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Des témoignages d’habitants de villages syriens assiégés, recueillis récemment par Amnesty International et décrivant leur grande difficulté à se procurer de la nourriture durant les mois d’hiver, illustrent le besoin crucial de favoriser l’accès des organisations humanitaire à l’ensemble des citoyens ayant besoin d’assistance, et de lever le siège dans les zones civiles du pays.
L’organisation a parlé à des personnes résidant dans la ville assiégée de Medaya, dans le gouvernorat de Damas, et a rassemblé de nouveaux témoignages faisant état des conditions à al Fouaa et Kefraya, dans le gouvernorat d’Idlib. Ces résidents, qui connaissent actuellement la faim, ont expliqué que des familles survivent avec guère plus que des feuilles d'arbre et de l’eau bouillie. Selon un accord conclu jeudi 7 janvier engageant le gouvernement syrien, les villages sont censés bénéficier de nouveau d’une assistance humanitaire.
« Les témoignages de ces personnes qui souffrent de la faim ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Des Syriens souffrent et meurent à travers le pays parce que la famine est utilisée comme une arme de guerre tant par le gouvernement que par les groupes armés syriens. En continuant à imposer des sièges dans des zones civiles et en n’autorisant l’acheminement de l’aide que sporadiquement, selon leur bon vouloir, ils perpétuent la crise humanitaire et jouent avec la vie de centaines de milliers de personnes », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.
« Le fait d'affamer délibérément des civils dans le cadre d’un conflit est un crime de guerre. Toutes les parties assiégeant des zones civiles - le gouvernement et des groupes armés non étatiques - doivent cesser d’entraver l’acheminement de produits de première nécessité, et permettre le libre passage de l’aide humanitaire. »
Les Nations unies estiment que quelque 400 000 personnes réparties entre 15 zones assiégées à travers le pays survivent actuellement sans avoir accès à des denrées essentielles.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté deux résolutions appelant l’ensemble des parties au conflit à lever le siège partout et à laisser passer l’aide humanitaire sans restriction. Pour l'instant, les parties ne respectent pas ces résolutions, qui visent à alléger les souffrances des civils en Syrie.
Témoignages:
Madaya et Boukein
Madaya et Boukein, deux villes voisines situées à l’ouest de Damas, sont assiégées depuis juillet 2015 par les forces gouvernementales syriennes. Quelque 40 000 personnes seraient prises au piège dans les deux villages, et n’ont plus ni eau ni électricité.
Les denrées humanitaires parvenues sur place pour la dernière fois en octobre 2015 sont épuisées. Un cessez-le-feu, conclu en septembre 2015, était censé garantir l’accès libre à une aide humanitaire et l’évacuation de civils blessés, mais cela n’a pas été le cas.
Les familles ne disposent pas de produits alimentaires de base. Certaines denrées parviennent à se frayer un chemin malgré le siège mais leur prix est exorbitant. Des familles se sont mises à chercher de quoi se nourrir dans les bois alentours, où elles risquent d’être abattues par des tireurs embusqués ou de marcher sur des mines.
Mohammad, résident de Madaya
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Chaque jour, je me réveille et je me mets à chercher de la nourriture. J’ai perdu beaucoup de poids, j’ai vraiment la peau sur les os. Chaque jour, j’ai peur de perdre connaissance et de ne jamais me réveiller [...] J’ai une femme et trois enfants. Nous mangeons une fois tous les deux jours afin de ne pas épuiser ce que nous arrivons à acheter. Les autres jours, nous consommons de l’eau et du sel, et parfois des feuilles d’arbre. Il arrive que des organisations distribuent de la nourriture qu’elles ont achetée à des fournisseurs, mais elles ne peuvent pas répondre aux besoins de tous.
À Madaya, les habitants sont des squelettes ambulants. Les enfants pleurent tout le temps. Beaucoup de gens souffrent de maladies chroniques. Certains m’ont dit qu’ils vont aux postes de contrôle tous les jours, et demandent à partir, mais les forces gouvernementales ne les autorisent pas à quitter les lieux. Nous n’avons qu’un hôpital de campagne, qui tient dans une pièce, mais ils n’ont pas d’équipements ni de fournitures médicales.
Um Sultan, résidente de Madaya
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Le siège est de plus en plus difficile à vivre à mesure que les quantités de nourriture s’amenuisent. Chaque jour, j’entends que quelqu’un est malade et n'arrive plus à quitter le lit. Mon époux fait désormais partie de ces personnes. Il n'a plus la force de sortir du lit et lorsqu’il le fait, il s’évanouit. Je ne le reconnais plus, il n’a plus que la peau sur les os. J’ai demandé de l’aide pour la nourriture, mais personne ne peut nous soutenir, nous sommes tous dans la même situation. Les femmes protestent tout le temps. Nous allons aux postes de contrôle et supplions les forces syriennes de sécurité de nous laisser partir ou au moins d’autoriser la livraison de nourriture. Ils nous ont dit qu’« il y a un siège à Madaya parce qu’il y a un siège à Kefraya et al Fouaa. » J’ai trois enfants et je n’ai pas les moyens de leur acheter à manger. Un kilo de riz ou de sucre coûte environ 100 000 livres syriennes [soit à peu près 485 euros]. Qui peut s’offrir ça ?
Louay, résident de Madaya
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Mon dernier repas complet remonte à au moins un mois et demi. Maintenant je consomme essentiellement de l’eau et des feuilles. L’hiver est là et les arbres n’ont plus de feuilles, alors je ne vois pas comment nous allons survivre. Si vous avez de l’argent, vous pouvez acheter de la nourriture. Mais les gens commencent également à être à court d’argent parce que se nourrir coûte très cher. Je suis sans le sou depuis quelques semaines alors maintenant je dépends de l’aide humanitaire, qui ne satisfait pas les besoins de tous.
Al Fouaa et Kefraya
Les villages d’al Fouaa et Kefraya, au nord-est de la ville d’Idlib, sont complètement encerclés par Jaysh al Fateh, un groupe armé non étatique, depuis mars 2015. Quelque 30 000 personnes vivraient sur place. Ces villages ont été lourdement bombardés. Ils sont privés d’électricité, d’eau et de nourriture. Un cessez-le-feu conclu en septembre 2015 n’est pas pleinement respecté.
Mazen, résident d’al Fouaa
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Les deux villages n’ont plus d’électricité, et il n’y a plus d’eau depuis mars 2015. Nous disposons de quantités limitées de nourriture, et nous n’avons ni légumes ni farine, alors il n’y a pas de pain. Nous n’avons pas de sucre ni de riz. Certaines personnes survivent grâce à la nourriture qu’elles ont conservée en cas d’urgence, ou à des produits pouvant être préparés sans eau, ou parfois à des denrées larguées par des avions du gouvernement syrien.
Il y a trois mois, Jaysh al Fateh a exécuté deux hommes parce qu’ils avaient été surpris en train de faire passer clandestinement de la nourriture dans le village. Leurs mosquées des villages alentours ont annoncé l’exécution, et ont fait savoir que le même sort serait réservé à quiconque essaierait d’introduire ne serait-ce qu’un pain.
Les groupes armés ont bombardé le principal réservoir d’eau il y quelques mois alors nous n’avons plus d’eau. Les Nations unies ne nous fournissent aucun carburant, alors nous utilisons du bois pour nous réchauffer.
Fadi, résident d’al Fouaa
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Il y a seulement deux semaines, les groupes armés ont permis au Croissant-Rouge d’évacuer 336 civils et personnes blessées. L’évacuation aurait dû avoir lieu il y a des mois dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu. Nous n’avons pas de nourriture. En ce qui me concerne, il ne me reste rien à manger. J’ai épuisé toutes les réserves alimentaires que nous avions, ma famille et moi.
Maintenant nous attendons que l’aide humanitaire arrive, mais elle ne suffira pas. Recevoir de l’aide tous les quelques mois, ce n’est pas possible. Les gens ne peuvent pas survivre. Ce sont ceux qui ont des maladies chroniques qui souffrent le plus. Ils ne peuvent pas se procurer de médicaments et beaucoup d’entre eux ne figuraient pas sur la liste des personnes à évacuer.
Les tensions politiques entre la République Islamique d’Iran (RII) et l’Arabie Saoudite à la suite de l’exécution le 2 janvier par l’Arabie Saoudite de l’opposant Cheikh Nimr,[i] un des leaders des manifestations populaires contre le royaume saoudien débutées en 2011 dans les régions orientales du pays en majorité chiite, et 46 autres personnes, dont 43 djihadistes affiliés au groupe Al-Qaida, et qui a entrainé des manifestations en Iran où l’ambassade saoudienne à Téhéran et son consulat à Machhad ont été prise d’assaut et brûlées et dans plusieurs autres pays de la région également, particulièrement au Bahreïn et en Irak, n’ont cessé d’augmenter depuis lors.
L’Arabie Saoudite à coupé ses relations diplomatiques avec l’Iran, et cette décision a été suivie par Bahreïn, le Soudan et Djibouti. Les Émirats arabes unis ont, eux, décidé de réduire leurs relations diplomatiques avec Téhéran, et le Koweït, tout comme le Qatar, ont rappelé leur ambassadeur en Iran. La Jordanie a de son côté convoqué l’ambassadeur iranien à Amman.
Quelques jours après, le 7 janvier, les dirigeants de la RII ont accusé l’aviation saoudienne d’avoir bombardé son ambassade au Yémen et a interdit l’entrée de tous les produits saoudiens en réaction.
Les tensions confessionnelles entre sunnites et chiites, de la Syrie au Yémen en passant par l’Irak et le Liban, vont encore être aggravés par ces évènements. Il faut savoir que ces deux états n’ont cessé d’utiliser l’arme du confessionnalisme pour faire avancer leurs intérêts politiques.
Rivalités politiques
Depuis la chute du Shah et l’instauration de la RII en 1979 sous l’égide de Khomeini, les relations entre Téhéran et Riyadh ont été sources de tensions dans la région et montée du confessionnalisme. Elles avaient rompu leurs relations de 1987 à 1991, après de sanglants affrontements entre pèlerins iraniens et forces saoudiennes lors du hajj à La Mecque en en Juillet 1987, lorsque 402 pèlerins, dont 275 iraniens, sont morts lors d’affrontements dans la ville sainte musulmane de la Mecque.
En réponse, des manifestants à Téhéran ont occupé l’ambassade d’Arabie Saoudite et dont mis le feu à l’ambassade du Koweït. Un diplomate saoudien, Mou Saad al-Ghamdi, est d’ailleurs décédé à Téhéran des blessures subies quand il est tombé d’une fenêtre de l’ambassade et Riyad a accusé les dirigeants iraniens d’avoir retarder son transfert à un hôpital en Arabie Saoudite. Après une petite période d’accalmie au début des années 2000 avec l’élection de Mohammad Khatami au poste de président en 2001, les rivalités reprendront de plus belle à la suite de l’invasion des Etats Unis et de la Grande Bretagne de l’Irak qui tombera progressivement dans les mains des forces islamiques fondamentalistes chiites alliés à la RII. Les tensions politiques entre les deux pays n’ont cessé de rendre la situation dans la région de plus en plus volatile et fragile.
Au début des années 1980, l’établissement de la RII et de la volonté du leadership du nouveau régime à Téhéran d’exporter le modèle de « révolution islamique » dans la région, en finançant certains groupes confessionnelles chiites, ont provoqué une réaction de l’Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe, qui étaient la cible de la propagande de Téhéran. La RII, les groupes alliés avec ce dernier et les populations chiites de la région en général, vont dès lors devenir progressivement l’ennemi principal et la cible de l’Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe, à la place des forces nationalistes et progressistes qui ont été la cible des ces dernières les décennies auparavant en promouvant les mouvements islamiques fondamentalistes. Le régime monarchique du Bahrain avait par exemple soutenu les forces islamiques fondamentalistes chiites (le partie Al-Dawa et les membres du mouvement Shirazistes), aujourd’hui réprimées et accusées d’être des simples instruments de la RII, contre les forces nationalistes arabes et de gauche dans les années 1950 à fin des années 1970.
La famille régnante des Saoud voit jusqu’à aujourd’hui l’expansion de l’influence politique de la RII au Moyen-Orient comme une menace à leur sécurité et à leur ambition de jouer un rôle de leader parmi les Etats arabes. De plus la nouvelle jeune génération au pouvoir au sein royaume saoudien, illustrée par le prince héritier et ministre de l’intérieur Mohammed Ben Nayef et le vice-prince héritier et ministre de la défense Mohammed Ben Salman, n’hésite pas à s’émanciper de la tutelle stratégique américaine et démontrer que son pays prend l’initiative face aux craintes d’expansion de l’influence de la RII.
Dans le royaume saoudien, les discriminations sociales et politiques contre les minorités chiites, qui faisaient déjà l’objet d’un discours salafistes et wahabiste haineux, ont été renforcées et elles ont été la cible d’une propagande politique les stigmatisant comme autant d’éléments d’une « 5 ème colonne iranienne ». Cela n’a pas changé jusqu’à aujourd’hui, d’ailleurs, une enquête sur les attaques contre les rassemblements religieux chiites dans le village d’Al-Dalwa en 2015 située dans la province orientale du royaume a révélé que sur les 77 suspects, 44 étaient des bénéficiaires du programme de réhabilitation « Munasaha » et de “déradicalisation” mis en place en 2004, destiné aux anciens djihadistes. Une autre attaque contre une mosquée ismaélienne à Najran le 26 Octobre a été revendiqué par un membre de l’Etat islamique en Arabie Saoudite, qui avait également suivi ce programme et avait été libéré quelques mois auparavant.[ii] Cela n’est guère surprenant lorsque l’on sait que le discours officiel du royaume wahabite est rempli de discours de haine et de théories du complot contre les chiites (voir plus bas).
De plus, cette situation est aggravée par l’utilisation politique des divisions sunnites-chiites afin de promouvoir les politiques du royaume saoudien au Bahreïn, en Syrie et au Yémen. Au Yémen, l’intervention militaire saoudienne depuis mars 2015 contre les forces Houtis, soutenus par la RII,[iii] et de l’ancien dictateur Abdallah Saleh, a provoqué la mort de plus de 5.800 morts, dont 2.800 civils et plus de 27.900 personnes ont été blessées, tandis que plus 2,5 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays.[iv]
Des religieux saoudiens, le 3 Octobre 2015, ont aussi publié un communiqué en réponse à l’intervention militaire russe en Syrie appelant les vrais croyants à lutter contre le gouvernement “safavide” de la Syrie et ses alliés, décrivant le conflit en Syrie comme une reconstitution des croisades, avec les « hérétiques chiites » joignant leurs forces avec les croisés russes.[v]
Il faut savoir que la RII discrimine aussi, politiquement et socialement, ses populations arabes de confession sunnite, et que Téhéran a interdit toute construction de mosquée sunnite dans la capitale. Pour rappel, en 2011, les politiciens sunnites et les résidents de la capitale Téhéran ont été contraints par les services de sécurités de la RII à se joindre à aux jours officiels de prière afin de démontrer leur loyauté au guide suprême iranien l’ayatollah Khamenei.
Par ailleurs, ces deux pays ont chacun soutenu des groupes extrémistes chiites et sunnites en Irak menant à une guerre civile entre 2006 et 2008, qui a également alimenté les tensions confessionnelles dans toute la région. L’invasion de l’Irak par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, en 2003, a vu, après la chute du dictateur Saddam Hussein, le pays tomber dans l’orbite pro-iranienne par l’arrivée au pouvoir de groupes fondamentalistes islamiques chiites proches de la RII. Ces derniers ont été coupables de politique de discriminations politiques et socio économiques contre les populations sunnites d’Irak, sans oublier les nombreuses exactions et crimes confessionnels commis par ces groupes.
Face aux soulèvements populaires qui ont secoué la région depuis l’hiver 2010-2011, ces mêmes acteurs ont encore fait usage du confessionnalisme pour justifier des interventions dans la région, soutenir des dictatures, ou bien discréditer des mouvements populaires en les présentant comme des complots soutenus par une puissance étrangère. En Syrie, chaque camp a également soutenu des forces confessionnelles et réactionnaires, toute en en promouvant un discours confessionnel. L’Iran et le Hezbollah libanais, qui est lié idéologiquement par le Willayat al Faqih et politiquement et financièrement à la RII, ont de leurs côté pas hésité aussi à parfois justifier leur intervention militaire en Syrie aux côtés du régime syrien d’Assad par un discours confessionnel. En même temps, l’Arabie Saoudite avec d’autres monarchies du golfe ont soutenu financièrement principalement des forces islamiques fondamentalistes en Syrie, tout en promouvant un discours confessionnel sur leurs chaines satellitaires, pour transformer cette révolution populaire ayant pour objectif la liberté et l’égalité en guerre civile confessionnelle.
L’arme du confessionnalisme est d’autant plus utilisé par ces deux pays pour détourner les populations locales des problèmes économiques et sociaux locaux toujours plus importants. Confrontée à la chute des cours du pétrole, l’Arabie saoudite a adopté au début de l’année son budget 2016 avec un déficit prévu de près de 80 milliards d’euros et des mesures d’austérité incluant des augmentations de plus de 50% du prix de l’essence. Ryad entend par ailleurs augmenter les taxes sur les services, imposer de nouvelles taxes et finaliser les « dispositions nécessaires pour l’introduction d’une TVA », en coordination avec les autres monarchies du CCG. Ces mesures vont certainement appauvrir encore davantage les 25% de la population saoudienne vivant déjà sous le seuil de pauvreté.[vi] En 2011, trois blogueurs saoudiens ont été emprisonnés pendant deux semaines après avoir fait un film décrivant la pauvreté en Arabie Saoudite.
En Iran, l’inflation se situe aux alentours de 20% (selon les chiffres officiels) et la carence de produits de première nécessité tels que les médicaments, continuent, tandis que le taux de chômage est de l’ordre de 25 % et 40 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté (A). Les politiques néolibérales des précédents gouvernements, y compris et surtout celles du populiste Ahmadinéjad, ont continué.
Eshaq Jahangiri, vice-président du régime d’Hassan Rohani, a d’ailleurs déclaré au début de l’année 2016 : « le régime est pris dans une situation politique et économique particulière qui demande des actions importantes. Nous devons répondre à des enjeux importants, dont le chômage, qui est proéminent » et il a ajouté que « l’Iran compte une large population de jeunes. Si nous ne sommes pas capables de résoudre ces problèmes, cette opportunité se transformera en menace ».
De même ces deux pays répriment sévèrement les travailleurs-euses et syndicalistes. En Iran, le pouvoir et le patronat s’acharnent sur les travailleurs qui constituent des syndicats indépendants en les emprisonnant. Ils licencient systématiquement les porte-parole des grévistes, en procédant à leur arrestation pour « crime de sabotage économique »… En Arabie Saoudite, le ministère de l’Intérieur a déclaré avoir expulsé plus de 370 000 migrants étrangers au cours des cinq derniers mois de l’année, tandis que 18.000 autres sont actuellement toujours en détention.[viii]
Il est à noter aussi que ces deux pays rivalisent également en terme de nombre de personnes exécutées. En Iran, plus de 800 personnes ont été exécutées les neuf premiers mois de l’année 2015, un record depuis 1989,[ix] tandis qu’en Arabie Saoudite plus de 135 personnes avaient été executés dans la même période.
Un autre message aussi dans ces exécutions : contre les djihadistes
L’exécution du samedi 2 janvier était également un message contre une autre force qui inquiète le royaume saoudien : les courants salafistes-djihadistes du type d’Al-Qaida et Daech. L’exécution de Riyad des 43 djihadistes membres d’Al-Qaida, condamnés pour des attentats à la bombe et des attaques d’armes à feu dans le royaume,[x] avait en effet pour objectif d’envoyer un message clair que tout soutien ou participation à ces courants seraient réprimés avec la plus grande fermeté. La « coalition antiterroriste » de 34 pays, menée par l’Arabie Saoudite, annoncée le 14 décembre 2015, doit être aussi mis dans cette perspective de lutte contre les courants djihadistes.
Al-Qaida et Daech, qui ont tous deux promis de renverser le régime des Saoud, ont promis de venger ses exécutions. Al-Qaïda a accusé l’Arabie saoudite d’avoir effectué ces exécutions « des mudjahidines » dans le but de consolider la règne de la dynastie des Saoud et comme un cadeau pour les « croisés », en d’autre terme les alliés occidentaux de Riyad. [xi]
La branche d’Al-Qaïda au Yémen avait déjà menacé en Décembre 2015 de “verser le sang des soldats d’Al-Saoud” si ces membres étaient exécutés, tandis qu’au début de l’année 2016, Daech a menacé à la suite des exécutions de détruire les prisons saoudiennes qui logent des djihadistes. Les deux organisations ont déclaré la guerre contre l’Arabie Saoudite, qui les considèrent comme groupes terroristes et a arrêté des milliers de leurs partisans. Daech a d’ailleurs revendiqué une série d’attentats à la bombe et de fusillades en Arabie saoudite depuis novembre 2014 qui ont tué plus de 50 personnes, dont la grande majorité était de saoudiens de confessions chiites, mais aussi plus de 15 membres des forces de sécurité.
Al-Qaida de son côté a commencé ses actions terroristes au sein du royaume saoudien depuis 2003, tuant plusieurs centaines de personnes. L’organisation d’Al-Qaida a excommunié le royaume saoudien, le considérant comme anti-islamique, surtout pour son association et collaboration avec des Etats « infidèles » dans la guerre contre l’Afghanistan gouvernés par les Talibans.
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire du royaume que la famille des Saoud est menacée à l’intérieur du pays par des courants fondamentalistes et ultra fondamentalistes :
– La rébellion armée des « Ikhwan » entre 1927 et 1930, une force armée fondamentaliste au service des Saoud (lui permettant d’ailleurs de nombreuse conquêtes territoriales, d’imposer un ordre islamique autoritaire et wahabite sur les populations conquises et, commettant des massacres contre les populations shiites en 1913 à Hasa et à Taef en 1924)[xii] qui vas se retourner contre le pouvoir, notamment pour les relations des Saoud avec les britanniques (les relations avec les nons musulmans, considérés comme infidèles, proscrites), la nature légitime de la royauté, la légitimité islamique des impôts des Saoud, la conduite personnelle du souverain Saoud (mariages et luxes), la nécessité d’islamiser les populations shiites du royaume, l’interdiction de pratiques considérée comme anti-islamique telle que la musique et le chant, etc…[xiii]
– Le siège de la Grande Mosquée de La Mecque en 1979 pendant deux semaines par Jouhaymane Al-Utaybi (lui même né dans une colonie de « Ikhwan » en Arabie Saoudite et Muhammad Al-Qahtani, et leur groupe de plusieurs centaines de personnes (entre 200 et 400). Ils avaient présenté leur action comme un soulèvement islamique pour protester contre le laxisme religieux et moral et la dégénération de la famille règnante des Saoud, les relations diplomatiques avec de « Etats infidèles », etc…
– Dans les années 1990, l’opposition des Sahwa très différente de toute les autres oppositions fondamentalistes par son refus de l’utilisation de la violence et de sa reconnaissance de la légitimité de la famille régnante des Saoud, demandait une ouverture politique du système, critiquait la demande du souverain roi Fahd aux « infidèles » pour assister le royaume durant la libération du Kuwait de l’occupation irakienne, et demandait une islamisation des politiques sociales, économiques, médiatiques, et militaires.
Cette guerre entre d’un côté le royaume saoudien et de l’autre Al-Qaida et Daech ne doit pas néanmoins nous faire penser que leurs idéologies fondamentaliste et réactionnaires seraient fondamentalement différentes. Le royaume saoudien à bien dire depuis des années que l’idéologie de ces organisations est étrangère au pays et à ces institutions, mais serait au contraire le résultat de la radicalisation des mouvements des Frères Musulmans et des discours de Sayyeb Qotb et d’Ayman al-Zawahiri, mais ces explications ne convainc plus personne.[xiv] Sayyeb Qotb et Ayman al-Zawahiri sont bien sûrs des sources d’inspirations pour des formes de djihadismes, mais les organisations ultra fondamentalistes du type Al Qaida et Daech trouvent déjà et de manière beaucoup plus profonde un terreau fertile idéologique avec le discours wahabite officiel diffusé par le clergé et les institutions du royaume saoudien.
Par exemple, le discours officiel saoudien dénonce les idéologie laiques tel que le nationalisme arabe (considéré comme « une « jahaliyya » (ignorance) athéiste, d’origine européenne mais de motivation juive, un mouvement ignorant qui a pour objectif principal de combattre l’Islam et son enseignement, ce sont des ennemis de l’Islam, promu par le occidentaux et les sionistes pour diviser les musulmans ») et le communisme (considéré comme un mouvement asservissant les individus au matérialisme et à l’abandon des qualités morales et spirituelles), tandis que le danger de “l’occidentalisation” est compris comme l’adoption de système politiques occidentaux, avec des partis politiques et des parlements au détriment de la cohésion et du consensus social.[xv] Au niveau social, l’occidentalisation sape et ébranle les musulmans et conduit à la mixité entre les femmes et les hommes, l’ouverture de bars et discothèques, la célébration de fêtes non musulmanes comme la fête des mères, noel, ou la fête des travailleurs le 1er mai.[xvi] Un grand nombre de ces thèmes se retrouvent aujourd’hui dans la propagande de Daech et Al-Qaida.
Un certain nombre de djihadistes saoudiens font références aux premiers textes du wahabisme, qui sont les mêmes sources de l’Islam officiel dans le pays, et autres auteurs de références wahabites, mais avec des interprétations différentes.
Plus généralement, la source principale de recrutement de ces organisations en Arabie Saoudite se trouve dans des raisons politiques et socio économiques : dans son système autoritaire et l’absence de démocratie, la répression féroce de toutes formes d’oppositions à la famille régnante, les inégalités sociales, pauvreté et chômage croissant, alliance avec les puissances occidentales impérialistes coupables de crimes contre d’autres populations arabes et musulmanes, etc… Encore une fois les raisons de ce genre de groupes trouvent leur origine dans notre époque actuelle, et non dans une histoire lointaine. Ce sont des produits de la modernité actuelle dans laquelle vit ces populations.
Conclusion
En conclusion, ces deux états et leurs alliés respectifs constituent des forces réactionnaires et destructrices pour leurs sociétés et la région auxquelles il faut s’’opposer sans relâche. Croire encore une fois qu’une de ces deux puissances peut être un appui dans les révolutions populaires pour la liberté et la dignité qui ont traversé la région est illusoire et stratégiquement dangereux. Il s’agit de deux puissances contre révolutionnaires qui oppriment leurs peuples et d’autres et assistent d’autres dictateurs et groupes réactionnaires, tout en promouvant et intensifiant les discours et tensions confessionnelles. Il faut soutenir et se solidariser avec toutes les forces démocratiques et progressistes dans ces deux pays qui défient leurs classes dominantes.
Ni Téhéran, Ni Riyadh
Solidarité avec les peuples de la région en lutte pour leur émancipation et libération
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Depuis le 1er octobre, plus de 170 Palestinien-ne-s ont été tué-e-s par l’armée israélienne ou par les colons qui sont tous "légalement" armés. Déjà le 19 décembre, Imemc News (traduit par l’Agence Média Palestine) donnait la liste des 127 Palestinien-ne-s tué-e-s auxquels il faut ajouter le chiffre hallucinant de 14.470 blessé-e-s.
Qui a entendu ces chiffres dans les principaux médias français ?
Quand ils évoquent la Palestine, c’est bien souvent pour reprendre le vocabulaire de l’occupant : "Israël est soumis à une vague terroriste et les Israéliens ont peur".
Quand il y a une victime israélienne, on ne dit pas que l’auteur de l’attaque a été exécuté sans jugement. On n’en parle même pas, comme si les Palestiniens n’étaient pas des êtres humains.
"Silence, on tue et on colonise"
Des hauts dirigeants israéliens (ministres, militaires, dignitaires religieux) appellent ouvertement à tuer les Palestiniens, y compris les femmes et les enfants (voire les déclarations d’Ayelet Shaked, ministre de la justice). Ces appels au meurtre ne suscitent aucune réaction de la part des dirigeants occidentaux.
Gaza toujours assiégée n’est toujours pas reconstruite depuis l’attaque de l’été 2014, les fonds promis ne sont pas arrivés. La misère et le désespoir y grandissent comme dans toute la Cisjordanie.
Le gouvernement israélien multiplie les extensions de colonies et annonce la construction de 55.000 nouveaux logements.
L’emprisonnement de masse frappe tous les Palestinien-ne-s y compris les enfants. 6.000 enfants ont été emprisonné-e-s depuis 2010. La "détention administrative" (sans jugement) est devenue la règle. Dans les tribunaux israéliens (souvent militaires), on est obligé de plaider coupable, sinon c’est la peine maximale. Dans les prisons israéliennes, on torture, on isole, on interdit les visites.
L’Occident continue d’accompagner ce rouleau compresseur en maintenant le mythe d’un "processus de paix pour deux États".
Personne ne pourra dire "nous ne savions pas".
Tous les jours, des diplomates présents en Palestine, des organisations humanitaires, des associations palestiniennes et même israéliennes ou des Internationaux présents envoient des rapports extrêmement documentés. Ils racontent par le menu les exécutions extrajudiciaires, les maisons démolies, les terres confisquées, les villages expulsés, les enfants arrêtés ou tués. Que deviennent ces rapports ? Comment est-il possible que l’Occident maintienne ce degré de complicité politique, économique, diplomatique et militaire avec ce régime d’apartheid qui ne se dissimule même plus ? Comment est-il possible que nos grands médias maintiennent la fiction d’un Israël "seule démocratie du Proche-Orient qui résiste au terrorisme" face à l’évidence d’une telle situation coloniale ?
Les autorités françaises et leurs collaborateurs médiatiques enterrent volontairement la question palestinienne. Ils cherchent à identifier Daesh et le "terrorisme" palestinien et les Français aux israéliens victimes du terrorisme, reprenant de fait les élucubrations meurtrières de l’ancien président Bush sur la "guerre du bien contre le mal". C’est d’autant plus indécent qu’il y a eu de nombreuses manifestations de soutien à la France le 13 novembre en Palestine.
La solidarité internationale ne peut accepter et n’acceptera pas l’effacement de la Palestine et la volonté de transformer les Palestiniens en un peuple enfermé dans des réserves et privé de tout droit.
Enterrer la Palestine ne fait pas disparaître le scandale de la dépossession d’un peuple, expulsé et violenté depuis des décennies.
Il est indispensable d’imposer la parole politique, l’information, et la lutte citoyenne pour les droits des Palestiniens avec LA CAMPAGNE BOYCOTT, DESINVESTISSEMENT, SANCTIONS, SEULE CAPABLE aujourd’hui d’arrêter Israël.
Mercredi 13 janvier 2016par le Bureau national de l’UJFP
Texte introductif au numéro 13 des Nouveaux Cahiers du Socialisme consacré à l’impérialisme [1]. Pierre Beaudet revient ici sur l’histoire de la la gauche (de Marx à nos jours) face au colonialisme et au racisme.
« La bourgeoisie, en tant que classe, est condamnée à prendre en charge toute la barbarie de l’histoire, les tortures du Moyen-âge comme l’inquisition, la raison d’état comme le bellicisme, le racisme comme l’esclavagisme. »
Le monumental ouvrage coordonné par Marc Ferro, Le livre noir du colonialisme [3], est une référence incontournable pour tous ceux et celles qui veulent comprendre notre planète chaotique. Ferro et ses collègues racontent ce qu’on essaie toujours de cacher, à savoir comment le capitalisme, l’impérialisme, le colonialisme, le racisme forment en fin de compte un dispositif du pouvoir qui constitue le fondement du monde contemporain. Devant tout cela, les mouvements anticapitalistes sont interpellés. À la fois acteurs, complices, victime, ils cherchent à élaborer un projet à travers tout cela, mais la plupart du temps, il faut constater qu’ils échouent à confronter l’impérialisme de « leurs » nations. Les classes populaires dans leur hétérogénéité sont « fracturées » par le capitalisme : ruraux contre urbains, précaires contre ouvriers, hommes contre femmes, immigrants contre tous les autres. Dans les réseaux organisés se distillent des idéologies réactionnaires et racistes, prônant le racisme, l’ethnisme, le nationalisme de droite. C’est là qu’entre en jeu le projet de l’émancipation. Avec Marx, avec la révolution des soviets, avec l’irruption des mouvements de libération nationale, les mouvements populaires se réinventent, forgeant une nouvelle identité internationaliste. Les deux voies, celle de la fragmentation et celle de l’émancipation, restent ouvertes, jusqu’à aujourd’hui. C’est pourquoi l’œuvre de Ferro et d’autres penseurs et mouvements que nous évoquerons ici vaut le détour.
Conquérir, exterminer, mettre en esclavage, piller
Au tournant du seizième siècle, l’Europe sort de la profonde somnolence dans laquelle elle est plongée pendant 1000 ans. Des villes expérimentent la financiarisation et la marchandisation de la production. Ces marchands se glissent entre les mailles des systèmes féodaux. Avec les nouvelles techniques de navigation, cette Europe presque capitaliste se disperse dans le monde. Elle « découvre » l’Amérique, que les pêcheurs et les pirates connaissent depuis longtemps, mais qui devient un vaste territoire à conquérir. De là l’Europe procède à une systématique extermination des peuples autochtones. Dans l’ile d’Hispaniola (Haïti et la République dominicaine aujourd’hui), le massacre fait passer la population d’un million à 60 000 en 10 ans. Les enconiemdas (grandes concessions accordées aux chefs des expéditions) deviennent des camps de la mort où le travail forcé combiné à l’utilisation massive de la torture enferme les populations dans un cycle de mort.
Les profits gigantesques extraits de ces opérations alimentent l’essor du capitalisme et renforcent les marchands qui deviennent peu à peu des bourgeois [4]. La population des Amériques pratiquement éliminée, le capitalisme européen passe à une deuxième étape qui passe par la mise en esclavage de millions d’Africains. De 10 à 15 millions de personnes sont capturées et envoyées dans les plantations des Amériques. Le capitalisme des plantations, très « rationnel » du point de vue économique, expérimente également l’organisation « scientifique » du travail sur une main d’œuvre totalement dépossédée et menée comme dans les futurs camps de concentration nazis [5]. En Angleterre, où le passage au capitalisme est plus rapide, l’esclavage permet l’approvisionnement des matières premières transformées par les industries où sont concentrées les masses prolétariennes. Après l’Afrique et les Amériques, l’Europe capitaliste se tourne vers l’Asie. En Inde, un immense territoire économiquement développé mais politique fragmenté, l’Empire britannique détruit la production locale et transforme la population en une masse corvéable à volonté, entassés dans les ateliers de misère de Bombay et Calcutta [6].
L’ère des massacres
Au tournant du dix-neuvième siècle, l’Afrique acquiert une nouvelle importance alors que s’accélère la course aux ressources entre les rivaux impérialistes traditionnels (France et Angleterre) et « émergents » (Allemagne, Japon, États-Unis) [7]. Réunis à Berlin en 1885, les Européens découpent le continent en zones d’influence pour mettre la main sur les riches ressources minières et agricoles. Le pouvoir colonial procède à de massives expropriations. Les Africains sont soumis à une prédation de nature terroriste, comme au Congo, où la Belgique affame et conduit à la mort des millions de personnes. C’est selon Elikia M’Boholo, « le temps des massacres » [8]. On observe comment le capitalisme avec ses nouveaux moyens expérimente de nouvelles techniques de prédation. Des génocides sont perpétrés un peu partout, comme en Afrique du Sud, en Namibie, au Cameroun, en Angola, à Madagascar. L’esclavage est délaissé pour être remplacé par un système de travail forcé. Alimentant les clivages ethniques, le capitalisme colonialiste recrute des supplétifs locaux qui commettent des atrocités. Dans les colonies de peuplement où arrivent des milliers de colons, le pillage prend la forme du vol des terres, comme en Algérie [9].
À travers le bain de sang, les États impérialistes agissent à la fois par la coercition et l’hégémonie. L’hégémonie, c’est pour inculquer, non seulement les « bonnes manières », mais l’idée que la domination et le pillage sont légitimes. Ainsi en Europe sont ressuscités les mythes ancrés dans la tradition sur l’infériorité des Noirs. Sous l’égide des Lumières comme l’explique Catherine Coquery-Vidrovitch, le discours colonial insiste sur la nécessité de civiliser les sauvages, quitte à les dominer pour « sauver leurs âmes » [10]. Plus tard, le virage « scientifique » impulsé par Darwin avance l’idée qu’il « existe des races inaptes au progrès » [11]. Dans son Essai sur l’inégalité des races humaines, le comte de Gobineau (l’inspirateur d’Hitler) défend la subjugation. Ernest Renan, dont l’influence est énorme sur les débats intellectuels en France, explique que l’Europe domine parce qu’elle est supérieure sur le plan économique. Il est donc normal, affirme-t-il que les pays de race étrangère deviennent des « pays de serfs, de journaliers agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne s’agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier » [12]. Se construit alors une conscience racialisée au sein des populations européennes, y compris parmi les couches populaires [13].
À la recherche d’une stratégie
Ces pratiques prédatrices deviennent systématiques au moment où le capitalisme s’internationalise. En même temps, c’est l’époque où surgissent des mouvements anticapitalistes. Comment expliquer alors le fait que les mouvements en question s’engagent très peu sur le terrain de la lutte anticoloniale ? En réalité, il sévit dans ces mouvements une conscience tronquée, basée sur le fait que le capitalisme représente un « progrès inévitable », une sorte de « marche irrésistible de l’histoire ». Le capitalisme selon Marx confronte la « barbarie » des régions non-européennes. Il crée dans les centres du capitalisme mondial une classe moderne qui pourra éventuellement renverser le système et le remplacer par le socialisme. En attendant, malgré les énormes destructions commises par les capitalistes européens en Inde et en Afrique, le colonialisme contribue à provoquer les transformations sociales qui sont nécessaires pour que le capitalisme prenne son essor et pour que le socialisme, marchant sur ses traces, puisse s’imposer à l’humanité.
En attendant explique le collaborateur de Marx, Friedrich Engels, « des peuples qui n’ont jamais eu leur propre histoire, qui passent sous la domination étrangère à partir du moment où ils accèdent au stade le plus primitif et le plus barbare de la civilisation, ou qui ne parviennent à ce premier stade que contraints et forcés par un joug étranger, n’ont aucune viabilité » [14]. C’est le cas avec le Mexique, où la brutale invasion par les États-Unis est une « bonne chose », selon Engels : « Est-ce un malheur que la splendide Californie soit arrachée aux Mexicains paresseux qui ne savaient qu’en faire ? Est-ce un malheur que les énergiques Yankees, en exploitant rapidement les mines d’or qu’elle recèle augmentent les moyens monétaires, qu’ils concentrent en peu d’années sur cette rive éloignée de l’Océan Pacifique une population dense et un commerce étendu, qu’ils fondent de grandes villes, qu’ils créent de nouvelles liaisons maritimes (…) qu’ils ouvrent vraiment pour la première fois l’Océan Pacifique à la civilisation ? » [15] L’écrasement de la révolte en Algérie, affirme le même Engels, est une chose positive, puisque les Bédouins sont une « nation de voleurs ». Le colonialisme français apportera le capitalisme, donc la civilisation [16]. De la même manière, la colonisation de l’Inde par l’Angleterre impériale est certes une tragédie, mais en imposant le capitalisme à une société barbare, la colonisation est un « instrument inconscient de l’Histoire ». Un texte de Marx, longtemps commenté et critiqué, reflète cette pensée binaire :
« […] aussi triste qu’il soit du point de vue des sentiments humains de voir ces myriades d’organisations sociales patriarcales, inoffensives et laborieuses se dissoudre (…) et leurs membres perdre en même temps leur ancienne forme de civilisation et leurs moyens de subsistance traditionnels, nous ne devons pas oublier que ces communautés villageoises idylliques, malgré leur aspect inoffensif, ont toujours été une fondation solide du despotisme oriental (…) en en faisant un instrument docile de la superstition et l’esclave de règles admises, en la dépouillant de toute grandeur et de toute force historique (…) Il est vrai que l’Angleterre, en provoquant une révolution sociale en Hindustan, était guidée par les intérêts les plus abjects (…). Mais la question n’est pas là. Il s’agit de savoir si l’humanité peut accomplir sa destinée sans une révolution fondamentale dans l’état social de l’Asie [17]. »
Basculement du monde
Plus tard, Marx nuancera ses positions, en se détachant de la vision simpliste d’une « marche irrésistible de l’histoire. Il devient partisan des luttes d’indépendance de la Pologne et surtout de l’Irlande, en qui il voit des ferments d’une lutte à finir contre le capitalisme. Néanmoins, le mal est fait, dans un sens. Les partis socialistes européens comme en Allemagne, en France, en Angleterre ne s’opposent pas à l’avancée du colonialisme dont ils déplorent par ailleurs les impacts négatifs. Sous l’égide de la Deuxième Internationale, les socialistes collaborent à « civiliser » les nations barbares. En Namibie en 1904, le premier génocide du siècle est commis par l’armée allemande contre les populations hereros. La puissance social-démocratie s’émeut du caractère inhumain de l’opération, mais leur théoricien Édouard Bernstein déclare : « les colonies sont là pour rester. Les peuples civilisés doivent guider les peuples non civilisés. Notre vie économique repose sur des produits qui viennent des colonies que les indigènes ne peuvent pas utiliser » [18]. En France, Jean Jaurès et propose d’humaniser le colonialisme : « Là enfin où la France est établie, on l’aime, là où elle n’a fait que passer, on la regrette ; partout où sa lumière resplendit, elle est bienfaisante [19].
Pendant que les socialistes s’enfoncent dans le nationalisme qui les mène à renoncer à leurs principes fondamentaux en 1914, les peuples subjugués n’attendent pas la permission pour se révolter. L’Inde connait un immense soulèvement en 1857 qui met l’Empire britannique à mal. En Chine, une véritable guerre éclate contre les impérialistes qui veulent obliger la vente de l’opium, une énorme source de profits et en même temps une calamité pour ce pays. Au Mexique, les insurrections paysannes débouchent sur une révolution nationale et démocratique (1910-11).
Avec la révolution des soviets en 1917, le monde bascule. La nouvelle Union soviétique renonce à tous les traités coloniaux établis par l’ancien régime. Des liens sont créés avec les mouvements de libération en Asie. À Bakou se tient en 1920 le « Premier Congrès des peuples de l’Orient » où sont présents 2500 délégués venus de Chine, de l’Inde, de Turquie, de Perse. Soucieux d’étendre la révolution vers l’est (devant l’échec de révolutions européennes en Italie, en Hongrie, en Allemagne), le pouvoir des soviets veut changer la donne [20]. Quelques temps avant, le deuxième congrès de la nouvelle Internationale communiste (Troisième Internationale) fait le constat que l’impérialisme depuis la catastrophe de la Première Guerre mondiale est en crise. Il ne suffit plus de compatir avec les souffrances des peuples colonisés, mais, selon Lénine de « faire une politique tendant à réaliser l’union la plus étroite de tous les mouvements de libération nationale et coloniale avec la Russie des Soviets » [21]. Dans son allocution finale, Lénine insiste sur le fait que la révolution mondiale se déplace vers les pays où réside la grande majorité de la population mondiale, opprimée sous le joug de l’impérialisme. Cet impérialisme colonialiste, estime le communiste indien M. N. Roy, maintient le capitalisme en vie : « il y a longtemps que le système capitaliste en Angleterre se serait écroulé sous son propre poids sans les vastes possessions coloniales que ce pays a acquises pour l’écoulement de ses marchandises et pour servir de source de matières premières pour ses industries sans cesse croissantes. En réduisant en esclavage les centaines de millions d’habitants de l’Asie et de l’Afrique, l’impérialisme anglais est arrivé à maintenir jusqu’à présent le prolétariat britannique sous la domination de la bourgeoisie. » [22] Il est impératif que la gauche change de cap, selon la déclaration du Congrès de Bakou :
« Le socialiste qui, directement ou indirectement, défend la situation privilégiée de certaines nations au détriment des autres, qui s’accommode de l’esclavage colonial, qui admet des droits entre les hommes de race et de couleur différentes ; qui aide la bourgeoisie de la métropole à maintenir sa domination sur les colonies au lieu de favoriser l’insurrection armée de ces colonies, – ce « socialiste », loin de pouvoir prétendre au mandat et à la confiance du prolétariat, mérite sinon des balles, au moins la marque de l’opprobre . » [23]
En tournant des années 1920, l’IC accentue sa campagne antiimpérialiste au moment où les puissances acceptent du bout des lèvres le droit à l’autodétermination, ce qu’elles renient en perpétuant les pratiques coloniales. De nouveaux massacres sont perpétrés au Maroc, au Vietnam, au Nicaragua. Le congrès de fondation de la Ligue anti-impérialiste est convoqué à Bruxelles en 1927 par l’IC et des mouvements de libération de cinq continents. Les « nations obscures » prennent leur élan et bientôt, se détachent de l’Internationale qu’ils trouvent trop inféodé à la politique soviétique [24]. Des dissidents comme Sultan Galiev, un tatar qui participe à la révolution soviétique, trouvent que l’Internationale reste trop européocentrique, ce qui laisse penser que l’influence d’une certaine gauche coloniale reste vivante [25]. Cette thématique sera reprise sous des formes diverses par des mouvements et des penseurs importants tel Mao Tsétoung, Ho Chi Min, Amilcar Cabral, etc.
Le rebond de l’histoire
Après la Deuxième guerre mondiale, l’irruption du tiers-monde emporte les vieux empires coloniaux en Afrique et en Asie. La révolution chinoise, à la fois anti-impérialiste et antiféodale, inaugure un cycle des grands mouvements d’émancipation sociale et nationale. Réunis à Bandung (Indonésie) en 1955, des États indépendants et des mouvements de libération nationale s’érigent en troisième pôle dans une géopolitique mondiale dominée par l’affrontement entre les États-Unis et l’Union soviétique [26]. La plupart des pays africains arrachent leur indépendance, sauf dans les régions où sévit le colonialisme de peuplement (Afrique du Sud, Angola, Mozambique, Algérie). Au tournant des années 1960, ces mouvements se radicalisent et définissent un agenda de transformation radicale.
Les pays impérialistes alors, États-Unis en tête, réorganisent leur stratégie. Ils concèdent l’indépendance là où des relais locaux sont prêts à perpétuer les pratiques coloniales sans le statut colonial : c’est le « néocolonialisme ». Ce projet est rejeté par plusieurs mouvements, notamment au Vietnam, où le Front national de libération continue d’affronter les États-Unis et leurs fantoches après le départ des colonialistes français. Aux États-Unis et dans plusieurs pays capitalistes, un grand mouvement de solidarité internationale se met en place en soutien à la lutte du peuple vietnamien. Ce renouvellement de l’internationalisme bouscule les partis de gauche et mobilise des secteurs importants de la jeunesse.
En Amérique du Sud, cette insurrection contre le contrôle impérialiste connait un rebond imprévu à Cuba (1959). Les révolutionnaires cubains lancent un grand mouvement latino-américain pour accentuer la résistance. Dans son « Message à la Tricontinentale » (une organisation fondée à Cuba pour coordonner les luttes), Che Guevara déclare qu’il faut se battre : « Le rôle qui nous revient à nous, exploités et sous-développés du monde, c’est d’éliminer les bases de subsistance de l’impérialisme : nos pays opprimés, d’où ils tirent des capitaux, des matières premières, des techniciens et des ouvriers à bon marché et où ils exportent de nouveaux capitaux (des instruments de domination) des armes et toutes sortes d’articles, nous soumettant à une dépendance absolue » [27].
Ce cri du cœur du Che s’ajoute à d’autres interventions qui viennent secouer le confort d’une certaine gauche institutionnalisée qui fonctionne à travers les partis de gauche dans les pays capitalistes, et qui est globalement alignée sur l’Union soviétique. C’est le cas notamment de Frantz Fanon (voir le texte d’Immanuel Wallerstein sur Fanon dans ce numéro des Nouveaux Cahiers du Socialisme). Dans les années 1970, le mouvement anti-impérialiste et anticolonialiste continue d’avancer à travers les victoires marquées en Angola, au Mozambique, au Nicaragua. Le dispositif impérialiste est menacé de dislocation devant la montée des résistances. Les États du tiers-monde constituent des alliances qui reprennent le drapeau de Bandung et mettent de l’avant un « Nouvel ordre économique international ».
Après une période d’instabilité, les États-Unis se remettent sur un mode offensif dans les années 1980. Ils contribuent à l’enlisement de l’Union soviétique qui commet une erreur stratégique en envahissant l’Afghanistan (1980). Plusieurs États du tiers-monde entrent dans une crise prolongée provoquée par les nouvelles politiques macro-économiques imposées par Washington via la Banque mondiale et le FMI. Quand l’URSS implose en 1989, les États-Unis et leurs alliés subalternes estiment qu’ils peuvent consolider leur emprise en déployant leurs forces militaires dans toutes les régions du monde. De conflit en conflit, cette tension permanente débouche sur les évènements de 2001 et subséquemment, sur le déclenchement de la « guerre sans fin » de George W. Bush.
Le colonialisme et l’anticolonialisme aujourd’hui
Une guerre de position (selon la formule de Gramsci) est en cours et déterminera les contours de la géopolitique et de la géo-économie mondiales. Dans le sillon de la guerre sans fin se déploie une véritable entreprise de reconquête d’un vaste « arc des crises » qui traverse l’Asie jusqu’à l’Afrique en passant par le Moyen-Orient. Au début, les États-Unis pensaient occuper militairement cette zone et procéder à une « réingénierie » politique, sociale, économique. C’était sans compter sur les résistances qui ont empêché ce plan de se réaliser, notamment en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Palestine. Ces résistances anticoloniales s’expriment davantage sous la forme de mouvements nationalistes utilisant la religion comme référence et sur la base d’un projet relativement non-défini où les accents réactionnaires (contre les droits des femmes et des minorités par exemple) occupent une place importante.
Pour autant, la confrontation avec l’impérialisme prend d’autres formes, notamment en Amérique latine où la vague progressiste (voir le texte de Thomas Chiasson-Lebel dans ce numéro des Nouveaux Cahiers du Socialisme) remet en question des mécanismes du contrôle exercé par les États-Unis et ses alliés-subalternes du G7.
Devant tant de points de blocage, les dominants ressortent un certain nombre de vieilles recettes. Le regain d’un néonationalisme de droite couplé à l’hostilité entretenue face aux Arabes et aux Musulmans s’ajoute à une remonté du racisme anti-immigrant. L’idéologie derrière cela est de présenter la « menace » d’un ennemi à la fois « intérieur » et « extérieur », antinomique avec les « valeurs » du capitalisme et de la démocratie libérale où les zones sans droit de Gaza, Bagdad, Kaboul se combinent aux quartiers immigrants ghettoïsés dans les grandes villes capitalistes. On en vient à une autre facette de la « guerre sans fin » dans le domaine de la culture et des médias. Les lubies du politicologue conservateur Samuel Huntingdon reviennent à la mode, dans le sens d’une « guerre de civilisations » où le camp « occidental » doit se défendre dans une confrontation sans fin et sans merci.
Dans cette évolution, le racisme occupe toute sa place, mais un racisme « modernisé :
« La hiérarchie raciale se présente plus comme une pyramide que comme une opposition entre deux pôles homogènes. Elle est à la fois bipolaire, opposant Blancs et non-Blancs, et pyramidale : face aux Blancs ou plutôt en dessous des Blancs s’empilent les différents groupes raciaux opprimés, par strates de couleur ou de culture, chacune selon son rang dans l’humanité ou la civilisation [28]. »
La gauche contemporaine saura-t-elle éviter cette dérive ? Les enjeux sont multiples, car on y trouve à la fois de profondes régressions sur le plan des droits ainsi que l’extension de la militarisation et des confrontations, non seulement contre des mouvements de résistance, mais contre des États perçus comme des adversaires (les « émergents »). Des secteurs de la social-démocratie, convertis au social-libéralisme, semblent tout à fait disposés à s’engager dans cette « guerre sans fin ». Il reste aux secteurs toujours dévoués à la cause de l’émancipation d’y faire échec et de repenser luttes et stratégies au prisme de la « décolonialité » politique et théorique, qui « met en évidence la dimension raciste et culturellement infériorisante de la domination coloniale et s’ouvre à des modes de vie et de pensée disqualifiés depuis le début de la modernité capitaliste/coloniale » [29].
Une fois de plus, Manuel Valls se livre à la pratique détestable et éminemment dangereuse de l’amalgame.
Confusion générale entre dénonciation légitime de l’antisémitisme et soutien, à peine voilé, à la politique coloniale israélienne qu’il ménage de toutes ses forces.
Samedi, lors de la cérémonie d’hommage aux victimes de l’Hyper Cacher organisée par le CRIF, il a délibérément assimilé la critique de l’Etat d’Israël à l’antisémitisme. Il l’a fait en jouant sur les mots pour associer l’antisémitisme, qui est une réalité, avec ce qu’il a qualifié de « détestation compulsive de l’Etat d’Israël », ajoutant, au cas où le mouvement de solidarité avec la Palestine ne se serait pas senti visé, « comment accepter qu’il y ait des campagnes de boycott ? ». Et dans un effet de manche propre à flatter son public rappelé qu’il combattait l’antisémitisme « qu’il vienne de l’extrême droite ou de l’extrême gauche… »
Saisissant effet de mimétisme avec l’organisateur de la cérémonie, le CRIF, qui depuis des années semble avoir troqué sa vocation à représenter les institutions juives de France contre le rôle de défenseur inconditionnel de la politique israélienne, fût-elle celle du gouvernement le plus extrémiste et raciste qui ait été au pouvoir à Tel-Aviv.
A l’heure où la société française apparaît plus dangereusement fracturée que jamais, de tels propos sont davantage ceux d’un pompier pyromane que d’un responsable politique qui chercherait à répondre aux défis du terrorisme de Daech.
Nous ne cessons de le répéter : si l’on veut s’opposer de façon crédible par tous à toutes les formes de racisme, dont l’antisémitisme, il faut marquer que la critique de la politique d’un Etat ne saurait être confondue avec la mise en cause d’une communauté.
C’est ce que nous faisons en toute clarté en menant campagne pour le boycott, le désinvestissement, les sanctions à l’égard d’Israël tant que cet Etat ne se conformera pas au droit international.
Tair Kaminer, a 19-year Israeli, got a call up order - requesting her to show up at the Israeli Army Induction Center (“Bakum”) in Tel Hashomer, east of Tel Aviv, on 12pm, Sunday, January 10, 2016 . She does intend to show up at the stipulated time and place - but not in order to embark on the (...)
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