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Révolutions Arabes - Page 143

  • Saint Denis Palestine

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    L’AFFAIRE SALAH HAMOURI de Nadir Dendoune

    Documentaire / France / 2015 / 40’

    Journaliste indépendant, Nadir Dendoune a rencontré Salah Hamouri, début 2012 peu de temps après sa sortie de prison. Le Franco-Palestinien venait de purger une peine de 7 ans en Israël. Citoyen français, mais résidant à Jérusalem, le civil Salah Hamouri avait été jugé par un tribunal militaire, illégal au regard du droit international. L’armée israélienne lui reprochait d’avoir eu l’intention de tuer un rabbin ultra-orthodoxe et d’appartenir au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, admettra que le dossier d’accusation ne comportait aucun élément de preuve. L’histoire de Salah Hamouri, contrairement à celle de Gilad Shalit, ce soldat franco-israélien, enlevé par le Hamas en 2006, avait été très peu médiatisée en France.
    Nadir Dendoune est parti avec sa caméra et son micro pour tenter de comprendre pourquoi l’affaire Salah Hamouri avait suscité peu d’intérêt de la part de la sphère politique et des médias…

    Rendez-vous

    • À Saint-Denis (93), projection suivie d’un débat autour du film : "L’affaire (...) 
      Le samedi 2 avril 2016 à 17h00
      Cinéma l’Écran

      14 Passage Aqueduc
      93200 Saint-Denis

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4739

  • Le sionisme, du « rêve » nationaliste au cauchemar colonial (Npa)

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    « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » ? Les fondateurs du sionisme ne furent jamais dupes de leur propre slogan. Loin d’ignorer l’existence des Palestiniens, ils n’y voyaient qu’une main-d’oeuvre à exploiter ou un obstacle à supprimer. Le sionisme, expression d’une révolte contre l’oppression des Juifs d’Europe, fut pourtant d’emblée un projet colonial. 

    L’oppression des Juifs d’Europe est une vieille histoire. A Strasbourg, encore au 18ème siècle, les Juifs devaient quitter la ville au son du cor, à la tombée de la nuit, pour regagner leur ghetto dans les faubourgs. Il fallut attendre la Révolution française pour briser ces discriminations infâmes.

    Le mouvement d’émancipation mit cependant du temps à gagner le reste de l’Europe.

    Au 19ème siècle, cette émancipation prit souvent l’allure d’une assimilation, par laquelle les Juifs perdaient leurs traits culturels particuliers. Malgré la persistance des préjugés, cette tendance à l’assimilation faisait pronostiquer à nombre d’intellectuels juifs du 19ème siècle rien moins que la disparition des spécificités juives en Europe, moyennant l’égalité des droits dans des sociétés de plus en plus libérales, notamment en Europe occidentale. 

    Mais le vrai centre de gravité des populations juives d’Europe était situé dans la partie occidentale de l’Empire russe.

    C’est là que les deux tiers de la population juive du monde étaient concentrés, dans les ghettos et villages du « Shtetl » de Lituanie, Pologne, Ukraine ou Russie. A la fin du 19ème siècle, six millions de Juifs vivaient sous la tutelle du tsar, dans cette « zone de résidence » obligatoire. Leur situation économique était catastrophique. Ils n’avaient pas le droit de posséder des terres et n’étaient pas embauchés comme ouvriers dans la grande industrie naissante. Dans un monde massivement paysan, ils représentaient une fraction considérable de la population citadine, par exemple 20 % de celle de Varsovie, qui comptait 200 000 Juifs. Condamnés à une existence misérable, ils étaient soumis à un antisémitisme légal (pas le droit d’être fonctionnaires, numerus clausus à l’université et dans les professions libérales, corvées et impôts particuliers) et subissaient des explosions chroniques d’antisémitisme, les pogroms, largement attisés par le pouvoir tsariste.

    L’invention du sionisme

    C’est dans ce contexte que le sionisme est né à la fin du 19ème siècle. Il n’était pourtant pas l’invention de Juifs du Shtetl. Son fondateur, Theodore Herzl, était un bourgeois juif autrichien qui se sentait parfaitement assimilé. Mais il racontait lui-même que c’est en France, pays de la première émancipation des Juifs, qu’il vit se déchaîner avec l’affaire Dreyfus une campagne nationale hystérique contre le « traître juif ». Il était évident que la veille oppression n’était pas près de disparaître.

    La situation des Juifs d’Europe était pourtant bien différente à l’est et à l’ouest.

    Une partie de la bourgeoisie et de l’intelligentsia juives occidentales accusaient d’ailleurs la « racaille » juive venue de l’est… d’alimenter l’antisémitisme et refusait avec horreur de pouvoir être confondue avec ces gens. Herzl, lui, en tira d’autres conclusions : que les Juifs dans leur ensemble devaient se donner leur propre Etat. Car il comprenait au moins une chose : les Juifs étaient victimes du processus général de construction des Etats modernes qui partout se créaient sur le dos des minorités et se dotaient d’idéologies nationalistes qui leur étaient hostiles… mais que partageaient Herzl et les autres fondateurs du sionisme.

    Dans L’Etat juif, publié en 1896, il écrivait : « nous avons partout loyalement essayé d’entrer dans les collectivités nationales qui nous environnent, en ne conservant que la foi de nos pères. On ne l’admet pas. En vain sommes-nous de sincères patriotes (…) Dans ces patries où nous habitons déjà depuis des siècles, nous sommes décriés comme étrangers (…) La majorité peut décider qui est l’étranger dans le pays. C’est là une question de puissance, comme tout d’ailleurs dans les relations des peuples (…) C’est donc en vain que nous sommes partout de braves gens. Ah ! Si l’on nous laissait tranquilles ! Mais je crois qu’on ne nous laissera pas tranquilles. »

    Il en déduisait la nécessité pour les Juifs de renoncer à l’assimilation et même à la conquête d’une simple égalité des droits dans chaque pays. Pour construire un Etat juif. Il fallait pour cela un territoire. Après quelques hésitations sur le lieu il proposa la « Terre de Sion », la Palestine, qu’il considérait comme le berceau historique du peuple juif. Les sionistes développèrent toute une mythologie historique, semblable à celles qui se construisaient alors en Europe. Ils reconstruisirent  l’histoire du judaïsme et du « peuple juif » pour fonder les droits d’un Etat juif en Palestine, comme l’a brillamment raconté Shlomo Sand dans son essai « Comment le peuple juif fut inventé ».

    Des raisons prosaïques

    Il y avait au choix de la Palestine des raisons plus prosaïques que le romantisme biblique. L’entreprise semblait impossible en Europe. A moins de se contenter de plus modestes institutions « nationales culturelles », à défaut d’un territoire ? En revanche l’Empire ottoman en déclin, maître de la « Terre sainte », était la nouvelle proie des ambitions anglaises, françaises et allemandes.

    Les Français montraient la voie aux sionistes : après avoir développé une colonie de peuplement en Algérie, ils avaient pris prétexte de l’existence d’une forte communauté chrétienne au Liban pour s’ériger en protecteurs de celle-ci et obtenir de l’empire turc des « capitulations » en faveur de la France. La région du « Mont Liban » devenait peu à peu une enclave coloniale française sur le flan de l’empire déclinant. Pourquoi ne pas faire de même en Palestine ? Y établir une colonie de peuplement juive, appelée à devenir un jour un Etat indépendant, sous la protection d’une grande puissance européenne ?

    Quant aux occupants réels, arabes, de la Palestine, ils ne comptaient pas plus pour Herzl que les Algériens pour les Français. Sur son projet colonial il écrivait : « nous devrions former là-bas une partie du rempart de l’Europe contre l’Asie, un avant-poste avancé de la civilisation s’opposant à la barbarie. » Et notait en 1895 dans son journal, à propos des Arabes : « nous devons les exproprier gentiment. Le processus d’expropriation et de déplacement des pauvres doit être accompli à la fois secrètement et avec prudence. »

    Pendant que des migrants juifs d’Europe orientale s’installaient, mais au compte-goutte, en Palestine, avant même d’ailleurs la fondation d’un mouvement sioniste structuré par Herzl, celui-ci fonda un congrès sioniste annuel et une banque coloniale juive pour recueillir des fonds, investir en Palestine et acheter des terres. Il prit aussi son bâton de pèlerin pour chercher la puissance européenne qui trouverait conforme à ses intérêts d’arracher la Palestine à l’empire turc pour en faire une colonie juive… Quand le Kaiser allemand Guillaume II se rendit en visite d’Etat à Jérusalem en 1898, Herzl fit aussitôt ses valises et se vit accorder cinq minutes d’audience, sans résultat. Ce fut le seul voyage de sa vie en « Terre sainte », dont il jugea d’ailleurs, dans son journal, le « climat très malsain » ! Des courbettes, il alla aussi en faire à Saint-Pétersbourg, capitale de la persécution mondiale des Juifs, pour expliquer au ministre de l’intérieur du tsar que le sionisme n’était pas un mouvement hostile au régime et qu’il conseillait aux Juifs non de se dresser contre le despotisme, mais d’aller chercher refuge en Palestine. Herzl demandait donc de l’aide au ministre pour faciliter l’exil.

    Ce que ce dernier faisait en réalité : la misère et les pogroms chassaient les Juifs de Russie, et cela continua après la guerre mondiale. Mais au grand désespoir des sionistes, les exilés n’allaient pas en Palestine, ou si peu ! Entre 1880 et 1929, près de quatre millions de Juifs émigrèrent de Russie, de Pologne, d’Autriche-Hongrie (puis des Etats successeurs) et de Roumanie. Trois millions allèrent aux Etats-Unis, 500 000 en Europe occidentale. La Palestine, elle, n’accueillit en cinquante ans que 120 000 juifs. New-York était la nouvelle Jérusalem.

    La colonisation de la Palestine

    L’alya (le « retour ») s’est cependant accélérée après la Première Guerre mondiale. Les Etats-Unis, la France et l’Angleterre se faisaient de moins en moins accueillants. Mais surtout, les sionistes avaient enfin réussi à se faire adopter par la première puissance impérialiste, la Grande-Bretagne.  En 1917, en plein conflit, le ministre des affaires étrangères Lord Balfour promettait officiellement « l’établissement d’un foyer national juif en Palestine ».

    Le calcul britannique était parfaitement cynique. Pendant la guerre, ils promettaient la Palestine deux fois, à l’émir Hussein et aux chefs nationalistes arabes comme aux dirigeants sionistes. En même temps, ils négociaient avec l’allié et concurrent français le partage colonial de l’empire ottoman. Les accords Sykes-Picot, plus tard refondus, donneraient la Syrie et le Liban à la France, l’Irak et la Transjordanie à l’Angleterre. Les Britanniques comptaient bien utiliser les colons juifs contre les Arabes. C’était d’ailleurs leur politique en général : découper des frontières selon leurs intérêts, créant un Irak artificiel tout en dispersant les Kurdes, taillant un émirat pétrolier au Koweït, donnant des privilèges à des minorités pour qu’elles soient le relais de leur domination contre le reste de la population. Ils savaient que la logique de la situation pousserait Juifs et Arabes à l’affrontement, ce qui leur permettrait de s’imposer à tous comme l’arbitre indispensable.

    Les sionistes n’étaient pas dupes.

    Ils acceptaient consciemment ce jeu en espérant que l’aggravation du sort des Juifs d’Europe en amènerait de plus en plus en Palestine, et que leur rôle de relais de l’impérialisme les rapprocherait de la création d’un Etat. L’immigration juive s’accéléra. En 1935 il y avait 500 000 juifs en Palestine, soit 29 % de la population totale du territoire à l’ouest du Jourdain.

    Le sionisme « socialiste »

    Mais en même temps cette immigration changea de nature. Elle était au début fortement dominée par des millionnaires conservateurs juifs, comme Rothschild, et par des organisations sionistes dans la ligne de Herzl. Mais au sein du sionisme, spécialement en Europe orientale, se développa un courant qui se proclamait socialiste et ouvrier. Un théoricien sioniste, Ber Borachov, affirmait ainsi vouloir concilier socialisme et nationalisme juif : le peuple juif était « anormal », avec peu d’ouvriers et de paysans, il n’avait pas sa propre structure économique, il était prisonnier d’économies étrangères. Il fallait donc créer en Palestine une paysannerie et une classe ouvrière juives, bases d’un Etat socialiste juif.

    C’est l’idéal que porteraient la plupart des fondateurs des fameux « kibboutz », et dont se font ainsi l’écho, rétrospectivement, Serge Moati et Ruth Zylberman dans leur livre et documentaire Le Septième jour d’Israël : « Les kibboutzim étaient alors comme la vitrine d’Israël. [Ils parlent des années 1950.] On venait s’y incliner avec respect devant ces Juifs d’un type nouveau qui avaient su faire de leur vie un miracle quotidien. Sur les marais qu’ils avaient su assécher, ils avaient bâti des villages pimpants (…) Ils avaient su, eux les enfants des Shtetls [les bourgades d’Europe centrale] et des mellahs [quartiers juifs] d’Afrique du nord, construire une société égalitaire, vraiment socialiste et collectiviste à l’heure où ce mot ne faisait pas encore peur (…) [Ils étaient arrivés en Palestine] animés par le rêve d’un homme nouveau ».

    Cet « homme nouveau », qui fit « fleurir le désert » comme on aime à le dire aujourd’hui en Israël, ne construisit cependant pas ses fermes- villages seulement sur des « marais ». Les sionistes créèrent au début du siècle un « Fonds national juif » qui collectait dans toute la diaspora pour ensuite acheter des terres en Palestine. Les terres étaient souvent achetées aux féodaux arabes, comme si les paysans qui travaillaient ces terres depuis des siècles n’existaient pas. Ceux-ci étaient brutalement expulsés et la colonie pouvait s’installer.

    On vit affluer en Palestine, à partir de 1910 et surtout après la Première Guerre mondiale, toute une jeunesse juive, surtout issue d’Europe orientale, influencée par les idées socialistes, guidée par l’idéal d’une société fraternelle et égalitaire, démocratique et sans exploitation… mais pour l’essentiel nationaliste. Et bien entendu bardée de tous les préjugés racistes et colonialistes de l’Europe dont elle venait. Dans leur travail pourtant presque amoureux sur le kibboutz, Moati et Zylberman, précisent donc : « les kibboutzim constituaient le meilleur des instruments pour mener à bien les objectifs nationaux du sionisme : colonisation juive, conquête territoriale de facto (…) Surtout dans les années 30, alors que l’opposition arabe aux implantations juives allait grandissant, les kibboutzim constituèrent les avant-ponts armés du combat sioniste, châteaux forts dressés face au monde extérieur. Des fermes, oui, mais aussi des forteresses bien armées. » Et si leur nombre passa de 24 en 1923 à 90 en en 1939, ils ne représentaient « qu’une proportion fort marginale de la population juive (entre 3 et 6 %), ils constituaient une véritable élite idéaliste et dévouée qui frappait et exaltait l’imagination des jeunes Juifs de par le vaste monde ». Bref, une avant-garde armée et idéologique.

    Autre paradoxe : ces pionniers d’un « socialisme national » voulaient devenir ouvriers agricoles, mais les grands propriétaires juifs préféraient exploiter la main d’œuvre arabe. Pour développer le « travail juif » à la campagne, ils fondaient donc leur propre communauté agricole, tandis qu’en ville ils luttaient avec âpreté… pour empêcher l’embauche des travailleurs arabes. Les socialistes fondèrent une organisation syndicale, la Histadrout, en 1920. Elle refusa de syndiquer les Arabes. Elle finançait des piquets empêchant la venue de travailleurs arabes dans une entreprise juive, organisait le boycott de la production arabe : il fallait acheter juif.

    C’était conforme à la décision prise en 1929 par le proto-gouvernement du mouvement sioniste en Palestine, l’Agence juive, dominée alors par les socialistes et leur leader David Ben Gourion, de construire par ces méthodes de séparation forcée une « économie juive » autonome en Palestine. Il n’y avait rien de naturel à cette coupure en deux des travailleurs arabes et juifs, malgré les préjugés et la colère des Arabes à se voir peu à peu dépossédés par la colonisation juive. La Histadrout sabota en 1920 une grève commune aux ouvriers arabes et juifs du port et de la raffinerie de Haïfa contre leurs employeurs britanniques, puis en 1931 une grève des camionneurs des deux communautés.

    Ainsi la montée en puissance du courant « socialiste » au sein de la colonisation juive en Palestine ne rendit pas celle-ci moins nationaliste ou anti-arabe.

    Elle contribua à l’orienter davantage vers l’idée d’une complète séparation et le projet d’expulser si possible les Arabes de Palestine, plutôt que de les y tolérer pour en faire un prolétariat corvéable à merci. Et puisque les émeutes antijuives se multipliaient au fur et à mesure des progrès de la colonisation, le paysan et l’ouvrier juif « socialiste » se transformait toujours davantage en colon armé face aux Arabes dépossédés, sous la direction des diverses organisations armées sionistes. Seule une minorité de Juifs, communistes (staliniens et trotskystes), prônaient une perspective commune aux Juifs et aux Arabes et s’efforçaient de les organiser ensemble.

    La grande révolte arabe de 1936

    Cela ne pouvait bien sûr tourner qu’à la guerre, une guerre à plusieurs fronts, opposant les uns aux autres les Arabes, les Juifs et la puissance coloniale anglaise.

    Le 20 avril 1936 une grève générale  dirigée par un Haut-comité arabe à la tête duquel il y avait le (très réactionnaire) grand Mufti de Jérusalem, fut organisée pour imposer aux autorités coloniales la fin de l’immigration juive, l’interdiction de la vente de la terre aux Juifs et la promesse d’un gouvernement désigné par les représentants de la majorité de la population. Elle dura six mois et tourna à l’insurrection.

    Des Arabes menèrent une guérilla dans les collines, firent dérailler des trains, sabotèrent l’oléoduc de l’Irak Petroleum Company (à capitaux britanniques).

    Les villages révoltés attaquèrent parfois les colonies juives, tout en luttant contre les troupes britanniques d’occupation, à tel point que des villes entières échappèrent au contrôle des autorités britanniques. Les Anglais menèrent une répression féroce. Des villages entiers furent rasés, des familles expulsées et regroupées dans des camps. Les pendaisons expéditives et publiques se multiplièrent. Entre 1936 et 1939, l’armée britannique tua des milliers d’insurgés.

    Les organisations sionistes, également visées par la révolte arabe, y virent l’occasion de se rendre indispensables aux Anglais. Elles reçurent l’autorisation de mettre sur pied des milices armées, participèrent à la répression et firent tout pour saboter la grève arabe en fournissant de la main-d’œuvre jaune et en faisant fonctionner les ports et les trains. Chaïm Weizmann, futur premier président d’Israël, le justifia avec un tranquille aplomb : « d’un côté, les forces de la destruction, les forces du désert, se développent, de l’autre tiennent fermement les forces de la civilisation et de la construction. C’est la vieille guerre du désert contre la civilisation, mais nous ne céderons pas. »

    En 1939, une fois la révolte écrasée, les Anglais « récompensèrent » le mouvement sioniste par un « Livre Blanc » qui gelait l’immigration juive. Les Britanniques voulaient renouer le contact avec les chefs féodaux arabes et rééquilibrer le rapport de forces entre les deux communautés pour mieux les dominer.

    Vers la « guerre d’indépendance »

    La Deuxième Guerre mondiale terminée en 1945, ils essayèrent d’ailleurs de prolonger cette politique de bascule, en freinant un moment l’immigration des Juifs qui fuyaient l’Europe où venait d’être perpétré le génocide nazi, pour perpétuer leur mainmise sur la région.

    Une fraction du mouvement sioniste réagit en prenant les armes contre les Anglais. Des sionistes d’extrême droite, admirateurs à leur façon des fascismes européens, constituèrent l’Irgoun, un groupe armé terroriste. Deux de ses chefs, Itzhak Shamir et Menahem Begin, deviendront un jour premier ministre d’Israël. Mais si le mouvement sioniste s’était diversifié politiquement, engendrant son aile gauche socialiste et son extrême droite quasi fasciste, le fond politique restait le même : construire à marche forcée un appareil militaire appuyé sur une population très soudée, pour créer un Etat juif homogène quand l’occasion s’en présenterait.

    Et elle se présenta après la Deuxième Guerre mondiale. Le fait déterminant ne fut pas en soi le génocide perpétré par les nazis, l’extermination de six millions de Juifs européens. Cette tragédie poussa bien entendu  de nombreux survivants à s’évader de l’Europe dévastée et pour beaucoup à choisir l’installation en Palestine. Mais là encore, souvent faute d’alternative. D’autant que des pogroms visèrent les Juifs survivants dans la Pologne de l’immédiat après-guerre.

    10 % des Juifs qui quittèrent l’Europe après la guerre se rendirent en Palestine. Mais sur le plan straté- gique, le fait décisif fut l’affaiblissement de l’impérialisme britannique, son incapacité à garder tel quel son empire colonial. L’Inde elle-même, joyau de la couronne, allait devenir indépendante dès 1947. La Grande-Bretagne se résigna à lâcher la « Transjordanie » et laissa l’ONU toute neuve « régler » le « problème judéo-arabe » que l’impérialisme anglais avait cyniquement contribué à construire lui-même en trois décennies.

    Contrairement aux Arabes de Palestine le mouvement sioniste était prêt et il y eut le dénouement que l’on sait : la guerre de 1948, la proclamation de l’Etat d’Israël, la catastrophe qui frappa des millions de Palestiniens.

    Yann Cézard

    https://npa2009.org/idees/le-sionisme-du-reve-nationaliste-au-cauchemar-colonial

    L’immigration juive en Palestine et Israël (Source : Lemarchand, Atlas géopolitique du Moyen-Orient et du Monde arabe, Complexe 1994.)

    Période Nombre d’immigrés principaux pays d’origine

    1902-1903

     25 000  Empire Russe
    1904-1914  40 000  Empire russe, Roumanie, Europe central
    1919-1931  130 000  Grece, Pologne, Turquie
    1932-1939  210 000  Allemagne, Roumanie, Pologne, Tchécoslovaquie
    1939-1948  180 000  Europe
    1948-1955  690 000  Maroc, Irak, Roumanie, Iran, Pologne, Egypte, Yémen, Turquie, Bulgarie
  • De 1948 à aujourd’hui : la colonisation à tombeau ouvert (Npa)

    1948

    La création d’Israël, l’expulsion des Arabes

    Quel serait le sort de la Palestine après le départ des Anglais programmé pour 1947 ? La direction sioniste refusa tout projet d’un Etat binational démocratique, accepta la proposition d’un partage pour obtenir une base territoriale propre, et construisit une armée pour non seulement défendre, mais étendre ce territoire et en chasser le plus grand nombre possible d’Arabes. David Ben Gourion, qui allait devenir le premier dirigeant de l’Etat d’Israël, écrivait ainsi dès 1937, dans une lettre à l’un de ses fils : « les Arabes doivent partir, mais nous avons besoin d’un moment favorable pour que cela arrive, par exemple une guerre. »

    Cette guerre désirée a démarré avant l’intervention des armées arabes. Dès mars 1948, des centaines de villages arabes et des quartiers arabes de villes comme Haïfa ou Tibériade furent attaqués par les 90 000 hommes de la Haganah, la population regroupée, des hommes exécutés, le reste chassé sur les routes, les maisons détruites ou appropriées. A Deir Yassine, un village près de Jérusalem, c’est toute la population qui fut massacrée. Le mouvement sioniste planifia cette vaste purification ethnique, à la faveur d’un climat de terreur, parce qu’il ne voulait pas accepter un Etat où les Arabes auraient représenté 40 % de la population (1 million d’Arabes, 1,5 million de Juifs selon le plan de partage de l’ONU).

    Le 15 mai, Ben Gourion proclamait l’Etat d’Israël. Ni bien armés ni bien organisés, les Palestiniens devaient compter sur « l’aide » des armées égyptienne, syrienne et jordanienne… qui n’intervinrent qu’a minima. Pire, le roi de Jordanie avait déjà négocié avec le gouvernement sioniste un partage de la Palestine, qui lui livrait Jérusalem-est et la Cisjordanie.  

    Six mois plus tard les combats cessaient. Le résultat était cette Naqba, « la catastrophe », dont parlent les Palestiniens. La création d’un Etat israélien colonialiste et militariste. Aucun droit national pour les Arabes de Palestine. 800 000 d’entre eux chassés de leurs terres et réduits à la condition de réfugiés misérables.

    1950

    Israël, Etat des Juifs du monde entier, pas des Arabes israéliens

    Israël devait être « l’Etat des Juifs ». Le parlement vota la « loi du retour » qui donnait à tout Juif vivant dans le monde le droit de devenir citoyen d’Israël. Au passage, la définition du « Juif » était fondée sur des critères religieux : l’Etat laïc d’Israël gouverné par une gauche ouvertement athée confiait les clefs de l’état-civil et de la nationalité aux religieux, avec l’influence qui irait avec.

    Les 160 000 Arabes restés sur le territoire du nouvel Etat eurent droit pour leur part à la prolongation du régime militaire instauré à l’époque du mandat colonial par les Britanniques : ni libertés ni citoyenneté pleine et entière, impossibilité d’acheter des terres, droit pour le gouvernement de confisquer leurs terres pour les revendre à des Juifs, arbitraire militaire à leur égard. Jusqu’en 1966. Et nul « retour » pour les expulsés de 1948…

    1956

    Une guerre politiquement décisive

    Israël attaqua l’Egypte aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne et envahit le Sinaï. L’URSS et les Etats-Unis firent pression pour arrêter le conflit. L’enjeu fut finalement plus politique que militaire : Israël manifestait sa disponibilité pour être l’allié de l’impérialisme dans la région, contre les peuples arabes. Israël assumait aussi, cyniquement, une rupture profonde avec le monde arabe, qui rendrait plus difficile la vie des Juifs du Maroc à l’Irak… et accélérerait donc leur émigration vers Israël.

    Un million de Juifs de langue arabe immigreront en Israël les deux décennies suivantes. Ces « Mizrahim » étaient assez juifs pour peupler Israël mais trop arabes pour être les égaux des fondateurs venus d’Europe. Ils seront méprisés et surexploités, jusqu’à maintenant. Ben Gourion disait des immigrants juifs marocains : « des poussières humaines, sans langue ni éducation, racines, traditions ou rêve national », qu’il faudrait « remodeler ». Une sorte de colonisation à l’intérieur même de la communauté juive…

    1966

    La fausse émancipation des Arabes d’Israël

    Le gouvernement leva enfin le régime militaire qui pesait sur eux. Ils reçurent une carte d’identité nationale israélienne. Mais sur celle-ci, leur nationalité était dite « arabe ». La majorité des Israéliens sont « juifs »... Il n’y a pas en effet de « nationalité israélienne ». Tout un symbole de ce que l’avenir réservait en fait de discriminations.

    Les villages et quartiers arabes ne bénéficieront jamais des mêmes équipements, écoles, centres de santé. Les Arabes n’ont pas les nombreux droits sociaux conditionnés au fait d’avoir fait son service militaire… qu’ils ne peuvent pas faire. Et les réquisitions de terres continueront. Aujourd’hui, les Arabes sont 17 % de la population et ne possèdent que 2 % des terres du pays.

    1967

    Le grand Israël ?

    Le 5 juin 1967, l’armée israélienne déclencha une guerre éclair et écrasa en six jours les armées jordanienne, syrienne et égyptienne. Le Sinaï et le plateau du Golan furent occupés, et surtout la bande de Gaza et la Cisjordanie. Le gouvernement israélien triomphait : c’était en quelque sorte le rêve du « Grand Israël » cher aux fondateurs qui se réalisait.

    Mais que faire de ces territoires occupés ? Et de sa population arabe ? Les choix du parti travailliste, alors encore largement hégémonique, furent déterminants pour l’avenir. En réalité Israël n’arriva pas à trancher. Les Arabes, contrairement à ce qui s’était passé en 1948, n’étaient pas massivement « partis ». Le gouvernement n’osa pas les expulser. Il n’osa pas non plus annexer purement et simplement les nouveaux territoires occupés. D’ailleurs Ben Gourion, à la retraite, conseilla pour sa part de les rendre, non par respect des droits nationaux des Palestiniens, on s’en doute, mais parce qu’annexer ces territoires sans en expulser ses habitants menacerait démographiquement la nature juive de l’Etat d’Israël.

    La « gauche », l’armée, la majorité des Israéliens n’étaient pas pour autant capables de renoncer à leur conquête. Jérusalem-Est fut annexée (la ville deviendra « capitale éternelle et indivisible d’Israël » en 1980) et d’année en année, un mouvement de plus en plus puissant de colonisation reprit de ce côté de l’ancienne frontière. Les pionniers qui reprenaient ainsi les vieilles méthodes des premiers colons sionistes étaient souvent des fanatiques religieux, qui se regroupèrent dans le Goush Emounim, le « Bloc de la Foi ». Ils s’installaient sur des collines, chassaient les Arabes, puis après s’être fait plus ou moins gronder par les autorités d’Israël, se faisaient vite protéger par l’armée contre la colère des Palestiniens.

    La colonisation de la Cisjordanie commença sous la « gauche » travailliste, qui soit la favorisait, soit ne voulait pas politiquement l’affronter. Il est vrai que le sionisme en général, même s’il était dominé par des athées et des laïcs, a toujours eu des relations coupables – instrumentales – avec le fanatisme religieux. Comme le disait le président de la LDH israélienne à la fin des années 1960, « il y a des sionistes qui ne croient pas que Dieu existe, mais les mêmes vous diront que c’est Dieu qui a donné la terre au peuple juif ».

    C’est ainsi que les religieux, à côté de l’armée, sont devenus l’aile marchante de l’expansion coloniale d’Israël. Alors même que leurs entreprises (qui parfois tournent carrément au massacre de Palestiniens ou à d’infâmes provocations religieuses) entraînent toujours davantage l’ensemble des Israéliens dans une spirale de guerre sans fin, ils peuvent se présenter comme les nouveaux héros du sionisme. C’est ce qui a assuré leur emprise grandissante sur la société israélienne.

    Aujourd’hui, il y  a plus de 500 000 colons dans les territoires occupés. 200 000 sont installés à Jérusalem-est, encerclant la vieille ville arabe. Des territoires palestiniens ont été inclus dans le « Grand Jérusalem » et transformés en zone de peuplement juif. Dans leurs quartiers les ultra-orthodoxes juifs, qui la considèrent comme « leur ville », donnent la chasse aux homosexuels et aux femmes « impudiques » ; ils multiplient aussi les implantations dans la vieille ville arabe et certains d’entre eux rêvent de « rebâtir le Temple » sur l’esplanade des mosquées. La ville « unifiée » et annexée de Jérusalem compte désormais 700 000 habitants, dont 500 000 Juifs.

    1973

    La guerre du Kippour : l’ombre d’un doute ?

    L’Egypte et la Syrie déclenchèrent une offensive en octobre 1973. Surprise, l’armée israélienne dut reculer, puis mit quinze jours pour reprendre le terrain perdu dans le Sinaï et dans le Golan, au prix de nombreux morts.

    La confiance de l’opinion israélienne en son gouvernement et sa capacité à toujours l’emporter militairement en sortait ébranlée. Fallait-il continuer la politique de la chef du gouvernement, Golda Meir, qui ne jurait que par la force et déclarait sans complexe : « les Palestiniens cela n’existe pas. Les Palestiniens c’est nous les Juifs » ? Mais le doute n’était pas permis pour l’écrasante majorité des forces politiques israéliennes. Puisque la force ne suffisait pas, il fallait plus de force ! Six ans plus tard Israël faisait la paix avec l’Egypte mais resserrait encore son emprise sur les Palestiniens et renforçait son appareil militaire.

    1982

    L’invasion du Liban

    Menahem Begin, premier des premiers ministres de droite et son ministre de la défense, Ariel Sharon, décidèrent d’envahir le Liban. L’armée y tua des dizaines de milliers de Libanais et Palestiniens, écrasa Beyrouth sous les bombes et détruisit le quartier général de l’OLP. Le 16 septembre, ses alliés, les milices chrétiennes libanaises, massacrèrent 3 000 hommes, femmes et enfants dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila. Ariel Sharon  et l’état-major israélien couvraient et aidaient l’opération.

    Cette fois, des dizaines de milliers d’Israéliens (juifs et arabes), écœurés, manifestèrent à Tel-Aviv pour dire leur honte et leur colère. Ce fut le vrai point de départ d’un « camp de la paix » en Israël. Mais le poids écrasant du nationalisme et la complicité de la « gauche » qui ne voulait pas critiquer l’armée (ses dirigeants ont eux-mêmes beaucoup de sang sur les mains), ont fait que ni Sharon ni aucun officier n’eut jamais à rendre des comptes.

    1987 

    La Première Intifada

    En décembre 1987, alors que l’agitation montait dans les territoires occupés, avec grèves, manifestations, affrontements sporadiques, un camion israélien écrasa quatre ouvriers palestiniens. Ce fut le signal d’un soulèvement général. Les différents groupes de la résistance palestinienne prirent le contrôle de villages et de quartiers, s’attaquèrent à des positions militaires. Mais surtout, jour après jour, la jeunesse palestinienne affronta l’armée, pierres contre tanks.

    Le ministre de la défense (et futur prix Nobel de la Paix,) le travailliste Yitzhak Rabin, donna pour consigne à ses troupes : « brisez-leur les os ! » Ce n’était pas une métaphore. Plus d’un millier de Palestiniens furent tués, des milliers torturés, des dizaines de milliers emprisonnés. Mais aux yeux du monde, la révolte des pierres démystifia largement Israël et rendit enfin visible le peuple palestinien et ses droits nationaux bafoués. Elle provoqua une crise politique et pour ainsi dire morale dans le consensus sioniste. Elle ne chassa pas l’occupant mais aurait pu, aurait dû créer de nouvelles possibilités historiques.

    1993

    L’illusion – et la duperie – d’Oslo

    Le 13 septembre 1993, sous le parrainage de Bill Clinton, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin se serraient la main devant la Maison Blanche pour entériner des accords négociés à Oslo.

    Le gouvernement Rabin, tout en devant tenir compte des exigences (limitées) du grand parrain américain, cherchait à transformer son mode de domination des Palestiniens. Un peuple qui venait de prouver sa détermination, mais dont la principale organisation nationale, l’OLP, affaiblie, était peut-être disposée à se laisser domestiquer, voire acheter d’une certaine façon. Les dirigeants israéliens ne cherchaient aucunement à rendre possible une paix fondée sur la constitution d’un véritable Etat palestinien indépendant. Ils voulaient résoudre le dilemme de ces territoires occupés qu’ils ne voulaient ni annexer ni décoloniser, en y offrant à l’OLP la sous-traitance de la gestion de la misère et de la « sécurité », quitte à lui accorder les apparences plus ou moins dérisoires d’un embryon d’Etat.

    La preuve en est qu’après les accords d’Oslo, la situation réelle des Palestiniens ne changea guère. La domination économique israélienne continua, l’implantation des colonies ne fut même pas ralentie. On passa de 200 000 à 400 000 colons en Cisjordanie entre 1993 et 2000. On allait tout droit vers un bantoustan palestinien, à l’image des Etats fantômes inventés par le régime d’apartheid en Afrique du sud.

    Pas de paix sans justice : la deuxième Intifada commençait en septembre 2000.

    2001

    La deuxième Intifada et l’arrivée au pouvoir de Sharon

    Ce nouveau soulèvement du peuple palestinien n’eut pourtant pas les mêmes répercussions idéologiques sur la société israélienne que la première. De multiples raisons peuvent l’expliquer, mais l’une d’entre elles doit être soulignée : le parti travailliste (un des grands partis historiques du sionisme, celui qui dirigea le plus longtemps Israël et qui parraina les premières grandes étapes de la colonisation) avait fait cette fois le sale boulot de décourager la population tentée par la recherche de la paix par des concessions et la reconnaissance du droit des Palestiniens à avoir un Etat

     Rabin lui-même avait laissé la bride sur le cou à la colonisation. Cependant, la haine que lui portait la droite israélienne conduisit à son assassinat en 1995 par un fanatique religieux juif. Son gouvernement ne saisit pas l’occasion de casser les reins de l’extrême droite. Au contraire, le premier ministre Ehud Barak s’ingénia à offrir à l’OLP des « conditions de paix » – la dite « offre généreuse » de 2000 – inacceptables et faites pour ne pas être acceptées. Ce gouvernement expliqua alors aux Israéliens qu’il s’était trompé, que les attentats qui se multipliaient prouvaient bien que les Palestiniens ne voulaient pas la paix, qu’Israël « n’avait plus de partenaire pour la paix », qu’il fallait décidément protéger les colonies en Cisjordanie, construire un mur et bombarder sans retenue de l’autre côté.

    2015

    La guerre permanente

    Il était logique alors que celui qui incarnait le mieux une telle politique devienne le nouvel homme fort du pays. En 2001, Ariel Sharon, le boucher de Sabra et Chatila, était triomphalement élu premier ministre. Depuis  la société israélienne, gangrénée et façonnée par son entreprise coloniale, de massacres en bombardements de Gaza, n’a cessé de tomber toujours plus sous l’emprise des pires forces réactionnaires et racistes. Nouvelles colonies et blocus de Gaza, révoltes palestiniennes, répression de plus en plus barbare : la politique d’Israël est désormais celle de la guerre permanente.

    Yann Cézard

     
  • Maroc : Appel à la grève nationale générale du mercredi 24 février 2016 (Afriques en Lutte)

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    Appel intersyndical UMT, CDT, UGMT et SNE-Sup à la grève générale le 24 février au Maroc.

    Frères et sœurs !

    Les centrales syndicales : l’Union marocaine du travail (UMT), la Confédération démocratique du travail (CDT), l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) et le Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNE-Sup) ayant épuisé tous les efforts visant à amener le gouvernement à la table des négociations au sujet des questions intéressant la classe laborieuse et l’ensemble des salariés, et vu l’entêtement de l’Exécutif et sa politique de la fuite en avant ainsi que ses tentatives d’imposer le fait accompli en gelant le dialogue social et en occultant le rôle constitutionnel du mouvement syndical ;

    Etant donné le refus du gouvernement d’assumer ses responsabilités politiques et sociales ; vu son reniement de ses engagements et promesses, sa propension à s’en prendre systématiquement aux acquis sociaux et matériels de l’ensemble des couches populaires, à violer les libertés syndicales et son entêtement à ignorer les revendications de la classe laborieuse et de l’ensemble des salariés,

    Lesdites centrales syndicales ont décidé d’observer une grève nationale générale de 24 heures le mercredi 24 février 2016 au niveau de la Fonction publique, des collectivités territoriales, des établissements publics et semi publics, du secteur privé industriel, agricole, forestier et des services, du transport toutes catégories confondues, des commerçants, artisans, des secteurs minier, portuaire, de la pêche maritime et de tous les secteurs professionnels…

    Impliquons-nous tous dans grève nationale générale en vue de :

    - mettre un terme aux atteintes au pouvoir d’achat de l’ensemble du peuple marocain,
    - (d’obtenir) une augmentation des salaires, l’application de l’échelle mobile et l’augmentation des pensions de retraite,
    - l’exécution du reliquat de l’accord du 26 avril 2011 : (institution d’un nouvel échelon, d’indemnités pour le travail dans des régions éloignées et unification du salaire minimum dans les secteurs industriel et agricole),
    - d’atténuer la pression fiscale sur les salaires et les revenus des commerçants et artisans et la mise en place d’un système fiscal équitable,
    - de renoncer à l’approche paramétrique et comptable du dossier des retraites et de concevoir une réforme globale et juste du système de retraites,
    - renforcer la position de l’université marocaine, améliorer la situation des enseignants du supérieur et mettre fin à la privatisation du secteur,
    - imposer le respect des dispositions du Code du travail et auitres lois et règlements sociaux comme (ceux relatifs à) la sécurité sociale et autres, satisfaction des revendications sectorielles et catégorielles et solution immédiate des dossiers des professeurs stagiaires, des étudiants médecins (médecins internes), des administrateurs, des techniciens, des ingénieurs et de toutes les catégories lésées…,
    - promouvoir la situation de la femme travailleuse et reconnaissance des droits humains de la gent féminine (en général),
    - généralisation de la couverture sociale aux chauffeurs de taxis et aux routiers tout en s’occupant de leur situation matérielle et sociale,
    - promulgation du statut des fonctionnaires des collectivités territoriales, -intégration des détenteurs de la licence et création d’une institution sociale,adoption d’une politique sociale visant à résoudre le phénomène du chômage, à embaucher les diplômés et à éradiquer l’emploi précaire,
    - mettre fin à la violation des libertés publiques et syndicales et abrogation de l’article 288 du Code pénal.

    Frères et sœurs !

    Fonctionnaires, travailleurs et travailleuses, salarié(e)s, commerçants et artisans, acteurs politiques et humanitaires, forces vives et société civile ! adhérons tous ensemble, massivement et avec force, à ce combat militant en guise de protestation de la légèreté avec laquelle le gouvernement traite les revendications de la classe laborieuse marocaine et à l’ensemble des strates sociales marocaines !

    Mobilisons-nous donc pour exécuter cette décision historique le mercredi 24 février 2016 !

    Vive la classe laborieuse marocaine ! Vive l’unité syndicale !

    23 février 2016

    http://www.afriquesenlutte.org/maroc/article/maroc-appel-a-la-greve-nationale

  • Pourquoi la Turquie et l’Arabie Saoudite envisagent d’envahir la Syrie ? (Révolution Permanente)

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    La catastrophe continuera de s’approfondir

     
    La mascarade organisée à Genève sur les pourparlers de paix à propos de la Syrie s’est révélée être un échec total. Les représentants des forces rebelles ne se sont même pas présentés à l’ouverture des négociations. Parallèlement, le régime du président Bachar Al Assad aux côtés de son allié russe ont intensifié leurs attaques contre la ville d’Alep, tenue par des forces rebelles afin de renforcer leurs positions à la table des négociations. Une situation qui ne convient guère à l’Arabie Saoudite et la Turquie, principales puissances régionales soutenant les forces rebelles, qui envisagent désormais l’intervention armée sur le terrain. Les États-Unis et l’UE, après un tournant pragmatique, se trouvent dans l’embarras vis-à-vis de la politique de leurs alliés.

    Au milieu de ce chaos, divers intérêts économiques et géopolitiques sont en jeu. Et ces nouvelles annonces d’une nouvelle vague d’interventionnisme ne seront synonymes que de souffrances supplémentaires pour les masses. On parle de négociation de paix, pour mieux dissimuler les offensives guerrières. On promet de signer un armistice, tout en proclamant que l’on va poursuivre les bombardements. Et ce sont les populations civiles qui payent. Des femmes, des enfants, des vieillards et des hommes qui fuient l’horreur, bombardés même dans les hôpitaux.

    Tout le monde dit agir contre « le terrorisme islamiste ». Une bonne excuse, alors que le phénomène réactionnaire qu’est Daesh est précisément né de l’ingérence impérialiste et du chaos engendré sur le terrain. En définitive, chaque force en présence poursuit ses propres intérêts. Le régime de Bachar Al-Assad cherche avant tout à survivre et rester au pouvoir d’une manière ou d’une autre. L’Iran, soutenu par ses alliés libanais, soutient le régime pour contrer l’influence de l’Arabie Saoudite et réaffirmer sa nouvelle position géopolitique suite à l’accord sur le nucléaire signé avec les puissances impérialistes.

    Quant à la Russie, son objectif en Syrie est de renforcer son allié Assad. Poutine, depuis le début de son intervention aérienne en septembre, cherche à faire en sorte que les occidentaux n’aient le choix qu’entre Daesh et Assad. En ce sens, il lui est fondamental d’aider le régime à écraser les rebelles (que la Russie appelle « terroristes ») soutenus par les occidentaux et ses alliés, à commencer par la Turquie et l’Arabie Saoudite. C’est de cette façon que la Russie pourrait réussir non seulement à conserver sa base militaire en Syrie, tout en renforçant son influence dans un éventuel régime de transition, mais aussi utiliser la Syrie comme un « monnaied’échange » avec les puissances occidentales, à commencer par celles de l’UE, dans le dossier ukrainien.

    En ce sens, on comprend le ridicule des représentants politiques et de la presse en Occident exigeant que la Russie arrête d’attaquer les opposants « modérés ». L’écrasement de ces opposants du régime d’Assad fait partie des objectifs centraux de la Russie en Syrie.

    Dans un même temps, les alliés des puissances occidentales tentent aussi d’avancer leur pion pour atteindre leurs objectifs. Et ces objectifs ne sont pas toujours les mêmes que ceux de leurs partenaires impérialistes. Ainsi, pour la Turquie, l’objectif principal en Syrie n’est nullement de combattre Daesh mais d’empêcher que les kurdes de Syrie sortent renforcés de ce conflit. Celle-ci ne va donc pas s’attaquer à Daesh si cela permet que les forces kurdes progressent. Au contraire, le régime d’Erdogan pourrait avoir plutôt tendance à aider directement ou indirectement Daesh et toutes les forces hostiles aux combattants kurdes.

    Le problème qui se pose pour la Turquie actuellement, c’est que les États-Unis, dans leur tournant pragmatique en Syrie, deviennent des alliés conjoncturels des forces kurdes en Syrie, les seuls ayant réellement connu des victoires sur Daesh. Bien entendu, cette conjoncture fragilise l’alliance américano-turque.

    L’Arabie Saoudite, quant à elle, voit dans le conflit syrien un moyen d’augmenter son influence et surtout bloquer le développement de l’influence iranienne, son rival régional. Ainsi, l’Arabie Saoudite ne va pas s’engager dans la lutte contre Daesh tant qu’elle ne s’assurera que cela ne va pas favoriser les alliés de l’Iran (Assad) et l’Iran lui-même en Syrie.

    On comprend alors que l’avancée des forces d’Assad, appuyées par la Russie et l’Iran sur le champ de bataille, pousse la Turquie et l’Arabie Saoudite à envisager d’envoyer leurs propres troupes sur le terrain. Il ne s’agit en effet d’aucune tentative de sauver des forces démocratiques, ni de lutte contre le « terrorisme », mais de poursuivre leurs propres objectifs qui ne sont pas moins réactionnaires que ceux du régime d’Assad ou de Poutine.

    Pour le moment, aussi bien Ankara que Riyad déclarent que leur mission en Syrie devrait être soutenue par les États-Unis. Or, ceux-ci, ainsi que les européens, ne veulent surtout pas que tout ceci ait lieu, notamment sur le fait que la Turquie s’engage en Syrie. Le risque étant que cela conduira sans aucun doute à des affrontements avec la Russie. L’OTAN serait alors dans un dilemme très difficile : soit soutenir un État membre, embarqué dans une aventure militaire et attaqué par une puissance nucléaire comme la Russie, soit rester en retrait et voir sa crédibilité affectée et, à terme, risquer l’explosion de l’Alliance Transatlantique.

    À cela, il faudrait ajouter que les États-Unis voient (aujourd’hui) comme principal objectif en Syrie-Irak la défaite de Daesh afin de la présenter comme la fin de leur mission dans la région, et pouvoir pivoter dans un second temps leur politique internationale vers l’Asie-Pacifique. Mais cela ne sera pas si facile étant donné le chaos existant sur le terrain, conséquence en grande partie des interventions militaires impérialistes dans la région.

    Les puissances de l’UE, quant à elles, cherchent de manière très pragmatique à faire en sorte que la guerre s’arrête pour mettre un terme au flux de réfugiés qui arrivent sur le continent depuis au moins un an. En ce sens, une intervention de la Turquie et de l’Arabie Saoudite pourrait avoir comme conséquence d’augmenter le flux migratoire vers l’Europe.

    Comme on le voit, la direction politique, aussi bien des impérialistes et de leurs alliés régionaux, de la Turquie et l’Arabie Saoudite que celle de la Russie, de l’Iran et du régime Assad, est en train de préparer des troubles géopolitiques et sociaux néfastes dans toute la région et bien au-delà encore. En ce sens, il est inévitable que des phénomènes réactionnaires comme Daesh continuent à surgir, notamment face à l’absence d’alternative révolutionnaire pour les travailleurs et les classes populaires de Syrie qui s’opposent clairement à l’impérialisme, ainsi qu’à toutes les factions des classes dominantes locales. Philippe Alcoy 19 février 2016

    http://www.revolutionpermanente.fr/Pourquoi-Turquie-et-Arabie-Saoudite-envisagent-d-envahir-la-Syrie

    Commentaire: Contribution d'une "fraction" du NPA qui n'engage donc pas tout le parti...

  • «Dans l’euphorie de la révolution, les blessures libyennes ont été sous-estimées» (A l'Encontre.ch)

    Des rebelles libyens dans le district de Swabi de Misrata,  avril 2011

    Des rebelles libyens dans le district de Swabi de Misrata,
    avril 2011

    Entretien avec Valérie Collombier
    conduit par Cécile Hennion

    Chercheuse à l’Institut universitaire européen de Florence depuis septembre 2013, Virginie Collombier étudie les changements sociaux et politiques de l’après-Kadhafi en Libye, en partenariat avec le Centre de ressources norvégien pour la consolidation de la paix (Noref; Norsk Ressurssenter for Fredsbygging). Elle effectue régulièrement des enquêtes de terrain dans l’Ouest libyen.

    Le système tribal, souvent évoqué quand il est question de la Libye, est-il une grille d’analyse pertinente pour comprendre les dissensions politiques actuelles?

    La tribu comme mode d’organisation sociale a en grande partie structuré la société libyenne. Si la confrérie Senoussi a pu prendre racine dans l’Est libyen à l’époque de l’Empire ottoman par exemple, puis jouer un rôle majeur dans la résistance à la colonisation italienne, c’est parce qu’elle a été capable de se greffer sur le réseau tribal existant.

    En Occident, quand on parle du caractère «traditionnel» de la tribu, on imagine une structure archaïque, voire rétrograde. Et aussi une structure immuable où la hiérarchie serait fixée une fois pour toutes. La tribu est certes un groupe de familles et d’individus unis par l’appartenance à un ancêtre commun. Mais la répartition des pouvoirs en son sein change au gré de compétitions internes, en fonction du contexte politique et des manipulations exercées par des éléments extérieurs. Les tribus ont ainsi été un vecteur essentiel du pouvoir de Kadhafi, qui a joué des divisions internes pour promouvoir certains clans ou personnalités, parfois inférieurs en termes de rang, mais qui, alors, ont pris de l’ascendant.

    La tribu Warfallah, l’une des plus nombreuses (on évoque jusqu’à un million de membres, sur une population totale estimée à six millions), a pour berceau la ville de Beni Oualid, l’un des fiefs de Kadhafi. Mais elle essaime aussi dans l’Est et dans le Sud. Or, en 2011, elle n’a pas agi comme un acteur unifié. Tandis que Beni Oualid a résisté jusqu’à la fin de la révolution, les Warfallah de l’Est ont, en majorité, soutenu la révolution dès le début. La situation actuelle est comparable, sur la question de l’accord politique chapeauté par les Nations unies, avec des divisions profondes au sein de la tribu Awagir, dont est issu Aguila Salah Issa, le président du Parlement de Tobrouk [reconnu par la communauté internationale]. La tribu ne doit donc pas être vue comme un acteur unifié, un système d’organisation figé.

    Ce système d’organisation sociale a-t-il évolué après la «révolution du 17 février»?

    Depuis 2011, quand les Libyens parlent de tribalisme, ils évoquent certes la tribu comme forme d’organisation sociale, surtout forte dans l’Est, mais ils se réfèrent plus largement à la façon dont les gens conçoivent leur appartenance identitaire. Dans le contexte politique post-2011, on a ainsi entendu parler de «la tribu de Misrata». C’est intéressant, car il n’y a pas, en soi, de «tribu de Misrata». Misrata est avant tout une ville commerçante, avec des élites largement héritées de l’Empire ottoman. Les tribus y jouent un rôle marginal. Se référer à la «tribu de Misrata» n’a ainsi pas de sens, sauf en termes d’appartenance à une communauté particulière.

    Plus généralement, quand les Libyens parlent de l‘importance de la qabaliya («tribalisme») dans la société et les luttes politiques, ils parlent d’une communauté première qui fonde l’appartenance et l’identité. C’est parfois une tribu au sens strict (Warfallah), parfois une ville (Misrata), parfois une région (l’Est). Dans la situation de blocage actuelle, c’est souvent négatif, pour dire que les politiciens pensent avant tout aux intérêts de leur communauté.

    Ce réseau tribal peut-il servir de vecteur de paix dans les négociations actuelles?

    La tribu a joué un rôle positif en 2011 et après. Elle a servi de base de repli, organisant les réseaux de solidarité et assurant la protection des gens quand les structures de gouvernance de l’ancien régime se sont effondrées.

    Plus récemment, quand le pays s’est retrouvé divisé en deux, les dialogues menés sous l’égide des Nations unies ont été limités aux principaux acteurs politiques ou militaires, à ceux qui avaient une capacité de nuisance sur le terrain, pour éviter que la situation dégénère. Pendant ce temps, les Libyens ont dû faire face à des situations conflictuelles, parfois à des violences. Là, on a vu des tribus et d’autres types de structures sociales prendre le relais et jouer un rôle important dans la résolution des conflits locaux.

    Début 2015, et pendant huit mois, le djebel Nefoussa (massif montagneux de l’Ouest, dominé par les Berbères) a ainsi été le théâtre d’affrontements entre groupes armés de Zinten, alliés au général Haftar, et milices de plusieurs villes voisines, alliées à Fajr Libya et au gouvernement de Tripoli. Les routes ont été coupées, l’approvisionnement en carburant et médicaments interrompu. Les structures sociales locales – en particulier les conseils d’anciens, qui n’ont pas forcément de fondement tribal – ont alors joué un important rôle de médiation entre les belligérants et ont permis l’ouverture des routes, des échanges de prisonniers et la conclusion de cessez-le-feu.

    Ces structures locales peuvent-elles interagir et venir compléter les processus politiques au niveau national?

    Dans le djebel Nefoussa, les conseils d’anciens ont pu jouer un rôle parce que les dynamiques nationales ont évolué. Misrata, isolée, a retiré ses forces de la région. Zinten, en situation d’infériorité militaire, a dû négocier avec ses voisins. Quand le cadre général est propice, les structures locales peuvent œuvrer à la stabilité. Mais il faut considérer un autre aspect. Du fait des divisions et des compétitions inhérentes aux tribus, leur participation peut être facteur de tensions. C’est le cas à Benghazi, et dans l’Est en général, où les divisions croissantes au sein des Awagir pourraient dégénérer en affrontements armés. Attention donc à ne pas voir la tribu comme un instrument idéal qui permettrait de réguler la société et le jeu politique de manière naturelle, quasi parfaite.

    Une partie des tribus pro-Kadhafi constitue aujourd’hui un élément de déstabilisation. Dans certains cas, elles ont rallié l’organisation Etat islamique…

    A Beni Oualid, cœur du kadhafisme, le leadership tribal avait pourtant accepté le processus électoral en 2012. Les candidats soutenus par le conseil tribal des Warfallah ont gagné, avant d’être écartés au prétexte qu’ils ne correspondaient pas aux critères de la commission d’intégrité. L’impact a été majeur: le processus politique a été décrédibilisé, ainsi que les institutions centrales et nationales. Les gens de Beni Oualid ont ensuite tenté de faire émerger une alternative politique: ni Karama ni Fajr Libya. Ils ont échoué et sont d’autant plus marginalisés qu’ils n’ont aucune puissance militaire. Or, depuis 2013-1014, sur la scène politique libyenne, quand on n’a pas d’armes, on n’est pas grand-chose!

    Ces mises à l’écart font courir le risque de voir les plus jeunes et les plus marginalisés rejoindre l’[organisation] Etat islamique [EI]. La situation à Syrte l’illustre bien. Si des combattants étrangers ont pu s’imposer, c’est notamment parce que la sécurité dans la ville, après 2011, a été confiée à des groupes armés qui incarnaient aux yeux des habitants la destruction de leur ville. C’était inacceptable. Ils ont considéré que l’EI pouvait être l’instrument de la reconquête d’un statut social, un mode d’entrée dans le champ politique et militaire. C’est malheureusement le même processus qu’on a vu à l’œuvre en Irak.

    Un autre risque vient des acteurs extérieurs, comme l’Egypte qui cherche à instrumentaliser les membres des tribus pro-Kadhafi présents sur son territoire.

    Faut-il inviter ces tribus parias à la table des négociations?

    Un des échecs majeurs de la transition libyenne est d’avoir fondé le processus de transition sur l’organisation d’élections rapides, privilégiant ainsi la légitimité électorale à la réconciliation. Cette dynamique a occulté l’importance du clivage entre vainqueurs et vaincus de la guerre civile. Mais aussi des divisions héritées de l’ancien régime, où Kadhafi a divisé pour mieux régner, montant les tribus les unes contre les autres.

    Dans l’euphorie de la révolution, ces blessures ont été sous-estimées. Des forces politiques immatures ont été lancées sans qu’il y ait d’institutions solides ni de cadre légal pour les canaliser. Le résultat a été une militarisation de la compétition politique et l’effondrement de la transition. Il n’y a pas eu de réel effort pour rétablir un dialogue entre les différentes communautés et favoriser des formes de consensus.

    Plus le temps passe, plus le processus de réconciliation nationale sera difficile. Ce travail est pourtant nécessaire, et il a besoin d’un pendant «justice», pour prendre en compte les crimes commis avant et pendant la révolution. Il ne s’agit pas de tout régler, personne n’est naïf à ce point-là, mais de rétablir un lien.

    Les communautés exclues l’ont été en particulier dans la Libye centrale, sur l’axe Syrte-Beni Oualid-Sebha. Beaucoup ont dû quitter le pays en 2011. Certains parce qu’ils avaient participé à la répression. Les figures incarnant l’ancien régime et qui ont du sang sur les mains sont inacceptables dans la Libye actuelle, mais on ne peut exclure les communautés qui leur sont rattachées et qui vivent en Egypte, en Tunisie, en Jordanie ou ailleurs. Il y a un besoin de réintégrer cette partie de la communauté nationale, en restaurant la confiance entre « vainqueurs » et « vaincus » de la révolution. Sans cela, il sera impossible de créer des institutions légitimes. L’exemple irakien montre que les conséquences d’une telle exclusion peut avoir des résultats dramatiques. Publié par Alencontre le 22 - février - 2016

    (Publié dans Le Monde des 21-22 février 2016, p. 13)

    http://alencontre.org/libye/dans-leuphorie-de-la-revolution-les-blessures-libyennes-ont-ete-sous-estimees

     
  • Paris 11è (PCF)

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    Rendez-vous

    • À Paris (11ème), Soirée-débat : les femmes en lutte dans le monde. 
      Le lundi 7 mars 2016 à 19h00
      Salle des fêtes

      Mairie du 11ème
      12 place Léon Blum, 75011 Paris

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4740

  • Hommage à Nabila DJAHNINE.

     
    Foto de Abdelnasser Chiker.

    Il y a 21 ans, le 15 février 1995, notre camarade Nabila DJAHNINE a été assassinée à l’âge de 29 ans à Tizi Ouzou par un commando du groupe islamiste armé. A cette époque, Nabila dirigeait courageusement la résistance et le combat des femmes dans cette région, à travers l’association qu’elle présidait « Tighri N’tmatuth »* et dans les coordinations et les mobilisations nationales des femmes contre le projet obscurantiste islamiste et contre les lois et les pratiques conservatrices du pouvoir et de la société.


    Mais, l’engagement politique de Nabila ne se réduit pas à cette dernière bataille.

    Depuis sa tendre adolescence, Nabila s’est imprégnée des luttes démocratiques et sociales qui rythmaient la vie de sa famille et de sa ville natale, Béjaïa. C’est dans le sillage de l’engagement de son frère aîné Badredine, dirigeant national du mouvement étudiant à partir de 1984/85, puis dirigeant syndicaliste dans l’éducation, et de sa sœur aînée Soraya, militante syndicaliste à la Sonitex, que Nabila allait s’abreuver, à l’instar des autres frère et sœurs, des idées marxistes et de la lutte des classes.

    Ainsi, elle s’engage vers 1986/87 au sein du Groupe Communiste Révolutionnaire (GCR), alors clandestin, devenu en 1989 PST.

    Dirigeante du mouvement étudiant à Tizi Ouzou, où elle suivait ses études supérieures en architecture, elle s’est impliquée dans les mobilisations du MCB et participe à ses assises en 1990. Au premier congrès public du PST, en Mai 1991 à Tipaza, Nabila est élue à sa Direction Nationale. Plus tard, vers 1993, Nabila se concentre particulièrement sur son engagement féministe et, sans aucun reniement de son engagement socialiste, cesse son fonctionnement dans le parti. Loin de rendre compte de son riche parcours militant, ce modeste rappel restitue quelques aspects de son engagement sans limites pour un idéal qui nous est commun et pour lequel, en dépit des menaces sur sa vie, elle a continué à se battre debout jusqu’au dernier souffle.

    En rendant hommage à Nabila DJAHNINE aujourd’hui, le PST salue à travers elle la mémoire de toutes les militantes engagées dans le combat politique pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Ce combat, symbolisé par l’engagement des Moudjahidates pendant la guerre de libération, s’est développé après l’indépendance par les mobilisations des lycéennes et des étudiantes, par les femmes travailleuses et les militantes politiques et féministes.

    Ce combat continue aujourd’hui, comme on l’a vécu à travers la campagne contre le harcèlement sexuel et les récentes mobilisations des associations contre les violences faites aux femmes.

    Bien entendu, les acquis arrachés par ces luttes constituent une avancée inestimable dans notre pays, mais la lutte continuera pour l’abrogation du code de la famille, contre les mentalités conservatrices et moyenâgeuses et contre toutes les discriminations sociales, économiques et politiques à l’égard des femmes. A la veille du 08 Mars 2016, l’esprit de notre camarade Nabila est toujours vivant parmi nous, dans nos cœurs et dans nos luttes.

    Son inimitable éclat de rire, qui nous rappelle combien elle était belle et généreuse, nous accompagnera et ravivera nos espoirs. Et « Thighri n’tmatuth » tonnera encore et encore pour nous rappeler combien Nabila était plus immense encore que la Tour qui porte son nom au bas de son quartier d’enfance, « Houma U Bazine » dans le centre ville de Béjaïa, et combien elle avait la certitude que sa lutte pour l’émancipation des femmes est aussi une lutte pour un monde meilleur sans discriminations, sans inégalités et sans oppressions.


    *Cris des femmes. Secrétariat National du PST
    Alger, le 21 février 2016.


    Le PST organise un hommage à Nabila Djahnine avec la projection du film « Lettre à ma sœur » réalisé par Habiba Djahnine et ce le samedi 27 février 2016 à partir de 13h30 au siège national du PST, sis au 27 Bd ZIROUT Youcef – Alger. La presse et le public sont cordialement invités.

    Abdelnasser Chiker

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