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Immigration - Page 2

  • Débat: «Une génération» qui refuse le «récit européen» (Al'Encontre.ch)

    Fouad Laroui

    Fouad Laroui

    Entretien avec Fouad Laroui
    conduit par Dominique Berns

    Fouad Laroui est écrivain. Marocain, il a étudié en France il vit (et enseigne) à Amsterdam. Depuis dix ans – et son essai De l’islamisme. Une réfutation personnelle du totalitarisme religieux – il met en garde: une «génération perdue» est en train de se former en Europe: des jeunes, d’origine arabe, qu’ils soient français, belges, néerlandais… qui refusent le «récit européen» et ruminent une histoire alternative, celle de l’humiliation du monde arabe par l’Occident. Il faut, dit-il, «réécrire l’histoire du XXe siècle, en ayant le courage (ou la folle ambition) d’intégrer tous les récits, celui des perdants aussi, de ceux qu’on a colonisés, à qui on a fait des promesses vite oubliées».

    Les attentats nous révoltent. On y voit souvent le surgissement de la barbarie, de l’obscurantisme dans un siècle qu’on voulait croire civilisé, l’œuvre de «fous de Dieu». Quelque chose qu’on ne peut finalement pas comprendre. Vous refusez cette analyse. Pourquoi?

    La folie existe, mais elle est toujours individuelle. Un homme peut faire une bouffée délirante, sortir dans la rue, tirer dans la foule… Mais comment expliquer que l’«État islamique» soit aussi bien organisé, bien reçu par les populations où il s’est implanté? Folie de masse? Ça n’existe pas! Comment expliquer que des jeunes Français ou Belges d’origine arabe soient réceptifs au discours djihadiste? Si on veut comprendre cela, pour essayer d’y remédier, il faut dépasser la première réaction, épidermique, qui consiste à se détourner avec horreur, à parler de folie, de barbarie…

    Vous proposez de chercher les racines de l’engagement djihadiste dans un «récit arabe», une autre vision de l’Histoire, celle de l’humiliation du monde arabe par l’Occident qui a trahi la promesse d’un grand royaume arabe, faite par Lawrence d’Arabie et le haut-commissaire britannique en Egypte Henry McMahon. Ce récit, dites-vous, est cohérent, structuré; et il fait concurrence au récit européen en Europe même. Mais ce n’est pas nouveau…

    Ce qui est nouveau, c’est que, depuis une vingtaine d’années, le récit arabe est devenu audible. Les chaînes satellitaires et internet le diffusent. Quand je faisais mes études à Paris, je n’avais à ma disposition, pour m’informer, que les trois chaînes de la télévision française, Le Monde, Le Point ou l’International Herald Tribune. Et puis les télés satellitaires sont apparues. Je me suis mis à regarder Al Jazeera et j’ai découvert que des gens intelligents et éloquents parlaient de l’Histoire du XXe siècle, et en particulier du conflit palestino-israélien, d’une façon totalement différente de celle à laquelle j’étais habitué en Europe. Le discours qui sous-tend leur point de vue est aussi cohérent, clair et «vrai» que le discours qui sous-tend les points de vue qui s’exprimaient dans les médias européens.

    Ce sont de «vieilles histoires», non?

    Les vieilles histoires, les vieux traumatismes, surtout ceux qui ne sont pas résolus, déterminent une bonne partie de ce que nous sommes. Même quand ces conflits ont été effectivement réglés, comme les guerres de religion en Europe il y a plusieurs siècles, ils ont été réglés sur des bases qui déterminent la façon dont les sociétés fonctionnent aujourd’hui. On ne peut pas faire l’impasse sur la façon dont les Arabes racontent leur histoire sous prétexte que c’est le passé.

    Le monde arabe – et ses enfants, nés belges ou français – ressasserait l’échec du nationalisme arabe…

    Les Français, les Japonais, les Russes sont nationalistes au sens où la nation constitue un cadre essentiel dans la définition de ce qu’ils sont. Pour les Arabes, c’est plus compliqué car les États dans lesquels ils vivent sont plus réduits que l’État idéal et utopique qui les rassemblerait tous. Mais, justement, l’absence de cet État, ils tendent à l’attribuer à l’action de l’Occident: colonialisme, trahisons diverses, complots, etc.

    Comment les Irakiens sunnites interprètent-ils leur histoire récente? En 2003, George Bush et Tony Blair ont menti délibérément – les «armes de destruction massive» qu’on n’a jamais retrouvées – pour détruire l’État irakien, dominé par les sunnites.

    Puis, ils ont donné le pouvoir aux chiites, alliés naturels de l’Iran, l’ennemi héréditaire des Arabes sunnites. Ceux-ci y voient la continuation du complot commencé il y a un siècle avec la trahison de la promesse de Lawrence d’Arabie, les accords Sykes-Picot [accords secrets signés entre la France et le Royaume-Uni sur le partage du Proche-Orient après la guerre], la déclaration Balfour [par cette déclaration – lettre publique publiée dans le Times – le Royaume-Uni se déclare en faveur de l’établissement en Palestine d’un foyer national juif]…

    Cela forme une thèse parfaitement cohérente, répétée à l’envi sur les chaînes satellitaires. Allez prouver qu’elle est fausse.

    Ce ne serait donc pas, fondamentalement, une question de religion?

    Non, c’est une question d’histoire, de politique, de géostratégie, etc. Ou alors, si on veut absolument parler de religion, pourquoi ne parle-t-on pas des fondamentalistes protestants américains qui ont porté George Bush au pouvoir? Pourquoi ne parle-t-on pas de leur sionisme viscéral? Pourquoi ne parle-t-on pas de la conversion au catholicisme de Tony Blair? La religion n’est utilisée que pour expliquer ce que font les «musulmans», comme s’ils ne pouvaient, eux, avoir d’autres raisons d’agir. C’est curieux, non? Et d’autant plus absurde que le parti baath irakien, détruit par George Bush (qui se vantait de ne jamais rien lire d’autre que la Bible), était fondamentalement laïque… On nage en plein surréalisme.

    Si ce «récit arabe» parle à de nombreux jeunes Belges, Français… liés, par leur histoire familiale, au monde arabe, seule une petite minorité bascule dans le terrorisme. Néanmoins, vous craignez une «génération perdue». Pourquoi?

    Si on n’entend pas leur discours, si on continue de les sommer d’abandonner ce en quoi ils croient, ils vont se marginaliser encore plus. Ce sera la «génération perdue», exclue ou auto-exclue de la société. Ce n’est pas en ostracisant et en insultant, comme le font Zemmour, Finkielkraut…, tous ceux qui ont un autre récit que le récit européen/américain qu’on éradiquera la haine. Il faut, au contraire, admettre la part de vérité qu’il y a dans chaque récit. Ensuite on peut s’asseoir et discuter.

    L’école serait dès lors le lieu par excellence où organiser ce dialogue; et l’éducation au «vivre-ensemble», une partie de la solution. Mais cela «sonne faux», dites-vous. Pourquoi?

    Imaginez un récit américain qui consisterait à dire à de petits Indiens qu’il est tout à fait juste que leurs ancêtres aient été massacrés puis parqués dans des réserves. Ne pensez-vous pas qu’il sonnerait faux? De la même façon, comment voulez-vous présenter à l’école ou au collège, en France ou en Belgique, l’Histoire du monde vue comme le triomphe progressif de l’idée européenne de progrès, de justice, de civilisation, alors qu’Al Jazeera montre tous les jours des réfugiés palestiniens croupissant dans des camps, la guerre en Syrie, les attentats suicides en Irak, et présente cela comme la conséquence de la politique américaine ou européenne?

    Vous rêvez qu’on puisse, ensemble, réécrire l’Histoire en y intégrant tous les récits, y compris celui des «perdants». Que serait ce méta-récit?

    Il ne s’agit pas de réunir des représentants de tous les points de vue et de leur demander de rédiger un manuel de savoir-vivre ensemble… Il s’agit de parler, de publier, de constituer une archive, un «discours» dans lequel les deux récits finiraient par constituer un fonds commun, sans angle mort, qui permettrait à chacun de se faire une idée plus correcte de ce qui se passe dans le monde depuis un siècle…

    Cette idée, vous la proposez depuis 2006… sans succès.

    C’est peut-être une folle ambition, mais où est l’alternative? La guerre? De toute façon, la constitution d’un méta-récit ne se fera pas en une nuit. C’est une œuvre de longue haleine.

    D’une certaine manière, ce serait dire: «si nous en sommes là, ce serait faute d’avoir réglé le conflit du Proche-Orient, après avoir trahi la promesse de Lawrence d’Arabie». Ne serait-ce pas justifier implicitement les actes terroristes?

    Manuel Valls a dit: «Expliquer le djihadisme, c’est le justifier.» Mais cette phrase est à la fois fausse et dangereuse. Comment peut-on résoudre un problème si on n’en fait pas d’abord une analyse précise? Ne pas expliquer, ne pas comprendre, c’est se condamner à un conflit sans issue, à une guerre interminable. (30 mars 2016, entretien publié dans Le Soir.be).

    Publié par Alencontre le 31 - mars - 2016
     
  • Nouveautés sur "Lutte Ouvrière"

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    Image: Lénine et Trotsky en langue arabe

  • Algérie: violences contre des migrants dans la ville de Béchar (Anti-k)

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    Vendredi 25 mars, à l’heure de la prière, des dizaines d’habitants attaquent un ancien marché couvert où vivent des migrants subsahariens. Les migrants sont nombreux dans la ville, notamment parce qu’il y a beaucoup de travail sur les chantiers de construction.

    Les habitants déclarent à plusieurs journalistes que des migrants ont essayé d’agresser une petite fille. Mais aucune source judiciaire ou sécuritaire n’est en mesure de confirmer. Une centaine de migrants sont blessés, par arme blanche. Leurs habitations sont pillées puis incendiées.

    « Ils nous jetaient tout ce qu’ils ramassaient. Ils étaient tellement nombreux et nous aussi on leur a relancé les pierres, témoigne Vidal, un Camerounais qui fait partie des victimes. Ils ont commencé à casser tout ce qu’ils voyaient. Et tout cela se passait en la présence de la police. Il y a même certains policiers qui jetaient des cailloux sur nous. »

    Selon plusieurs témoignages, les migrants ont tenté d’appeler la police à l’aide, mais leurs appels n’ont pas été pris en considération. Lors de l’intervention des forces de l’ordre, c’est du côté des habitations de migrants que sont tombés les gaz lacrymogènes.

    Dans l’après-midi, le calme revient, mais plus d’une centaine de migrants sont emmenés par la police. On leur demande de quitter la ville. Certains partent vers la ville saharienne d’Adrar, d’autres prennent le bus vers la ville du nord d’Oran, sans passer par l’hôpital, de crainte d’être agressés à nouveau.

    La ligue des droits de l’homme dénonce la montée d’un racisme et d’une xénophobie insupportable. Début mars, des violences similaires ont eu lieu dans la ville de Ouargla, à 700 kilomètres de là. C’est ce qui avait poussé les autorités à expulser de la ville plus de 2 000 migrants.

  • Les femmes réfugiées risquent agressions, exploitation et harcèlement sexuel lors de leur traversée de l’Europe (Amnesty)

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    Les gouvernements et organismes d’aide humanitaire manquent à leur devoir de fournir la protection la plus élémentaire aux femmes réfugiées arrivant de Syrie et d’Irak.

    De nouvelles recherches effectuées par Amnesty International montrent que les femmes et les jeunes filles sont exposées à des violences, à des agressions, à l’exploitation et au harcèlement sexuel à toutes les étapes de leur trajet, y compris sur le territoire européen.

    Le mois dernier, l’organisation a recueilli en Allemagne et en Norvège les propos de 40 réfugiées qui s’étaient rendues en Grèce depuis la Turquie, avant de traverser les Balkans. Toutes ces femmes ont dit s’être senties menacées et en danger pendant leur périple. Beaucoup ont indiqué que dans presque tous les pays qu’elles ont traversés, elles ont connu agressions physiques et exploitation financière, ont été touchées de manière inappropriée ou ont subi des pressions visant à les inciter à avoir des relations sexuelles avec des passeurs, des employés chargés de la sécurité ou d’autres réfugiés.

    « Après avoir connu l’horreur de la guerre en Irak et en Syrie, ces femmes ont tout risqué pour se mettre en sécurité avec leurs enfants. Mais à compter du moment où leur trajet commence, elles sont de nouveau exposées à la violence et à l’exploitation, sans grand soutien ni protection », a déclaré Tirana Hassan, responsable de la réaction aux crises à Amnesty International.

    Des femmes et des jeunes filles voyageant seules, et d’autres seulement accompagnées de leurs enfants se sont senties particulièrement menacées dans les zones et camps de transit en Hongrie, en Croatie et en Grèce, où elles ont été forcées à dormir aux côtés de centaines d’hommes réfugiés. Dans certains cas, des femmes ont quitté les zones désignées, choisissant de dormir dehors sur la plage parce qu’elles s’y sentaient plus en sécurité.

    Des femmes ont également dit avoir dû utiliser les mêmes salles de bains et douches que les hommes. Une femme a raconté à Amnesty International que dans un centre d’accueil en Allemagne, des réfugiés de sexe masculin allaient regarder les femmes lorsqu’elles utilisaient la salle de bains. Certaines ont pris des mesures extrêmes, arrêtant de s’alimenter ou de boire afin d’éviter de devoir aller aux toilettes lorsqu’elles ne se sentaient pas en sécurité.

    « Si cette crise humanitaire avait lieu où que ce soit ailleurs dans le monde, on s’attendrait à ce que des mesures pratiques soient immédiatement prises afin de protéger les groupes les plus vulnérables, comme les femmes voyageant seules et les familles ayant une femme à leur tête. Au minimum, cela impliquerait de proposer des installations sanitaires bien éclairées réservées aux femmes, et des zones séparées des hommes où elles puissent dormir en sécurité. Ces femmes et leurs enfants ont fui certaines des zones les plus dangereuses du monde, et il est honteux qu’ils se trouvent encore en danger sur le sol européen », a déclaré Tirana Hassan.

    « Si les gouvernements et ceux qui fournissent des services aux réfugiés ont commencé à mettre des mesures en place pour aider les réfugiés, ils doivent passer à la vitesse supérieure. Il faut en faire plus pour que les femmes réfugiées, en particulier les plus vulnérables, soient identifiées et que des processus et services spécifiques soient proposés afin de protéger leurs droits fondamentaux et leur sécurité. »

    Les représentants d’Amnesty International ont parlé à sept femmes enceintes qui ont évoqué le manque de nourriture et de services de santé essentiels, et décrit avoir été écrasées par les mouvements de foule aux frontières et aux points de transit pendant leur périple.

    Une Syrienne interviewée par Amnesty International à Lillestrøm, en Norvège, qui était enceinte et allaitait sa petite fille quand elle a entrepris le voyage avec son mari, a dit qu’elle avait trop peur de dormir dans les camps en Grèce car elle se savait entourée d’hommes. Elle a ajouté qu’elle avait passé plusieurs jours sans manger.

    Une dizaine des femmes qu’Amnesty International a rencontrées ont déclaré qu’elles avaient été touchées, caressées ou déshabillées du regard dans des camps de transit européens. Une Irakienne de 22 ans a dit à Amnesty International que lorsqu’elle se trouvait en Allemagne, un agent de sécurité en uniforme lui avait proposé de lui donner des habits si elle acceptait de « passer du temps seule » avec lui.

    « Pour commencer, personne ne devrait avoir à emprunter ces itinéraires dangereux. La meilleure manière pour les gouvernements européens d’empêcher les abus et l’exploitation aux mains des passeurs consiste à proposer des itinéraires sûrs et légaux dès le début. Pour ceux qui n’ont pas d’autre choix, il est absolument inacceptable que leur passage à travers l’Europe les expose à davantage d’humiliation, d’incertitude et d’insécurité », a déclaré Tirana Hassan.

    AUTRES TÉMOIGNAGES

    Exploitation sexuelle par des passeurs

    Les passeurs prennent pour cibles des femmes qui voyagent seules, sachant qu’elles sont plus vulnérables. Lorsqu’elles manquaient de ressources financières pour payer le trajet, les passeurs essayaient souvent de les forcer à avoir des relations sexuelles avec eux.

    Au moins trois femmes ont déclaré que des passeurs et des membres de leur réseau les ont harcelées, elles ou d’autres femmes, et leur ont proposé un trajet à prix réduit ou un passage prioritaire sur un bateau traversant la Méditerranée, en échange de relations sexuelles.

    Hala, une jeune femme de 23 ans originaire d’Alep, a déclaré à Amnesty International :

    « À l’hôtel en Turquie, un des hommes travaillant avec le passeur, un Syrien, m’a dit que si je couchais avec lui, je ne paierais pas ou que je paierais moins. Bien entendu, j’ai dit non, c’était dégoûtant. Nous avons toutes connu la même chose en Jordanie. »

    « L’amie qui était venue avec moi de Syrie s’est trouvée à court d’argent en Turquie, alors l’assistant du passeur lui a proposé d’avoir des relations sexuelles avec lui [en échange d’une place sur un bateau] ; elle a bien sûr dit non, et n’a pas pu quitter la Turquie, alors elle est encore sur place. »

    Nahla, une Syrienne de 20 ans, a déclaré à Amnesty Internationa :

    « Le passeur me harcelait. Il a essayé de me toucher quelques fois. Il ne s’approchait que lorsque mon cousin n’était pas là. J’avais très peur, d’autant plus qu’on entend tout au long du voyage les histoires de femmes qui n’ont pas les moyens de payer et se voient proposer la solution de coucher avec les passeurs en échange d’une réduction. »

    Être harcelées et vivre dans une peur constante

    Toutes les femmes ont dit à Amnesty International qu’elles avaient eu constamment peur durant leur trajet à travers l’Europe. Les femmes voyageant seules étaient non seulement prises pour cibles par les passeurs, mais sentaient en outre leur intégrité physique menacée lorsqu’elles étaient contraintes de dormir dans des locaux aux côtés de centaines d’hommes célibataires. Plusieurs femmes ont par ailleurs signalé avoir été frappées ou insultées par des membres des forces de sécurité en Grèce, en Hongrie et en Slovénie.

    Reem, 20 ans, qui voyageait avec son cousin âgé de 15 ans, a dit :

    « Je n’ai jamais dormi dans les camps. J’avais trop peur que quelqu’un me touche. Les tentes étaient toutes mixtes et j’ai été témoin de violences [...] Je me sentais plus en sécurité lorsque j’étais en mouvement, en particulier dans un bus, le seul endroit où je pouvais fermer les yeux et dormir. Dans les camps, il y a tellement de risques de se faire toucher, et les femmes ne peuvent pas vraiment se plaindre et ne veulent pas causer de problèmes susceptibles de perturber leur voyage. »

    Violences policières et conditions dans les camps de transit

    Des femmes et des jeunes filles rencontrées ont indiqué qu’un certain nombre de camps étaient très sales, que la nourriture y était en quantité limitée et que les femmes enceintes en particulier ne recevaient qu’un soutien restreint, voire pas de soutien du tout. Certaines femmes ont par ailleurs déclaré que les toilettes étaient souvent sordides et que les femmes ne se sentaient pas en sécurité car certains sanitaires étaient mixtes. Par exemple, dans au moins deux cas, des femmes ont été observées par des hommes alors qu’elles s’étaient rendues dans la salle de bains. Certaines femmes ont en outre été directement victimes de violences perpétrées par d’autres réfugiés, ainsi que par des policiers, en particulier quand des tensions sont apparues dans des lieux d’accueil exigus et que les forces de sécurité sont intervenues.

    Rania, une jeune femme enceinte âgée de 19 ans venue de Syrie, s’est confiée à Amnesty International sur son expérience en Hongrie :

    « Les policiers nous ont alors conduits dans un autre lieu, qui était encore pire. C’était plein de cages et l’air ne circulait pas. Nous avons été enfermés. Nous sommes restés là deux jours. On nous donnait deux repas par jour. Les toilettes étaient pires que dans les autres camps, j’ai l’impression qu’ils voulaient les garder dans cet état pour nous faire souffrir.

    « Lors de notre deuxième jour sur place, des policiers ont frappé une Syrienne d’Alep parce qu’elles les avaient suppliés de la laisser partir [...] Sa sœur a essayé de la défendre, elle parlait anglais. Ils lui ont dit que si elle ne se taisait pas, ils la frapperaient elle aussi. Une chose similaire est arrivée à une Iranienne le lendemain parce qu’elle avait demandé plus de nourriture pour ses enfants. »

    Maryam, une Syrienne de 16 ans, a déclaré :

    (En Grèce) « Des gens se sont mis à crier, alors des policiers nous ont attaqués et ont donné des coups de bâton à tout le monde. Ils m'ont frappée sur le bras avec un bâton. Ils s’en sont même pris à des enfants. Ils ont frappé tout le monde sur la tête. J’ai été prise de vertige et je suis tombée par terre, des gens m’ont marché dessus. Je pleurais et j’ai été séparée de ma mère. Ils ont appelé mon nom et je l’ai retrouvée. Je leur ai montré mon bras et un policier l’a vu et a ri, j’ai demandé à voir un médecin, et ils nous ont dit à toutes les deux de partir. » 18 janvier 2016

    https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/01/female-refugees-face-physical-assault-exploitation-and-sexual-harassment-on-their-journey-through-europe/

  • Le 12 janvier, on fête Yennayer ! (Le Peuple breton)

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    Il est de tradition, en occident, de fêter le nouvel an le 1er janvier.

    Ce nʼest pas le cas de tous les peuples. En Bretagne et dans lʼancien monde celte, la « Samain » était fêtée le 1er novembre, correspondant au premier jour dʼun nouveau cycle des saisons (comme la Toussaint). Pour les Imazighen, le nouvel an est le 12 janvier et sʼappelle « Yennayer » (janvier).

    Yennayer est fêté pour deux raisons. La première est culturelle : le 12 janvier est le premier jour du calendrier julien, calendrier agraire, et signifie, après lʼhiver, le renouveau, et donc la reprise de lʼactivité dans la société rurale traditionnelle. Lʼautre raison est plus politique : dans les années 1970, le mouvement berbère de Paris a choisi, pour se démarquer de lʼère chrétienne et de lʼère musulmane, un fait historique pour faire débuter le calendrier berbère. En 950 avant J.-C., le roi berbère Chacnaq (Scheshong 1er) aurait renversé le pharaon, créant ainsi « lʼère Scheshong ». Ainsi, le 12 janvier, les Iamzighen célébreront le nouvel an 2966 !

    Contrairement à ce quʼaffirmait Nicolas Sarkozy à Dakar, lʼhomme africain du nord (berbère donc) est entré « depuis longtemps dans lʼhistoire » : 950 ans dʼavance, cʼest beaucoup ! Cʼest pourquoi le caricaturiste Dilem remarquait avec humour le 12 janvier 1995 que la « grève du cartable » (boycott de lʼécole algérienne arabisante par le MCB, mouvement culturel berbère, en Kabylie pendant 7 mois) nʼétait pas pénalisante car les élèves avaient 650 ans dʼavance…

    Yennayer est célébré dans les familles là-bas et ici et donne lieu à des événements festifs. En Kabylie, de fait, cʼest un jour férié. LʼAssociation culturelle des Berbères de Bretagne (ACBB) le célèbre à Rennes chaque année autour dʼun couscous festif. Lʼan dernier, le thème était lʼamitié berbero-bretonne (événement que nous relations dans Le Peuple breton de février 2015). Cette année (le 16 janvier), le thème sera « hommage à Matoub Lounès ». Lʼassociation, qui fête ses 20 ans, a en effet eu comme parrain Matoub Lounès lors de la venue du chanteur kabyle à Rennes le 31 mai 1995. LʼACBB a demandé à la mairie de Rennes de baptiser une rue en hommage à ce chanteur dont lʼassassinat avait tant ému.

    Les valeurs défendues par Matoub Lounès dans ses poèmes et chansons (tolérance, laïcité, fraternité, culture, liberté, résistance) sont, ô combien dʼactualité. Yennayer est ouvert à tous, vous pouvez vous y inscrire sur le site acbbretagne.org

    Assegwas amegas 2966 !

  • Un couple de réfugiés syriens gays construit un nouvel avenir en Allemagne (Amnesty)

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    Photo de la banderolle des camarades allemands de "Die Linke"

    Said et Jamal ont fui la Syrie après avoir été torturés en raison de leur engagement politique. Ils viennent de démarrer une nouvelle vie à Berlin, la capitale allemande, où ils ont été accueillis au titre de la réinstallation.

    « Nous avons pleuré de joie, déclare Jamal* en évoquant le moment où lui et Said*, son compagnon, ont appris que l'Allemagne leur ouvrait ses portes.

    « Ça a été un moment de bonheur. Nous avons été surpris d'être rapidement acceptés pour une réinstallation, [après seulement] six mois. »

    Said et Jamal ont eu de la chance. Beaucoup d'autres réfugiés qui peuvent prétendre à la réinstallation attendent bien plus longtemps l'appel téléphonique décisif annonçant qu'ils peuvent s'installer pour de bon dans un lieu sûr et en paix.

    Un nouveau chez-soi à Berlin

    Nous trouvons Said et Jamal au milieu des cartons et des meubles, en train de déballer leurs affaires et de s'organiser dans leur nouvel appartement. Leur soulagement est perceptible, ils rayonnent de bonheur : cela fait bien longtemps qu'ils n'avaient pas eu un lieu où s'installer.

    Tous deux étaient journalistes en Syrie. Engagés en politique, ils ont été arrêtés par les forces de sécurité, puis torturés. Il était trop dangereux de rester, et ils ont fui au Liban en 2014.

    Mais Jamal, qui est séropositif, ne pouvait pas obtenir dans ce pays le traitement dont il a besoin. En janvier 2015, le HCR, l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, leur a tendu une planche de salut. On leur a proposé un accueil à Berlin dans le cadre du programme d'admission à titre humanitaire des réfugiés syriens mis en place par l'Allemagne.

    Comme une famille

    « Nous avons quitté le Liban le 8 janvier 2015, explique Said. Il faisait si froid quand nous avons débarqué de l'avion ! » « Nous étions à la fois très impatients et inquiets, se souvient Jamal. Nous ne savions pas ce qui nous attendait. Nous nous étions préparés pour tout. »

    Après avoir passé 12 jours dans un centre de transit pour réfugiés, les deux hommes ont été placés dans un Wohnheim, un foyer d'hébergement pour les familles et les jeunes. « Nous avions notre propre appartement, explique Jamal, ils nous ont pris en compte comme une famille, pas comme deux adultes isolés. Nous avons eu vraiment de la chance ! »

    Ils ont décidé de partir au bout de neuf mois parce qu'ils ne sentaient pas à l'aise. « Une personne qui suivait les cours d'allemand avec moi savait que j'étais gay et l'a dit à nos voisins », explique Jamal.

    Ils ont fait une demande d'appartement et ont dû avoir de nombreux entretiens avec leur assistante sociale. Ils ont fini par obtenir l'aide d'une organisation de soutien aux personnes vivant avec le VIH.

    Construire une nouvelle vie

    Lorsqu'ils sont arrivés en Allemagne, Jamal craignait de se trouver à court du traitement antirétroviral dont il a besoin pour rester en bonne santé. Maintenant qu'il est pris en charge par un médecin, il peut se consacrer à d'autres choses, par exemple à apprendre la langue. Said dit en plaisantant qu'il est jaloux de Jamal, qui apprend l'allemand à toute vitesse.

    Tous deux suivent des cours cinq jours par semaine et doivent valider le premier niveau avant de pouvoir postuler à un emploi. En attendant, ils font un peu de journalisme en ligne – sans être payés pour le moment.

    Ils ont de nouveau une vie sociale, et c'est une vraie délivrance après le stress de plusieurs années à fuir. « Ça a été l'une des choses les plus difficiles, nous dit Jamal. Il faut beaucoup de temps pour établir la confiance. Mais nous nous sommes déjà fait de bons amis – des Allemands, des Israéliens et des Norvégiens. »

    Et tous deux apprécient beaucoup Berlin, une ville accueillante où l'on peut vivre ouvertement son homosexualité. « C'est si différent du Liban ou de la Syrie, dit Jamal. Au Liban il y a deux clubs [gays], mais c'est illégal [d'être homo]. »

    Donner quelque chose en retour

    Pour le moment, Said et Jamal ne pensent qu'à construire leur avenir, et pour commencer, à terminer leurs études universitaires. « J'aimerais bien aussi m'engager dans un parti politique ici, nous dit Said. En Syrie, nous étions militants et nous avons participé aux manifestations [du début 2011, à l'époque où le conflit a éclaté.] »

    « Je veux travailler avec d'autres réfugiés installés à Berlin, déclare Jamal. Je suis réfugié, alors je sais ce dont ils ont besoin. Ce serait vraiment bien de pouvoir aider les autres de la même façon que moi j'ai été aidé. »

    « La plupart des Syriens qui arrivent ici ont des problèmes psychologiques en raison de ce qu'ils ont vécu, ajoute Said. Ils ont le sentiment d'avoir tout perdu : leurs amis, leur famille, leur travail – leur vie. »

    Jamal explique que certains réfugiés ont peur et préfèrent ne pas révéler leur orientation sexuelle ou leur éventuelle séropositivité. « Et s'ils ne disent rien, ils ne peuvent pas être aidés. Nous pourrions intervenir par exemple en assurant la traduction pour des gens qui ont à parler de choses délicates. Vous imaginez la situation si je ne pouvais pas parler de mes problèmes de santé ? Ce serait catastrophique. »

    La réinstallation a donné à Said et Jamal la possibilité de commencer à reconstruire la vie qu'ils ont été contraints de laisser derrière eux en Syrie. « Nous voulons travailler, être indépendants, avoir un bon travail et un salaire, expliquent-ils. Comme avant. »

    *Les noms des deux hommes ont été modifiés pour protéger leur anonymat.

    Actuellement, plus de 4 millions de réfugiés de Syrie ont trouvé abri dans seulement cinq pays de la région voisine. Amnesty demande que 400 000 d'entre eux, ceux que le HCR considère comme les plus vulnérables, soient réinstallés dans des pays riches d'ici à la fin de l'année 2016. La réinstallation est une planche de salut pour les réfugiés les plus vulnérables dans le monde, notamment les personnes avec de graves problèmes de santé. Nous estimons que 1,45 million de personnes auront besoin de cette protection vitale d'ici à la fin de 2017.

    Lorna Hayes and Khairunissa Dhala, Amnesty International's Refugee and Migrants' Rights Team,

    https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/gay-syrian-refugees-build-future-germany

  • Marche de la dignité et contre le racisme (Anti-k)

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    Un succès qui en appelle d’autres

    Dix ans après les révoltes des quartiers populaires de 2005 (voir notre dossier dans L’Anticapitaliste n° 308), 10 000 personnes se sont rassemblées en rangs serrés samedi à Paris, pour une Marche de la Dignité et contre la racisme entre Barbès et la place de la Bastille.

    Un franc succès pour les organisateurs, qui sont d’abord des organisatrices : l’appel à cette marche avait été lancé par le collectif MAFED, réunissant des personnalités et des militantes  d’organisations antiracistes, de l’immigration et des quartiers populaires, avec Angela Davis comme figure de proue d’un large collectif de soutien.

    Une étape du renouveau antiraciste Les violences policières sont centrales dans la ségrégation que connaissent les quartiers populaires en France aujourd’hui, et donc, dans les formes de lutte et de politisation dans les quartiers. Voilà la première raison d’un tel ren- dez-vous : tenter de donner toute leur place dans l’espace public, à des luttes qui existent déjà çà et là, partout où la douleur et la colère peuvent laisser place à un début de riposte politique, pour la dignité et l’égalité. Une marche pour l’unité et le renforcement de ces luttes auto-organisées.

    Derrière le carré de tête du MAFED, dynamique et combatif, se sont retrouvés Urgence Notre Police Assassine, le Parti des Indigènes de la République, le Front Uni de l’Immigration et des Quartiers Populaires, la Brigade Anti-Négrophobie, la Voix des Rroms, des collectifs contre les contrôles au faciès et les crimes policiers, des groupes féministes antiracistes, antifascistes, des sans-papiers et des Chibanis en lutte, des manifestant.e.s parfois venus des quatre coins de France. Soit les diverses composantes d’un mouvement antiraciste en plein renouvellement, les cadres antiracistes les plus anciens n’étant jamais parvenus à favoriser l’auto-organisation indépendante des opprimé.e.s, dans les décennies qui ont suivi l’occasion gâchée de la grande Marche pour l’Égalité de 1983.

    Les slogans et mots d’ordre ont décliné toutes les dimensions de la dignité des quar-n tiers populaires : vérité et justice dans les affaires de violence policière, dénonciation des politiques et amalgames islamophobes, de toutes les discriminations systématiques, et de l’impérialisme (Palestine, Françafrique…), réparation de l’injustice sociale et du racisme d’État qui règnent encore dans les ghettos français.

    Un enjeu stratégique Autant de questions qui bousculent les priorités d’un mouvement ouvrier et social lui-même en crise ; autant de questions qui fâchent. Et aussi – et donc – autant de questions dont se sont emparés, en sens inverse, aussi bien les partis au pouvoir que le FN.

    Mis à part quelques centaines de manifestant.e.s du NPA et d’Ensemble (et plus margi- nalement de la JC et des Verts), les forces politiques de gauche et d’extrême-gauche étaient quasiment absentes. Ayant refusé de signer l’appel, le PCF et le PG avaient malgré tout à manifester sur leurs bases mais bien peu de militants se sont joints à la manifestation. Or on ne peut ignorer ces questions difficiles, car l’orage ne passera pas. L’impérialisme et le racisme constituent l’un des deux piliers de la stratégie politique de ceux qui nous gouver- nent, avec l’austérité sans alternative. Il suffit d’allumer la télévision pour constater le double matraquage consistant à nous faire accepter des politiques antisociales, en canalisant une colère sociale diffuse mais forte, dans la reproduction des oppressions, et en premier lieu du racisme d’État.

    Face à cette double logique, qui ne fait que s’accentuer en 2015, après le 11 janvier comme après le nouveau mémorandum en Grèce, il y a urgence à lutter contre les deux faces d’une même politique antidémocratique, ultra-autoritaire, en luttant avec celles et ceux qui luttent déjà et s’organisent depuis des années contre les violences policières, l’islamo- phobie, les discriminations, etc.

    Cette Marche de la Dignité, portée par un effort d’auto-organisation des opprimé.e.s, est source d’espoir, et ne devra pas rester sans suites. Nous avons tou.te.s un rôle à jouer pour que ces suites n’aboutissent pas à une nouvelle occasion manquée. Mathieu Bonzom Lundi 2 novembre 2015

    Galerie de photographies

    http://npa2009.org/actualite/antiracisme/marche-de-la-dignite-et-contre-le-racisme

    http://www.anti-k.org/marche-de-la-dignite-et-contre-le-racisme-un-succes

    Lire aussi:

    http://alternativelibertaire.org/?Ce-qu-annonce-le-succes-de-la

  • Ce qu’annonce le succès de la Marche de la dignité (Alternatie Libertaire)

     

    La Marche de la dignité, à Paris, qui a marqué le 10e anniversaire de la révolte de 2005 dans les banlieues françaises, est un événement politique. Un événement, qui se distingue des mobilisations habituelles sur trois points particulièrement positifs.

    Le premier, c’est une participation en hausse par rapport aux habitudes : 10.000 marcheuses et marcheurs venus de plusieurs régions de France, c’est bien plus que les 3.000 à 5.000 personnes auxquelles les manifestations antiracistes nous avaient habitués ces dernières années. Un public bigarré, de tous les âges, féminisé et plutôt politisé, comme l’indiquaient la quantité de pancartes artisanales portant des slogans personnels et, a contrario, le faible nombre de drapeaux français, algériens, tunisiens ou marocains dans la foule – l’affichage de drapeaux nationaux étant en général l’indice d’une mobilisation plus émotionnelle que politique. L’emblème le plus arboré a été sans conteste le drapeau palestinien, qui est sous nos latitudes, avant tout un symbole politique : celui de la résistance à l’oppression et au colonialisme.

    Le deuxième point positif, c’est que le coup d’envoi a été donné par le collectif Marche des femmes pour la dignité (Mafed), composé de 70 militantes d’horizons divers, mais ayant pour point commun de subir le racisme d’État. Une visibilité inédite des femmes en lutte, dont il faut espérer qu’elle pèsera dans le nécessaire renouveau du féminisme dans ce pays.

    Le troisième, c’est la place prépondérante qu’ont occupée, dans la genèse et dans l’organisation de l’événement, la myriade d’associations qui composent le mouvement social de l’immigration et des quartiers populaires : groupements de travailleuses et travailleurs immigrés (ATMF, ATF, FTCR...), d’habitantes et d’habitants de quartiers (dont le FUIQP), familles de victimes de crimes policiers (Ali Ziri, Amine Bentoussi, Wissam el Yamni…), associations de lutte contre l’insécurité policière (Urgence Notre police assassine, Stop le contrôle au faciès…), associations antiracistes communautaires (La Voix des Rroms, Brigade antinégrophobie, CRAN…), anticolonialistes (propalestiniennes, kurdes…), féministes issues de l’immigration (Femmes en lutte 93, Mamans toutes égales, Lesbiennes of colors…), migrantes et migrants (comités de sans-papiers du 92, du 93, des Baras, UNSP, Droits devant !!, collectif du lycée Jean-Quarré, émaillé de quelques drapeaux syriens) [1] .

    Une ambiance combative et saine

    Les détracteurs de cette Marche avaient cherché à la discréditer en en faisant la chose du Parti des indigènes de la république (PIR), connu pour ses dérapages essentialistes. Les faits les contredisent, tant la présence du PIR dans la rue était insignifiante.

    Les organisations politiques et syndicales, piliers traditionnels des manifestations antiracistes et de soutien aux migrant.e.s – Solidaires, NPA, AL, CGA, CNT, Ensemble, Action antifasciste Paris-banlieue, etc. – n’étaient pas à l’origine de cette manifestation. Sollicitées dans un second temps comme soutien, elles étaient là, fermant la marche.

    Des associations cultuelles – exclusivement musulmanes – étaient également associées à l’initiative. Disons-le nettement : l’immixtion de la religion dans un mouvement social n’est pas notre tasse de thé. Elle n’est compréhensible ici que par une volonté de défier la stigmatisation dont souffre la minorité musulmane dans les médias et dans la classe politique française. Pour autant, l’ambiance de la manifestation n’avait rien de bigot – dignitaires et slogans religieux en étaient notoirement absents, et c’est heureux.

    Moins heureux : les invectives antisémites qui ont jailli, sporadiquement, sur le passage des banderoles de l’UJFP et d’un nouveau collectif, Juives et Juifs révolutionnaires (JJR). Invectives isolées, et largement contrebalancées par les nombreux témoignages d’amitié et les encouragements reçus tout au long du parcours.

    D’ailleurs, on n’a relevé ni quenelles, ni ananas et autres signes codés du répertoire soralo-dieudonnesque, ce qui témoigne de la résistance à la pénétration de l’extrême droite dans le mouvement social des quartiers, peut-être même d’un début de désuétude de cette mode imbécile. Autres grands absents, à l’autre bout du spectre politicien : SOS-Racisme et la Licra qui, de toute façon, n’ont plus guère de crédit que dans les sphères gouvernementales.

    Plus regrettable à notre sens : l’absence du Mrap et de la LDH, qui n’a pas été explicitée.

    Une étape a été franchie

    Cette Marche de la dignité a donc été un succès. Ses suites dépendront de la volonté des habitantes et des habitants des quartiers populaires d’entendre cet appel, et de s’organiser concrètement. Face au mépris, à la stigmatisation, à l’abandon par les services publics, il faut qu’une protestation plus puissante monte de la « France invisible ». La révolte de 2005 avait été un coup de tonnerre ; dix ans plus tard, le mouvement social des quartiers se cherche toujours, mais il vient indubitablement de franchir une étape dans sa structuration.

    Alternative libertaire, le 1er novembre 2015

     

    [1] L’ensemble des signataires est disponible ici.

    http://alternativelibertaire.org/?Ce-qu-annonce-le-succes-de-la

  • Des bombes pour la Syrie et des barbelés pour les réfugiés (Lutte Ouvrière)

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    Les principaux dirigeants de la planète sont réunis à New York pour l’assemblée générale de l’ONU.

    La Syrie sera leur sujet principal. Oh, ils ne discuteront pas de l’aide humanitaire urgente à apporter aux millions de réfugiés syriens, ce n’est pas leur problème ! Ils discuteront alliances - y compris avec des dictateurs sanglants-, bombardements, guerre.

    Que la réunion débouche ou pas sur un accord, il ne fait plus de doute que les grandes puissances vont intensifier la guerre contre Daech en Syrie avec, peut-être dans quelques mois, une nouvelle intervention terrestre. Une fois de plus, on nous explique que la guerre est la seule façon de rétablir la « stabilité » dans la région. Mais quelle stabilité y a-t-il en Afghanistan ou en Irak après des années de guerre et d’occupation américaine ?

    Il n’y aura pas de stabilité en Syrie tant que cette région restera un terrain de rivalités et de manigances pour les grandes puissances. Des États-Unis à la Russie en passant par le Qatar, la Turquie ou l’Iran, chacun alimente le chaos en soutenant telle bande armée contre telle autre, en montant les chiites ou les Kurdes contre les sunnites quand les autres font le calcul inverse.

    Et parmi toutes ces manœuvres, il y a les minables petits calculs des dirigeants français, comme ces frappes aériennes commandées à point nommé la veille de l’ouverture de la réunion de l’ONU pour faire en sorte que les intérêts des pétroliers et des marchands de canon français ne soient pas oubliés dans les tractations.

    Pour la droite et le FN, Hollande n’est encore pas assez va-t-en guerre !

    Avec un cynisme assumé, Marine Le Pen et nombre de responsables de droite expliquent qu’il faut s’appuyer sur Bachar Al-Assad quand bien même il est responsable d’avoir mis son pays à feu et à sang bien avant que Daech n’existe.

    Parmi ceux qui quittent la Syrie, beaucoup fuient les bombes et le régime d’Assad. Et tout ce que les politiciens français trouvent à leur dire, c’est « restez dans votre pays, nous allons continuer de bombarder et aider Assad à conforter son régime » !

    La politique prônée par ces dirigeants en Syrie est criminelle. Et elle l’est encore quand ils défendent la fermeture des frontières et érigent de nouveaux murs et barbelés contre ceux qui ont pris la route de l’exode ou lorsqu’ils mégotent sur leur accueil, comme le fait Hollande.

    Il faut la liberté de circulation et d’installation pour les migrants. Il faut l’ouverture des frontières. Il y a déjà eu trop de morts, trop de naufrages, trop de personnes électrocutées à Calais ou mortes asphyxiées dans des camions.

    Ceux qui parmi les travailleurs sont sincèrement inquiets de ce qu’il y a déjà beaucoup de chômeurs doivent avoir en tête que le chômage, la précarité et les bas salaires ne dépendent pas de l’arrivée des migrants. Ils dépendent du rapport de force avec le patronat et des luttes que le monde du travail est capable de mener contre les licencieurs et tous ces groupes capitalistes rapaces.

    L’emploi n’est pas un stock limité qu’il faudrait se partager et le chômage n’est pas une loi de la nature. Ils résultent de la politique patronale qui consiste à exploiter au maximum ceux qui travaillent quand bien même toute une fraction de la jeunesse se morfond au chômage.

    Pour faire taire tout sentiment d’humanité vis-à-vis des migrants, les dirigeants répètent qu’ « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Comme si les travailleurs n’avaient d’autre choix que de se partager la misère ! Comme s’il fallait se résigner à être en concurrence les uns avec les autres quand les richesses s’accumulent dans les mains d’une minorité !

    La bourgeoisie et ses laquais politiques opposent les intérimaires aux CDI, les salariés du privé aux fonctionnaires, pour masquer leur responsabilité dans le recul des conditions de vie de la classe ouvrière. Cette fois, ce sont les migrants qu’ils présentent comme un danger. Eh bien, les travailleurs ont intérêt à ne pas se tromper de camp et à être solidaires des migrants contre tous ces dirigeants !

    Le monde ouvrier a intérêt à soutenir la liberté de circulation et d’installation des migrants. D’abord parce que tous les travailleurs sont des migrants potentiels et ont à se déplacer au gré des fermetures d’entreprises et des crises.

    Ensuite parce que les migrants sont de futurs frères de classe. Même si certains d’entre eux avaient des vies de médecin, d’avocat ou de commerçant dans leur pays, ils deviendront ici, pour la plupart, des exploités, des camarades de travail. Pour qu’ils deviennent de futurs camarades de lutte contre le chômage et l’exploitation, il faut les accueillir comme des frères. lundi 28 septembre 2015

    http://www.lutte-ouvriere.org/notre-actualite/editoriaux/article/des-bombes-pour-la-syrie

     

  • La France expulse un jeune réfugié irakien fuyant la guerre (Basta)

    Twana, un jeune Irakien de 17 ans qui vivait en Syrie, avait trouvé le moyen de rejoindre l’Europe depuis la Turquie sans passer par le chemin dangereux de la traversée de la Méditerranée et de la route des Balkans et de Hongrie.

    Arrivé à Toulon le 16 septembre par un cargo sur lequel il avait pu embarquer, il s’est retrouvé renvoyé au bout de quelques jours vers la Turquie, sans avoir pu trouver refuge en France.

    « À son arrivée à Toulon, sans document d’identité, il déclare être mineur et vouloir aller en Angleterre rejoindre un proche. Il est transféré en zone d’attente de Marseille, lieu de privation de liberté, où il demande l’asile », rapporte l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), qui assiste les migrants dans les ports et aéroports français.

    Face à ce jeune sans document d’identité, les autorités françaises n’ont pas mis en cause son origine, mais son âge.

    Sur la base d’un test osseux, une pratique pourtant remise en question par plusieurs institutions dont la Commission nationale consultative des droits de l’homme (Voir notre article), elles déclarent que Twana a en fait 19 ans. « L’administration française décide encore une fois d’ignorer le principe, rappelé par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, selon lequel le bénéfice du doute doit être accordé à celui qui se déclare mineur tant que la preuve irréfutable de sa majorité n’est pas rapportée », précise l’Anafé.

    Conséquence : le jeune homme, après avoir émis le souhait d’aller en Angleterre, où il avait de la famille, est renvoyé par cargo vers le Turquie, « où il risque d’être arrêté pour avoir voyagé sans document », précise l’association qui « est aujourd’hui sans nouvelle de Twana. » « Il était parti de Syrie parce que plusieurs membres de sa famille ont été tués », souligne Laure Blondel, la coordinatrice générale de l’association.

    Au moment où la France s’est engagé à accueillir environ 30 000 réfugiés de Syrie parmi les 120 000 qui doivent être répartis à travers l’Union européenne, les autorités françaises viennent donc de renvoyer vers la Turquie un jeune homme irakien venu de Syrie, sans papier, ni soutien, ni famille.

    Par Rachel Knaebel 25 septembre 2015

    http://www.bastamag.net/Un-jeune-homme-irakien-retenu-en-zone-d-attente

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