négatif ?

    L’État Islamique et les États-Unis

    Aujourd’hui, selon les médias, l’ennemi numéro un dans la région est l’État Islamique. Mais l’histoire nous prouve que les ennemis d’hier deviennent facilement des amis et vice versa. L’Iran, la Syrie, l’Égypte, la Turquie, l’Irak et la Jordanie, ont fait partie des deux camps – depuis l’invasion de l’empire ottoman par les occidentaux, et la création de ces pays. Et on ne parle pas seulement d’Etats : les talibans,  les kurdes,  les bédouins, les chiites, les sunnites et les chrétiens ont été manipulés ou ciblés selon les plans et les besoins de l’impérialisme occidental dans la région. Certaines forces ont été même créées à cause de l’ignorance, ou grâce au soutien des forces impérialistes.

    Notamment, l’EI doit sa naissance à la situation qui a suivi la guerre en Irak en 2003.

    La manière dont les dirigeants politiques et militaires des États-Unis ont utilisé les divisions sectaires entre chiites et sunnites en choisissant la minorité chiite pour administrer le pays, a fait exploser des différences que le peuple irakien avait laissé de côté lorsqu’il a fallu résister à l’invasion de 2003.

    L’équipement de l’EI dont les médias parlent si souvent n’a pas été fabriqué par des forgerons Irakiens.

    Ce sont les ex-officiers sunnites de Saddam Hussein qui avaient accès aux dépôts d’armements cachés partout en Irak, qui ont pu équiper les différents groupes autour d’Al-Qaïda qui ont évolué en EI. De plus, le régime de Bachar el-Assad n’a pas hésité à armer les groupes de cette mouvance pour qu’ils puissent noyer dans le sang la révolution syrienne. En bref, les États-Unis et leurs alliés occidentaux et moyen-orientaux n’ont jamais eu pour but ni d’empêcher le terrorisme ni de protéger les civils. Comme l’avait dit Lawrence Korb, vice Secrétaire d’état à la Défense de Reagan (1981-1985) lors de la guerre contre l’Irak en 1991 : « Si au Koweït on cultivait des carottes, on s’en foutrait. »  Les armées de l’ouest interviennent uniquement pour protéger les intérêts des multinationales pétrolières et des matières premières.

    Les classes dominantes du Moyen-Orient ne sont pas innocentes non plus.

     Nationalistes, islamistes et libéraux, ils ont tous utilisé la résistance palestinienne d’une manière opportuniste et quand cela menaçait leurs propres intérêts, ils n’ont pas hésité à la massacrer. Les exemples sont nombreux : les Phalangistes d’Elie Hobeika au camp de Sabra et Shatila en 1982, les Hachémites en Jordanie en 1970 lors du septembre noir, ou l’armée du régime de Hafez al-Assad  en 1975 au Liban. Le partenaire préféré des États-Unis dans la région, l’Arabie Saoudite, est connue non seulement pour l’imposition la plus sévère de la charia, mais aussi pour le financement de la renaissance de nouveaux courants islamistes. Al-Qaïda comme l’EI ont été tous deux financés au moins pendant une période de leur existence par la péninsule Arabe via la place financière de Dubaï. En outre, une grande partie de leurs dirigeants a vécu ou été éduqué en Arabie Saoudite.  Mais les attaques des armées occidentales ne visent pas les responsables, qui sont leurs alliés.  Ils disaient vouloir se débarrasser d’un dictateur, Saddam Hussein, mais l’ont finalement remplacé par d’autres, et ont créé les conditions pour l’émergence d’autres forces réactionnaires comme l’EI.

    L’histoire le prouve encore une fois : la pauvreté et la misère que les bombardements créent sont  le meilleur laboratoire génétique pour les « terroristes » de l’avenir.

    Mais ce sont des sauvages!

    Certes, les images des décapitations filmées et distribuées sur internet sont très choquantes. Par contre, personne ne nous a montré les images des 30 personnes exécutées cette année aux États-Unis condamnées à mort, ou des 52 qui ont été exécutées en Arabie Saoudite dont une pour sorcellerie. Les néo-conservateurs n’ont pas laissé couler une larme pour ces personnes-là.  Ils profitent par contre des actions abjectes de leur propre enfant en Irak pour jouer le rôle de pompiers voulant assurer la stabilité inachevée dans la région.

    Expliquer que la réaction d’Obama et de David Cameron  est totalement hypocrite ne revient aucunement à soutenir l’EI ou autres djihadistes. Il s’agit de revenir à la racine du problème qui a donné naissance à ces atrocités. Comme le dit Chris Harman dans son livre Le prophète et le prolétariat : «comprendre les raisons du cancer ne signifie pas justifier la douleur ou la mort ». Mais essayer de comprendre la nature et les forces motrices de ce mouvement sans prendre par exemple en compte la mort de 500 000 enfants à cause de l’embargo sur l’Irak de 1991 à 2003, est une méthode erronée.

    D’ailleurs, le fait que le camp des force occidentales s’autoproclame progressiste ou se présente comme le  garde du corps de la civilisation, semble assez ridicule.  Aucune force du monde arabe ne pourra faire autant de morts que l’Holocauste, la guerre du Vietnam ou la Première guerre mondiale. Même de nos jours encore, la guerre des drones lancée par le dit pacifiste Obama a tué plus de 2500 personnes, dont 20% étaient des civils.

    Leurs hésitations montrent leur hypocrisie.

    Sur le terrain, l’EI avance tous les jours en massacrant, et la seule force qui lui résiste effectivement sont les Kurdes. Les bombardements aériens ont de la peine à cibler les forces extrêmement mobiles des djihadistes. Pour l’instant, ils se limitent à frapper des infrastructures comme l’usine de gaz Coneco, et poussant la population à l’obscurité et à la misère.

    Malgré les discussions qu’on entend depuis début septembre, les États-Unis et l’Europe n’ont pas pour l’instant soutenu les Kurdes. La Turquie a refusé pendant plusieurs jours de laisser passer les 160 000 réfugiés qui se massaient aux frontières turco-syriennes. Erdogan a ouvert les frontières uniquement sous la pression des émeutes et des manifestations au sud du pays dans les régions où la majorité de la population est kurde. En même temps, il n’a pas hésité à tuer 21 manifestants et à les appeler «des traitres et des saboteurs de la paix ». La passivité de l’armée turque face au déploiement des tanks et des armes de l’EI juste à côté des frontières est, à première vue, très étonnante. Ce retard exceptionnel est en effet dû à la convergence de plusieurs facteurs.

    D’abord, l’hésitation des États-Unis – à s’investir dans une nouvelle guerre coûteuse, en vies humaines et en dollars,  en même temps que d’autre fronts stratégiques demandent son attention – est justifiable. L’importance du front ukraino-russe et surtout celui en mer de Chine méridionale3 laissent peu de marge de manœuvre pour le géant déjà affaibli après 14 ans de guerres sans succès en Irak et en Afghanistan. De plus, comme l’a très clairement expliqué le secrétaire d’État américain John Kerry, Kobané n’était «pas un objectif stratégique». «Aussi horrible que ce soit d’observer en temps réel ce qui se passe à Kobané, vous devez prendre du recul et comprendre l’objectif stratégique».

    En Europe, la crise économique ne laisse que peu de marge de participation à la Grèce ou à Chypre, qui étaient lors des dernières guerres des forces très importantes d’un point de vue géostratégique. En Europe centrale, les chefs d’Etats ne sont pas non plus prêts à engager leurs armées dans une guerre dont les enjeux et les résultats sont très incertains. La défaite de David Cameron au Parlement britannique en août 2013, la première depuis 1782 sur un sujet de guerre, rappelle aux belliqueux que le coût de leurs aventures cette dernière décennie a été trop élevé.

    Pour la Turquie, les choses sont encore plus compliquées. Elle ne souhaite pas voir un deuxième territoire autonome kurde juste à côté de celui au nord de l’Irak, mais en même temps elle ne veut pas mettre en danger le processus de paix avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ni avoir l’EI comme voisin direct.  D’un autre côté, laisser l’EI faire le sale boulot de nettoyage ethnique du Kurdistan syrien est quelque chose qui arrangerait bien les dirigeants d’Ankara…

    Les frontières des accords Sykes-Picot (1917) et de Lausanne (1923) sont en train de changer et les « grandes puissances » sont prêtes à se battre, chacune  pour ses propres intérêts.

    Ce ne serait pas faux alors de dire que le bloc des pays dits « progressistes » n’est pas si uniforme. Les classes dominantes ont certainement un intérêt commun dans la région: une stabilité qui permettrait aux capitaux occidentaux d’envahir tous les aspects de vie de Kirkouk (Irak du nord) à Bassora (Irak du sud) et du Caire à Lahore (Pakistan) afin de faire des profits. Cet horizon étant loin et incertain, les diverses stratégies nationales prennent un rôle plus important. Et les conflits ne manquent pas : les zones exclusives économiques pour les pays avoisinants, le contrôle du pétrole, les conduites de gaz, la suprématie militaire.

    La volonté d’aider les peuples de la région est si limité que l’Union Européenne n’accepte même pas d’enlever le PKK et le PYD (parti de l’union démocratique syrien, kurde) de sa liste des groupes terroristes. Si l’Europe veut aider le peuple kurde, elle doit immédiatement enlever le PKK de la liste des organisations terroristes, et obliger la Turquie à laisser le couloir nécessaire pour que les kurdes puissent transporter leurs armes afin de se défendre. Mais ceci irait contre les intérêts turcs dans la région parce qu’un Kurdistan faible, isolé et dépendant  au nord de l’Irak est quelque chose de contrôlable. Par contre, une lutte commune de tou·te·s les Kurdes serait pour les intérêts turcs un cauchemar qui déstabiliserait la région d’une manière incontrôlable. Avec l’aide des familles kurdes corrompues  des Talabani et des Barzani, la stratégie de diviser pour mieux régner fonctionne bien, et permet de ne pas prendre le risque de laisser l’ensemble de la population kurde, qui a une forte tradition anti-impérialiste, devenir un facteur important dans la région. Pour les États-Unis et l’Europe, les Kurdes pourraient être aidés à une seule condition : qu’ils deviennent leur sous-traitant dans la région comme l’avait été au Kosovo l’UCK (Armée de libération du Kosovo).

    Bref, Obama et ses alliés s’engageront dans cette guerre au gré de leurs intérêts et non ceux de la population locale.

    Que fait Israël?

    Si son rôle est de garantir la stabilité dans la région pour les intérêts de l’impérialisme, pourquoi Israël n’agit-t-il pas ? Son armée est une des toutes premières au monde, implantée juste à côté. Pourquoi alors n’est-elle pas utilisée ?

    Pour les forces impérialistes, l’utilisation de l’armée israélienne est une épée à double tranchant. Les Américains et les Européens savent que la présence de l’armée israélienne risque plutôt de créer des problèmes au lieu de les résoudre. Aucune population dans la région ne serait prête à accepter la collaboration, le soutien et d’autant plus l’intervention d’Israël au nom de leurs intérêts. Les peuples, qu’ils soient kurdes ou arabes, afghans ou égyptiens, voient tous l’appareil étatique et militaire d’Israël comme un ennemi, comme le chien de garde de l’impérialisme occidental.

    Une intervention israélienne risquerait de provoquer de fortes réactions non seulement au Moyen-Orient, mais aussi dans les capitales de l’ouest. Après cet été meurtrier (et l’opération «Bordure protectrice»), la perte de légitimité de l’état sioniste est remarquable. Souvent, même les médias qui d’habitude sont 100% pro-sionistes, ont été obligés d’admettre que la brutalité et les crimes de l’armée israélienne n’étaient pas justifiables.

    Et nous, que pouvons-nous faire ?

    Si une intervention militaire n’a donc rien à offrir, si c’est n’est de tuer des gens, la question qui se soulève est : que pouvons-nous faire en Europe ? Comment agir face aux massacres de la population irakienne et kurde par l’EI ? Que faire face aux bombardements de la coalition ?

    La première chose à faire, c’est de montrer notre solidarité. Ceci n’est pas une tâche abstraite ni symbolique. Faire revivre les mouvements anti-guerre de 2003 dans la période actuelle tellement incertaine pourrait avoir de multiples résultats. En se réunissant sous les pancartes et les banderoles contre la guerre, nous ciblerons non seulement nos gouvernements qui participent chacun à sa manière à cette offensive, mais aussi l’extrême droite et son pilier idéologique islamophobe. En nous réunissant ici en Europe avec les réfugiés et les immigrants arabes, nous montrons aux peuples du Moyen-Orient, non seulement que nous sommes contre les bombardements, mais que les peuples européens ne sont pas conquis par l’islamophobie et le racisme.

    Les peuples en Syrie, en Irak et au Kurdistan savent que l’EI a été soutenu ou toléré par des régimes arabes selon leurs besoins. Mais ils ne sont pas les seuls à le savoir. Les peuples en Tunisie, en Égypte, au Liban, et en Palestine le savent aussi. Il y a peu, ils se révoltaient et nous remplissaient de joie avec leur printemps arabe. C’est notre obligation maintenant d’agir et de leur montrer que nous leur faisons confiance. Ce n’est pas le moment de nous barricader dans de faux camps. Les classes dirigeantes se frottent les mains quand la gauche se rallie à leur cause «humanitaire et culturelle». Nous ne pouvons pas faire confiance à ceux qui ont créé cette situation.

    Le 26 septembre, des dizaines de manifestations ont eu lieu en Syrie sous le slogan «Les civils n’ont pas besoin des nouveaux assassins internationaux», exprimant ainsi leur sentiment de l’inutilité des bombardements.

    La gauche, qui voit l’histoire à travers le prisme de la lutte des classes et non celui du sectarisme, ne doit pas seulement agir, mais aussi se charger de créer un mouvement beaucoup plus large que ses propres forces. Créer un mouvement qui devra réclamer :

    -D’arrêter toute intervention impérialiste de la région.

    -D’aider le peuple Kurde sans conditions politiques et financières.

    DD

    http://www.gauche-anticapitaliste.ch/?p=12468

  • Omar Barghouti: La reconnaissance d’un Etat Palestinien sans l’inté de ses droits n’a pas de sens (Agence Médias Palestine)

    Omar Barghouti est un militant palestinien et l’un des fondateurs du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions. Il est l’auteur de « Boycott, Désinvestissement, Sanctions : Le Combat Mondial pour les Droits des Palestiniens. »

    Le vote écrasant du Parlement britannique pour la reconnaissance d’un « Etat de Palestine » peut vraiment être un signe de « où souffle le vent », comme l’a commenté l’ambassadeur britannique à Tel-Aviv – un reflet de l’érosion significative du soutien public au régime israélien d’occupation et de déni des droits des Palestiniens. Mais il ne faudrait pas le voir en noir et blanc.

    Si c’est le premier pas vers la reconnaissance du droit irréfutable du peuple palestinien à l’auto-détermination, ce serait alors une contribution positive à l’établissement d’une paix juste et durable en conformité avec la législation internationale.

    Si l’intention est simplement de ressusciter la solution comateuse de la solution à deux Etats dictée par Israël, cela ne ferait que perpétuer un régime injuste.

    Mais si, comme sous-entendu, cela consiste à seulement ressusciter la version comateuse de la « solution à deux Etats » qui, dictée par Israël, oublie les droits fondamentaux des Palestiniens, ce serait une preuve de la complicité britannique pour accorder une légitimité au régime injuste d’Israël.

    Comme l’a prédit le Secrétaire d’État John Kerry, après tout, le déni des droits des Palestiniens par Israël et la colonisation continue des territoires palestiniens occupés, y compris à Jérusalem Est, transformera la solution putative à deux Etats en Bantoustans palestiniens dans un « Etat d’apartheid » d’Israël.

    Selon les Nations Unies, le droit des Palestiniens à l’auto-détermination comprend, en plus de la souveraineté nationale, « le droit inaliénable des Palestiniens à retrouver leurs maisons et leurs biens d’où ils ont été déracinés et évincés ».

    Une écrasante majorité de la société civile palestinienne a déclaré, dans l’appel historique de 2005 au Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre Israël, que pour mettre en œuvre l’auto-détermination palestinienne, il fallait mettre fin à l’occupation et la colonisation par Israël depuis 1967, « reconnaître les droits fondamentaux des citoyens arabes-palestiniens d’Israël à une totale égalité », et le droit pour les réfugiés palestiniens de retrouver leurs maisons et leurs terres d’où ils ont été chassés par la force en 1948.

    Israël a violemment refusé la pleine égalité, dans ses principes et dans ses lois, pour ses citoyens palestiniens parce que cela saperait, de facto et de jure, sa volonté d’être un Etat exclusivement juif. Cependant, même le Département d’État américain a critiqué Israël parce qu’il maintenait un système de « discrimination institutionnelle, juridique et sociétale » contre ses citoyens palestiniens.

    Les Palestiniens attendent des gouvernements mondiaux, et spécialement du gouvernement britannique directement responsable de la création de la question palestinienne, de reconnaître, avant toute autre chose, notre droit à l’égalité des droits avec toutes les autres nations et tous les autres êtres humains.

    Nous voulons ce que l’Archevêque Desmond Tutu appelle « le menu complet des droits ».

    Traduction : J.Ch. pour l’Agence Média Palestine 

    Source:

    http://www.nytimes.com/roomfordebate/

    http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2014/10/17/omar-barghouti-la-reconnaissance-d-un-etat-palestinien-sans-lintegralite-de-ses-droits-na-pas-de-sens/

  • Algérie: "C’est la faillite totale du régime"

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    Fait inédit, la police est descendue dans la rue pour manifester.
     
    Déclenchée à Ghardaïa le 13 octobre, la protestation a gagné Alger, Oran et s'étend à d'autres villes du pays. Quels sont les ressorts de ce mouvement surprenant ?
     
    Dans une action inédite, aux contours d’un "mini-coup d’Etat", les policiers ont même réussi à gagner les jardins de la présidence de la République ! Qui l’aurait cru lorsqu'on sait que le palais de la présidence est depuis longtemps considéré comme une citadelle imprenable. Et de nombreux citoyens qui ont participé à des manifestations par le passé ont eu à le vérifier à leurs dépens, eux qui ont souvent été stoppés dans leur progression à des centaines de mètres de la présidence, lorsqu’ils n'étaient pas carrément passés à tabac.

    Bras de fer en sourdine

    C’est que la symbolique de l'action, si elle révèle l’ampleur du malaise qui couve au sein de ce corps de sécurité, n’en dissimule pas moins quelques relents politiques. Sinon, comment expliquer ce subit tir groupé contre Abdelghani Hamel, arrivé en juillet 2010 [à la tête de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN)] ? Comment expliquer que c’est [le Premier ministre] Abdelmalek Sellal qui se déplace à la présidence de la République pour recevoir les représentants des policiers ?

    Faut-il voir dans ce mouvement un bras de fer en sourdine entre le ministre de l’Intérieur, Tayeb Belaïz, et le directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel ? S’agit-il du prolongement du feuilleton des restructurations opérées au sein du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) ? Faut-il y voir une lutte féroce au sommet dans la guerre de succession à Bouteflika, dont la vacance est désormais établie ? Autant de questions auxquelles il n’est pas aisé de répondre, faute d’éléments d’informations fiables et au regard des mécanismes de fonctionnement du sérail dont l’opacité est la marque de fabrique.

    Passer son temps à réprimer les citoyens

    "C’est la première fois depuis l’indépendance (1962) que cela arrive, que des policiers décident de protester. Cela est dû, de mon point de vue, aux fortes pressions auxquelles est soumis ce corps de sécurité. C’est révélateur de l’absence de responsables de la société civile et de responsables politiques. En un mot, l’absence de démocratie. C’est la faillite totale du régime. J’ai entendu, il y a quelques mois, un représentant de la DGSN déclarer que la police est intervenue plus de dix mille fois contre les émeutiers en 2012. C’est très grave, car on a laissé les citoyens et la police face à face régler leurs problèmes. Or, le règlement des problèmes se fait autrement. On les règle politiquement. La mission de la police n’est pas de passer son temps à réprimer les citoyens", explique au journal Liberté l’enseignant en sciences politiques et ancien officier militaire à la retraite, Ahmed Adimi. Faut-il cependant y voir une manipulation dans ce mouvement inattendu ?

    "Je ne pense pas qu’il y ait une manipulation. Si on arrive à manipuler tout un corps, cela veut dire qu’il ne reste plus rien dans ce pays. A mon avis, les policiers sont fatigués, ils ne peuvent plus supporter la situation", tranche Adimi. Il reste que, de par la symbolique d’avoir réussi à accéder à la présidence, d’avoir fait venir Abdelmalek Sellal, les policiers ont mis à nu la gestion approximative des affaires publiques au sommet de l’Etat et une carence de la gouvernance. Une exacerbation de la crise et des changements en perspective ne sont pas à exclure.

    Liberté Karim Kebir 17 octobre 2014

    http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/17/c-est-la-faillite-totale-du-regime

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

    https://encrypted-tbn3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTrjZLxdJHB1guEA4egYvMcs99Cvu7yszxEaqXmkL55qtbBW1Gq

    WARSCHAWSKI Michel - 1 October 2014
     
    Petition - 10 octobre 2014
     
    AYDIN Uraz - 16 octobre 2014
     
    HONIG-PARNASS Tikva - 1er octobre 2014
     
    DESOLI Francesco - 14 octobre 2014
     
    ROUSSET Pierre - 15 octobre 2014
     
    IMBERT Louis - 13 octobre 2014
     
    TAYLOR Rafael - 17 August 2014
     
    LEROUGE Dominique - 13 septembre 2014

    15.10

  • Nouveautés sur "A L'Encontre"

    Des anti-djihadistes sans buts de guerre communs.

    15 - octobre - 2014

    Par Claude Angeli L’équipe Obama vient d’effectuer un surprenant raid «politico-militaire» sur la Turquie, membre de l’Otan et donc alliée des Etats-Unis. A la fin de la semaine dernière, John Allen, conseiller spécial à la Maison-Blanche, a rencontré à Ankara les collaborateurs du président Recep Erdogan. Accompagné d’une petite délégation, Allen souhaitait évoquer la menace […]

    Islam. «Une époque première» qui n’existe que dans le fantasme

    16 - octobre - 2014

    Par Jacqueline Chabbi Que peut dire l’historien devant l’innommable, sinon que le présent est responsable du présent et que l’innommable présent ne saurait se justifier ni se légitimer à partir d’un passé. Le drame qui se joue aujourd’hui avec la violence que l’on sait réclame, au-delà de l’urgence, une réflexion fondamentale sur ce qu’a été […]

    Turquie. Kurdistan: «le fantôme de la guerre civile prend corps»

    15 - octobre - 2014

    Par Louis Imbert On a entendu rugir des chasseurs dans le ciel de Diyarbakir, la «capitale» kurde de Turquie, mardi 14 octobre au matin, puis de nouveau dans l’après-midi. La veille, des F-16 et des F-4 avaient décollé d’un important aérodrome militaire proche de la ville, et de la base de Malatya, pour bombarder une position […]

    «Le terrorisme de Daech tout le monde en parle, le terrorisme d’Assad plus personne n’en parle»

    15 - octobre - 2014

    Par les FemmeS pour la démocratie (FSD) Actuellement et depuis la formation de la coalition internationale, les médias nationaux et internationaux parlent beaucoup de l’Etat islamique (Daech selon l’acronyme arabe), de sa terreur et des frappes de la «coalition internationale». On a l’impression qu’il ne se passe plus rien, ailleurs, en Syrie. Résumé de la […]

  • Irak. Des éléments attestent que des crimes de guerre ont été commis par des milices soutenues par le gouvernement (Amnesty)

    Nouri al-Maliki

    Des milices chiites, soutenues et armées par le gouvernement irakien, ont enlevé et tué des dizaines de civils sunnites ces derniers mois et bénéficient d’une impunité totale pour ces crimes de guerre, écrit Amnesty International dans une nouvelle synthèse rendue publique mardi 14 octobre.

    Ce document, intitulé Absolute Impunity: Militia Rule in Iraq, fournit des détails choquants sur des attaques motivées par l’intolérance religieuse imputées à des milices chiites de plus en plus puissantes, à Bagdad, Samarra et Kirkouk, en représailles semble-t-il aux assauts menés par le groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI). Des dizaines de corps non identifiés, menottés et présentant des blessures par balles à la tête, ont été découverts à travers le pays, ce qui donne à penser que ces homicides, perpétrés dans des conditions évoquant des exécutions, relèvent d’une pratique bien établie.

    « En donnant sa bénédiction à des milices commettant régulièrement des violations aussi odieuses, le gouvernement irakien cautionne des crimes de guerre et alimente les dangereuses violences motivées par l’intolérance religieuse qui ravagent le pays. Le gouvernement irakien doit immédiatement cesser d’apporter son soutien au système des milices », a déclaré Donatella Rovera, principale conseillère d’Amnesty International pour les situations de crise.

    On continue à ignorer quel sort a été réservé à beaucoup des personnes enlevées par des miliciens chiites au cours des derniers mois et semaines. Certains captifs ont été tués après même que leur famille a versé une rançon d’un montant de 80 000 dollars (environ 63 000 euros), voire plus, afin d’obtenir leur libération.

    Salem, 40 ans, un homme d’affaires et père de neuf enfants qui vivait à Bagdad, a été enlevé en juillet. Deux semaines après que sa famille eut versé 60 000 dollars (environ 47 000 euros) à ses kidnappeurs, son corps a été retrouvé à la morgue de Bagdad ; sa tête avait été écrasée et il avait encore des menottes aux poignets.

    Le pouvoir grandissant des milices chiites a contribué à une détérioration globale de la sécurité et à une atmosphère anarchique. Un parent d’une des victimes originaires de Kirkouk a déclaré à Amnesty International : « J’ai perdu un fils et je ne veux pas en perdre un autre. Rien ne pourra le ramener et je ne peux pas mettre mes autres enfants en danger. Qui sait qui sera le prochain ? Il n’y a pas d’état de droit, pas de protection. »

    Asaib Ahl al Haq, les brigades Badr, l’armée du Mehdi et Kataib Hezbollah font partie des milices chiites soupçonnées d’avoir commis cette série d’enlèvements et d’homicides.

    Ces milices sont devenues plus puissantes et présentes depuis juin, à la suite du retrait de l’armée irakienne, qui a cédé près d’un tiers du pays aux combattants de l’EI. Les miliciens, qui se comptent en dizaines de milliers, portent des uniformes mais opèrent hors de tout cadre juridique et sans aucune supervision de la part des autorités.

    « En s’abstenant d’obliger les milices à rendre des comptes pour leurs crimes de guerre et d’autres graves violations des droits humains, les autorités irakiennes leur ont dans les faits donné carte blanche pour se déchaîner contre les Sunnites. Le nouveau gouvernement irakien du Premier ministre Haider al Abadi doit désormais agir pour maîtriser les milices et établir l’état de droit », a déclaré Donatella Rovera.

    « Sous couvert de lutte contre le terrorisme, les milices chiites s’en prennent de manière impitoyable aux civils sunnites pour des motifs confessionnels, dans le but semble-t-il de les punir pour l’émergence de l’EI et les crimes abjects qu’il commet. »

    À hauteur d’un poste de contrôle au nord de Bagdad, par exemple, Amnesty International a entendu un membre de la milice Asaib Ahl al Haq déclarer : « Si on attrape "ces chiens" [de Sunnites] en train de descendre du secteur de Tikrit, on les exécutera [...] Ils viennent à Bagdad pour commettre des crimes terroristes, alors nous devons les en empêcher. »

    Parallèlement, les forces gouvernementales irakiennes continuent elles aussi à perpétrer de graves violations des droits humains. Amnesty International a mis au jour des éléments de preuve attestant que des détenus ont été soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, et que des Sunnites incarcérés en vertu de la loi de 2005 relative à la lutte contre le terrorisme sont morts derrière les barreaux.

    Le corps d’un avocat et père de deux jeunes enfants, âgé de 33 ans et mort en détention, présentait des hématomes, des plaies ouvertes et des brûlures correspondant à l’administration de décharges électriques. Un autre homme incarcéré pendant cinq mois a été torturé à l’électricité et menacé de viol avec un bâton avant d’être libéré sans inculpation.

    « Les gouvernements irakiens successifs ont fait preuve d’un mépris glaçant pour les principes fondamentaux des droits humains. Le nouveau gouvernement doit désormais changer de cap, et mettre en place des mécanismes efficaces permettant d’enquêter sur les violations commises par les milices chiites et les forces irakiennes et d’amener les responsables présumés à rendre des comptes », a déclaré Donatella Rovera.

    http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/iraq-evidence-war-crimes-government-backed-shi-militias-2014-10-14

  • «Le terrorisme de Daech tout le monde en parle, le terrorisme d’Assad plus personne n’en parle» (A l'Encontre)

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    Actuellement et depuis la formation de la coalition internationale, les médias nationaux et inter-nationaux parlent beaucoup de l’Etat islamique (Daech selon l’acronyme arabe), de sa terreur et des frappes de la «coalition internationale». On a l’impression qu’il ne se passe plus rien, ailleurs, en Syrie.

    Résumé de la situation en Syrie d’Assad actuellement

    Le régime-clan de Bachar al-Assad continue de bombarder les différentes régions de Syrie (gouvernorats d’Alep, Idleb, Hama, Homs, Damas-Campagne et Damas, Daraa…) en utilisant toutes sortes d’armes:

    • Barils explosifs (TNT avec fragments de métaux) qui causent beaucoup de destruction, font de nombreux blessé·e·s graves et multiplient les morts parmi les civils (partout Alep, Hama, Idleb, Homs, Damas-campagne, Daraa, etc.). Ces engins de mort sont moins chers et de fabrication locale!
    • Missiles sol-sol. Ces missiles ont été utilisés depuis 2012 pour cibler Alep (au nord) depuis Damas (au sud). Actuellement ils sont toujours utilisés. Citons deux cas récents:

    Le 8 octobre 2014, sur Al-Waer (quartier de Homs toujours assiégé), deux missiles sol-sol ont été lancés, l’un d’eux a touché un bâtiment d’habitation et a tué une dizaine de civils dont des enfants et plus de 40 personnes ont été blessées;

    Le 10 octobre 2014, al-Harra, à Daraa, a été ciblé par un missile sol-sol qui a tué une dizaine de personnes parmi les civils, dont des enfants.

    • Bombes à fragmentation. Ce genre de bombes cause beaucoup de dégâts et de victimes sans compter les dangers à plus long terme, car dispersés sur le sol les micro-explosifs blessent ou tuent des enfants qui les touchent ou des personnes qui marchent dessus. Le 10 octobre 2014 une bombe à fragmentation a été lancée dans la région d’Idleb.
    • Gaz, donc une arme chimique, continue à être utilisé à petite échelle, entre autres de la chlorine qui, formellement n’est pas incluse dans les «armes chimiques». Tout indique qu’il reste des armes chimiques. Le 24 septembre, le lendemain des frappes de la «coalition internationale» (de fait, les Etats-Unis) en Syrie, Aadra (aux environs de Damas) a été touchée par du gaz mortel. Le 10 octobre, Handarate, quartier d’Alep, a été touché par du gaz mortel.
    • Mortiers et roquettes sont toujours utilisés… «sans modération».

    Autres armes utilisées 

     

    • Les snipers sont toujours en fonction et ce sont des tueurs professionnels.
    • Les Milices sectaires d’Assad et autres groupes étrangers sectaires sèment la terreur, comme le groupe libanais du Hezbollah, le groupe irakien d’Abou Fadl al-Abbas et les combattants des Gardiens de la révolution envoyés par le pouvoir iranien.
    • Les enlèvements restent d’actualité.
    • Le siège des villes et des quartiers, la famine et les coupures d’eau. Nous citons ici particulièrement le camp al-Yarmouk, dans Damas, qui est privé d’eau depuis un certain temps. Ce quartier de Damas est initialement un camp de réfugié·e·s palestiniens qui s’est transformé, au cours des ans, en un quartier «urbain».
    • Les arrestations sont plus fréquentes que jamais. Le régime vise les activistes, leurs familles, les humanitaires, les journalistes. Il n’est pas rare de trouver des familles entières dans les centres de détention d’Assad. Prenons, ici, le cas de Racha: Racha, la trentaine, voulait fuir la Syrie pour mettre ses enfants à l’abri. Le 22 mai 2014, elle s’est rendue au bureau des passeports à Damas avec ses trois enfants pour obtenir les documents adéquats. L’aîné de ses enfants est né en 2010 et elle était enceinte de 7 mois. Elle a été arrêtée avec ses trois enfants ce jour-là; et elle a donné naissance à des jumeaux en détention !
    • Le viol… est une arme de dégradation et d’humiliation terrible et est utilisée contre les femmes ainsi que contre des hommes…
    • La torture qui peut aller jusqu’à la mort. Citons ici le cas de Abdel Rahman FATWA, 26 ans, vétérinaire, de Homs, mort sous la torture le 9 octobre après 3 mois de détention à Tartous. Avant lui, son frère Jamal, pharmacien, a subi le même sort en 2011.

    Nous voudrions préciser que depuis la prétendue «réélection» de Bachar Assad (début juin, avec 88,7% des suffrages!) et le décret présidentiel d’amnistie générale qui s’en est suivi, 679 détenus ont trouvé la mort sous la torture… Donc, une «moyenne» de 5 par jour.

    Il faut souligner un constat depuis le début de la formation de la «coalition», la violence du régime de Bachar al-Assad s’est beaucoup intensifiée.

    Que pensent les Syriens de la situation actuelle?

    Un journaliste a demandé quelle était la position des Syriens (vivant en Suisse) par rapport à ces frappes, mais aussi par rapport à Daech et ses exactions. La position des Syriens de Suisse n’est pas différente de celle des Syriens de l’intérieur ou d’ailleurs dans le monde. En une formule: «nous partageons la même amertume».

    Bien que nous soyons absolument contre Daech et ses exactions, que nous dénoncions avec force, d’ailleurs nous n’avons pas arrêté d’organiser des mobilisations contre Daech et contre Assad depuis l’été 2013, nous ressentons aujourd’hui beaucoup d’amertume par rapport à l’intervention de la coalition emmenée par les Etats-Unis. Les raisons de notre amertume sont les suivantes, parce que la terreur d’Assad dépasse largement celle de Daech et malgré cela «on le laisse tranquille».

    Nous constatons que tous les crimes contre l’Humanité, perpétrés largement et systématiquement par le régime syrien contre «sa» population, ne comptent absolument pas dans cette décision de frapper la Syrie. Même pas les 1500 morts par les armes chimiques à al-Ghouta!

    D’ailleurs, Assad a assassiné plusieurs étrangers en Syrie sans aucune réaction de la part de la «communauté internationale». Nous citons en particulier le cas du médecin anglais Dr. Abbas KHAN, chirurgien qui aidait à soigner les blessés à Alep, qui a été arrêté en novembre 2012 et exécuté par le régime en décembre 2013 dans un centre de détention à Damas. Avant lui l’assassinat des journalistes à Homs, le Français Gilles Jaquier en janvier 2012, l’Américaine Marie Colvin et le Français Rémi Ochlik en février 2012, n’a entraîné aucune réaction de ladite communauté internationale non plus. Douze journalistes étrangers ont trouvé la mort par les soins du régime Assad.

    Il a suffi par contre que deux Américains, James Foley et Steven Sotloff, soient tués (de manière certes des plus inacceptable) par Daech pour motiver cette intervention, mais contre Daech seulement!

    Personne n’a bougé pour protéger les civils en Syrie pendant plus de trois ans de répression sanglante avec aujourd’hui plus de 200’000 morts! Nous avons l’impression que la communauté internationale ne «protège» que les individus de certaines nationalités (occidentales surtout) et reste impassible face aux massacres que subit tout un peuple. Mais aussi, il faudrait que le ou les criminels visés soient les bons… or on ne s’attaque qu’à Daech, mais pas au dictateur-assassin Bachar al-Assad et à son clan rapproché!

    Quelques données chiffrées pour mesurer la gravité de la terreur d’Assad

    Au cours du seul mois de septembre 2014, il y a eu 2375 morts en Syrie dont 1707 civils tués à cause suite à la répression du régime Assad, dont 294 enfants. Alors que Daech a tué 350 personnes en Syrie en septembre, dont 120 civils.

    Cela pour dire que le nombre de victimes du terrorisme d’Etat, toléré par la communauté internationale, reste bien plus grand que celui de Daech.

    Néanmoins, il est certain qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais terrorisme. Cette comparaison a pour seul objectif d’attirer l’attention sur le fait que le régime Assad est tout autant terroriste, et depuis fort longtemps, que Daech.

    Dans cette situation, on a l’impression que la stratégie de la coalition est d’affaiblir Daech et de maintenir la «crise» en Syrie avec une sorte d’alternative institutionnelle au sommet. Y a-t-il un projet visant à affaiblir l’Armée Syrienne Libre (ASL) ou à la mettre dans une situation encore plus difficile tout en la «contrôlant» (avec deux bases dites d’entraînement au Qatar et en Arabie saoudite… avec des délais mal définis; et sous quelles conditions?

    L’intervention en Syrie a été présentée comme des frappes accompagnées d’aide aux combattants modérés sur le terrain. A Kobané (à la frontière avec la Turquie) les civils meurent aujourd’hui et les combattants kurdes manquent de balles! Personne ne bouge pour leur venir en aide! Les USA viennent de refuser d’appliquer une zone tampon sécurisée… Alors qu’il aurait fallu appliquer une zone d’exclusion aérienne sur la Syrie tout entière pour stopper la mort par les bombardements aériens!

    «On» s’attaque à Daech et «on» laisse les autres groupes terroristes tranquilles… Combattre Daech seule et laisser tranquille tous les autres groupes terroristes chiites (Hezbollah, milices irakiennes et iraniennes) nous paraît très douteux! Si ce n’est parce que des relations avec le pouvoir iranien sont en marche du côté des Etats-Unis et de certains de leurs alliés.

    En effet, l’effet de la présence de ces groupes chiites est de transformer la lutte des Syriens insurgés contre la dictature en une lutte sectaire, confessionnelle! Cela risquerait fort de pousser certains Syriens et autres secteurs de la région à se tourner vers l’extrémisme confessionnel… Cela va certainement augmenter le déchirement au sein de la société syrienne et va aussi contribuer à ancrer l’extrémisme et à augmenter des actes de terrorisme, partout dans le monde, peut-être.

    Le combat contre Daech augmente la souffrance de la population syrienne en premier lieu

    Jusqu’à récemment, les civils syriens étaient les victimes du régime Assad et de ses alliés, mais aussi les victimes de Daech. Aujourd’hui, ils meurent aussi sous les missiles américains et leurs conséquences collatérales! Le premier jour des frappes, plusieurs cas de morts et de blessés ont été recensés parmi les civils (y compris des enfants), en Syrie.

    Le 29 septembre 2014, la «coalition occidentale et arabe» a frappé une usine de gaz et un stock de céréales à Deir Ezzor laissant les civils sans pain et sans combustible pour cuisiner! Nous n’avons pas entendu dire que des avions américains auraient parachuté de la nourriture pour les civils là-bas en Syrie comme ce fut le cas en Irak le 7 août 2014 – dans le Kurdistan, au nord de l’Irak.

    Sans oublier le fait que faire quasi-silence aux plans médiatique et politique sur le terrorisme du régime Assad encourage Assad et ses nervis à intensifier la violence et la répression contre la population, ce qui est le cas aujourd’hui!

    Bilan

    Plus de morts, plus de blessés et plus de famine… sans espoir de voir enfin quelqu’un s’occuper de protéger les civils en Syrie contre un régime qui n’a jamais arrêté la terreur contre la population depuis plus de trois ans.

    Cela ne peut qu’augmenter le ressentiment des Syriens contre les pouvoirs en place aux Etats-Unis et en Europe occidentale.

    Craintes des Syriens

    Nous ne savons pas ce qui se passe en coulisses. Après l’annonce par la coalition qu’elle ne collaborerait pas avec Assad, ce dernier a annoncé qu’il considérait ces frappes comme une agression.

    Ensuite, Assad a tout soudainement déclaré qu’il soutenait les frappes occidentales. La «coalition» va-t-elle vraiment aider l’ASL («modérée») et les combattants kurdes syriens sur le terrain? On peut douter de cela quand on voit la politique du gouvernement de Turquie, plus soucieux de «contrôler les Kurdes» et de les frapper que de les aider (ne serait-ce qu’en laissant aller des forces kurdes aller se battre à Kobané). Obama a annoncé récemment que cette aide prendrait du temps (6 à 9 mois) dit-il, pour préparer l’ASL… Alors que l’ASL se bat sur deux fronts – contre Assad et contre Daech – depuis plus d’un an. Soit bien avant les frappes de la «coalition».

    Que veulent les Syriens insurgés?

    Ce que nous souhaitons aujourd’hui c’est que la «communauté internationale» prenne enfin des mesures sérieuses pour mettre fin à toutes les formes de terrorisme en Syrie: celui du régime Assad, de Daech, du Hezbollah, des milices iraniennes et irakiennes. Cela pour protéger les civils et mettre fin à ce bain de sang. Et ça commence par clouer l’aviation syrienne au sol et fournir un armement contre les avions, hélicoptère et les chars…

    Terrorisme d’Assad et terrorisme de Daech, analogies et différences

    Daech et le régime Assad règnent par la terreur et la barbarie médiatisées. Tout le monde a vu ou entendu parler des vidéos de décapitation des journalistes occidentaux. Avant eux Daech a crucifié et décapité publiquement des Syriens qui s’opposaient à lui. Des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux dont le but était de terroriser la population.

    Avant Daech, Assad a organisé des massacres collectifs à l’arme blanche dans plusieurs localités en Syrie. Nous rappelons ici le premier massacre collectif en mai 2012 à al-Houla à Homs où des familles entières ont trouvé la mort. Le but est également de terroriser la population.

    Dans les deux systèmes, un seul maître existe et est «adoré» (ou soumis à une adoration contrainte) comme s’il était un Dieu (Bachar pour le régime syrien et Baghdadi pour Daech). La population ne compte pas dans ces systèmes sauf peut-être pour y être soumise.

    Ciblage des activistes, journalistes, médecins, humanitaires… pour empêcher toute forme d’activités constructives de la société civile.

    Se dessine un objectif analogue: étouffer une révolution et détenir un pouvoir absolu!

    Une grosse différence cependant entre ces deux formes de terrorisme

    1° Assad terrorise principalement sa propre population. Si nécessaire, il n’hésite pas à tuer ceux qui, parmi les Occidentaux, aident la population syrienne… Cette forme de terrorisme est de moindre importance pour la «communauté internationale», ça se passe ailleurs, à la limite tout le monde s’en fiche. Tant qu’il ne s’agit pas «des nôtres»… Même si la durée de cette terreur dépasse les trois ans et demi… et la précédait sous d’autres formes moins visibles et moins amples.

    Daech terrorise des populations sous son emprise (villes occupées, population qui ne se soumet pas à ses ordres), mais il suscite une crainte dans les pays occidentaux, et cela d’une façon très médiatisée.

    Cette forme de terrorisme est beaucoup plus grave pour la «communauté internationale», car ça touche aussi, potentiellement, l’Occident!

    C’est dans cette différence qu’Assad a trouvé dès le début les moyens de manipuler les opinions.

    Stratégie et propagande d’Assad

    Etant conscient de cette différence importante, Assad a orienté sa machine de propagande dès le début des manifestations pacifiques pour s’acheminer vers la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui!

    Il a accusé les manifestants d’être des salafistes (courant fondamentaliste, renvoyant au terme arabe salaf; «ancêtre», «prédécesseur») dès la première manifestation en mars 2011. Afin de défigurer la révolution et de lui donner une couleur d’islamisme extrémiste. Cette propagande a été maintenue sans faille tout au long, même si elle n’avait aucune base sur le terrain au moins jusqu’à fin 2012.

    Il a opté pour une répression violente, pas seulement contre les activistes, mais aussi contre leurs familles pour les pousser à prendre les armes, sachant que la résistance armée peut être plus facilement manipulée…

    Malgré la violence, les manifestations sont restées pacifiques pendant six mois. Ensuite, les armes ont été utilisées d’abord pour protéger les manifestations et les lieux de protestation. Ensuite et suite à l’échec de la mission spéciale de l’ONU, conduite par l’ex-secrétaire général, Kofi Annan, en été 2012, l’offensive du régime a beaucoup augmenté. Il n’ y avait plus aucun choix possible de résistance pacifique.

    Assad a annoncé à plusieurs reprises une amnistie générale… cela depuis 2011. A chaque fois, il a libéré surtout des détenus islamistes fondamentalistes…

    Il a ciblé particulièrement les journalistes, les activistes laïques, les Syriens et Syriennes, éduqués, cultivés et patriotiques qui pouvaient aider à rassembler la population (ils ont disparu, ont été tués, détenus, ou été poussés à fuir…).

    Mais également la violence et les massacres collectifs ont été orientés afin d’attiser le sectarisme. Ces tueries ont ciblé particulièrement les sunnites, le plus probablement pour stimuler des réactions des islamistes.

    Quelques points d’interrogation à propos des rapports entre Assad et Daech

    Ceux et celles qui connaissaient le rôle joué par Assad dans la manipulation d’al-Qaïda en Irak suite à la guerre américaine de 2003, peuvent cogiter sur son possible rôle dans le lancement de Daech en Syrie au printemps 2013.

    Nous rappelons, ici, le cas de James Folley, le premier journaliste décapité par Daech, ce qui a motivé (du point de vue de déclarations publiques) les frappes de la coalition.

    James Foley a été détenu par le régime Assad dès novembre 2012, bien avant la naissance même de Daech (au printemps 2013). En mai 2013 encore, l’AFP a publié qu’il avait été enlevé par des milices pro-régimes et qu’il était entre les mains du service de renseignement à Damas. Et soudainement il se trouve entre les mains de Daech qui le décapite au moment même où Assad se propose comme partenaire pour la lutte contre le terrorisme. Une coïncidence. Ce dossier est bien évidemment connu des services d’intelligence des Etats-Unis.

    Daech décapite d’une façon très médiatisée des journalistes et des humanitaires qui ne pouvaient pas rester immobiles et silencieux face à la catastrophe qui se passe en Syrie. Daech n’a jamais décapité un individu pro-régime d’Assad, jusqu’à tout récemment.

    Ce qui est certain est que le régime ne s’en est jamais pris à Daech, et Daech ne s’en est jamais pris aux forces du régime, ceci jusqu’à la formation de la «coalition internationale». Tous deux s’attaquent, par contre, aux activistes et à l’ASL.

    Aujourd’hui il est évident que les décapitations des journalistes ont soudé le monde entier dans une guerre antiterroriste. Ainsi Assad et ses exactions ont été complètement oubliés. Et pire encore, peut-être même que la coalition cherchera-t-elle à l’avenir à collaborer avec lui dans le rôle du pompier pyromane, comme garant contre le terrorisme.

    En conclusion, on ne peut pas s’attaquer aux symptômes du terrorisme seuls… j’entends par-là Daech, et mettre entre parenthèses, ignorer l’origine même du terrorisme dans la région – et particulièrement dans sa base syrienne, j’entends ici le régime mafieux et criminel d’Assad. (11 octobre 2014, Zurich, notes d’un exposé fait lors d’un séminaire)

    Publié par Alencontre le 15 - octobre - 2014Par les FemmeS pour la démocratie (FSD)