« Jihan » : Le témoignage d’une survivante de la violence domestique au Maroc
Les autorités marocaines échouent souvent à empêcher la violence conjugale et familiale, à protéger les victimes, et à punir les agresseurs. Nous, Human Rights Watch, demandons à la Ministre marocaine de la Femme d’adopter des lois fortes à même de protéger efficacement les victimes de violences domestiques. Pour cela, nous avons besoin de votre aide. Mais d’abord, lisez l’histoire de Jihan :
Jihan (nous avons modifié son nom par mesure de protection), 18 ans, a raconté à Human Rights Watch comment elle avait épousé un homme de plus de 10 ans son aîné, alors qu’elle n’avait que 15 ou 16 ans, avant de s’installer avec lui dans un village de la province d’El Jadida, au Maroc. Elle a déclaré qu’elle l’avait épousé pour fuir la violence que son père exerçait contre elle. Ils ont eu un fils, âgé de 2 ans au moment de l’entretien.
Le témoignage d’une survivante de la violence domestique au Maroc Jihan a confié que son mari l’avait violentée dès le début de leur mariage :
Dès la première nuit [mon mari] a commencé à me manquer de respect. Il me demandait de faire des choses contraires à la religion, comme me mettre nue et danser lorsque ses amis venaient, pendant qu’il jouait de la musique. Je refusais, et il me battait.
Jihan a déclaré que son mari l’avait violée à maintes reprises. « Il m’a forcée à coucher avec lui, même quand je ne voulais pas. » Elle a déclaré qu’il la battait tous les deux ou trois jours, et qu’un jour, il lui avait cogné la tête sur l’évier de la cuisine, occasionnant une blessure qui avait nécessité des points de suture.
Elle a indiqué que lorsqu’elle s’était rendue au poste de police local pour demander de l’aide, « ils [les policiers] m’ont dit : ‘C’est ton mari, on ne peut rien faire. Va au tribunal.’ Pourtant j’avais des marques de coups partout. »
Jihan a confié qu’en avril 2015, son mari l’avait battue et étranglée jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. « Quand j’ai repris conscience, j’étais dans la rue, en pyjama », a-t-elle expliqué. « Je suis encore allée à la police. Ils m’ont dit : ‘On ne peut rien faire pour toi.’ Je leur ai dit qu’il ne voudrait pas me laisser rentrer à la maison. Ils l’ont appelé, mais il a répondu que c’était un mauvais numéro. » Elle a ajouté que la police n’avait rien fait d’autre, et qu’elle s’était alors réfugiée chez sa sœur. Son mari l’a retrouvée et ramenée à la maison.
Jihan a précisé qu’en août, après de nombreuses autres scènes de coups, elle avait demandé le divorce. Son mari lui a répondu : « Ah bon, tu veux le divorce ? Je vais te montrer ce que c’est, le divorce. » Il lui a alors donné un coup de poing dans l’œil et a tenté de lui lacérer le visage avec un couteau. Elle a levé le bras pour se défendre, et il lui a tailladé le bras. Une chercheuse de Human Rights Watch a observé des points de suture récents sur son bras. Jihan a déclaré qu’elle n’avait pas déposé plainte, en précisant : « j’ai peur qu’il se venge et qu’il me tue ».
Jihan logeait dans un refuge géré par une association au moment de l’entretien, et elle avait le sentiment de n’avoir aucun autre endroit où aller. Elle a expliqué que son fils se trouvait avec sa grand-mère paternelle, et qu’elle voulait le récupérer. Elle a indiqué qu’elle voulait le divorce mais que son père refusait de lui remettre son certificat de mariage pour qu’elle puisse introduire la demande de divorce. Il lui a dit : « Dans notre famille, les femmes ne divorcent pas. Reste avec lui, même s’il veut te tuer. »
Human Rights Watch s’est entretenu avec « Jihan », ainsi qu’avec 19 autres femmes et filles au Maroc en septembre 2015. Sa situation est un exemple des violences domestiques subies par les femmes dans ce pays, et de la faible réactivité du gouvernement face à ce problème.
Human Rights Watch a constaté que souvent, les autorités marocaines échouent à empêcher les violences domestiques, protéger les survivantes, et punir les agresseurs.
Les victimes de violences domestiques comme Jihan méritent beaucoup plus de la part de leur gouvernement. Le Maroc devrait renforcer et adopter des lois en vue d’améliorer la protection pour les victimes de violences domestiques. Human Rights Watch a écrit au gouvernement marocain—et notamment à Bassima Hakkaoui, ministre de la Femme et de la Famille—afin de demander un renforcement du projet de loi sur les violences faites aux femmes, ainsi que des réformes du code pénal et des procédure pénales.
Voici les mesures les plus importantes que nous recommandons :
Définition et champ d’application des crimes de violence domestique : Les projets de loi devraient définir clairement la notion de « violence domestique », et pénaliser le viol conjugal. Conformément aux normes de l’ONU, la définition devrait inclure les ex-épouses et les personnes ayant une relation intime non matrimoniale.
Mesures préventives : Les projets de loi devraient prévoir des mesures de prévention de la violence domestique—notamment des activités de sensibilisation, des modules dans les programmes d’enseignement, ainsi que des actions de sensibilisation des médias aux violences faites aux femmes.
Responsabilités des forces de l’ordre et du parquet : Les projets de loi devraient spécifier les obligations de la police et des procureurs dans les cas de violence domestique. Ces projets de loi devraient exiger que la police et les procureurs se concertent et communiquent directement, au lieu de demander aux plaignantes de transmettre des messages entre ces services.
Responsabilités du système judiciaire : Les projets de loi devraient spécifier que le témoignage d’une plaignante pour violences domestiques peut, dans certaines circonstances, être une preuve suffisante pour une inculpation, sans autres témoins.
Ordonnances de protection : Les projets de loi devraient prévoir spécifiquement des ordonnances de protection, d’urgence et de longue durée.
En application de ces ordonnances, il serait interdit aux agresseurs de s’approcher des victimes de leurs violences, sous peine d’encourir la force de la loi. Le droit marocain actuel ne prévoit pas de telles ordonnances.
Autres services et assistance pour les victimes : Les projets de loi devraient prévoir le soutien et la prestation de services aux victimes de violences domestiques. Parmi ces services : des lieux de refuge, des soins physiques et psychologiques, des conseils juridiques, et des lignes d’appels gratuites. Le gouvernement devrait affecter un fond spécial, ou tout autre type d’assistance financière, aux survivantes de violences domestiques.
6 mars 2016
Pour plus d’informations, notamment la liste détaillée de nos recommandations au gouvernement marocain, lisez ceci :
Maroc : Faible réponse face au problème de la violence domestique
Vous voulez aider Jihan, et toutes les victimes de violences domestiques au Maroc ? Utilisez le hashtag الحقاوي_عطيني_حقي# pour demander à Bassima Hakkaoui, Ministre des Femmes, de renforcer le projet de loi sur les violences faites aux femmes :
Envoyez un tweet à la Ministre des Femmes marocaine :
Mme Hakkaoui, défendez les femmes du #Maroc par 1 loi forte contre la violence conjugale https://www.hrw.org/fr/news/2016/02... @MSFFDS الحقاوي_عطيني_حقي#
Ecrivez sur Facebook à la Ministre des Femmes marocaine :
1. Copiez le paragraphe suivant en utilisant [Control C] ou [Command C]
Mme Hakkaoui, les Marocaines ont besoin de vous ! Protégez-les contre la violence conjugale et familiale et punissez les agresseurs, en adoptant une loi forte contre la violence domestique au #Maroc https://www.hrw.org/fr/news/2016/02...
2. Collez-le, en utilisant [Control V] ou [Command V], en tant que commentaire sous n’importe quel post de la page Facebook du ministère marocain de la Femme
http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/maroc-reste-avec-lui-meme-s-il
Et en Algérie, ce n'est pas mieux!
http://www.algeria-watch.org/fr/article/femmes/9000_plaintes.htm