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Féminisme - Page 10

  • Un anniversaire au goût amer pour les femmes en Égypte (Amnesty)

    Manifestation contre le harcèlement sexuel, au Caire ©Getty Images.

    Manifestation contre le harcèlement sexuel, au Caire ©Getty Images.

    Les rues sont vides. Les prisons sont pleines. Le 4e anniversaire de la « Révolution du 25 janvier » se déroule dans le plus grand silence, nombre des jeunes militants qui en ont été les chefs de file se trouvant désormais derrière les barreaux.

    Pour de nombreuses femmes en Égypte, ce dimanche ravivera des souvenirs particulièrement amers – souvenirs d’un bref moment pendant lequel elles ont cru qu’un avenir meilleur s’ouvrait enfin.
    Les femmes se sont tenues aux côtés des hommes tout au long du soulèvement de 2011. Mais depuis, s’abat sur elles une vague de violences et de discriminations.

    Et il n’y a pas d’endroit où se mettre à l’abri.

    Des témoignages choquants révélés par Amnesty International montrent que les femmes subissent des violences de la part de leurs partenaires, de la population et de la police.

    Elles ne sont pas en sécurité chez elles. Une femme a raconté à Amnesty International les violences que son époux lui infligeait :

    « Il avait l’habitude de m’attacher au lit et de me frapper avec une ceinture… Un jour, alors que j’étais enceinte, il m’a frappée et m’a poussée dans les escaliers. J’ai fait une fausse couche. »

    En Égypte, les lois relatives au divorce empêchent les femmes de partir, sauf si elles renoncent à leurs droits financiers ou se préparent à mener une bataille judiciaire longue et coûteuse.

    « Pour une femme, la procédure est inhumaine », a déclaré une journaliste qui a traduit son époux devant les tribunaux pour obtenir le divorce.

    Les femmes ne sont pas non plus en sécurité dans les rues. Si la « Révolution du 25 janvier » a fait connaître la place Tahrir du Caire au monde entier, elle est désormais rendue tristement célèbre par les agressions sexuelles collectives dont les manifestantes sont victimes.

    L’une d’entre elles a raconté son agression place Tahrir le 25 janvier 2013 :

    « J’ai senti des mains qui me touchaient de toutes parts, et j’ai été déplacée, presque soulevée, jusqu’à l’intérieur du cercle pendant que les hommes continuaient de me dire : «  Ne t’inquiètes pas  ». Ils me disaient ça pendant qu’ils me violaient… »

    Les rares femmes qui osent solliciter l’aide de la police ou du bureau du procureur se retrouvent face à des agents méprisants ou peu formés – c’est ce que révèlent les recherches menées par Amnesty International.

    « Les policiers n’en ont rien à faire, nous a confié une victime de violences conjugales, selon eux, ce n’est pas un problème si un mari bat sa femme. »

    Loin de venir en aide aux femmes qui survivent à ces violences, les forces de sécurité en sont parfois la cause.

    Une jeune femme qui a purgé deux ans de prison pour adultère a raconté à Amnesty International qu’un policier l’avait giflée et s’était contenté de regarder lorsque son époux l’avait frappée dans le poste de police.

    « Aucune femme décente ne quitterait son mari et ses enfants, femme de mauvaises mœurs », lui a dit le policier.

    Elle était enceinte de six mois à l’époque.

    Les femmes sont également confrontées aux violences sexuelles et fondées sur le genre dans les prisons et les postes de police. Les manifestantes arrêtées par les forces de sécurité expliquent que, bien souvent, les agents les pelotent et les harcèlent lors de leur arrestation.

    Une étudiante nous a raconté qu’un policier antiémeutes avait menacé de la violer après l’avoir arrêtée sur le campus en décembre 2013.

    « Je vais te montrer ce que c’est d’être traitée comme une femme », lui a-t-il dit.

    Ce sont les militantes égyptiennes, et non les pouvoirs publics, qui se mobilisent pour contrer cette vague d’atteintes aux droits humains.

    Des groupes de femmes sont intervenus pour combler le vide laissé par l’inaction des pouvoirs publics, recensant les atteintes aux droits humains et offrant un soutien solide aux victimes. Des militants ont lancé des campagnes de sensibilisation de la population et fait pression sur le gouvernement pour améliorer les lois et le maintien de l’ordre.

    Toutefois, les autorités freinent, bloquant des financements vitaux pour des organisations de défense des droits humains et refusant à des ONG l’autorisation d’ouvrir des centres d’accueil pour femmes.

    En raison de la répression incessante, de nombreuses associations sont contraintes de réduire leur travail.

    Les promesses du président Abdel Fattah al Sissi de faire des droits des femmes une priorité, à la suite d’agressions brutales visant les femmes place Tahrir au moment de son investiture, sonnent creux.

    Jusqu’à présent, les autorités ont esquivé les grandes réformes. Elles préfèrent se contenter de mesures partielles et purement symboliques.

    Elles hésitent, et les femmes souffrent. La majorité des violences faites aux femmes ne sont pas signalées, ne font pas l’objet d’enquêtes et demeurent impunies. Chacun se renvoie la responsabilité des atteintes aux droits humains dans le cadre d’incessantes disputes partisanes.

    Il est temps d’arrêter de se renvoyer la balle.

    Plus de « si », plus de « mais ». L’Égypte a besoin d’une stratégie nationale qui s’attaque à la violence contre les femmes. Les autorités doivent modifier les lois afin de protéger les victimes de violences et placer les droits des femmes au cœur du programme politique.

    Le président Abdel Fattah al Sissi a fait le serment à Davos de redresser l’économie de l’Égypte. Pour ce faire, son gouvernement doit commencer par reconnaître que les Égyptiennes sont une partie de la solution.

    Les femmes ont besoin d’un environnement sûr, dans lequel elles pourront participer en toute sécurité à la vie économique, sociale et politique du pays, sans discrimination ni violence.

    Mais aujourd’hui, toute promesse de véritable réforme semble bien lointaine.

    Comme nous l’a dit une ancienne détenue : « Si vous avez un problème, plaignez-vous à Dieu. »

    Cet article a été publié dans The Huffington Post.

    Par Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

     

  • Amnesty met en lumière les violences faites aux femmes en Egypte (Le Vif.be)

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    En Egypte, les femmes sont victimes de violences d'une ampleur très inquiétante, tant dans la sphère privée que publique, indique un rapport d'Amnesty International publié ce mercredi. Il s'agit notamment d'agressions sexuelles collectives et d'actes de torture en détention, selon l'organisation de défense des droits de l'homme.

    Ce rapport intitulé "Circles of hell: Domestic, public and state violence against women in Egypt" révèle que malgré des réformes fragmentaires adoptées récemment, il y a une culture généralisée des violences sexuelles et fondées sur le genre.

    "La réalité est que les femmes et les jeunes filles en Egypte vivent avec la menace omniprésente de la violence physique et sexuelle, et ce dans toutes les facettes de leur vie. A la maison, beaucoup subissent les coups, les agressions et les violences de la part de leurs époux et de leurs proches. En public, elles sont en butte à un harcèlement sexuel constant et à la menace d'agressions collectives, lorsqu'elles ne sont pas la proie de violences imputables aux agents de l'Etat", selon Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty International.

    Plus de 99% des femmes et des jeunes filles interrogées en Egypte dans le cadre d'une étude publiée par ONU Femmes en 2013 ont déclaré avoir subi une forme de harcèlement sexuel. Depuis l'adoption en 2014 d'une loi qui criminalise le harcèlement sexuel et le rend passible d'une peine de prison d'un an minimum, les condamnations sont rares, et la vaste majorité des victimes attendent que justice leur soit rendue.

    Amnesty International demande aux autorités de mettre au point une stratégie en vue de lutter contre les violences faites aux femmes.

  • Moyen Orient, droits humains : des femmes très courageuses (Global Voices)

     
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    Zainab Al-Khawaja et sa fille Jude / Razan Zaitouneh

    L'association Gulf Centre for Human Rights (GCHR) est une ONG indépendante qui procure soutien et protection aux militants pour les droits humains (y compris les journalistes indépendants, blogueurs, avocats, etc.) dans la région du Golfe et les pays voisins. Elle promeut la liberté d'expression, d'association et de rassemblement pacifique. Ce post a été d'abord publié sur son site le 10 décembre 2014. Une version éditée est republiée sur Global Voices avec son autorisation. 

    Durant la Journée internationale des droits humains, le Gulf Centre for Human Rights (GCHR) a rendu hommage au courage des femmes qui militent pour les droits humains dans le Golfe et les pays voisins. Cette région du monde n'est pas hospitalière pour de tels militants en général, et les femmes sont encore plus à risque dans certains des pays les plus dangereux au monde pour qui exprime ses opinions, comme l'Irak, où une critique peut entrainer la mort, ou la Syrie où de telles activités signifient risquer sa vie et sa liberté. Ou encore Bahrein, où déchirer une photo du roi est passible de sept ans de prison. Ou l'Arabie saoudite, où des femmes ont été arrêtée pour avoir conduit une voiture. Et en Iran, où des manifestations provoquées par des attaques à l'acide de femmes ont entrainé des sanctions. 

    Les conflits en Irak et en Syrie ont rendu la région du Golfe instable et la situation des femmes militantes encore plus dangereuse, avec la montée en puissance du groupe extrémiste connu comme  ISIS. Quand la présence d'ISIS s'est affirmée tant en Irak qu'en Syrie, captures, esclavage ou assassinats ont aussi concerné des femmes. 

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    Un exemple des dégâts infligés par ISIS sur la vieille ville de Mossoul. 

    Le 22 Septembre 2014, l'avocate irakienne Samira Saleh Al-Naimi a été assassinée par un groupe d'hommes masqués et armés appartenant à ISIS. Ils ont ouvert le feu et l'ont tuée dans un jardin public au coeur de la ville de Mossoul. Le GCHR a annoncé qu'elle avait été enlevée à son domicile une semaine après avoir déclaré “barbares” les destructions commises dans la vieille ville de Mossoul par ISIS. 

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    Razan, Wa'el, Samira et Nazim

    La capacité des défenseurs des droits humains à continuer leur lutte dans les zones de conflits et ailleurs en Syrie a été extrêmement restreinte. Des femmes militantes ont été emprisonnées ou enlevée, comme Razan Ghazzawi ou Razan Zaitouneh, poussées à l'exil ou obligées à vivre en clandestinité en Syrie même depuis le début du conflit. 

    Ce mois-ci marque le premier anniversaire de la disparition de Razan Zaitouneh et de trois de ses collègues du groupe pour les droits humains qu'elle dirige, le Centre de documentation des violations des droits humains.  Ils ont été enlevés à Douma, une ville située près de Damas et sous le contrôle de groupes armés. Razan Zaitouneh, une avocate, a défendu des prisonniers politiques en Syrie depuis 2001 et a joué un rôle central depuis le début de la crise en Syrie en 2011. Le  GCHR s'est joint à plus de cinquante autres ONG pour réclamer la libération de Razan Zaitouneh, Wa’el Hamada, qui est également son mari, Samira Khalil et Nazem Hamadi. 

    Les activistes de la société civile, les travailleurs de l'humanitaire, les écrivains, journalistes, avocats et tous ceux qui documentent les atteintes aux droits humains sont délibérément ciblés par toutes les parties du conflit armé. Des dizaines de milliers de personnes sont détenues dans des conditions très dures. Beaucoup sont mortes en prison. Les rapports d'exécutions sommaires, d'enlèvements, de détention arbitraires et de tortures systématiques, y compris le viol, s'accumulent. Les mauvais traitements sont courants que ce soit au mains des forces régulières de sécurité ou de celles des groupes armés d'opposition.

    Le Réseau syrien pour les droits humains (SNHR) a également enregistré les violences, dont les agressions sexuelles contre les femmes en Syrie, de la part des forces gouvernementales, de ISIS, des combattants kurdes et d'autres groupes armés. Dans un rapport récent, il note que les femmes syriennes jouent un rôle important pour défendre les droits humains, la récolte de témoignages, l'organisation de manifestations, la mise en place d'aide humanitaire. Dans beaucoup de cas, elles sont aussi chefs de famille et doivent entretenir leur famille.  

    Bahrein 

    Il n'est pas nécessaire qu'un pays soit en guerre pour que les femmes engagées souffrent. A Bahrein, les droits des femmes sont assez avancés, comparés par exemple à ceux des Saoudiennes. Les femmes ont le droit de conduire, d'être élues au parlement, de détenir de hautes fonctions et même de devenir ministres. Mais les femmes peuvent aussi être arrêtées, emprisonnées et même torturées aux côtés des hommes.  

    Une semaine avant les élections qui se sont déroulées le 22 Novembre, plus d'une douzaine de femmes ont été arrêtées à Bahrein, certaines durant des raids nocturnes très traumatisants, dont deux femmes enceintes et une femme avec un jeune enfant. Selon le Centre de Bahrein pour les droits humains (BCHR), elles ont été inculpées pour avoir “conçu et organisé un référendum public”, pour avoir organisé un vote avant les élections. Certaines auraient été torturées et sévèrement maltraitées.  

    Par ailleurs, le ministère de l'Intérieur de Bahrein détient toujours Zahra Al-Shaikh et son bébé, qui est né prématurément et présente des problèmes de santé. Elle serait en détresse psychologique et dans de grandes souffrances. Elle a été arrêtée le 27 Octobre 2014 alors qu'elle rendait visite à son mari en prison et inculpée pour ‘rassemblement interdit'. Elle a déjà été arrêtée plusieurs fois, et sa liberté de rassemblement n'a pas été respectée. 

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    Maryam Al-Khawaja et Zainab Al-Khawaja

    Zainab Al-Khawaja, une organisatrice de campagnes pour les droits humains à Bahrein, a accouché le mois dernier, une semaine après avoir été libérée. Elle a été condamnée à trois ans de prison le 4 Décembre pour avoir déchiré une photo du roi durant l'une des nombreuses audiences de son procès le 14 octobre, puis condamnée pour d'autres affaires le 9 Décembre à 16 mois de détention, avec incarcération immédiate pour avoir insulté un fonctionnaire et détruit des biens publics. Elle a été libérée le 19 Novembre après une campagne internationale menée pour elle par le  GCHR, le BCHR et de nombreuses autres ONG et membres du parlement européen. Elle a été présente à trois audiences le 9 décembre et risque d'être inculpée de cinq autres délits qui, selon son avocat, violent clairement son droit à la liberté d'expression. 

    Sa soeur Maryam Al-Khawaja, co-directrice du GCHR, a également été emprisonnée pendant dix-neuf jours quand elle est arrivée à Bahrein le 30 aout et faussement accusée d'avoir agressé deux femmes policiers. Elle a été condamnée à un an de prison le 1er décembre mais a boycotté son procès. De fait, Maryam Al-Khawaja a elle-même été agressée et souffre d'une blessure à l'épaule, mais aucun témoin n'a été appelé pour cette agression. Elle s'était rendue à Bahrein pour tenter de voir son père, dont la vie était en danger suite à une grève de la faim commencée en prison.  

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    Ghada Jamsheer

    Egalement à Bahrein, la militante des droits humains Ghada Jamsheer a été emprisonnée le 15 Septembre 2014 pour diffamation sur Twitter, après avoir tweeté sur la corruption à l'hôpital de l'université King Hamad, dirigée par un membre de la famille royale. Elle a été libérée depuis, puis à nouveau arrêtée quelques heures plus tard avec des accusations fabriquées, à la grande détresse de sa mère et de sa fille. Ghada Jamsheer est la présidente du Comité des femmes pour la pétition (WPC), un réseau de femmes militantes de Bahrein qui demandent la codification des lois sur la famille à Bahrein et leur réforme. 

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    Souad Al-Shammari

    Arabie saoudite

    Dans l'Arabie saoudite voisine, les droits des femmes sont sévèrement restreints. Il est risqué de défendre leurs droits de quelque manière que ce soit. Selon le Monitor of Human Rights en Arabie Saoudite, la militante Souad Al-Shammari a été arrêtée le 28 Octobre 2014 à Jeddah. Elle a été interrogée au sujet de tweets publiés sur son compte Twitter et pourrait être accusée “d'appeler la société à désobéir en qualifiant la société de masculine” ainsi que “d'utiliser des sarcasmes en mentionnant des textes religieux et des érudits religieux.”

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    Hala Al-Doseri

    Les femmes qui réclament le droit de conduire ont été arrêtées, interrogées, diffamées. Leur voiture a été confisquée et elles sont en bute à de difficiles conflits familiaux dus aux autorités qui exigent la présence d'un accompagnateur homme dans toutes leurs activités, selon Hala Aldosari, une défenseuse des droits des femmes qui a participé à la campagne pour le droit de conduire des Saoudiennes. Elle s'est exprimée durant un événement organisé en marge d'une session de l'ONU en septembre 2014, organisé par le  GCHR, le Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS), CIVICUS, et l'association Saudi Civil and Political Rights Association (ACPRA).

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    Samar Badawi et son mari Waleed Abu Al-Khair

    La militante saoudienne Samar Badawi s'est également rendue à Genève pour la  27ème Session ordinaire du Conseils des droits humains en septembre dernier pour attirer l'attention sur les nombreux militants pour les droits humains actuellement détenus en Arabie Saoudite, dont son mari et son frère. 

    “Nous demandons que les femmes aient le droit d'être élues, de conduire un véhicule”.

    Elle a déclaré au Conseil de l'ONU qu'il “porte la responsabilité” des atteintes aux droits humains en Arabie Saoudite “car l'Arabie saoudite est membre du Conseil.” Elle a été emprisonnée en Arabie saoudite pour son activisme pour les droits des femmes et a été interdite de voyages le 2 décembre alors qu'elle s'apprêtait à se rendre en Belgique pour le 16ème Forum des ONG sur les droits humains de la Communauté européenne.

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    Nasrin Sotoudeh

    Iran

    En Iran, les femmes militantes sont fréquemment emprisonnées, interrogées, menacées et harcelées pour leur engagement. Après les manifestations provoquées par les attaques à l'acide de femmes, qui ont eu lieu à Teheran et Isfahan le 22 Octobre, un certain nombre d'activistes femmes iraniennes ont été arrêtées, dont la célèbre avocate et défenseuse des droits humains Nasrin Sotoudeh. Les deux manifestations se sont toutes deux achevées par le passage à tabac et l'arrestation de plusieurs manifestantes ainsi que l'utilisation de gaz lacrymogènes pour disperser le rassemblement.  

    Mahdieh Golrou, une étudiante et activistes des droits des femmes, ainsi que membre du Conseil pour la défense du droit à l'éducation, a été arrêté après une descente de police à son domicile, suite à sa participation très vigoureuse à la manifestation contre les attaques à l'acide de femmes. Elle a déclaré dans l'un de ses posts sur Facebook après les manifestations :  “Je suis une femme. Je suis une femme iranienne qui a peur et est toujours inquiète […]  Je suis une femme, et ces temps-ci, être une femme me fait peur.”

    Il ne s'agit ici que de quelques exemples des menaces qu'affrontent les femmes militantes des droits humains dans cette région, l'une des plus difficiles pour les femmes, sans parler de celles qui osent s'exprimer contre les atteintes aux droits humains. Le GCHR fait campagne pour que prennent fin le harcèlement judiciaire des femmes militantes, leur détention et leur condamnation pour des charges falsifiées et pour la fin de toutes les répressions contre les militants des droits humains dans le Golfe.  

     

     

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

     
    Women, patriarchy SUSSKIND Yifat
     
    post-1962 SMAIL K. - 15 décembre 2014
     
     KIA Babak - 11 décembre 2014 É
     
     LEROUGE Dominique - 12 novembre 2014
     
      Solidarité Syrie, Collectif Solidarité Kobanê -
     
     
    DAHER Joseph - 9 décembre 2014

     

  • Syrie. «Les violences contre les femmes» (Alencontre.ch)

     

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    Témoignages de Noura Al-Ameer et de Alaa

     

    A l’occasion de «La journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes» organisée sous les auspices de l’ONU, devait avoir lieu à Genève une conférence sur la violence contre la femme en Syrie. Elle devait être donnée dans le cadre des bâtiments de l’ONU le 25 novembre à 10 heures du matin. Les intervenants prévus étaient Noura AL-AMEER, vice-présidente de la Coalition nationale syrienne et responsable du dossier des droits humains; Tarek KURDI, juriste syrien en droit international et trois anciennes détenues: Alaa, Kinda et Eman.

     

    La conférence devait expliciter et dénoncer les diverses violences infligées à la femme syrienne par le régime dictatorial d’Assad ainsi que celles mises en œuvre par les forces de l’Etat islamique (Daech). Seule Noura Al-Ameer a pu se rendre à Genève. Alaa a été retenue à l’aéroport d’Istanbul et les trois autres intervenants n’ont pas pu obtenir de visa pour venir à Genève.

     

    La conférence prévue à l’ONU a donc dû être annulée. FemmeS pour la Démocratie (FSD) a maintenu la conférence publique organisée le même soir, avec la présence de Noura Al-Ameer. Conférence soutenue par Amnesty International ­­Groupe Uni Genève, Mouvement pour le Socialisme (MPS), site alencontre.org, solidaritéS. Genève.

     

    Nous publions ci-dessous deux interventions faites ce 25 novembre à la Maison des Associations à Genève. Les textes ont été édités par le FSD. Le site alencontre.org, en collaboration avec l’association FSD, publie ci-dessous les deux premières interventions. Demain, deux autres interventions seront placées sur notre site. Ces textes ont été traduits et édités par FemmeS pour la Démocratie. (Rédaction A l’Encontre)

     

    *****

     

    Par Noura Al-Ameer

     

    «Nour rêvait de briser le présent amer et de construire dans son pays un avenir meilleur pour le bébé qu’elle portait en elle. Nour s’est fait arrêter à un barrage de sécurité à Damas. Personne ne sait si son bébé a vu le jour ou bien s’il a été tué. Un an et demi après sa disparition forcée, on a demandé à sa mère de se rendre à la police pour récupérer la carte d’identité de sa fille, tuée en détention par les services secrets. Personne n’a jamais su le sort de son fœtus.

     

    Salma avait elle aussi un rêve, celui de se révolter contre la répression, la criminalité et la dictature. Etudiante à l’université d’Alep, elle écrivait les slogans contre le régime Assad et elle photographiait les soldats qui occupaient le campus de l’université en ignorant toutes les lois internationales. Elle a été enlevée du campus universitaire et ensuite torturée et violée dans les centres de détention des services secrets du régime. Lorsqu’elle a été libérée, elle portait en elle l’enfant du viol subi. Les services secrets continuaient à la persécuter. Elle n’a trouvé ni aide médicale, ni psychologique, ni un lieu qui lui offre un peu de sécurité. Pour mettre fin à sa souffrance, elle s’est jetée du haut de l’immeuble où elle habitait et son âme blessée a quitté ce monde. Un monde où l’humanité, la morale, la paix et la justice ne semblent pas exister.

     

    Beaucoup d’autres femmes ont eu le même courage et les mêmes rêves que Nour et Salma, mais aussi la même punition et la même souffrance. Bachar Al-Assad mène sa guerre contre sa population en passant sur le corps des civils et surtout sur celui des femmes.

     

    Avec le début de la révolution syrienne, des voix se sont élevées dans les rues pour demander le départ du dictateur. Aux côtés des hommes, les femmes étaient présentes et contribuaient à l’élargissement des protestations. Avec l’évolution de la situation et l’augmentation de la violence et de la répression, il fallait être actif sur plusieurs plans pour garantir la continuité de la révolution. Les femmes étaient toujours là, à chaque pas, aux côtés des hommes dans cette révolution.

     

    Comme toutes les dictatures qui se montrent «ingénieuses» pour trouver toujours de nouvelles méthodes afin de réprimer les populations, le régime Assad a décidé de réprimer sa population en se servant de la femme comme moyen de dissuasion et comme punition collective. On a vu, dès ce moment, les services secrets et les milices pro-Assad perpétrer leurs crimes contre des femmes syriennes. Le premier cas d’enlèvement, de torture et de viol – qui a été documenté – a eu lieu le 13 mai 2011, moins de deux mois après le début de la révolution.

     

    Ceci n’était pas nouveau pour ce régime qui ignore toute loi de protection des femmes contre les abus et la violence sexuelle. Il a même laissé les mains libres aux responsables de l’Etat et aux chefs des services secrets pour faire usage de chantage à caractère sexuel sur les femmes, cela au nom de la défense du pouvoir et en toute impunité. Ce genre de chantage n’est pas très différent de la vente des femmes par l’Etat Islamique (Daech). Les Syriens ont des milliers de raisons pour se révolter contre la Dictature d’Assad et les femmes syriennes en ont deux fois plus. Ce qui redouble leur volonté et leur force pour continuer la révolution malgré tous les dangers.

     

    Il est important de mentionner ici que, des années avant la révolution, les femmes syriennes ont exigé la modification de certains articles de la constitution relatifs aux droits de la femme. Car la constitution ne prévoyait pas de punition dissuasive pour les crimes dits d’honneur. Aucune loi ne protège la femme ni de la violence verbale, ni du viol, ni d’autres exactions à caractère sexuel. Sans parler de l’impunité des membres des services secrets qui sont au-dessus des lois quels que soient les crimes commis; ceci les a d’ailleurs encouragés, depuis le régime du père Hafez Assad, à ne pas se priver d’en commettre. Je souhaite aussi souligner ici que la femme syrienne n’a toujours pas le droit de donner sa nationalité à ses enfants.

     

    La persécution des femmes depuis le début de la révolution syrienne prend différentes formes :

     

    • Arrestation, torture, violence verbale, abus sexuel et viol barbare.

     

    • Enlèvement, effectué le plus souvent par les milices pro-Assad, accompagné de viol barbare dans la majorité des cas.

     

    • Viol collectif et massacres lors de l’entrée de l’armée du régime dans les zones de protestation qui échappent au contrôle d’Armée syrienne libre. Les atrocités dans ces cas dépassent toute description verbale: viol collectif, viol des femmes devant leurs familles ou alors sur les places publiques devant les hommes de la région qui sont menottés et amenés de force pour assister au viol des femmes.

     

    • Utilisation des femmes pour faire pression sur les révolutionnaires hommes. Plusieurs stratégies ont été appliquées à ce propos:

     

    1° les retenir pour exercer une forte pression sur les révolutionnaires de leurs familles, les forçant ainsi à se rendre aux services de sécurité ;

     

    2° les arrêter et ensuite les violer devant les membres de leur famille qui sont en détention afin de faire pression sur ces détenus pendant les interrogatoires;

     

    3° certains cas ont aussi été documentés où la femme a été violée devant un détenu sans aucun lien de parenté ou bien d’amitié entre les deux.

     

    4° Faire du chantage sexuel contre des femmes aux barrages de sécurité qui assiègent certaines régions de la Syrie depuis 2012. Ces régions sont privées de tout arrivage de nourriture, de médicaments et de lait pour les enfants. Plusieurs cas ont été enregistrés, spécialement dans al-Ghouta de l’Est [région de Damas], où des femmes ont été obligées à se soumettre au chantage sexuel pour obtenir une boîte de lait ou une galette de pain pour leurs enfants.

     

    5° Torture des femmes enceintes jusqu’à la perte de leurs fœtus.

     

    Les rapports du Secrétaire général de l’ONU (Ban Ki-moon) et ceux de l’envoyé spécial Kofi Annan [«médiateur des Nations Unies et de la Ligue arabe dans la crise syrienne» de février 2012 jusqu’au 31 août 2012] ont dénoncé et condamné ces crimes du régime Assad et de ses milices. Plusieurs organisations indépendantes de défense des droits humains ont également documenté et condamné ces crimes.

     

    Cette violence contre la femme constitue un facteur important motivant la fuite de la population de la Syrie afin de trouver refuge dans les pays voisins. Ce qui a eu comme conséquence l’augmentation du niveau de danger pour les femmes en général et particulièrement pour les activistes parmi elles.

     

    Les territoires libérés du contrôle d’Assad ont été pénétrés par Daech et al-Qaïda qui ont également persécuté les femmes militantes. Plusieurs parmi elles ont été enlevées et on ignore toujours leur sort. Daech a aussi lapidé certaines femmes jusqu’à la mort. Le réseau syrien des droits de l’homme a documenté cinq cas de lapidation. Beaucoup de femmes dans ces régions ont arrêté de sortir de chez elles par peur des exactions de Daech. Une brigade de femmes a également été formée par Daech pour surveiller les femmes et les persécuter. Plusieurs cas de violence corporelle contre les femmes à cause de leur tenue vestimentaire ont été constatés. Daech oblige les femmes dans ces régions à respecter une tenue vestimentaire obligatoire. Beaucoup de femmes ont préféré fuir la Syrie pour échapper à Daech. Ainsi Assad tout comme Daech ont été à l’origine des vagues de déplacements de la population syrienne qui a dû ainsi quitter son territoire et son pays.

     

    Les femmes qui ont quitté la Syrie pour échapper à ces violences se retrouvent à nouveau dans la spirale de la violence dans les pays d’accueil. Des jeunes filles de moins de 18 ans ont ainsi été obligées de se marier pour pouvoir survivre. Les mariages des Syriennes dans les pays d’accueil ne peuvent pas être inscrits dans les registres de ces pays, ceci à cause de l’absence de tout document légal syrien certifiant leur état civil. Ceci fait partie d’une nouvelle catastrophe humanitaire avec la privation pour les réfugiés syriens de légaliser leurs mariages, divorces, décès, et naissance de leurs enfants.

     

    Beaucoup de femmes ont subi le chantage à la prostitution contre la survie, d’autres sont poussées à vendre leurs organes. Sans oublier que l’absence de lois qui réglementent les droits de ces réfugié·e·s syriens dans les pays voisins [Jordanie, Liban, Irak, Turquie…,] conduit à l’exploitation et à l’injustice.

     

    Finalement, je souhaite vous inviter à unir nos voix pour faire entendre la voix de la femme syrienne qui fait face à toutes sortes de persécutions et d’injustices pour revendiquer ses droits. Ensemble, nous devons exiger la fin de la cause principale de leur souffrance: le régime Assad. Nous devons aussi initier une réflexion pour trouver les moyens adéquats qui pourraient diminuer les conséquences de ces crimes afin que ces femmes puissent soigner leurs blessures, se reconstruire et avoir un rôle actif dans le futur.

     

    Leur revendication essentielle aujourd’hui est d’obtenir que la justice soit appliquée contre tous ceux qui ont commis des crimes en Syrie. Je vous invite à vous joindre à nous pour exiger la punition de ces criminels pour que justice soit faite. Une justice qui est primordiale pour aboutir à la paix dans le futur. (25 novembre 2015)

     

    *****

     

    Témoignage d’Alaa

     

    Alaa, ancienne détenue, de Homs, 22 ans: «Depuis le début de la révolution j’ai été active dans l’aide humanitaire, ça a été une raison suffisante pour me faire arrêter par le régime Assad. Dès l’instant où les membres des services de renseignement m’ont arrêtée, ils ont commencé à me frapper. Ils m’ont arrêtée sur le pont du président à Damas et ils m’ont ensuite amenée à la branche de la sécurité militaire 215.

     

    Après plusieurs séances de coups et de torture, l’un d’eux m’a fait entrer dans une petite chambre et un homme y est entré après moi. J’ai su plus tard qu’il s’agissait du directeur du centre de détention. Il m’a demandé d’enlever mes vêtements sous prétexte de me fouiller. Lorsque j’ai refusé, il m’a frappée et il a appelé cinq de ses hommes pour m’enlever mes vêtements par la force. Les coups et la fouille ne sont pas les seules exactions que subissent les femmes dans les centres de détention.

     

    J’y ai vu beaucoup d’autres manières de porter atteinte aux droits humains et perpétrer des crimes à l’encontre de la femme. Dans ces centres de détention, ils torturent les femmes sauvagement, en utilisant l’électricité, les coups sur toutes les parties du corps avec un câble électrifié, la roue (où le corps de la femme est plié en deux et maintenu dans cette position par un pneu), et la suspension du corps par les poignets sans que la plante des pieds ne touche le sol. Le pire est de voir une femme âgée qui se fait torturer à côté de soi, sans égard ni pour son âge ni pour son corps déjà épuisé.

     

    Dans ces centres de détention, la torture a plusieurs facettes. En plus des coups, des humiliations et insultes verbales, les repas sont aussi utilisés pour nous torturer. Par exemple, ils nous donnaient les repas dans des sacs pleins de saletés et de poils. Nous étions aussi empêchées de nous laver, sauf en acceptant que les gardiens nous lavent le corps. Nous étions empêchées de changer nos vêtements (lorsque nous avions de quoi nous changer), sauf s’ils étaient là pour nous regarder et nous prendre en photo. Alors plus personne ne voulait changer ses vêtements même lorsqu’ils étaient pleins de sang et de poux. La période des menstruations était la période la plus dure et la plus difficile. Pendant cette période les femmes supplient les gardiens et se font humilier pour obtenir des serviettes hygiéniques, mais les gardes refusent de répondre à ces demandes. Lorsque les saignements deviennent très forts, le gardien amène un pull en coton ou en laine qu’il a pris de la cellule des hommes, un pull plein de poux et de sang pour contenir les saignements…

     

    Je n’ai pas parlé ici en détail des cas de viol parce que tout ce qui précède est pour moi déjà une sorte de viol. Moi j’en ai fini avec la détention, je suis actuellement libre, mais là-bas en Syrie il y a des milliers de détenues femmes qui vivent en ce moment même ce que j’ai décrit, et leur avenir reste inconnu.»

  • Femmes dans le monde arabe : des progrès, mais... (CNRS)

     
    Les femmes musulmanes se réapproprient l’espace public, mais aussi leur propre corps. Corinne Fortier, anthropologue, revient sur les évolutions récentes dans le monde arabo-musulman, à l’occasion du colloque qui se tient depuis hier à l’université Sorbonne nouvelle.

    Vous organisez un colloque sur le genre dans le monde arabo-musulman (link is external). Pourquoi cet espace géographique et culturel est-il pertinent lorsqu’on parle des femmes et de leurs rapports aux hommes ?
    Corinne Fortier : L’islam n’a pas seulement une dimension spirituelle, c’est une religion qui réglemente de nombreux aspects de la vie quotidienne. Les pays musulmans relèvent du droit musulman, ou fiqh, et les obligations qui touchent à la vie des femmes et des hommes sont résumées dans un « code de statut personnel » propre à chaque Etat : mariage, répudiation, divorce, polygamie, héritage, avortement... Même si le fiqh n’est pas la seule source de droit - certains pays peuvent aussi puiser dans le droit napoléonien par exemple -, il est un déterminant fort.

    La situation des femmes a-t-elle beaucoup évolué ces dernières années ?
    C.F. : On a surtout parlé des révolutions du printemps arabe d’un point de vue politique, mais on a moins évoqué les évolutions sociales qui les accompagnaient. C’est pourtant la première fois qu’on voyait des femmes de tous les milieux sociaux manifester dans la rue et exprimer publiquement des revendications ! Jusque-là, elles avaient toujours été cantonnées à la sphère privée, les sociétés musulmanes connaissant une certaine ségrégation entre hommes et femmes. Au Yémen, les femmes qui manifestaient au côté des hommes ont été menacées de sanctions, mais au lieu de rentrer chez elles, elles ont décidé de défiler de leur côté, respectant à leur façon l’impératif de non-mixité… Ce phénomène d’appropriation de la sphère publique est tout à fait nouveau dans le monde arabo-musulman. L’Egypte en a d’ailleurs pris récemment acte en transformant en délit le harcèlement dont les femmes sont victimes dans la rue ou dans les transports publics – attouchements sexuels, mais aussi viols. Il était temps : d’après une récente étude internationale de Thomson-Reuters, ce pays se classe en dernière position en matière de droits des femmes et plus de 99% s’y disent harcelées.

    La procréation médicalement assistée a été jugée licite par les oulémas, les religieux chargés d’émettre des avis juridiques.

    Outre l’accès à l’espace public, constate-t-on d’autres changements ?
    C.F. : Oui, les lignes ont bougé sur les questions touchant à l’intimité et au corps des femmes, essentiellement grâce aux avancées médicales. Jusque-là, une femme qui ne pouvait pas avoir d’enfants était systématiquement tenue pour responsable de cette situation et, soit elle était répudiée, soit elle voyait arriver une autre épouse dans son foyer. Les diagnostics d’infertilité posés par les médecins permettent désormais de lever le doute. Surtout, les techniques de procréation médicalement assistée offrent une solution à ces couples plongés dans la honte, puisqu’elles ont été jugées licites par les oulémas, les religieux chargés d’émettre des avis juridiques ; de fait, l’islam, à la différence du catholicisme, distingue procréation et sexualité.

    Ces techniques sont très utilisées en Égypte, au Liban, en Iran, mais aussi au Maroc ou en Tunisie... Attention, cependant : seule la PMA intra-couple est autorisée, et le don de gamètes est en théorie exclu. Je dis « en théorie », car certains musulmans vivant en France y ont quand même recours. L’islam est une religion pragmatique : avoir un enfant est tellement important que certains considèrent que la fin justifie pour ainsi dire les moyens.

    Qu’en est-il de la virginité ?
    C.F. : L’impératif de virginité jusqu’au mariage reste très fort, et le symbole du drap souillé de sang après la nuit de noce demeure important pour de nombreux musulmans du Maghreb et du Moyen-Orient. Dans ces régions, une femme qui ne serait pas vierge aura des difficultés à faire une union. Mais la médecine permet désormais de contourner cette difficulté : très utilisée, l’hyménoplastie, une technique de réparation de l’hymen, permet aux jeunes femmes qui auraient eu des rapports sexuels avant le mariage de se prévaloir du précieux certificat de virginité, donc de disposer plus librement de leur corps. Le fait que cette liberté passe par un (voire plusieurs) acte de chirurgie reste néanmoins une violence symbolique.

    On sait qu'Internet a joué un rôle fondamental dans les révolutions arabes. Quid de son impact sur la vie des femmes ?
    C.F. : Les réseaux sociaux ont changé la façon dont les hommes et les femmes entrent en contact. Les sites de rencontre sont devenus monnaie courante et aident les jeunes filles qui disposent encore de peu d’espace de liberté à se soustraire au contrôle parental. Le web, mais aussi les SMS, leur offrent la possibilité d’échanger librement avec des garçons, d’entretenir des liens plus intimes et dans certains cas d’échapper au mariage arrangé qui reste un idéal dans beaucoup de familles. Au-delà de la rencontre elle-même, Internet est en train de modifier en profondeur les rapports entre les hommes et les femmes : il permet une expression des affects et une connaissance de l’autre sexe tout à fait inédites dans ces sociétés.


    Les sites de rencontre permettent aux femmes de se soustraire au contrôle parental et, dans certains cas, d'échapper au mariage arrangé.
    Le monde du travail est de plus en plus investi par les femmes, même si c’est parfois grâce au port du voile qu’elles peuvent y accéder...

    D’autres barrières sont-elles en train de tomber ?
    C.F. : Le monde du travail est de plus en plus investi par les femmes, et un gain de liberté devrait en découler – même si, de façon contradictoire, c’est parfois grâce au port du voile qu’elles peuvent y accéder... Mais il convient de rester mesuré quant aux progrès accomplis. La pression de l’islamisme n’a jamais été aussi forte et des régressions sont toujours possibles. De nombreuses femmes égyptiennes n’étaient pas voilées et aujourd’hui la plupart portent le hijab qui couvre leurs cheveux et certaines le niqab qui cache également leur bouche. En Tunisie, où l’avortement a été autorisé dès 1954 par Bourguiba – bien avant la France, donc -, il a été remis en cause en 2011 par le parti islamique au pouvoir et a été suspendu durant un temps ; ce même parti a par ailleurs voulu remplacer le principe d’égalité entre hommes et femmes dans la constitution par le principe hiérarchique de « complémentarité ».

    Autre sujet de préoccupation, une pratique appelée « mariage secret » s’est développée dans le monde musulman sunnite, et est notamment utilisée par les riches émirs du Golfe en voyage, sous une forme qui s’assimile à la prostitution. Ces mariages religieux à durée limitée, sans valeur juridique, rendent en effet ces relations hors-mariage compatibles avec les obligations de l’islam. Les jeunes femmes ciblées sont notamment des réfugiées de Syrie en grande difficulté économique, et l’argent qu’elles en retirent sert à faire vivre leur famille toute entière.

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

     
    Camarades d'Algérie
     
    PST (Algérie) - 8 novembre 2014
     
     NOUR Elyas - 10 novembre 2014

     

    LEVERRIER Ignace - 31 octobre 2014
     
     MUSLIM Saleh, STAAL Jonas -

     

    MAHMOUD Houzan - 7 octobre 2014

     

     MOHAMED Yanar - 2 September 2014

     

     

     MAHMOUD Houzan - 10 octobre 2014
     
     ACHCAR Gilbert, COSKUN Özlem, ADİLGIZI Lamïya -
     
     
     ALI Khaled, GUBERT Thomas - 3 novembre 2014

     

  • Syrie, contre l'Etat islamique, des combattantes kurdes kalachnikov en main (Courrier International)

    Femmes kurdes. Libération. 
    Femmes kurdes. Libération.  Dessin de Mauro Biani paru dans Il Manifesto, Rome.

     

    Bien entraînées, elles se battent avec un moral d’acier contre l’Etat islamique.

    Alors que je m’apprête à pénétrer dans le camp d’entraînement kurde réservé aux unités spéciales de femmes combattantes dans la région de Rojava (province d’Al-Djezireh [nord-est de la Syrie]), une jeune femme m’arrête à l’entrée. Elle est vêtue d’un uniforme militaire et sa tête est ceinte d’un bandeau vert à la kurde, soigneusement brodé de roses et de petites fleurs. Je me présente, puis lui demande si ce bandeau fait partie d’un uniforme militaire ou est un symbole quelconque.

    Elle sourit timidement et me répond : “Non, je le trouve simplement joli. Nos grands-mères en portaient pour compléter le costume traditionnel kurde.” Après avoir été autorisée à entrer dans la cour du bâtiment, appelé “académie”, je découvre un lieu propre comme un sou neuf. Alors que ce genre d’endroits plutôt masculin est généralement plein de restes de repas, de toutes sortes d’affaires qui traînent et du vacarme des soldats, rien n’indique ici qu’il s’agit d’un centre d’entraînement militaire. “C’est notre maison. Nous y mangeons et nous nous y entraînons, nous y étudions et nous y dormons. Pourquoi ne le garderions-nous pas soigné comme si c’était notre propre demeure ?” me demande l’une des combattantes en voyant mon étonnement.

    Leurs journées commencent par un passage en revue et des exercices sportifs, suivis par la pause du petit déjeuner. Ensuite, les femmes se divisent en petits groupes. Les unes s’entraînent au tir, d’autres vont assister à des cours de réflexion politique. J’assiste à l’un de ces cours. L’enseignante parle de l’histoire des Sumériens [peuple de la Mésopotamie du IIIe millénaire avant J.-C.], de la place que la femme occupait dans la société sumérienne et du rôle du clergé dans sa marginalisation ultérieure.

    Nous étions des déesses

    De temps à autre, elle demande si quelqu’un a un commentaire à faire ou une question à poser. Beaucoup participent au débat sur la situation de la femme contemporaine en comparaison avec celle de cette époque-là. Pendant la pause, je m’approche de l’une d’elles et lui demande son nom. Elle m’indique son surnom, Jihan Ghameshlou. Je lui demande ce qu’elle pense du cours auquel nous venons d’assister.

    Elle répond : “Vous vous demandez probablement pourquoi revenir à ce lointain passé. Nous avons appris qu’à cette époque-là la femme était tout en haut de l’échelle sociale. Nous étions des déesses.” Avant que Jihan ne s’épanche davantage, je lui demande : “Mais ta tâche consiste à protéger ton pays et à libérer ta patrie. Quel rapport [entre les Sumériens] et ce que tu auras à faire au front ?”

    Sa réponse fuse comme si elle s’attendait à cette question : “Avant de pouvoir penser à libérer quoi que ce soit, il faut que je libère mon cerveau de l’état dans lequel il est englué du fait de nos traditions et de l’enseignement [que nous avons reçu à l’école de l’ancien régime] baasiste. Il faut que je comprenne les mécanismes de l’Histoire et la situation de la femme pour savoir ce que je fais ici. Notre guerre se situe avant toute chose sur le terrain des idées. Nous combattons les idées obscurantistes et rétrogrades des membres de Daech [l’Etat islamique] avec leur barbe épaisse et leur étrange faciès, qui coupent des têtes et qui veulent nous ramener à ce que nous avons connu de pire en termes de répression et de domination sexiste, idéologique et humaine.” Je lui demande son âge. Elle répond qu’elle a entre 20 et 30 ans, sans vouloir en dire plus, et qu’elle a été étudiante jusqu’à la troisième année à la faculté de lettres d’Alep avant de se tourner vers les armes. Kalachnikov à la main, les combattantes se rendent à l’exercice de tir. Les rafales sont entrecoupées de rires, mais les femmes n’en sont pas moins disciplinées. 

    "J’ai eu des camarades qui sont mortes en martyres"

    Elles ne s’appellent pas par leur nom, mais par le mot hafal, qui signifie “camarade” en kurde. Je m’approche de l’une d’entre elles. Au début, elle se montre timide et me dit que je devrais plutôt parler à une autre, mais j’insiste. Finalement, elle accepte. “Je m’appelle Botan Berkhodan. J’ai 24 ans. J’ai participé à des combats. J’ai eu des camarades qui sont mortes en martyres. J’ai juré que je les vengerais. Nous n’aimons pas la vengeance mais, quand je me rappelle leurs yeux, je sens une lourde responsabilité sur mes épaules.”

    Selon elle, ses amies rêvaient “avant toute chose de la liberté de la femme, pas seulement de la femme kurde, mais des femmes de partout”. Et elle me raconte un des affrontements avec Daech : “Nous étions en train de nous approcher d’eux à quelques mètres. Nous entendions leur voix. Ils étaient très en colère quand ils ont compris qu’ils se trouvaient face à des femmes. Ils disaient à leurs camarades, par talkie-walkie : ‘Venez, il y a des garces !’ Pour eux, nous sommes des garces. Mais on leur a appris de quel bois on se chauffe. Parfois ils nous fuient, effrayés, sans s’occuper des morts et en abandonnant leurs blessés. — C’est vrai qu’il y aurait une fatwa disant que celui qui se fait tuer par une femme n’entre pas au paradis ? — De toute façon, ils n’iront pas au paradis. C’est ailleurs que nous les expédions. Mais c’est vrai que cette fatwa existe. D’après ce que disent nos prisonniers, ils pensent vraiment que celui qui se fait tuer par une femme n’aura droit ni au paradis ni aux houris.”

    Chasseresse

    Je laisse Berkhodan pour trouver Sama. Elle est mince, élancée, brune, et ses traits pourraient donner à penser qu’elle est arabe et non kurde. En souriant, elle me confirme qu’elle est effectivement arabe. Elle a néanmoins rejoint cette unité militaire qui “ne se préoccupe pas de l’appartenance ethnique ou confessionnelle, mais de l’être humain”. Ses parents s’y sont opposés dans un premier temps, mais elle leur a expliqué qu’“une fille ne vaut pas moins qu’un garçon”. Et, depuis son engagement, elle pense avoir contribué à “changer le regard dépréciatif que la société, surtout la société arabe, porte sur les femmes”. Ensuite, on me présente une jeune femme de 26 ans, surnommée “la chasseresse de Daech”.

    Elle m’explique la raison de ce surnom : “J’ai capturé plusieurs fois des guerriers de Daech. La dernière fois, quand j’ai amené le prisonnier à notre camp, il m’a demandé un verre d’eau. Je le lui ai donné et j’ai vu qu’il le posait devant lui pour ensuite y plonger une clé qu’il portait à une chaîne autour du cou. C’était une grosse clé comme on en a dans les maisons à la campagne. Il l’a plongée trois fois dans l’eau avant de boire. Il pensait qu’en agissant de la sorte il devenait invisible. C’est tragique de se battre contre des assaillants aussi idiots.”

    Et elle ajoute : “Lorsque j’en faisais mes prisonniers, tout le long du trajet vers notre camp ces djihadistes regardaient par terre. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils se sentaient humiliés du fait d’être les prisonniers d’une femme ou si c’est par pudeur religieuse. Dans les deux cas, c’est ridicule. Qu’est-ce qu’ils sont ridicules, ces hommes !”

    Taha Khalil

    Publié le 12 octobre 2014 dans Al-Mustaqbal (extraits) Beyrouth

    Al-Mustaqbal Taha Khalil 28 octobre 2014

    http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/28/contre-l-etat-islamique-des-combattantes-kurdes-kalachnikov-en-main?page=all

     

  • Des palestiniens essayent de reconstruire une radio féminine progressiste (AMP)

    Quand j’ai rencontré Islam Barbar dans un restaurant de Gaza en 2012 durant une mission sur les droits de l’homme, j’ai été impressionné par son attitude joviale mais décontenancé par le désespoir qu’elle ressentait.

    Bien que Barbar publiaient des rapports médiatiques, gérait son propre centre de formation aux médias et était active dans le domaine des droits des femmes, le seul endroit où elle rêvait d’aller était la Cisjordanie occupée. Non seulement elle n’avait jamais visité d’autres endroits en Palestine, mais à 26 ans elle n’avait jamais quitté la bande de Gaza assiégée. Le rapport qu’a publié l’Institut International de Presse après notre visite mettait en évidence le besoin de liberté de mouvement entre Gaza et à la fois la Cisjordanie et Israël.

    Pour ma part, j’ai réussi à faire venir Islam au Caire en 2013 pour participer à une conférence sur la radio communautaire Aswatona dans laquelle j’étais impliqué. Les praticiens de la radio participant ont échangé des idées sur la façon d’établir, de gérer et de financer une station communautaire. Une idée souvent discutée était de commencer par une radio en ligne et ensuite d’évoluer vers la sphère FM. Energisée par la possibilité de radiodiffuser, Islam est rentrée à Gaza et s’est fixée pour objectif de créer une station de radio spécialisée sur les problèmes des femmes.

    En un an elle a réussit à obtenir une petite subvention des programmes britanniques de soutien aux médias communautaires au travers de l’Institut Média Oarva, une ONG palestinienne qui lui a aussi apporté un support technique. Nissagaza.com fut lancée le 30 avril 2014 depuis son centre médiatique de la ville de Gaza avec la participation d’associations locales de femmes, de femmes activistes et de dirigeants locaux de tous horizons. Le jour du lancement, Islam était particulièrement excitée par le jingle musical créé pour la nouvelle station pour les femmes par un supporter masculin. Elle utilise cette histoire ainsi que la présence d’hommes et de femmes à sa station pour ramener à la maison l’idée que les questions de genre ne sont pas l’apanage des femmes.

    Barbar, qui vient d’une famille progressive de la région de Jabalya au nord de Gaza a commencé à passer de longues heures dans le studio/bureau. Les volontaires devaient être formés, les programmes radios supervisés, et des financements modestes devaient être trouvés. Elle senti qu’elle devait former les femmes à la technique et au journalisme ainsi que les sensibiliser aux enjeux sociaux élémentaires. Après plusieurs mois d’émission sur les ondes, la station bourdonnait de gens et d’idées. En un temps record elle et la station furent connues, des plaques et certificats d’appréciation ornèrent son bureau et sa radio. Les idées de programme et les appels pour des coopérations et partenariats commencèrent à pleuvoir.

    Quatorze programmes radios indépendants principalement produits et présentés par des volontaires furent émis durant cette saison estivale de Ramadan. Alors que la diffusion se faisait toujours en ligne, elle fut agréablement surprise de voir le nombre d’auditeurs actifs augmenter. « Au départ, quand un programme atteignait les 500 auditeurs, je célébrais. Depuis, nos deux programmes principaux haki sabaia (discussion de filles) et dunia nisaa (le monde des femmes) ont atteint les 2000 auditeurs »  expliqua-t-elle. Les réactions sur l’usage des médias sociaux furent aussi excitantes et réconfortantes. Des journaux arabes de premier plan décrivirent la radio comme le succès des femmes de Gaza.

    La principale plainte qu’elle recevait venait d’auditeurs qui voulaient que la radio émette sur les ondes FM pour que d’autres puissent profiter de la programmation et de la musique qu’elle supervisait personnellement. Haki sabai, qu’Islam animait, présentait quatre jeunes femmes qui échangeaient des problèmes quotidiens intéressants les jeunes palestiniens.

    Dunai Nisaa s’adressait à une génération légèrement plus âgée et traitait de problèmes tels que les crimes d’honneur, les violences domestiques et le divorce. Durant Ramadan un des épisodes populaires traita de la nervosité des hommes palestiniens due aux longues heures de jeûne. Des recherches sur le divorce avaient démontré un fait important. Khula’, le droit pour les femmes de divorcer de leur maris, était apparemment applicable à Gaza bien que peu de femmes le sache et qu’encore moins en aient concrètement fait usage.

    NisaaGaza n’a jamais eu la chance d’informer ses auditeurs de cette importante découverte.

    Le lundi 25 aout, Islam a travaillé jusqu’à 19h00. Avant de partir elle a supervisé un programme médical présenté par un nutritionniste, le Dr Mahammad Hamodeh, qui avec l’aide de deux animatrices, Hiba Zagout et Isra Baba, essayait de prodiguer des conseils santé à leur audience radio. Elle fit aussi le suivi, avec l’une de ses collègues, du rapport qui devait être présenté dans Dunia Nisaa le jour suivant pour informer les femmes de Gaza qu’elles avaient le droit de Kula (divorcer) si elle souhaitaient l’utiliser.

    De retour à la maison, Islam a apprit pas les informations que les Palestiniens dans les tours hautes comme celle dans laquelle elle travaille avaient été évacués suite à des appels des israéliens informant que leurs immeubles allaient être ciblés. Tout le monde savait que la guerre à Gaza allait se terminer et il était clair que les israéliens voulaient améliorer leur position de négociation. Islam était inquiète concernant l’évacuation de son immeuble mais considéra qu’il s’agissait de mesures de précaution et que si quelque chose devait être touché il s’agirait d’un bureau spécifique.

    Islam n’était pas inquiète ; sa station de radio n’était pas politique et il y avait peu de chance qu’elle soit ciblée.

    Ce ne fut pas le cas.

    L’immeuble Basha de 13 étages entier était la cible. A 4h du matin les combattants israéliens ont largué des explosifs faisant s’effondrer la structure de la tour et la réduisant en gravats.

    Islam était dévastée.

    Islam visita les décombres et essaya en vain de trouver quelques restes de son rêve. Pas un microphone, pas un papier et aucune des récompenses et plaques qui avaient été donné à la jeune station. Islam participa à quelques manifestations mais fut en dépression pendant des semaines.

    Mais les espoirs d’Islam se sont réanimés quand des amis et collègues se sont réunis et ont commencé un effort de financement participatif en utilisant l’application indiegogo avec l’espoir de réunir assez de fonds pour retourner sur les ondes. Cette fois-ci, Islam dit que son rêve est d’émettre directement sur les ondes FM. En attendant, l’autre rêve d’Islam de visiter la Cisjordanie, même pour quelques jours, ne s’est toujours pas réalisé.

    Par Daoud Kuttab, journaliste palestinien

    Traduction: Julie V. pour l’Agence Média Palestine

    Source: Huffington Post

    http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2014/10/20/des-palestiniens-essayent-de-reconstruire-une-radio-feminine-progressiste/

  • A Kobané, elles se battent pour nous (mâles compris) (SQ)

     
    Vivons, apprenons et combattons. Les femmes de Kobané sur le front des contradictions
    Dans une récente interview sur le front réalisée par la reporter australienne Tara Brown, une femme combattante kurde de l’YPJ (Unité de protection des femmes) a déclaré que l’Etat islamique était un ennemi de l’humanité. Pour elle et pour les femmes de sa brigade, Kobané est la frontière totale qui sépare la civilisation de la barbarie. Il y a quelque chose de troublant dans ces paroles parce que ce sont les mêmes qui, surtout depuis le 11 décembre 2001, ont prétendu justifier une guerre combattue sans frontières, de l’Afghanistan à l’Irak aux banlieues des villes américaines et européennes, au nom de l’enduring freedom d’un Occident menacé par le terrorisme mondial.
     
    Mais tout aussi troublant est le changement radical de perspective qu’imposent le contexte et la position de qui parle : si nous nous déplaçons des salles blindées du Pentagone à une terre de passage du Moyen-Orien nous n’avons plus devant nous un groupe d’hommes qui prétendent mener une guerre juste pour la liberté – y compris celle des femmes opprimées par l’intégrisme taliban – mais des femmes protégées seulement par de minces murs de pierre et par leurs propres armes qui combattent pour se libérer elles-mêmes. Mais cette observation ne suffit pas à calmer la sensation de trouble. Suffit-il vraiment que ce soit une femme qui prononce ces paroles pour changer leur signification, pour renverser un discours qui a véhiculé hiérarchies et oppressions et pour le transformer en chanson pour la liberté ? Le fait que ce soient des femmes qui embrassent les armes suffit-il à faire renoncer au pacifisme que nous avons soutenu devant l’invasion étatsunienne de l’Afghanistan, à nous faire reconnaître les raisons de la guerre ?
     
    Les rangs de l’Unité de protection du peuple comptent 45000 personnes, dont 35% de femmes. Près de 16000 guerrières contredisent pratiquement tout lien substantiel entre le sexe, la guerre ou la paix.
     
    Il s’agit, pour la majeure partie, de kurdes syriennes, mais chaque jour de nouvelles combattantes provenant de la Turquie et de la Syrie, pas seulement kurdes, s’unissent à celles du YPJ. Le détonateur de cette vague de recrutements a été la prise du Sinjar par une partie de l’Etat islamique, le 3 août dernier. Des milliers de femmes kurdes yézidi ont été capturées. Celles qui n’ont pas été tuées pour s’être rebellées ou avoir tenté de fuir et celles qui ne se sont pas tuées pour échapper à leur destin ont été violées, réduites en esclavages et vendues à des combattants et à des émirs dans le but de satisfaire leurs exigences sexuelles et les nécessités de produire et d’élever des martyres jihadistes.
     
    Des centaines d’enfants ont été capturés et renfermés dans des écoles coraniques pour être transformés en combattants. Derrière la haine déchaînée de l’IS à l’égard des femmes – soumises à des normes implacables qui règlent leur habillement et limitent leur mobilité, qui les déclarent « disponibles au viol » - il y a leur réduction en instruments de reproduction d’un ordre violemment patriarcal suivant une logique qui, toute extrémisée et confessionnellement orientée qu’elle soit, a un caractère terriblement mondial.
     
    A Kobané, se combat une « guerre de position » et cette définition n’a rien à voir avec les stratégies militaires.
    Le fait est que ce qui est en jeux, c’est aussi la place que les femmes occupent dans le monde et pour cela les guerrières des YPJ sont pleines d’orgueil d’avoir pris les armes, comme le sont leurs mères organisées dans le groupe Şehîd Jîn’. L’éthique du soin dont ces femmes sont porteuses prend des formes tout à fait imprévues pour qui, dans notre partie du monde, font du soin quelque chose qui concerne la vie et qui, par sa nature, nie la guerre. Mais à Kobané, la guerre est le choix obligé pour qui entend prendre soin de sa propre vie et de sa propre liberté, de la vie et de la liberté de ses camarades, de sa région, de ses idées.
     
    Interviewée par Rozh Ahmad, qui a réalisé un très beau documentaire sur le front de la Rojava, la mère d’une combattante, qui porte le voile, raconte : « deux de mes filles sont parties la même semaine. Une est entrée dans les YPJ, l’autre s’est mariée. Heureusement, je ne m’inquiète pas pour celle qui est dans les YPJ. Elles ont des bonnes idées et pour nous, c’est un honneur d’avoir une fille dans leurs rangs. Ma fille mariée va bien, mais je suis encore inquiète pour elle. » Cette mère ne dit pas quelle est son inquiétude mais nous pouvons l’imaginer d’après le récit de la fille combattante : « notre société ne considérait les femmes que comme de bonnes ménagères, les femmes étaient faites sur mesure pour les hommes et enfermées à la maison comme des esclaves. Maintenant, nous avons appris cette réalité amère. Maintenant nous avons changé : nous vivons, nous apprenons et nous combattons. Nous sommes maintenant des soldates (…) nous vivons pleinement notre différence. »
     
    Les femmes combattantes de Kobané, en premier lieu, sont différentes de ce qu’elles ont été. Les armes ont marqué un changement décisif par rapport à l’inépuisable continuité de la tradition et peut-être aussi par rapport à la « Charte du contrat social » de la Rojava, qui garantit aux femmes l’égalité et la participation active à tout organe d’autogouvernement. Il s’agit d’un changement qui est dû, dans une certaine mesure, à la poussée politique du PKK, dans l’ « idéologie » duquel se reconnaît pleinement le Haut conseil des femmes du mouvement de libération du Kurdistan. Comme l’explique Handan Çağlayan, la persistance d’habitudes comme le namus, l’obligation pour les hommes de surveiller les corps, les comportements et la sexualité des femmes, constituait une importante limite à la mobilisation de masse en faveur de la cause kurde. Le lien établi par Öcalan entre la libération des femmes et la révolution sociale (Woman and Family Question, 1992), ne peut en tout cas pas être lu exclusivement à la lumière de la « stratégie de mobilisation », mais doit être considéré aussi comme une réponse à une présence massive des femmes, y compris dans la guerre, à partir de la fin des années 80.
     
    En outre, l’absence de reconnaissance de la minorité kurde par la Syrie a produit chez les femmes un sentiment d’oppression et, avec lui, le sens de la possibilité et de la nécessité de la rébellion. C’est ce que raconte clairement à Rozh Ahmad une des combattantes interviewées : « nous autres jeunes filles kurdes, nous étions obligées à parler arabe entre nous à l’école. Nous kurdes, nous étions opprimées, l’Etat contrôlait complètement nos vies. Mais nous nous sommes toujours rebellées contre tout ça. » Au-delà de l’identification de ces femmes avec la cause kurde, il y a, toutefois, quelque chose de plus. Une d’elles raconte que, selon certains, les combattantes « sont coupées de la vie sociale » parce qu’elles ont pris les armes. A quoi elle répond avec orgueil que, avec ses compagnes, elle a « une vie beaucoup plus riche que ce qu’ils pensent ». Avec orgueil, une autre affirme que certains hommes, qui n’ont pas eu le courage de combattre, baissent la tête à leur passage. Quoique cela passe au second plan devant l’impressionnante résistance qu’elles sont en train d’opposer à l’IS, il semble que ces femmes portent en avant une bataille sur le front intérieur pour affirmer leur droit à conquérir la liberté. 
     
    C’est la participation à la guerre qui les a conduites à se sentir égales. Contre toute rhétorique nationaliste construite sur la « défense de nos femmes », les guerrières des YPJ ont commencé à se défendre elles-mêmes et ont accepté le risque de mourir, sans avoir pour cela une heureuse propension au martyre. Contre l’incrédulité de leurs pères et de leurs frères qui doutaient de leur force et bien au-delà de la reconnaissance formelle de leur égalité exprimée par la constitution de la Rojava, ces femmes ont démontré qu’elles avaient non seulement la force mais aussi le courage. Elles n’aiment pas la guerre, elles n’aiment pas tuer, elles n’aiment pas les armes et le répètent dans leurs interviewes. Une combattante raconte que nettoyer son fusil n’était pas après tout si difficile, mais que pour tirer elle a dû surmonter la peur. Chacune de ces femmes a combattu avant tout contre une part d’elle-même, sa propre « passivité », comme l’appelle l’une d’elle, l’ignorance ce que peut signifier « être une femme », pour aller sur le front de Kobané. Aucune d’elles n’était déjà libre, chacune d’elles a dû conquérir un bout de liberté.
     
    Convaincues que la guerre et la pratique de la violence ne sont pas le propres des femmes, certaines pourraient en arriver à nier que ces ces femmes soient vraiment des femmes. Il est déjà arrivé devant les images de Lynndie, la fière tortionnaire d’Abou Grahib. Entre elle et les combattantes de la Rojava, il y a un abîme, mais dans les deux cas, il est clair qu’il y a bien des manières d’être au monde comme femmes, au-delà de tout destin tracé dans l’ordre symbolique du père ou dans celui de la mère.
     
    Convaincues que l’égalité n’est rien d’autre que l’expression politiquement correcte de la perpétuation d’un pouvoir sexuel sur les femmes, d’autres pourraient voir en ces guerrières la reproduction d’un « modèle masculin » d’autonomie. Et pourtant, ces combattantes sont des femmes et combattent pour les femmes, contre un esclavage qui ne porte pas seulement les masques noirs de l’IS et de son fondamentalisme, mais qui, comme le rappelle l’une d’elles, arrive en Europe sous les dehors acceptables et colorés du capitalisme. Peut-être, alors, n’est-ce pas l’histoire de ces femmes qui serait inadaptée par rapport aux objectifs de la liberté féminine. Peut-être sont-ce les discours que les femmes et les féministes ont à leur disposition qui n’est pas à la hauteur de l’histoire des combattantes de Kobané. Il ne s’agit pas, évidemment, de faire de la lutte armée le paradigme de tout parcours de libération, ni d’oublier combien d’oppression et combien d’exploitation passent par l’égalité formelle. Mais on ne peut ignorer que, tandis qu’elles revendique d’être « une brigade uniquement de femmes qui vivent de manière complètement indépendantes », en combattant au front côte à côte avec leurs camarades hommes, ces femmes revendiquent et pratiquent l’égalité et enseignent quelque chose aux hommes.
     
    Il y a, en cela, quelque chose de profondément subversif, qui ne sera peut-être pas décisif du point de vue militaire mais l’est certainement du point de vue politique. Deux mille femmes, misérablement équipées et avec un faible appui international, donnent une contribution fondamentale à la défense d’une ville assiégée par 9000 djihadistes bien armés. Leur force – comme l’a rappelé la combattante des YPJ Xwindar Tirêj  — n’est pas dans les fusils mais dans la détermination. Bien sûr, leurs camarades hommes aussi sont déterminés, mais dans l’égalité féminine, il y a quelque chose de plus. C’est le visage et le corps de cette détermination qui terrorise les combattants de l’Etat islamique convaincus que, s’ils sont tués par une femme, ils n’iront pas au paradis. Ainsi, tandis que les miliciens de l’IF aspirent au paradis, les femmes de Kobané exigent de le ramener sur terre et, en le faisant, posent des questions vraiment dérangeantes au-delà de Kobané. Peut-être cela explique-t-il le silence fracassant de beaucoup de femmes et de féministes devant cette guerre et le rôle de l’Unité de protection des femmes. Peut-être est-il plus facile de se déclarer dans la guerre quand le rôle des femmes est celui de victimes, quand leur corps est un terrain de bataille, quand elles se font médiatrices et ambassadrices de paix, quand elles une parmi tant de genres qui subissent la discrimination et l’oppression fondamentaliste, quand elles peuvent être considérées comme la métaphore d’une vulnérabilité qui unit le genre humain et révèle les prétextes belliqueux de domination du sujet Mâle, Blanc et Occidental, quand les sujets post-coloniaux sont exotiques. Peut-être est-il plus difficile de prendre part à la guerre quand elle signifie admettre que les mêmes qui donnent la vie peuvent l’ôter à coups de mortier, que les mêmes qui incarnent la paix peuvent décider de s’armer et d’aller au front, que les mêmes qui devraient contester le pouvoir luttent pour prendre le pouvoir et le font en tant que femmes. Tandis qu’elles rient et tirent, tandis qu’elles se reposent et dansent en tenue de combat et foulards colorés, les femmes combattantes de Kobané semblent indiquer le point où chaque discours formulé jusqu’ici par des femmes et des féministes risque de s’effriter sur le front des contradictions. C’est pourquoi, plutôt que de se retrancher dans le silence, il vaut peut-être la peine d’écouter et d’essayer de comprendre l’enjeu global de la guerre des femmes de Kobané.
    Par Paola Ruban