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Droits humains - Page 9

  • En Egypte, un photographe "oublié" en prison depuis trois ans (France 24)

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    Il hurle pour se faire entendre depuis le box des accusés insonorisé d'un tribunal du Caire. Le photographe Mahmoud Abdel Shakour a le sentiment "d'avoir été oublié" trois ans après son arrestation au plus fort de la répression en Egypte.

    Le photojournaliste de 29 ans, primé à l'étranger pour son travail et connu sous le pseudonyme de Shawkan, avait été interpellé le 14 août 2013, alors qu'il couvrait au Caire la sanglante dispersion d'un sit-in de l'opposition islamiste par les forces de sécurité.

    Pour les défenseurs des droits de l'Homme, le cas de Shawkan est l'un des nombreux exemples de la répression qui sévit en Egypte depuis la destitution par l'armée du président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013.

     Des centaines de partisans du président Morsi avaient été tués le 14 août 2013, jour le plus meurtrier de l'histoire moderne de l'Egypte et l'un des plus sanglants dans la région depuis le Printemps arabe en 2011. Dix policiers ont également péri."Je suis désespéré, je me sens impuissant. Le temps passe et je suis toujours en prison", hurle Shawkan depuis la cage des accusés lors de son procès le 9 août.

    Après des mois de détention provisoire, lui et 738 co-accusés sont jugés pour meurtre de policiers et résistance aux forces de l'ordre durant la dispersion du sit-in. Ils risquent la peine de mort.

    "J'ai l'impression d'avoir été oublié en prison", déplore le photographe, lauréat en 2016 d'un prix prestigieux décerné par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).

    "J'aurais voulu me réjouir, mais je ne peux pas. Reprenez le prix et redonnez-moi ma liberté!", lance Shawkan. "Chaque jour, je perds un peu plus espoir".

    Lors d'une audience, le jeune homme s'est plaint d'être détenu dans une cellule mal ventilée qui rend insupportable la chaleur de l'été. Sa famille assure en outre qu'il ne peut pas recevoir en prison les soins nécessaires pour traiter l'hépatite C dont il souffre.

    'Aucune preuve'

    Shawkan couvrait la dispersion du sit-in pour l'agence photo Demotix. Trois journalistes ont été tués ce jour-là, dont le caméraman de la chaîne d'information Sky News Michael Deane.

    "Il n'y a aucune preuve l'incriminant. Au contraire, on a de quoi prouver qu'il travaillait comme journaliste indépendant", affirme à l'AFP son avocat Karim Abdel Radi.

    "C'est la pire période pour être journaliste en Egypte", assène de son côté Sherif Mansour, du CPJ, une ONG basée à New-York.

    Ainsi, le chef du syndicat de la presse et deux de ses adjoints sont actuellement poursuivis en justice pour avoir abrité dans les locaux de l'institution deux journalistes accusés par les autorités d'avoir appelé à manifester contre le gouvernement.

    Quelques mois après l'arrestation de Shawkan, l'Egypte avait déclenché un tollé international avec l'arrestation fin 2013 de trois reporters d'Al-Jazeera, dont un Australien et un Canadien. Traduits en justice, ils ont été condamnés à la prison avant d'être graciés par le président.

    Un co-accusé de M. Shawkan, un journaliste de l'antenne arabophone d'Al-Jazeera, Abdallah ElShamy, avait été libéré en juin 2014 pour raisons de santé et avait quitté le pays, après cinq mois de grève de la faim.

    Le président Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée architecte de la destitution de M. Morsi, est régulièrement accusé par les organisations de défense des droits de l'Homme d'avoir instauré un régime ultra-répressif.

    Des milliers d'opposants islamistes croupissent toujours en prison, tandis que des centaines ont été condamnés à mort en première instance. La répression cible également l'opposition laïque et de gauche, qui compte des dizaines de partisans derrière les barreaux.

    "Je n'arrive pas à dormir la nuit, en sachant que mon fils est victime d'injustice", confie la mère de Shawkan, Reda Mahrous, les larmes aux yeux sur le lit du photographe, près de son portrait.

    A son poignet, un bracelet vert fabriqué par son fils en prison. "Tous les jours, je fais son lit, j’attends qu'il frappe à la porte. Mais ça n'arrive jamais."

  • Algérie: Les libertés et les droits de l’homme malmenés (Algéria Watch)

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    Arrestations, détentions provisoires prolongées et absence de procès...

    Des militants oubliés dans les prisons, des citoyens jugés et condamnés pour délit d’opinion…

    Les atteintes aux droits de l’homme se multiplient et se banalisent. Le tout dans un contexte de restriction des libertés démocratiques. Une chape de plomb s’abat sur tous ceux qui se risquent à franchir les imaginaires lignes rouges fixées arbitrairement.

    Dans la vallée du M’zab, théâtre de violences cycliques, 25 personnes et militants pacifistes, dont l’ancien président du bureau régional de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), Kamel-Eddine Fekhar, croupissent en prison depuis plus d’une année sans jugement. Ils ont été arrêtés le 9 juillet 2015 et accusés de lourdes charges allant de l’«incitation à la violence» jusqu’à l’«atteinte à la sûreté de l’Etat».

    En tout, 18 charges pèsent sur eux et rendent l’instruction longue, prolongeant ainsi leur détention provisoire indéfiniment. Il faut rappeler qu’à la veille de leur arrestation, ils étaient désignés par des responsables du gouvernement comme étant des «fauteurs de troubles à Ghardaïa». Connus pour leur engagement politique et citoyen depuis des années dans la vallée de M’zab, les détenus subissent le calvaire carcéral entre les prisons de Ghardaïa et d’El Ménéa, en attente d’un procès qui tarde à être fixé. Mais depuis, les arrestations n’ont pas arrêté. D’autres personnes ont également été placées en détention provisoire.

    Ce sont 100 personnes qui ont été arrêtées suite aux événements qu’a connus la région, au début de l’année 2015, selon les chiffres fournis par la LADDH. Des défenseurs des droits de l’homme n’hésitent pas à parler «d’arrestations qui ciblent essentiellement des militants politiques pour sanctionner une région devenue un îlot de contestation dans le Sud».

    Et au moment où les organisations des droits de l’homme revendiquaient la tenue d’un procès équitable, l’un des avocats des détenus a été placé, lui aussi, sous contrôle judiciaire. Très actif sur le dossier des détenus de Ghardaïa, maître Salah Debouz est accusé d’avoir «introduit des objets interdits en prison», d’«atteinte aux corps constitués» et de «diffamation».

    Depuis le 13 juillet dernier, il est contraint de se présenter chaque semaine au commissariat de Ghardaïa. Dans la même région, et depuis plus d’une année aussi, deux cadres du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) sont sous mandat de dépôt. Il s’agit de l’ex-président de l’APC de Berriane, Nacereddine Hadjadj, et de Noureddine Kerrouchi. Le premier est secrétaire national du parti chargé de l’environnement et le second était tête de liste du parti aux élections législatives de 2012.

    Pour le porte-parole du RCD, Atmane Mazouz, ces détentions sont synonymes d’«atteintes aux libertés qui prennent des allures inquiétantes ces derniers temps. Qu’il s’agisse de militants politiques ou de simples citoyens, la machine judiciaire est souvent instrumentalisée et n’obéit toujours pas aux lois en vigueur». Le responsable du RCD dénonce «une cabale contre les militants et un traitement en violation des dispositions de la Constitution» et décrit une situation «très dangereuse alors que la justice est soumise».

    Parmi les signes de cette dégradation des droits de l’homme, il y a la condamnation à cinq ans de prison ferme, dimanche passé, de Slimane Bouhafs, à Beni Ourtilane (Sétif) pour «atteinte aux préceptes de l’islam et propos indécents à l’égard du Prophète». De l’avis de nombreux juristes, c’est «la liberté de conscience qui est jugée». Bouhafs est connu pour avoir opté pour la religion chrétienne depuis longtemps, ce qu’il assume publiquement.

    Délit de liberté de conscience

    L’affaire Bouhafs vient rappeler toute la difficulté d’épouser une autre religion que celle de l’Etat, alors que la Constitution garantit la liberté de conscience. Depuis quelques années, de nombreux citoyens sont poursuivis sous le prétexte fallacieux de «prosélytisme». C’est la croix et la bannière.

    Depuis la scandaleuse arrestation de Habiba K. à Tiaret, en 2008, qui avait défrayé la chronique à l’époque poursuivie pour «pratique non autorisée d’un culte non musulman», de nombreux citoyens sont persécutés et poursuivis devant les tribunaux. La condamnation de M. Bouhafs vient s’ajouter à celle de Rachid Fodil de M’sila, condamné également pour «offense au Prophète et atteinte aux préceptes de l’islam».

    La liste des atteintes aux libertés d’opinion n’est pas clause, comme le confirme la condamnation de la militante Zoulikha Belarbi à 100 000 DA d’amende par le tribunal de Tlemcen pour un banale photomontage publié sur un réseau social.

    Dans le sud du pays, des citoyens qui manifestent pour leurs droits au travail subissent régulièrement un harcèlement policier et judiciaire, pendant qu’en Kabylie, des militants pour l’autonomie de la région sont interpellés ou convoqués dans les locaux de la police. Dans la plupart des cas, la répression prend le pas sur la négociation.

    Le pouvoir politique semble avoir définitivement opté pour le bâton. Une croissance dans les atteintes aux droits les plus élémentaires qui illustre la dégradation inquiétante de la situation des libertés individuelles et des droits de l’homme. Cette dernière risque de s’aggraver encore avec le verrouillage du champ politique à travers notamment la promulgation de textes de lois liberticides. 


    Hacen Ouali El Watan, 10 août 2016

    «Je n’ai constaté aucun progrès en matière de respect des libertés individuelles»

    Miloud Brahimi. Avocat et ancien président de la LADH 

    Actuellement, plusieurs personnes sont en prison et attendent depuis longtemps d’être jugées. Cet état de fait remet sur le tapis la problématique de la détention provisoire. A votre avis, pourquoi autant de lenteur alors que la loi a été revue afin d’accélérer le traitement de ces affaires ?

    La détention provisoire est un drame national. Incontestablement, des efforts sont fournis par les autorités pour remédier à cette situation. Preuve en est la décision prise dernièrement consistant à interdire la détention provisoire si la peine est inférieure à trois ans. Toutefois, sur le terrain, la situation demeure alarmante et catastrophique. Mais où réside donc le problème ? C’est la pratique juridique qui fait fi des principes les plus élémentaires en matière de détention provisoire. Mieux, elle fait fi de la présomption d’innocence. Le problème est, de mon point de vue, moins judiciaire que culturel.

    Que voulez-vous dire par un problème culturel plus que judiciaire ?

    En termes simples, il faut éduquer et former les magistrats pour leur apprendre à respecter l’importance de la présomption d’innocence et la signification de la détention provisoire. En Algérie, la détention provisoire est un drame national qui se perpétue. Les exemples dans ce sens ne manquent pas. Je vous cite un cas que je qualifierais de scandaleux et de terrible et qui ne fait nullement honneur au système judiciaire de notre pays. Le directeur général de la CNAN est détenu, à titre préventif, depuis quatre longues années.

    Trouvez-vous normal que cette personne, qui n’est poursuivie ni pour corruption ni pour détournement, attende son jugement depuis quatre ans ? Il attend d’être jugé pour une affaire de mauvaise gestion. Cela dépasse l’entendement. Cette situation est inadmissible. C’est une détention illégale, abusive, arbitraire et contraire à la loi. Et je connais beaucoup de personnes qui sont dans la même situation. Les pouvoirs publics sont interpellés. Normalement, la liberté individuelle est un principe constitutionnel. Le directeur général de la CNAN est poursuivi pour une affaire de dilapidation. D’ailleurs, je m’interroge sur la capacité des magistrats à juger une affaire relevant du domaine économique...

    Donc, la faute incombe aux magistrats...

    Depuis que j’exerce ce métier, je n’ai constaté aucun progrès en matière de respect des libertés individuelles. Nous n’avons pas une philosophie de la liberté provisoire dans notre pays. Je n’ai vu que des aggravations. Nous savons tous que la loi ne vaut que par son application. Les magistrats font partie d’un système judiciaire qui fonctionne de la sorte depuis l’indépendance du pays. Et je peux vous confirmer que le fonctionnement du système est une chose et les textes en sont une autre…

    Prenons encore le cas du général Benhadid qui a été libéré en raison de son état de santé qui s’est détérioré. Vous ne croyez tout de même pas que le magistrat a pris la décision seul de mettre ce général à la retraite en prison. Le général Benhadid n’aurait jamais dû être mis en prison à titre préventif car les faits qui lui sont reprochés ne méritent pas son inculpation. Le plus correct était de le laisser en liberté puis de le juger.

    Aujourd’hui, il y a confirmation de la peine de deux ans de prison pour le journaliste Tamalt. Qu’en pensez-vous ?

    C’est grave. Je trouve qu’il y a de l’exagération.

    Pourquoi, à votre avis ?

    Aucune idée. Je peux juste vous dire que la situation est très inquiétante. Il y a beaucoup de personnes qui attendent d’être jugées. Il y a un excès en matière de détention provisoire et les citoyens ne font plus confiance à la justice parce qu’ils ont pris conscience de l’existence de ses abus et ses excès. En tant qu’avocats et défenseurs des droits de l’homme, nous ne cesserons de dénoncer les abus de la détention et autres qui ternissent l’appareil judiciaire.


    Nabila Amir El Watan, 10 août 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/mrv/mrvrepr/droits_malmenes.htm

     

     

  • Syrie. Alep: broyer une population, pour «négocier»… à Genève (Al'Encontre.ch)

    La «clinique» Al-Bayan après un bombardement...

    La «clinique» Al-Bayan à Alep après un bombardement…

    Par Laure Stephan et
    témoignage du Dr Raphaël Pitti

    C’est une lutte capable de changer le cours de la guerre d’après les partisans du régime; une bataille «à la vie à la mort», pour les militants anti-Assad. Dans les deux camps, les combats en cours, qui pourraient sceller le sort d’Alep, la seconde ville de Syrie divisée en deux depuis 2012, apparaissent cruciaux. Le face-à-face militaire ne se joue pas dans le cœur de la ville, mais dans ses alentours, sur un front situé au sud-ouest de l’ancienne capitale économique, autour de positions dont la consolidation reste précaire.

    Vendredi 5 août au soir, les forces anti et pro-Bachar Al-Assad se disputaient le contrôle de bâtiments d’une école militaire, après une nouvelle attaque lancée par les rebelles. Ceux-ci ont investi le principal bâtiment du complexe militaire, l’école d’artillerie, mais les troupes syriennes ont repoussé l’offensive. Les insurgés, dont les rangs sont dominés dans cette zone essentiellement par des brigades islamistes, ont essuyé plusieurs revers depuis le début de leur offensive quelques jours plus tôt, afin de briser le siège le siège des quartiers rebelles d’Alep encerclés par le régime. «Mais les combattants de l’opposition savent que la bataille qui se joue est celle de la dernière chance, ils vont continuer de tenter d’ouvrir des brèches», indique Haïd Haïd, un jeune analyste syrien originaire de la province d’Alep, installé au Royaume-Uni.

    Depuis le début de l’année, la situation militaire dans la grande ville du nord de la Syrie a déjà failli basculer à deux reprises: en février, lorsque les forces pro-régime ont avancé dans le nord, appuyées par de massives frappes aériennes russes, puis fin avril, lorsque ces mêmes forces ont multiplié les bombardements contre les faubourgs est de la ville, tandis que les rebelles effectuaient des tirs intenses contre les quartiers contrôlés par le gouvernement. A chaque reprise, ces poussées ont été utilisées par Damas et Moscou comme moyen de pression dans les négociations internationales. Le nouveau «tournant» pourrait aussi être le prélude à d’autres pressions.

    Dans les faubourgs orientaux d’Alep tenus par les rebelles, le siège imposé aux quelque 250’000 habitants depuis la mi-juillet par les forces pro-régime se double d’intenses frappes aériennes, au moyen d’avions de chasse russes ou syriens. Depuis début août, les médecins de l’hôpital Al-Qods soignent chaque jour «une cinquantaine de blessés à la suite des frappes aériennes», affirme Hamza Al-Khatib, le directeur de la structure médicale située en zone rebelle. Les bombardements ont aussi fait 10 morts, vendredi 5 août, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. «J’ai commencé à me préparer au fait que la bataille d’Alep pourrait être très longue, poursuit le médecin. On sait ce qui est arrivé aux autres assiégées: la soumission à des bombardements de plus en plus rapprochés, la tentative du régime de diviser la région assiégée en plusieurs quartiers, les habitants réduits à la faim. Si le siège se maintient, on va vers ce scénario.»

    Si, à l’inverse, les rebelles réussissent à briser le siège, ils pourraient à leur tour encercler la partie ouest de la ville, sous contrôle gouvernemental – comme en 2013 –, soit plus d’un million de personnes. Les résidents des quartiers périphériques, proches de la ligne de front au sud-ouest d’Alep, ont vu les tirs rebelles de mortiers et de RPG se multiplier. Ils sont aussi la cible, si l’on en croit certains témoignages, du vandalisme de milices locales pro-régime, actives sur le front aux côtés des milices étrangères financées par l’Iran.

    Deux semaines de nourriture

    Dans l’est de la ville, le siège se fait déjà. Selon Alexa Reynolds, l’une des coordinatrices des programmes de CARE en Syrie «en deux semaines, la nourriture pourrait être épuisée à Alep». La cuisine communautaire appuyée par l’ONG et chargée de servir des repas quotidiens à près de 3000 familles «n’a plus de stocks». A cause de la pénurie et de la spéculation, les prix des denrées ont explosé.

    Sur le front au sud-ouest d’Alep, le Front Fatah Al-Cham, nouveau nom du Front Al-Nosra, dont la distanciation d’avec Al-Qaida laisse sceptiques de nombreux observateurs, apparaît comme l’un des principaux acteurs. Selon Haïd Haïd, le groupe djihadiste «absorbe de nouvelles recrues, parce qu’il apparaît à même de briser le siège». Hostiles aux groupes djihadistes, qui les ont à plusieurs reprises pris pour cible, les militants civils qui ont porté la révolution contre Bachar Al-Assad voient cependant dans l’offensive au sud-ouest d’Alep l’une des rares options possibles pour que l’est d’Alep ne tombe pas. Cette partie de la ville a été un lieu d’engagement pour les militants qui ont continué, envers et contre tout – en premier lieu, les bombardements aux barils d’explosifs du régime, mais aussi le racket exercé par certains groupes rebelles –, à faire fonctionner des écoles, des hôpitaux et tenter d’administrer la ville.

    «Ces corridors sont tout sauf une solution idéale»

    Fin juillet, Damas et Moscou ont annoncé la mise en place de quatre corridors humanitaires, appelant les civils à quitter la ville et les combattants à se rendre. Selon une source indépendante, ces couloirs «existent bien, mais à peine quelques dizaines de personnes les ont utilisés». Les autorités syriennes souhaitent obtenir l’appui d’organisations internationales pour organiser l’évacuation de l’est d’Alep, mais celles-ci posent leurs conditions: entrée de l’aide humanitaire, cessez-le-feu.

    «Si l’on fait des corridors humanitaires, mais que les bombardements continuent, quel est le sens?, s’interroge un acteur humanitaire. Ces corridors sont tout sauf une solution idéale. Ils sont très risqués pour les civils, qui peuvent être attaqués sur la route par le régime, ou par des combattants de l’opposition qui ne veulent pas qu’ils sortent. Et ils risquent d’être détenus par le régime à leur sortie, s’ils comptent un combattant dans leur famille ou tout simplement, parce qu’ils ont vécu en zone rebelle.»

    La crainte est aussi que Moscou et Damas tentent de «légitimer» leurs attaques contre les civils, s’ils refusent de sortir d’Alep, comme le souligne CARE, avec une trentaine d’autres ONG, dans un appel commun. Faute d’un cessez-le-feu, une «catastrophe humanitaire» s’annonce à Alep. D’autant que, depuis la fin juillet, les forces pro-régime ont multiplié les attaques contre les infrastructures civiles de l’est d’Alep, y compris les hôpitaux. (Article du quotidien Le Monde, datée du 6 août 2016; correspondance de Beyrouth)

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    Manifestation de solidarité devant l’ONU à Genève le 5 août 2016

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    Syrie: «La plus grande catastrophe humanitaire
    depuis la dernière guerre»

    Les lectrices et lecteurs trouveront ci-dessous le lien permettant d’écouter le docteur Raphaël Pitti, ancien médecin militaire durant plus de 20 ans, puis professeur de «médecine d’urgence» en France et aux Etats-Unis. Il est engagé sur le terrain, en Syrie, depuis 2012, pour apporter une formation et une aide à des équipes médicales qui sont la cible systématique du régime. (Rédaction A l’Encontre)

    http://www.franceinfo.fr/fil-info/article/syrie-nous-sommes-devant-la-plus-grande-catastrophe-humanitaire-depuis-la-derniere-guerre-dr-raphael-809571

    «De plus en plus d’hôpitaux et de centres de soins sont visés par les bombardements en Syrie. Ce week-end, trois hôpitaux ont été visés, vendredi une maternité a été bombardée. «Nous sommes devant la plus grande catastrophe humanitaire depuis la dernière guerre», s’alarme sur France Info le docteur Raphaël Pitti, professeur de médecine d’urgence et de catastrophe.

    Raphaël Pitti

    Raphaël Pitti

    Pour le chargé de mission de formation à la médecine de guerre auprès de l’UOSSM-France en Syrie (Union des Organisations de Secours et de Soins Médicaux): «Il y a une vraie volonté de cibler les hôpitaux.»

    A Alep, la population est prise au piège au milieu d’assauts extrêmement violents. UOSSM-France tire la sonnette d’alarme et a lancé le hashtag #SOSMedecinsAlep. «Il y a une vraie volonté de terroriser la population» en ne lui donnant pas «d’accès aux soins». Nous sommes devant une atteinte à notre éthique», explique le médecin qui était en Syrie il y a trois mois.

    «C’est tout un peuple qui est en train de se faire assassiner tout ça pour le jeu d’un seul homme», continue le Docteur Raphaël Pitti, faisant allusion à Bachar al-Assad. «Je suis étonné que les prix Nobel de la paix ne soient pas les premiers à faire une pétition pour appeler à ce qu’on arrête de faire ces crimes de guerres», citant, parmi eux, Barack Obama.

    Les médecins occidentaux ne peuvent plus passer en Syrie, «notamment depuis le coup d’Etat turc», cela «rend toute pénétration extrêmement difficile et dangereuse». Il n’y a plus de médecins occidentaux à Alep» détaille-t-il. Cette situation est «épouvantable de révolte», conclut le docteur.» (France Info)

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    Vous pouvez écouter ci-dessous une deuxième contribution
    du Dr Raphaël Pitti, sur la chaîne Arte, le 2 août 2016

     

     

  • Syrie. Frappe aérienne meurtrière contre une maternité : un possible crime de guerre (Amnesty)

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    La frappe aérienne qui a touché et partiellement détruit une maternité dans la province rurale d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, le 29 juillet après-midi, semble s'inscrire dans le cadre d'une politique d'attaques illégales prenant délibérément pour cibles des infrastructures médicales, a déclaré Amnesty International.

    On ne connaît pas encore le nombre de victimes de cette attaque, mais un porte-parole de Save the Children, organisation qui soutient l'hôpital, a déclaré aux médias que le bilan s’élevait au moins à deux morts. Cette attaque, dont on ne connaît pas encore les responsables, a eu lieu dans une région contrôlée par des groupes armés où les forces armées syriennes et russes ont lancé des frappes aériennes.

    « Les attaques délibérées contre des hôpitaux et des structures médicales constituent de graves violations des lois de la guerre et ne peuvent être justifiées. Les hôpitaux, qui bénéficient d'une protection spéciale au titre du droit international humanitaire, doivent rester des lieux sûrs pour les mères, les nouveaux-nés et les travailleurs médicaux – même en plein cœur d'un conflit de longue haleine », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty International.

    Sur les photos et vidéos prises après la frappe aérienne, on peut voir une partie de l'hôpital en ruines, des gravats éparpillés à l'intérieur comme à l'extérieur du bâtiment. D'autres clichés pris à peu près au moment de la frappe présentent des nouveaux-nés dans des couveuses. D'après Save the Children, il s'agit de la seule maternité de la région, et 700 femmes venaient y accoucher chaque mois. 

    Cette attaque intervient après que des frappes aériennes ont touché quatre hôpitaux et une banque du sang dans l’est de la ville d’Alep, les 23 et 24 juillet. Selon l'UNICEF, l'une de ces structures, un hôpital pédiatrique, a été touché deux fois en moins de 12 heures.

    Les dernières attaques relèvent semble-t-il d'une pratique dont a rendu compte Amnesty International, qui consiste de la part des forces armées syriennes et russes à frapper délibérément des hôpitaux et infrastructures médicales syriennes, dans le cadre de leur stratégie militaire. Attaquer délibérément des installations médicales peut constituer un crime de guerre. Ces attaques, qui ne font pas la distinction entre les bâtiments civils, tels que les hôpitaux, et les cibles militaires, sont interdites et constituent de possibles crimes de guerre.

    « La Syrie et la Russie doivent mettre un terme aux attaques contre les hôpitaux et les structures médicales. Il faut enquêter sur ces agissements et déférer à la justice les responsables présumés de graves violations des lois de la guerre », a déclaré Philip Luther.

    L'ONG Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits humains) recueille des informations sur les attaques visant les professionnels de santé et les infrastructures médicales dans le cadre du conflit en Syrie. Avant la frappe du 29 juillet, elle avait déjà recensé 373 attaques contre des infrastructures médicales, ayant fait 750 morts parmi le personnel. La grande majorité de ces attaques est imputable aux forces du gouvernement syrien et à leurs alliés. 29 juillet 2016

    https://www.amnesty.org/fr/syria-fatal-airstrike-on-maternity-hospital-a-potential-war-crime/

    Pour en savoir plus :

  • Mauritanie. Il faut abandonner toutes les charges retenues contre des militants anti-esclavagistes et les libérer (Amnesty)

     

    Les autorités mauritaniennes doivent abandonner toutes les charges retenues contre 13 militants anti-esclavagistes et les libérer immédiatement et sans condition. Ils ont été arrêtés arbitrairement en vue d'intimider et de réduire au silence les défenseurs des droits humains, ont déclaré Amnesty International et 16 organisations de la société civile lundi 1er août. 

    Les 13 militants comparaîtront le 3 août devant un tribunal de la capitale Nouakchott pour rébellion, usage de la violence, attaque contre les pouvoirs publics, attroupement armé et appartenance à une organisation non reconnue. S'ils sont déclarés coupables, ils encourent une amende et jusqu’à deux ans d’emprisonnement.

    « Ces militants sont des prisonniers d'opinion accusés à tort et incarcérés en vue d'entraver leur travail légitime. Régulièrement pris pour cibles en raison de leurs opinions, ils doivent être libérés immédiatement et sans condition, a déclaré Kiné Fatim Diop, chargée de campagne pour l'Afrique de l'Ouest à Amnesty International.  

    « Cette persécution de longue date n'a aucun fondement légal. Les autorités doivent mettre fin à leur règne de la peur et cesser de réprimer les militants anti-esclavagistes. »

    Les 13 militants anti-esclavagistes sont membres de l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA Mauritanie), ONG de défense des droits humains qui lutte contre l'esclavage en Mauritanie.

    Ils ont été arrêtés entre le 30 juin et le 9 juillet, après une manifestation organisée par les habitants d'un bidonville de Nouakchott qui étaient menacés d'être expulsés car la ville se préparait à accueillir un sommet de la Ligue arabe.

    Parmi ces 13 militants, aucun n'a organisé ni participé à la manifestation. Depuis leur inculpation, ils n'ont pu entrer en contact avec leurs avocats et leurs familles qu'une seule fois.

    « Rien ne justifie de les empêcher de communiquer avec leurs familles et leurs avocats. Toute personne privée de liberté a le droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat, de communiquer avec ses proches et de recevoir leurs visites », a déclaré Mamadou Sarr, président du Forum des organisations nationales des droits de l'homme (FONADH).

    Deux autres militants anti-esclavagistes ont été arrêtés entre le 20 et le 21 juillet et détenus au secret jusqu'au 26 juillet, avant d'être libérés sans inculpation. 

    Selon des informations reçues par Amnesty International, ils ont été arrêtés uniquement parce que les autorités craignaient qu'IRA ne cause des troubles lors du sommet de la Ligue arabe, qui s'est déroulé le 25 juillet.

    Amnesty International et les organisations signataires exhortent les autorités à mettre fin à la répression croissante contre les militants anti-esclavagistes et à veiller à ce que les défenseurs des droit humains puissent faire leur travail dans un climat favorable et sûr. La Mauritanie a récemment adopté une loi qui définit l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.

    Les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile qui font campagne contre l'esclavage sont souvent en butte à des restrictions injustifiées quant à l'exercice de leurs droits. Or, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Mauritanie est partie, protège les droits à la liberté d’expression et d'association.

    Complément d’information

    En Mauritanie, l’esclavage a été aboli officiellement en 1981 et, depuis 2007, il est reconnu comme un crime par le droit national. Cependant, cette pratique se perpétue et IRA Mauritanie et d’autres organisations, notamment SOS-Esclaves, recensent et dénoncent des cas d’esclavage. Les autorités ont pour habitude de restreindre indûment les droits à la liberté d’expression et d'association des défenseurs des droits humains, des militants et des organisations qui luttent contre l’esclavage.

    En janvier 2015, un tribunal de la ville de Rosso, dans le sud du pays, a condamné deux membres d’IRA Mauritanie, Brahim Bilal Ramdane et Biram Dah Abeid, ancien candidat à l’élection présidentielle, à des peines de deux ans d’emprisonnement pour appartenance à une organisation non reconnue, participation à une réunion non autorisée et violences à l’encontre d’agents des forces de l'ordre. Leurs peines ont été confirmées en appel au mois d'août 2015. Cependant, la haute cour a ordonné leur libération le 17 mai 2016, alors qu’ils avaient déjà passé 18 mois derrière les barreaux.

    Parmi les 13 militants accusés récemment figurent le porte-parole d'IRA, Hamady Lehbouss, et son vice-président, Amadou Tidjane Diop. Selon sa famille, ce dernier souffre d’une pathologie cardiaque pour laquelle il n'a pas reçu les soins médicaux requis en détention. 1 août 2016

    https://www.amnesty.org/fr/mauritania-drop-all-charges-and-release-antislavery-activists/

    Liste des signataires :

     

    1.    Action des Chrétiens pour l’abolition de la Torture ;
    2.     Africtivistes ;
    3.    Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme (France) ;
    4.    Amnesty International ;
    5.    Article 19 Afrique de l’Ouest
    6.    Anti Slavery International ;
    7.    Association des Femmes Chefs de Famille (Mauritanie) ;
    8.    Association mauritanienne des droits de l'Homme  (Mauritanie) ;
    9.    Collectif Touche pas à ma nationalité (Mauritanie) ;
    10.    Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits Humains (Mauritanie) ;
    11.    Forum des Organisations Nationales des Droits de l’Homme en Mauritanie (Mauritanie) ;
    12.    Groupe d’études et de recherches sur la démocratie et le développement économique et social (GERDDES) Mauritanie;
    13.    Initiative de la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (Mauritanie) ; Initiative de la Résurgence du Mouvement Abolitionniste, IRA (États-Unis) ;
    14.    Kawtal Ngam Yellitaré (Mauritanie) ; 
    15.    Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) ;
    16.    SOS Esclaves (Mauritanie).

    Lire aussi:

     
  • Comment remettre la Syrie sous nos yeux ? (Anti-k)

     

    « Nos » morts, si proches ; « leurs » morts, si lointains…

    La Syrie connaît une tragédie humanitaire peu relayée en France. Les associations invitent les médias à échapper à la loi du mort-kilomètre pour ne rien occulter du conflit.

    Quatre jours après l’attaque au camion qui a fait 84 morts sur la promenade des Anglais, à Nice, au moins 56 syriens dont onze enfants ont péri sous les bombes de la coalition. Selon le quotidien Le Monde, il s’est agi de « la plus grosse bavure commise par la coalition internationale alliée contre l’État islamique depuis son entrée en action dans le ciel, en septembre 2014 ».

    Alors que la stratégie terroriste de l’ÉI est au centre de l’actualité, la couverture médiatique des bombardements du 18 juillet se résume au minimum, comme l’a souligné Arrêt sur images dans un article intitulé « Syrie : Bombardement de civils, discrétion des médias français ». Dans le viseur du site de décryptage de l’actualité des médias, les chaînes de télévision françaises. Sur France 2, un duplex depuis Washington, où se tenait une réunion internationale autour de la résolution du conflit, a suffi à traiter le sujet. Aucune image des bombardements, ni de chiffre sur le nombre de morts.

    Informer à distance

    « On essaye de comprendre les logiques du conflit », explique Christophe Ayad, rédacteur en chef au Monde, spécialiste du Proche-Orient. Le quotidien a été le premier à qualifier comme telle la bavure de la coalition internationale, le lendemain des bombardements. Une analyse effectuée à distance par les journalistes Allan Kaval et Benjamin Barthe (correspondant à Beyrouth, au Liban). À cause du risque d’enlèvement, la rédaction n’envoie plus de journaliste sur place depuis 2013. Cette année, six journalistes ont été tués en Syrie et neuf sont emprisonnés, selon le recensement de l’organisation Reporters sans frontières. Christophe Ayad explicite :

    « Je ne veux pas voir un de mes journalistes sur une vidéo de revendication de Daesh. »

    Les témoignages sont recueillis par Skype depuis la France ou bien grâce à des contacts qui vivent entre la Turquie et la Syrie. Un processus long qui complique la couverture journalistique des dégâts sur la population civile. Avec ou sans ces témoignages, la priorité du quotidien est « de faire de l’information », loin des polémiques qui touchent les chaînes télévisées.

    Sortir de l’indifférence

    Journaliste indépendant d’origine syrienne et photographe reconnu, Ammar Abd Rabbo raconte que les rédactions mettent souvent en avant la fameuse « loi du mort/kilomètre » pour expliquer la faible couverture des drames syriens. Selon cette règle informelle connue aussi sous le nom de « mort kilométrique », l’éloignement géographique accompagne l’éloignement affectif. « Mais hélas, même ce rapport n’est pas vrai, nous sommes dans un autre rapport à la vie des civils, que l’on pourrait assez grossièrement ramener aux civils blancs et riches », explique-t-il en précisant :

    « Une dizaine de morts à Atlanta ou à Miami auront beaucoup plus de couverture qu’une dizaine de morts à Alger ou en Irak, alors que ces villes sont géographiquement bien plus proches de nous. »

    Et de reprendre la phrase de l’écrivain George Orwell dans La Ferme des animaux (1945) : « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ». Une façon de pointer du doigt l’inégalité criante entre le traitement médiatique des victimes. La concomitance avec la tragédie de Nice a cruellement mis en avant le fossé qui sépare la France de la Syrie. « Les morts syriens ne sont qu’un chiffre, il n’auront jamais de visage ni de nom dans nos médias », regrette Ammar Abd Rabbo. Qui accuse :

    « Ces comportements, cet aveuglement, ces trahisons de nos idéaux et de nos principes, c’est aussi ça qui fournit le carburant de Daesh. »

    À l’image de ses séries de photographies sur Alep réalisées entre 2013 et 2014, Amar Abd Rabbo revendique la narration de la tragédie des civils syriens comme arme contre la propagande de l’État islamique. Un point de vue militant peu audible dans le paysage médiatique français.

    Les réseaux sociaux, espace de compensation

    En parallèle du travail journalistique, les réseaux sociaux accueillent images et vidéos amateur en provenance de Syrie. Parmi elles, une vidéo postée par l’ONG française Syria Charity sur Facebook, le 20 juillet, devient virale. La page de l’association propose de « plonger trois minutes au cœur de l’urgence et des bombardements à Alep », ville sinistrée et assiégée située à cent kilomètres des zones bombardées par la coalition dans la nuit du 18 au 19 juillet. Les images sont filmées à l’aide d’une caméra fixée sur le casque d’un des ambulanciers. En immersion, le petit film débute quelques instants après une frappe aérienne. Un projectile venu du ciel brise la vitre de l’ambulance affrétée par l’ONG. Devant eux, un épais mur de poussière dans lequel les brancardiers avancent pour y découvrir un homme blessé, rampant vers la civière.

     

    Un document exceptionnel et inédit sur le dénuement dans lequel est plongé la ville. En une semaine, la vidéo est regardée 4.500.000 fois et partagée par plus de 73.000 personnes. À titre de comparaison, l’article du Monde consacré à la bavure a été partagé 29.000 fois, dans le même laps de temps.

    Voir la réalité du terrain

    Malgré ce retentissement, Mohammad Alolaiwy, président de Syria Charity, regrette une absence presque totale de communication avec les médias français. Lorsque l’hôpital mère-enfant de l’ONG est bombardé en février, il affirme avoir contacté plusieurs titres de presse pour leur proposer les photos et vidéos de la catastrophe, en vain [1]. « Le traitement médiatique est ultra-focalisé sur Daesh alors que le vrai problème de la Syrie, c’est le problème humanitaire », estime Mohammad Alolaiwy. Il regrette que les acteurs humanitaires ne soient pas invités dans les émissions consacrées à la Syrie, mais élargit la perspective :

    « Je pense que les réseaux sociaux sont là pour compenser, voire corriger un traitement médiatique dans lequel on ne voit pas assez la réalité du terrain. »

    L’association loi 1901 a été fondée par des franco-syriens, en 2011, au moment où la révolution basculait dans la guerre civile. Syria Charity, subventionnée par le ministère des Affaires étrangères et les Nations unies, est l’une des principales associations à pourvoir l’intérieur du pays en aide humanitaire et médicale. Longtemps restée confidentielle, sa page Facebook, son principal outil de communication, est suivie par plus de 600.000 personnes. Un succès assez récent, que Mohammad Alolaiwy attribue en partie au mouvement de compassion né après les attentats du 13 novembre 2015 :

    « Les gens ont partagé un instant la réalité vécue par les civils syriens. Je pensais qu’ils allaient se renfermer. Ce fut le contraire. »

    Une surprise qui lui a donné espoir. Mercredi, Le Monde, La Croix et BFMTV ont décidé de ne plus montrer le visage des terroristes pour éviter de participer à la propagande de l’Organisation de l’État islamique. Un espace s’est libéré, à nous de le remplir avec les visages des vivants et des morts du conflit syrien.

     28 juillet 2016  Regards  Emma Donada

    [1Le bombardement de l’aviation russe a tout de même été traité par Le Monde, et « Les observateurs » de France 24.

    http://www.anti-k.org/Comment-remettre-la-syrie-sous-nos-yeux

     

  • Comment j’ai été contraint de «passer aux aveux» sous la torture en Égypte (Amnesty)

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    Omar Mohammed Ali et deux de ses amis ont été enlevés dans la rue l’an dernier, en Égypte. Contraint sous la torture de faire des « aveux » devant une caméra, Omar Mohammed Ali a été condamné à l’emprisonnement à vie. Sa famille a fait appel. Il décrit la manière dont il a été poussé à bout par des agents des services de renseignement militaires.

    J’avais à peine pénétré dans le bâtiment des services de renseignement militaires que des agents m’ont entouré et ont commencé à me frapper. Je suis ensuite resté les mains menottées dans le dos jusqu’à ce que j’entende la prière de l’aube. C’était l’aube du mercredi. L’officier en chef n’arrêtait pas de me poser des questions sur ma vie privée, depuis le jour de ma naissance. J’ai de nouveau été roué de coups, et puis il m’a dit : « Je vais te laisser, mais je reviendrai m’occuper de toi dans la matinée. »

    Je suis resté là jusqu’à l’après-midi, jusqu’à ce que quelqu’un d’autre m’appelle. Un autre fonctionnaire a commencé à me frapper avec un gros bâton. Il me l’a mis sur les organes sexuels et il m’a frappé à la tête. Il m’a également donné des coups avec les jambes et les mains, ainsi qu’avec un câble de faible section. Les coups ont redoublé quand il a appris que mon père était mort à Rabaa, et il a demandé à plusieurs de ses subalternes qui étaient présents dans la pièce de me déshabiller. Ils m’ont retiré tous mes vêtements, y compris mon slip.

    Ils m’ont fait asseoir sur une chaise, m’ont attaché les mains derrière le dos et les ont reliées à une barre de fer. Puis ils ont retiré la chaise et je me suis retrouvé suspendu en l’air. L’officier m’a donné des coups de bâton et de câble tandis que j’étais dans cette posture. Ils m’ont également mis debout sur la chaise, avant de la retirer brusquement.

    Ensuite, ils m’ont envoyé des décharges électriques dans les organes sexuels. Ils m’ont frappé le dos avec un chiffon enflammé, ce qui m’a occasionné des brûlures, puis ils ont recommencé à m’envoyer des décharges électriques. Je me suis mis à crier encore plus fort et l’officier leur a dit : « C’est bien, c’est ce qu’on veut. Vous pouvez le descendre, maintenant. » Ils m’ont allongé sur le sol, les bras en croix. Ils se sont assis sur mes mains et sur mes jambes et ont continué à m’administrer des décharges d’électricité dans les parties génitales, pendant environ une heure.

    Après, l’officier a dit à ses subordonnés  qu’ils pouvaient me laisser me rhabiller. Je ne pouvais plus du tout bouger mon bras, alors ils m’ont rhabillé et m’ont emmené dans une autre pièce. Un type s’est mis à me donner des coups de câble à la tête et dans le ventre. Je suis resté comme ça dans cette pièce ; de temps en temps, quelqu’un entrait et me frappait. Cela continué jusqu’à la prière du petit matin. Après, ils m’ont laissé dormir jusqu’au lendemain.

    Le jeudi, on m’a apporté un bout de fromage et une miche de pain. Je suis resté menotté, les yeux bandés, jusqu’au mardi suivant. Ce jour-là, on m’a fait monter dans un minibus et on m’a conduit, à deux minutes de là, dans un autre bâtiment, où on m’a tendu deux feuilles de papier, en me demandant d’en apprendre le contenu par cœur. On m’a dit de me mettre devant la caméra et de réciter ce que j’avais lu, qui était censé constituer des « aveux ». On m’a filmé, puis on m’a ramené dans ma cellule, où je suis resté jusqu’au vendredi.

    Les « aveux » filmés de Omar Mohammed Ali ont été utilisés à charge lors de son procès, qui a eu lieu un peu plus tard, bien que le procureur militaire et un agent des services de renseignement lui aient dit qu’ils le savaient innocent. L’un d’eux lui aurait même confié : « Je sais que tu es accusé à tort. » Omar Mohammed Ali a été condamné en mai dernier à l’emprisonnement à vie, en compagnie de 12 autres  co-accusés ; huit autres personnes ont été condamnées à mort. Ces condamnations ont été prononcées par un tribunal militaire égyptien à l’issue d’un procès totalement contraire aux normes d’équité. Les juges se sont notamment fondés sur d’autres « aveux » extorqués sous la torture. Amnesty International demande que tous les condamnés soient rejugés dans des conditions équitables et que des enquêtes indépendantes soient ouvertes sur toutes les allégations de torture.

    Omar Mohammed Ali,

    Pour en savoir plus :

  • Syrie. La mise en place de voies d’évacuation pour les civils ne permettra pas d’éviter une catastrophe humanitaire à Alep (Amnesty)

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    Photo de la route du Castello (La route de la mort)

     

    Pour soulager les souffrances de milliers de civils, qui vont bientôt manquer de nourriture et d’autres produits de première nécessité, il faut de toute urgence fournir à Alep une assistance humanitaire qui soit impartiale et ne subisse aucune restriction, a déclaré Amnesty International jeudi 28 juillet.

    Dans la matinée, le ministre russe de la Défense a annoncé le lancement d’une « opération humanitaire », avec la mise en place de corridors sûrs pour permettre aux civils et aux combattants qui déposent les armes de quitter Alep, et l’installation à l’extérieur de la ville de structures où ils pourront recevoir des vivres et de premiers soins. Cependant, de nombreux civils risquent d’accueillir avec scepticisme les garanties de sécurité offertes par le gouvernement syrien et pourraient choisir de ne pas partir par crainte de représailles. La seule voie de ravitaillement de la ville, la route du Castello, est coupée depuis le 7 juillet, à la suite d’une offensive du gouvernement syrien avec d’intenses bombardements et des tirs de snipers.

    « Depuis des années, le gouvernement syrien bloque l’acheminement d’une aide essentielle aux civils assiégés tout en leur faisant subir quotidiennement des pilonnages et des frappes aériennes. Il utilise la famine comme arme de guerre et fait délibérément souffrir celles et ceux qui vivent dans des zones contrôlées par l’opposition, a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

    « La mise en place de voies d’évacuation sûres pour les civils qui souhaitent fuir Alep ne permettra pas d’éviter une catastrophe humanitaire. Cette mesure ne peut se substituer à l’acheminement d’une aide humanitaire impartiale aux civils toujours présents dans les zones de la ville contrôlées par l’opposition ou dans d’autres secteurs assiégés, car nombre d’entre eux vont se montrer sceptiques face aux promesses du gouvernement. »

    Les engagements de la Russie risquent eux aussi d’être accueillis avec méfiance par certains civils d’Alep, les autorités russes ayant procédé à des frappes aériennes illégales – qui pourraient équivaloir à des crimes de guerre – dans des zones contrôlées par l’opposition et s’étant systématiquement gardées d’user de leur influence auprès du gouvernement syrien pour faire cesser les violations des droits humains généralisées.

    Cinq organismes humanitaires locaux ont indiqué à Amnesty International que les réserves alimentaires d’Alep pourraient être épuisées d’ici deux semaines, ce qui mettrait en danger la vie des civils.

    Le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations unies, Stephen O’Brien, s’est également inquiété de ce que les vivres à Alep devraient être épuisées d’ici la mi-août, ajoutant qu’entre 200 000 et 300 000 personnes étaient menacées.

    Les attaques menées par les forces gouvernementales syriennes contre des habitations, des hôpitaux et d’autres établissements médicaux à Alep et autour de la ville se sont également intensifiées ces derniers jours.

    Amnesty International s’est entretenue avec des habitants d’Alep bloqués dans la ville, 10 médecins et plusieurs organismes humanitaires en Syrie et en Turquie. Leurs témoignages donnent une image très sombre de ces 20 derniers jours.

    La « route de la mort »

    Un travailleur humanitaire a expliqué à Amnesty International que la route du Castello était désormais surveillée 24 heures sur 24 par le gouvernement syrien et les forces de l’administration autonome dirigée par le Parti de l’union démocratique (PYD), parti politique kurde de Syrie. « Tout ce qui bouge sur la route est pris pour cible », a-t-il déclaré.

    Même avant que la route soit coupée, deux camions qui transportaient suffisamment de vivres pour nourrir 400 familles ont été attaqués.

    « Tout leur chargement a été détruit. Ces familles comptent sur l’aide humanitaire que nous leur prodiguons. Que deviendront-elles quand les stocks de nourriture seront entièrement épuisés ? », a-t-il demandé.

    Un ancien habitant d’Alep a raconté à Amnesty International comment il avait fui avec sa famille en passant par la route du Castello, au péril de leurs vies, pour rejoindre la Turquie huit jours plus tôt.

    « Nous ne supportions plus le bruit des avions de guerre et des explosions, alors nous avons décidé de quitter la ville à l’aube. La “route de la mort” [route du Castello] fait quelque 500 mètres […]. Le taxi devant nous, avec à son bord une famille, a été touché par une frappe aérienne. Il a pris feu […]. Nous ne pouvions pas nous arrêter pour voir s’il y avait des survivants. J’ai vu cinq corps en décomposition sur le bord de la route », a-t-il déclaré.

    « Hala » (nom d’emprunt pour des raisons de sécurité), qui habite à Alep, a confié à Amnesty International que les prix avaient doublé ces derniers jours.

    « Le prix de denrées de base, comme le sucre ou le boulghour, a doublé. Un kilo de sucre coûte maintenant 13 dollars des États-Unis environ. Je n’ai pas les moyens d’acheter les rares légumes disponibles. »

    « Hussam », père de deux garçons qui habite lui aussi à Alep, a déclaré à Amnesty International : « Chaque matin, mon fils aîné et moi commençons par faire la tournée des boulangeries. Leur production de pain couvre à peine 30 % des besoins de la population. La plupart du temps, nous revenons les mains vides ou avec une seule miche de pain. »

    Des frappes aériennes incessantes

    Les frappes aériennes et les intenses bombardements menés en permanence par les forces gouvernementales syriennes rendent la vie à Alep encore plus difficile. Des habitants et des médecins ont indiqué à l’organisation que la ville, en particulier les quartiers d’al Sakhour, d’al Shaar et d’al Fardous, avait été la cible d’offensives aériennes quotidiennes ces 10 derniers jours.

    « Maen », un habitant d’Alep, a déclaré : « Nous nous réveillons avec le bruit des bombardements et nous nous couchons après avoir enterré ceux qui ont été tués. »

    Il a raconté avoir été témoin d’une frappe aérienne le 19 juillet près de son domicile, dans le quartier de Bab al Hadid, un secteur résidentiel de la vieille ville d’Alep. Six maisons ont été détruites.

    « J’ai traversé un écran de fumée en courant pour rejoindre le site attaqué. Une femme enceinte, son bébé et une fillette de 9 ans avaient été tués. C’était horrible. Vingt minutes plus tard, j’ai de nouveau entendu un avion de guerre approcher. Nous avons dit aux gens qu’il fallait partir le plus rapidement possible. J’ai réussi à me mettre à l’abri avant que le même site exactement soit pris pour cible. Je suis [ensuite] retourné en courant sur le site : une femme avait eu une jambe complètement arrachée, sa fille d’une douzaine d’années, blessée elle aussi, se trouvait à côté d’elle. »

    « Maen » a déclaré que des éclats d’obus avaient été projetés sur un rayon de 200 mètres, ajoutant qu’il s’agissait selon lui d’une roquette à sous-munitions, car il l’avait vu s’ouvrir dans le ciel, puis créer toute une série de petites explosions. Les armes à sous-munitions sont interdites par le droit international, et l’emploi de ces armes non discriminantes par nature constitue une violation du droit international humanitaire.

    Sept hôpitaux et autres établissements médicaux d’Alep ont été la cible de frappes aériennes en l’espace de 10 jours, d’après des médecins sur place. Seuls trois hôpitaux de la ville fonctionnent encore et sont en mesure de prodiguer des soins d’urgence aux civils blessés.

    Abdel Basset, un médecin qui travaille en Syrie, a raconté à Amnesty International que des frappes aériennes avaient endommagé deux entrepôts, détruisant partiellement des vivres et des fournitures médicales.

    Un médecin syrien qui surveille la situation depuis la Turquie a quant à lui fait savoir que les stocks de fournitures médicales seraient bientôt épuisés.

    « Si les bombardements se poursuivent à ce rythme et avec la même intensité, les fournitures médicales ne dureront pas plus de deux mois. Des blessés meurent alors qu’ils font la queue pour être soignés, car il n’y a pas assez de personnel ni d’hôpitaux ouverts », a-t-il déclaré.

    Des médecins, des travailleurs humanitaires et des habitants d’Alep ont dit à Amnesty International que les attaques les plus meurtrières avaient touché des zones résidentielles, bien loin des lignes de front et des objectifs militaires.

    Le droit international humanitaire prohibe les attaques contre les civils et les biens de caractère civil, dont les hôpitaux et d’autres structures médicalisées, ainsi que l’utilisation contre la population civile de la famine comme méthode de guerre.

    « Le gouvernement syrien et ses alliés font preuve d’un mépris total pour le droit international humanitaire, et bafoue de manière flagrante toutes les dispositions relatives aux droits humains des résolutions adoptées sur la Syrie par le Conseil de sécurité. Cet organe des Nations unies n’a quant à lui pas accordé la priorité à la protection des civils contre des violations de leurs droits, a déclaré Philip Luther.

    « Tous les États participant aux négociations de Genève sur la Syrie, en particulier la Russie, l’alliée du gouvernement syrien, doivent exercer de fortes pressions sur ce dernier pour qu’il mette fin à ses attaques incessantes contre les civils et les biens de caractère civil et autorise l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire. »

    Complément d’information

    D’après le Réseau syrien pour les droits humains (SNHR), 99 civils (25 enfants, 16 femmes et 58 hommes) ont été tués par les forces gouvernementales syriennes entre le 10 et le 23 juillet. Quatorze d’entre eux auraient trouvé la mort sur la route du Castello.

    En février 2016, Amnesty International a publié un communiqué de presse, Les forces syriennes et russes prennent des hôpitaux pour cible dans le cadre de leur stratégie de guerre, où elle expliquait, preuves à l’appui, que les forces syriennes et russes semblaient avoir délibérément et systématiquement pris pour cible des hôpitaux et d’autres établissements médicaux.

    En mai 2015, l’organisation a publié un rapport, ‘Death everywhere’: War crimes and human rights abuses in Aleppo, qui rendait compte d’attaques au baril d’explosifs, entre autres attaques contre les civils imputables aux forces gouvernementales syriennes à Alep. 28 juillet 2016

    Les noms entre guillemets ont été modifiés pour protéger l’anonymat des personnes interrogées.

    https://www.amnesty.org/fr/

  • «Arrêtez le bain de sang en Syrie. Protégez les établissements médicaux et la population civile» (Al'Encontre.ch)

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    Rassemblement devant l’ONU à Genève,

    vendredi 5 août 2016, de 17h à 18h30

    Le 11 juillet 2016 un appel urgent a été lancé par le Conseil local de la ville d’Alep:

    «Le Conseil local de la ville d’Alep, élu démocratiquement pour représenter plus de 400’000 personnes vivant à Alep, tient à informer à l’échelle internationale ses partenaires politiques, ainsi que les organisations civiles, les ONG et les médias que les civils vivent sous la menace d’une catastrophe résultant du siège imposé par le régime Assad, avec l’appui des mercenaires iraniens et des miliciens du Hezbollah, et soutenu par l’aviation russe. Ainsi a été coupée l’unique voie de ravitaillement en nourriture, médicaments et en carburant pour les civils.»

    Depuis le 17 juillet, la ville d’Alep est soumise à un siège complet, ce qui conduit à un manque de nourriture, voire à une famine, à un manque de matériel médical et de soins appropriés aux malades et aux blessés. L’intensification des bombardements de l’aviation ces derniers jours et le ciblage des hôpitaux accentuent par ailleurs la souffrance de la population sous siège. L’UOSSM a publié des témoignages vidéo des médecins d’Alep [1] _ à ce sujet.

    Le réseau syrien pour les droits de l’homme annonce le chiffre effrayant de 80 établissements détruits par ces attaques au premier semestre 2016; 81 membres du personnel médical et casques blancs ont été tués durant la même période. Depuis le début du conflit en 2011, plus de 700 médecins et personnels médicaux ont été tués lors d’attaques d’hôpitaux, de centres sanitaires, selon le président de la commission d’enquête de l’ONU sur les droits de l’Homme en Syrie, le Brésilien Paulo Pinheiro. Il s’est exprimé à Genève le 21 juin 2016.

    «Nous enjoignons à la France et à la communauté internationale de tout mettre en œuvre pour faire arrêter les bombardements, protéger les hôpitaux et le personnel médical ainsi que les populations civiles syriennes. Nous ne pouvons rester aveugles face à cette catastrophe humanitaire et sanitaire que subit la Syrie suite aux attaques aériennes incessantes», lance le Dr Ziad Alissa, président de l’UOSSM France [2].

    Nous nous joignons à l’UOSSM pour appeler l’ONU et la communauté internationale à faire face à leurs responsabilités, à intervenir fermement pour stoper les bombardements, protéger les institutions médicales, le personnel médical et la population civile à Alep. Mais également afin d’intervenir pour imposer le cessez-le-feu partout en Syrie et agir pour instaurer une transition politique sans Assad et son régime qui sont les principaux coupables de la destruction de la Syrie et de son tissu social.

    Pour instaurer une paix durable, il est primordial de commencer par amener les criminels de guerre et les responsables de crimes contre l’humanité devant la justice, aussi bien ceux appartenant au régime Assad que ceux qui agissent au nom de Daech et de ses semblables. L’impunité et l’injustice sont à l’origine de l’augmentation de la violence en Syrie et dans tout le Moyen-Orient, ainsi que des débordements de violence actuels sur l’Europe.

    Venez nombreux pour dire STOP au bain de sang en Syrie, Oui à une solution politique qui garantisse la justice, pour permettre une paix durable. (28 juillet 2016)

    Publié par Alencontre le 28 - juillet - 2016
     

    Rassemblement organisé par FemmeS pour la Démocratie et soutenu par le Mouvement pour le socialisme (MPS), le site alencontre.org, solidaritéS.

  • Yémen. Les négociations doivent accorder un degré de priorité élevé à l’acheminement de l’aide humanitaire jusqu’aux civils (Amnesty)

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    Les restrictions à la distribution d’une aide vitale aux civils au Yémen exacerbent la crise humanitaire dans ce pays et mettent des vies en danger, a déclaré Amnesty International, appelant toutes les parties au conflit à laisser librement passer les organisations fournissant des produits de première nécessité.

    Une délégation de l’organisation s’est rendue dans des zones du Yémen contrôlées par les Houthis en mai 2016 et a parlé à 11 organisations humanitaires locales et internationales, qui ont décrit des restrictions illégales de l’aide humanitaire, imputées aux Houthis comme aux forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. L’organisation demande que la levée des obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire se voie accorder la priorité la plus élevée dans le cadre des négociations de paix ayant eu lieu au Koweït ces derniers jours.

    « Les obstacles bloquant illégalement la distribution de l’aide humanitaire au Yémen causent de terribles souffrances, et font fi des besoins essentiels de personnes durant un conflit actif. Il est absolument impératif que les négociateurs mettent l’accent sur cette question et prennent des mesures pour garantir que l’aide parvienne à ceux et celles qui en ont le plus besoin, et pour faire en sorte que les travailleurs humanitaires et leurs organisations ne soient pas pris pour cibles ou harcelés », a déclaré Lama Fakih, conseillère auprès d’Amnesty International pour les situations de crise.

    « Toutes les parties au conflit armé sont tenues d’autoriser et de faciliter le passage en toute sécurité d’une aide humanitaire impartiale destinée aux civils qui en ont besoin. Le blocage de cette aide est une violation du droit international humanitaire. Il faut permettre que l’aide humanitaire puisse librement parvenir jusqu’à tous ceux et celles qui ont désespérément besoin de nourriture, d’eau et d’installations sanitaires au Yémen, et les parties au conflit doivent laisser les personnels humanitaires faire leur travail sans ingérence ni obstruction. »

    Durant la période ayant suivi la fête de l’Aïd el Fitr, au début du mois, et jusqu’à la reprise des négociations de paix le 15 juillet, les frappes aériennes et les affrontements au sol dans diverses zones du pays se sont de nouveau intensifiées, ce qui a mené à de nouveaux déplacements de population et à une aggravation de la situation, où la moitié des enfants yéménites souffrent de malnutrition chronique et moins d’un sur 10 d'entre eux atteignent l’âge de cinq ans.

    Les travailleurs humanitaires ayant parlé à Amnesty International ont systématiquement décrit des obstacles improvisés et illégaux empêchant la distribution de l’aide humanitaire dans le pays. Ceux-ci incluent des procédures de désescalade du conflit trop lourdes pour les organisations humanitaires, mises en place par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, qui impliquent d’informer la coalition de tous leurs déplacements et de fournir les coordonnées de leurs opérations de sorte qu’elles ne soient pas prises pour cible.

    D’autres obstacles identifiés incluent les menaces, les actes d’intimidation et les freins aux activités des travailleurs humanitaires, l’ingérence des services de sécurité des Houthis dans les opérations humanitaires, la fermeture forcée de programmes humanitaires, les restrictions excessives et arbitraires de l’entrée et de la circulation des biens et des personnels dans le pays, et les interventions ayant pour but de compromettre l’indépendance des opérations humanitaires.

    La coalition manque à son devoir de protection des personnels et opérations humanitaires

    Les travailleurs humanitaires au Yémen se trouvent quotidiennement confrontés à une multitude de menaces et de risques, des combats en cours aux restes explosifs de guerre, lorsqu’ils essaient de se rendre auprès de certaines des populations dans le besoin. Leurs difficultés sont amplifiées par le manque de réactivité et de coopération de la coalition, ce qui constitue un obstacle inutile, qui est à la fois coûteux et chronophage, et retarde la distribution d’une aide cruciale.

    « Les organisations humanitaires ont déjà du mal à faire face aux destructions d’infrastructures et aux conditions de travail dangereuses, et il est absurde que l’acheminement de l’aide dépende des règles improvisées de la coalition - des vies humaines sont en jeu », a déclaré Lama Fakih.

    La coalition dirigée par l’Arabie saoudite exige qu’on lui communique des cartes très détaillées et de nombreuses informations sur les personnels et les véhicules. Ces exigences mobilisent beaucoup de temps et de ressources. Par conséquent, certaines organisations non gouvernementales ne sont pas en mesure de fournir ces informations ou s’en abstiennent, ce qui expose leurs personnels et leurs équipements à un risque élevé.

    « Il incombe à la coalition de ne pas prendre pour cibles des civils ou biens de caractère civil, notamment les travailleurs et fournitures humanitaires. Les travailleurs humanitaires devraient pouvoir se déplacer librement afin d’apporter une aide indépendante aux personnes prises au milieu de ce conflit sanglant au Yémen. La coalition et les Houthis doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour favoriser les opérations humanitaires - pas pour les entraver », a déclaré Lama Fakih.

    Quand les Houthis harcèlent des travailleurs humanitaires

    Des représentants d’organisations humanitaires ont également signalé avoir été menacés verbalement ou physiquement, arrêtés et interrogés par divers comités houthis et entités affiliés aux Houthis, comme le Bureau de la sécurité nationale et le Bureau de la sécurité politique, entre autres. Dans certains cas, des travailleurs humanitaires ont été arrêtés ou menacés d’une arme, et des organisations ont été forcées à suspendre des activités sur le terrain si elles refusaient de satisfaire des demandes déraisonnables telles que le fait que donner le nom des bénéficiaires.

    Restrictions bureaucratiques

    Des démarches administratives étouffantes imposées par les ministères contrôlés par les Houthis ralentissent par ailleurs le processus de distribution de l’aide humanitaire. Par exemple, le ministère de la Planification a demandé à des organisations humanitaires de soumettre leurs projets de déplacement pour une période de trois mois, ce qui peut être extrêmement difficile dans le contexte explosif d’un conflit armé, où les projets peuvent changer d'un moment à l'autre.

    Les autorités houthis de facto ont aussi imposé un certain nombre de restrictions concernant les travailleurs humanitaires internationaux, leur refusant l’accès au pays de manière arbitraire ou retardant la délivrance de leurs visas et imposant aux personnels nationaux et internationaux l'obligation d'obtenir des permis onéreux pour les déplacements internes. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, en février, le ministère de l’Intérieur à Sanaa s'est opposé à trois différentes missions de l’ONUde Sanaa à Ibb et Taizz - 79 % de la population à Taizz, la troisième ville du pays, a besoin d’une aide humanitaire.

    Atteintes à l’indépendance des opérations humanitaires

    Dans certains cas, les autorités locales houthis, dont le ministère de la Planification, ont suspendu et parfois abandonné l’évaluation des besoins et le suivi des programmes humanitaires. Elles ont également essayé d’influencer qui les organisations humanitaires emploient ou à qui elles distribuent de l’aide. Cela est contraire aux principes humanitaires fondamentaux que sont l’indépendance et l’impartialité, ainsi qu’aux meilleures pratiques acceptées sur le plan international. Cela empêche aussi de mettre en place des opérations humanitaires efficaces, de leur planification à leur réalisation.

    Le plan de réponse humanitaire à la crise au Yémen nécessite 1,8 milliard de dollars, mais à la fin juin seuls 25 % des financements avaient été recueillis.

    « Le Yémen est confronté à une crise humanitaire et les financements destinés aux organisations humanitaires sont cruciaux. Il est impératif que des évaluations adéquates des besoins soient effectuées sans ingérence », a déclaré Lama Fakih.

    En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties au conflit doivent respecter la liberté de mouvement des travailleurs humanitaires, et les protéger contre les attaques, le harcèlement et la détention arbitraire. Elles doivent aussi garantir une distribution rapide et libred’une aide humanitaire impartiale aux civils en ayant besoin. 26 juillet 2016

    https://www.amnesty.org/fr/yemen-peace-talks-must-prioritize-getting-aid-to-desperate-civilians