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Féminisme - Page 7

  • Les femmes réfugiées risquent agressions, exploitation et harcèlement sexuel lors de leur traversée de l’Europe (Amnesty)

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    Les gouvernements et organismes d’aide humanitaire manquent à leur devoir de fournir la protection la plus élémentaire aux femmes réfugiées arrivant de Syrie et d’Irak.

    De nouvelles recherches effectuées par Amnesty International montrent que les femmes et les jeunes filles sont exposées à des violences, à des agressions, à l’exploitation et au harcèlement sexuel à toutes les étapes de leur trajet, y compris sur le territoire européen.

    Le mois dernier, l’organisation a recueilli en Allemagne et en Norvège les propos de 40 réfugiées qui s’étaient rendues en Grèce depuis la Turquie, avant de traverser les Balkans. Toutes ces femmes ont dit s’être senties menacées et en danger pendant leur périple. Beaucoup ont indiqué que dans presque tous les pays qu’elles ont traversés, elles ont connu agressions physiques et exploitation financière, ont été touchées de manière inappropriée ou ont subi des pressions visant à les inciter à avoir des relations sexuelles avec des passeurs, des employés chargés de la sécurité ou d’autres réfugiés.

    « Après avoir connu l’horreur de la guerre en Irak et en Syrie, ces femmes ont tout risqué pour se mettre en sécurité avec leurs enfants. Mais à compter du moment où leur trajet commence, elles sont de nouveau exposées à la violence et à l’exploitation, sans grand soutien ni protection », a déclaré Tirana Hassan, responsable de la réaction aux crises à Amnesty International.

    Des femmes et des jeunes filles voyageant seules, et d’autres seulement accompagnées de leurs enfants se sont senties particulièrement menacées dans les zones et camps de transit en Hongrie, en Croatie et en Grèce, où elles ont été forcées à dormir aux côtés de centaines d’hommes réfugiés. Dans certains cas, des femmes ont quitté les zones désignées, choisissant de dormir dehors sur la plage parce qu’elles s’y sentaient plus en sécurité.

    Des femmes ont également dit avoir dû utiliser les mêmes salles de bains et douches que les hommes. Une femme a raconté à Amnesty International que dans un centre d’accueil en Allemagne, des réfugiés de sexe masculin allaient regarder les femmes lorsqu’elles utilisaient la salle de bains. Certaines ont pris des mesures extrêmes, arrêtant de s’alimenter ou de boire afin d’éviter de devoir aller aux toilettes lorsqu’elles ne se sentaient pas en sécurité.

    « Si cette crise humanitaire avait lieu où que ce soit ailleurs dans le monde, on s’attendrait à ce que des mesures pratiques soient immédiatement prises afin de protéger les groupes les plus vulnérables, comme les femmes voyageant seules et les familles ayant une femme à leur tête. Au minimum, cela impliquerait de proposer des installations sanitaires bien éclairées réservées aux femmes, et des zones séparées des hommes où elles puissent dormir en sécurité. Ces femmes et leurs enfants ont fui certaines des zones les plus dangereuses du monde, et il est honteux qu’ils se trouvent encore en danger sur le sol européen », a déclaré Tirana Hassan.

    « Si les gouvernements et ceux qui fournissent des services aux réfugiés ont commencé à mettre des mesures en place pour aider les réfugiés, ils doivent passer à la vitesse supérieure. Il faut en faire plus pour que les femmes réfugiées, en particulier les plus vulnérables, soient identifiées et que des processus et services spécifiques soient proposés afin de protéger leurs droits fondamentaux et leur sécurité. »

    Les représentants d’Amnesty International ont parlé à sept femmes enceintes qui ont évoqué le manque de nourriture et de services de santé essentiels, et décrit avoir été écrasées par les mouvements de foule aux frontières et aux points de transit pendant leur périple.

    Une Syrienne interviewée par Amnesty International à Lillestrøm, en Norvège, qui était enceinte et allaitait sa petite fille quand elle a entrepris le voyage avec son mari, a dit qu’elle avait trop peur de dormir dans les camps en Grèce car elle se savait entourée d’hommes. Elle a ajouté qu’elle avait passé plusieurs jours sans manger.

    Une dizaine des femmes qu’Amnesty International a rencontrées ont déclaré qu’elles avaient été touchées, caressées ou déshabillées du regard dans des camps de transit européens. Une Irakienne de 22 ans a dit à Amnesty International que lorsqu’elle se trouvait en Allemagne, un agent de sécurité en uniforme lui avait proposé de lui donner des habits si elle acceptait de « passer du temps seule » avec lui.

    « Pour commencer, personne ne devrait avoir à emprunter ces itinéraires dangereux. La meilleure manière pour les gouvernements européens d’empêcher les abus et l’exploitation aux mains des passeurs consiste à proposer des itinéraires sûrs et légaux dès le début. Pour ceux qui n’ont pas d’autre choix, il est absolument inacceptable que leur passage à travers l’Europe les expose à davantage d’humiliation, d’incertitude et d’insécurité », a déclaré Tirana Hassan.

    AUTRES TÉMOIGNAGES

    Exploitation sexuelle par des passeurs

    Les passeurs prennent pour cibles des femmes qui voyagent seules, sachant qu’elles sont plus vulnérables. Lorsqu’elles manquaient de ressources financières pour payer le trajet, les passeurs essayaient souvent de les forcer à avoir des relations sexuelles avec eux.

    Au moins trois femmes ont déclaré que des passeurs et des membres de leur réseau les ont harcelées, elles ou d’autres femmes, et leur ont proposé un trajet à prix réduit ou un passage prioritaire sur un bateau traversant la Méditerranée, en échange de relations sexuelles.

    Hala, une jeune femme de 23 ans originaire d’Alep, a déclaré à Amnesty International :

    « À l’hôtel en Turquie, un des hommes travaillant avec le passeur, un Syrien, m’a dit que si je couchais avec lui, je ne paierais pas ou que je paierais moins. Bien entendu, j’ai dit non, c’était dégoûtant. Nous avons toutes connu la même chose en Jordanie. »

    « L’amie qui était venue avec moi de Syrie s’est trouvée à court d’argent en Turquie, alors l’assistant du passeur lui a proposé d’avoir des relations sexuelles avec lui [en échange d’une place sur un bateau] ; elle a bien sûr dit non, et n’a pas pu quitter la Turquie, alors elle est encore sur place. »

    Nahla, une Syrienne de 20 ans, a déclaré à Amnesty Internationa :

    « Le passeur me harcelait. Il a essayé de me toucher quelques fois. Il ne s’approchait que lorsque mon cousin n’était pas là. J’avais très peur, d’autant plus qu’on entend tout au long du voyage les histoires de femmes qui n’ont pas les moyens de payer et se voient proposer la solution de coucher avec les passeurs en échange d’une réduction. »

    Être harcelées et vivre dans une peur constante

    Toutes les femmes ont dit à Amnesty International qu’elles avaient eu constamment peur durant leur trajet à travers l’Europe. Les femmes voyageant seules étaient non seulement prises pour cibles par les passeurs, mais sentaient en outre leur intégrité physique menacée lorsqu’elles étaient contraintes de dormir dans des locaux aux côtés de centaines d’hommes célibataires. Plusieurs femmes ont par ailleurs signalé avoir été frappées ou insultées par des membres des forces de sécurité en Grèce, en Hongrie et en Slovénie.

    Reem, 20 ans, qui voyageait avec son cousin âgé de 15 ans, a dit :

    « Je n’ai jamais dormi dans les camps. J’avais trop peur que quelqu’un me touche. Les tentes étaient toutes mixtes et j’ai été témoin de violences [...] Je me sentais plus en sécurité lorsque j’étais en mouvement, en particulier dans un bus, le seul endroit où je pouvais fermer les yeux et dormir. Dans les camps, il y a tellement de risques de se faire toucher, et les femmes ne peuvent pas vraiment se plaindre et ne veulent pas causer de problèmes susceptibles de perturber leur voyage. »

    Violences policières et conditions dans les camps de transit

    Des femmes et des jeunes filles rencontrées ont indiqué qu’un certain nombre de camps étaient très sales, que la nourriture y était en quantité limitée et que les femmes enceintes en particulier ne recevaient qu’un soutien restreint, voire pas de soutien du tout. Certaines femmes ont par ailleurs déclaré que les toilettes étaient souvent sordides et que les femmes ne se sentaient pas en sécurité car certains sanitaires étaient mixtes. Par exemple, dans au moins deux cas, des femmes ont été observées par des hommes alors qu’elles s’étaient rendues dans la salle de bains. Certaines femmes ont en outre été directement victimes de violences perpétrées par d’autres réfugiés, ainsi que par des policiers, en particulier quand des tensions sont apparues dans des lieux d’accueil exigus et que les forces de sécurité sont intervenues.

    Rania, une jeune femme enceinte âgée de 19 ans venue de Syrie, s’est confiée à Amnesty International sur son expérience en Hongrie :

    « Les policiers nous ont alors conduits dans un autre lieu, qui était encore pire. C’était plein de cages et l’air ne circulait pas. Nous avons été enfermés. Nous sommes restés là deux jours. On nous donnait deux repas par jour. Les toilettes étaient pires que dans les autres camps, j’ai l’impression qu’ils voulaient les garder dans cet état pour nous faire souffrir.

    « Lors de notre deuxième jour sur place, des policiers ont frappé une Syrienne d’Alep parce qu’elles les avaient suppliés de la laisser partir [...] Sa sœur a essayé de la défendre, elle parlait anglais. Ils lui ont dit que si elle ne se taisait pas, ils la frapperaient elle aussi. Une chose similaire est arrivée à une Iranienne le lendemain parce qu’elle avait demandé plus de nourriture pour ses enfants. »

    Maryam, une Syrienne de 16 ans, a déclaré :

    (En Grèce) « Des gens se sont mis à crier, alors des policiers nous ont attaqués et ont donné des coups de bâton à tout le monde. Ils m'ont frappée sur le bras avec un bâton. Ils s’en sont même pris à des enfants. Ils ont frappé tout le monde sur la tête. J’ai été prise de vertige et je suis tombée par terre, des gens m’ont marché dessus. Je pleurais et j’ai été séparée de ma mère. Ils ont appelé mon nom et je l’ai retrouvée. Je leur ai montré mon bras et un policier l’a vu et a ri, j’ai demandé à voir un médecin, et ils nous ont dit à toutes les deux de partir. » 18 janvier 2016

    https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/01/female-refugees-face-physical-assault-exploitation-and-sexual-harassment-on-their-journey-through-europe/

  • La Tunisie est-elle le modèle pour les droits des femmes qu’elle prétend être ? (Amnesty)

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    Analyse des progrès de la Tunisie en matière de droits des femmes avant et après la « Révolution du Jasmin ».

    Le 14 janvier marque le cinquième anniversaire de la date à laquelle les Tunisiens ont évincé le président Ben Ali. En plus des appels à la liberté, à la dignité et à de meilleures conditions de vie, le soulèvement tunisien a apporté l’espoir de voir les droits des 5,5 millions de femmes en Tunisie renforcés. La Tunisie est connue pour être un exemple en matière de droits des femmes dans le monde arabe. Mais cette réputation résiste-t-elle à un examen approfondi de la situation ?

    Voici un récapitulatif des progrès de la Tunisie jusqu’à maintenant.

    Droit de vote ? Oui

    Les femmes ont acquis le droit de vote en Tunisie en 1957, un an après l’indépendance du pays par rapport à la France. Bien que la France ait introduit le droit de vote pour les femmes en 1944, elle n’avait pas étendu ce droit à la Tunisie, contrôlée par la France depuis 1881.

    Conditions permettant à davantage de femmes de se porter candidates en politique ? Oui

    Les femmes peuvent être candidates aux postes au gouvernement depuis 1959 en Tunisie. Cependant, plus de 20 ans se sont écoulés avant qu’une femme ne soit élue : en 1983, Fethia Mzali a été nommée ministre de la Famille et de la Promotion de la femme, devenant ainsi la première femme à obtenir un poste politique en Tunisie. Le pays a introduit des quotas volontaires de femmes pour les listes électorales des partis politiques en 1999.

    Ces quotas sont devenus une obligation légale en 2011. Lors des élections parlementaires d’octobre 2014, les femmes ont obtenu 30 % des sièges (soit plus qu’au Royaume-Uni, en France et au Congrès des États-Unis). C’est également en 2014 qu’une femme s’est présentée aux élections présidentielles pour la première fois en Tunisie. 

    Représentation des femmes dans les professions traditionnellement dominées par les hommes ? Oui... et non

    En 2010, 33 % des juges et 42,5 % des avocats en Tunisie étaient des femmes. En 2013, les femmes représentaient 30 % des ingénieurs et en 2014, elles représentaient 42 % des médecins. Bien que le taux d’alphabétisation des femmes soit plus élevé que celui des hommes, et bien que beaucoup plus de femmes obtiennent un diplôme universitaire, le nombre de femmes sur le marché du travail reste inférieur au nombre d’hommes. De plus, les femmes n’occupent que trois postes politiques sur 30.

    Accès à l’avortement ? Oui... et non

    La Tunisie a introduit le droit à l’avortement sur demande (le droit de demander et de se voir accorder un avortement sans délai) dans les trois premiers mois de grossesse en 1973, soit deux ans avant la France. L’avortement sur demande pendant le premier trimestre était autorisé pour les femmes ayant cinq enfants ou plus depuis 1965. La libre contraception a été introduite en 1973.

    Cependant, des données tendent à prouver que les femmes non mariées se voient souvent refuser le droit à un avortement sous le prétexte fallacieux que l’accord du père est nécessaire. Même des femmes mariées ont été dissuadées de mettre fin à leur grossesse par le personnel de cliniques publiques prétendant que l’avortement est immoral ou repoussant délibérant l’avortement jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour le pratiquer.

    Droit au mariage ? Oui... et non

    Les femmes et les hommes ont des droits égaux en ce qui concerne le mariage, le divorce et la propriété. Les hommes ne peuvent plus divorcer de leur femme sans passer par un tribunal. Grâce aux efforts des groupes de défense des droits des femmes dans le pays et aux changements apportés à la loi en 1993, les femmes mariées ne sont plus forcées d’« obéir » à leur mari.

    Cependant, le mari est toujours considéré comme le chef de famille et doit toujours subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants du mieux qu’il le peut. Les époux doivent remplir leurs devoirs conjugaux conformément aux usages et aux traditions, lesquels sont ancrés dans des attitudes et des convictions qui portent préjudice aux femmes. Une récente étude gouvernementale a montré que les femmes passent huit fois plus de temps à effectuer des tâches ménagères que les hommes, y compris à s’occuper des enfants et des personnes âgées.

    Protection des femmes contre la violence familiale ? Non

    La violence contre les femmes, particulièrement dans le cadre de la famille, reste un grave problème en Tunisie. Selon un sondage effectué par le gouvernement en 2010, 47,6 % des femmes interrogées avaient été victimes d’une forme de violence au moins une fois dans leur vie. Parmi celles-ci, un peu moins d’un tiers avaient été victimes de violence physique, 28,9 % de violence psychologique et 15,7 % de violence sexuelle. La grande majorité de celles qui avaient été victimes de violence sexuelle (78,2 %) ont déclaré que leur partenaire intime en avait été l’auteur.

    Bien que la violence familiale soit reconnue comme un crime, plus de la moitié des personnes qui en ont été victimes déclarent qu’elles ne l’ont pas signalé à la police ou à quiconque car il s’agit de « faits habituels qui ne valent pas la peine d’être discutés ». D’autres ont déclaré ne pas vouloir faire honte à leur famille.

    Celles qui signalent des violences déclarent souvent que la police les dissuade de porter plainte en leur disant de penser d’abord au bien-être de leurs enfants et ne pas briser la famille. L’hébergement d’urgence et les foyers pour les victimes de violences familiales sont rares, ce qui empêche ces femmes de chercher à obtenir justice car elles n’ont nulle part où se réfugier.

    Protection des droits des femmes par la loi ? Non

    Bien que la Constitution tunisienne de 2014 protège les progrès réalisés par les mouvements de défense des droits des femmes et garantisse le principe d’égalité et de non-discrimination, des lois discriminatoires à l’égard des femmes continuent de poser un problème. Le Code pénal classe la violence sexuelle comme une attaque contre la décence d’une personne, en mettant l’accent sur les notions d’« honneur » et de « moralité ». Le viol est mal défini et le viol conjugal n’est même pas reconnu. Selon le Code du statut personnel tunisien, un mari ne peut pas avoir de relation sexuelle avec sa femme tant qu’il n’a pas payé une dot. Cela implique qu’une fois qu’il l’a payée, il est autorisé à avoir des relations sexuelles avec elle quand il veut.

    De nombreuses femmes avec qui Amnesty s’est entretenue ont déclaré n’avoir jamais refusé de rapport sexuel avec leur mari, parce qu’elles ne pensaient pas avoir le droit. De plus, un vide juridique dans la loi tunisienne permet toujours aux violeurs d’échapper à leur condamnation s’ils épousent leur victime adolescente. Bien que cela ne soit possible que si la jeune fille accepte, la liberté qui entoure cet accord reste discutable.

    La Tunisie est-elle donc le modèle qu’elle prétend être pour les droits des femmes ? Pas encore. Mais après avoir fait tant de progrès impressionnants, le pays met ses propres efforts en danger en hésitant à régler ces derniers obstacles qui représentent pourtant beaucoup.

    L’histoire est largement à la portée de la Tunisie. Appelons ses dirigeants à la prendre en main.

     Shiromi Pinto,

    https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2016/01/is-tunisia-the-beacon-of-womens-rights-it-claims-to-be/

  • Tunisie. Des actes de torture et décès survenus en détention font craindre un recul des gains obtenus après le soulèvement (Amnesty)

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    De nouveaux éléments recueillis par Amnesty International, faisant état de cas de torture et de morts en détention, semblent indiquer la reprise d’une répression brutale, cinq ans après le renversement du précédent régime autoritaire par la « révolution de jasmin », point de départ d’une vague de soulèvements à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

    Lors d’une mission en Tunisie en décembre 2015, des représentants d’Amnesty International ont recensé plusieurs décès en garde à vue, ainsi que des allégations de torture durant des interrogatoires de police.

    « Il y a cinq ans, les Tunisiens se sont soulevés et ont rejeté les entraves de l’autoritarisme. Le régime de l’ancien président Ben Ali reposait notamment sur la torture et la répression ; celles-ci ne doivent pas devenir des caractéristiques de la Tunisie de l’après-soulèvement », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

    Selon des informations reçues par l’organisation, au moins six décès sont survenus en détention depuis 2011 dans des circonstances n’ayant pas donné lieu à de véritables enquêtes, ou n’ayant pas débouché sur des poursuites pénales lorsque des enquêtes ont eu lieu.

    Sofiene Dridi a été arrêté à son arrivée à l’aéroport de Tunis le 11 septembre 2015, après avoir été expulsé par la Suisse. En 2011, les autorités tunisiennes avaient émis un mandat d’arrêt contre lui pour agression violente.

    Sofiene Dridi a comparu le 15 septembre en bonne santé et a été transféré à la prison de Mornaguia après l’audience. Le 18 septembre, sa famille a été informée qu’il avait été conduit à l’hôpital. Ses proches lui ont voulu lui rendre visite mais le personnel médical a affirmé ne rien savoir. Lorsqu’ils se sont adressés au tribunal pour essayer d’obtenir de plus amples informations, on leur a dit qu’il était mort d’un arrêt cardiaque. Après avoir vu son corps à la morgue, ses proches ont signalé que son visage et son corps présentaient des hématomes. Son certificat de décès était daté du 17 septembre. À ce jour, sa famille attend encore de connaître tous les détails relatifs à la cause de sa mort.

    Amnesty International a par ailleurs reçu des informations sur des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements infligés à des personnes, y compris des femmes, incarcérées l’an dernier après leur arrestation sur la base d’accusations de terrorisme.

    D’après certains témoignages, des détenus ont été soumis à des décharges électriques, notamment sur les parties génitales, et ont été maintenus dans la position douloureuse dite du « poulet rôti », dans laquelle poignets et chevilles sont attachés à un bâton. Certains ont également été giflés ou forcés à se déshabiller, et leurs geôliers ont proféré des menaces contre leur famille afin de les forcer à signer de faux aveux.

    Amnesty International demande que l’ensemble de ces allégations fassent l’objet d’enquêtes indépendantes, que les résultats de celles-ci soient rendus publics, et que lorsqu’il existe suffisamment d’éléments à charge recevables contre une personne, celle-ci soit poursuivie. Dans les cas de mort en détention, l’enquête doit inclure une autopsie réalisée en bonne et due forme par un médecin légiste indépendant et impartial.

    « Trop peu a été fait pour réformer les forces de sécurité et pour amener les auteurs présumés de ces actes à rendre des comptes », a déclaré Said Boumedouha.

    « S’il est compréhensible que la sécurité est une priorité pour le gouvernement, compte tenu des attaques ayant ébranlé la Tunisie ces 12 derniers mois, il ne faut pas l’utiliser comme prétexte à un retour en arrière sur les modestes avancées obtenues sur le terrain des droits humains depuis le soulèvement. »

    Ces cinq dernières années, les Tunisiens ont adopté une nouvelle constitution comportant d’importantes garanties en matière de droits humains, ratifié des traités internationaux cruciaux pour la protection de ces droits, et organisé des élections présidentielles et législatives, tandis que les groupes de la société civile n’ont eu de cesse de se renforcer, après des années de répression sous le régime Ben Ali.

    Pourtant, au cours de l’année écoulée, les autorités ont adopté au nom de la sécurité une série de mesures inquiétantes qui pourraient mettre ces progrès en péril.

    Une nouvelle loi de lutte contre le terrorisme adoptée par le Parlement en juillet 2015 donne une définition trop large du terrorisme. Elle donne aux forces de sécurité des pouvoirs de surveillance très étendus, et a prolongé la période durant laquelle les forces de sécurité peuvent maintenir des suspects en détention au secret, la faisant passer de six à 15 jours, ce qui augmente considérablement le risque de torture.

    En novembre dernier, l’état d’urgence a été décrété pour la deuxième fois en 2015, après une attaque meurtrière contre des membres de la garde présidentielle à Tunis. C’est dans ce cadre que les autorités ont mené des milliers de descentes et d’arrestations, et placé des centaines d’autres personnes en résidence surveillée.

    Des parents de personnes recherchées pour terrorisme ont parlé à Amnesty International du harcèlement constant que leur font subir les forces de sécurité. Un homme de 65 ans dont le fils est un fugitif recherché sur la base d’accusations de terrorisme a déclaré que des membres des forces de sécurité enfoncent les portes du domicile familial presque toutes les nuits. Il a expliqué à quel point ces irruptions sont effrayantes pour les occupants de la maison, qui incluent ses deux autres fils, dont l’un présente des troubles mentaux, et deux petits-enfants en bas âge. Il a ajouté que des membres de la famille ont été convoqués à plusieurs reprises pour répondre à des questions, et que ses deux autres fils ont été frappés par des policiers lors de leurs interrogatoires.

    D’autres personnes ont parlé à Amnesty International de visites quotidiennes de policiers qui enfoncent des portes, volent parfois des effets personnels, et compliquent le quotidien de membres de ces familles qui travaillent et veulent une vie normale.

    Des personnes ont également indiqué avoir été abordées à maintes reprises par des policiers dans la rue. Un homme a dit avoir été questionné et arrêté plusieurs fois à cause de sa barbe. À une occasion il a été forcé à descendre d’un bus et interrogé au sujet de ses convictions et pratiques religieuses.

    Des lois limitant de manière arbitraire la liberté d’expression sont toujours en vigueur en Tunisie, et des personnes formulant des critiques - en particulier contre les forces de sécurité - sont poursuivies pour diffamation et « atteinte à la pudeur ». Les médias indépendants sont visés par des restrictions au titre de la nouvelle législation contre le terrorisme. Des journalistes couvrant des manifestations ou les répercussions des attentats se sont par ailleurs heurtés à des réactions violentes de la part de membres des forces de sécurité. En novembre, le ministère tunisien de la Justice a diffusé une déclaration selon laquelle les journalistes risqueraient des poursuites s’ils compromettaient les efforts du pays visant à combattre le terrorisme.

    Des organisations des droits humains et des avocats ont eux aussi essuyé des attaques pour avoir défendu les droits de suspects de terrorisme, et sont présentés comme des obstacles à la lutte contre le terrorisme dans le débat public, qui oppose de manière erronée les droits humains et la sécurité.

    « Les avancées tunisiennes en matière de droits humains paraissent de plus en plus ténues face à ces mesures rétrogrades », a déclaré Said Boumedouha. « Il existe un risque réel que cette réaction violente mal avisée ne fasse régresser la Tunisie jusqu’au point où elle se trouvait il y a cinq ans. »

    Complément d’information

    En 2011, Amnesty International a attiré l’attention sur les domaines nécessitant une réforme urgente en Tunisie. Ces réformes essentielles n’ont à ce jour pas encore été introduites. Si la Tunisie a adopté plusieurs nouvelles lois, notamment sur la torture et les médias, certains textes répressifs restent inchangés et permettent que des violations continuent à être commises. Les auteurs d’homicides illégaux de manifestants en réaction au soulèvement de 2011 n’ont pas suffisamment été amenés à rendre des comptes, et les autorités ont manqué à leur devoir de réformer les forces de police et de sécurité. Des actes de torture, en particulier en détention provisoire et durant les interrogatoires, continuent donc à être signalés et les juges et procureurs ne font pas grand chose pour obliger les autorités à répondre d’accusations de torture et d’agressions sur des manifestants et des journalistes. Les efforts en matière de justice de transition sont lents et entachés d’irrégularités. Les femmes continuent à se trouver en butte à la discrimination, dans la législation et dans la pratique, et les autorités ne les protègent pas suffisamment contre les violences liées au genre. Les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées sont privés de certains droits fondamentaux. 14 janvier 2016

    https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/01/tunisia-evidence-of-torture-and-deaths-in-custody/

  • Le harcèlement sexuel, la onzième plaie d’Egypte (ESSF)

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    Sur l’évolution du statut des femmes

    Pharmacienne et romancière, Ghada Abdel Aal habite à Mahalla Al-Qobra, ville industrielle du delta égyptien. Pour se rendre au Caire, elle emprunte l’un des innombrables minibus qui sillonnent l’Egypte. « J’achète toujours deux places, pour être sûre de ne pas être harcelée par un voisin », dit cette femme de 35 ans. Auteure d’un roman savoureux (La Ronde des prétendants, Editions de l’Aube, 2012), Ghada Abdel Aal n’a pourtant rien d’une allumeuse. Elle porte le hijab, qui s’est quasiment généralisé dans son entourage, sans chercher à le « compenser » - comme tant d’autres - par un pantalon moulant ou un maquillage outrancier. « Le harcèlement sexuel, je l’ai intégré depuis l’enfance, précise-t-elle. Dès l’âge de 10 ou 11 ans, quand j’apercevais un groupe de garçons ou que je devais passer devant un café, je changeais spontanément de trottoir. »

    Le harcèlement peut être qualifié de onzième plaie d’Egypte. En effet, la situation prend une tournure inquiétante : les institutions sont discréditées, la police est absente, l’insécurité augmente, les agressions contre les chrétiens se multiplient, alors que la hausse du chômage, la hausse des prix et la pénurie de gaz ou d’essence provoquent des drames.

    HARCELEURS EN UNIFORME

    Toutes les compatriotes de Ghada Abdel Aal ont été victimes du taharosh (« harcèlement sexuel »). « C’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis provisoirement exilée, affirme Dalia Hassan, qui organise des festivals culturels en France. A Alexandrie, un trajet quotidien à pied de vingt minutes pour aller à mon travail était devenu un enfer. » Riche ou pauvre, aucune Egyptienne n’échappe aux agressions verbales ou aux gestes déplacés. Rien ne retient les harceleurs : ni l’âge, ni la bague au doigt, ni le voile. Un adolescent pris sur le fait à Alexandrie et questionné sur son attitude a répondu de façon significative : « Si je ne poursuivais pas les femmes, mes copains me prendraient pour un homosexuel. » Et Dieu sait si l’homosexualité reste infamante en Egypte...

    Demander assistance à un policier ? Ces femmes ont appris, très jeunes, à se méfier des agents de l’ordre, qui ne sont parfois que des harceleurs en uniforme. Appeler à l’aide ? Si l’on veut être entendue, mieux vaut dire qu’on s’est fait voler son sac... « J’ai appris à ne compter que sur moi-même, confie Shahinaz Abdel Salam, une informaticienne de 35 ans. Ces dernières années, au Caire, j’avais toujours des pierres dans mon sac. » On dirait que les femmes n’ont pas leur place dans l’espace public. Beaucoup de chemin avait pourtant été parcouru en Egypte depuis qu’une pionnière, Hoda Chaaraoui, de retour d’un congrès féministe en Europe, en 1923, s’était spectaculairement dévoilée en public. Un scandale toléré à l’époque parce que la classe dirigeante était tournée vers l’Europe et soucieuse de lui ressembler. Dans les années 1950 et 1960, sous Nasser, l’occidentalisation des moeurs s’est poursuivie, malgré la lutte contre l’impérialisme : les femmes ont obtenu le droit de vote, accédé plus largement à l’instruction et à des emplois. Leur statut personnel s’est encore amélioré au temps de Sadate, avec les lois « Jihane » (du nom de l’épouse de Sadate) qui ont réduit les inégalités dans le couple.

    VAGUE DE « RÉISLAMISATION »

    Mais certaines de ces avancées ont été remises en cause par la vague de conservatisme et de « réislamisation » des décennies suivantes. Le statut des femmes a alors évolué en dents de scie. Quoiqu’illégale depuis 2008, l’excision est encore massivement pratiquée, avec la complicité de nombreux médecins, dans le but de réduire le plaisir féminin. Vieille coutume nilotique, cette mutilation n’est pas requise par l’islam, mais un machisme forcené a réussi à la transformer en précepte islamique !

    Le taharosh a pris une autre dimension avec des agressions collectives différentes des « tournantes » en France : il ne s’agit pas de quelques violeurs qui, à tour de rôle, abusent de leur victime, mais de dizaines, voire de centaines d’hommes, qui se jettent sur une ou plusieurs femmes, souvent lors d’une manifestation, pour arracher leurs vêtements, les toucher, les pénétrer avec leurs doigts, les battre ou les blesser. Plusieurs agressions de ce genre avaient été signalées ces dernières années lors de fêtes religieuses. En 2006, des jeunes femmes avaient été attaquées par une meute d’inconnus, en plein centre du Caire, sans que la police n’intervienne.

    La première explication qui vient à l’esprit est la frustration sexuelle, entretenue par une consommation effrénée d’images pornographiques. Le chômage et la difficulté de se loger retardent l’âge du mariage, alors que les relations hors alliance sont prohibées. Mais cette explication est insuffisante, car, dans les formes de taharosh, on a affaire à des agresseurs de tous âges et de tous milieux sociaux, parfois mariés à deux ou trois femmes.

    FRUSTRATIONS D’UN AUTRE GENRE

    Ce sont des frustrations d’un autre genre qui s’expriment - ou s’ajoutent - quand des groupes venus de quartiers défavorisés investissent le centre-ville et se jettent comme des loups sur des passantes. « Ces hommes n’ont rien, remarque Ayyam Wassef, militante associative. Ils ont été eux-mêmes humiliés, lors de leur service militaire ou après une arrestation. Dès qu’ils peuvent trouver une petite revanche, ils passent à l’acte, se jettent sur une femme, la déshabillent et observent sa peur, la photographient avec leur téléphone. L’appareil photo en guise de pénis... »

    Le harcèlement s’explique aussi par la transformation progressive de la société depuis le milieu des années 1970. A cette époque, les Egyptiens, peuple sédentaire par excellence, ont été encouragés à chercher du travail à l’étranger. Beaucoup de gens modestes sont partis dans des pays du Golfe, pour revenir ensuite avec des épouses voilées, de l’argent plein les poches et des idées wahhabites.

    BUTIN SEXUEL

    Ces nouveaux riches ont eu une influence d’autant plus grande sur la société qu’ils étaient relayés par le militantisme islamique dans les quartiers. L’Etat, en pleine libéralisation économique, s’est désengagé de certains secteurs comme la santé, permettant à des groupes fondamentalistes de prendre la relève, avec d’importants soutiens financiers venant d’Arabie saoudite ou du Qatar. Le régime Moubarak a lui-même contribué à renforcer leur influence, en donnant des facilités aux salafistes - sur l’accès aux ondes, par exemple - pour contrer les Frères musulmans.

    La référence islamique a pris une place démesurée dans l’espace public ; c’est à travers elle désormais que s’évalue la respectabilité des institutions et des personnes. Comme le souligne le sociologue Jean-Noël Ferrié, auteur de L’Egypte entre démocratie et islamisme (Autrement, 2008), tout le monde voulant paraître respectable, chacun affecte de suivre les règles islamiques et s’indigne de ceux qui ne le font pas. Logiquement, cette « réislamisation » de la société aurait dû conduire à un plus grand respect des femmes, mais c’est le contraire qui se produit. Dans ses Chroniques de la révolution égyptienne (Actes Sud, 2011), l’écrivain Alaa El-Aswany explique : « Les wahhabites ne voient en la femme qu’un réceptacle sexuel, un instrument de tentation ou un moyen d’avoir des enfants. Ce qui les préoccupe le plus, c’est de recouvrir le corps de la femme et de l’isoler autant que possible de la fréquentation de la société, pour repousser le mal qui peut venir de sa séduction. » La femme qui est perçue uniquement comme un corps, source de tentation, devient ainsi un butin sexuel.

    LA LOI DU SILENCE

    La victime d’un viol n’est guère encouragée à déposer plainte. Policiers et magistrats ont tendance à l’en dissuader, quand ce n’est pas la famille de l’agresseur qui la menace de représailles. Elle est souvent sommée par ses proches de ne rien dire. Il ne faut pas que la honte retombe sur la famille. Car, quand une femme est « souillée », c’est l’homme - le mari, le père ou le frère - qui est atteint dans son honneur !

    Le taharosh, longtemps nié, est devenu un débat national grâce à une femme courageuse de 27 ans, Noha Rochdi. Agressée en 2008 par un chauffeur de minibus, elle a osé porter l’affaire devant les tribunaux. Malgré les quolibets et les rumeurs ignobles propagées sur son compte, elle a réussi à faire condamner l’agresseur à trois ans de prison.

    AU MILIEU DE LA LIESSE POPULAIRE

    Le cinéaste Mohamed Diab, qui assistait au procès, a décidé d’en tirer un film. Les Femmes du bus 678, sorti en 2011, met en scène trois jeunes habitantes du Caire, appartenant à des mondes différents, victimes d’agressions sexuelles. Elles décident de punir physiquement les agresseurs... Si le film ne fait pas toujours dans la dentelle, il a battu des records d’entrées et a sensibilisé les Egyptiens au fléau du harcèlement. Mohamed Diab a gagné les procès qui lui ont été intentés pour avoir prétendument sali l’image du pays.

    Les Femmes du bus 678 est sorti juste avant le soulèvement populaire de janvier et février 2011 qui, en dix-huit jours, a chassé Hosni Moubarak du pouvoir. Un remarquable civisme régnait alors place Tahrir. Pas un seul cas de harcèlement n’a été signalé, alors que des manifestantes y dormaient. Malheureusement, le dix-huitième jour, au milieu de la liesse populaire, une envoyée spéciale de la chaîne américaine CBS, Lora Logan, a été sauvagement agressée par plus de 200 hommes. Au cours des mois suivants, deux journalistes françaises, Carole Sinz, de France 3, et Sonia Dridi, de France 24, attaquées de la même façon, ont été secourues à grand-peine.

    CALVAIRE

    Mais la plupart des victimes sont égyptiennes. Une jeune manifestante, Yasmine Al-Baramaoui, a subi un calvaire en novembre 2012. Elle a tenu à le raconter à la télévision, alors qu’on lui avait demandé de se taire « pour ne pas ternir l’image de la révolution ». Elle a répliqué avec colère : « Nous avons fait la révolution au nom de notre dignité, et vous voulez que je me taise ! » Yasmine se trouvait ce jour-là sur la place Tahrir avec d’autres militantes. « Au début, a-t-elle précisé, ils étaient une dizaine, ils formaient un petit cercle autour de nous. Puis d’autres cercles se sont ajoutés. Nous avons été séparées les unes des autres. J’ai été battue, jetée à terre, violée avec leurs mains, blessée avec des couteaux. Des personnes ont essayé de me venir en aide, elles n’ont rien pu faire... » Montrant aux téléspectateurs ses habits déchirés, elle a ajouté : « Je ne suis allée ni dans un commissariat ni dans un hôpital, je ne leur fais pas confiance. Mais je vais déposer plainte contre le président de la République, le premier ministre et le ministre de l’intérieur. »

    Tout indique qu’il s’agit d’actes prémédités, organisés. Ainsi, en un jour, lors du deuxième anniversaire de la révolution, le 25 janvier, on a enregistré une vingtaine d’agressions de ce genre. « Ils ne cherchaient pas à se donner du plaisir, ils voulaient me faire mal », a dénoncé Yasmine. « Ces hommes n’emploient ni les mots ni les gestes habituels des violeurs, ils ne sont même pas excités sexuellement », remarque Hanna Youssef, ingénieure.

    Déposer plainte n’est pas facile, même quand l’agression a été en partie filmée par des témoins. Car, dans la mêlée, on a du mal à distinguer les agresseurs des secours. De faux chevaliers blancs en profitent pour attirer une autre victime potentielle dans un piège et se jeter sur elle. Désormais, lorsque des groupes de femmes manifestent, elles sont accompagnées d’une escouade d’hommes pour les défendre, comme les Tahrir Bodyguard. Mais il arrive que ces volontaires soient agressés par des assaillants plus nombreux. Dans la bagarre, on ne sait plus qui est qui.

    UN TERME SOURCE DE CONFUSION

    Le terme taharosh est source de confusion, car il désigne toute une gamme de comportements, allant de la drague - célébrée par le film ou la chanson - jusqu’aux viols collectifs. La multiplication de ceux-ci depuis deux ans tient en partie à la crise des institutions. L’Etat donne l’impression de s’effondrer, en tout cas de ne plus rien contrôler. La police est en pleine débâcle, et nombre de délinquants, parfois évadés de prison, ont le champ libre, utilisant des armes à feu venues de Libye. On avait tablé sur l’armée pour assurer l’ordre. Mais celle-ci a démontré son incompétence ou sa brutalité. Les révolutionnaires ne lui pardonnent pas les stupéfiants « tests de virginité » qu’elle a infligés à des manifestantes arrêtées le 9 mars 2011, lors de la Journée de la femme.

    « Le harcèlement est un rapport de pouvoir, une manière de signifier que la rue appartient aux hommes », affirme Evine Naga, une militante féministe qui a créé en Egypte une société développant... les énergies nouvelles. Elle ne fait pas de différence entre les « commandos » actuels et les baltagueyas (« mercenaires et voyous ») qui, du temps de Moubarak, voulaient terroriser des manifestantes de la même façon, le 25 mai 2005, devant le siège du syndicat des journalistes, au Caire. Elle dénonce « un pouvoir islamiste, obscurantiste, qui, sous prétexte de charia et de traditions, veut emmurer les femmes et anéantir la révolution ».

    « ESPACES MASCULINS »

    Il faut dire que les Frères musulmans, qui gouvernent le pays, ont réagi à ces violences de manière lamentable : soit en promettant de vagues mesures qui n’ont pas reçu l’ombre d’une application ; soit en rendant les victimes responsables de ce qui leur arrivait. Les femmes qui vont manifester place Tahrir savent pertinemment qu’elles se trouvent au milieu de voyous, ont dit en substance des membres de la commission sénatoriale... des droits de l’homme. Elles portent des tenues « indécentes » ou se trouvent dans des « espaces masculins ». On a entendu des propos ahurissants à la télévision. Un prédicateur fondamentaliste, le cheikh Abou Islam, a dit sur la chaîne privée Al-Oum : « Celles qui vont place Tahrir sont des femmes nues, non voilées, des veuves et des croisées qui ne cherchent qu’à se faire violer. »

    On n’a plus seulement une société à deux vitesses, avec des inégalités croissantes, mais deux Egypte. L’une se caractérise par le repli identitaire, alors que le pays n’a jamais été aussi ouvert sur le monde extérieur grâce aux chaînes satellitaires et à Internet ; l’autre, par une volonté farouche de se libérer d’une double oppression, politique et religieuse. Le statut de la femme est au cœur de ce conflit. Depuis plusieurs années, des blogueuses qui n’ont pas froid aux yeux se sont fait un nom sur la Toile. Shahinaz Abdel Salam, l’une des plus connues, se souvient qu’elles n’étaient qu’une vingtaine à manifester en avril 2009, dans le quartier populaire du Moqattam, au Caire, après une agression. Aujourd’hui, malgré les tentatives d’intimidation, c’est par centaines que les femmes, voilées ou non, descendent dans la rue pour dénoncer le « harcèlement sexuel ». Un terme vague et bien faible pour désigner les violences qui leur sont faites, y compris à la maison.

    « Les Egyptiennes sont harcelées de tous côtés : physiquement, psychologiquement, socialement, économiquement, affirme l’essayiste Ghada Al-Wakil. L’Egypte s’est couverte de voiles. Dans ma jeunesse, nous étions en maillot de bain sur les plages. D’où sortent tous ces voiles ? C’est une culture du désert, qui n’est pas la nôtre. J’ai porté le foulard trois mois, je voulais faire l’expérience. Je me suis sentie déguisée. Plus jamais ! J’ai passé des nuits sur la place Tahrir. Je n’ai pas de leçon à recevoir de ces prêcheurs barbus, je suis musulmane et vaccinée. Nous avons vaincu la peur. Ils n’ont pas fini de nous entendre. »

    Robert Solé

    « LES FEMMES DU BUS 678 »
    film égyptien de Mohamed Diab. Avec Nelly Karim, Maged El-Kedwany et Bassem Samra (1 h 40). 1 DVD Pyramide Vidé.

    SUR LE WEB

    « THE STATUS OF EGYPTIAN WOMEN IN 2012 »
    (« LE STATUT DES FEMMES ÉGYPTIENNES EN 2012 »)

    Le rapport, en anglais, de l’ONG Centre égyptien pour les droits
    des femmes : www.ecwronline.org

    * « Le harcèlement sexuel, la onzième plaie d’Egypte ». LE MONDE CULTURE ET IDEES | 25.04.2013 à 16h30 • Mis à jour le 30.04.2013 à 15h01 :
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/04/25/harcelement-sexuel-la-onzieme-plaie-d-egypte_3166607_3224.html

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36960

  • Algérie. «Il faut reconstruire l’espoir parmi les travailleurs et les travailleuses, les jeunes, tous les opprimé·e·s, désorientés.» (Al'Encontre.ch)

    Soumia Salhi

    Soumia Salhi

    Le projet de révision constitutionnelle approuvé lundi par le Conseil des ministres consacre, entre autres,  «la parité entre les hommes et les femmes sur le marché de l’emploi ». Mme Soumia Salhi militante féministe et syndicaliste revient sur cette disposition. Le quotidien El Watan a décidé de suspendre provisoirement l’espace réservé aux réactions des lecteurs, en raison de la multiplication de commentaires extrémistes, racistes et insultants. (Rédaction)

    Le projet sur la révision de la constitution consacre la parité homme/femme. En tant que militante pour l’émancipation de la femme, que vous fait une telle décision?

    C’est un pas positif. Nous revendiquons la parité, nous y travaillons depuis toujours. Bien sûr, l’objectif central du projet de révision de la Constitution est de revenir sur la concentration des pouvoirs édictée en 2008 par la précédente révision. Mais, nous héritons à chaque fois de l’introduction de principes généreux en faveur des femmes. Après la promotion des droits politiques de la femme en 2008 et l’imposition qui en a résulté d’une représentation féminine dans les assemblées élues, nous avons en 2016 l’affirmation d’un objectif de parité dans le monde du travail et d’une promesse d’action de l’Etat pour l’accès des femmes aux responsabilités. Il eut été judicieux d’opter pour une rédaction plus claire qui édicte l’objectif de parité partout dans la société, au travail comme au niveau des responsabilités professionnelles, syndicales et politiques. Il est bon d’inscrire aussi l’obligation qui en résulte d’action de l’Etat pour promouvoir cet objectif. Les modalités sont accessoires et nous en débattrons dans la société au cours du lent cheminement nécessaire

    Alors que cette parité est consacrée par la Constitution la réalité du terrain est tout autre. Les différents organismes et classements mondiaux, tel que le Forum Economique Mondial mettent l’Algérie, à la queue du peloton…..

    Oui je sais, on classe parfois l’Algérie derrière les pays du Golfe qui sont, comme chacun sait, des paradis pour le sort des femmes. Ces classements sont des outils de propagande des puissants, si l’Algérie leur vendait Sonatrach elle gagnerait des dizaines de places. Nulle part au monde, la parité n’est réalisée et ce, même dans les pays les plus avancés dans le domaine de l’égalité homme femme, les pays nordiques. Le dernier rapport mondial sur la parité estime qu’il nous faut patienter 81 ans pour atteindre la parité au travail! Aucun pays n’a atteint la parité à tous les niveaux.

    Pour nous, la parité est un objectif de notre lutte et nous marquons des points. Notre société est en train de passer d’une société rurale caractérisée par la grande famille patriarcale où l’oppression des femmes est radicale à une société urbaine basée sur la petite famille mononucléaire et le salariat féminin qui se développe et bouleverse les pratiques sociales.

    Les mentalités sont restées proches de celles qui correspondaient à l’ordre social antérieur, aujourd’hui largement disparu. Les pratiques sociales changent dans la douleur. C’est connu, les mentalités sont toujours en retard sur l’évolution sociétale et la vague régressive des années 1990 tire aussi ses origines de ce gigantesque bouleversement en cours qui voit l’émergence de la femme algérienne et son irruption dans la vie publique. Quand j’ai commencé à militer pour les droits des femmes, les statistiques disaient que 97% d’entre nous étaient des femmes au foyer. Trois à quatre dizaines d’années plus tard nous sommes une sur six à travailler, la moitié des cadres de la santé et de l’éducation, 40% des juges, un tiers des députés… sur certains critères nous sommes très en  avance mais globalement nous sommes bien en retard par rapport aux pays développés où le salariat sape les bases économiques du patriarcat depuis plusieurs siècles sans en avoir fini, d’ailleurs, avec l’idéologie patriarcale

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    Que faudrait-il faire pour concrétiser, sur le terrain, l’égalité des sexes, selon vous?

    C’est un combat complexe, un combat sur plusieurs plans. La revendication de l’émancipation des femmes, et donc de la fin de l’oppression subie, n’est pas une abstraction produite par des esprits purs. Notre action est rendue possible par une évolution objective de la société. L’égalité promise par toutes les constitutions depuis 1962 témoigne de l’élan généreux du mouvement de libération nationale, mais elle ne pouvait se concrétiser pour ma mère et les femmes de sa génération, enfermées ou marginalisées dans l’espace féminin du village, souvent analphabètes… Les moudjahidates [les femmes ayant combattu pour l’indépendance face à la Frabce coloniale], si importantes par la légitimité qu’elles nous procurent, étaient un petit groupe marginalisé. Mais la scolarisation massive depuis l’indépendance a provoqué une présence massive des jeunes femmes dans l’espace public en contradiction avec la loi non écrite de l’ordre patriarcal.

    C’est le début du mouvement féministe, refus du code de la famille inégalitaire mais aussi sur des questions plus immédiates comme l’autorisation de sortie pour les femmes. Alors que l’urbanisation bouleverse la donne sociale, l’arrivée des diplômées sur le marché du travail réhabilite toutes les travailleuses, réorganise l’espace public et impose une mise à jour des pratiques sociales. Ce processus ne s’est pas ralenti même durant la décennie 90. Des questions nouvelles sont mises en discussion dans la société : harcèlement sexuel, violence, accès aux responsabilités, apport économique des femmes dans le couple…

    Il y a une dialectique entre la lutte idéologique contre les mentalités rétrogrades, les combats concrets sur le terrain socio-économique et les combats juridiques pour transcrire nos droits dans les lois du pays. Ce que nous visons c’est changer la réalité dans la société. A côté du succès remarquable obtenu au plan législatif contre les violences faites aux femmes, par exemple, notre victoire est que notre campagne est devenue un fait de société, un sujet de conversation courant et que cela favorise le changement de comportement. Et comment les femmes seraient-elles des égales si elles n’ont pas la possibilité de l’autonomie économique, celle d’un salaire, d’un logement. Comment pourraient-elles être plus nombreuses au travail s’il n’y a pas une socialisation des tâches ménagères par des garderies, des cantines et des transports scolaires.

    L’Algérie a adopté en 2008, le système de quota. En plus d’assurer une meilleure représentativité de la femme dans les assemblées, ce système a-t-il permis une meilleure implication de la femme dans la gestion des affaires publiques et dans la prise de décisions?

    Nous en sommes encore au niveau symbolique mais le symbole est plus visible. 30% d’élues à l’APN (Assemblée populaire nationale) c’est encore peu fréquent dans le monde. Mais aucune sénatrice chez les partis. Le pouvoir est encore masculin, dans les pays comme le nôtre il l’est un peu plus que dans certains pays développés. Et la société résiste encore à cette reconnaissance. Pourtant la crise de l’école fait une large majorité féminine au bac et parmi les diplômés. Sans une politique de quota on ne peut pas progresser. Les femmes sont encore largement minoritaires au niveau des responsabilités mais ce qui a changé c’est que des voix féminines participent à la vie publique, aux débats de la société. Nous sommes devenues visibles, incontournables. Nous sommes au début d’un lent processus qui mène à la parité.

    Certains parlent d’une sorte d’absentéisme de la nouvelle génération dans tout ce qui est militantisme et action citoyenne. Partagez-vous ce constat et quelle en seraient les raisons à votre avis ?

    Notre génération vient d’une époque d’espoir et nous sommes passées à ce moment d’effondrement du mouvement ouvrier qui structurait auparavant l’action démocratique. Mais soyons sérieuses, dans les années soixante-dix nous étions une poignée dans quatre grandes villes du pays, aujourd’hui il y a, à travers le pays, des centaines de collectifs féminins les plus divers. Des jeunes, beaucoup de jeunes activent. Mais les collectifs militants ont le plus souvent laissé place à des activités associatives rythmées par les projets des ONG ou ceux du gouvernement. Les autres sont invisibles. Enfin on en est tous là à travers le monde. Il faut reconstruire l’espoir parmi les travailleurs, les travailleuses, les jeunes, les femmes et tous les opprimé·e·s complètement désorientés. (Entretien publié dans El Watan le 13 janvier 2016)

    Publié par Alencontre1 le 14 - janvier - 2016
  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • Maroc, pays de l’hypocrisie et de la violence machiste et d’État ! (Emancipation)

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    Que la prostitution soit pratique courante dans un pays où la sexualité est fortement encadrée par une morale religieuse et sociale des plus obtuses et hypocrites, pour toute personne ayant vécu au Maroc est une évidence.

    Dès leur plus jeune âge, les filles mais aussi les garçons issuEs des classes les plus pauvres n’ont que ce seul recours pour subsister… pour le plus grand plaisir d’une masse d’hommes qui en profitent plus que couramment !!!

    Mais qu’un film ose mettre sur la place publique – et internationale, qui plus est ! – la réalité marocaine dans ce domaine et tous les démons machistes se déchaînent. Loubda Abidar, l’actrice qui joue le rôle de l’une des prostituées du film Much loved , de Nabil Ayouch, l’a appris à ses dépens.

    Dans une lettre ouverte, publiée par Le Monde , en date du 12/11/2015, elle dénonce la censure conservatrice de l’État : le film a été interdit “avant même que la production demande l’autorisation, de le diffuser”[par]“un ministre qui ne [l’] avait même pas vu”, dit-elle.

    Alors, prolifèrent sur les réseaux sociaux insultes et menaces – orchestrées par les forces réactionnaires du pays – qui l’amènent à se cloîtrer chez elle puis à sortir en burka et qui se terminent par une folie barbare de jeunes en goguette qui la forcent à monter dans leur voiture. Quoi de plus héroïque que d’enlever, rouer de coups de pieds au visage et sur tout le corps une “sale pute” de ciné ? Quoi de plus glorieux que des policiers qui se moquent de la victime lorsqu’elle veut porter plainte et qui – après publication de sa lettre ouverte – portent plainte pour diffamation ?

    Loubda Abidar n’est pas seulement une “sale pute”, c’est aussi une mauvaise Marocaine : elle a quitté son pays pour s’installer en France. À croire que ce pays dont le roi a voulu, dès 2003, donner aux femmes un statut personnel plus progressiste que celui de la plupart des pays musulmans est rattrapé par les forces conservatrices les plus arriérées, à l’instar de certains autres royaumes proches-orientaux !

    Eliane Paul-Di Vincenzo mardi 22 décembre 2015

    http://www.emancipation.fr/spip.php?article1208

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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    • Women
      Basic Rights – Five things that Saudi Arabian women still cannot do

      , by GREENWOOD George

      Despite Saudi women standing for office for the first time, the country still has a long journey towards gender equality.
      Around 900 women will be standing among 7,000 people vying for seats on the county’s 284 local councils.
      However, despite finally winning a right in 2015 that British women (...)

    • Tunisie
      Tunisie : Droits violés et libertés menacées

      , par BARAKET Arroi

      A l’occasion de l’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
      Nawaat s’est adressée à trois organisations de défense des droits humains pour connaître leur évaluation de la situation des droits de l’Homme en Tunisie, cinq ans après le déclenchement de la révolution de la liberté et (...)

    • Régimes d'exception
      Appel des 1000 pour la levée de l’état d’urgence

      14 déc. 2015 — L’appel des 333 est devenu l’appel des 1000. Au total, ce sont plus de 9000 signatures qui ont été enregistrées ce jour.
      Continuons la campagne pour la levée de l’état d’urgence.
      Adressée à à tous les citoyens
      Pour la levée de l’état d’urgence
      Appel des 333 pour la levée de l’état (...)

    • On: Antiwar Struggles
      After November 13: A war: in whose interest ? – “France is always at war”

      ,

      Petition launched in France against the war policy of the presidency after the deadly and murderous killings by the Islamic State in Paris, Novembre 13, 2015.
      A war: in whose interest ?
      No single interpretation, no mechanistic explanation, explains the attacks. Does this mean we have to be (...)

    • Sur: Combat antiguerre
      A qui sert leur guerre ? – « La France est en guerre continuellement. »

      Ce texte, initialement paru comme tribune dans Libération le 25 novembre, s’est transformé en appel aujourd’hui signé par près de 5000 personnes. On peut continuer de le signer ici ! Change.org
      Aucune interprétation monolithique, aucune explication mécaniste n’élucidera les attentats. Faut-il pour (...)

  • Tunisie : cessez de punir les victimes (Amnesty)

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    La Tunisie a la réputation de montrer l'exemple en matière de droits des femmes et d'égalité des genres dans la région, mais cette renommée sonne creux quand on sait que la législation du pays permet encore aux violeurs de s'en sortir en toute impunité.

    Elle a été violée. Pour protéger son honneur, elle doit désormais épouser son violeur.

    Il a été agressé et maintenant il est accusé de sodomie.

    En Tunisie, si vous êtes victime de violences sexuelles, vous risquez d'être également la cible de sanctions tandis que votre agresseur reste impuni.

    Bien trop souvent, la législation manque à tous ses devoirs envers vous. Bien trop souvent, on vous dit de prendre sur vous pour supporter un mari violent. Bien trop souvent, vous n'avez personne vers qui vous tourner pour obtenir de l'aide. Bien trop souvent, on vous dit d'assumer.

    Et vous, la victime, vous qui avez survécu, vous vous retrouvez livré(e) à vous-même. Vous avez survécu au crime, et maintenant vous êtes victime de la loi.

    Ce n'est pas ce que l'on pourrait attendre d'un pays qui se targue de montrer l'exemple en matière de droits des femmes et d'égalité des genres dans le monde Arabe. Après tout, la Tunisie a légalisé l'avortement sur demande en 1973, soit deux ans avant la France.

    Mais en réalité, la belle réussite de la Tunisie est une histoire inachevée. Des failles dans la législation permettent encore aux violeurs de ne pas être inquiétés pour leurs crimes, des femmes violées par leur mari ne disposent d'aucune protection juridique et les rapports sexuels entre hommes ou entre femmes sont toujours illégaux. Ne serait-il pas temps que la Tunisie cesse d'accuser les victimes et commence à se pencher sur les failles de sa législation ?

    Une violence omniprésente à l'égard les femmes

    Selon une étude menée en 2010 par le ministère tunisien de la Santé, près de la moitié des femmes en Tunisie ont déjà subi des violences ; 15,7 % d'entre elles ont été victimes de violences sexuelles. Si l'on tient compte de la réticence bien réelle de nombreuses femmes à parler de la violence sexuelle de crainte d'être mises au ban de leur famille et de leur communauté, les véritables chiffres sont probablement bien plus élevés.

    L'enquête a également révélé que les violences familiales et conjugales étaient de loin les plus répandues. Pourtant, la législation tunisienne ne reconnaît pas le viol conjugal. En outre, la loi permet encore aux violeurs d'éviter les poursuites en épousant leur victime adolescente - une faille juridique qui a récemment disparu des textes de loi au Maroc.

    Les victimes de violences familiales s'entendent souvent dire par la police, ou même par leurs proches, qu'elles doivent « faire avec » ou « assumer [leurs] responsabilités », comme si les femmes devaient accepter que leur mari les violente.

    Les femmes censées supporter la violence

    Malgré de nombreuses grandes avancées en faveur des femmes en Tunisie, les comportements discriminatoires persistent. Les rapports sexuels sont considérés comme un devoir conjugal à la fois pour les hommes et pour les femmes mais, en réalité, cela signifie surtout que les femmes ont l'impression de devoir se soumettre aux exigences de leur mari.

    Une femme a déclaré à Amnesty International : « Dire non n'est pas une option, il n'aime pas ça, alors quel que soit mon état, que je sois fatiguée ou malade, je n'ai pas le choix. Si je dis non, il me force et me bat - jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il veut. » 

    Même si elle le souhaite, une femme aura du mal à dénoncer un viol commis sur elle par son mari car le viol conjugal n'est pas reconnu dans le droit tunisien. Les femmes engagées dans une relation avec un partenaire violent ne sont pas mieux loties : la police rechigne à prendre leurs plaintes au sérieux. 

    Une femme d'une quarantaine d'années a décrit à Amnesty International la manière dont son mari l'a rouée de coups un jour : « Quand nous sommes entrés dans la maison, il a commencé à me donner des coups de poing sur la tête et au visage et à me frapper avec sa chaussure. J'avais un œil au beurre noir », a-t-elle expliqué. Mais tenter de signaler cet épisode à la police ne l'a menée nulle part. 

    « J'ai porté plainte au poste de police et j'ai obtenu un certificat médical, après quoi la police a convoqué mon mari. Mais le policier était l'un de ses amis et il ne s'est rien passé. Tout ce que la police a fait, c'est lui dire de penser aux enfants. »

    Violé et accusé

    La réaction de la police face aux femmes est déjà loin d'être satisfaisante, mais lorsque vous êtes homosexuel et avez des relations sexuelles avec un homme, ce qui est illégal en Tunisie, la discrimination à laquelle vous êtes confronté est tout aussi forte, voire pire.

    Fin 2009, Hedi, 37 ans, a été arrêté et poursuivi pour relations sexuelles avec une personne du même sexe après qu'il eut signalé une agression. Il avait été poussé dans sa voiture par trois hommes alors qu'il quittait le domicile d'un ami. L'un des hommes l'a violé et son téléphone et son argent lui ont été dérobés. La police a demandé à Hedi de signer une déclaration.

    Distrait par l'arrivé de ses parents au poste de police, il a signé le document sans le lire. « J'ai été arrêté et placé dans une cellule », a-t-il déclaré. « Les trois hommes qui m'avaient agressé y ont eux aussi été placés. »

    Hedi a expliqué à Amnesty International que sa déclaration avait été modifiée et indiquait qu'il avait accepté d'avoir des relations sexuelles avec les trois hommes. Il a été condamné à six mois de prison mais libéré quatre mois plus tard, après que sa peine eut été réduite en appel.

    La riposte

    La situation n'est pas complètement noire. Les Tunisiens réclament déjà des changements législatifs afin d'en finir pour de bon avec les violences liées au genre et les violences sexuelles.

    L'affaire qui a tout déclenché, c'est celle de Meriem Ben Mohamed. En 2012, elle a été inculpée d'« atteinte aux bonnes mœurs » après avoir porté plainte contre deux policiers qui l'avaient violée.

    Les Tunisiens, scandalisés, se sont tournés vers les médias sociaux et sont descendus dans les rues pour protester jusqu'à ce que les charges soient abandonnées et les policiers traduits en justice. Grâce au soutien de l'opinion publique et de sa famille, Meriem a obtenu justice. En 2014, les policiers ont été condamnés à 15 ans de prison, une issue sans précédent dans une telle affaire.

    Plus récemment, le public s'est fédéré autour du cas de « Marwan », un étudiant de 22 ans condamné pour sodomie en septembre 2015 et dont le procès en appel est en cours.

    Le concert de protestations, au premier rang duquel se trouvent les militants tunisiens en faveur des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), soutenus par des militants des droits humains et des droits des femmes dans le pays et à l'étranger, a poussé les autorités à se réveiller et à prêter attention à la situation.

    C'est le meilleur moment pour que des personnes du monde entier s'allient aux militants tunisiens en relayant leur message. Avec une impulsion supplémentaire, les changements sont à portée de main.

    Il est temps pour la Tunisie de ne plus laisser les violeurs s’en sortir, de cesser de prétendre que le viol conjugal n’est pas un viol, de cesser d’emprisonner des hommes parce qu’ils sont homosexuels. On dit aux victimes de violences sexuelles et liées au genre de « faire avec », mais n’est-il pas temps pour les autorités tunisiennes d'assumer leurs responsabilités ?

    En août 2014, les autorités ont promis de protéger et de soutenir les victimes de ce type de crimes. Il est désormais temps pour la Tunisie de marquer l'histoire en tenant cette promesse.

    https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2015/12/my-body-my-rights-tunisia/ 

  • Le Caire, un BD contre le harcèlement (The Guardian)

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    http://www.theguardian.com/world/2015/oct/28/comics-sexual-harassment-cairo-metro

    https://www.facebook.com/Imprint.Movement.eg/timeline