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Ces dernières semaines, des manifestations se sont amplifiées à Beyrouth contre la gestion désastreuse des ordures par le gouvernement, au point d’atteindre une échelle nationale.
En cause, une gestion libérale et privatisée du traitement des ordures dont les conséquences écologiques désastreuses touchent en premier lieu les habitants des quartiers et régions les plus pauvres du pays : l’un des premiers lieux touchés a été la petite ville côtière de Na’ameh, (sud de Beyrouth) dont la fermeture du site d’enfouissement pour cause de surcharge et suite aux mobilisations locales, a entraîné un déplacement des ordures jusqu’aux quartiers les plus huppés de la capitale. La solution proposée par le régime est la création d’un nouveau site dans la région pauvre de Akkar, au nord du pays : une tentative de plus de la part des classes dirigeantes de faire porter le poids de leurs échecs aux couches les plus vulnérables de la société.
En vérité, l’affaire de la gestion des ordures est le dernier scandale en date d’un régime en état de crise perpétuelle. Les politiques néolibérales, la privatisation à outrance et la spéculation immobilière font que la précarité socio-économique touche la majorité de la population libanaise. La rhétorique sectaire et confessionnelle omniprésente sert la stratégie du régime qui vise à diviser pour mieux régner, mais menace de faire replonger le pays dans la guerre civile. Les institutions démocratiques de l’État central sont de fait désintégrées, et le pouvoir partagé entre des partis confessionnels censés contenir leurs “bases” respectives afin que les oligarques et les capitalistes proches du régime puissent continuer à piller les ressources du pays.
La radicalité exprimée lors des manifestations ces dernières semaines par les couches sociales les plus pauvres témoigne du ras-le-bol de la population qui ne se taira pas face à la répression de l’Etat qui a déjà fait des centaines de blessés, et à la campagne de diabolisation cherchant à diviser bons et mauvais manifestants. Désormais, la question d’une gestion collective des ordures est devenue un élément catalyseur de la population contre toute solution se basant sur des critères sectaires et confessionnels, un système politique qui, rappelons-le, est le mode de gouvernance hérité du système colonial français. C’est donc en toute logique que les manifestants réclament la fin d’un régime confessionnel et sectaire.
En solidarité avec la campagne « Le peuple veut », à laquelle nos camarades du Forum Socialiste au Liban participent, nous appelons à relayer les demandes exprimées par les manifestants et à soutenir toute initiative de solidarité internationale pour un État laïque démocratique qui consacre la justice sociale, la liberté et l’égalité. 4 septembre 2015
LCR-SAP (Belgique), NPA (France) , SWP (Angleterre), SAP-Grenzeloos (Pays-Bas), et Internationale Socialisten (Pays-Bas), SolidaritéS (Suisse) , Vrede vzw ( Belgique)
Au Liban, depuis quelques semaines les manifestations se multiplient, regroupant des dizaines de milliers de personnes. C’est la question des déchets qui a mis le feu aux poudres.
Le 17 juillet, les camions venus déverser leurs ordures à la décharge de Naamé, près de la capitale Beyrouth, ont été bloqués par les riverains excédés. On estime que, depuis son ouverture, 18 millions de tonnes d’ordures ont été entassées là, sans traitement, dix fois plus que ce qui était prévu au départ. Une très bonne affaire, à 140 euros la tonne, un des tarifs les plus chers du monde, pour la société qui a le monopole de la collecte, et son propriétaire, un membre du clan de l’ancien Premier ministre Hariri.
Les déchets se sont donc entassés dans les rues.
Au cœur de l’été, la situation est vite devenue insupportable. C’est le collectif « Vous puez » qui a impulsé la contestation, exigeant des solutions et dénonçant la corruption des politiciens. Et le mouvement s’est développé, malgré les canons à eau et les gaz lacrymogènes de la police qui ont au contraire apporté de nouvelles vagues de manifestants dans les rues de Beyrouth. Les raisons de cette colère contre les autorités ne manquent pas. Les services publics ne sont efficaces que pour enrichir des affairistes. Les routes ne sont pas entretenues, l’assurance-maladie est inexistante, les soins hospitaliers inaccessibles pour la majorité. L’électricité est habituellement coupée trois heures par jour à Beyrouth, et souvent le double dans les villages, situation encore aggravée cet été par des pannes. Quant à l’eau, les infrastructures sont dans un état lamentable et elle manque chaque été. Tout cela dans un pays où la richesse ne manque pas, du moins pour la petite minorité qui l’accapare.
Parler d’impuissance du système politique libanais serait un euphémisme car on est bien au-delà. Dans ce système basé sur le confessionnalisme, les postes et les fonctions sont réparties sur une base communautaire entre les 18 religions et sectes reconnues, chrétiens maronites, musulmans sunnites, chiites, druzes, etc. Installé par la France pour maintenir l’ordre colonial, ce système a servi ensuite aux grandes familles qui dominent le pays. Il a été régulièrement utilisé pour détourner la colère des exploités vers des affrontements communautaires. Il a conduit à la guerre civile des années 1975-1990 et à une quasi-partition du pays entre les zones tenues par les différents chefs de clan. Le gouvernement n’est que le reflet de cette situation et ne réunit autour d’une table que des frères ennemis, qui ont bien d’autres soucis que de faire fonctionner le pays et ses services publics laissés dans un total abandon.
À cela s’ajoutent les conséquences de la guerre civile syrienne avec l’afflux d’un million de réfugiés dans un pays d’un peu plus de quatre millions d’habitants, l’implication directe du parti chiite Hezbollah mais aussi la présence de combattants de l’État islamique dans certaines zones frontalières et la prise en otage de soldats libanais.
La crise des ordures montre qu’une partie de la population libanaise, face à cette situation chaotique, en a suffisamment assez pour descendre dans la rue et dire leur fait à ces politiciens uniquement préoccupés de leurs petites affaires et de leurs bagarres de clans.
C’est certainement révélateur. Dans ce Liban en voie d’éclatement tout comme dans l’ensemble du Moyen-Orient, il y a d’abord une population qui voudrait, simplement, pouvoir vivre normalement.
À gauche : « On en a marre de vous, dégagez ! » ; à droite : « De vous ne viennent que des ordures ». VOA news.
Un mouvement social contre le régime confessionne
Le Liban connaît des manifestations exceptionnelles : pour la première fois, un mouvement social hétérogène et très médiatisé dénonce d’une seule voix les faiblesses du système politique confessionnel, les conséquences écologiques de politiques publiques incohérentes et la paupérisation des Libanais. Il s’inscrit dans la lignée des révolutions arabes et continue de s’élargir. Jusqu’où ira-t-il ?
Le 17 juillet 2015, la décharge de Naamé, ouverte en 1997, ferme. Le contrat qui liait l’État libanais à la compagnie de ramassage Sukleen a pris fin sans qu’aucune solution alternative n’ait été trouvée par le gouvernement. La « crise des déchets » unifie le Liban au-delà de ses barrières confessionnelles : sa géographie touche aussi bien les populations sunnites, druzes, que chiites ou chrétiennes. C’est un désastre écologique : il reflète la faillite d’un État dont les services publics — de l’eau à l’électricité en passant par le ramassage des ordures — se font toujours plus absents.
Les mobilisations populaires contre la « crise des déchets » se sont multipliées dans le pays. Beyrouth en est l’épicentre : le collectif « Vous puez » (« Talahat Rihtkum ») appelle à des manifestations devant le siège du gouvernement libanais. Les 22 et 23 août, elles réunissent entre 10 et 20 000 personnes. Le 29, ce sont plus de 50 000 manifestants qui s’assemblent sur la place des Martyrs, dans le centre-ville1.
Le mouvement, limité à l’origine, grandit en fonction de trois aspects combinés. La politique des Forces de sécurité intérieures (FSI) et de l’armée, d’une part, qui, dès le 22 août, font usage de gaz lacrymogènes, de canons à eau, mais également de tirs en l’air à balles réelles, contre la foule. D’autre part, un réel effet d’emballement médiatique : la campagne « « Vous puez » a ses relais télévisuels, notamment la chaîne libanaise Al-Jedid (New TV)2. Les appels à manifester se sont aussi multipliés sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter. Le caractère inédit de l’événement engage également, fin août, la presse arabe et internationale — de France 24 à Al-Mayadeen3 en passant par Al-Jazira — à s’emparer du sujet. Dernier élément ayant profité au succès des manifestations : leurs revendications sociales et politiques. Ne se cantonnant plus à demander la résolution d’un problème écologique, elles appellent tantôt à la démission du ministre de l’environnement, Mohammad Machnouk, tantôt à celle du premier ministre, Tammam Salam, ou à de nouvelles élections législatives. Les slogans des manifestants se sont aussi radicalisés, de la « chute du régime » (« Isqat an-Nidham ») confessionnel, à la « Révolution » (« Thawra »).
Les manifestations traduisent une colère sourde : celles et ceux qui descendent dans la rue mettent ainsi en cause le prix prohibitif de l’eau, les coupures récurrentes d’électricité dans le pays, l’absence de sécurité sociale pour une partie des Libanais, les salaires indécents des fonctionnaires, la corruption généralisée d’une partie des élites. Toutes les contradictions sociales et politiques se concentrent en cette période : certains manifestants réclament l’élection d’un nouveau président4, sans vouloir la chute du régime confessionnel ; d’autres demandent une loi de décentralisation administrative donnant plus de pouvoir aux municipalités. Les secteurs les plus à gauche du mouvement, réunis dans un collectif nommé « Nous voulons des comptes » (« Bidna Nouhasib ») se prononcent pour une « refondation » (« I’ada Ta’asis ») de la République libanaise. Beyrouth n’est plus seule. Des collectifs informels naissent dans le reste du pays, à l’instar de Tripoli : « Ras-le-bol » (« Tafaha al-Kil »), « L’Akkar n’est pas une poubelle » (« Akkar Manna Mazbale »).
La dimension sociale du mouvement est renforcée par la présence de certains syndicalistes dans les rassemblements : Hanna Gharib, figure du comité de coordination syndicale, vient rappeler qu’en 2013 et 2014, un puissant mouvement social5 avait réclamé une augmentation de la grille des salaires et un nouveau système de sécurité sociale. Les manifestations du comité de coordination syndicale avaient réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les rues de Beyrouth.
Un mouvement hétérogène ?
Les manifestations de l’été 2015 sont exceptionnelles : c’est la première fois qu’un mouvement social médiatisé remet en cause les impasses d’un système politique confessionnel, les conséquences écologiques de politiques publiques anarchiques, la paupérisation tous azimuts des Libanais. Son caractère spontané n’est pas sans rappeler les premiers instants des soulèvements arabes de l’année 2011. Toutefois, en termes de mobilisation populaire, le mouvement peut sembler limité en comparaison du passé. Les grandes démonstrations de 2005 à 2007, emmenées par les coalitions opposées du 8 et du 14-Mars6, l’une dominée par le Hezbollah chiite, l’autre par le Courant du futur sunnite, avaient mobilisé successivement près d’un demi-million de manifestants.
Celles de l’été 2015 ont d’abord réuni des jeunes de la classe moyenne, souvent étudiants. Le mouvement grandissant, son assise générationnelle et sociale s’est élargie : retraités, fonctionnaires du service public, chômeurs. Leur aspect multiconfessionnel est indéniable. C’est un tour de force : alors que les coalitions du 8-Mars et du 14-Mars se basent sur des réseaux de solidarité communautaires, la campagne « Vous puez » ne bénéficie pas d’une assise politique, sociale ou confessionnelle préexistante. Elle s’inscrit cependant dans l’histoire des nouveaux mouvements sociaux au Liban depuis le milieu des années 2000 : associations de défense des droits des femmes ou des travailleurs migrants, mobilisations pour le mariage civil, grèves des fonctionnaires pour la hausse des salaires.
Les différentes composantes du mouvement de protestation ne sont enfin pas homogènes. Les porte-paroles de la contestation ont une histoire. Ainsi de Imad Bazzi, l’un des leaders de « Vous puez » : cyber-activiste, journaliste, consultant de la chaîne télévisée Al-Jedid, il a par le passé été proche de la mouvance internationale Otpor, qui demandait en Serbie la chute du président Slobodan Milosevic. En 2005, c’est un fervent partisan du retrait syrien du Liban et de la démission du président Émile Lahoud. Lucien Bourjeily, autre porte-parole de « Vous puez », est un homme de théâtre libanais qui eut maille à partir, en 2013 et 2014, avec la Sûreté générale libanaise pour une pièce de théâtre dénonçant la censure.
Le mouvement « Nous voulons des comptes », qui se distingue des militants du collectif « Vous puez » , est l’héritier d’une autre histoire politique : celle de la gauche radicale libanaise. La fibre sociale y est aussi plus marquée. « Nous voulons des comptes » tire ses racines d’une « conférence nationale pour sauver le Liban et pour refonder la République », tenue à Beyrouth fin 2013 : elle associait notamment le Parti communiste libanais, le Mouvement du peuple de l’ancien député Najah Wakim et des personnalités de gauche indépendantes. « Nous voulons des comptes » est devenu, au cours de l’été 2015, l’une des principales composantes organisatrices des manifestations. Elle tire aussi sa force des militants de l’Union des jeunesses démocratiques libanaises (UJDL), affiliée au Parti communiste libanais (PCL).
Lorsque les manifestations du centre-ville de Beyrouth dégénèrent en un affrontement particulièrement violent avec la police, le 23 août, « Vous puez » et « Nous voulons des comptes » divergent sur l’attitude à tenir face aux autorités. Les premiers suspendent les manifestations et dénoncent les violences, selon eux provoquées par des infiltrés. Les seconds tiennent les forces de sécurité pour responsables de la situation ; ils organisent le 26 août un rassemblement devant une caserne de police, dans le quartier de Mar Elias, pour demander la libération de plusieurs activistes arrêtés les jours précédents.
Autre élément qui divise les manifestants : la figure du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Alors que certains collectifs comme « Vous puez » ou « Vers la rue » (ash-Sharaa) mettent désormais sur certaines affiches le portrait du dirigeant chiite aux côtés de ceux de Saad Hariri et Nabih Berri pour tous les dénoncer, d’autres activistes voient dans les attaques contre le secrétaire général du parti une volonté de s’en prendre au symbole de la « résistance » à Israël.
Manifestations pacifiques et violences sociales
La question de la violence divise également le mouvement de protestation. La nuit du 23 août, plusieurs dizaines de jeunes — parfois des adolescents — affrontent les forces de sécurité. Ces jeunes ne cachent pas leurs origines géographiques, sociales ou confessionnelles : ils viennent de la banlieue sud de Beyrouth, à majorité chiite, ou d’un quartier pauvre adjacent du centre-ville, Khandaq al-Ghamiq. La manifestation dégénère, des cocktails Molotov sont jetés sur la police, qui compte aussi des blessés.
Les jeunes sont immédiatement accusés par une partie de la presse, mais aussi par certains organisateurs des manifestations, d’être des « infiltrés ». Le terme fait florès depuis. En cause : leur proximité supposée avec le mouvement chiite Amal dont Nabih Berry, le dirigeant, est aussi le président du Parlement. En somme, Amal aurait téléguidé ces jeunes manifestants afin de faire dégénérer les manifestations pacifiques en émeutes.
Les débats entre « Vous puez » et « Nous voulons des comptes », tout comme les controverses sur les réseaux sociaux, tendent depuis à relativiser l’hypothèse des infiltrés. Se profile également une lecture plus sociale du phénomène. Ce n’est d’abord pas la première fois que les jeunes issus de ces quartiers populaires manifestent sur un mode violent : en janvier 2008, plusieurs rassemblements contre les coupures d’électricité, dans la banlieue sud de Beyrouth, avaient dégénéré en affrontements avec l’armée. Tout au long de l’été 2015, la jeunesse de Khandaq al-Ghamiq a brûlé aussi des poubelles, ou en a versé le contenu sur certaines artères routières. Si la thèse d’une manipulation ne peut jamais être exclue, il n’en reste pas moins que la mobilisation sur un mode violent, voire typiquement spontané, d’une jeunesse désœuvrée, n’est, au Liban, pas un phénomène nouveau. L’affiliation avec le mouvement Amal est aussi à relativiser. Il ne s’agit pas de militants d’une organisation politique à proprement parler, mais bien plus d’une base sociale de Amal, mobilisée sur un mode confessionnel, ayant un rapport de fusion organique avec une formation perçue, en dehors du Hezbollah, comme représentant les intérêts des chiites au Liban.
Les controverses sur les « infiltrés » ramènent enfin le facteur confessionnel dans un débat public qui semblait y avoir échappé. La « révolution des ordures » se voulait non-confessionnelle ; la voilà remise sur les rails classiques de la vie politique libanaise.
Faire chuter le régime, mais lequel ?
La « révolution des ordures » a pu faire émerger un véritable espace politique entre les coalitions du 8-Mars et du 14-Mars. Elle s’inscrit dans l’héritage des révoltes arabes du printemps 2011 dont elle reprend nombre de revendications : aspiration à plus de démocratie et de justice sociale, chute du régime, dénonciation de la corruption des élites politiques. L’analogie s’arrête peut-être là. Les appareils de sécurité libanais, un moment débordés, tentent aujourd’hui d’obtenir l’assentiment des manifestants - avec un succès tout relatif. Le 29 juillet, les Forces de sécurité intérieures déploient une grande banderole au-dessus de la place des Martyrs, au slogan significatif : « Pour vous, avec vous, pour vous protéger » (« Lakum, Ma’a-kum, li-Himayatikum »).
Dans un premier temps, le ministre de l’intérieur Nouhad Machnouk reconnaît un usage excessif de la force par la police. Le premier ministre condamne les « ordures politiques ». Les différentes factions, toutes sans exception, reconnaissent les doléances des manifestants. Le général Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre (CPL) présent au gouvernement, inscrit les protestations actuelles dans la lignée de celles qu’il avait initiées, quelques semaines plus tôt, pour la résolution du dossier présidentiel. Il appelle maintenant son parti à descendre dans la rue, le 4 septembre, pour la tenue de nouvelles élections législatives. Les Forces libanaises de Samir Geagea disent qu’elles ne peuvent que soutenir le mouvement, puisqu’elles boycottent elles-mêmes un gouvernement qu’elles estiment non représentatif. Le leader du mouvement Amal rappelle qu’il s’est prononcé par le passé pour un « État civil » non confessionnel. Le Hezbollah se fait discret : il est conscient que certains de ses sympathisants sont également descendus dans la rue.
La tentation « pro-mouvement » des deux grandes coalitions politiques libanaises n’est pas si paradoxale. Certes, elles sont les premières cibles de la protestation populaire. Elles sont déstabilisées. Et pourtant : les divisions politiques au sein du gouvernement d’union nationale actuel sont telles qu’il n’est pas dans l’intérêt du 14-Mars ni du 8-Mars d’apparaître à contre-courant d’un petit mouvement populaire dénonçant la faillite de l’État. Il leur est toutefois impossible de séduire des manifestants radicalisés par deux semaines continues de mobilisation. Le tropisme d’apparence d’élites politiques disant comprendre le sens des manifestations pourrait ne durer qu’un temps : le 1er septembre, alors que des manifestants occupent le ministère de l’environnement, le général Michel Aoun évoque pour la première fois la thèse d’une « manipulation politique ».
Mais une contradiction insoluble demeure, pour un mouvement qui demande la chute du régime : lequel ? Que faire lorsque ce « régime » est affublé de multiples têtes, que sa structure confessionnelle tient aussi de par ses divisions, lui donnant une apparence de relatif pluralisme, et que de nombreux Libanais, en l’absence d’un véritable État redistributeur, ont accès à certains services sociaux par le seul intermédiaire de partis politiques à caractère confessionnel ?
Les revendications des manifestants trouvent un écho favorable dans la population. Il n’est pas encore certain qu’elles puissent passer outre certaines contradictions. Les effets profonds de la crise syrienne sur le Liban, la « bataille des frontières » opposant l’armée libanaise et le Hezbollah aux groupes armés « djihadistes » et l’instabilité sécuritaire chronique peuvent amener certains Libanais à craindre un mouvement social demandant la chute d’un régime confessionnel certes bancal, mais à l’heure actuelle relativement plus stable qu’un paysage régional dévasté de la Syrie à l’Irak. Les appareils politiques confessionnels libanais n’ont pas encore perdu de leur force de mobilisation : ainsi du mouvement Amal, qui, le 30 août, a réuni plusieurs milliers de manifestants à Nabatieh, au sud du pays, pour l’anniversaire de la disparition de l’imam Moussa Sadr7.
La « révolte des ordures » n’est sans doute pas près de s’arrêter et les manifestations vont continuer, non sans contradictions : d’un côté, un mouvement social à nul autre semblable dans l’histoire du Liban depuis le début des années 1990 et la politisation croissante d’une partie de la jeunesse libanaise qui ne se reconnaît plus dans ses élites politiques. De l’autre, la résilience probable d’un système communautaire à la vie longue, hérité du mandat français, que les différentes crises et guerres civiles n’ont jamais empêché de se renouveler.
Nicolas Dot-Pouillard Orient XXINicolas Dot-Pouillard 2 septembre 2015
Des activistes de la campagne "Vous Puez" #طلعت_ريحتكم sont entrés de force au siège du ministère de l'Environnement à Beyrouth.
Malgré les multiples tentatives des forces de sécurité de faire sortir les protestataires, ces derniers insistent d'y rester jusqu'à la démission du ministre Mohammad el-Machnouk. Suite à l'appel lancé par les activistes, plusieurs citoyens se sont rassemblés devant le siège du ministère en soildarité avec les protestataires.
Des renforts de l'armée libanaise sont arrivés sur les lieux et les forces de sécurité ont bloqué toutes les entrées menant au bâtiment.
La pression s'est accrue dimanche sur le gouvernement libanais au lendemain de la plus grande manifestation jamais organisée par la société civile qui lui a donné jusqu'à mardi pour trouver une issue à la crise des ordures.
"Votre heure a sonné", ont prévenu les organisateurs de la campagne citoyenne "Vous puez" à l'adresse des dirigeants politiques, promettant une "escalade" si leurs revendications n'étaient pas entendues d'ici à mardi soir, au terme d'un ultimatum lancé samedi.
“Laïcité, égalité et justice sociale” Pancarte de la coalition progressiste “Le peuple Veut”
Le Liban avait connu quelques manifestations importantes au début de l’année 2011 contre le régime confessionnel à la suite des soulèvements régionaux, mais le mouvement a pris malheureusement fin quelques mois plus tard, notamment par le sabotage de plusieurs partis réactionnaires et confessionnels du mouvement et la complicité de mouvements de gauche de tradition stalinienne.
Une nouvelle dynamique populaire a commencé avec la campagne « vous puez » qui a été déclenché à la suite d’une crise de gestion des déchets. Des tas d’ordures se sont accumulés dans les rues de Beyrouth depuis début juillet, après la fermeture d’un site majeur, dans la ville de Naameh, ville côtière du Sud, de décharge à ordures. Ouvert en urgence en 1998, ce lieu d’enfouissement des déchets devait fermer dix ans plus tard et ne jamais dépasser les 2 millions de tonnes d’ordures. Le 17 juillet dernier, quand les habitants des villages voisins ont barré la route aux camions poubelles de l’entreprise Sukleen, elle avait été agrandie à quatre reprises et contenait 18 millions de tonnes de déchets. Depuis ce jour, l’odeur qui étouffait le quotidien à Naameh s’est déplacée dans les rues de Beyrouth. Après dix jours sans collecte de poubelles, cela représentait déjà 3 000 tonnes de déchets quotidiens.
Par la suite le gouvernement d’unité nationale libanais, composé des forces du 8 et 14 mars, [1] a transporté certains tas d’ordures dans les régions les plus pauvres pour soulager momentanément les tensions dans la capitale Beyrouth et épargner aux quartiers les plus embourgeoisés l’odeur et la pollution liées à l’accumulation des déchets. Sans issue à la crise, la plupart des rues beyrouthines débordent maintenant d’ordures.
La classe dominante bourgeoise et confessionnelle tente également de se diviser les profits de la privatisation des ramassages d’ordures en fonction de lignes confessionnelles et géographiques : plus particulièrement, les liens entre Averda, l’entreprise aux commandes de Sukleen, et la puissante famille Hariri. Proche de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri, assassiné en 2005, Maysarah Sukkar a créé Averda quelques mois avant d’obtenir son premier contrat au Liban. Avec un chiffre d’affaires de 20 000 dollars, il met alors la main sur le marché multimillionnaire des déchets de Beyrouth et du Mont Liban, sans appel d’offres public. Renouvelé à plusieurs reprises dans l’opacité générale, le contrat d’Averda est finalement arrivé à échéance le 17 juillet 2015. Sans accord politique sur un nouvel espace où enfouir les déchets, les camions de Sukleen ont commencé à les déverser dans les cours d’eau, les espaces verts ou dans le port de Beyrouth.
La campagne « Vous puez » revendiquait d’abord une solution écologique à la crise des déchets, mais par la suite, comme nous l’expliquerons, le mouvement s’est radicalisé pour dénoncer le régime confessionnel et bourgeois libanais dans son intégralité
Lors de la première mobilisation autour de cette campagne le samedi 22 aout, plus de 10’000 manifestant-es se sont retrouvés dans les rues de Beyrouth. Les manifestant-es mettent en cause tous les partis confessionnels et bourgeois du 8 et 14 mars dans la crise des déchets et la corruption qui gangrènent le pays.
Face aux manifestant-es, la répression de l’armée et de la police a été extrêmement violente. Ces derniers ont tenté de repousser les manifestant-es en dehors des routes menant au centre ville de Beyrouth, en tirant à balle réelle en l’air et en ciblant les manifestant-es avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau. La police a aussi attaqué les manifestant-es avec des matraques, en en blessant plus de 75 répertoriés dans les hôpitaux.
Malgré la répression féroce, la mobilisation est repartie de plus belle le lendemain, comme un défi à la police, avec environ 20 000 personnes dans les rues de Beyrouth. On pouvait lire sur les murs du gentrifié centre ville investis par les manifestant-es des graffitis tels que “à bas le capitalisme » et « Downtown Beyrouth appartient au peuple », « non à l’homophobie, au racisme,, au sexisme et au classisme » et « Révolution ».
Les différents médias libanais, tous aux services des partis politiques bourgeois et confessionnels, avec la collaboration des services de sécurité et même de certains membres de la campagne « vous puez » qui ne voulaient pas d’une radicalisation du mouvement et la mise en cause du système confessionnel, ont tenté de discréditer le mouvement dans son intégralité en caractérisant particulièrement les jeunes issus des banlieues pauvres de Beyrouth qui avaient rejoint le mouvement comme des « infiltrés » des émeutiers et des saboteurs… Une propagande mensongère, qui par les termes similaires utilisés, rappelait pour beaucoup de manifestants la propagande du régime Assad en Syrie contre les manifestants pacifiques au début de la révolution en 2011.
Des mobilisations et sit-ins ont eu lieu toute la semaine à la suite en dépit de la continuation de la répression, répressionqui a résulté par l’hospitalisation de plus de 400 personnes.
D’autres mobilisations ont eu lieu dans d’autres localités du pays, mais plus particulièrement dans la région de Akkar. Dans cette région située dans le nord du Liban et qui est l’une des plus pauvres du pays et la moins desservie en services [2], les populations locales se sont mobilisées sous le slogan « Akkar n’est pas une poubelle » suite à la proposition du gouvernement libanais de transporter les déchets dans cette région. En contrepartie et pour tenter de faire accepter cette mesure, le gouvernement a décidé d’allouer 100 millions de dollars au développement de Akkar et 200 autres millions de dollars déjà alloués ont été débloqués pour son infrastructure routière et ses égouts. Un regroupement des municipalités de la vallée de Akkar a aussi mis en place une campagne baptisée « Tamartouna bifadlikoum » (Vous nous avez ensevelis par vos largesses) qui refuse le principe du troc consistant à jeter les déchets du Liban àAkkar et à assurer en contrepartie le développement de la région.
Dans cette même région de Akkar, une pétition a été lancé par les habitant-es du village d’Ersal pour empêcher la création d’une zone de dépotoir d’ordures dans la localité.
Les syndicats de la CGTL (centrale syndicale au Liban) ont appelé à rejoindre le mouvement à la suite des manifestations du 22 et 23 août, mais vu leurs faiblesses et leurs soumissions aux partis confessionnels et bourgeois libanais, leurs appels restent à bien des égards rhétoriques.
Le samedi 29 août, une nouvelle manifestation encore massive s’est déroulée dans la capitale Beyrouth, rassemblant entre 60 000 à 100 000 personnes. La jeunesse était présente en masse et avec un dynamisme important.
On pouvait lire et entendre les messages suivants sur les pancartes et entendre les slogans de la manifestation : « Révolution contre la classe dominante, contre le confessionnalisme, contre le racisme et contre le patriarcat », « Laïcité, égalité et justice sociale » ; « De Douma (en Syrie) à Beyrouth le peuple est un et ne meurt pas » ; « De Baghdad à Damas et Beyrouth, et la Palestine une seule révolution », « le peuple veut la chute du régime confessionnel », etc…
De nombreux manifestants dénonçaient également la corruption des élites politiques du 8 et 14 mars, de même que les politiques néolibérales et de privatisations qui ont appauvri les classes populaires du pays et entrainé la destruction des services publics.
A noter dans ces mobilisations, la constitution d’un front rassemblant divers mouvements de gauche, dont au cœur le Forum socialiste, nommé « le peuple veut » sous le slogan « Laicité, égalité et justice sociale ». Cette coalition progressiste revendique notamment : la libération de tous les manifestant-es arrêtés dans le cadre des mobilisations « vous puez » et la fin des campagnes de répression de l’Etat ; l’élection d’une Assemblée constituante, sur la base du scrutin proportionnel non confessionnel, avec le Liban comme arrondissement unique ; la démission du ministre de l’environnement et la mise à l’écart du Conseil du développement et de la reconstruction du dossier des déchets ; des poursuites judiciaires pour toutes les personnes impliquées dans les affaires de privatisations et gestion des déchets ; une enquête avec tous ceux qui étaient impliqués dans les violences au cours des dernières manifestations, c’est-à-dire les responsables politiques et sécuritaires, avec à leur tête le ministre de l’Intérieur, Nohad Machnouk ; etc…
Les multiples tentatives des partis politiques confessionnels et bourgeois du 8 et 14 mars de coopter le mouvement à son avantage politique et intérêts opportunistes sont pour l’instant encore un échec.
Les mobilisations au Liban, comme celle continue en Iraq qui a rassemblé aussi des centaines de milliers de manifestants le vendredi 28 août, nous démontrent que l’onde de choc des processus révolutionnaires de la région débutés en 2011 sont loin d’être terminés, malgré les différentes offensives contre-révolutionnaires. Il faut apporter notre soutien à ces nouvelles révoltes au Liban et en Iraq tout en continuant à soutenir les révolutionnaires en Syrie, Bahrain, Tunisie, Egypte, Yemen, Palestine, etc… qui luttent pour les objectifs initiaux (démocratie, justice sociale et égalité) des processus révolutionnaires et contre toutes les formes de la contre révolution.
Comme nous l’avons dit auparavant et malgré les difficultés importantes et multiples, les processus révolutionnaires ne sont pas morts…
Joseph Daher 30/08/2015
Notes
[1] La coalition du 8 mars est liée à la Syrie et l’Iran, regroupe le Hezbollah, l’autre parti chiite Amal et le Courant patriotique libre (chrétien) du général Aoun. De son côté, le pôle du 14 mars, soutenu par les Etats-Unis et de l’Arabie saoudite, est constitué du Courant du futur de Saad Hariri (sunnite), des Forces libanaises et de Kataeb (chrétiens)
[2] Le nord du Liban et sa capitale Tripoli comptent 20,7% des habitants du pays, mais 46% de la population extrêmement pauvre et 38% des pauvres. La région est également la moins équipée au niveau sanitaire, les taux d’abandon scolaire, de chômage et d’analphabétisme des femmes y sont parmi les plus élevés.
Aucun projet de développement de grande ampleur n’a eu lieu également depuis les années 1990. Le nombre d’établissements commerciaux ne dépasse pas les 17 000, dont la grande majorité sont de petites entreprises familiales de moins de cinq employés, dans le gouvernorat du Liban-Nord, tandis que le Mont Liban et Beyrouth en comptent comparativement 73 000 et 72 000.
Qui consacre la justice sociale, la liberté et l’égalité
– Pour un Etat laïque démocratique qui consacre la justice sociale, la liberté et l’égalité pour tous, hommes et femmes
– Pour une Assemblée constituante élue en dehors du carcan sectaire, qui élaborera une nouvelle Constitution pour le Liban
– Pour le droit de tous à une vie décente, et dans un environnement propre ne suffoquant pas sous l’odeur des déchets
Le processus révolutionnaire arabe qui s’est déclenché en Tunisie en décembre 2010 et qui a entraîné la fuite du président Ben Ali a ouvert la voie à un cycle de soulèvements révolutionnaires dans notre région qui ont réussi à renverser plus d’un tyran. Quoique ces soulèvements n’aient pas abouti à réaliser la revendication principale des masses insurgées, à savoir le renversement des régimes en place, des masses populaires libanaises, relativement larges, sont descendues dans la rue sous le slogan de « renverser le régime sectaire libanais ».
Mais cette tentative n’a pas atteint ses objectifs faute d’organisation et d’une direction résolue et structurée, et à cause de l’inertie de plusieurs forces de la gauche nationale et stalinienne, qui ont préféré haleter derrière des forces et des directions du milieu bourgeois sectaire, sous le fallacieux prétexte d’élargir, autant que possible, le cadre du mouvement, même si au détriment de la radicalité des revendications.
Cependant ce qui distingue la mobilisation massive des jeunes dans les rues et les places publiques aujourd’hui, c’est qu’elle intervient à un moment où le pouvoir bourgeois en place est arrivé à un stade ultime de pourrissement, accéléré par ses contradictions inextricables et son incapacité à reproduire ses institutions (laprésidence de la République, la Chambre des députés, la direction de l’armée, etc.). Sans parler de l’implication de certaines de ses composantes dans des aventures militaires honteuses, hors du Liban, au profit de puissances régionales autoritaires et foncièrement réactionnaires, à l’image des modèles iranien et syrien, et pour affronter la volonté des peuples arabes, notamment l’héroïque peuple syrien.
Bien évidemment la goutte qui a fait déborder le vase cette fois est le phénomène de la corruption qui a atteint des proportions inégalées et qui a conduit le gouvernement libanais, dans sa quête et ses méthodes ignominieuses de pillage de l’argent public, à la noyade, et qui tente à son tour de noyer les citoyen.ne. s dans la question des déchets. Il voulait se débarrasser de ce problème en le confiant en sous-traitanceà des entreprises appartenant à tel ou tel confident des symboles du pouvoir en place, selon le principe infâme des quotas, sinon à d’anciens seigneurs de la guerre, ou encore des chefs des madhahib (doctrines religieuses) et des confessions.
Cependant il a été contraint sous la pression des manifestants qui tiennent des sit-in dans la rue Riad Solh et d’autres qui se sont mobilisés contre lui à annuler les résultats du dernier appel d’offres y afférent. Entretemps, il essaye de se débarrasser des déchets quotidiens en les déversant dans les montagnes, dans les rivières, dans la mer et sur les plages, dans les forêts, et ailleurs, avec toutes les conséquences désastreuses sur l’environnement et sur la santé des citoyens et tous les résidents du territoire libanais. Ceci à un moment où les Libanais vivent dans des conditions très difficiles et sont exposés à toutes sortes de dangers découlant des orientations politiques, sociales et économiques des symboles du pouvoir, y compris le risque d’entretuement d’ordre sectaire.
Pour faire face à cette situation, le « Forum socialiste », qui participe de près au mouvement de la jeunesse rebelle, qui subit une horrible répression de la part des forces militaires, propose une principale vision programmatique et appelle les masses qui se sont soulevées à travailler sur sa base. Cette vision programmatique comprend les éléments suivants:
– Rejeter l’attribution en sous-traitance de la collecte des déchets à des entreprises privées, et placer leur gestion sous la responsabilité des municipalités, en particulier sur la base du tri à la source, et l’adoption du recyclage des déchets qui est en vigueur dans les pays développés, et bénéficier de ce processus pour produire de l’énergie, en pleine conformité avec les règles de protection de l’environnement.
– Le jugement des pilleurs de l’argent public devant une justice impartiale, soumise à un régime de responsabilité rigoureux, et l’épuration continue des éléments corrompus, avec le recouvrement des biens et fonds pillés à tous les niveaux, y compris les domaines publics terrestres et maritimes.
– Mettre fin à la privatisation, et la protection du secteur public en le plaçant sous le contrôle des travailleurs, avec un régime de responsabilité continu.
– Accorder aux fonctionnaires, y compris les membres des différentes forces armées, le droit de se syndiquer, et toutes les libertés démocratiques, en particulier la liberté d’opinion et d’expression, ainsi que le droit des militaires au vote.
– L’instauration de l’échelle mobile des salaires.
– L’annulation de la nouvelle loi portant sur les expulsions locatives, et la remplacer par une loi qui préserve les droits des locataires, et garantit le droit à un logement décent pour tous.
– Résoudre le problème du chômage, et garantir l’emploi, la santé et la retraite.
– L’annulation de la partie de la dette publique qui concerne la dette du Trésor public libanais envers les banques, et la nationalisation des banques et du commerce extérieur.
– L’instauration de la laïcisation globale, y compris une loi civile des statuts personnels qui garantie le droit au mariage civil.
– Inviter l’élection d’une Assemblée constituante, sur la base du scrutin proportionnel non confessionnel, avec le Liban comme arrondissement unique. Cette Assemblée élaborera une nouvelle Constitution pour le pays.
– Le jugement des criminels de guerre, et mettre un terme à l’impunité consacrée par la misérable loi d’amnistie, à la fin de la dernière guerre civile, et clarifier le sort de toutes les personnes kidnappées et disparues durant cette triste période.
– Reconnaître les droits civils, économiques, sociaux et politiques aux réfugiés palestiniens et leur garantir un logement décent à la place des camps de la honte dans lesquels ils sont entassés.
– Reconnaître les droits humanitaires aux réfugiés syriens, et leur accorder le statut de réfugiés au lieu de celui de déplacés, ce qui permet de leur garantir le droit à une vie humaine décente, à l’abri de toute discrimination raciale, ainsi que leur permettre d’entrer au Liban sans visa.
Ce qui se passe aujourd’hui au Liban sont les prémices d’un soulèvement populaire contre l’un des pires régimes bourgeois sectaires. Tous ceux et toutes celles qui sont lésés par ce régime – ils sont la majorité des habitants de ce pays – doivent descendre dans les rues et les places publiques, indépendamment de leur appartenance confessionnelle ou doctrinaire, pour :
participer au processus tant attendu et mettre fin à la désintégration sociale existante
instaurer un pouvoir démocratique et laïque qui consacre l’égalité pour tous, hommes et femmes, de tous les madhahib et confessions et de toutes les couches sociales, ainsi que la liberté et la dignité humaine et la justice sociale.
C’est un mouvement qui va laisser ses empruntes progressistes dans toute la région, comme il suscitera une très grande solidarité des peuples de la région et du monde en général.
Ils étaient des dizaines de milliers, samedi place des Martyrs, au centre-ville de Beyrouth, à crier leur ras-le-bol d’une classe politique libanaise qu’ils jugent corrompue et incompétente. Quelques images de cette manifestation organisée par le collectif de la société civile « Vous Puez! », qui a rassemblé des Libanais venant des quatre coins du pays. Ci-dessus, quelques morceaux choisis.
Qui sont ces Libanais venus dénoncer l’incurie du gouvernement au cœur de Beyrouth?
Ils n’étaient qu’une poignée d’irréductibles, il y a plus d’une dizaine de jours, à manifester sous le slogan « Vous Puez! » contre la gestion gouvernementale désastreuse du dossier des déchets. Le week-end dernier, ils étaient déjà plus nombreux, au centre-ville de Beyrouth, à dénoncer l’incurie du gouvernement. Des rassemblements qui avaient fini par déraper, notamment en raison de l’infiltration de fauteurs de troubles, en affrontements avec les forces de l’ordre, qui avaient eu la main lourde en matière de répression.
Samedi, à l’appel des activistes du collectif « Vous Puez ! », des dizaines de milliers de Libanais sont descendus, place des Martyrs, pour dénoncer l’incurie des autorités. Dans le cadre de cette manifestation, les revendications pour une solution à la crise des ordures ont souvent été diluées dans une marée de demandes sociales et politiques. L’expression d’un ras-le-bol général.
L’Orient-Le Jour a interrogé dix de ces manifestants aux profils diverses, venus des quatre coins du pays pour crier leur colère contre les responsables politiques. Voilà pourquoi ils sont venus manifester :
Ali el-Hage, 52 ans, agriculteur, originaire de Maaraké (Tyr)
« Je suis venu réclamer le changement. Je veux changer le pays. Il nous faut un Etat laïc (en bonne et due forme). Assez des zaïms et des chefs politiques! Nous en sommes dégoûtés. Nous devons être des citoyens libanais honnêtes ».
Mahdi Haïdar, 30 ans, employé chez Porsche, et son neveu Jeffrey, trois ans, originaires du Liban-sud
« Nous avons tous le devoir de manifester. Mon salaire ne me suffit pas. On nous vole, on nous dépossède de nos bien de toute part, sans distinction entre les confessions. Je manifeste aussi pour l’avenir de mon neveu Jeffrey ».
Mayyas Ayyach, 20 ans, étudiante à l’AUB, et Line Moustapha, 18 ans, étudiante à l’Université libanaise, toutes deux originaires du Chouf
« J’ai toujours participé aux manifestations, notamment celles en faveur du mariage civil au Liban et des droits de la femme, explique Mayyas Ayyach. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de manifester pour une solution à la crise des déchets. Nous exprimons à présent un ras-le-bol général. Nous devons tous manifester notre colère, en tant que Libanais ». « Nous devons changer toute cette classe politique, renchérit Line Moustapha. Il nous faut des dirigeants clairvoyants. Nous demandons à ce que tous les Libanais nous soutiennent. Tous ensembles, nous pouvons obtenir le changement ».
Bilal, 24 ans, propriétaire d’un café, résidant à Tyr
« Je suis là aujourd’hui pour réclamer que l’autoroute de ma ville soit asphaltée, que le courant électrique soit assuré 24h sur 24. Je manifeste évidemment contre la décharge d’ordures à Deir Qanoun, dans ma ville, aussi ».
Fouad Karaki, 48 ans, en recherche d’emploi, et son épouse Fatima, 38 ans, femme au foyer, résidents dans le quartier de Bechara el-Khoury (Beyrouth).
« Je vivais à l’étranger, explique Fouad Karaki. Mais je suis rentré il y a deux ans, et j’espé- rais trouver un emploi au Liban. En vain. Je manifeste aujourd’hui à cause des provocations de nos dirigeants. Ils forment un petit gang qui est toujours au pouvoir. Qu’ils ramassent eux-mêmes nos déchets dans les rues. La crise des ordures a été un déclencheur, mais tout est pourri. La corruption s’est répandue partout. Il est temps de dresser les potences devant le Grand sérail (siège du gouvernement) ». « Je manifeste pour réclamer mes droits. Assez! Cette situation ne peut plus durer », lance Fatima.
Emne Nasreddine, 25 ans, originaire de Baableck, employée dans une ONG qui s’occupe des réfugiés syriens au Liban. « Mère, devrais-je faire confiance au gouver- nement? » peut-on lire sur sa pancarte, en allusion à un titre du groupe Pink Floyd.
« Mon père a du quitter le pays. Ma mère ne peut pas assurer les frais de son traitement médical. Je manifeste pour que tout cela change et qu’on puisse rester au Liban ».
Rita Abdelkader, 37 ans, femme au foyer, originaire de Choueifat (au sud de Beyrouth), accompagnée de ses deux enfants
« Je manifeste pour faire tomber le gouvernement. Les pauvres s’appauvrissent davantage à cause de nos responsables politiques. Je réclame également une solution à la crise des ordures, une assurance maladie et des soins hospitaliers décents. Oui, je manifeste pour beaucoup de choses. Nos dirigeants croient que les sièges du pouvoir leur appartiennent éternellement. Depuis que je suis né, la classe politique est la même ».
Samar Khoury, 56 ans, originaire de Tripoli, praticienne en médecine chinoise
« Je suis venue en compagnie de ma fille de 19 ans. Il était temps qu’on manifeste. Les ordures étaient enfouies, mais aujourd’hui, elles s’accumulent sous nos yeux. Nous sommes unis à présent. Nos demandes sont basiques : courant électrique, eau, air propre, une solution à la crise des déchets. Toutes ces demandes sont en fait nos droits, tout simplement. Les Libanais ont enfin compris cela ».
Daniella Fayad, 25 ans, originaire du Akkar, employée dans une ONG qui travaille avec les réfugiés syriens au Liban.
« Je suis dans la rue aujourd’hui pour réclamer quatre choses : une nouvelle loi électorale pour les législatives, la décentralisation, du sang neuf au sein de la classe dirigeante, et évidemment une solution à la crise des déchets ».
Jamil Ali Hassan, 61 ans, commerçant, résidant à Beyrouth
« Je suis venu exprimer mon soutien à ce mouvement (Vous Puez !) qui a réussi un exploit : rassembler les partisans du 14 et du 8 Mars autour de mêmes demandes. Je réclame l’activation du système libanais et non son changement. Notre pays protège les libertés, les bases démocratiques sont là. Mais elles ne sont pas appliquées. Je viens de la génération qui a échoué. C’est pour cela je soutiens cette nouvelle génération ».
Déclaration du Courant de la Gauche révolutionnaire en Syrie
Solidarité avec le soulèvement des masses populaires libanaises
Notre pays frère le Liban vit ces derniers jours des manifestations et des protestations pacifiques qui exigent la chute du régime et l’assainissement du pays de ses politiciens… avant ses déchets. En effet ces manifestations veulent destituer le gouvernement et le Parlement dont le mandat a été prolongé, mettre fin aux seigneurs de la guerre ainsi que renverser tout le système politique sectaire et corrompu en vue de le remplacer par un autre qui reflète les aspirations des masses populaires et leurs intérêts.
Il y a cependant une dictature politique en place qui a préféré répondre aux manifestations par la violence. Les forces de sécurité ont alors chargé les manifestants avec des balles réelles et en caoutchouc, des grenades lacrymogènes et des véhicules anti-émeutes faisant des blessés parmi les jeunes révoltés. Elles ont également arrêté un certain nombre de manifestants dans une tentative de briser la volonté du peuple qui a déclaré la révolution contre la corruption.
Les régimes en place se diffèrent certes par leur nomination ou leurs fondements mais ils se ressemblent par leur nature, étant des régimes tyranniques qui servent les intérêts d’une caste à la fois gouvernante et possédante. Une caste qui, dans tous les pays arabes, exerce la tyrannie, s’adonne au pillage et trempe dans la corruption au profit d’une petite minorité et au détriment de la majorité de la population exploitée qui plus est subit une paupérisation et une répression accrues. Mais ces régimes corrompus oublient une réalité dont les révolutions de ces dernières années ont apporté la preuve criante que lorsque le peuple un jour veut la vie, force est au destin de répondre.
Aussi le peuple au Liban, comme en Irak, rejoint les révolutions qui ont balayé la région sous le slogan: Le peuple veut renverser le régime… pour la liberté, la dignité, l’égalité et la justice sociale.
Le Courant de la Gauche révolutionnaire en Syrie exprime sa pleine et entière solidarité avec nos frères et sœurs de la jeunesse et des masses populaires qui se sont soulevés contre le système politique et social corrompu et pourri au Liban dont la puanteur se répand partout. Il est certainement temps de s’en débarrasser.
Nos ennemis sont communs…
Et notre lutte est commune
Et toujours avec la lutte des masses populaires pour leur émancipation
Tout le pouvoir et toute la richesse au peuple
Le Courant de la Gauche révolutionnaire en Syrie 23 août 2015