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  • Irak. Des images satellite confirment des destructions de masse délibérées dans des villages arabes contrôlés par les peshmergas (Amnesty)

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    Les peshmergas - combattants des unités du Gouvernement régional du Kurdistan - et des milices kurdes du nord de l’Irak ont passé au bulldozer, fait exploser et réduit en cendres des milliers de logements dans le but semble-t-il de déraciner des populations arabes, en représailles contre leur soutien supposé au groupe se faisant appeler État islamique (EI), écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public mercredi 20 janvier.

    Ce rapport, intitulé Banished and dispossessed: Forced displacement and deliberate destruction in northern Iraq, s’appuie sur des recherches réalisées sur le terrain dans 13 villages et villes, et sur des témoignages recueillis auprès de plus de 100 témoins et victimes de déplacement forcé. Elles sont étayées par des images satellite donnant à voir la destruction de grande ampleur semée par les peshmergas, ou dans certaines cas par des milices yézidies et des groupes armés kurdes de Syrie et de Turquie agissant en collaboration avec les peshmergas.

    « Les forces armées du Gouvernement régional du Kurdistan semblent être le fer de lance d’une campagne concertée visant à déplacer les populations arabes en détruisant des villages entiers dans des zones reprises à l’EI dans le nord de l’Irak. Le déplacement forcé de civils et la destruction délibérée de logements et de biens sans aucune justification militaire peuvent constituer des crimes de guerre », a déclaré Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International, qui a effectué les recherches sur le terrain dans le nord de l’Irak.

    Des résidents arabes ayant fui leur domicile sont par ailleurs empêchés par les forces du Gouvernement régional du Kurdistan de retourner dans les zones reprises.

    « Des dizaines de milliers de civils arabes qui ont été forcés à fuir leur domicile en raison des combats ont désormais de grande difficultés à survivre dans des camps improvisés où les conditions sont désespérées. Beaucoup ont perdu leurs moyens de subsistance et toutes leurs possessions, et n’ont plus rien vers quoi se retourner, leur domicile ayant été détruit. En interdisant à ces personnes déplacées de rentrer dans leur village et en détruisant leurs logements, les forces du Gouvernement régional du Kurdistan accroissent encore leurs souffrances », a déclaré Donatella Rovera.

    Le rapport révèle des éléments sur des déplacements forcés de population et des destructions d'habitations de grande ampleur dans des localités des provinces de Ninive, Kirkouk et Diyala reprises entre septembre 2014 et mars 2015 par les peshmergas à l’EI.

    Si des responsables du Gouvernement régional du Kurdistan justifient le déplacement de populations arabes en invoquant la sécurité, il semble pourtant que cette pratique ait pour but de punir ces personnes en raison de leurs sympathies supposées pour l’EI, et afin de consolider des gains de territoires dans des « zones contestées » que les autorités kurdes revendiquent de longue date. Cela s’inscrit dans une volonté de rectifier les abus du passé commis par le régime de Saddam Hussein, qui avait déplacé de force des kurdes, puis installé des arabes dans ces régions.

    « Les forces du Gouvernement régional du Kurdistan ont le devoir de traduire en justice dans le cadre de procès équitables les individus soupçonnés d’avoir été complices des crimes de l’EI. Mais elles ne doivent pas punir des populations entières pour des crimes perpétrés par certains de leurs membres, ou sur la base de soupçons vagues, discriminatoires et sans fondement selon lesquels elles soutiennent l’EI », a déclaré Donatella Rovera.

    L’imagerie satellite confirme les informations faisant état de destructions de masse

    Des milliers de résidents de villages arabes proches de Jalawla, dans l’est du gouvernorat de Diyala, ont fui après que des combattants de l’EI ont attaqué la zone en juin 2014. Plus d’un an après que la zone a été reprise par les peshmergas, les résidents ne peuvent pas rentrer chez eux et les villages ont été en grande partie détruits.

    Maher Nubul, père de 11 enfants ayant quitté son village, Tabaj Hamid, en août 2014, a déclaré que le village tout entier a été « aplati » après avoir été repris par les peshmergas quatre mois plus tard.

    « Tout ce que je sais, c’est que quand les peshmergas ont repris le village, les maisons étaient encore là. Nous ne pouvions pas rentrer chez nous mais nous arrivions à les voir de loin. Et plus tard ils ont détruit le village au bulldozer, je ne sais pas pourquoi. Il ne reste rien. Ils ont tout détruit sans raison », a-t-il dit.

    Des chercheurs d’Amnesty International s’étant rendus dans cette zone en novembre 2015 ont découvert que le village de Tabaj Hamid avait été rasé. Les images satellite obtenues par l’organisation montrent également que pas une seule structure n’a été épargnée.

    À Jumeili, les chercheurs ont découvert qu’il ne restait de la majeure partie du village que des décombres. Ces constats ont été étayés par des images satellite qui montrent que 95 % des murs et des structures basses ont été détruits. Sur les structures encore debout, la plupart des toits et des fenêtres ont été endommagés ou détruits.

    Dans les deux villages, l’imagerie satellite révèle par ailleurs ce qui ressemble à des traces laissées par des bulldozers, près de piles de gravats et de débris où s’élevaient auparavant des immeubles. 

    Les images satellite ont également fourni des informations tendant à prouver la destruction de deux villages situés non loin, Bahiza et Tubaykh.

    Amnesty International a par ailleurs relevé des éléments attestant la destruction délibérée de logements et de biens dans des villages arabes se trouvant sous le contrôle des peshmergas dans le gouvernorat de Ninive (nord-ouest de l’Irak).

    « Après que nos logements ont été réduits en cendres, nous étions prêts à nous retrousser les manches et à les réparer, mais les peshmergas ne nous ont pas autorisés à rentrer chez nous, puis les milices yézidies sont revenues et ont tout passé au bulldozer, même nos vergers ; il n’y a rien à sauver », a déclaré Ayub Salah, résident de Sibaya, au nord-est du mont Sinjar.

    À Sibaya et dans quatre villages arabes proches - Chiri, Sayir, Umm Khabari et Khazuqa – la plupart des maisons ont d’abord été incendiées en janvier 2015 par des membres des milices yézidies et des combattants de groupes armés kurdes syriens et turcs présents dans la région de Sinjar. Ils ont été détruits quand ces derniers sont revenus avec des bulldozers cinq mois plus tard.

    Des représentants d’Amnesty International se sont rendus dans cette zone en novembre 2015 et ont trouvé les villages largement détruits. Lors d’une mission précédente, en avril 2015, de nombreuses maisons avaient été mises sens dessus dessous et incendiées, mais elles tenaient encore debout.

    Les images satellite obtenues pour quatre de ces cinq villages les montrent également en grande partie détruits. À Sibaya par exemple, plus de 700 structures ont été endommagées ou détruites sur un total estimé à 897 structures.

    À Barzanke, un village arabe proche, où quasiment chaque maison avait été rasée, des peshmergas ont essayé d’attribuer ces destructions aux combattants de l’EI, malgré l’absence d’éléments étayant ces affirmations et le fait que leurs propres collègues aient avoué qu’ils avaient détruit le village pour s’assurer que les résidents arabes n’y retrouveraient plus rien.

    À au moins deux occasions, peu après leur arrivée dans des villages détruits, les chercheurs d’Amnesty International ont été appréhendés par des peshmergas, qui les ont escortés hors de la zone et les ont empêchés de prendre des photos.

    Halte aux destructions illégales et aux déplacements forcés

    Les autorités du Gouvernement régional du Kurdistan ont été confrontées à des difficultés sans précédent sur le plan humanitaire et sur celui de la sécurité, des centaines de milliers de personnes ayant cherché refuge dans les zones se trouvant sous leur contrôle après que l’EI s’est emparé de vastes pans du nord de l’Irak en 2014. Ces circonstances éprouvantes ne doivent toutefois pas excuser les destructions délibérées et les autres graves violations commises par les forces du Gouvernement régional du Kurdistan et d’autres milices évoquées dans le rapport.

    « Le Gouvernement régional du Kurdistan doit immédiatement faire cesser la destruction illégale de maisons et biens civils, et accorder des réparations complètes à tous les civils dont le logement a été démoli ou pillé. Les civils ayant été déplacés de force doivent être autorisés à rentrer chez eux dès que possible », a déclaré Donatella Rovera.

    « Les peshmergas ne doivent pas permettre à des groupes armés et des milices qui sont leurs alliés dans le cadre de la lutte contre l’EI de commettre de telles violations. Ils contrôlent la zone depuis qu’ils l’ont reprise à l’EI en décembre 2014, et ont la responsabilité de garantir la protection de toutes les communautés.

    « Il est en outre essentiel que la communauté internationale - notamment les membres de la coalition dirigée par les États-Unis qui combat l’EI, tels que le Royaume-Uni et l’Allemagne, et d’autres acteurs qui soutiennent les peshmergas - condamne publiquement toutes les atteintes de ce type au droit international humanitaire. Ils doivent en outre veiller à ce que l’assistance qu’ils fournissent au Gouvernement régional du Kurdistan n’alimente pas ces violations. »  20 janvier 2016

    https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/01/northern-iraq-satellite-images-back-up-evidence-of-deliberate-mass-destruction-in-peshmerga-controlled-arab-villages/

    Commentaire:

    Il semble que ce soit dû au gouvernement kurde "autonome" quasi "officiel" du Nord de l'Irak, qui a déjà été dénoncé et non des combattants de Syrie, de Turquie ou d'Iran.

  • Tunisie: La contestation sociale était prévisible car "la population ne peut plus patienter" (Al Huff')

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    Chercheur pour le centre Carnegie, Hamza Meddeb, dit ne pas être "étonné" par la vague de contestation sociale qui a éclaté dans les régions défavorisées de Tunisie, soulignant que la population "ne peut plus patienter" face à l'absence de changements depuis la révolution.

    Face à "l'inertie" des pouvoirs publics, "le pays s'embourbe dans une crise sociale" qui "risque de déstabiliser l'expérience démocratique" née du renversement du régime de Zine el Abidine Ben Ali en 2011, prévient M. Meddeb, co-auteur de l' ouvrage "L'Etat d'injustice au Maghreb. Maroc, Tunisie".

    Êtes-vous surpris par cette explosion de la contestation?

    Hamza Meddeb: "J'étais encore à Kasserine (d'où sont parties les manifestations, ndlr) il y a deux mois et tout cela ne m'étonne pas. La situation est désastreuse, rien n'a changé depuis cinq ans. (...) On a de nouvelles générations qui constatent ça. C'est un problème d'injustice sociale et de corruption.

    Il y a beaucoup de corruption dans l'administration, en particulier locale. Beaucoup de clientélisme. Tout cela fait exploser la colère. Les manifestations ont pris et la flamme s'est propagée".

    Les premières annonces du gouvernement sont-elles suffisantes?

    "Le gouvernement a annoncé des mesures sur l'embauche à Kasserine, dans le but de désamorcer la colère. Mais celle-ci s'est au contraire propagée. Ce sont des mesures à double tranchant.

    Ce qu'a eu Kasserine, tout le monde veut l'avoir à présent! Les revendications commencent à gagner beaucoup de régions. Ces petites mesures sont contre-productives et montrent que le gouvernement n'a pas vraiment de plan stratégique, et qu'on est dans une politique à courte vue. Ça fait un an qu'il est en place et rien de concret n'a été fait. Ça lui explose à la figure".

    Faut-il alors craindre une dégradation?

    "Il me semble qu'on va vers un enlisement de la situation. Les mesures destinées à désamorcer la crise l'alimentent au contraire, et le pays s'embourbe dans la crise. Le malaise social risque de déstabiliser l'expérience démocratique. En Tunisie, il n'y a pas vraiment de mécanisme de régulation des crises sociales, c'est un système politique extrêmement fragile.

    Dans le même temps, on a une administration très bureaucratique. Il faut mesurer son inertie. On a par exemple 1,4 milliard de dollars pour les infrastructures qui sont bloqués. Ça n'est pas un problème de financement mais d'exécution.

    On a des nominations (dans l'administration locale) de responsables qui étaient en charge sous Ben Ali. On ne répond pas aux besoins de développement avec les pratiques d'un autre temps. La bureaucratie ne peut pas continuer à fonctionner comme sous Ben Ali. La population a patienté pendant cinq ans. Elle ne peut plus patienter".  

    LIRE AUSSI:

    http://www.huffpostmaghreb.com/2016/01/21/tunisie-contestation-soci_n_9041210.html?utm_hp_ref=maghreb

  • Tunisie: La colère montre contre le chômage (Afriques en lutte)

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    La police tunisienne a fait usage de grenades lacrymogènes mardi pour disperser plusieurs centaines de demandeurs d’emploi qui s’étaient rassemblés dans au moins quatre villes du pays pour réclamer du travail, deux jours après le suicide d’un jeune chômeur, rapportent des témoins.

    Le ministère de l’Intérieur a annoncé l’instauration d’un couvre-feu nocturne à Kasserine, la ville où Ridha Yahyaoui s’est donné la mort et où a eu lieu la première manifestation. Mais des incidents se sont poursuivis au cours de la nuit et se sont étendus aux villes de Tahla, Fernana et Meknassi, a rapporté l’agence de presse TAP.

    Les manifestants ont défilé aux cris de « Travail, liberté, dignité », selon un habitant. A Meknassi, des groupes de jeunes gens sont descendus dans les rues et ont incendié des pneus par solidarité avec les manifestants de Kasserine, a déclaré Mahdi Horchani, un habitant.

    La « révolution de jasmin », qui a donné le coup d’envoi du printemps arabe, était partie des émeutes ayant suivi la mort, le 4 janvier 2011, de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant qui s’était immolé par le feu à Sidi Bouzid.

    Plusieurs des chômeurs rassemblés mardi à Kasserine ont menacé de se suicider deux jours après Ridha Yahyaoui, qui, selon des témoins, a mis fin à ses jours faute d’avoir pu obtenir un emploi dans la fonction publique.

    Malgré la révolution, le chômage est passé de 12 à 15,3% entre 2010 et la fin 2015, alors qu’un tiers des demandeurs d’emplois possèdent des diplômes universitaires.

    A Kasserine, chef-lieu d’une des régions les plus défavorisées de Tunisie, les chômeurs représentent environ 30% de la population active.

    Source : Reuters 21 janvier 2016 

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/tunisie/article/tunisie-la-colere-montre-contre-le

     

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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    Lettre ouverte à Christiane Taubira

    La LDH, la CGT et l’AFPS, jeudi 21 janvier 2016
     
  • Netanyahou et Erdogan: un drôle de couple (Al'Encontre.ch)

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    Si les alliances se brisent aussi facilement qu’elles se forment, les ennemis peuvent également conclure des accords

    Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et le président turc Recep Tayyip Erdo?an forment un drôle de couple, même lorsque les troupes marines israéliennes n’embarquent pas dans des navires pour tuer des citoyens turcs dans les eaux internationales. Depuis l’épisode du Mavi Marmara [31 mai 2010, le navire est attaqué par un commando de l’armée de l’Etat d’Israël] il y a cinq ans, les deux hommes ont passé leur temps à se dévisager à distance, un peu comme Napoléon et Koutouzov devant le village de Borodino.

    Erdogan a comparé les actions d’Israël contre les Palestiniens à celles d’Hitler; de même, lorsqu’il a fustigé Netanyahou pour avoir «osé assister» au rassemblement à Paris après l’attentat de Charlie Hebdo (janvier 2015), l’Israélien a accusé le Turc d’être un «tyran antisémite».

    Il est ainsi surprenant d’apprendre que les pourparlers entre Israël et la Turquie en vue d’une normalisation des relations entre les deux pays sont sur la bonne voie.

    Les responsables turcs trouvent leurs homologues israéliens ouverts à la discussion au sujet des exigences consécutives à l’affaire du Mavi Marmara, à savoir soulager le siège de Gaza en se servant de la Turquie comme d’un intermédiaire pour les vivres et les autres fournitures. Il pourrait même être question de produire de l’électricité à partir d’un navire amarré au large de la côte.

    Erdogan a déclaré que la Turquie pourrait envoyer un navire à Gaza pour produire de l’électricité et fournir des matériaux de construction, et a affirmé avoir obtenu la garantie qu’Israël lèverait le siège si toute l’aide à destination de Gaza passait par la Turquie.

    Nous sommes arrivés à ce point à quelques reprises auparavant. Sur les deux fronts, celui du Mavi Marmara et celui de la levée du siège de Gaza, des espoirs sont nés, uniquement pour être réduits à néant par la tournure ultérieure des événements. Les contours d’un accord sur le Mavi Marmara avaient fait l’objet de négociations entre des responsables peu après l’incident, mais Netanyahou y avait finalement opposé son veto. En juin 2013, Israël a présenté ses excuses. Cette relation de répulsion et d’attraction est évidente aujourd’hui.

    Lorsque le ministre turc du Commerce Bülent Tüfekçi a plus ou moins répété ce que son président a déclaré («Si un accord peut être conclu entre les deux pays, Israël autorisera l’entrée dans la bande de Gaza de produits et de matériel d’aide d’origine turque par le biais de la Turquie»), Netanyahou a nié le fait qu’Israël lèverait le blocus maritime.

    Lors d’un meeting du parti Likoud, il a déclaré: «Ils [la Turquie] ont plaidé contre le blocus de Gaza, et bien entendu, nous n’avons pas l’intention de changer notre politique de blocus naval […] Même si Israël est le pays qui transfère les [biens en vue de la] subsistance et de la réhabilitation de la bande de Gaza, nous ne pouvons pas renoncer à notre sécurité.»

    Ce siège, qui dure depuis huit ans et qui a formé l’épine dorsale d’une stratégie partagée, de facto, par Israël, Mahmoud Abbas et le Quartet [Etats-Unis, Russie, UE, Nations unies], ne sera pas levé facilement. Les pourparlers sont tributaires du prochain événement qui se produira. D’après Amos Harel, journaliste à Haaretz, le Shin Bet [Service de sécurité intérieure] prétend avoir déjoué trois tentatives de préparation d’attaques à grande échelle par le Hamas en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Le Shin Bet affirme également que la construction de tunnels sous la frontière de Gaza avance à nouveau à plein régime. «Les composantes de base de la situation dans le sud – la poursuite de la construction de tunnels, l’absence de barrière efficace à la frontière et le siège serré de Gaza – laissent la porte ouverte au risque d’une nouvelle série de combats», conclut ainsi Harel.

    L’autre doute majeur concerne la personnalité même de Netanyahou. Ce dernier s’est forgé un passé de négociateur peu fiable, revenant sur les positions qu’il a exprimées en privé et se débarrassant de ses interlocuteurs en un clin d’œil. On a souvent dit que Netanyahou préférait le processus de négociation à son aboutissement. Cette fois, cependant, il y a peu à gagner du processus. Seul le résultat sera utile.

    Les pourparlers d’Erdogan surviennent dans la foulée de rencontres entre l’ancien émissaire du Quartet Tony Blair et le chef du Hamas Khaled Mechaal à Doha l’an dernier, que j’avais révélées au départ [voir l’article de l’auteur «Blair a rencontré Khaled Mechaal pour négocier la fin du siège de Gaza»].

    Les pourparlers, qui comprenaient une proposition de visite à Londres en juin dernier faite à Mechaal, ont échoué en raison du désintérêt d’Israël et du veto de l’Égypte. Le Hamas s’est également montré foncièrement méfiant vis-à-vis des motivations de Blair.

    Erdogan n’a pas le passif de Blair. Il ne pourrait pas non plus être associé avec les Émiratis ou avec l’homme fort du Fatah né à Gaza, Mohammed Dahlan [opposant à Mahmoud Abbas, présent dans de nombreux «mauvais coups» dans les batailles entre fractions au sein du Fatah, a été en 2014 jugé in absentia pour corruption à Ramallah; son rôle à Gaza est fort discuté, comme ses liens, affirmés par ses juges, avec les services israéliens], contrairement à Blair. Erdo?an demeure un ennemi implacable du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, et la Turquie a autrefois accueilli des hauts responsables du Hamas, dont l’un des fondateurs des Brigades al-Qassam, Salah al-Arouri, bien qu’il ait quitté le pays depuis. Erdogan et Mechaal entretiennent des contacts fréquents.

    De ce fait, si Netanyahou prend effectivement au sérieux ces pourparlers, une vraie question se pose: pourquoi? Qu’est-ce qu’Israël a à gagner d’une détente avec la Turquie? Pourquoi, après trois guerres, Israël s’intéresse-t-il à l’idée de lever le siège d’une «entité ennemie» alors que selon le Shin Bet, la sécurité d’Israël est compromise comme jamais auparavant?

    Le gisement de gaz Léviathan est situé à 130 km au large du port d'Haïfa

    Le gisement de gaz Léviathan est situé à 130 km au large du port d’Haïfa

    La nécessité d’exporter le gaz dont Israël dispose désormais depuis ses propres gisements représente une motivation. L’annonce de découvertes importantes de gaz dans les eaux territoriales égyptiennes l’année dernière a mis la pression sur une série d’accords d’exportation de gaz qu’Israël avait signés à l’origine avec l’Égypte, la Jordanie et l’Autorité palestinienne. Le gisement de gaz égyptien identifié par la multinationale italienne ENI, dont le potentiel s’élève à 849 milliards de mètres cubes, est considérablement plus grand que Léviathan, le gisement de 621 milliards de mètres cubes d’Israël. S’il s’avère que l’Égypte n’a pas besoin du gaz israélien, les marchés restants pour Israël sont l’Extrême-Orient et l’Europe.

    Israël ne peut exporter son gaz vers l’Extrême-Orient que s’il est liquéfié, et dans la mesure où ces installations sont longues et coûteuses à construire, cela repose sur des usines en Égypte, ainsi que sur des contrats avec l’usine de la compagnie espagnole Union Fenosa à Damiette et l’usine de GNL de Shell à Idku.

    Comme la voie égyptienne devient plus complexe en pratique qu’elle ne le semble en théorie, l’idée d’un gazoduc vers la Turquie et le marché européen devient de plus en plus attrayante pour résoudre cette problématique, bien que cela nécessite une solution à une autre crise, opposant Chypriotes grecs et turcs.

    De son côté, la Turquie s’intéresse à tout ce qui permettrait de réduire sa dépendance au gaz naturel russe, après avoir abattu un avion de combat russe survolant l’espace aérien turc à la frontière syrienne. Les analystes en Turquie comme en Russie estiment que la relation entre Erdogan et Poutine a été définitivement détériorée suite à cet épisode.

    Gaza constitue en soi une seconde motivation. L’idée qu’il est dans l’intérêt de la sécurité d’Israël de maintenir et d’établir le cessez-le-feu avec le Hamas est antérieure à la dernière guerre à Gaza. L’ancien chef du Mossad Ephraim Halevy a qualifié le Hamas d’«ami-ennemi» d’Israël: «Le Hamas, par exemple, est en état de guerre avec Israël, mais sa lutte contre les autres organisations dans la bande de Gaza, qui rejettent son autorité, sert les intérêts sécuritaires d’Israël.»

    Ce raisonnement a reçu depuis une impulsion importante. Quel que soit le nom qui lui est donné (la «Troisième Intifada», l’«Intifada des couteaux», la «Rébellion des loups solitaires»), le soulèvement qui a coûté la vie à 153 Palestiniens, 20 Israéliens, un Américain et un Érythréen existe désormais comme un fait politique.

    Bien que le Shin Bet puisse souhaiter voir la signature du Hamas dans l’organisation d’attaques à plus grande échelle, les attaques au couteau et à la voiture-bélier sont menées sans chef et de manière aléatoire. Israël et les systèmes de sécurité de l’Autorité palestinienne sont orientés pour détecter les attaques planifiées et ciblées. Ils ne savent pas quoi faire face aux actes désespérés et généralement suicidaires d’individus au casier judiciaire vierge et sans affiliation politique. Jusqu’à présent, ils ont répondu avec des mesures de sanction collective qui ne font qu’attiser la révolte et rendre l’occupation encore plus difficile à supporter.

    Ce soulèvement n’a pas été uniquement alimenté par la vision de la disparition d’un État palestinien sous les yeux d’une nouvelle génération de Palestiniens. Il a également été produit par un vide de leadership palestinien, en particulier à Jérusalem-Est.

    Ajoutez-y le groupe État islamique [Daech]. Ou du moins, une déclaration de son chef Abou Bakr al-Baghdadi, qui a été prise au sérieux. Ce dernier a averti Israël dans un enregistrement audio: «Nous nous rapprochons de vous jour après jour. Ne pensez pas qu’on vous a oubliés. La Palestine ne sera jamais votre terre ou votre foyer. Elle sera pour vous un cimetière. Allah vous a rassemblés en Palestine pour que les musulmans vous tuent.» En effet, l’État islamique se trouve juste de l’autre côté de la frontière, en Syrie, ainsi que dans le Sinaï, après qu’un président issu des Frères musulmans a été renversé en Égypte, tandis que le Hamas a été contenu à Gaza.

    La plupart des analystes sont farouchement réfractaires à l’idée de voir la cause et l’effet de tout cela. Ils ne veulent pas reconnaître que le fait d’avoir écrasé un gouvernement islamiste élu en Égypte a généré l’oxygène dont l’islam takfiri a besoin pour respirer. Israël partage l’avis des gouvernements russe, égyptien, français et britannique, selon lesquels l’islamisme est un mal sous toutes ses formes et les islamistes politiques travaillent en tandem avec les djihadistes pour arriver aux mêmes fins théocratiques.

    En termes d’idéologie, de coutume et de pratique, Israël est catégoriquement opposé à un accord avec le Hamas, qu’il étiquette comme étant au-delà de tout discours rationnel. Le développement des liens secrets d’Israël avec les Émiratis, qui partagent cette même vision, est le recours actuel. Mais supposez simplement que l’appel aux armes d’al-Baghdadi soit entendu par certaines personnes en Palestine, ce qui n’est pas impossible dans le climat actuel, puisque l’État islamique se trouve déjà à proximité, à la frontière syrienne et dans le Sinaï.

    Tous les paris seraient ouverts si Israël devait choisir l’ennemi auquel il préférerait faire face. Avec qui Israël préférerait-il négocier un échange de prisonniers à Gaza? Le Hamas ou l’État islamique? Un mouvement de résistance islamique rationnel ou irrationnel? Une chose est claire. Il est peu probable que le coût d’une victoire israélienne à Gaza et la chute du Hamas en tant que gouvernement de facto puissent avantager le Fatah ou Dahlan. On n’assisterait pas à l’émergence d’un régime libéral et laïc. Au moins certains groupes soutenant le Hamas passeraient du côté de l’État islamique.

    Deux signes clairs indiquent que les pourparlers entre la Turquie et Israël sont en progrès. Le premier signe a été un curieux incident qui s’est produit dans les collines du Kurdistan irakien. La Russie a voulu placer des troupes sur le terrain, d’où elle aurait pu lancer des opérations à Mossoul, et a demandé la permission au dirigeant kurde Jalal Talabani, dont le groupe contrôle la zone. Talabani a consulté ses alliés. Les États-Unis n’avaient pas d’objection, au contraire d’Israël, curieusement. Israël voulait montrer son inquiétude quant au fait que l’intervention russe en Syrie confortait l’influence de l’Iran dans ce théâtre de guerre. De même, Israël voulait montrer à la Turquie son influence dans la région.

    Le second signe émane des cris d’indignation de l’Égypte, qui a tant fait sous Sissi pour faire respecter le siège de Gaza, notamment en faisant exploser la moitié de la ville frontalière de Rafah et en inondant les tunnels. Lors de rencontres avec l’ambassadeur d’Israël au Caire et durant la visite du chargé d’affaires égyptien à son ambassade à Tel-Aviv, les autorités égyptiennes se sont opposées à toute concession d’Israël à la Turquie au sujet de la bande de Gaza. De toute évidence, elles perdraient la dernière carte qu’il leur reste à jouer, à savoir la carte palestinienne.

    Quoi qu’il arrive, les pourparlers israéliens avec la Turquie sont un signe de l’état de flux permanent dans lequel se trouve la région. Les alliances se brisent aussi facilement qu’elles se forment. Les ennemis concluent des accords. Ce qui est dans l’air un jour ne dure pas nécessairement jusqu’au lendemain. Netanyahou est peut-être à la recherche d’une autre solution. (15 janvier 2016)

    Publié par Alencontre le 22 - janvier - 2016

    David Hearst est rédacteur en chef de Middle East Eye. Il a été éditorialiste en chef de la rubrique Etranger du journal The Guardian

    http://alencontre.org/moyenorient/israel/netanyahou-et-erdogan-un-drole-de-couple.html

  • Surexploitée, la Méditerranée boit la tasse (Anti-k)

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    La mer Méditerranée n’est pas au bout de ses déboires

    selon l’étude MedTrends, rendue publique lundi 18 janvier par l’association WWF, son exploitation, notamment pétrolière et touristique, va se développer tous azimuts au cours des 20 prochaines années. Seul perdante, la pêche professionnelle, dont le recul devrait se poursuivre.

    C’est comme si l’expression «Mare Nostrum» prenait un nouveau sens: à force de nous appartenir, la nature y perd progressivement ses droits. Malmenée par la surpêche, la pollution d’origine terrestre, le transport maritime et le réchauffement climatique, la Méditerranée, l’un des 25 hotspots mondiaux de biodiversité, est déjà en bien piteux état. Et nul ne sait quand sa rapide dégradation prendra fin.

    Dans un rapport publié lundi, l’association WWF dresse les perspectives de développement de plusieurs activités marines au cours des 20 prochaines années. Intitulé MedTrends, ce projet, mené sur les 8 pays européens bordant la Grande Bleue, révèle une forte croissance dans tous les secteurs. A l’exception de la pêche professionnelle, bridée par l’effondrement des stocks halieutiques, une tendance très nette depuis le milieu des années 1990.

    A défaut de pêche, les amateurs de poissons pourront toujours se rabattre sur l’aquaculture méditerranéenne. Celle-ci est en plein boom, avec un taux annuel de croissance systématiquement supérieur à 8% au cours des 40 dernières années. Et elle devrait encore doubler en 2030 par rapport à 2010, avec une production supérieure à 600.000 tonnes/an.

    Vers un quintuplement de la production gazière

    L’exploration d’hydrocarbures a également de très beaux jours devant elle: selon les projections du WWF, la production pétrolière en mer pourrait augmenter de 60% en 2020 par rapport à 2010, tandis que la production gazière devrait quintupler en 2030 par rapport à 2010.

    Actuellement, 23% de la surface méditerranéenne est couverte par des contrats d’exploration, et 21% additionnels pourraient bientôt être concernés (zones ouvertes à l’exploration, appels d’offre). Si le gros de l’exploitation, pétrolière et gazière, s’effectue en Egypte, l’Italie, dotée d’une centaine d’installations gazières dans l’Adriatique, est le premier pays européen en la matière, suivi de loin par l’Espagne.

    Haut lieu du transport maritime, aussi bien de marchandises que de passagers, la Méditerranée devrait s’embouteiller encore plus. Le commerce international devrait augmenter de 4% par an au cours de la prochaine décennie, les croisières touristiques de 10%. En mer ou sur la plage, le tourisme va poursuivre sa croissance: première destination mondiale, la Méditerranée devrait connaître 60% plus de visiteurs en 2030 qu’en 2010, dépassant ainsi le seuil des 500 millions.

    Conséquence directe de cet afflux de vacanciers, mais aussi d’une forte croissance démographique, le littoral se peuplera toujours plus: la population locale pourrait augmenter de 5% dans les pays européens bordant la Méditerranée entre 2010 et 2030, voire jusqu’à 44% en Jordanie et 59% en Palestine sur la même période. Ce qui va pousser un peu à l’artificialisation du littoral, qui touchera 5.000 km de plus en 2025 par rapport à 2005.

    L’exploration minière, de lointains projets

    A plus long terme, l’exploitation minière sous-marine pourrait aussi se développer en Méditerranée. WWF évoque notamment l’identification de gisements de sulfure à proximité des littoraux italien et grec, respectivement près de la Calabre et en mer Egée. Quant aux énergies renouvelables, dont l’expansion est pour l’instant limitée, l’éolien offshore pourrait produire jusqu’à 12 gigawatts dans les pays méditerranéens de l’UE d’ici 2030. Un développement souhaitable d’un point de vue climatique, mais qui pourrait avoir des effets néfastes localement, notamment en termes de bruit sous-marin.

    Parmi les rares bonnes nouvelles de MedTrends, une atténuation de la pollution terrestre, au moins pour les pays membres de l’UE et pour quelques polluants: moins d’eaux usées, moins de polluants organiques polluants (POP), moins de mercure et de plomb. En revanche, les rejets de nutriments, dont les nitrates et les phosphates issus de l’agriculture, «devraient légèrement augmenter dans les 15 années à venir», prévoit le WWF.

    Reste à savoir comment tous ces secteurs en forte croissance s’accommoderont les uns des autres. Selon l’association, le risque de conflits est grand, par exemple entre aquaculture côtière, source de pollution organique, et tourisme, ou encore entre exploitation d’hydrocarbures et transport maritime.

    Ces tendances concurrentes ne vont pas pousser à la mise en place d’aires marines protégées (AMP): «il est hautement probable que l’expansion des activités des secteurs maritimes et le renforcement de la concurrence spatiale aient pour effet de ralentir, voire d’entraver, le processus de désignation de nouvelles AMP», juge le WWF.

    Avec 3,21% de la surface méditerranéenne protégée en 2015, contre 1,08% en 2010 (hors sanctuaire Pelagos), «il est peu probable que le seuil de 10% soit atteint en 2020», selon l’objectif 11 d’Aichi fixé par la Convention sur la diversité biologique (CBD). Le 19 janvier 2016 par Romain Loury

    http://www.journaldelenvironnement.net/article/surexploitee-la-mediterranee-boit-la-tasse,66189?xtor=EPR-9

    http://www.anti-k.org/2016/01/20/surexploitee-la-mediterranee-boit-la-tasse/

  • Les femmes réfugiées risquent agressions, exploitation et harcèlement sexuel lors de leur traversée de l’Europe (Amnesty)

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    Les gouvernements et organismes d’aide humanitaire manquent à leur devoir de fournir la protection la plus élémentaire aux femmes réfugiées arrivant de Syrie et d’Irak.

    De nouvelles recherches effectuées par Amnesty International montrent que les femmes et les jeunes filles sont exposées à des violences, à des agressions, à l’exploitation et au harcèlement sexuel à toutes les étapes de leur trajet, y compris sur le territoire européen.

    Le mois dernier, l’organisation a recueilli en Allemagne et en Norvège les propos de 40 réfugiées qui s’étaient rendues en Grèce depuis la Turquie, avant de traverser les Balkans. Toutes ces femmes ont dit s’être senties menacées et en danger pendant leur périple. Beaucoup ont indiqué que dans presque tous les pays qu’elles ont traversés, elles ont connu agressions physiques et exploitation financière, ont été touchées de manière inappropriée ou ont subi des pressions visant à les inciter à avoir des relations sexuelles avec des passeurs, des employés chargés de la sécurité ou d’autres réfugiés.

    « Après avoir connu l’horreur de la guerre en Irak et en Syrie, ces femmes ont tout risqué pour se mettre en sécurité avec leurs enfants. Mais à compter du moment où leur trajet commence, elles sont de nouveau exposées à la violence et à l’exploitation, sans grand soutien ni protection », a déclaré Tirana Hassan, responsable de la réaction aux crises à Amnesty International.

    Des femmes et des jeunes filles voyageant seules, et d’autres seulement accompagnées de leurs enfants se sont senties particulièrement menacées dans les zones et camps de transit en Hongrie, en Croatie et en Grèce, où elles ont été forcées à dormir aux côtés de centaines d’hommes réfugiés. Dans certains cas, des femmes ont quitté les zones désignées, choisissant de dormir dehors sur la plage parce qu’elles s’y sentaient plus en sécurité.

    Des femmes ont également dit avoir dû utiliser les mêmes salles de bains et douches que les hommes. Une femme a raconté à Amnesty International que dans un centre d’accueil en Allemagne, des réfugiés de sexe masculin allaient regarder les femmes lorsqu’elles utilisaient la salle de bains. Certaines ont pris des mesures extrêmes, arrêtant de s’alimenter ou de boire afin d’éviter de devoir aller aux toilettes lorsqu’elles ne se sentaient pas en sécurité.

    « Si cette crise humanitaire avait lieu où que ce soit ailleurs dans le monde, on s’attendrait à ce que des mesures pratiques soient immédiatement prises afin de protéger les groupes les plus vulnérables, comme les femmes voyageant seules et les familles ayant une femme à leur tête. Au minimum, cela impliquerait de proposer des installations sanitaires bien éclairées réservées aux femmes, et des zones séparées des hommes où elles puissent dormir en sécurité. Ces femmes et leurs enfants ont fui certaines des zones les plus dangereuses du monde, et il est honteux qu’ils se trouvent encore en danger sur le sol européen », a déclaré Tirana Hassan.

    « Si les gouvernements et ceux qui fournissent des services aux réfugiés ont commencé à mettre des mesures en place pour aider les réfugiés, ils doivent passer à la vitesse supérieure. Il faut en faire plus pour que les femmes réfugiées, en particulier les plus vulnérables, soient identifiées et que des processus et services spécifiques soient proposés afin de protéger leurs droits fondamentaux et leur sécurité. »

    Les représentants d’Amnesty International ont parlé à sept femmes enceintes qui ont évoqué le manque de nourriture et de services de santé essentiels, et décrit avoir été écrasées par les mouvements de foule aux frontières et aux points de transit pendant leur périple.

    Une Syrienne interviewée par Amnesty International à Lillestrøm, en Norvège, qui était enceinte et allaitait sa petite fille quand elle a entrepris le voyage avec son mari, a dit qu’elle avait trop peur de dormir dans les camps en Grèce car elle se savait entourée d’hommes. Elle a ajouté qu’elle avait passé plusieurs jours sans manger.

    Une dizaine des femmes qu’Amnesty International a rencontrées ont déclaré qu’elles avaient été touchées, caressées ou déshabillées du regard dans des camps de transit européens. Une Irakienne de 22 ans a dit à Amnesty International que lorsqu’elle se trouvait en Allemagne, un agent de sécurité en uniforme lui avait proposé de lui donner des habits si elle acceptait de « passer du temps seule » avec lui.

    « Pour commencer, personne ne devrait avoir à emprunter ces itinéraires dangereux. La meilleure manière pour les gouvernements européens d’empêcher les abus et l’exploitation aux mains des passeurs consiste à proposer des itinéraires sûrs et légaux dès le début. Pour ceux qui n’ont pas d’autre choix, il est absolument inacceptable que leur passage à travers l’Europe les expose à davantage d’humiliation, d’incertitude et d’insécurité », a déclaré Tirana Hassan.

    AUTRES TÉMOIGNAGES

    Exploitation sexuelle par des passeurs

    Les passeurs prennent pour cibles des femmes qui voyagent seules, sachant qu’elles sont plus vulnérables. Lorsqu’elles manquaient de ressources financières pour payer le trajet, les passeurs essayaient souvent de les forcer à avoir des relations sexuelles avec eux.

    Au moins trois femmes ont déclaré que des passeurs et des membres de leur réseau les ont harcelées, elles ou d’autres femmes, et leur ont proposé un trajet à prix réduit ou un passage prioritaire sur un bateau traversant la Méditerranée, en échange de relations sexuelles.

    Hala, une jeune femme de 23 ans originaire d’Alep, a déclaré à Amnesty International :

    « À l’hôtel en Turquie, un des hommes travaillant avec le passeur, un Syrien, m’a dit que si je couchais avec lui, je ne paierais pas ou que je paierais moins. Bien entendu, j’ai dit non, c’était dégoûtant. Nous avons toutes connu la même chose en Jordanie. »

    « L’amie qui était venue avec moi de Syrie s’est trouvée à court d’argent en Turquie, alors l’assistant du passeur lui a proposé d’avoir des relations sexuelles avec lui [en échange d’une place sur un bateau] ; elle a bien sûr dit non, et n’a pas pu quitter la Turquie, alors elle est encore sur place. »

    Nahla, une Syrienne de 20 ans, a déclaré à Amnesty Internationa :

    « Le passeur me harcelait. Il a essayé de me toucher quelques fois. Il ne s’approchait que lorsque mon cousin n’était pas là. J’avais très peur, d’autant plus qu’on entend tout au long du voyage les histoires de femmes qui n’ont pas les moyens de payer et se voient proposer la solution de coucher avec les passeurs en échange d’une réduction. »

    Être harcelées et vivre dans une peur constante

    Toutes les femmes ont dit à Amnesty International qu’elles avaient eu constamment peur durant leur trajet à travers l’Europe. Les femmes voyageant seules étaient non seulement prises pour cibles par les passeurs, mais sentaient en outre leur intégrité physique menacée lorsqu’elles étaient contraintes de dormir dans des locaux aux côtés de centaines d’hommes célibataires. Plusieurs femmes ont par ailleurs signalé avoir été frappées ou insultées par des membres des forces de sécurité en Grèce, en Hongrie et en Slovénie.

    Reem, 20 ans, qui voyageait avec son cousin âgé de 15 ans, a dit :

    « Je n’ai jamais dormi dans les camps. J’avais trop peur que quelqu’un me touche. Les tentes étaient toutes mixtes et j’ai été témoin de violences [...] Je me sentais plus en sécurité lorsque j’étais en mouvement, en particulier dans un bus, le seul endroit où je pouvais fermer les yeux et dormir. Dans les camps, il y a tellement de risques de se faire toucher, et les femmes ne peuvent pas vraiment se plaindre et ne veulent pas causer de problèmes susceptibles de perturber leur voyage. »

    Violences policières et conditions dans les camps de transit

    Des femmes et des jeunes filles rencontrées ont indiqué qu’un certain nombre de camps étaient très sales, que la nourriture y était en quantité limitée et que les femmes enceintes en particulier ne recevaient qu’un soutien restreint, voire pas de soutien du tout. Certaines femmes ont par ailleurs déclaré que les toilettes étaient souvent sordides et que les femmes ne se sentaient pas en sécurité car certains sanitaires étaient mixtes. Par exemple, dans au moins deux cas, des femmes ont été observées par des hommes alors qu’elles s’étaient rendues dans la salle de bains. Certaines femmes ont en outre été directement victimes de violences perpétrées par d’autres réfugiés, ainsi que par des policiers, en particulier quand des tensions sont apparues dans des lieux d’accueil exigus et que les forces de sécurité sont intervenues.

    Rania, une jeune femme enceinte âgée de 19 ans venue de Syrie, s’est confiée à Amnesty International sur son expérience en Hongrie :

    « Les policiers nous ont alors conduits dans un autre lieu, qui était encore pire. C’était plein de cages et l’air ne circulait pas. Nous avons été enfermés. Nous sommes restés là deux jours. On nous donnait deux repas par jour. Les toilettes étaient pires que dans les autres camps, j’ai l’impression qu’ils voulaient les garder dans cet état pour nous faire souffrir.

    « Lors de notre deuxième jour sur place, des policiers ont frappé une Syrienne d’Alep parce qu’elles les avaient suppliés de la laisser partir [...] Sa sœur a essayé de la défendre, elle parlait anglais. Ils lui ont dit que si elle ne se taisait pas, ils la frapperaient elle aussi. Une chose similaire est arrivée à une Iranienne le lendemain parce qu’elle avait demandé plus de nourriture pour ses enfants. »

    Maryam, une Syrienne de 16 ans, a déclaré :

    (En Grèce) « Des gens se sont mis à crier, alors des policiers nous ont attaqués et ont donné des coups de bâton à tout le monde. Ils m'ont frappée sur le bras avec un bâton. Ils s’en sont même pris à des enfants. Ils ont frappé tout le monde sur la tête. J’ai été prise de vertige et je suis tombée par terre, des gens m’ont marché dessus. Je pleurais et j’ai été séparée de ma mère. Ils ont appelé mon nom et je l’ai retrouvée. Je leur ai montré mon bras et un policier l’a vu et a ri, j’ai demandé à voir un médecin, et ils nous ont dit à toutes les deux de partir. » 18 janvier 2016

    https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/01/female-refugees-face-physical-assault-exploitation-and-sexual-harassment-on-their-journey-through-europe/

  • La Tunisie est-elle le modèle pour les droits des femmes qu’elle prétend être ? (Amnesty)

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    Analyse des progrès de la Tunisie en matière de droits des femmes avant et après la « Révolution du Jasmin ».

    Le 14 janvier marque le cinquième anniversaire de la date à laquelle les Tunisiens ont évincé le président Ben Ali. En plus des appels à la liberté, à la dignité et à de meilleures conditions de vie, le soulèvement tunisien a apporté l’espoir de voir les droits des 5,5 millions de femmes en Tunisie renforcés. La Tunisie est connue pour être un exemple en matière de droits des femmes dans le monde arabe. Mais cette réputation résiste-t-elle à un examen approfondi de la situation ?

    Voici un récapitulatif des progrès de la Tunisie jusqu’à maintenant.

    Droit de vote ? Oui

    Les femmes ont acquis le droit de vote en Tunisie en 1957, un an après l’indépendance du pays par rapport à la France. Bien que la France ait introduit le droit de vote pour les femmes en 1944, elle n’avait pas étendu ce droit à la Tunisie, contrôlée par la France depuis 1881.

    Conditions permettant à davantage de femmes de se porter candidates en politique ? Oui

    Les femmes peuvent être candidates aux postes au gouvernement depuis 1959 en Tunisie. Cependant, plus de 20 ans se sont écoulés avant qu’une femme ne soit élue : en 1983, Fethia Mzali a été nommée ministre de la Famille et de la Promotion de la femme, devenant ainsi la première femme à obtenir un poste politique en Tunisie. Le pays a introduit des quotas volontaires de femmes pour les listes électorales des partis politiques en 1999.

    Ces quotas sont devenus une obligation légale en 2011. Lors des élections parlementaires d’octobre 2014, les femmes ont obtenu 30 % des sièges (soit plus qu’au Royaume-Uni, en France et au Congrès des États-Unis). C’est également en 2014 qu’une femme s’est présentée aux élections présidentielles pour la première fois en Tunisie. 

    Représentation des femmes dans les professions traditionnellement dominées par les hommes ? Oui... et non

    En 2010, 33 % des juges et 42,5 % des avocats en Tunisie étaient des femmes. En 2013, les femmes représentaient 30 % des ingénieurs et en 2014, elles représentaient 42 % des médecins. Bien que le taux d’alphabétisation des femmes soit plus élevé que celui des hommes, et bien que beaucoup plus de femmes obtiennent un diplôme universitaire, le nombre de femmes sur le marché du travail reste inférieur au nombre d’hommes. De plus, les femmes n’occupent que trois postes politiques sur 30.

    Accès à l’avortement ? Oui... et non

    La Tunisie a introduit le droit à l’avortement sur demande (le droit de demander et de se voir accorder un avortement sans délai) dans les trois premiers mois de grossesse en 1973, soit deux ans avant la France. L’avortement sur demande pendant le premier trimestre était autorisé pour les femmes ayant cinq enfants ou plus depuis 1965. La libre contraception a été introduite en 1973.

    Cependant, des données tendent à prouver que les femmes non mariées se voient souvent refuser le droit à un avortement sous le prétexte fallacieux que l’accord du père est nécessaire. Même des femmes mariées ont été dissuadées de mettre fin à leur grossesse par le personnel de cliniques publiques prétendant que l’avortement est immoral ou repoussant délibérant l’avortement jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour le pratiquer.

    Droit au mariage ? Oui... et non

    Les femmes et les hommes ont des droits égaux en ce qui concerne le mariage, le divorce et la propriété. Les hommes ne peuvent plus divorcer de leur femme sans passer par un tribunal. Grâce aux efforts des groupes de défense des droits des femmes dans le pays et aux changements apportés à la loi en 1993, les femmes mariées ne sont plus forcées d’« obéir » à leur mari.

    Cependant, le mari est toujours considéré comme le chef de famille et doit toujours subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants du mieux qu’il le peut. Les époux doivent remplir leurs devoirs conjugaux conformément aux usages et aux traditions, lesquels sont ancrés dans des attitudes et des convictions qui portent préjudice aux femmes. Une récente étude gouvernementale a montré que les femmes passent huit fois plus de temps à effectuer des tâches ménagères que les hommes, y compris à s’occuper des enfants et des personnes âgées.

    Protection des femmes contre la violence familiale ? Non

    La violence contre les femmes, particulièrement dans le cadre de la famille, reste un grave problème en Tunisie. Selon un sondage effectué par le gouvernement en 2010, 47,6 % des femmes interrogées avaient été victimes d’une forme de violence au moins une fois dans leur vie. Parmi celles-ci, un peu moins d’un tiers avaient été victimes de violence physique, 28,9 % de violence psychologique et 15,7 % de violence sexuelle. La grande majorité de celles qui avaient été victimes de violence sexuelle (78,2 %) ont déclaré que leur partenaire intime en avait été l’auteur.

    Bien que la violence familiale soit reconnue comme un crime, plus de la moitié des personnes qui en ont été victimes déclarent qu’elles ne l’ont pas signalé à la police ou à quiconque car il s’agit de « faits habituels qui ne valent pas la peine d’être discutés ». D’autres ont déclaré ne pas vouloir faire honte à leur famille.

    Celles qui signalent des violences déclarent souvent que la police les dissuade de porter plainte en leur disant de penser d’abord au bien-être de leurs enfants et ne pas briser la famille. L’hébergement d’urgence et les foyers pour les victimes de violences familiales sont rares, ce qui empêche ces femmes de chercher à obtenir justice car elles n’ont nulle part où se réfugier.

    Protection des droits des femmes par la loi ? Non

    Bien que la Constitution tunisienne de 2014 protège les progrès réalisés par les mouvements de défense des droits des femmes et garantisse le principe d’égalité et de non-discrimination, des lois discriminatoires à l’égard des femmes continuent de poser un problème. Le Code pénal classe la violence sexuelle comme une attaque contre la décence d’une personne, en mettant l’accent sur les notions d’« honneur » et de « moralité ». Le viol est mal défini et le viol conjugal n’est même pas reconnu. Selon le Code du statut personnel tunisien, un mari ne peut pas avoir de relation sexuelle avec sa femme tant qu’il n’a pas payé une dot. Cela implique qu’une fois qu’il l’a payée, il est autorisé à avoir des relations sexuelles avec elle quand il veut.

    De nombreuses femmes avec qui Amnesty s’est entretenue ont déclaré n’avoir jamais refusé de rapport sexuel avec leur mari, parce qu’elles ne pensaient pas avoir le droit. De plus, un vide juridique dans la loi tunisienne permet toujours aux violeurs d’échapper à leur condamnation s’ils épousent leur victime adolescente. Bien que cela ne soit possible que si la jeune fille accepte, la liberté qui entoure cet accord reste discutable.

    La Tunisie est-elle donc le modèle qu’elle prétend être pour les droits des femmes ? Pas encore. Mais après avoir fait tant de progrès impressionnants, le pays met ses propres efforts en danger en hésitant à régler ces derniers obstacles qui représentent pourtant beaucoup.

    L’histoire est largement à la portée de la Tunisie. Appelons ses dirigeants à la prendre en main.

     Shiromi Pinto,

    https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2016/01/is-tunisia-the-beacon-of-womens-rights-it-claims-to-be/

  • La liberté des Sahraouis : une question qui fâche au Maroc (Afriques en lutte)

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    Durant son règne, Hassan II, monarque-dictateur-colonisateur, a érigé un mur de défense de 2700 km qui a balafré le Sahara occidental pour se protéger des attaques de l’armée de libération sahraouie.

    Il a aussi bouclé le pays au Nord et au Sud au moyen d’un dispositif politico-militaire qui encadrait les voyageurs en route pour la Mauritanie ; ils ne devaient pas s’égayer dans le pays au risque de constater les « bienfaits de la colonisation ». Depuis son installation sur le trône fin 1999, son successeur de fils Mohamed VI, dit M 6, homme d’affaires avant tout [1][1], s’est construit une légende de monarque jeune, moderne, réformateur… Profitant de cette annonce, au Maroc comme au Sahara occidental, les victimes de l’oppression ont poussé la porte entr’ouverte pour exprimer leur soif de liberté.

    20 000 personnes campent dans le désert durant presque un mois

    Des observateurs étrangers se sont alors invités aux procès de militants sahraouis devant les tribunaux marocains. C’est ainsi que je m’y suis rendue pour la première fois en novembre 2002 en compagnie d’une chargée de mission de France Libertés, pour assister à l’une des audiences du procès d’Ahmed Naciri à El Ayoun. Un périple d’une semaine nous a menées de la capitale du Sahara occidental, à Smara (la ville rebelle), Boujdour et Dakhla, où c’était la première visite de défenseurs des droits de l’homme. Nous avons recueilli plusieurs dizaines de témoignages. Ceux des travailleurs et retraités de la mine de phosphate de Boucraa, spoliés de leurs droits contractuels en 1977, quand l’Espagne a cédé 65 % de ses parts au Maroc. La section locale du Forum Vérité et Justice nous a fait rencontrer les familles des prisonniers politiques, des ancien(ne)s disparu(e)s et des familles de celles et ceux qui ne sont jamais sortis vivants des bagnes secrets. Six mois plus tard, cette organisation était expulsée de son local et dissoute par le tribunal colonial. Peu à peu d’autres étrangers sont venus, des militants et trop peu de journalistes ! Charlie Hebdo, L’Humanité, La Croix, mais ce fut « silence radio et télé »[2]. Quelques militants sahraouis ont pu sortir de l’enfermement du territoire occupé, en mai 2005 les jeunes se sont emparés de la rue avec l’intifada pacifique. Mais 15 d’entre eux ont disparu en décembre 2005 alors qu’ils s’apprêtaient à rejoindre les Îles Canaries, chargés de vidéos, photos et tracts de leurs actions. On ne connaît toujours pas leur sort.

    Cinq ans plus tard, le Sahara occidental fut le premier des pays dits « arabes » à voir s’exprimer un soulèvement populaire : 20 000 personnes campant dans le désert durant presque un mois. Les journalistes qui ont voulu s’y rendre se sont vu interdire l’entrée par les barrages policiers. Des militants étrangers y sont entrés clandestinement. Ils ont ramené les images. Mais de la destruction violente au petit matin du 8 novembre 2010, les médias français n’ont retenu que la mort de douze membres des forces auxiliaires. Deux ans et demi après, le tribunal militaire de Rabat condamnait sans preuve vingt-quatre militants à des peines de 20, 30 ans et perpétuité sans défrayer les chroniques.

    Ces quelques années d’une timide ouverture ont permis de commencer à déconstruire l’image du pouvoir marocain, entretenue par les médias occidentaux et les dirigeants français, de Giscard d’Estaing à Sarkozy en passant par Mitterrand et Chirac. Pour sa part, le gouvernement Hollande n’a pas changé cette ligne de (mauvaise) conduite. Lors de son récent voyage au Maroc, le chef d’État accompagné d’une cohorte de ministres, d’hommes et de femmes d’affaires, sans oublier le showbiz, n’a pas abordé la question qui fâche au pays où on réprime tout ce qui relève la tête.

    La France, principal soutien du régime marocain

    Depuis avril 2014 ce sont plus de soixante-dix étrangers qui ont été empêchés d’entrer au Sahara occidental, dont huit enlevés et remis entre les mains de sbires inconnus pour être ramenés à Agadir. Ils et elles étaient venus en tant que militants, élus, journalistes, photographes, réalisateurs. Ils et elles étaient Espagnols, Français, Norvégiens, Suédois, Italiens, Anglais, Tunisiens, Américains, Tunisiens, Portugaise, Allemand. Une délégation de la Confédération des syndicats européens a été empêchée de venir rencontrer les syndicalistes sahraouis au cours de l’été 2015.

    La sortie de militantes et de militants sahraouis du territoire est redevenue au « bon vouloir du prince ». Depuis 2014, plusieurs invités à des conférences lors de la cession du Conseil des droits de l’homme à Genève ou à la semaine de la solidarité internationale en France, se sont vu refuser leur congé, quand ils avaient un emploi, ou l’accès à l’embarquement, sans explication.

    Le Maroc continue d’autre part d’exploiter illégalement les richesses naturelles d’un territoire non autonome au mépris de la législation internationale. Il peut continuer à juger et condamner des personnes revendiquant l’organisation du référendum d’autodétermination prévu dans le plan de paix de l’Onu, ratifié par les parties en 1991, pour crime de manifestation pacifique ! De ce fait, aucun observateur étranger n’a pu assister le 30 septembre au procès du jeune Salah Lebsir, 23 ans, qui milite à Smara depuis l’adolescence et qui a connu dès l’âge de 15 ans le tabassage et l’humiliation. Il vient d’être condamné à 4 ans de prison pour ses activités en faveur de l’indépendance de son pays. Il les purge dans la sinistre « prison noire » d’El Ayoun[3] [3].

    C’est pourquoi il est essentiel d’interpeler et de dénoncer la complicité de la France, principal soutien du régime marocain, qui s’oppose chaque année, quand le Conseil de sécurité renouvelle le mandat de la Minurso, à ce qu’il soit étendu à la surveillance du respect des droits de l’homme. C’est la seule mission de l’ONU en Afrique qui en soit dépourvue.

    Wafae Charaf : le procès se tient avant l’étude de sa plainte

    2014 est décidément l’année du tour de vis pour les libertés. Après un discours enflammé du ministre de l’intérieur, l’AMDH (Association marocaine des droits de l’homme) s’est vu interdire toute activité publique, sur injonction des autorités à toutes les institutions (établissements scolaires, municipalités) de ne pas mettre à disposition des locaux pour les activités de l’été comme c’était le cas depuis plusieurs années où l’organisation conduisait des animations et des formations en direction des jeunes. Les privés qui acceptaient de louer des locaux étaient bien vite contactés pour y renoncer. Punition étendue à tous les jours de l’année et renouvelée naturellement en 2015.

    C’est dans les locaux de l’AMDH que les deux journalistes qui réalisaient un reportage pour France 3 ont été arrêtés et expulsés manu militari en février 2015. Les policiers ont enfoncé la porte et jeté à terre une des femmes qui leur barraient le chemin. Caméra, téléphones, ordinateurs leur ont été confisqués. Le Quai d’Orsay a souligné qu’ils n’avaient pas reçu d’autorisation de tourner…

    Wafae Charaf, qui avait porté plainte en mai 2014 pour enlèvement, et dont le procès pour allégations mensongères s’est tenu avant l’étude de sa plainte (ce qui est contraire au code de procédure pénale marocain !), s’est vue récemment exilée dans une prison à 60 km de Tanger, pour purger ses 2 ans de prison. Elle avait écopé d’un an en première instance…

    Et faute politique encore plus grave pour notre pays, la France vient de se départir de sa compétence universelle pour instruire toute plainte (d’un ressortissant étranger ou français) à l’encontre d’officiels marocains, laissant le soin à la « justice » marocaine de les traiter ! Le roi du Maroc tient sous sa férule un peuple à 30 % analphabète (53 % chez les femmes). Il a un argument de poids : il se prétend représentant de Dieu sur terre. Pour leur part, bien que très majoritairement croyants, les Sahraouis n’entrent pas dans la combine.

    Décidément, Marocains et Sahraouis ont une belle lutte à mener ensemble pour se libérer de ce régime.

    Michèle Decaster 19 janvier 2016

    Notes:

    [1] Selon l’hebdo Point de vue, sa fortune est classée cinquième sur une liste de quinze monarques : avant « l’émir du Qatar, assis sur des barils de pétrole, alors que son homologue est installé sur des mares de pauvreté et de chômage ».

    [2] Olivier Quarante, journaliste indépendant qui est allé au Sahara occidental en juillet 2013, publie un site d’informations et d’analyses « Les nouvelles du Sahara » http://www.nouvellesdusahara.fr

    [3] Rapport sur les conditions critiques à l’intérieur de « la prison noire », écrit par Ahmed Naciri pendant son incarcération et adressé à l’AFASPA : http://www.afaspa.com/article.php3?...

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/republique-sahraouie/article/la-liberte-des-sahraouis-une

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

    Boycott : Valls défenseur inconditionnel de l’apartheid israélien

    Communiqué de l’AFPS, mardi 19 janvier 2016
     
    Toujours plus, tel est le principe qui guide désormais le Premier ministre dès lors qu’il s’agit de répondre à une demande des soutiens inconditionnels de la politique israélienne. Devant « Les amis du CRIF », il vient ainsi de déclarer à propos des appels au boycott : « Je pense que les pouvoirs publics doivent changer d’attitude vis-à-vis de (...)