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  • À propos du cinéma palestinien: l’État d’Israël contre Suha Arraf (Agence Medias Palestine)

    Suha Arraf est une cinéaste palestinienne de Mi’ilya en Galilée, en Israël. Elle a aussi une formation de journaliste. Cet interview d’Arraf a été fait à la suite de la projection récente de son premier long métrage, Villa Touma, au Festival International de cinéma de Cleveland aux États Unis.

    Isis Nusair (IN): D’où vient l’idée du film, Villa Touma?

    Suha Arraf (SA): L’idée du film m’est venue en 2000, pendant le processus de paix d’Oslo (et avant le début de la deuxième Intifada). À l ‘époque, je travaillais comme journaliste et j’avais rédigé une description de la ville de Ramallah. Les premières années d’Oslo ont été pleines d’espoir, quand des Palestiniens ont pu rentrer de la diaspora. La ville était florissante d’activités culturelles et de festivals. Le maire m’avait suggéré de visiter l’hôtel Ramallah (hôtel Madame Odeh) près de la place al-Manarah. Il disait que c’était un des monuments de Ramallah. L’hôtel de deux étages tenait son nom de sa belle propriétaire, Aida Odeh. Elle vivait seule dans l’hôtel magnifiquement meublé en bois sculpté, avec des lits aux draps blancs. Le jardin n’était pas négligé mais il était sans vie. De l’encens brûlait dans l’hôtel et il y avait quelque chose de triste. C’était comme si vous remontiez dans le temps dès l’instant om vous y mettiez le pied.

    Avant 1967, des groupes de flamenco d’Espagne et d’Italie venaient se produire à l’hôtel. Des Palestiniens de l’intérieur de la ligne verte venaient y passer leur lune de miel. Omar Sharif, Faten Hamam, le roi de Jordanie et Shoukri al-Qawatli avaient l’habitue d’y séjourner. L’hôtel a fermé après la guerre de 1967. La ville a beaucoup changé après la guerre et une partie de l’aristocratie s’en est allée, en partie sous la contrainte et en partie parce qu’elle se refermait sur elle-même. Mme Odeh vivait avec ses souvenirs, hors de l’occupation et des déplacements qu’elle a causés. Ses yeux brillaient tandis qu’elle me parlait du passé. Il y a quelque chose de très fort dans cette image.

    IN: Pourquoi était-il important pour vous de montrer, dans Villa Touma, l’interaction entre classe, genre et religion ?

    SA: Le film est politique sans nécessairement traiter directement de politique. Il décrit le temps, le temps qui s’arrête comme pour l’hôtel Madame Odeh. C’est un film daté de la deuxième Intifada. C’est une métaphore de la condition palestinienne actuelle et d’une guerre d’usure. Le mur autour de la villa que nous avons construit pour le film représente le mur construit par Israël pour encercler la Cisjordanie. J’ai choisi de me centrer sur la maison de l’intérieur pour dépeindre son isolement. Le film montre ce à quoi on est occupé à l’intérieur, le tic-tac de l’horloge et le pépiement des oiseaux. À mesure que la situation gagne en intensité, on commence à entendre le bruit d’un hélicoptère et des clacksons de voitures à l’extérieur. Lentement, l’isolement se délite.

     

    N: Aviez-vous l’intention de réduire l’espoir en insistant sur l’inévitabilité de la défaillance ou de l’effondrement ?

    SA: Je voulais laisser quelque espoir. Le bébé du film vivra et la vie continuera. Il y avait aussi un changement dans la solidarité inter générationnelle parmi les trois sœurs envers leur nièce Badea. Je viens de Mi’ilya. C’est un village de Galilée et nous sommes une famille de paysans. Nous n’avons pas d’appartenance aristocrate. Pour faire ce film, j’ai fait de sérieuses recherches. J’ai regardé de vieilles maisons palestiniennes dont les tableaux accrochés aux murs étaient des œuvres d’artistes libanais d’avant la guerre de 1948. Ces maisons avaient leur caractère propre. Nous avons filmé dans une maison de Haifa ayant appartenu à une famille palestinienne qui l’a vendue à un investisseur juif à la suite d’un désaccord entre les propriétaires. Nous avons cassé une partie des murs à l’intérieur de la maison et mis des fenêtres.

    Une partie du problème, avec le cinéma, ce sont ses slogans et la division binaire entre héros et victimes. Où est l’humain dans tout cela ? De l’extérieur nous sommes représentés comme des « terroristes » ou des « victimes » et nous nous représentons nous-mêmes comme des « héros » ou des « victimes ». Les humains sont plus compliqués que ça. Je voulais construire des personnages réalistes manifestant leur force. Je voulais montrer des personnages proches de la réalité des gens et pas des personnages faits pour le cinéma ; des personnages auxquels nous puissions nous identifier. Je ne voulais pas qu’ils trimballent des slogans.

    N: Que signifie le fait que les quatre personnages principaux du film soient des femmes ?

    SA: J’aime écrire sur les femmes et montrer leur complexité, leur vie intérieure et leur volonté. En ce moment j’écris le script d’un nouveau film dont les personnages centraux sont des femmes. Les femmes sont généralement décrites comme mères ou épouses de martyrs emprisonnés. Les femmes du film sont complexes, elles ont des histoires d’amour qui se mêlent à la politique. Nous perdons notre humanité quand nous sommes représentées de façon unidimensionnelle.

    IN: Comment le film a-t-il été reçu ?

    SA: Les histoires autour du film ont commencé alors qu’il allait être projeté au Festival de Venise 2014, après la guerre d’Israël à Gaza. Israël avait une mauvaise image à l’étranger et les media israéliens ont tout laissé tomber pour se focaliser sur moi. Il sont venus me dire : « Puisque soixante dix pour cent du financement du film sont israéliens, le film est à nous, pas à toi ». Généralement les films appartiennent au réalisateur et au producteur et j’ai ces deux positions, dans le cas présent. Nous, (les Palestiniens en Israël) représentons plus de 20% de la population d’Israël. Nous contribuons à plus de quinze pour cent du budget national de la culture mais n’en bénéficions que de un pour cent. Ils voulaient que je déclare le film « israélien » et non « palestinien » et que le film représente Israël dans des festivals à l’étranger.

    En allant me coucher un soir j’étais une cinéaste ; le lendemain matin au réveil j’étais accusée de crime et de fraude. Au début, j’ai gardé le silence, puis j’ai écrit un article dans le journal Haaretz intitulé « Je suis arabe, palestinienne et citoyenne d’Israël – j’ai le droit de définir ma propre identité ».

    On m’a accusée de voler l’argent de l’État d’Israël et j’ai une menace de saisie qui court du fait d’une décision de justice contre moi. Adalah, le centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël, s’occupe de mon cas. Les autorités israéliennes n’ont pas de base légale et nous avons l’intention d’aller en justice. C’est dans le psychisme de l’occupant de prétendre « tout est à nous ». Ils ont modifié des contrats en cours si bien que maintenant tout film recevant un financement israélien doit s’appeler « israélien ». Cela veut dire que je ne pourrai pas m’adresser à des organisations financières israéliennes pour soutenir mon travail à l’avenir. Il est peut-être temps que nous créions un fonds palestinien pour le cinéma. C’est une guerre sur la culture, étant donné que le cinéma a un très large public.

    Le film a du succès. Il a participé à plus de quarante festivals internationaux de cinéma et la liste est longue des projections à venir. Je suis la distributrice du film et l’accueil a été formidable de la part du public palestinien et étranger.

    Traduction: SF pour l’Agence Media Palestine

    Par Isis Nusair

    Source: Jadaliyya

    http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2015/07/15/a-propos-du-cinema-palestinien-letat-disrael-contre-suha-arraf/

  • Gaza, la bombe à retardement (JDD)

    L’enclave palestinienne ne s’est pas relevée de la terrible opération militaire israélienne de l’été dernier. La situation humanitaire sur place reste alarmante.

    Le constat est unanime. Rien n'a changé depuis un an, à Gaza. Dans des quartiers entièrement détruits, la population continue à vivre dans une détresse absolue au milieu des gravats d'immeubles aux façades éventrées. Il y a un an, l'armée israélienne lançait l'opération "Bordure protectrice". Une guerre de cinquante jours qui a causé la mort de plus de 2.000 personnes côté palestinien, dont 65 % de civils, et de plus de 70 soldats israéliens.

    "On n'est pas dans un film, souligne avec force au JDD Erwan Grillon, chef de mission à Médecins sans frontières (MSF) pour Gaza et Jérusalem. Les gens vivent dans les décombres ou s'entassent dans les maisons qui tiennent encore debout. Cela donne une population qui est faible tant sur le plan psychologique, physique qu'économique. Et surtout, elle est sans perspective d'avenir."

    Asphyxie quasi totale en raison des blocus israélien et égyptien

    Gaza, année zéro, sans nul doute. Le blocus imposé par l'État hébreu depuis 2006, qui limite l'entrée des matériaux, rend impossible toute reconstruction dans l'enclave. La prise de pouvoir du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, en guerre ouverte contre les Frères musulmans et leurs alliés du Hamas à Gaza, a refermé les portes de la ville frontalière de Rafah, qui servaient en quelque sorte de poumons. Malgré quelques dérogations accordées pour des raisons humanitaires, ce deuxième blocus a entraîné une asphyxie quasi totale des Gazaouis. "Gaza possède la plus forte densité de population au monde. On est en train de construire la génération la plus stressée de la planète, se désespère notre interlocuteur à MSF. 70 % de la population a moins de 30 ans et 50 % moins de 14 ans. Les mères se révèlent incapables de porter secours à leurs enfants. On a tous les symptômes de l'enfermement que l'on retrouve en prison.

    Quelque 100.000 Gazaouis toujours sans abri

    Quatre-vingt-cinq familles relogées! Pas de quoi pavoiser. Mais, faute de mieux, Pierre Krahenbühl, commissaire général de l'UNRWA, l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, tient néanmoins à mettre ce chiffre en avant. "Il y a quinze jours, nous avons eu la première autorisation pour la reconstruction de bâtiments qui accueilleraient 85 familles. Évidemment, sur 100.000 habitants toujours sans abri, cela peut paraître dérisoire. Mais on peut espérer une dynamique parce que le scepticisme est un luxe que l'on ne peut plus se permettre dans la région." Tous s'accordent à craindre en effet une radicalisation des jeunes. "Ceux qui ont moins de 8 ans ont déjà connu trois guerres, poursuit Pierre Krahenbühl. Avant le blocus, 80.000 personnes recevaient une aide alimentaire. Désormais, ils sont 860.000, et 65% des jeunes sont sans emploi. Sans processus politique, Gaza est devenu une bombe à retardement."

    La radicalisation, le spectre de demain, la zone grise où personne ne sait où l'on va, au point que l'on parle d'une implosion à l'intérieur du camp islamiste et d'un rapprochement possible du Hamas avec Israël, face à la menace du groupe terroriste Daech. "Voilà à quoi on est arrivé, souligne un observateur, à considérer que le Hamas pourrait devenir la meilleure des solutions!"

    Karen Lajon - Le Journal du Dimanche

    http://www.lejdd.fr/International/Proche-Orient/Gaza-la-bombe-a-retardement-742010

  • Cela s’est passé un 14 juillet 1953, une manifestation, des morts, un massacre! (Babzman)

    Cette date est très peu connue dans notre histoire, pourtant, elle eu aussi ses martyrs. Cet article qui relate les faits avec détails est un témoignage sur la manifestation du 14 juillet 1953 et un hommage à ses victimes.

    Le 14 juillet 1953, comme chaque année depuis 1936, le Parti communiste français (PCF), la Confédération générale du travail (CGT) et de nombreuses organisations progressistes organisent à Paris un défilé qui se veut une célébration des valeurs de la République. Cette tradition rappelle celle des manifestations du 1er Mai.

    Ce 14 juillet, le cortège défile de la place de la Bastille à la Nation. Rendez-vous est donné dès 14 heures aux militants afin de se constituer en cortèges dont l’ordre a été décidé au préalable. Comme chaque année depuis le début des années 1950 les messalistes, militants indépendantistes du mouvement pour les libertés démocratiques en Algérie (MTLD) dirigé par Messali Hadj, prennent part au défilé malgré leurs divergences – le PCF n’est, à l’époque, pas favorable à l’indépendance de l’Algérie. Ils sont encadrés par leur propre service d’ordre que l’on reconnaît à son brassard vert.

    Cette année le contexte est particulièrement tendu : les manifestations du 1er Mai ont été marquées par des violences policières ; celles de mai 1952 contre la venue en France du général américain Ridgway accusé d’utiliser des armes bactériologiques en Corée se sont soldées notamment par la mort de l’ouvrier communiste Hocine Bélaïd.

    À 15 heures, le cortège s’ébranle en direction de la place de la Nation avec à sa tête une banderole proclamant l’« Union pour la défense des libertés républicaines ». L’on entonne une première Marseillaise, l’on exige la libération des militants communistes emprisonnés. Quoi que la presse ne s’en fasse pas l’écho par la suite, l’on scande aussi du côté des messalistes des slogans favorables à une Algérie indépendante.

    Du côté de la rue Jacques-Cœur surgissent quelques parachutistes, de retour d’Indochine, qui provoquent et agressent les manifestants. Sporadiquement, ces « bérets rouges » qui le matin même défilaient sur les Champs-Élysées agressent les manifestants. Exfiltrés par les policiers, ils ne sont pas arrêtés.

    Vers 15 heures 30, une première averse estivale, violente et soudaine, sème un peu le trouble mais le cortège parvient tout de même aux alentours de 16 heures en bon ordre à la Nation où la manifestation doit se disloquer. Depuis la tribune où il prend place, le comité d’organisation salue les différents cortèges.

    Tandis qu’une seconde averse, encore plus drue, s’abat sur la place de la Nation, la journée vire au cauchemar. Après son passage devant la tribune officielle, le cortège des messalistes se presse en direction de l’avenue du Trône où un camion attend les militants pour recueillir les drapeaux algériens et les portraits de Messali Hadj qu’ils portaient fièrement durant le défilé. Des rues adjacentes, des policiers fondent sur eux. Ces derniers s’acharnent à piétiner les portraits du leader indépendantiste. Éclate alors une première bagarre sous la pluie torrentielle. Surprises par la réaction belliqueuse des messalistes qui refluent malgré tout vers la place, les forces de l’ordre suppléées de gardes mobiles retournent à la charge tandis que la tribune est évacuée.

    Soudain, sans sommation, des coups de feu claquent. « L’horloge monumentale, brisée à l’entrée du carrefour, est arrêtée à 17h20, heure où le premier coup de feu fut tiré », selon France Soir le 16 juillet. Dans la panique générale qui s’en suit, sous une pluie battante, les premiers blessés sont évacués vers les cafés où se réfugient aussi les manifestants effarés qui, comme les clients des cafés, se font frapper par la police. On appelle les ambulances pour transporter les blessés tandis que des médecins donnent les premiers soins. Avenue du Trône, un premier car de police est renversé et enflammé. Deux autres seront brûlés et une vingtaine endommagés. Bien que la traque des manifestants se poursuive jusque dans les cours d’immeubles et sur les quais du métro où les manifestants Algériens – ou qualifiés comme tel – cherchent refuge, un calme relatif revient à peine trente minutes après les premières échauffourées qui furent d’une violence inouïe.

    Sept manifestants sont tombés sous les balles de la police, six Algériens et un Français : Amar Tabjadi, 26 ans, décédé à l’hôpital Saint-Louis ; Abdallah Bacha, 25 ans, décédé à l’Hôtel-Dieu des suites d’une balle reçue dans la gorge ; Larbi Daoui, 27 ans, tué d’une balle dans le cœur ; Abdelkader Dranis, 31 ans, décédé à l’hôpital Saint-Louis ; Mohammed Isidore Illoul, 20 ans, décédé à l’hôpital Saint-Louis ; Medjen Tahar, blessé par deux balles, décédé à l’hôpital Tenon et enfin Maurice Lurot, 40 ans, mort à l’hôpital Saint-Louis d’une balle dans le cœur.

    D’après le bilan officiel de la Préfecture de police, une soixantaine de policiers furent blessés à divers degrés. Le journal Combat indique le chiffre de quatre-vingt policiers blessés ; du côté des manifestants, outre les sept morts, le même journal recense quarante-quatre blessés. Mais le décompte officiel de la Préfecture – quarante blessés par balles et sept morts – est certainement à réévaluer : de nombreux blessés, de peur d’être incarcérés, ne se rendent pas dans les hôpitaux et certains médecins ne les signalent pas.

    Dans les jours qui suivent, l’émotion est intense ; la presse s’indigne, comme par exemple l’Humanité, ou au contraire voue aux gémonies les Algériens agresseurs des forces de l’ordre : le Figaro du 15 juillet dénonce les communistes et les Algériens respectivement responsables et initiateurs des affrontements. Le PCF, tout en taisant les revendications indépendantistes des messalistes, invite à un meeting le 21 juillet au Cirque d’Hiver qui remporte un franc succès.

    Le même jour, les corps des victimes algériennes sont transportés à la mosquée de Paris pour une cérémonie religieuse tandis que rue Duhesme, au local de la section du PCF à laquelle appartenait Maurice Lurot, une chapelle ardente est dressée en hommage aux sept victimes de la répression policière. Le lendemain, leurs corps sont exposés à la Maison des Métallos avant l’enterrement de Maurice Lurot au cimetière du Père-Lachaise et le transfèrement des corps des Algériens vers l’Algérie.

     

    Mais les brimades ne sont pas encore terminées : les corps de Larbi Daoui et Mohammed Isidore Illoul ne peuvent être rapatriés en Algérie pour des raisons administratives. Ils seront enterrés dans le carré musulman du cimetière de Bobigny. Quant à Amar Tabjadi, si sa dépouille est bien parvenue en Algérie, l’Humanité du 26 juillet rapporte que son corps a été subtilisé à sa famille par des militaires français et enterré « à l’esbroufe ». Tahar Madjeb sera inhumé à Guergour, Abdallah Bacha à Bahalil et Abdelkader Dranis à Nedrouma.

    Malgré quelques commémorations, le massacre du 14 juillet 1953 sera vite occulté dans les années qui suivent par ceux d’octobre 1961 et de février 1962.

    Le 21 septembre 1995, le fils de Maurice Lurot écrivait dans le courrier des lecteurs de l’Humanité-Dimanche : « chaque année, alors que chacun danse, c’est les larmes aux yeux que je cherche un mot qui réchauffe dans l’HD [l’Humanité-Dimanche]. Chaque année, mon père est de nouveau assassiné par les camarades, par leur oubli ».

    Maxime Courban Archiviste en charge des fonds photographiques du journal l’Humanité. Article publié en Juillet 2013 sous le titre :

    « Un massacre oublié. Retour sur la manifestation du 14 juillet 1953. »

    http://www.babzman.com/2014/cela-sest-passe-un-14-juillet-1953-une-manifestation-des-morts-un-massacre/

    Lire aussi:

    http://www.npa2009.org/idees/entretien-avec-daniel-kupferstein-realisateur-du-documentaire-les-balles-du-14-juillet-1953

    http://bondyblog.liberation.fr/201407140001/14-juillet-1953-noublions-pas/#.Vadb_rXNRq0

  • Cela s’est passé un 13 juillet 1927, naissance de Didouche Mourad (Babzman)

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    *

    Un grand boulevard de la capitale porte son nom, ainsi que El Mouradia, baptisé après l’indépendance. Didouche Mourad fait partie de ceux qui ont déclenché le 1er novembre 1954.

    Didouche Mourad est né le 13 juillet 1927 à la rue des Mimosas, au quartier de la Redoute (actuellement El Mouradia), à Alger. Sa famille, modeste, est originaire d’Ibskriène, un village de la commune des Aghribs en Kabylie. Son père tient une boulangerie dans le quartier.

    Il fait ses études primaires ainsi que le cycle moyen à l’école d’El Mouradia, puis rejoint le lycée technique du Ruisseau.

    Surnommé « Si Abdelkader », Didouche Mourad tient parfois la boulangerie de son père. Généreux, il en profite pour donner du pain gracieusement aux nécessiteux. L’historien français, Ives Courrière, le surnomme le « Saint-juste de la révolution » dans « Les fils de la Toussaint » (Paris, Fayard, 1968).

    Nourrit très tôt à la mamelle du nationalisme, il n’a pas encore 16 ans lorsqu’il adhère au Parti du peuple algérien (PPA). Il participe ainsi à l’organisation des manifestations du 8 mai 1945, qui vont entraîner la répression sauvage des forces coloniales et ancrer l’idée chez le jeune Didouche que l’indépendance ne peut s’obtenir que par la lutte armée.

    Deux ans plus tard, il travaille comme cheminot à la gare centrale d’Alger et milite à la CGT ; il est nommé responsable des quartiers de la Redoute (El Mouradia), du Clos Salembier (El Madania), et de Bir Mourad Raïs.

    Très tôt membre du mouvement des Scouts Musulmans Algériens (S.M.A.), véritable école du nationalisme ; il est l’un des fondateurs du RAMA, club omnisports de la Redoute ; il crée aussi en 1946 la troupe de scouts « Al-Amal » ainsi que l’équipe sportive « al-Sarie Al-Riadhi » d’Alger.

    En 1947, il organise les élections municipales dans sa zone et se rend également en Oranie afin d’organiser la campagne électorale de son Parti PPA-MTLD, pour l’assemblée algérienne. Arrêté dans une rafle, il réussit à s’enfuir du tribunal.

    La même année, il participe à la création de l’Organisation spéciale (OS), branche clandestine du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) ; il est un de ses militants les plus actifs.

    Lors de la découverte de ses responsabilités au sein de l’organisation en mars 1950, et après l’échec de l’administration française à le capturer, un jugement par contumace est prononcé contre lui, le condamnant à 10 ans de prison. Il constitue en 1952, avec Ben Boulaïd, un noyau clandestin dans Alger dont la mission est la fabrication de bombes en prévision du déclenchement de la Révolution.

    Lors de la crise de 1953-1954 au sein du MTLD, opposant le Comité Central du parti à Messali El Hadj, il se rend en France, où il devient l’adjoint de Mohamed Boudiaf de la Fédération de France du MTLD.

    Au début de 1954, avec Ahmed Mahsas, ils élaborent un projet de parti véritablement révolutionnaire ; en mars 1954, Mohamed Boudiaf et Mourad Didouche rentrent en Algérie et prennent contact avec quelques anciens membres de l’OS.

    Il participe avec huit de ses compagnons à la création du Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA). Il participe également à la réunion des « 22 », tenue en juin 1954, au cours de laquelle est décidé le déclenchement de la Révolution. De cette réunion, émerge le premier « Conseil de la Révolution », composé de 5 membres dont Didouche Mourad, qui est nommé responsable de la zone II (Wilaya II).

    Il est l’un des rédacteurs de la Déclaration du 1er novembre 1954 et réussit avec l’aide de son adjoint Zighout Youcef, à jeter les bases d’une organisation politico-militaire.

    Le 18 janvier 1955, alors qu’il n’a pas encore bouclé sa vingt-huitième année, Didouche Mourad meurt à la bataille du douar Souadek, à Condé-Smendou, près de Constantine. Il est ainsi le premier chef de zone à tomber au champ d’honneur.

    Synthèse K.T.

    Sources :

    « Des mimosas pour Didouche Mourad », par Zouhir Mebarki, publié dans L’Expression le 20 – 01 – 2011

    http://www.la-kabylie.com

    http://www.algerieconfluences.com

    http://www.babzman.com/2015/cela-sest-passe-un-13-juillet-1927-naissance-de-didouche-mourad/

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  • La Tunisie sous le choc, après l’attentat terroriste (Essf)

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    Le 26 juin, la Tunisie a été frappée une seconde fois (1) par un attentat terroriste qui a coûté la vie à 38 personnes.

    Ces deux opérations terroristes mettent à nu de graves défaillances au niveau des services de sécurité tunisiens. Leurs impacts sur l’ensemble de la société, plus particulièrement sur les conditions de vie des classes populaires, seront, très probablement, lourds de conséquences.

    En effet, la cible est à nouveau le secteur touristique, gros pourvoyeur d’emplois et de ressources pour une partie de la population, certaines municipalités et l’Etat.
    Les millions de touristes, en grande majorité européens, qui visitent la Tunisie depuis plus quarante ans ont par ailleurs enrichi la culture locale, par un apport de diversité et de tolérance, aux antipodes de l’idéologie du terrorisme djihadiste. Les commanditaires des deux opérations cherchent aussi à saper le moral des Tunisiens, qui sont le meilleur rempart contre la volonté djihadiste de déstabiliser la société.

    La raison principale des défaillances sécuritaires graves du Ministère de l’Intérieur est, sans aucun doute, le choc qu’il a subi à la suite de l’ascension au pouvoir des islamistes en janvier 2012. Ces derniers ont cherché à s’approprier ce ministère, ou du moins à en contrôler les principaux services, pour garantir leur maintien au pouvoir et pour faciliter l’application de leur projet totalitaire d’islamisation de la société. Malgré la démission de leur gouvernement en janvier 2014, puis leur défaite aux élections de fin 2014, ils ont maintenu leurs positions au sien de l’appareil sécuritaire. Aussi bien par le biais des milliers de nouvelles recrues islamistes, que par la nomination de ministres de l’Intérieur islamistes, ou bien pro-islamistes notoires.

    Il est important de noter aussi que les deux attentats se sont produits à un moment où le mouvement social était en pleine effervescence.

    Le premier semestre 2015 a en effet connu un mouvement de grèves sans précédent, engageant des centaines de milliers de travailleurs, surtout dans la Fonction publique. Parallèlement, le bassin minier était secoué par une énième révolte, pour protester contre la misère et le chômage qu’il récolte en contrepartie des richesses qu’il produit. La région frontalière avec la Lybie était par ailleurs traversée par des mini-soulèvements répétitifs, qui mettaient en branle des masses déshéritées.

    En face, un gouvernement quadripartite, associant notamment les deux partis qui sont arrivés premiers lors des élections législatives d’octobre 2014 (Nidaa Tounes et Ennahdha). Un gouvernement velléitaire et sans programme, se contentant d’appliquer sagement des politiques néolibérales dictées de l’étranger. Des politiques incapables de stopper la dégringolade économique, de soulager la souffrance sociale dans laquelle est plongée la majeure partie de la population et de redonner espoir aux Tunisiens.

    La société tunisienne est actuellement dans un état de choc. Le mois de jeûne du Ramadan conjugué à la chaleur de l’été, la cherté de la vie, les menaces djihadiste et l’absence d’alternative sont autant de facteurs qui pèsent lourds sur les épaules des Tunisiens. L’impasse sociale et politique persiste et pèse sur le moral général.

    Aucune force politique, n’émerge actuellement du lot avec un projet d’avenir, un programme et un guide d’action pour réaliser les revendications de la révolution. Pourtant, jamais en Tunisie le désir de changement et la volonté manifeste de le réaliser n’ont été si massivement partagés et si puissamment exprimés. La révolution n’a pas encore réussi à changer le système dominant, mais elle a déjà permis la transformation du peuple qui le subi. C’est cela le vrai atout pour l’avenir.

    Tunis, le 3 juillet 2015

    Note : L’attentat survenu au Bardo le 18 mars a causé la mort de 24 personnes.

    * Fathi Chamkhi est militant de RAID (Attac & Cadtm) et de la LGO, Fathi Chamkhi est député Front populaire à l’Assemblée des Représentants du Peuple.

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35413

    Ce texte a été écrit pour « l’Anticapitaliste hebdo » la veille de la proclamation de l’état d’urgence qui a fait l’objet d’une déclaration du Front populaire le 7 juillet.
    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35383

  • Maurice Laban, ce héros algérien ! (Le Matin.dz)

    Maurice Laban  Maurice Laban

     

    Dans le vaste Panthéon où repose l'innombrable cohorte des martyrs glorieux ou inconnus qui ont arraché l'Indépendance de l'Algérie, il en est un dont le nom se confond avec l'héroïque et rude combat pour la Liberté.

    La fraternité

    Maurice Laban, l'enfant de Biskra, porte la mémoire des luttes menées depuis la nuit des temps afin que le triptyque sur lequel repose la devise de la République ne soit pas seulement une abstraction. C'est ce qu'il devait apprendre aux jeunes enfants de son école indigène dont il était l'instituteur. Dans la devise républicaine, il a incarné plus particulièrement le concept de Fraternité, par ses différents engagements au long de sa vie. Pour lui, la vertu concrète du principe de fraternité était par dessus tout la clé d'une Liberté non égoïste et d'une Egalité altruiste, toujours l'une et l'autre soucieuse d'autrui, pour lui, de ses frères Algériens, comme il aimait se reconnaître comme l'un d'entre eux. Il avait le front assez haut, les épaules assez larges pour rassembler tous les efforts déployés par quelques-uns pour réduire les fractures sociales criantes générées par le colonialisme.

    Il était persuadé que faute de ce progrès éthique, faute de ce sens de la dignité de l'autre et de notre partage de la même condition humaine, comment pouvons-nous espérer que la revendication de Liberté et de d'Egalité ne soit pas réduite, le plus souvent à la défense de ses propres intérêts. Tous ces combats menés durant sa trop courte vie, il les a engagés dans l'espoir que reculent durablement les indifférences, les haines, les rejets de l'autre et les ignorances. Par dessus tout, il considérait tout être humain comme son frère.

    L'exemplarité

    Il était né en 1914 à Biskra où durant sa vie, Maurice Laban n'a jamais cessé d'apporter de l'aide à ses frères algériens dans le dénuement de cette ville du sud algérien jusqu'à cette date fatidique du 6 juin 1956 où il tombe au champ d'honneur aux côtés de son camarade Henri Maillot qui avait rejoint la lutte des maquisards algériens avec une cargaison d'armes et d'autres martyrs tels que Belkacem Hannoun, Djilali Moussaoui et Abdelkader Zelmatt.

    Toute son existence témoigne de ce pourquoi tant de femmes et d'hommes ont donné leur vie pour que leurs frères puissent vivre dignes et libres. C'est à Paris, en 1934, qu'il adhéra au Parti communiste où il fut secrétaire de la fédération parisienne des étudiants communistes.

    Durant la guerre d'Espagne, il se porta volontaire dans les Brigades internationales.

    Dans la rage des combats contre la dictature franquiste, à Teruel, il fut blessé à la jambe. A Madrid, il fut atteint à la face. On crut que sa blessure était mortelle à tel point qu'un officier espagol républicain voulut l'achever, pour abréger ses souffrances. Georges Raffini, un communiste d'Algérie était là et l'en empêcha. Il emporta son camarade de combat sur ses épaules et lui sauva ainsi la vie. La bouche cousue, la tête entourée de bandages, Maurice Laban fut rapatrié en France.

    En 1940, de retour en Algérie où il s'était marié avec Odette, durant la Seconde guerre mondiale, le gouvernement de Vichy, après l'avoir torturé, l'emprisonna à la prison Barberousse d'où il s'évada. Repris, Maurice fut condamné à la prison à perpétuité. On le transféra à la prison de Lambéze. Odette et Maurice furent libérés en 1943, après le débarquement des alliés. Quand il sortit de prison, son père, qui avait été, lui aussi emprisonné, mourut.

    Les difficultés de Maurice Laban avec le Parti communiste commencèrent en 1944.

    A cette époque, les députés français, toujours présents à Alger, et le PCA demandaient aux Algériens de participer à l'effort de guerre de la France. Pendant ce temps, les Algériens souffraient de la famine et du typhus. La section communiste de Biskra, dont Maurice était le secrétaire, adressa un rapport au Comité central pour exprimer son désaccord sur le fait que défendre exclusivement des mots d'ordre nationaux français était une erreur. On accusa alors Maurice de nationalisme. Son exclusion du Parti fut même envisagée. A partir de ce jour, les Laban devinrent des suspects devant qui on détournait la tête.

    En 1952, Maurice apprit qu'à Djemmorah, un village des Aurès, l'école était fermée depuis quatorze ans, faute d'instituteur. Il demanda le poste et y fut nommé en novembre. En mars 1953, on le révoqua. Ce travail lui facilitait trop les contacts avec le paysans de la région.

    Depuis l'enfance, il était lié d'amitié avec Mostépha Ben Boulaïd, l'un des animateurs de l'OS, l'Organisation spéciale, l'organisation para-militaire fondée par les nationalistes algériens. Sa plantation de palmiers lui permettait d'acheter des engrais avec lesquels il fabriquait de la poudre. Dès la fin des années quarante, à l'insu du PCA, il en fournit pour les maquisards des Aurès.

    Le 1er novembre 1954, Maurice Laban était à Biskra. Il fit tout de suite savoir au Comité central qu'il voulait participer à ce qu'il considérait être une guerre de libération. Il fut indigné par les prises de position du PCA à cette époque. Une délégation fut envoyée auprès du Comité central pour faire part de la volonté de ces hommes de s'engager dans la lutte armée. Il s'agissait ni plus ni moins d'une critique de la théorie de Maurice Thorez sur "l'Algérie, nation en formation" qui continuait à régner sur la politique algérienne du PCF et à influencer le parti algérien.

    Quelque temps après, les Laban et leur fils furent expulsés de Biskra par la police. L'arrêté d'expulsion était signé par François Mitterrand. Maurice s'attendait à être arrêté. Il passa dans la clandestinité à Alger. Odette et son fils partirent en France. Après des discussions serrées, la direction du PCA, finit par rallier la lutte armée menée par le FLN pour l'Indépendance.

    Beni Boudouane

    Le mardi 22 mai 1956, son camarade, Henri Maillot fut condamné à mort par contumace par le tribunal des forces armées d'Alger. Début juin, les maquisards de son groupe passent à l'action. Ils abattent quatre collaborateurs des autorités françaises puis mettent le feu au bureau du caïd du douar Beni Rached. Ils s'enfuient sur la rive droite du Cheliff. Alors que leur présence est signalée dans cette région où le bachaga Boualem a mis sur pied d'importantes milices de harkis, l'un d'eux va chercher du ravitaillement dans le village de Lamartine. L'importante quantité de vivres commandée attire l'attention. L'homme est arrêté, torturé. Sous la douleur, il dit où se trouvent ses camarades. Ses tortionnaires l'achèvent, en violation complète avec les accords de Genève sur les prisonniers.

    Une opération est lancée contre les maquisards. Le mardi 6 juin 1956 à l'aube, les maquisards sont encerclés. Hamid Gherab vit Maurice Laban mourir en combattant, après avoir échangé des coups de feu avec les militaires. Trois autres maquisards furent tués ce jour-là. Ils s'appelaient Belkacem et Djilali ainsi qu'Henri Maillot.

    A dix-neuf heures, le 6 juin, la police vint prévenir la mère d'Henri Maillot que son fils était mort avec ses camarades. On les enterrait à Lamartine, devenu El Karimia, hors du cimetière qui leur fut interdit. C'est le fils de Maurice qui entendit la nouvelle à la radio avant d'aller à l'école. Il prévint sa mère en lui téléphonant. Pendant très longtemps, Odette Laban refusa de croire à la réalité de la mort de son mari. Lui qui avait échappé à la mort en Espagne, qui s'était échappé de Barberousse, qu'on avait déjà proclamé mort une fois... Non, ce n'était pas possible.

    Hamid Gherab, le témoin, réussit à échapper à l'encerclement et à s'enfuir durant la nuit. C'est lui qui écrivit à Odette, des années après, en 1970 : "La mort de Laban a été celle d'un homme qui vivait son idéal, qui ne trichait ni avec lui-même ni avec les autres, qui a fait très simplement le sacrifice de sa vie parce qu'il pensait qu'il ne pouvait en être autrement. De l'Espagne au Beni-Boudouane, ça a été toujours le même homme qui n'a pas dévié d'un pouce, qui aimait les hommes droits et méprisait les fausses hiérarchies. Il est mort en plein combat en tirant jusqu'à son dernier souffle sur des soldats pleins de haine et de peur."

    Le courage et le sacrifice

    Ce qui est frappant dans le récit de cette trajectoire de Maurice Laban, rectiligne et tendue comme la corde d'un arc, c'est la dimension tout à fait exceptionnelle d'un courage et d'un esprit de sacrifice à nul autre pareil. Tout cela fait de lui un Héros à la figure christique, par la volonté qu'il a su déployer tout au long de sa vie pour faire descendre du haut des temples, où elle est gravée, la devise de la République "Liberté, Egalité, Fraternité" et la mettre en pratique dans le difficile combat pour la libération et l'émancipation des Hommes. L'exemplarité qu'il a su déployer au long de sa vie brève est un constant rappel face aux privilèges exorbitants des oligarchies et des potentats qui s'arrogent le droit de diriger les peuples du monde.

    Depuis le mois d'avril 2002, une rue à Biskra, près de la gare, porte le nom de Maurice Laban, l'un de ses fils, parmi les meilleurs.

    Que sont devenus ces femmes et ces hommes qui sacrifièrent tout à leur idéal ?

    Qu'au moins leur Histoire soit écrite et transmise. Si nous ne savons pas le faire, qui donc le dira ?

    Contribution de René Fagnoni à l’APS

    Auteur de "Chronique des Aurès".

    http://www.lematindz.net/news/18003-maurice-laban-ce-heros-algerien.html

  • Algérie : «Les affrontements de Ghardaïa sont liés à des intérêts pétroliers et gaziers» (Algeria Watch)

    Pour Fatma Oussedik, anthropologue, les affrontements entre communauté mozabite (berbères) et châamba (arabes) qui ont fait plus de 25 morts ces quatre derniers jours sont aussi liés à l'arrivée de nouvelles populations.

    Fatma Oussedik est anthropologue et professeur de sociologie à l'Université d' Alger II. La chercheuse revient sur les affrontements entre communauté mozabite (berbères) et châamba (arabes) qui ont fait plus de 25 morts ces quatre derniers jours dans la région de Ghardaïa.

    Les affrontements sont-ils liés à un conflit communautaire comme on le lit depuis quatre jours ?

    En manipulant les arguments communautaires entre Ibadites (berbères) et les chaâmba (arabes), on produit de fait du communautarisme. Ou alors du repli communautaire. Cependant, je ne crois pas à cette lecture avancée, qui me semble incomplète, car d’autres arguments et intérêts sont à l’œuvre dans la région. Pour bien saisir ce qui se passe, il faut avoir à l’esprit que, depuis la fin des années 1950, période qui correspond aux découvertes pétrolières, la population a été considérablement modifiée dans la région et Ghardaïa devenue le chef-lieu de la wilaya (préfecture).

    Comme qualifieriez-vous la région de Ghardaïa ?

    La région connaît des soubresauts liés aux énormes intérêts qui agitent la zone. Intérêts miniers, gaziers, pétroliers et nouveaux intérêts liés aux projets d’extraction du gaz de schiste. Cette région est déstabilisée par des intervenants extérieurs liés à ces mêmes intérêts économiques. A cela s’ajoute l’élément «route saharienne» car Gardhaïa a toujours été un centre important au nœud de ces routes. Et qui dit routes dit trafics intenses de drogues, de marchandises de contrebande, de migrants. Ce sont les anciennes routes de l’esclavage. De sorte qu’il y a aujourd’hui une insécurité produite par ces trafiquants.

    Quelles sont ces populations ?

    Elles sont venues, et viennent, de l’ensemble de l’Algérie. Ces populations arrivent dans un endroit où vivent depuis des siècles des communautés berbères établies avec du foncier, leurs cimetières, leur habitat et leurs organisations locales. Il y a donc des rivalités sociales et économiques entre ces gens venus de partout et ces populations établies et fortes de ce lieu d’origine et d’appartenance. Vous êtes une population berbère et vous parlez le berbère. Vous vivez ici depuis des siècles. Vous avez le sentiment qu’on vous conteste cette terre, y compris le fait d’y être établi. Ainsi s’opposeraient des autochtones et les autres populations qui se sont succédé depuis les années 50 en passant par les années 90, et ce notamment pour fuir les régions de forte insécurité [lors des années noires, ndlr]. Ces populations sont arrivées sans aucun moyen, sans aucune inscription dans aucun groupe local et presque désinstitutionnalisées.

    Et l’argument religieux ?

    Evidemment, il est présent et se surajoute. Ne pas oublier que Mokhtar Belmokhtar est né à Ghardaïa. Avant d’être un chef jihadiste, il a commencé sa «carrière» comme trafiquant. Belmoktar est le représentant d’une ces articulations multiples sur la région. Il faut savoir que les ibadites (berbères) appartiennent à une école doctrinale de l’islam. Mais en face, il y a un wahhabisme récemment installé dans la région. Pour finir le panorama, vous y rajoutez des forces centrifuges qui tentent d’attirer l’armée nationale dans une intervention extérieure vers le nord Mali ou la Libye.

    Comment expliquez-vous la passivité des forces de l’ordre dans la wilaya de Ghardaia ?

    Je dirais à qui profite le crime ? Le pacte national, c’est : l’Etat protège les biens et les personnes des interventions extérieures.
    Et que fait l’Etat algérien ? Rien.
    Cette passivité doit être interrogée quand, sur internet, des vidéos postées montrent les forces de l’ordre tirer sur les Ibadites…

    Jean-Louis Le Touzet, Libération du 10 juillet 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/ghardaia/interets_petroliers.htm

  • La lutte contre les tunnels accroît l’asphyxie de Gaza (Afps)

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    Le Caire a lancé ces derniers mois une vaste opération contre les trafics avec le territoire palestinien.

    Les entrées des deux tunnels sont séparées de quelques mètres à peine. L’une ressemble à un puits, l’autre à un bunker. Elles sont condamnées. Des plaques métalliques empêchent les curieux de pénétrer à l’intérieur. De toute façon, il n’y a guère de curieux dans cette zone de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, accolée au mur frontalier avec l’Egypte.

    Le Hamas est aux aguets. Ibrahim R., 26 ans, est un policier du mouvement islamiste, qui contrôle le territoire palestinien depuis 2007. Il s’improvise guide pour convaincre le visiteur de la fin d’une époque : celle des tunnels clandestins. Ces tunnels qui ont permis pendant trente ans à la population d’acheminer de la contrebande en provenance d’Egypte : des cigarettes, de la nourriture, mais aussi des armes et des voitures.

    L’histoire que narre Ibrahim R. est celle d’un Hamas vertueux, qui chercherait à empêcher l’exploitation de ces voies de passage et mettre fin aux trafics. " Nous sommes environ 800 hommes à superviser la zone frontalière, longue de 14 kilomètres, explique-t-il. Toute personne qui y pénètre est fouillée. "

    En réalité, le gros du travail est abattu, depuis plus d’un an, par l’armée égyptienne. Après l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fattah Al-Sissi, le régime égyptien a lancé une vaste opération dans la zone frontalière avec la bande de Gaza. Elle avait deux objectifs : sécuriser le Sinaï, où les djihadistes alliés à l’organisation Etat islamique (EI) montent en puissance et harcèlent l’armée ; lutter contre les trafics avec le territoire palestinien. Le premier est un échec complet, le second une victoire en demi-teinte.

    Ibrahim R. monte dans le bureau provisoire où s’affairent des collègues. Leur ancien bâtiment n’est que ruines, après un bombardement israélien à l’été 2014. En hauteur, on perçoit mieux le résultat de l’opération égyptienne, de l’autre côté du mur, à quelques centaines de mètres de là. Les bulldozers ont rasé méthodiquement les habitations de Rafah, ville scindée en deux. Une mosquée reste debout au milieu du désert urbain. Par endroits, la zone tampon avec Gaza a été étendue jusqu’à trois kilomètres. En mai, le président égyptien a déclaré qu’au moins 80 % des tunnels avaient été détruits au cours des six mois précédents. " Les Egyptiens nous font mal, reconnaît le policier du Hamas, mais on a le même sang et un ennemi commun, Israël. "

    Le maire de Rafah, Sobi Redwan, mesure les dégâts provoqués par la condamnation des tunnels. " La roue de l’économie est à l’arrêt. Heureusement, la semaine dernière, du ciment égyptien est entré en petite quantité par le point de passage. C’était la première fois depuis l’été. " Conscients du risque d’asphyxie de Gaza, les Egyptiens ont décidé, comme les Israéliens au nord, de desserrer l’étreinte du blocus, pour éviter une explosion de violence. Des contacts avec le Hamas ont même été établis, au nom de la lutte contre le djihadisme. Pendant le mois du ramadan, l’Egypte a accepté de rouvrir quelques jours le point de passage de Rafah. En revanche, pas question de permettre une réhabilitation des tunnels. " Il n’y en a plus, c’est trop dangereux, prétend le maire. Nous ne voulons pas qu’ils réapparaissent. Nous demandons plutôt la fin du blocus. "

    Dans les petites épiceries de Rafah, on travaille au ralenti, et ce n’est pas seulement dû au ramadan. Youssef Abou Nadja, 65 ans, s’ennuie derrière sa caisse rouillée. Il est seul aux affaires. Le commerçant a dû changer ses approvisionnements depuis que la pression égyptienne a débuté. " Avant, tous nos produits venaient d’Egypte. Maintenant, je les fais venir de Cisjordanie et surtout d’Israël. "

    " Les Egyptiens détruisent nos vies "

    Beaucoup d’ouvriers habitués au travail souterrain ont perdu leur emploi, à l’instar d’Oussama S., 24 ans. Pendant sept ans, il a creusé des tunnels, parfois à mains nues, dans des conditions terribles. Certains de ses camarades sont morts ainsi. Ils étaient une trentaine à se relayer, pendant près de six mois, pour parvenir en Egypte. Aujourd’hui, le jeune homme est désœuvré, endetté. " Les Egyptiens ne détruisent pas seulement nos tunnels, mais nos vies. "

    Quand l’offre se contracte, les survivants prospèrent. C’est dans un faubourg de la ville de Gaza que reçoit Youssef L., 58 ans. Le rez-de-chaussée de sa maison est en marbre. La décoration est minimaliste. Un lit, une grande télévision. Un mur porte les stigmates d’un éclat de mortier israélien. Youssef L. a les ongles sales et des vêtements guère plus avenants. Il est pourtant à la tête d’un trafic florissant. Depuis deux ans et demi, il s’est lancé dans le secteur des tunnels à Rafah. Ils étaient sept investisseurs à l’origine, plus que deux aujourd’hui. Youssef L. a amené 30 000 dollars au pot commun. Une somme très vite remboursée.

    Aujourd’hui, la raréfaction des tunnels lui permet, dit-il d’engranger parfois plusieurs centaines de milliers de dollars par semaine. Lorsque Youssef L. s’est joint à l’entreprise, le tunnel faisait déjà 500 mètres de long. Il a fallu le prolonger de 300 mètres, après que les Egyptiens ont rasé Rafah. Au total, 18 travailleurs se succèdent nuit et jour pour achever le parcours. " Les ouvriers signent un papier avec nous, s’engageant au nom de leur famille à ne pas nous attaquer en justice s’ils meurent ou se blessent ", explique-t-il. Sa vocation : les cigarettes et le tabac. A quatre reprises, les Egyptiens ont découvert la sortie du tunnel et l’ont inondé avec des eaux usées. A chaque fois, il a fallu creuser une nouvelle voie. L’effort en vaut la peine. Youssef L. touche 1 000 dollars sur chaque chargement de 500 paquets de cigarettes.

    Quand on interroge le passeur sur le rôle du Hamas, qui dit condamner les tunnels, un grand éclat de rire résonne. " On ne peut rien sortir du tunnel sans qu’ils ne le sachent ! On prévient avant chaque livraison. On leur paie 1 000 shekels (238 euros) pour un chargement de cigarettes. " Il y a un mois, son partenaire égyptien a emprunté le tunnel pour venir à Rafah, avant de repartir en sens inverse, le même jour. Les Egyptiens ont alors inondé le tunnel. Quand le partenaire a voulu en utiliser un autre, pour livrer les cigarettes, les soldats l’ont tué.

    Piotr Smolar - Le Monde, dimanche 12 juillet 2015

    http://www.france-palestine.org/La-lutte-contre-les-tunnels-accroit-l-asphyxie-de-Gaza

    Lire aussi:

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/palestine/ghaza_vivante.htm

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