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Droits humains - Page 11

  • Jordanie. La réponse à l'attentat perpétré à la frontière ne peut pas être de repousser les réfugiés (Amnesty)

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    Les autorités jordaniennes ont annoncé qu'elles répondraient d'une « main de fer » à l'attentat à la voiture piégée perpétré contre un avant-poste militaire le long de la frontière avec la Syrie.

    Toutefois, leur réaction ne doit pas se traduire par la fermeture des frontières ni le blocage de l'aide humanitaire destinée aux dizaines de milliers de réfugiés syriens qui fuient la guerre, a déclaré Amnesty International mercredi 22 juin 2016.

    Aucun groupe n'a encore revendiqué cette attaque bien coordonnée, qui a fait six morts et plusieurs blessés parmi les garde-frontières militaires.

    Plus de 70 000 personnes sont bloquées dans une zone désertique connue sous le nom de « berme », qui est un mur de sable marquant la limite côté jordanien de la frontière entre la Jordanie et la Syrie, près des points de passage de Rukban et Hadalat. La fermeture totale de la frontière et la privation d'aide humanitaire dans le secteur seraient synonymes de difficultés extrêmes pour ceux qui n'ont pas la possibilité de se mettre en sécurité et mettraient leurs vies en danger.

    « Des dizaines de milliers de réfugiés sont bloqués non loin de l'endroit où a eu lieu l'attentat. Beaucoup ont fui les régions les plus touchées par la guerre en Syrie, notamment Alep, Deyr al Zur, Homs, Hama et Raqqa. Leurs vies sont toujours en péril à la frontière, a déclaré Sherif Elsayed-Ali, responsable du programme Droits des réfugiés et des migrants à Amnesty International.

    « Si la Jordanie a le devoir de protéger les civils contre les attaques armées, les mesures de sécurité mises en œuvre ne doivent pas violer ses obligations juridiques internationales, à savoir fournir protection et assistance aux réfugiés qui fuient ce même type de violences. Les empêcher d'entrer en Jordanie constitue une violation du droit international. » 

    L'attentat perpétré le 21 juin visait le point de passage de Rukban dans une zone reculée et désertique, non loin des frontières entre la Jordanie, la Syrie et l'Irak. Mi-2014, la Jordanie a fermé ses frontières à l'est aux Syriens fuyant le conflit, et ils se sont peu à peu entassés aux points de passage de Rukban et Hadalat. 

    En novembre 2015, environ 9 000 Syriens étaient bloqués, et ce chiffre continuait d'augmenter. Aujourd'hui, on compte plus de 60 000 personnes bloquées dans des conditions très difficiles près du passage de Rukban et plus de 10 000 près de Hadalat, attendant l'autorisation de se réfugier en Jordanie.

    En mars 2016, la Jordanie aurait accepté d'accueillir dans le camp d'Azraq jusqu'à 20 000 réfugies bloqués à la frontière. Cependant, ils ont été installés dans une zone du camp fermée par une clôture, appelée « Village 5 ». Selon les travailleurs humanitaires, si la situation se prolonge, 100 000 Syriens vont se retrouver bloqués dans la zone de la « berme » d'ici la fin de l'année.

    Répondre avec « une main de fer »

    Les autorités jordaniennes ont rapidement réagi à l'attentat perpétré le 21 juin. Le roi Abdullah II a déclaré que son gouvernement allait frapper avec « une main de fer » et fermer les points de passage.

    « Nous prenons des mesures immédiates précises. La première consiste à fermer ce… point de passage … et décréter ce secteur " zone militaire fermée ". Nous avons également décidé de ne pas construire de camp de réfugiés, et de ne pas agrandir les camp existants », a déclaré aux médias le ministre jordanien de l'Information, Mohammed Momani. 

    La Jordanie accueille actuellement plus de 650 000 réfugiés syriens enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Amnesty International a déjà demandé à la communauté internationale de renforcer son soutien à la Jordanie, l'un des principaux pays d'accueil des réfugiés, notamment en finançant totalement le plan d'action de la Jordanie pour 2016 et en augmentant le nombre de places de réinstallation. Au 12 juin 2016, ce plan n'était financé qu'à hauteur de 6,2 %.

    22 juin 2016

    https://www.amnesty.org/fr/jordan-response-to-border-bombing-must-not-include-pushback-of-refugees/

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  • Justice climatique (Observatoire des Multinationales)

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    Au large de la Tunisie, l’archipel des Kerkennah souffre des effets du changement climatique, de l’industrie pétrolière et de la répression

    L’archipel des Kerkennah, au large de la ville de Sfax en Tunisie, se trouve confronté à la fois au réchauffement climatique, qui menace d’engloutir une partie de leur territoire, et aux impacts de l’extraction pétrolière et gazière. Depuis le début de l’année, pêcheurs et diplômés chômeurs sont en révolte ouverte contre les multinationales présentes dans l’archipel. Leur lutte témoigne à cette manière des promesses non tenues de la révolution tunisienne et de l’influence continue des intérêts économiques occidentaux dans le secteur des énergies fossiles. Reportage et analyse de Hamza Hamouchene.

    Les Kerkennah sont un archipel de la côte est de la Tunisie, dans le golfe de Gabès, à 20 kilomètres environ au large de la ville de Sfax. Ses deux îles principales sont appelées Chergui et Gharbi. Lorsque l’on s’approche de leurs côtes en ferry, on est frappé par un paysage très curieux : l’eau est quadrillée par des lignes constituées de milliers de feuilles de palmiers. C’est ce que les Kerkenniens appellent charfia, une ingénieuse méthode de pêche vieille de plusieurs siècles, qui consiste à attirer les poissons dans un réceptacle où ils sont capturés.

    En raison de son climat aride, l’archipel ne permet qu’une agriculture de subsistance. L’activité économique cruciale est la pêche. Ces îles sont particulièrement renommées pour leurs poulpes, capturés entre octobre et avril grâce à une autre méthode typiquement kerkennienne, qui fait usage de bocaux.

    J’ai entendu parler pour la première fois de l’archipel des Kerkennah dans le cadre de recherches que je menais sur une entreprise pétrolière et gazière britannique, Petrofac, à propos d’accusations de corruption liée à l’acquisition par cette firme d’une concession de gaz à Chergui, en 2006, dans la Tunisie de Ben Ali.

    Malgré l’article inséré dans la nouvelle Constitution tunisienne qui affirme la souveraineté nationale sur les ressources naturelles et la transparence des contrats pétroliers et gaziers, les entreprises du secteur continuent, en raison du pouvoir des lobbies, d’afficher des profits mirobolants en toute impunité. Les communautés locales, quant à elles, en subissent les externalités sociales et environnementales.

    Mécontentement des pêcheurs et des « diplômés chômeurs »

    Je me suis rendu dans les Kerkennah en mars 2016, après avoir entendu parler du mécontentement grandissant de la population, dû au refus de Petrofac d’honorer ses engagements à financer un fonds pour l’emploi. Je suis arrivé par le ferry de Gabès tôt le matin. Une délégation menée par le ministre tunisien de l’Environnement, accompagné d’une équipe de télévision, était à bord. Étaient-ils eux aussi venus pour enquêter sur la mobilisation en cours depuis deux mois ? Des sit-ins avaient été organisés par les îliens devant l’usine de Petrofac, mettant la production partiellement à l’arrêt, afin de pousser l’entreprise britannique à honorer ses engagements en termes de développement local et de création d’emplois.

    Après un voyage d’une heure, nous sommes enfin arrivés. Nous avons pris un taxi pour la plage de Sidi Fraj, pensant nous diriger vers l’usine de Petrofac. À notre arrivée, nous nous sommes rendus compte que qu’il s’agissait en fait du siège social d’une autre entreprise pétrolière, Thyna Petroleum Services (TPS). Une manifestation était effectivement en cours, mais elle rassemblait des pêcheurs, et non pas les diplômés chômeurs auxquels nous nous attendions. Nous avons ainsi découvert que TPS, une entreprise britannico-tunisienne, exploitait elle aussi une concession pétrolière offshore à Kerkennah. Les pêcheurs protestaient contre une immense marée noire qui avait été provoquée, selon eux, par la une fuite d’un pipeline sous-marin. Des allégations démenties par TPS, qui affirme que la fuite provenait d’un puits dans une des plateformes de forage - j’en comptai six depuis la plage de Sidi Fraj - qui entouraient, en forme de demi-cercle, l’île de Chergui.

    Les pêcheurs étaient en colère, non seulement parce que la marée noire décimait les poissons, mettait en danger la biodiversité marine et remettait ainsi en cause leurs moyens de subsistance, mais aussi parce que TPS tentait d’en minimiser l’impact et même de la dissimuler au public. Ils affirmaient que ce n’était pas la première fois, mais la troisième ou quatrième fois qu’un tel incident se produisait. Ils nous accompagnèrent sur les côtes pour nous montrer où la substance noire (sans doute du pétrole) avait échoué sur la plages et comment, à certains endroits, elle avait été recouverte de sable afin d’être dissimulée. Exaspérés, les pêcheurs demandaient à TPS d’assumer ses responsabilités, et exigeaient des autorités tunisiennes qu’elles forcent l’entreprise à rendre des comptes.

    En réalité, le ministre de l’Environnement avait été envoyé sur l’île pour rassurer les pêcheurs et promettre aux habitants qu’une enquête aurait lieu, et que des mesures seraient prises pour réparer les dégâts. Cependant, il ne paraissait pas être présent tant pour répondre aux doléances des pêcheurs que pour protéger les intérêts de l’industrie pétrolière, en empêchant une escalade des protestations. D’autant plus qu’au même moment, une autre entreprise pétrolière et gazière était elle aussi cible de la colère de la population de l’île.

    Soulèvement contre Petrofac

    Dix ans après avoir acquis la concession de gaz de Chergui dans des conditions douteuses, et cinq ans après le soulèvement de la Tunisie pour le pain, la liberté et la justice sociale, l’entreprise pétrolière et gazière britannique Petrofac est en effet confrontée au mécontentement grandissant de la population dans l’archipel des Kerkennah. Les deux premières semaines d’avril, les îles ont été le théâtre d’une violente répression policière contre les manifestants qui ciblaient l’entreprise.

    Les manifestations et leur répression faisaient suite à la dispersion de sit-ins pacifiques organisés pendant deux mois par les militants de l’Union des Diplômés Chômeurs devant l’usine de gaz de Petrofac. Le but de ce sit-in était de mettre la pression sur l’entreprise britannique afin qu’elle reprenne le financement d’un fonds pour l’emploi qui permettait de couvrir leurs maigres salaires.

    Lors de me séjour dans l’archipel, j’ai eu l’occasion de parler avec plusieurs jeunes qui avaient participé au sit-in de février-mars. Au cours de ces discussions, j’ai perçu leur ressentiment et leur colère face à la situation qu’ils vivaient. Comment était-il possible d’être chômeur quand toute cette richesse issue du pétrole et du gaz est produite dans ces îles ? Qu’en est-il des promesses de la révolution de 2011 en matière de justice sociale et de dignité nationale ? Autant de questions que j’avais déjà entendues lors d’autres voyages en Tunisie, la Tunisie intérieure, loin des sites touristiques, la Tunisie du sous-développement, où les gens continuent de se battre contre la paupérisation, la corruption et les injustices quotidiennes.

    La Tunisie sous la coupe des lobbys pétroliers

    Si les activités de Petrofac dans l’archipel ont attiré l’attention, il n’en va pas de même des conditions dans lesquelles la firme a fait l’acquisition de 45% de la concession gazière de Chergui. Une série de documents obtenus par la Justice indiquent que Petrofac a versé des pots de vin à Moncef Trabelsi, beau-frère de l’ancien président Ben Ali, lequel a été condamné pour ces faits en octobre 2011 [1]. En revanche, l’entreprise qui aurait versé les 2 millions de dollars en cause a échappé à toute poursuite au Royaume-Uni et en Tunisie.

    Ce n’est pourtant pas la première fois que Petrofac est impliquée dans un scandale de corruption : un de ses anciens dirigeants a été accusé d’avoir payé un pot-de-vin de 2 millions de dollars pour obtenir un contrat au Koweït. Ce qui est particulièrement incroyable dans cette affaire est qu’après avoir été impliquée dans l’acquisition illégale d’une concession, Petrofac fasse aujourd’hui preuve d’un tel mépris envers le peuple tunisien en refusant d’honorer ses engagements et en soutenant la répression policière. Son patron en Tunisie, Imed Derouiche, a formulé des accusations particulièrement condescendantes à l’encontre des jeunes manifestants. Comment Petrofac peut-elle continuer à bénéficier d’une telle impunité ?

    Le fait est que le lobby du pétrole est extrêmement puissant en Tunisie. L’influence de l’industrie des énergies fossiles est tellement omniprésente que l’opacité et l’irresponsabilité y sont devenues la norme. Par exemple, personne ne sait si des activités de prospection ou d’exploitation de gaz de schiste ont lieu ou non dans le pays. Les opérations pétrolières dans le sud de la Tunisie - de Tataouine à la zone militaire fermée (sauf pour les entreprises pétrolières et gazières apparemment) – paraissent particulièrement opaques.

    Les autorités tunisiennes semblent considérer les pratiques de l’industrie pétrolière et gazière comme une sorte de boîte de Pandore qu’ils préfèrent ne pas ouvrir [2]. Malgré le processus révolutionnaire initié il y a plus de cinq ans, les mêmes méthodes répressives sont aujourd’hui employées par l’État, qui prend le parti des multinationales contre les demandes légitimes de populations qui souhaitent simplement mener des vies décentes.

    Un archipel en première ligne du changement climatique

    Les Kerkennah sont l’un des endroits les plus vulnérables de la Méditerranée. Ils se caractérisent par un climat semi-aride avec une saison très sèche en été, des températures élevées, une forte évaporation de l’eau, et un déficit d’eau moyen d’environ 1000 mm/an. La montée des mers en raison du réchauffement met en danger cet archipel, dont l’altitude maximale est de 13 mètres, avec la majorité des terres sous les 10 mètres. Plusieurs études ont déjà mis en lumière l’érosion et le retrait de la ligne de côte de plus de 10 centimètres par an. Selon une étude alarmante réalisée par le gouvernement tunisien sur l’impact du changement climatique dans le pays, l’archipel pourrait être transformé en un plus grand nombre de petites îles. 30% de sa superficie (environ 4500 hectares) se retrouverait immergée d’ici 2100.

    En moins de trois décennies, les zones que l’on appelle sebkhas (marais salants côtiers) qui constituent près de la moitié de la surface de l’archipel, se sont étendues de 20%. L’eau de mer s’infiltre dans les réserves d’eau souterraines et dans les sols. Tout ceci exacerbe la pénurie d’eau, qui tue les palmiers locaux et grignote les terres arables, augmentant ainsi la vulnérabilité alimentaire et économique de la population. On compte aujourd’hui des centaines de milliers de palmiers parsemés sur l’île. Ils représentent un joyau à protéger, d’autant qu’ils servent plusieurs usages : source d’alimentation, mais aussi d’outils pour la pêche et l’artisanat traditionnels, etc.

    La population des Kerkennah a fortement baissé dans les années 1980 en raison des sécheresses. Les îles n’étaient pas en mesure de soutenir des systèmes d’irrigation adaptés, et avec le déclin des réserves d’eau douce, beaucoup d’habitants ont dû partir pour le continent, à commencer par la ville voisine de Sfax. Aujourd’hui, la population de l’archipel est estimée à 15 000 personnes. Elle est multipliée par 10 au cours de l’été, quand les émigrés du continent et de l’étranger reviennent. En raison de la fragilité de l’écosystème et des contraintes climatiques et environnementales qui pèsent sur l’agriculture et la pêche, les autorités tentent désormais de promouvoir l’éco-tourisme ou « développement touristique soutenable ». Mais à ce jour, ces programmes n’ont pas été mis en route.

    Souveraineté sur les ressources naturelles et transition juste

    La violence du changement climatique n’est pas naturelle. Elle est liée aux choix des puissants de continuer à brûler des énergies fossiles. Ce choix est fait par les multinationales et par les gouvernements occidentaux, en coopération étroite avec les élites nationales et militaires du Sud, y compris en Tunisie.

    Dans une économique néolibérale comme celle de la Tunisie, où l’économie est subordonnée aux lois du marché, qui génère des inégalités, privatise le social, et échoue à créer des emplois productifs de qualité, les phénomènes habituels de la précarité et de l’instabilité seront sans doute exacerbées par le réchauffement climatique, qui agit comme un « multiplicateur de menaces ».

    La pollution marine à répétition causée par l’industrie pétrolière, couplée à la montée des températures des océans et à la pêche illégale, aura très certainement un impact délétère sur les activités de pêche, sur les écosystèmes et sur la biodiversité des Kerkennah. Un document préparé pour la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) évoque la possibilité que les modes de pêche artisanaux des îles (charfia) soient restreints. On parle même de fracturation hydraulique offshore au large des Kerkennah, ce qui viendrait encore ajouter aux menaces.

    La population des Kerkennah est dans l’obligation de s’adapter à une situation qu’elle n’a pas créée, et se trouve à la merci de pollueurs puissants et corrompus, dissimulés sous l’aile protectrice de la répression d’État. Afin que les îliens conjurent le danger de devenir un jour des réfugiés climatiques et reprennent le contrôle de leur vie, de leur environnement, de leurs ressources et de leur destin, l’industrie des énergies fossiles doit être mise au pas et sommée de rendre des comptes. La poursuite de ses activités destructrices revient à signer l’arrêt de mort de l’archipel.

    Restaurer un contrôle démocratique sur les ressources naturelles apparaît comme une étape vitale en vue d’une transition juste des énergies fossiles vers les renouvelables. C’est particulièrement vrai dans une perspective de justice climatique, qui se focalise sur la minimisation du fardeau du réchauffement sur les populations marginalisées, dépossédées et vulnérables. Après tout, des décisions aussi cruciales sur la nature, la structure et le sens même de nos systèmes énergétiques peuvent-elles être prises sans consulter les populations ?

    Hamza Hamouchene

    Cet article a été traduit de l’anglais et abrégé. La version originale a été publiée sur OpenDemocracy.

    [1Tous les détails de cet accord seront documentés dans un rapport qui sera publié prochainement, coécrit par Hamza Hamouchene, auteur de cet article, pour Platform London.

    [2L’exemple de British Gas (BG) est révélateur, il s’agit du plus grand producteur de gaz de la Tunisie, responsable d’environ 60% de la production nationale de gaz à travers ses opérations à Miskar et Hasdrubal. BG Tunisia contrôle 100% du champ gazier offshore de Miskar (le plus productif), qui se situe à 125 kilomètres des côtes dans le golfe de Gabès. Le gaz est ensuite traité à la centrale Hannibal, et transféré, via un contrat de long-terme, à la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG), l’entreprise publique de gaz et d’électricité de la Tunisie, au prix du marché international et payé en devises. Le gaz tunisien est vendu aux Tunisiens comme s’il était une matière première importée !

    http://multinationales.org/Au-large-de-la-Tunisie-l-archipel-des-Kerkennah-souffre-des-effets-du

    Lire aussi:

    https://nawaat.org/portail/2016/04/19/reportage-a-kerkennah-les-raisons-de-la-colere/

  • La violence commence-t-elle uniquement lorsque le colon est atteint ? (Ujfp)

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    Plus de 210 Palestiniens tués en six mois, dont 47 mineurs par l’armée en tous types de circonstances, abattus lors d’attaques au couteau ou au tournevis, désarmés sur des checkpoints, blessés à terre, achevés par un soldat fier de son acte.

    Des dizaines de maisons détruites et de terres confisquées, au point que l’UE s’est inquiétée auprès du gouvernement israélien de la forte augmentation de cette pratique. Un gouvernement qui vient d’annoncer l’autorisation de 82 unités de logements dans les colonies.

    Et c’est dans ce contexte là que soudain il devient fondamental (pour qui et pourquoi, nous devons nous poser la question) de dénoncer la violence de l’attentat de Sarona Tel Aviv. Le plus souvent sans avoir jamais dit un mot sur la violence que nous venons de décrire.

    L’UJFP a toujours dénoncé toute violence contre des civils, qu’ils soient palestiniens ou israéliens, juifs ou non, et a toujours en même temps refusé toute symétrie entre occupant et occupé, oppresseur et opprimé, notamment au niveau des attaques de civils, et a toujours pointé les responsabilités politiques écrasantes de ces attaques de civils, c’est-à-dire les régimes israéliens successifs d’oppression, d’occupation, de colonisation.

    Le désespoir d’une vie écrasée et sacrifiée d’avance, d’un avenir bouché, d’un horizon inexistant dû :

    - à l’impuissance politique d’une direction palestinienne divisée et au chaos que traverse le monde arabe,
    - à l’arrogance et à la violence grandissante du gouvernement israélien, de l’armée et des colons contre eux,
    - au refus des puissances occidentales de sanctionner Israël, ce qui revient à un permis de tuer.

    Tels sont les responsables qui poussent aujourd’hui des jeunes gens à des attaques où et quand ils le peuvent, sans objectif autre qu’exprimer ce désespoir.

    Les médias israéliens glosent actuellement sur les trous dans le Mur et son inefficacité. Ainsi la population israélienne (et d’autres avec elle) devrait se croire à la fois blanche de toute violence, victime d’une violence palestinienne sans cause, « radicalisée » comme ils disent, et protégée de cette violence par des murs. Le seul et pathétique espace de questionnement qui lui est ouvert est celui de leur herméticité.

    Une population enfermée, qui vit sous la botte de l’armée et des colons, à la merci d’une rencontre malheureuse avec un soldat ou un colon, avec impunité acquise pour l’oppresseur, alors que ses fils et filles sont condamnés devant des tribunaux d’exception à des dizaines d’années de prison pour des jets de pierre, a le droit de résister.

    La population palestinienne résiste massivement et quotidiennement dans la non-violence et le sumud [1] le plus souvent. Parfois, plus rarement, des combattants organisent une opération militaire (mais ces opérations sont de toute façon assimilées par le régime et les médias israéliens, voire européens à des attentats contre les civils) et parfois aussi des groupes, aujourd’hui des individus, organisent des attentats contre des civils.

    Ceux qui ont vécu la guerre d’Algérie savent ce que cela signifie, tortures et violences de l’armée coloniale contre des civils, exactions impunies de l’OAS contre des civils, attentats du FLN contre des civils...

    Pouvait-on décemment mettre sur le même plan, ces divers types de combattants ? Il y a aussi ceux qui se souviennent de l’occupation de la France et de la requalification des opérations de la Résistance en opérations terroristes. Une résistance dont personne n’aurait décemment exigé qu’elle soit désarmée ou « non violente ».

    De même, pendant la guerre du Viêt Nam, on retrouvait l’idéologie coloniale dans la dénonciation systématique des opérations du Viêt-Cong par une presse tout aussi coloniale. Mais du Viêt Nam nous avons retenu une leçon : le colon ne peut gagner, aussi puissant soit-il, contre un peuple en lutte pour son indépendance et ses droits. La seule issue lorsqu’une population indigène et une population coloniale doivent coexister dans le même espace est celle du compromis, et du partage des droits, comme de la souveraineté.

    L’écho français actuel sur les violences policières contre les manifestants opposés à la loi travail, devrait résonner à nos oreilles. Les médias du pouvoir se contentent de pointer la violence des manifestants et s’appliquent à gommer la répression policière qui accompagne la politique de mise au pas du salariat français, à coup de 49-3 et de démantèlement des systèmes de protection du travail. La méthode est globale, ne nous y trompons pas. Elle n’est pas nouvelle, mais le temps d’aujourd’hui est celui de l’effacement des causes et des responsabilités et du TINA (there is no alternative). Cela sert à imposer la loi du plus fort, envers et contre tout.

    mardi 14 juin 2016 par le Bureau national de l’UJFP

    [1Sumud un terme palestinien désignant une forme de résistance faite de détermination et de ténacité.

    http://www.ujfp.org/spip.php?article5007

  • Mauritanie. Une nouvelle loi compromet l’exercice du droit à la liberté d’association (Amnesty)

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    Le parlement mauritanien doit rejeter un nouveau projet de loi en examen aujourd’hui restreignant les droits à la liberté de réunion et d'association, ont déclaré Amnesty International et une vingtaine d’organisations de la société civile.

    Le projet de loi a déjà été approuvé en conseil des ministres sans consultation publique. Si elle est votée, cette loi confirmerait tout d’abord la singularité de la Mauritanie où, jusqu’à présent, la création d’une association est soumise à une autorisation étatique. Les organisations signataires estiment que cette disposition va continuer de restreindre l’espace civique déjà limité.

    « L’absence de consultations préalables avec les associations et le manque de prise en compte de leurs préoccupations ont les apparences d’un passage en force, qui ne se justifie pas. Des restrictions ont déjà été imposées aux droits à la liberté d’expression et d’association, ce qui a entraîné la détention de militants des droits de l‘homme pour appartenance à une organisation non autorisée», a déclaré Gaetan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest pour Amnesty International.

    « Le régime de la déclaration est le seul conforme aux règles en vigueur dans les pays qui respectent les dispositions internationales sur la liberté d’expression et de pensée. La Mauritanie ne doit pas faire figure d’exception et doit appliquer l’article 10 de sa Constitution qui garantit la liberté d’association».

    Amnesty International a documenté les cas d’au moins quatre organisations qui peinent toujours à recevoir leur autorisation malgré le dépôt de statuts en bonne et due forme. Il s’agit du « Mouvement IRA », Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste, de « Touche pas à ma nationalité », de « l’Association des veuves mauritaniennes » et de « l’Union des Jeunes Volontaires ».

    «Les statuts de notre association ont été présentés depuis 2013 au ministère de l’Intérieur. Après des va-et-vient incessants entre le ministère et le commissariat de police, il nous a été refusé à quatre reprises de déposer notre demande d’autorisation sous prétexte que l’association ne regroupe que des membres d’une seule communauté alors que plusieurs communautés en font partie », a témoigné Alassane Dia, Président de « Touche pas à ma nationalité », une organisation non encore reconnue et née en réaction au recensement lancé en 2011 par les autorités et jugé discriminatoire à l’égard des communautés négro-mauritaniennes.

    Le collectif des veuves qui demande que la vérité soit faite sur les exécutions sommaires et des disparitions survenues dans les années 9O, attend depuis 1993 d’être reconnue, après avoir encore renouvelé sa demande en 2010.

    Le projet de loi compte en outre plusieurs dispositions liberticides et ne comporte aucune référence aux engagements internationaux de la Mauritanie. Son article 4 impose aux associations constituées de restreindre leur domaine de compétence soit à un niveau national, régional ou local alors qu’elles doivent avoir la possibilité d’agir sur l’ensemble du territoire.

    Certaines dispositions de l’article 6 du projet de loi qui stipule qu’aucune association ne peut être créée sur une base ou pour un objectif contraire à l’islam, à la Constitution, aux lois en vigueur ou pour des activités de nature à porter atteinte à la sécurité des citoyens, à l’unité nationale, à l’intégrité du territoire, à la forme républicaine de l'Etat ou aux bonnes mœurs pourraient être liberticides. Les autorités pourraient utiliser des arguments religieux par exemple si elles jugent que l'objectif de l’association est contraire à l'islam ou menace l'unité nationale ou les bonnes mœurs pour empêcher à des associations d’exercer leurs droits.

    Alors que l’article 24 exige des associations la communication de leur rapport d’activité et financier au plus tard le 31 mars de chaque année, faute de quoi elles pourraient être suspendues, les organisations signataires estiment que les exigences de transparence dans le financement des associations ne doivent pas faire peser une menace sur la liberté d’association. Aussi, le projet de loi prévoit de limiter le champ d’action des associations à un seul domaine.

    « Si cette loi est adoptée, il ne sera plus possible pour une association de travailler par exemple sur les droits des femmes et des enfants en même temps, car selon la nouvelle loi c’est deux domaines différents », a déclaré Maitre Mine Abadallah, avocat, membre du comité ad hoc sur le projet de loi association.

    « La Mauritanie doit aligner sa législation sur les normes et standards internationaux en matière de droits de l’homme ».

    Déjà, depuis février dernier, les associations ne peuvent pas organiser de manifestations sans l’autorisation préalable du préfet. Une note datant du 11 février 2016, dont Amnesty International a eu copie stipule : « sans l'autorisation préalable du Hakem (préfet), il est formellement interdit d'organiser un spectacle, une conférence, une manifestation où le public est admis ».

    Des organisations de la société civile interrogées par Amnesty International ont affirmé qu’avant de confirmer leur réservation pour organiser des conférences de presse ou des ateliers et séminaires, les hôtels leur demandent de fournir l’autorisation écrite du préfet. D’ailleurs, le Forum des organisations nationales de droits humains (FONADH) avait été convoqué en mars 2016 par le ministère de l’Intérieur qui lui avait signifié que les organisations non autorisées ne pourraient plus tenir des conférences de presse au siège de l’organisation.

    En août 2015, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association avait appelé l’Assemblée nationale à rejeter ce même projet de loi relatif aux associations de la société civile qui avait été approuvé, sans consultation publique, par le Conseil des ministres. 2 juin 2016

    Liste des organisations

    Action des Chrétiens pour l’abolition de la Torture ; Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme (France) ; Amnesty International ; Anti Slavery International ; Association des Femmes Chefs de Famille (Mauritanie) ; Association mauritanienne des droits de l'Homme (Mauritanie) ; Collectif des veuves de la Mauritanie ; Collectif Touche pas à ma nationalité (Mauritanie) ; Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits Humains (Mauritanie) ; Forum des Organisations Nationales des Droits de l’Homme en Mauritanie (Mauritanie) ; Free the slaves ; Groupe d’études et de recherches sur la démocratie et le développement économique et social (GRDS- Mauritanie) ; Initiative de la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (Mauritanie) ; Initiative de la Résurgence du Mouvement Abolitionniste, IRA (USA) ; Ligue Mauritanienne des Droits de l'Homme ; Minority Rights Group International; l’Union des Jeunes Volontaires ; Observatoire RADDHO-Mauritanie ; Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO) ; Unrepresented Nations and Peoples Organization: (UNPO) ; SOS Esclaves (Mauritanie)

    https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/06/mauritanie-une-nouvelle-loi-compromet-lexercice-du-droit-a-la-liberte-dassociation/

  • Bahreïn. Un dirigeant de l'opposition condamné à neuf ans de prison pour des discours pacifiques (Amnesty)

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    Dans une attaque contre le droit à la liberté d'expression, les autorités de Bahreïn ont confirmé lundi 30 mai la condamnation du leader de l'opposition Ali Salman et prolongé sa peine de prison de quatre à neuf ans, en raison de ses discours critiques envers le gouvernement, a déclaré Amnesty International.

    « La condamnation de Sheikh Ali Salman est clairement motivée par des considérations politiques et vise à faire savoir à tous que même des demandes légitimes et pacifiques de réforme ne resteront pas impunies. Cet homme est un prisonnier d’opinion qui n’aurait jamais dû être incarcéré. Il doit être relâché sans délai et sans condition », a déclaré James Lynch, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

    Le 16 juin 2015, Ali Salman, le secrétaire général de la principale formation d'opposition à Bahreïn, la Société islamique nationale Al Wefaq, a été condamné à l'issue d'un procès inique à une peine de quatre ans d'emprisonnement pour diverses charges, notamment pour avoir « insulté publiquement le ministère de l'Intérieur » et « incité d'autres personnes à désobéir à la loi ». Ces accusations sont en lien avec des discours qu'il a prononcés en 2012 et 2014.

    Son appel, en instance depuis huit mois, vient finalement d'être rejeté le 30 mai par la Cour d'appel de la capitale Manama.

    En septembre 2015, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a demandé aux autorités bahreïnites de le libérer immédiatement et de lui accorder des réparations satisfaisantes.

    Ces dernières années, Bahreïn a resserré son étau sur la liberté d'expression, procédant à de multiples arrestations et harcelant opposants et militants. 

    Ebrahim Sharif, ancien secrétaire général de la Société nationale pour l’action démocratique (Waad), a été incarcéré pendant un an le 24 février pour avoir appelé à des réformes dans un discours. Fadhel Abbas Mahdi Mohamed, ancien secrétaire général du Rassemblement démocratique national unitaire (parti al Wahdawi), a fait appel d'une peine de cinq ans de prison prononcée à son encontre au terme d'un procès inique en juin 2015, pour une déclaration faite par son parti qui condamnait les frappes aériennes de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen.

    « En plaçant trois opposants de premier plan derrière les barreaux, les autorités font clairement savoir que la critique ne sera pas tolérée à Bahreïn et que quiconque ose les contester se met en danger », a déclaré James Lynch.

    Amnesty International considère Ali Salman, Ebrahim Sharif et Fadhel Abbas Mahdi Mohamed comme des prisonniers d'opinion, incarcérés uniquement pour avoir exprimé sans violence leurs opinions. 30 mai 2016

    https://www.amnesty.org/fr/bahrain-opposition-leader-jailed-for-nine-years-over-peaceful-speeches/

  • Arrestations et censure : non à l’offensive anti-démocratique en Egypte ! (NPA)

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    La répression a atteint une ampleur inégalée en Egypte :

    raid contre le syndicat des journalistes, arrestations arbitraires, violences systématiques, disparitions, interpellations de militant-e-s, de journalistes et d'avocats... Plus de 1200 personnes ont été arrêtées par les forces de l'ordre égyptiennes depuis le 15 avril.

    Le mémo gouvernemental révélé accidentellement à la presse prouve la volonté du pouvoir de lutter contre toute forme de contestation et de revendications démocratiques. La chape de plomb que le gouvernement Sissi tente d'imposer à la presse en est une des manifestations les plus évidentes.

    La gravité de la situation requiert toute notre solidarité internationaliste. Nous dénonçons toujours et avec force les accords en particulier militaires qui lient la France à l'Egypte, favorisant la dictature militaire en place.

    Nous exigeons la libération de tou-te-s les prisonnier-e-s politiques et réaffirmons notre soutien total à la lutte pour la démocratie du peuple égyptien.

    Montreuil, le 9 mai 2016

    https://npa2009.org/offensive-anti-democratique-en-egypte

    Lire aussi:

    http://www.pambazuka.org/fr/Egypte-silence-purge

    http://www.pambazuka.org/fr/activism/egypte-cinq-ans-après

     
  • Egypte : « Nous sommes des idées et les idées ne meurent pas ni ne peuvent être emprisonnées » (NPA)

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    Témoignage d’un militant révolutionnaire égyptien après la répression du 25 avril. 

    Depuis 2014 et le mouvement révolutionnaire égyptien, nous restons vigilants. Après les manifestations contre Mohamed Morsi, le président issu des Frères musulmans, et la manœuvre de l’armée contre le mouvement, en prenant le pouvoir à la fois de Morsi et des révolutionnaires et en plaçant Sissi à la présidence de l’Egypte, nous avons essayé de revenir dans les rues pour empêcher le retour de l’ancien Etat sous le système Sissi.

    Mais nous avons ensuite réalisé que Sissi ne cherche pas seulement à rétablir l’ancien système de Moubarak. Son objectif est de faire passer le poids de l’armée dans l’économie égyptienne de 49% à presque 95% (1), ce qui nous conduit au milieu d’un conflit entre l’armée et la Military intelligence d’une part, et la General Intelligence et les milieux d’affaires, d’autre part. Ce combat est devenu notre pire cauchemar puisque les deux bords tentent de nous instrumentaliser, ce qui nous rend très prudents afin de ne pas être utilisés comme en 2013 (2).

    Depuis cette période nous avons vu à quel point le gouvernement Sissi est devenu violent et dément, utilisant tous les outils à sa disposition pour se protéger, tuant et arrêtant quiconque s’exprime, et laissant la police punir à sa guise dans le pays. Cela a permis à la police de recourir à tous les actes criminels sans crainte de poursuites, en particulier après le discours de Sissi à l’académie de police, lors duquel il a déclaré littéralement qu’il « n’y aurait aucune poursuite à l’encontre des officiers qui tuent des opposants à la démocratie et à notre Egypte ».

    Nous avons tenté à plusieurs reprises de retourner dans les rues mais cela relevait du suicide. Et plus tard, avec la visite du roi d’Arabie Saoudite en Egypte, nous avons constaté que le système égyptien avait atteint un degré de folie tel qu’il a donné à l’Arabie Saoudite deux territoires près du Sinaï à notre frontière commune. Cela en prétendant que ces territoires appartenaient à l’Arabie saoudite, ce qui n’a pas de sens puisque l’Arabie Saoudite a été fondée en 1934, alors que la carte de l’Egypte date de 1883, et que nous avons combattu lors de deux guerres pour récupérer le Sinaï y compris ces deux territoires.

    Puisque nous ne pouvons rester silencieux face à cette folie de l’Etat, nos partis se sont mis d’accord pour lancer une campagne sous le titre « l’Egypte n’est pas à vendre » et nous avons choisi le jour de la Libération du Sinaï, le 25 avril, pour lancer des manifestations de protestations dans toute l’Egypte contre l’accord avec l’Arabie saoudite et contre le fonctionnement du gouvernement.

    L’Etat a compris le danger que représentait pour lui le réveil du mouvement égyptien (3) ; il a donc commencé à nous combattre dès le 22 avril : dans les cafés où nous nous rendons habituellement, tous les jeunes ont été arrêtés ; la police est entrée par effraction dans les maisons et les rassemblements des militants, et les a arrêtés, pour nous empêcher de manifester le 25 avril.

    Mais cela n’a pas pu nous briser : nous sommes descendus dans la rue et à chaque fois qu’ils nous ont tiré dessus et ont arrêté nos camarades, nous nous sommes rassemblés encore et encore. Nous avons prouvé aujourd’hui que nous sommes revenus dans la rue et que notre combat contre ce système ne mourra jamais. Et c’est ce qui les effraie. Aujourd’hui nous avons perdu 168 camarades arrêtés, et notre avocat travaille sur leurs dossiers. Mais nous ne nous arrêterons pas. Nous avons déjà perdu 41 000 personnes détenues entre 2011 et aujourd’hui. Nous sommes des idées et les idées ne meurent pas ni ne peuvent être emprisonnées.

    M. Meligi

    (témoignage recueilli et traduit par Chloé Moindreau)

    1- Lire à ce sujet : http://www.slate.fr/story/87853/tentativ...

    2- Lire à ce sujet Alain Gresh : http://blog.mondediplo.net/2013-08-26-Eg...

    3- Une première manifestation importante avait eu lieu le 15 avril.

    Lire par exemple : http://www.liberation.fr/planete/2016/04...

    https://npa2009.org/egypte-nous-sommes-des-idees-et-les-idees-ne-meurent-pas

     

     
  • Les autorités égyptiennes procèdent à une vague d’arrestations massive en vue d’empêcher des manifestations pacifiques (Essf)

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    En réaction à l’annonce de manifestations en Égypte, les forces de sécurité ont arrêté arbitrairement plusieurs centaines de personnes lundi 25 avril, a déclaré Amnesty International à la suite du déploiement massif des forces de l’ordre visant à empêcher les manifestants de se rassembler au Caire et ailleurs.

    En réaction à l’annonce de manifestations en Égypte, les forces de sécurité ont arrêté arbitrairement plusieurs centaines de personnes lundi 25 avril, a déclaré Amnesty International à la suite du déploiement massif des forces de l’ordre visant à empêcher les manifestants de se rassembler au Caire et ailleurs.

    Le Front de défense des manifestants égyptiens a indiqué à Amnesty International, le 26 avril au matin, qu’il avait eu connaissance d’au moins 238 arrestations survenues la veille dans toute l’Égypte. Parmi les personnes arrêtées figurent des étrangers, des militants et des journalistes. Le Front de défense des manifestant égyptiens est un groupe de militants locaux, dont des avocats spécialisés dans les droits humains, qui s’est formé pour protéger les manifestants pacifiques des violations des droits humains. Le mouvement Liberté pour les braves, autre mouvement local de vigilance, avait établi une liste de 168 noms le 25 avril au soir, et ses militants poursuivaient leur travail d’identification des personnes arrêtées.

    « Les autorités égyptiennes semblent avoir monté une opération musclée, d’une efficacité redoutable, pour réprimer cette manifestation avant même qu’elle n’ait commencé. Les nombreuses arrestations, les barrages routiers et le déploiement massif des forces de sécurité ont empêché le déroulement des manifestations pacifiques », a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe par intérim du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

    « Malheureusement, la répression de la liberté de réunion pacifique et les violations d’autres droits sont la réponse habituelle du gouvernement égyptien à toute forme de critique. »

    L’appel à manifester avait été lancé après la cession par l’Égypte de deux îles de la Mer rouge à l’Arabie saoudite – une mesure jugée anticonstitutionnelle et critiquée pour son manque de transparence par un certain nombre de groupes de la société civile. Le 25 avril, anniversaire du retrait d’Israël de la péninsule du Sinaï en 1982, est un jour férié en Égypte.

    D’après les chiffres publiés par des organisations égyptiennes de défense des droits humains et par Liberté pour les braves, plus de 90 personnes avaient déjà été arrêtées en amont des manifestations, entre le 21 et le 24 avril.

    Beaucoup ont été placées en détention provisoire pour diverses accusations, telles que des violations de la législation antiterroriste, de la Loi relative aux manifestations et d’autres lois réglementant les rassemblements publics, ainsi que des atteintes à la « sécurité nationale » en vertu du Code pénal.

    Parmi les personnes arrêtées au cours de la semaine précédant les manifestations figuraient plusieurs militants de premier plan liés aux mouvements égyptiens de défense des droits humains et de protestation. C’est le cas par exemple d’Ahmed Abdullah, président du bureau exécutif de la Commission égyptienne des droits et des libertés, arrêté à son domicile le matin du 25 avril par des membres des « forces spéciales », d’après ses porte-parole. Il est sous le coup de plusieurs chefs d’inculpation, dont l’incitation à la violence en vue de renverser le gouvernement, la participation à un groupe « terroriste » et la promotion du « terrorisme ».

    Haytham Mohammedein, avocat spécialisé dans le droit du travail et porte-parole du Mouvement socialiste révolutionnaire, a lui aussi été arrêté à son domicile, le 22 avril aux premières heures de la matinée, par des membres de l’Agence de sécurité nationale, qui ont refusé de lui présenter un mandat d’arrestation.

    Les agents lui ont bandé les yeux pendant son interrogatoire, et il a été présenté au parquet plus de 24 heures après son arrestation, en violation de la Constitution égyptienne, a indiqué l’un de ses avocats à Amnesty International. Le procureur général a ordonné son placement en détention pour 15 jours pour « participation au mouvement interdit des Frères musulmans », « conspiration en vue de renverser le régime » et « appel à manifester contre la modification des frontières maritimes du pays », a précisé l’avocat. Haytham Mohammedein est détenu dans un camp des Forces centrales de sécurité appelé « Kilo 10.5 », situé en plein désert, sur la route qui relie Le Caire à Alexandrie.

    Parmi les victimes de cette répression figure aussi la militante célèbre Sanaa Seif, qui a déclaré avoir été convoquée pour interrogatoire par un procureur, et l’avocat Malek Adly, qui a fait l’objet d’un mandat d’arrestation.

    Le 25 avril, dès l’aube, des informations faisant état d’une importante présence des forces de sécurité dans le centre du Caire ont commencé à circuler. Elles signalaient la mise en place de barrages routiers et le déploiement de policiers armés, indiquant l’intention du gouvernement égyptien de réprimer les manifestations. Le président a qualifié les manifestations prévues de tentative de déstabilisation de l’État, et le ministre de l’Intérieur a menacé de graves conséquences toute personne qui « franchirait la ligne rouge ».

    « Les autorités affirment rétablir la stabilité et la sécurité, mais leur paranoïa les aveugle et semble les avoir rendues incapables de faire la distinction entre une manifestation pacifique et une véritable menace à la sécurité », a déclaré Magdalena Mughrabi.

    Amnesty International exhorte les autorités égyptiennes à respecter les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’expression. Toute personne détenue pour avoir manifesté pacifiquement doit être libérée.

    La Loi égyptienne relative aux manifestations interdit d’organiser une manifestation sans l’autorisation des autorités, et accorde de larges pouvoirs aux forces de sécurité pour disperser les manifestations « non autorisées ». Concrètement, les autorités facilitent la tenue des manifestations de sympathisants du président Abdel Fattah al Sissi, mais dispersent systématiquement les manifestations de ses opposants.

    Amnesty International a exprimé à plusieurs reprises les préoccupations que lui inspire la législation draconienne de lutte contre le terrorisme en Égypte. Sa définition trop vague et trop large d’un « acte terroriste » permet aux autorités de réprimer toute forme d’opposition pacifique.

    Des manifestations massives avaient déjà eu lieu 11 jours auparavant, après l’annonce de la cession des îles inhabitées à l’Arabie saoudite. Les manifestations du 15 avril ont été les plus grosses observées en Égypte depuis plus de deux ans.* « Égypte. Les autorités procèdent à une vague d’arrestations massive en vue d’empêcher des manifestations pacifiques ».

    Amnesty International

    *
    http://www.amnesty.fr/Egypte-Les-autorites-procedent-une-vague-arrestations

  • Mauritanie. Il faut annuler la condamnation à la peine capitale prononcée contre un blogueur (Amnesty)

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    La Mauritanie doit annuler la condamnation à mort prononcée contre un blogueur déclaré coupable d’apostasie, et le libérer sans condition, a déclaré Amnesty International mardi 19 avril, avant son audience d’appel prévue pour le 21 avril dans la ville de Nouadhibou (sud-ouest du pays).

    Mohamed Mkhaïtir, 33 ans, a été condamné à la peine de mort en décembre 2014, après avoir passé un an en détention provisoire, pour avoir écrit un billet de blog critiquant ceux qui utilisent l’islam pour introduire des discriminations à l’égard de certains groupes de la société. Mohamed Mkhaïtir est la première personne condamnée à mort pour apostasie depuis que la Mauritanie a accédé à l'indépendance en 1960.l

    « La peine capitale ne doit être utilisée sous aucune circonstance.

    La condamnation de Mohamed Mkhaïtir à ce châtiment, pour avoir écrit un billet de blog critiquant ceux qui utilisent la religion à des fins de discrimination, est injuste et montre jusqu’où les autorités mauritaniennes sont prêtes à aller pour essayer d’écraser la dissidence », a déclaré Gaëtan Mootoo, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

    « Les autorités mauritaniennes doivent annuler cette condamnation et libérer cet homme immédiatement et sans condition. »

    Mohamed Mkhaïtir est un prisonnier d'opinion, uniquement emprisonné pour avoir exercé de manière pacifique son droit à la liberté d'expression. Amnesty International estime que le recours à des sanctions pénales dans le but d’imposer des convictions religieuses est une atteinte au droit international relatif aux droits humains, et en particulier à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, à laquelle la Mauritanie est partie.

    L’organisation s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, quelles que soient la nature ou les circonstances du crime commis. Ce châtiment viole le droit à la vie tel qu’il est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

    20 avril 2016

    https://www.amnesty.org/fr/maurtana-must-quash-the-death-sentence-against-blogger

  • Djibouti : terreur électorale à l’ombre des bases militaires et dans l’indifférence internationale (Afriques en Lutte)

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    L’élection présidentielle djiboutienne est prévue les 8 et 22 avril.

    Depuis qu’il a succédé à son oncle il y a 17 ans, Ismaël Omar Guelleh a déjà imposé à son peuple 3 présidentielles et 3 législatives fraudées ou au résultat inversé. En 2010, il a fait supprimer de la constitution par le parlement la limite de deux mandats de 5 ans. Confrontée à des processus électoraux sans démocratie, l’opposition a boycotté les législatives de 2008 puis la présidentielle de 2011.

    Pour les législatives de 2013, les démocrates se sont unis dans la coalition Union pour le Salut national (USN). Ces législatives ont atteint le comble africain en terme d’inversion du résultat, puisque la majorité à l’assemblée a été complètement inversée en fonction de chiffres entièrement fictifs basés sur aucun procès verbaux issus des bureaux de votes. Aussitôt, en argumentant sur logique militaire régionale, Ismaël Omar Guelleh a obtenu un soutien diplomatique croisé franco-européen[1] qui deviendra une cause de détérioration de la situation politique en 2015 et 2016. En 2013 et 2014, l’USN a refusé de siéger.

    L’inversion extrême du résultat a cependant alerté les diplomates internationaux en particulier ceux de l’Union européenne (Ue) sur la gravité de la situation et le risque de fracture entre population et pouvoir. L’Ue a corrigé sa position suite à la désapprobation du parlement européen en juillet 2013[2], en réclamant à partir de mai 2014 la publication des Procès Verbaux des législatives[3]. En 2014, les diplomates européens et français ont accompagné une négociation entre l’USN et le pouvoir pour désamorcer les tensions électorales[4]. Cette négociation a abouti le 30 décembre 2014 à un compromis très médiatisé, l’Accord-cadre. Cependant, en 2015, l’attention internationale sur le processus électoral s’est relâchée, laissant la possibilité au président de contre-attaquer.

    Ismaël Omar Guelleh, poussé par son clan, a refusé de suivre l’Accord-cadre sur ses points principaux : le statut et le respect de l’opposition, une commission électorale indépendante paritaire. Trois mois avant le scrutin, il a montré sa volonté de s’imposer pour un quatrième mandat en dehors des règles de la démocratie, interrompant brutalement le processus de démocratisation. Le 21 décembre, la garde présidentielle et l’armée ont tiré sur les participants d’une réunion privée, faisant au moins 27 morts[5], sans compter les disparus[6]. Le même jour, la police a tiré sur les dirigeants de la coalition de l’opposition, l’Union pour le Salut National (USN) en réunion. Le président de l’USN, Ahmed Youssouf Houmed, 75 ans, blessé, a dû être opéré. L’ancien ministre Hamoud Abdi Souldan et le député Saïd Houssein Robleh ont été blessés par balle. Le secrétaire général de l’USN et maire de Djibouti, Abdourahman Mohamed Guelleh, a été arrêté. D’autres membres de l’USN et le défenseur des droits humains Omar Ali Ewado ont été faits prisonniers sans charges[7]. Fin mars 2016, Abdourahman Mohamed Guelleh et Hamoud Abdi Souldan sont « toujours en mandat de dépôt à prison centrale de Gabode »[8].

    Ismaël Omar Guelleh a ainsi mis à mort l’Accord-cadre du 31 décembre 2014 qui était soutenu par les diplomates internationaux[9]. Depuis les violences qui ont provoqué assez peu de réactions internationales, en dehors de la réaction de l’Ue, il est décomplexé dans ses attaques contre l’USN. Il a cherché à détruire son unité et à attiser les divergences. Le 31 décembre 2015, suite à l’exclusion des députés de l’opposition, une loi instaurant l’Etat d’urgence empêchant la vie politique pendant deux mois renouvelables a été adoptée par le parlement[10]. Il impose un processus électoral déterminé par la répression de l’opposition. Le ministre de l’intérieur a refusé la participation au scrutin à plusieurs partis de la coalition USN et a attribué le statut légal de plusieurs partis de l’USN à des membres corrompus. Il a exclu du scrutin, par ses manœuvres, la coalition d’opposition telle qu’elle s’était construite en 2013. En violation de la loi, le 28 mars, la Cour constitutionnelle a refusé de permettre la vérification de la liste électorale.

    Le président Ismaël Omar Guelleh s’appuie sur la position stratégique du pays, proche du Moyen-orient et de la Somalie, et sur les bases militaires étrangères. Il est soutenu par un clan profitant des richesses et en particulier des loyers des bases militaires[11]. Après son coup de force, certain que la communauté internationale accorde sa priorité à sa politique militaire au Moyen-Orient par rapport à la démocratie et les droits humains à Djibouti, il fait venir le premier contingent d’une base militaire chinoise[12] et vient de négocier l’ouverture d’une base militaire saoudienne[13].

    Son entêtement à se maintenir au pouvoir risque d’entrainer, comme lors des législatives de 2013, une communauté internationale passive vers le cautionnement d’un arrêt du processus de démocratisation. Déjà, début 2013, l’Ue s’était refusée de mettre en danger son action militaire dans la lutte contre la piraterie maritime sévissant au large des côtes somaliennes, importante dans le démarrage d’une Politique de sécurité et de défense commune (PSDC)[14], et cette position avait permis au président de franchir le cap des législatives.

    Le ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius, a laissé en 2014 et 2015, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, décider de la politique française en Afrique. Ce dernier s’est rendu à Djibouti fin juillet 2015, mettant l’accent sur les questions sécuritaires au moment où les questions électorales auraient dû s’imposer en priorité[15]. Début janvier 2016, l’ambassadeur de France, Serge Mucetti, rejeté par Ismaël Omar Guelleh, a été remplacé par Christophe Guilhou, ancien directeur de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme au sein de l’Organisation internationale de la francophonie. Jean-Yves Le Drian a envoyé, les 8 et le 9 mars 2016, le Chef d’Etat major de l’armée française, le général Pierre de Villiers à Djibouti[16]. Le 18 mars, le nouveau ministère des affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, s’est félicité d’un progrès entre l’Erythrée et Djibouti permettant d’« apaiser la situation dans la corne de l’Afrique, région fragile et en proie au terrorisme »[17].

    Le 22 mars, Jean-Marc Ayrault a reçu le ministre des Affaires étrangères djiboutien, Mahamoud Ali Youssouf. Ils ont « évoqué le climat politique, à l’approche des élections »[18], sans qu’aucune condamnation n’apparaisse. Le ministre a ensuite pu discuter avec le secrétaire d’État chargé du développement et de la Francophonie, André Vallini, sur le « développement social et économique », alors que le pays, dont les caisses sont alimentées par les loyers des bases militaires, sombre dans la dictature forte. La vision française de Djibouti comme zone militaire et le soutien à la dictature continue pendant la préparation d’un nouveau coup d’Etat électoral.

    En 2016 encore, quelques dizaines de morts avant une élection au Congo Brazzaville ou à Djibouti ne suffisent pas pour déclencher des sanctions internationales. Les démocrates africains sont peu soutenus, faute de droit international dans le domaine des processus électoraux. Une élection présidentielle crédible et transparente n’est plus possible à Djibouti en avril 2016. L’USN est partagée entre partisans d’un boycott et partisans d’un candidat issu de l’USN[19]. Au final, le président sortant pourrait tenter une inversion de résultat au moment de la compilation des Procès Verbaux, puisqu’il ne dispose que d’un électorat réduit, au second tour, ou directement en s’attribuant 50% au premier tour, comme Denis Sassou Nguesso vient de le faire.

    Si les résultats sortis des bureaux de vote et les résultats annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ne sont pas conformes, la population djiboutienne qui a observé le printemps en Afrique du nord en 2011 et s’est déjà fortement mobilisée pacifiquement suite à l’inversion du résultat des législatives de 2013, n’acceptera pas l’immobilisme dans la répression.

    A Djibouti, la communauté internationale et africaine se retrouve une nouvelle fois prise à témoin. Elle est actuellement silencieuse. Les acteurs internationaux, en particulier les pays possédant une base militaire, sont interpellés sur l’arrêt du processus de démocratisation. Une vision conservatrice de Djibouti, associé au Moyen-Orient sans démocratie, dans les compromis avec la dictature, s’oppose à la volonté de la population djiboutienne. Dans la Corne de l’Afrique, aussi la paix ne s’installera durablement qu’en s’appuyant sur la démocratie et l’Etat de droit. Un clivage entre militaires et diplomates français et européens, et population, risquerait de pousser une partie de cette population, si ce n’est pas vers le désespoir, vers d’autres voies, en pratique et intellectuellement.

    C’est pourquoi, le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique recommande au gouvernement français de :

    - · condamner le massacre du 21 décembre 2015 et l’arrêt du processus électoral par la répression de l’Union pour le Salut National, et d’exiger la libération des prisonniers politiques, en particulier d’Abdourahman Mohamed Guelleh et d’Hamoud Abdi Souldan,
    - · demander au Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies d’enquêter sur les violations des droits humains lors du processus électoral[20],
    - · faire pression sur le gouvernement djiboutien pour que soient respectées les libertés constitutionnelles, en particulier le droit de manifester, et les droits humains pendant la période électorale,
    - · exiger un dialogue entre gouvernement djiboutien et partis d’opposition de l’USN concernant un rassemblement des résultats et de la publication de résultats détaillés vérifiables,
    - · dénoncer toute fraude, tout manquement à la transparence garantissant la valeur des résultats, et toute inversion de résultat probable qui pourraient advenir au premier et second tour de la présidentielle,
    - · se concerter avec les Nations-Unies, l’Ue, l’Ua pour prévenir une crise électorale majeure après le scrutin et un blocage définitif du processus de démocratisation, et éviter que les stratégies militaires régionales conduisent par défaut à un soutien d’un régime non-démocratique,
    - · se concerter avec l’Ue pour adapter la coopération européenne[21] en fonction du respect de la qualité du processus électoral et de l’accord-cadre du 30 décembre 2014, en entamant la procédure de consultation prévue dans l’accord de Cotonou, y compris à l’article 96,
    - · considérer la lutte contre le terrorisme dans la Corne de l’Afrique en évitant à Djibouti le soutien d’un régime non-démocratique et la confusion entre personnalité au pouvoir et fonction présidentielle,
    - · réorienter la politique française en Afrique dans le sens d’un soutien accru à la démocratie, en limitant l’influence de la politique de défense et sécurité et de ses acteurs, en particulier au Tchad et à Djibouti.

    7 avril 2016 par Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politique en Afrique

    14 signataires :

    Union pour le Salut national (USN), Association pour le Respect des Droits de l’Homme à Djibouti (ARDHD), Alliance Nationale pour le Changement Ile-de-France (ANC-IDF, Togo), Fédération des Congolais de la Diaspora (FCD, Congo Brazzaville), Forces vives tchadiennes en exil, Rassemblement National Républicain (RNR, Tchad), Union des Populations du Cameroun (UPC), Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise (CODE, Bruxelles et Paris), Conseil National pour la Résistance - Mouvement Umnyobiste (CNR-MUN/Cameroun), Mouvement pour la Restauration Démocratique en Guinée Equatoriale (MRD), Amicale Panafricaine, Afriques en lutte, Parti de Gauche, Europe Ecologie les Verts (EELV).

    http://www.afriquesenlutte.org/djibouti/article/djibouti-terreur-electorale