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Révolutions Arabes - Page 196

  • La démographie comme facteur révolutionnaire en Afrique du Nord (Orient 21)

    Tunisie, Égypte, Maroc

    Il existe de nombreuses causes aux révolutions. Mais le facteur démographique a souvent été négligé et l’arrivée à l’âge adulte de générations plus nombreuses, souvent mieux formées et sans perspective aucune explique les mobilisations auxquelles on a assisté dans le monde arabe.

    Le début de l’année 2011 a été le théâtre de deux révolutions dans le monde arabe, en Tunisie puis en Égypte que personne n’avait prévues, surprenant la plupart des spécialistes reconnus de ces pays. En quelques semaines, deux dictateurs installés de longue date ont été évincés du pouvoir. Existe-t-il un facteur caché qui pourrait expliquer ces événements  ?

    Oui, la démographie est ce facteur caché  ; plus précisément, l’existence d’un pic de naissances 25 ans auparavant. En effet, le lien entre volume de naissances et évènements géopolitiques n’a pas été effectué jusqu’ici. Pourtant, un nombre plus élevé de naissances dans un pays pauvre peut avoir plusieurs conséquences négatives lorsque les générations nombreuses arrivent à l’âge adulte, si le gouvernement gère mal l’économie et se caractérise par un autoritarisme certain. C’est un terrain qui peut être favorable aux contestations quel que soit leur type (démocratique, conservateur ou socialiste) et conduire ainsi à une révolution, à une émigration massive vers les pays plus riches et, par l’appauvrissement de la population, un plus grand nombre de personnes devant se partager le même gâteau global, être un élément favorable à une révolution.

    Même s’il n’existe pas de déterminisme absolu, et si de nombreuses autres causes expliquent les soulèvements, l’évolution des naissances constitue un facteur important et largement sous-estimé de l’Histoire, conduisant potentiellement à des changements géopolitiques majeurs. Or, en analysant deux pays du monde arabe qui ont récemment connu une révolution, la Tunisie et l’Égypte, il est possible de démontrer que la révolution peut s’expliquer dans chaque pays par la combinaison d’un régime autoritaire, d’une économie peu performante, et, last but not least, d’un pic de naissances 25 ans plus tôt.

    Régime autoritaire et économie pauvre

    Pour la Tunisie, nous disposons de données complètes concernant les statistiques des naissances depuis 1970, ce qui nous permet de déterminer les années où elles ont été les plus nombreuses. En 1970, la Tunisie comptabilisait 186 000 naissances, un nombre qui a augmenté lentement dans les années 1970 et le début des années 1980 pour atteindre un pic entre 1984 et 1987, soit environ 230 000 naissances. Le taux de fécondité a baissé lentement durant cette période, de sorte que le volume des naissances a continué de progresser. L’année record fut 1986 avec 234 736 naissances. Puis, une forte baisse est constatée jusqu’en 1999 avec 160 000 naissances, en raison d’une diminution très rapide de la fécondité.

    Selon notre hypothèse, la fenêtre démographique la plus favorable pour la révolution se situait consécutivement 25 années après le pic du milieu des années 1980, soit entre 2009 et 2012. La «  révolution de jasmin  » de décembre 2010 à janvier 011 s’est donc déroulée en plein milieu de cette fourchette. En effet, la Tunisie combinait parallèlement un régime autoritaire et une économie pauvre.

    En ce qui concerne le régime politique, selon «  l’indice de démocratie  » de The Economist, qui mesure le niveau de liberté de l’ensemble des États de la planète, la Tunisie, bien que désignée officiellement comme une République, se classait seulement au 144e rang dans le monde, soit au même niveau que le Zimbabwe de Mugabe, un modèle de dictature implacable  ! Après l’acquisition de son indépendance de la France en 1957, le nouveau régime tunisien était une «  République  » dirigée par Habib Bourguiba, déclaré président à vie en 1975. Puis, un gouvernement militaire, présidé par Zine El-Abidine Ben Ali, arrivé au pouvoir en 1987 après un coup d’État, a mis fin au règne de Bourguiba, déclaré inapte à gouverner par les médecins. Ben Ali a institué un état policier, avec des services secrets puissants et une corruption massive. L’opposition était interdite, les islamistes étaient systématiquement emprisonnés, la critique non tolérée et Internet censuré. En outre, le président était réélu avec des scores staliniens, récoltant par exemple 89,62 % des voix en 2009.

    Sur le plan économique, la situation semblait meilleure, mais, dans les faits, le produit intérieur brut (PIB) par habitant restait faible par rapport aux pays développés. Selon le Fonds monétaire international (FMI), la Tunisie se situait seulement au 97e rang dans le monde, avec environ 4 160 $ par habitant en 2010, au même niveau que l’Équateur ou le Belize. En comparaison, dans l’ancienne puissance coloniale, la France, le PIB par habitant était de 40 591 $. Le niveau de vie de la Tunisie apparaissait largement sous la moyenne mondiale de 8 985 $ par personne. Le chômage des jeunes était très élevé. La principale industrie, le textile, dépendait de bas salaires pour les travailleurs, la Tunisie n’ayant jamais réussi à diversifier son économie vers des activités à plus forte valeur ajoutée, comme les «  tigres  » d’Asie orientale.

    La combinaison d’une fenêtre démographique favorable, d’un régime autoritaire et d’une économie peu performante pouvait favoriser la révolution de la jeunesse et elle l’a fait. Tout a commencé avec l’immolation à Sidi Bouzid le 17 décembre 2010 de Mohamed Bouazizi, jeune vendeur de rue né en 1984, une des années où le niveau des naissances était à son maximum. Le 3 janvier 2011, des manifestations ont éclaté à Thala, principalement menées par les jeunes, dont certains étudiants. Après plusieurs semaines de protestations massives, le 14 janvier 2011, Ben Ali a dû quitter le pouvoir. Les jeunes, et pas seulement les étudiants, ont donc été à l’origine de la révolution, en particulier les hommes sans emploi nés au moment du pic des naissances du milieu des années 1980.

    La moitié des naissances aux États-Unis

    Comme pour la Tunisie, nous disposons pour Égypte depuis 1970 de données complètes concernant le volume de naissances. En 1970, on dénombrait 1 161 000 naissances, puis ces dernières ont augmenté régulièrement dans les années 1970 et la première moitié des années 1980 pour culminer à 1,9 million pendant quatre ans entre 1985 et 1988, du fait d’un taux de fécondité qui demeurait élevé. À titre de comparaison, ce chiffre correspondait environ à la moitié du nombre des naissances des États-Unis pendant la même période, alors que la population égyptienne ne représentait qu’un quart de la population américaine  ! Ensuite, on a pu constater une réduction des naissances à 1,5 million en 1992 en raison de l’accélération de la baisse du taux de fécondité dans les années 1990.

    Si nous appliquons notre théorie à l’Égypte, la révolution pouvait donc se produire environ 25 ans après 1985-1988, ce qui signifie entre 2010 et 2013. Comme en Tunisie, la révolution de janvier-février 2011 s’est donc déroulée exactement pendant la fenêtre démographique qui lui était favorable. Les conditions qui ont provoqué la révolution en Tunisie ont eu les mêmes effets en Égypte.

    Sur le plan politique, l’Égypte a acquis son indépendance du Royaume-Uni en 1922. Elle n’était pas une démocratie, mais un royaume, jusqu’à la révolution de 1952. L’année suivante, la République a été déclarée et Gamal Abdel Nasser est arrivé au pouvoir en 1956, mais il a adopté une politique pro-soviétique. Quand il est mort, il a été remplacé par Anouar El-Sadate, qui s’est tourné vers les États-Unis, avant d’être assassiné en 1981 par un extrémiste islamiste. Il a été remplacé le 14 octobre 1981 par l’armée dirigée par Hosni Moubarak. Ce dernier a été réélu cinq fois et a gouverné le pays pendant près de trente ans jusqu’au début de 2011. Il exerçait un régime très autoritaire reposant sur une junte militaire. L’état d’urgence était permanent depuis 1957 et la corruption massive. Par conséquent, l’Égypte était classée 138e pays dans le monde selon l’indice de démocratie de The Economist.

    Parallèlement, l’économie n’était guère performante. L’Égypte occupait la 116e place parmi les États de la planète pour le PIB par habitant en 2010, à 2 771 $ par habitant, soit environ le même que le Guatemala ou le Paraguay, deux pays parmi les moins avancés du continent américain. L’Égypte souffrait de plus de sa forte densité parce que la population était concentrée dans les espaces non désertiques de la vallée et du delta du Nil, conduisant à des difficultés pour nourrir la population. L’économie reposait sur quatre ressources principales : le pétrole, le commerce le long du canal de Suez, les devises des émigrés du Golfe et le tourisme. L’industrie était très limitée et peu diversifiée pour un pays aussi peuplé.

    Comme pour la Tunisie, la combinaison d’une fenêtre démographique favorable, d’un régime autoritaire et d’une économie peu performante a favorisé la révolution de la jeunesse en 18 jours. Cette dernière a commencé le 25 janvier 2011 avec une manifestation au Caire contre le régime et Hosni Moubarak a été évincé le 11 février 2011.

    Une autre révolution entre 2017 et 2020  ?

    Comme les deux révolutions étudiées concernent deux pays arabes du nord du continent africain, est-ce qu’une autre révolution est possible bientôt dans le reste de la région  ? En effet, selon la théorie des dominos, la révolution pourrait se poursuivre dans d’autres pays, ce qui a déjà été le cas en Libye, mais dans le contexte particulier d’une intervention militaire étrangère à l’origine de son succès. Si elle est peu probable en Algérie du fait de la mémoire récente de la guerre civile des années 1990 qui limite les velléités conflictuelles de la population, qu’en est-il concernant l’autre grand pays du Maghreb, le Maroc  ?

    Ce dernier est classé à une peu glorieuse 116e place dans le monde selon l’indice de démocratie de The Economist. C’est une monarchie constitutionnelle, mais très différente de celles de certains pays européens. Le pays est gouverné par un roi, qui est également le chef religieux depuis l’indépendance, ce qui lui assure une double légitimité. Pendant le règne d’Hassan II, le régime était très autoritaire et tristement célèbre pour ses terribles prisons, comme celle de Tazmamart. Des opposants comme Medhi Ben Barka ont «  disparu  ». Avec Mohammed VI, qui a succédé à son père en 1999, le régime est devenu un peu plus souple, mais demeure une dictature. La bureaucratie est inefficace, la corruption est partout, et son économie est la moins performante du Maghreb.

    Le Maroc est aussi le 113e pays du monde en termes de PIB par habitant, avec 2 868 $ par habitant en 2010. Il se classe au niveau du Guyana ou du Guatemala. La misère est largement présente, avec de vastes bidonvilles autour des grandes villes, en particulier dans l’agglomération la plus peuplée, Casablanca. Le pays vit essentiellement du tourisme, activité insuffisante pour fournir des emplois à l’ensemble de la population, les autres ressources telles que les phosphates, le textile et l’industrie alimentaire (légumes d’exportation) ne permettant pas de résorber le chômage massif des jeunes. Le Maroc ne profite pas de sa proximité de l’Europe, qui entraîne une forte émigration. Cette situation pourrait conduire à une révolution, d’autant que sa démographie se présente comme une bombe à retardement.

    Si les données portant sur les naissances au Maroc sont incomplètes, elles nous permettent cependant de pouvoir déterminer l’existence d’un pic de naissances. La transition démographique commençant plus tard qu’en Tunisie et le taux de fécondité étant demeuré à un niveau élevé pendant longtemps, les naissances ont atteint un sommet entre 1992 et 1995, ce qui signifie qu’une révolution pourrait se produire entre 2017 et 2020. Sauf si l’émigration massive des jeunes du pays est un exutoire suffisamment important pour les potentiels opposants.

    Laurent Chalard  5 août 2015


    Docteur en géographie (Paris IV Sorbonne), ses travaux portent sur la géographie urbaine, la géographie de la population et la géographie politique. Membre du European Centre for International Affairs (ECIA).
     
     

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  • Le prêt de la Banque Mondiale finance des dirigeants corrompus de la Ville de Casablanca (Attac Cadtm Maroc)

    L’association ATTAC suit avec une grande inquiétude l’opération de prêt en cours de réalisation par le Conseil de ville de Casablanca auprès de la Banque mondiale (BM), sans cadre légal.

    Ce prêt de 2 milliards de DH (200 millions de dollars) sur une durée de 29 ans est un financement aggravant l’endettement extérieur de l’ensemble des communes marocaines, qui ne dépasse pas les 280 millions de DH.

    Le Conseil présente cette dette comme un financement du Plan de développement de la Région du Grand Casablanca de 2015-2020 qui coutera 33 milliards de DH. Or, ce prêt est une opportunité pour la BM de contrôler la gestion de la ville au profit des hommes d’affaires.

    Ce prêt s’étale sur cinq ans, il est conditionné par l’application des réformes suivantes :

    « Modernisation de l’administration fiscale locale »,

    « L’amélioration de la gestion des RH »,

    « L’amélioration du climat des affaires » au profit des promoteurs immobiliers et

    « L’amélioration de la propreté de la ville ».

    Ce n’est pas la première fois que les Casablancais bénéficieront de « l’expertise » de la BM. La mise à niveau du secteur des déchets ménagers et des décharges a reçu un financement de cette institution en 2009. Tout le monde est unanime pour dire que les résultats de ce programme sont catastrophiques.

    Le projet de prêt a été adopté par le Commission des finances du Conseil en présence de 5 élus seulement et à quelques jours de la fin de leur mandat. Pourtant, ce prêt représente 50% du budget du Conseil. Pour faire passer ce projet, la majorité corrompue du Conseil fait miroiter aux élus le faible taux du prêt (1,29%) par rapport au taux pratiqué par le Fonds d’équipement communal (6,5%). Ce qu’omettent de dire ces dirigeants, c’est que le taux d’endettement de la Ville a atteint les lignes rouges, alors que la qualité de la gestion de la ville est déplorable.

    Le service de la dette grève le budget de la Ville. 125 millions de DH ont été consacrés à cette rubrique dans le budget de 2014 pour payer que les intérêts d’anciens prêts, ce montant est en progression de 68% par rapport à 2011. Ce prêt est clairement un financement destiné à un conseil communal corrompu et va contribuer à alourdir la dette extérieure des communes et au passage la dette publique à travers la garantie fournie par l’Etat.

    Suite à ces éléments, Attac Maroc annonce ce qui suit :

    • Nous refusons totalement ce projet de prêt et ce qui comporte comme conditionnalités
    • Nous exigeons de réaliser un audit de la dette de la Ville de Casablanca et de son budget
    • Nous revendiquons que les responsables corrompus rendent des comptes sur leur gestion de la Ville
    • Nous exigeons de recouvrir les créances dues à la Ville estimées à 3,7 milliards de DH et qui éviteront à la Ville de recourir à la BM
    • Nous appelons toutes les forces vives de Casablanca de s’opposer à ce projet dangereux de prêt qui devrait entrer en vigueur en 2016

    Communiqué du 3 août 2015 à Casablanca

    4 août par ATTAC/CADTM Maroc

    http://cadtm.org/Le-pret-de-la-Banque-mondiale

  • Il faut mettre un terme à la répression (Algeria Watch)

    Contre les manifestants anti-chômage et anti-gaz de schiste

    Durant le premier semestre de cette année, les autorités algériennes ont accru la répression à l'égard des personnes mobilisées contre le chômage et contre l'exploration du gaz de schiste par fracturation hydraulique, a déclaré Amnesty International le 27 juillet 2015.

    Ces six derniers mois, 17 personnes, notamment des membres du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC, une organisation qui proteste depuis de nombreuses années contre la pénurie d'emplois dont souffrent les habitants du centre et du sud de l'Algérie, des régions riches en ressources gazières et pétrolières), ont été poursuivies en justice pour avoir participé à des manifestations. Seize ont été condamnées à des peines allant de quatre mois à deux ans d'emprisonnement. Trois hommes, deux membres du CNDDC et un caricaturiste, ont en outre été traduits en justice après avoir publié en ligne des commentaires sur des manifestations contre l'exploration par fracturation et sur d'autres questions, et dénoncé l'arrestation de militants. L'un d'eux a été condamné à quatre mois d'emprisonnement. Amnesty International craint que ces poursuites n'aient été déclenchées pour des raisons politiques, pour punir les intéressés de s'être mobilisés et d'avoir critiqué les autorités.

    Bafouant leurs obligations internationales en matière de droits humains, les autorités algériennes ont recours à une série de lois répressives utilisées de manière plus générale pour étouffer les voix dissidentes et la contestation pacifique.

    Derrière les barreaux pour avoir manifesté pacifiquement

    Le 30 décembre 2014, des habitants de la ville d'In Salah, près du bassin de l'Ahnet, à 1 200 kilomètres environ au sud d'Alger, ont manifesté pour dénoncer l'absence de consultation concernant un projet d'exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique, et le manque d'information sur les risques environnementaux en découlant. En janvier, les manifestations anti-gaz de schiste se sont étendues à d'autres villes algériennes, notamment Ouargla, Laghouat et El Oued.

    En janvier 2015, la police a arrêté neuf militants du CNDDC. Ces habitants de Laghouat, une ville située à 400 kilomètres au sud d'Alger, sont connus localement pour leur implication dans les manifestations contre le chômage et les difficultés économiques. Ils avaient pris part le 17 janvier à un rassemblement organisé à Laghouat en solidarité avec les manifestants anti-gaz de schiste de la ville d'In Salah.

    Cinq jours plus tard, des policiers ont arrêté à Laghouat Mohamed Rag, 31 ans, et son voisin. Les deux hommes ont déclaré ultérieurement au tribunal qu'ils avaient trouvé des policiers devant chez eux, qui les avaient emmenés au poste pour les interroger à propos d'un suspect recherché pour un vol de voiture. Les policiers ont affirmé par la suite que Mohamed Rag et son voisin bloquaient la route et leur avaient jeté des pierres, faisant obstacle à leur opération de recherche et d'arrestation du voleur présumé.

    Les deux hommes ont été placés en détention et inculpés de « violences envers un agent de la force publique dans l'exercice de ses fonctions », sur la base de l'article 148 du Code pénal. Tous deux ont rejeté cette accusation, également contredite par deux témoins cités par la défense, qui ont déclaré s'être trouvés avec Mohamed Rag et son voisin au moment des faits qui leur étaient reprochés. Malgré cela, le tribunal de Laghouat a retenu la version de la police concernant l'arrestation et condamné les deux hommes, le 11 février 2015, à 18 mois d'emprisonnement et une amende de 20 000 dinars algériens (175 euros environ). Ces sanctions ont été confirmées en appel. Des dommages et intérêts et des frais de justice leur ont en outre été imputés.

    Des amis et soutiens de Mohamed Rag qui étaient venus l'appuyer lors de son procès le 28 janvier 2015 ont eux aussi été arrêtés et emprisonnés. Ce jour-là, la police a interpellé devant le palais de justice huit membres du CNDDC : Belkacem Khencha, 42 ans, Belelmi Brahimi, 41 ans, Benallal Mazouzi, 38 ans, Boubakeur Azzouzi, 34 ans, Belkacem Korini, 32 ans, Faouzi Benkouider, 35 ans, Tahar Bensarkha, 33 ans, et Abdelkader Djaballah, 26 ans. Ces militants ont été placés en détention et inculpés d'avoir participé à un « attroupement non armé » et de ne pas avoir obtempéré aux ordres de dispersion (articles 97 et 98 du Code pénal). Des poursuites ont également été engagées pour outrage à magistrat et « pression sur les décisions des magistrats » (articles 144 et 147 du Code pénal) – en référence à des pancartes réclamant la libération de Mohamed Rag et la fin de l'humiliation (hogra), et à des slogans similaires qu'ils auraient entonnés.

    Certains prévenus ont déclaré au tribunal que leur objectif était de manifester pacifiquement devant le palais de justice, mais que la police les avait arrêtés avant même qu'ils aient pu le faire. Certains ont indiqué qu'ils étaient venus assister au procès, mais qu'on ne les avait pas laissés entrer. D'autres ont déclaré qu'ils s'étaient rendus au tribunal pour des raisons n'ayant pas lien avec le procès de Mohamed Rag. Des sources locales ont également indiqué à Amnesty International que les hommes avaient été interpellés avant le début prévu de la manifestation pacifique.

    Le 11 février 2015, le tribunal de Laghouat a déclaré les huit militants coupables de tous les chefs et les a condamnés à 12 mois d'emprisonnement, dont six avec sursis. Ils se sont vus en outre imputer les frais de justice et des dommages et intérêts. Toutes les condamnations ont été confirmées en appel.

    Une nouvelle fois, les amis et soutiens venus sur place n'ont pas été autorisés à assister à l'audience ni à exprimer pacifiquement leur solidarité. Selon les informations recueillies, des policiers ont été déployés le 11 mars, date prévue pour les procès en appel de Mohamed Rag, de son voisin et des huit militants, et ont interdit l'accès de la salle d'audience au public, en violation du droit à un procès public. La police a par ailleurs interpellé une cinquantaine de personnes rassemblées pour exprimer leur solidarité avec les prévenus. Elles ont été remises en liberté un peu plus tard.

    Plusieurs des militants du CNDDC poursuivis ces derniers mois avaient déjà été arrêtés dans le passé et traduits en justice pour participation à des manifestations. En 2013, après une manifestation pour le droit au travail tenue à Laghouat, Mohamed Rag avait été jugé pour participation à un attroupement illégal, provocation à un attroupement non armé et destruction de biens publics. Il avait été acquitté. Il avait également été poursuivi – et acquitté – dans le cadre d'une autre affaire liée à sa participation à une manifestation en juin 2014. Mohamed Rag, Belkacem Khencha, Belelmi Brahimi et Boubakeur Azzouzi ont en outre été jugés pour leur participation à une autre manifestation organisée à Laghouat, et acquittés en novembre 2014.

    Amnesty International a recueilli le témoignage de Mouhad Gasmi, membre éminent du CNDDC à Adrar (ville du sud du pays proche d’In Salah) et militant de la lutte anti-gaz de schiste. Il nous a relaté les faits suivants. Le 12 mai 2015, une trentaine de militants, dont Mouhad Gasmi, ont été convoqués pour interrogatoire le lendemain par la police d'Adrar. On reprochait à Mouhad Gasmi d'avoir incité des jeunes à participer à un rassemblement non armé plusieurs mois auparavant. Il a expliqué à Amnesty International qu'il avait participé à une manifestation pacifique organisée pour réclamer une augmentation des moyens alloués à l'hôpital de la ville, où un jeune homme avait trouvé la mort faute de médicaments, mais qu'il pensait que ses camarades et lui étaient pris pour cible pour des raisons plus larges tenant à leur engagement citoyen pacifique depuis 2011.

    Emprisonné pour un post sur Facebook

    Le 1er mars 2015, le militant anticorruption Rachid Aouine, lui aussi membre du CNDDC, a accompagné un autre militant, Ferhat Missa, qui se rendait au poste de police d'El Oued (ville située à 620 kilomètres au sud-est d'Alger) pour y déposer une plainte. Mais Rachid Aouine a été arrêté pour un commentaire publié sur Facebook concernant une annonce des autorités algériennes selon laquelle les policiers qui manifestaient feraient l'objet de sanctions disciplinaires. Son commentaire était le suivant : « Policiers, pourquoi ne pas sortir manifester aujourd'hui contre les décisions arbitraires visant vos collègues en dépit de la promesse du ministre de l'Intérieur de ne pas poursuivre les manifestants en justice ? Vous ne faites que surveiller les militants libres et les manifestants anti-gaz de schiste. » Rachid Aouine a déclaré à Amnesty International que les policiers, après l'avoir interrogé, avaient perquisitionné à son domicile et saisi son ordinateur et des unités de mémoire.

    Le 9 mars, il a été condamné par le tribunal de première instance d'El Oued à six mois d'emprisonnement et une amende de 20 000 dinars algériens (environ 175 euros) pour provocation à un attroupement non armé, sur la base de l'article 100 du Code pénal algérien. Le 15 avril, sa peine a été réduite en appel à quatre mois d'emprisonnement et une amende de 200 dinars algériens (175 euros environ). Il a purgé la totalité de sa peine et a été remis en liberté. Il a expliqué à Amnesty International que le ministère public avait uniquement invoqué le commentaire publié sur Facebook, qu'il jugeait ironique, et n'avait présenté aucun élément probant montrant que Rachid Aouine avait pris des initiatives concrètes pour inciter les policiers à manifester.

    Lui aussi arrêté et interrogé par la police, Fehrat Missa a été inculpé de provocation à un attroupement non armé, semble-t-il uniquement en raison de sa participation à une manifestation de protestation contre l'inaction des autorités locales lors d'une inondation dans la région en janvier 2015. Il a été remis en liberté sous caution dans l'attente de son procès, qui s'est soldé par son acquittement le 16 mars. La décision a été confirmée en appel.

    Des méthodes similaires à celles utilisées contre les manifestants du CNDDC à Laghouat ont été mises en œuvre pour punir les personnes qui protestaient contre les poursuites entamées contre Rachid Aouine à El Oued. Lors d'une audience le 3 mars, des proches et des amis de Rachid Aouine rassemblés devant le tribunal pour protester pacifiquement contre son arrestation ont été interpellés par la police. L'un d'eux a expliqué à Amnesty International que le rassemblement n'avait pas commencé depuis plus de quelques minutes lorsque la police est intervenue pour disperser les manifestants, distribuant coups et injures. Quelque 24 personnes ont été arrêtées. Les policiers, a précisé ce témoin, ont continué à injurier et frapper certains militants au moment de l'arrestation et lors du transfert au poste de police.

    Si de nombreuses personnes interpellées, parmi lesquelles la mère et l'épouse de Rachid Aouine, ont été remises en liberté sans inculpation au bout de quelques heures, 12 ont été retenues pour interrogatoire, selon les informations disponibles. Six, dont Youssef Soltane, un membre du CNDDC, ont été inculpées de chefs divers, dont la provocation à un attroupement non armé et l'outrage à un corps constitué. Le 30 avril, les six personnes ont été déclarées coupables. Youssef Soltane et un autre prévenu ont été condamnés à une peine de quatre mois d'emprisonnement et une amende de 50 000 dinars algériens (environ 435 euros), les quatre autres à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis. Toutes ont été laissées en liberté dans l'attente du jugement en appel.

    D'autres personnes ont été arrêtées après avoir publié sur Facebook des commentaires concernant les manifestations et la répression dont font l'objet les manifestants, mais n'ont pas été emprisonnées. Abdelhamid Brahimi, un autre membre du CNDDC habitant à El Oued, a été interpellé le 3 mars 2015 à la suite de commentaires sur Facebook dans lesquels il dénonçait l'arrestation des proches et des sympathisants de Rachid Aouine. Inculpé de provocation à un attroupement non armé, il a été jugé et acquitté le 9 mars. La décision a été confirmée en appel.

    Un caricaturiste poursuivi pour « offense au président de la République »

    Le 20 avril, le caricaturiste Tahar Djehiche, qui vit à El Meghaïer, dans la wilaya (préfecture) d'El Oued, a été convoqué au poste de police. Son avocat a déclaré à Amnesty International qu'il avait été interrogé à propos d'un dessin mis en ligne sur son compte Facebook. Il représentait un sablier à l'intérieur duquel le président Abdelaziz Bouteflika était peu à peu enseveli sous le sable s'écoulant – une référence aux manifestations anti-gaz de schiste tenues dans la région d'In Salah depuis décembre 2014. Il a également été interrogé, a précisé son avocat, sur un commentaire posté sur Facebook juste avant une manifestation anti-gaz de schiste organisée à In Salah le 24 février 2015, lequel disait : « Ne laissez pas tomber In Salah le 24 février ».

    Le caricaturiste a été remis en liberté et convoqué devant le procureur de la République du tribunal d'El Meghaïer cinq jours plus tard. Le procureur l'a interrogé sur le dessin et le commentaire, l'a inculpé d'« offense au président de la République » (article 144 bis du Code pénal) et de provocation à un attroupement non armé, et l'a remis en liberté dans l'attente du procès. Le 26 mai, le tribunal l'a acquitté de tous les chefs. Le ministère public a fait appel. La date de l'audience n'a pas encore été fixée.

    Un arsenal de lois répressives

    Les autorités algériennes utilisent un éventail de lois répressives pour étouffer l'opposition. Bien que le droit de réunion pacifique soit garanti dans la Constitution algérienne et les traités internationaux ratifiés par l'Algérie, le Code pénal contient plusieurs dispositions permettant de sanctionner pénalement les rassemblements pacifiques dans certaines circonstances. L'article 97 du Code pénal interdit les rassemblements non armés dans les lieux publics lorsque l'on estime qu'ils sont de nature à troubler l'ordre public. L'article 98 prévoit des peines allant jusqu'à trois ans d'emprisonnement lorsque les participants n'obéissent pas à un ordre de dispersion. Aux termes de l'article 100, la provocation à un attroupement non armé par des discours, des écrits ou des imprimés publics est passible d'un an d'emprisonnement. Ces dispositions ont été utilisées pour traduire en justice des membres du CNDDC de Laghouat et El Oued qui ne faisaient qu'exercer leur droit légitime à la liberté d'expression et de réunion pacifique.

    En outre, la loi 91-19 relative aux réunions et manifestations publiques interdit les réunions sur la voie publique. Celles-ci sont autorisées lorsqu'elles se tiennent hors de la voie publique et si l'on estime qu'elles ne constituent pas une menace de trouble à l'ordre public ou aux « bonnes mœurs ». Il faut toutefois effectuer une déclaration préalable auprès des autorités, qui doivent délivrer immédiatement un récépissé. Dans la pratique, le ministère de l'Intérieur s'abstient souvent de fournir ce récépissé lorsque le rassemblement prévu est susceptible d'être hostile aux autorités.

    De ce fait, l'obligation de déclaration équivaut dans la pratique à une obligation d'obtenir une autorisation préalable pour toute réunion de ce type. Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d’association a souligné que l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique ne devait être soumis à aucune autorisation préalable des autorités, mais, tout au plus, à une procédure de notification préalable qui ne doit pas être lourde. Lorsque des restrictions sont imposées, les autorités doivent fournir par écrit une explication détaillée en temps voulu, qui doit pouvoir faire l'objet d'un recours devant un tribunal impartial et indépendant.

    La législation algérienne contient des dispositions, essentiellement dans le Code pénal, per-mettant de punir l'exercice légitime du droit à la liberté d'expression. Ainsi l'article 144 bis punit-il l'offense au président de la République par voie d'écrit, de dessin ou de déclaration d'une amende pouvant s'élever à 500 000 dinars algériens (plus de 4 300 euros), une somme exorbitante en Algérie. Les autorités algériennes ont fait un petit pas dans la bonne direction avec l'adoption de la loi 11-14 du 2 août 2011, qui a modifié les articles 144 bis et 146 du Code pénal – les peines d'emprisonnement pour outrage, injure ou diffamation envers le président de la République ou d'autres corps ou responsables publics ont été supprimées. Parallèlement, le montant des peines d'amende prévues a été augmenté et peut désormais atteindre 500 000 dinars algériens (plus de 4 300 euros), une somme doublée en cas de récidive.

    L'année suivante, le législateur a adopté un nouveau Code de l'information, qui a supprimé les peines d'emprisonnement pour les infractions en matière de diffamation mais a instauré des amendes plus élevées que celles prévues dans la précédente version de la loi. Par exemple l'article 123 du nouveau Code de l'information dispose que l'outrage envers les diplomates et les chefs d'État étrangers est puni d'une amende pouvant aller jusqu'à 100 000 dinars algériens (environ 870 euros), contre 30 000 dinars algériens et une peine d'emprisonnement d'un ans auparavant (article 98 du précédent Code de l'information).

    Aux termes de l'article 144 du Code pénal, quiconque considéré comme ayant commis un outrage à un agent de la force publique dans l'exercice de ses fonctions, dans l'intention de porter atteinte au respect dû à son autorité, risque deux ans d'emprisonnement et une amende pouvant s'élever à 500 000 dinars algériens (plus de 4 300 euros). Quant à l'article 147, il prévoit que les actes, paroles ou écrits critiquant des affaires n'ayant pas encore été jugées ou pouvant porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance constituent également des infractions telles que définies à l'article 144.

    Le montant très élevé des amendes prévues dans la législation en vigueur, et les dispositions prévoyant des peines d'emprisonnement, même si elles ne sont pas appliquées dans la pratique, ont un effet dissuasif sur ceux qui veulent exercer leur droit à la liberté d'expression en Algérie. À la suite de sa visite en Algérie en avril 2011, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Frank La Rue, a exprimé en 2012 ses préoccupations concernant le montant excessif des amendes imposées pour les infractions en matière de diffamation, relevant que ce montant avait un effet dissuasif sur l'exercice du droit à la liberté d'expression en général parce qu'il générait une tendance à l'autocensure. Il a préconisé que la diffamation relève de l'action civile et non pénale, et que le montant des amendes soit considérablement réduit pour ne pas avoir un effet dissuasif sur la liberté d'expression. Il a recommandé également que les actions en diffamation ne soient jamais utilisées pour étouffer les critiques envers les institutions ou les politiques de l'État.

    Sur un plan général, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a exprimé l'importance de l'expression sans entraves dans le cadre du débat public concernant des personnalités publiques du domaine politique et des institutions publiques. Il a souligné que le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale. Il s'est spécifiquement dit inquiet des lois qui régissent des questions telles que l'outrage à une personne investie de l'autorité, la diffamation du chef de l'État et la protection de l’honneur des fonctionnaires et personnalités publiques. Il a souligné que les États ne doivent pas interdire la critique à l’égard d’institutions telles que l’armée ou l’administration, et que la loi ne doit pas prévoir des peines plus sévères uniquement en raison de l’identité de la personne qui peut avoir été visée.

    Écrit par Amnesty international Algerie, 30 juillet 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/mrv/mrvrepr/ai_mettre_terme_repression.htm

  • Foncier agricole : L’UNPA appelle à l’arrêt des agressions sur les terres (Algeria Watch)

     

    Le secrétaire général de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA), Mohamed Alioui, a appelé, hier, à mettre fin aux différentes formes d’«agression» que subissent les terres agricoles, commises sous le prétexte de l’«utilité publique».

    Saisissant l’occasion d’une rencontre de concertation avec le nouveau ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Sid Ahmed Ferroukhi, le représentant des fellahs a demandé que la notion d’«utilité publique» soit perçue comme étant, prioritairement, celle devant renvoyer à la nécessité de garantir la sécurité alimentaire du pays.

    Selon lui, beaucoup de terres à vocation agricole sont aujourd’hui menacées, notamment le long de la bande littorale, où il a fallu, dans plusieurs cas, l’intervention des plus hautes autorités du pays pour arrêter des massacres qui allaient être commis au nom de l’utilité publique.

    Et de rappeler à ce propos que le programme d’extension des terres agricoles devant aboutir à la création d’un million d’hectares supplémentaires, en irrigué, doit nécessairement aller au bénéfice de la culture des pâturages et aliments de bétail pour renforcer la filière lait et ainsi diminuer la facture d’importation des produits laitiers.

    L’UNPA n’a pas manqué, non plus, d’attirer l’attention du premier responsable en charge du secteur sur d’autres problèmes auxquels le monde agricole fait face, notamment ceux liés à la couverture sociale des agriculteurs, à la délivrance des actes de concession, au manque de main-d’œuvre, ou encore à la représentation des fellahs dans les instances agricoles élues. L’Union a appelé aussi à accélérer la mise en place du conseil supérieur de l’agriculture qui tarde à voir le jour, depuis sa création officielle en 2010, en l’absence de textes d’application.

    Pour sa part, Sid Ahmed Ferroukhi a indiqué que la nouvelle feuille de route tracée pour le secteur s’appuie essentiellement sur «la mobilisation de toutes les forces», y compris celle représentée par l’UNPA, longtemps marginalisée en raison des conflits qui l’opposaient souvent aux différents ministres qui se sont succédé dans le secteur.

    Aujourd’hui, le nouveau ministre, étant un ancien cadre du ministère de l’Agriculture et un fin connaisseur du secteur, semble avoir gagné la confiance de l’ensemble des intervenants dans le monde agricole, y compris celle de l’UNPA dont le secrétaire général s’est dit, hier, entièrement engagé à soutenir son travail, sans que cela puisse paraître comme une complaisance envers un commis de l’Etat : «Nous n’avons jamais manié ‘‘la brosse’’ pour quelqu’un, mais les compétences de l’actuel ministre parlent d’elles-mêmes», a affirmé Mohamed Alioui.
    Il reste, tout de même, que beaucoup de tâches fastidieuses attendent, en perspective, le nouveau ministre de l’Agriculture.

    L’héritier de l’ex-ministre Rachid Benaïssa, puisque c’est sous la responsabilité de ce dernier qu’il s’est forgé la réputation de «connaisseur des dossiers agricoles», est appelé aujourd’hui à dynamiser un secteur qui a, certes, connu des avancées considérables, sans pour autant atteindre des objectifs facilement réalisables, comme la substitution des importations par l’amélioration des rendements et le développement local de plusieurs cultures.

    En s’installant dans ses nouvelles fonctions, la semaine écoulée, Sid Ahmed Ferroukhi s’est dit, en tout cas, conscient des défis qui l’attendent. Pour lui, l’une des priorités de son secteur est désormais «l’investissement privé, qui constitue la locomotive du développement pour la concrétisation des objectifs tracés». 

    Lyes Malki El Watan, 3 août 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/terres/appel_unpa.htm

    Un autre éclairage:

    http://www.algeriepatriotique.com/article/corruption-les-enquetes-touchent-l-unpa

    et aussi:

    http://www.leconews.com/fr/actualites/nationale/agriculture/le-ton-se-durcit-entre-les-agriculteurs-et-l-administration-11-04-2015-173920_291.php

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

     

  • Turquie/Irak: Massacre commis par l’armée turque au Sud-Kurdistan (Irak)

    Nouveau massacre commis par l’Etat turc

    Le gouvernement Turc commet ouvertement un crime contre l’humanité.

    Dans la nuit du 31 juillet au 1er août, des F 16 de l’armée turque ont bombardé Zergelê, un village kurde situé aux abords du Mont Qandil (Kurdistan Irakien). Dix (10) civils, dont une femme enceinte, ont perdu la vie. Des dizaines personnes sont grièvement blessées, dont 15 grièvement, tandis que plusieurs autres se trouvent encore prisonnières des décombres des habitations visées une par une par l’aviation turque durant plus d’une heure. Aprés le premier bombardement, les villageois accourus sur place pour secourir les blessés ont eux aussi été ciblés par les frappes aériennes Le nombre de morts et de blessés pourrait malheureusement s’accentuer.

    L’aviation turque poursuit ses opérations et survole continuellement les régions Kurdes de Gare, Zap, Xakurke, Metina et Haftanin. Sans faire de distinction entre résistants du PKK et civils, la Turquie s’obstine dans sa logique de guerre, avec un seul objectif, commettre d’autres massacres

    N’est-il pas temps de dire STOP à la coalition Daesh-Turquie ?

    Nous appelons l’opinion publique démocratique à protester contre l’Etat turc et son gouvernement qui bombardent depuis le 24 Juillet 2015 de façon systématique la guérilla ainsi que les civils kurdes.

    Combien de temps encore l’ONU, l’UE et les USA vont-ils garder le silence face à ces massacres de civils et à cette logique de guerre du Président turc Recep Tayyip Erdogan et de son premier ministre Ahmet Davutoglu ?

    Les Etats et les institutions internationales en coalition avec l’Etat turc ne voient-ils pas que celui-ci commet un crime contre l’humanité ?

    Quand vont-ils s’interroger réellement sur leurs relations avec l’Etat Turc qui massacre le peuple kurde et bombarde les bases du PKK, alors même que ce dernier est un rempart contre DAESH ?

    Nous appelons la communauté Internationale à dénoncer avec vigueur le massacre commis contre notre peuple et à être solidaire avec le peuple kurde dans sa lutte légitime contre la collaboration sanguinaire Daesh-Turquie.

    Congrès national du Kurdistan (KNK)
    1er août 2015

    KNK   1er août 2015
     
  • Israël-Palestine: les incendies de la colonisation (A l'Encontre)

     
    En France, "la Ligue de défense juive" est autorisée, mais interdite en Israel et Usa!
     
    Occupation coloniale et « djihadisme juif »

    Vendredi 31 juillet 2015 au matin était découvert l’incendie criminel revendiqué par l’organisation juive terroriste politico-religieuse Tag Mehir d’une maison palestinienne à Douma. Le jeudi soir 30 juillet, un juif ultraorthodoxe poignardait six participant·e·s à la Gay Pride à Jérusalem ; une jeune fille de 16 ans décédait dimanche 2 août. Les incendiaires inscrivent leurs agissements dans la perspective d’extension de la colonisation, l’étayant sur des considérations religieuses. L’auteur de l’attaque contre la Gay Pride – Yishai Schlissel, un Haredi [1], récemment sorti de prison, qui avait déjà poignardé trois participants à la Gay Pride de 2005 [2] – se réfère à une idéologie religieuse dont les piliers sont Daat Thora (Ce que dit la Torah) et Emounat hahamim (La foi dans les sages). Cette mouvance a trouvé un relais politique avec des partis comme le Shass, qui défend les intérêts de ce secteur ultraorthodoxe.

    Samedi 12 août, des milliers d’Israéliens ont manifesté dans plusieurs villes d’Israël, à l’appel du mouvement « La paix maintenant » contre l’attentat perpétré à Douma et l’attaque contre les manifestants de la Gay Pride.

    Suite aux déclarations du premier ministre Benyamin Netanyahou qui condamne ces crimes et promet leur punition, tant les Palestiniens que la gauche officielle israélienne lui attribuent la responsabilité de l’impunité des extrémistes juifs et d’une politique étatique constante de conquête et de terreur qui ne peut que leur donner la conviction qu’ils sont justifiés dans leurs activités terroristes. A propos de l’incendie criminel, Noam Sheizaf, le 3 août, dans la publication israélienne en ligne +972, indique, à juste titre, que la responsabilité repose tout autant sur ceux qui, dans « la gauche officielle » (Parti travailliste), pensent que « l’occupation est acceptable » et doit se perpétuer, si ce n’est s’étendre. Il en conclut que « sans combattre l’occupation il n’y a pas de chance de bataille victorieuse contre le terrorisme juif ».

    « Le prix à payer »… de la colonisation

    Vendredi dernier, en pleine nuit, deux extrémistes juifs, du milieu des colons en Cisjordanie occupée, jetaient par la fenêtre un cocktail Molotov dans la maison où dormait une famille palestinienne à Douma, un village de 3000 habitants près de Naplouse, dans le nord des Territoires occupés. L’incendie fut immédiat. Un bébé d’un an et demi, Ali Dawabsheh, mourrait calciné. Sa famille est hospitalisée dans un état grave, sa mère, Reham, est brûlée au troisième degré sur 90% de son corps, son père Saad, au deuxième degré sur 80%, son frère, Ahmad, au deuxième degré sur 60%. Les voisins ont trouvé les trois blessés gisant devant la maison en feu et le bébé calciné à l’intérieur. Les attaquants ont incendié la maison voisine aussi mais elle était vide. Ils ont écrit dessus « vengeance » en hébreu et dessiné une étoile de David. Les voisins les ont vus fuir vers la colonie de Maale Efraim, toute proche, considérée illégale par les Nations Unies et les gouvernements de ladite communauté internationale.

    D’après la police israélienne, les deux incendiaires appartiendraient à l’organisation extrémiste juive Tag Mehir, « Le prix à payer », qui prétendait réagir ainsi contre la destruction deux jours auparavant par les forces israéliennes de deux maisons de colons juifs à Beit El, près de Ramallah, qui avaient été déclarées illégales par la Cour suprême, et contre l’expulsion de quelques dizaines de colons d’une autre colonie illégale près de Naplouse. Face aux colons qui manifestaient leur indignation, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, avait aussitôt annoncé la construction de 300 nouvelles maisons dans la même colonie d’implantation de Beit El. Ces groupes comme Tag Mehir agissent pour démontrer la faiblesse du pouvoir colonial gouvernemental qui ne voudrait pas vraiment accentuer sa mainmise sur la Cisjordanie. Et chaque crime contre des habitants palestiniens s’accompagne d’une formule : « Il faut leur donner une leçon. » Une analogie peut être tracée avec les actions de l’OAS (Organisation armée secrète) en Algérie dès 1961, qui s’attaquait aussi bien aux Algériens qu’à certaines personnalités françaises, officielles ou non, « prêtes à lâcher l’Algérie française ».

    Ainsi, lorsque le président d’Israël, Reuben Rivlin, déclare qu’il ressent « …honte et douleur… pour eux qui ont choisi le chemin du terrorisme et ont perdu leur humanité », il reçoit de suite des menaces de mort sur les réseaux sociaux de la part de ces extrémistes. Et sur Facebook, la qualification suivante s’affirme : « Rivlin, youpinet traître, que ta mémoire soit oubliée. »

    L’organisation israélienne de défense des Droits humains, B’Tselem a comptabilisé depuis août 2012 neuf maisons de Palestiniens en Cisjordanie incendiées par des civils israéliens, en plus de mosquées et de cultures. B’Tselem rappelle qu’il y a quelques semaines, un groupe de personnes a lancé un cocktail Molotov dans un taxi dans lequel voyageait une famille palestinienne qui fut grièvement blessée. Les Nations Unies ont compté depuis le début de l’année jusqu’au 6 juillet 112 agressions par des extrémistes juifs contre des Palestiniens ou leurs propriétés, dont 39 ont fait des blessés. En 2014, il y avait eu 312 agressions de ce type. Pour B’Tselem, « un événement comme l’assassinat d’un bébé d’un an n’était qu’une question de temps ». B’Tselem attribue cela à la passivité des autorités israéliennes : « Cette politique crée l’impunité pour les crimes de haine et encourage les attaquants à continuer. » La police israélienne soupçonne les attaquants d’être en relation avec l’attaque incendiaire au mois de juin de l’église de Tabgah, près de Tibériade au nord d’Israël, où la tradition situe le miracle de Jésus des pains et des poissons. Pour B’Tselem, « le fait que la police n’a pas résolu ces cas n’est pas le fait du destin, mais de la non-application de la loi contre les colons violents » [3].

    Il faut toutefois rappeler que la majorité des Palestiniens tués en Cisjordanie le sont par l’armée israélienne, baptisée du nom de IDF (Armée de défense d’Israël). En outre, Noam Sheizaf, dans l’article cité, indique que l’Autorité palestinienne dépense 25% de son budget pour la sécurité, « dont le but est plus de protéger les Israéliens que les Palestiniens ». Des « opérations de sécurité » qui se font en collaboration avec les services israéliens.

    Occupation coloniale et racisme

    Dans son article du 3 août, contre « l’esprit malin » de l’extrémisme juif, l’écrivain israélien David Grossman écrit justement : « Avec une sorte d’obstinée négation de la réalité, le premier ministre et ses partisans se refusent à comprendre dans toute sa profondeur la vision du monde qui s’est cristallisée dans la conscience d’un peuple conquérant après presque cinquante ans d’occupation. C’est-à-dire l’idée qu’il existe deux types d’êtres humains. Et que le fait que l’un est soumis à l’autre signifie, probablement, qu’il est inférieur par sa nature même. » [4]

    David Grossman condamne « la haine maligne » et le « maximalisme » des extrémistes juifs, mais il ne dit strictement rien dans son article de leurs justifications religieuses. Le théocratisme inspire de manière omniprésente les lois israéliennes qui privilégient ses citoyens juifs, qui attribuent un monopole d’Etat aux prescriptions des rabbins orthodoxes contre les rabbins « conservateurs » et « libéraux ».

    Ce théocratisme officiel, malgré les apparences de laïcité, ne peut que donner un avantage « moral » aux fanatiques religieux, violents ou non-violents, ainsi justifiés de se considérer plus conséquents et fidèles à l’idéal même de l’Etat d’Israël.

    Et le Centre Alternatif d’Information de Jérusalem a raison de rappeler hier sur son site internet que le terrorisme juif a accompagné le sionisme dès le début. [5]

    Le « djihadisme juif »

    Le 3 août 2015, Libération publie un article de Nissim Behar sur l’univers halluciné des extrémistes religieux juifs violents. Il écrit : « On s’engueule beaucoup dans la salle des pas perdus des palais de justice israéliens. Et l’on s’y bat parfois. Jeudi à Nazareth, ce sont pourtant des cris de joie qui ont résonné devant la porte du tribunal de district (l’équivalent d’une cour d’appel) lorsque Moshe Orbach, 24 ans, a été autorisé à quitter la prison pour être assigné à résidence. Cette décision était tellement inattendue que son avocat en a eu la larme à l’œil.

     »Considéré comme « extrêmement dangereux » par le Shabak (la Sûreté générale israélienne, plus connue en Europe sous son ancien nom de « Shin Beth »), cet habitant de Bnei Brak (une ville ultraorthodoxe jouxtant Tel-Aviv) est en effet soupçonné d’avoir participé à de nombreuses attaques anti-musulmanes. Il est également accusé d’avoir, avec trois autres individus, mis le feu le 18 juin à l’église de la Multiplication, un important lieu saint chrétien de Tibériade.

     »Si Orbach avait été palestinien, il aurait été jugé de manière expéditive par un tribunal militaire siégeant à Beth El, une colonie de Cisjordanie, et aurait écopé vite fait d’une peine de prison d’au moins quinze ans. Mais en tant que ressortissant d’Israël, il est jugé par une cour pénale. Orbach est considéré comme un délinquant « ordinaire » et bénéficie des nombreux droits accordés aux prévenus. »

    Pendant ce temps, continuer à abattre légalement des Palestiniens

    Les manifestations de Palestiniens de vendredi ont vu deux jeunes manifestants tués par l’armée israélienne : Laith al Jaldi, 17 ans, résident du camp de réfugiés de Jalazon, a été abattu près de Birzeit, parce qu’il aurait lancé un cocktail Molotov contre les soldats, et Mohammed al-Masri, 17 ans aussi, près de la barrière de la bande de Gaza parce qu’il lançait des pierres contre les soldats et qu’il n’obtempérait pas aux ordres de se tenir à distance de la barrière. L’agence d’information Maan comptabilise depuis le début de l’année une vingtaine de tués par les forces de l’ordre israéliennes. [6]

    Le gouvernement israélien, comme d’ailleurs à sa manière aussi la gauche officielle israélienne, fait campagne pour condamner « le terrorisme d’où qu’il vienne », des extrémistes juifs comme des Palestiniens. Donc dans la pratique, pour les premiers, mesures de sécurité avec gants de velours, pour les seconds, toute la gamme de la répression coloniale, avec son étayage légal, comme l’illustrent deux articles portant sur deux lois récentes lois et un projet de loi.

    A l’Encontre  3 août 2015

     http://alencontre.org

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35572

    Plus:

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligue_de_d%C3%A9fense_juive

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  • Algérie: Mahmoud Rechidi, leader du PST (Lcr.be)

    Mahmoud Rechidi, leader du PST:  « La barbarie qui guette l’humanité se nourrit fondamentalement de la détresse sociale et du désespoir des peuples»

    Dans le cadre de ses entretiens avec les partis politiques, en particulier de la gauche, sur la question sécuritaire et du djihadisme, en particulier après l’attentat qui a coûté la vie à neuf soldats de l’ANP près d’Aïn Defla, le 17 juillet dernier, Reporters donne cette fois la parole au leader du Parti socialiste des travailleurs (PST), Mahmoud Rechidi. Entretien.

    Reporters : Quelle lecture faites-vous du fait que la sphère djihadiste en Algérie soit désormais marquée par Aqmi et Daech ?

    Mahmoud Rechidi : Je ne pense pas que la situation correspond à ce qui semble être suggéré dans votre question. Je veux dire que l’Algérie n’est pas marquée par un regain de djihadisme. Cependant, quelques noyaux de groupes armés, affiliés à tel ou tel label, tentent de temps à autre des actions, plus ou moins spectaculaires, dans le but évident de susciter l’impact et de signaler une certaine capacité de nuisance. Les exemples de Tiguentourine[1] en 2013, revendiqué par Aqmi, et le rapt du Français Gourdel[2] en 2014, revendiqué par Daech, relèvent de cette stratégie. En fait, on est très loin des années 1990 et de ce qui se développe dans les pays de la région. Mais, les recettes économiques libérales imposées par le pouvoir politique actuel en Algérie, qui ne manqueront pas d’aggraver le désastre social et le désespoir, d’une part, et, d’autre part, les graves atteintes aux libertés démocratiques, peuvent précipiter une partie de la jeunesse dans les bras armés de l’intégrisme religieux et du fanatisme.

    Quelle solution, selon les formations de gauche, à la question djihadiste ? Sécuritaire stricto sensu ou politique ?

    Pour le Parti socialiste des travailleurs (PST), comme nous l’avions déjà rappelé dans les années 1990, il n’y a pas de solution policière aux problèmes politiques. La défaite des islamistes armés en Algérie, dont les exactions et la barbarie sont encore vivaces, était d’abord politique par le fait de la désaffection populaire dès la fin 1994.

    Les réconciliateurs de Sant’Egidio[3] ou la présidentielle du pouvoir militaire de l’époque et ses alliés de 1995 surfaient sur cette réalité. Dès lors, leur défaite militaire se réduisait à une question de temps. Bien entendu, il ne s’agit pas ici de revenir sur les exactions des uns et des autres que nous avions dénoncées en leur temps. En revanche, la solution politique que nous avions préconisée n’est pas celle de M. Bouteflika. La réconciliation et la concorde ne se décrètent pas en consacrant l’impunité et l’injustice.

    La solution politique démocratique suppose au moins la reconnaissance des crimes, le pardon des victimes par le biais d’une justice acceptable par tous. La solution politique démocratique exige des choix économiques et sociaux qui garantissent le pain, le travail et le logement pour tous, qui assurent la liberté et la dignité au peuple algérien et offrent un horizon d’espoir à notre jeunesse.

    Partagent-ils l’idée qu’il s’agit de groupes obéissant à des agendas internationaux. Si oui, lesquels ?


    Ce que vous appelez agendas internationaux, nous, nous les appelons les intérêts des puissances occidentales impérialistes et leurs alliés, tels que les monarchies du Golfe. Mais, cela n’est pas nouveau. Les USA sont passés maître dans le financement, l’entraînement et l’armement des groupes armés en Amérique latine et ailleurs depuis des lustres, en imposant des dictatures et des régimes alliés.

    Depuis l’époque de la guerre froide et l’intervention militaire soviétique en Afghanistan en 1979, l’islamisme politique ou armé a été encouragé et soutenu dans toute la région par les USA et leurs alliés occidentaux. Les révélations sur les liens de Ben Laden et sa branche Al Qaïda avec la CIA sont connues de tous. La stratégie mise en place par l’administration Bush pour la reconfiguration du Grand Moyen-Orient (GMO), ouvertement interventionniste, néocolonialiste et néolibérale, révélait les appétits US dans la région et leur intention de chasser les régimes politiques récalcitrants.

    La reconnaissance récente d’un responsable du Pentagone relative au soutien des USA au développement de Daech entre 2012 et 2013, via la Turquie, l’Arabie saoudite et d’autres alliés, ne laisse aucun doute à ce sujet quant à son utilisation pour affaiblir l’Iran, le Hezbollah et le régime syrien, et par ricochet la Russie de Poutine. L’intervention directe de l’Otan en Libye et l’assassinat du dictateur Kadhafi traduit cette stratégie du chaos créateur de contrerévolutions et l’intimidation des peuples tunisien et égyptien qui ont osé enclencher un processus révolutionnaire et chasser les dictateurs Ben Ali et Moubarak, amis des USA et de l’UE. Pour conclure, je dirais oui, il y a des agendas internationaux.

    Mais, sans verser dans la théorie du complot et autre main de l’étranger, qui nous sont servies à chaque mouvement social, il y a une réalité politique, économique et sociale dans notre pays qui favorise ces agendas et qui mine les capacités de résistance de notre peuple pour défendre sa souveraineté et son indépendance.

    L’absence des libertés démocratiques et les recettes économiques libérales, inspirées par le FMI, la BM, l’OMC, l’UE et autres ONG, mènent vers la catastrophe économique et sociale. Les privatisations envisagées du secteur public, la remise en cause rampante des subventions des produits de première nécessité, des transferts sociaux et de la santé publique et gratuite (projet du nouveau Code de la santé), la précarisation des relations de travail et des conditions de vie (projet du nouveau Code du travail), le développement de la corruption et du népotisme, l’explosion des importations, du chômage et du mal vivre au niveau de la jeunesse, sont autant de signaux et d’ingrédients qui feront le lit de ces agendas et de leurs bras armés tels qu’Aqmi, Daech et autre Boko Haram.

    Quelles conséquences a l’attentat d’Aïn Defla sur le champ politique et sécuritaire ?


    L’attentat d’Aïn Defla[4] n’a rien d’extraordinaire. Bien sûr, il y a neuf jeunes soldats tués et d’autres blessés, selon les médias et les communiqués officiels. Cela a créé une émotion et une certaine angoisse dans un contexte marqué par les récents attentats de Sousse[5], du conflit de Ghardaïa[6] et des guerres civiles dans la région. Aussi, l’amplification par les médias locaux et internationaux donne à cet attentat une dimension et un impact plus grands.

    Mais, d’un point de vue strictement militaire, cet attentat ne présente aucun saut qualitatif ou une élaboration compliquée. Au contraire, il s’agit d’un petit groupe armé qui frappe pour s’évanouir dans la nature. Encore une fois, c’est l’impact médiatique et une relative capacité de nuisance qui sont recherchés à travers cet acte.

    Sur le plan politique, les principales conséquences sont loin d’être réduites aux réactions de l’opposition libérale consistant à critiquer la qualité des équipements de l’armée et son organisation.

    Si la menace islamiste armée n’est pas à écarter complètement, même si, comme je l’ai signalé plus haut, elle est aujourd’hui à un état groupusculaire, des mesures politiques, économiques et sociales s’imposent. Les recettes économiques libérales qui profitent à une infime minorité de prédateurs, dont les ravages sociaux sont palpables en Algérie et à l’échelle internationale, doivent être abandonnées.

    Il faut la levée de toutes les entraves à l’exercice des libertés démocratiques, notamment celles relatives aux libertés syndicales, aux droits à l’organisation, à l’expression et de manifestation. Il faut engager la bataille pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes par l’abrogation du Code de la famille et l’instauration de lois civiles. Il faut promouvoir les droits culturels et linguistiques de toutes les composantes de notre peuple. Il faut mettre en place une stratégie de développement économique nationale qui puisse satisfaire les besoins sociaux de tous, consacrer la souveraineté du peuple algérien sur ses richesses et garantir son indépendance et la maîtrise de son destin. Car la barbarie qui guette l’humanité, à travers les intégrismes religieux divers ou à travers l’extrême droite et le fascisme, se nourrit fondamentalement de la détresse sociale et du désespoir des peuples.

     29 juillet 2015 par Mahmoud Rechidi

    Source : http://www.reporters.dz/index.php/grand-angle/item/48759-mahmoud-rachedi-leader-du-pst-la-menace-islamiste-armee-n-est-pas-a-ecarter-meme-si-elle-est-a-l-etat-groupusculaire

    Note : titre et notes de références sont de la rédaction.

    [1] Prise d’otages le 16 janvier 2013 perpétrée par un groupe islamiste armé à Tiguentourine, 30 km à l’ouest de Ain Amenas, dans le sud-est algérien. L’opération a visé 800 travailleurs du secteur gazier dont le dernier d’entre eux a été libéré après 3 jours.

    [2] Hervé Gourdel, un Français adepte de randonnée pédestre et guide de haute montagne‪, a été enlevé, selon la version officielle et les médias, dans une zone montagneuse à l’est de Tizi Ouzou, en Algérie, par un groupe terroriste nommé les « Soldats du califat en terre algérienne ». Un enregistrement vidéo intitulé  « Message de sang au gouvernement français »  a circulé montrant la décapitation de Gourdel par ce groupe.

    [3] Référence à un dialogue à Rome bien connu sous le nom de  » contrat de Sant’Egidio ». C’était une tentative de réconciliation par un groupe de partis algériens hétérogènes réunis sur initiative de la communauté catholique de Sant’Egidio en janvier 1995 .

    [4] Cette attaque terroriste a eu lieu le vendredi 17 juillet dernier, correspondant au premier jour de l’Aïd al-Fitr, dans la wilaya de Ain Defla –  centre du pays  et à 145 km de la capitale Alger. Neuf jeunes soldats ont été tués et deux autres blessés.

    [5] Attentat sanglant qui a eu lieu le 26 juin dernier contre des touristes dans un hôtel en bord de mer en Tunisie et qui a coûté la vie à 38 personnes.

    [6]  Référence à flambée de violences communautaires meurtrières qui ont eu lieu dans les dernières semaines dans la région de Ghardaïa, sud de l’Algérie, et qui durent d’ailleurs depuis deux ans entre les communautés mozabites (berbères) et chaâmbas (arabes).

    Source : http://www.reporters.dz/index.php/grand-angle/item/48759-mahmoud-rachedi-leader-du-pst-la-menace-islamiste-armee-n-est-pas-a-ecarter-meme-si-elle-est-a-l-etat-groupusculaire

    http://www.lcr-lagauche.org/algerie-mahmoud-rechidi-leader-du-pst-la-barbarie-qui-guette-lhumanite-se-nourrit-fondamentalement-de-la-detresse-sociale-et-du-desespoir-des-peuples/