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Documents - Page 12

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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    • Women
      Basic Rights – Five things that Saudi Arabian women still cannot do

      , by GREENWOOD George

      Despite Saudi women standing for office for the first time, the country still has a long journey towards gender equality.
      Around 900 women will be standing among 7,000 people vying for seats on the county’s 284 local councils.
      However, despite finally winning a right in 2015 that British women (...)

    • Tunisie
      Tunisie : Droits violés et libertés menacées

      , par BARAKET Arroi

      A l’occasion de l’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
      Nawaat s’est adressée à trois organisations de défense des droits humains pour connaître leur évaluation de la situation des droits de l’Homme en Tunisie, cinq ans après le déclenchement de la révolution de la liberté et (...)

    • Régimes d'exception
      Appel des 1000 pour la levée de l’état d’urgence

      14 déc. 2015 — L’appel des 333 est devenu l’appel des 1000. Au total, ce sont plus de 9000 signatures qui ont été enregistrées ce jour.
      Continuons la campagne pour la levée de l’état d’urgence.
      Adressée à à tous les citoyens
      Pour la levée de l’état d’urgence
      Appel des 333 pour la levée de l’état (...)

    • On: Antiwar Struggles
      After November 13: A war: in whose interest ? – “France is always at war”

      ,

      Petition launched in France against the war policy of the presidency after the deadly and murderous killings by the Islamic State in Paris, Novembre 13, 2015.
      A war: in whose interest ?
      No single interpretation, no mechanistic explanation, explains the attacks. Does this mean we have to be (...)

    • Sur: Combat antiguerre
      A qui sert leur guerre ? – « La France est en guerre continuellement. »

      Ce texte, initialement paru comme tribune dans Libération le 25 novembre, s’est transformé en appel aujourd’hui signé par près de 5000 personnes. On peut continuer de le signer ici ! Change.org
      Aucune interprétation monolithique, aucune explication mécaniste n’élucidera les attentats. Faut-il pour (...)

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • Nouveautés sur A l'Encontre.ch

    Syrie. Des voix de Raqqa: «Vont-ils détruire à la fois Daech et Bachar?» «Non aux frappes»

    5 - décembre - 2015 Publié par: Alencontre
     

    Par Emma Graham-Harrison Le bar à café et toutes les personnes qui s’y trouvent sont des exilés de Raqqa – ce sont les mêmes chefs qui servent le poulet rôti et le thé sucré le vendredi soir, les mêmes chichas et le même brouhaha sur des sujets politiques – mais tout cela se déroule dans […]

    Etats-Unis. Les essaims de drones, recruteurs indirects pour Daech?

    4 - décembre - 2015 Publié par: Alencontre
     

    Par Ed Pilkington et Ewen MacAskill Selon des lanceurs d’alerte des forces aériennes états-uniennes la guerre des drones d’Obama est un «outil de recrutement» pour Daech. Quatre anciens pilotes de l’armée de l’air états-unienne, cumulant entre eux plus de 20 ans d’expérience en tant qu’opérateurs de drones, ont adressé une lettre ouverte à Barack Obama […]

    Daech frappe aussi en Tunisie

    28 - novembre - 2015 Publié par: Alencontre

    Par Alain Baron Mardi 24 novembre 2015, Daech a frappé en plein cœur de la capitale, tuant 12 membres de la Garde présidentielle [le président Béji Caïd Essebsi a pris ses fonctions en décembre 2014] et blessant une vingtaine d’autres personnes. En ciblant un corps sécuritaire d’élite, Daech a voulu terroriser la population en cherchant à démontrer […]

    Lire aussi:

    http://alencontre.org/laune/empecher-leffondrement-du-regime-assad.html

  • Moyen-Orient : la guerre ne peut vaincre le terrorisme qu’elle engendre (Npa)

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    Accompagnant son « virage sécuritaire », Hollande a décidé d’un virage en matière de politique étrangère. Après la décision le 8 septembre dernier de procéder à des frappes aériennes en Syrie, il vient d’abandonner, au lendemain des attentats du 13 novembre, le « Ni Bachar ni Daesh » pour se faire le champion d’une coalition élargie intégrant la Russie, amie de Bachar mais aussi de l’Iran.

    Les bombardements décidés en septembre engageaient la France dans une nouvelle aventure militaire répondant plus au besoin de la politique intérieure de Hollande qu’à celui de combattre Daesh… Au besoin aussi de servir sa politique extérieure en lui permettant de trouver une place dans le jeu diplomatique alors que la France n’est pas en mesure de peser réellement dans la situation. La suite s’inscrit dans la même logique : une fuite en avant sécuritaire et militaire bien incapable tant de combattre Daesh que de prévenir les menaces terroristes.

    Comment cet attelage hétéroclite de la grande coalition qui regroupe, sous la houlette des grandes puissances occidentales, l’Arabie saoudite, le Qatar ou le Turquie d’Erdogan, tous motivés par la défense de leur propre intérêt, aurait-il la moindre légitimité, la moindre crédibilité vis à vis des peuples qui sont leurs victimes ?

    Obama, sans doute lui aussi touché par l’esprit de W. Bush, a déclaré depuis Kuala Lumpur :  «  Détruire l’État islamique n’est pas seulement un objectif réaliste, c’est une tâche que nous allons mener au bout. […] Nous les éliminerons. Nous reprendrons les terres où ils sont, nous supprimerons leurs financements, nous traquerons leurs dirigeants, nous démantèlerons leurs réseaux, leurs lignes de ravitaillement, et nous les éliminerons. » Au-delà de leurs implications, une éventuelle intervention au sol étatsunienne jusqu’ici écartée, ces discours va-t-en guerre ne peuvent que fournir des armes politiques aux djihadistes, au même titre que les bombardements aériens qui provoquent de multiples « dégâts collatéraux » :  la mort de nombreux civils, la destruction d’hôpitaux, d’infrastructures civiles…

    La guerre et la propagande militariste, xénophobe et raciste qui l’accompagne, combiné au soutien des régimes les plus réactionnaires, aux politiques libérales dans une région du monde où les inégalités sociales sont les plus criantes, ont produit le terreau sur lequel se développe l’État islamique. Ce dossier revient sur ces processus et leur histoire.

    http://www.npa2009.org/arguments/moyen-orient-la-guerre-ne-peut-vaincre-le-terrorisme-quelle-engendre

    http://www.anti-k.org/moyen-orient-la-guerre-ne-peut-vaincre-le-terrorisme-quelle-engendre

    Irak : retour sur les interventions impérialistes

    Ces derniers jours, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, évoque des attaques non seulement contre Raqqa, fief du prétendu « État islamique » en Syrie – des raids aériens étant en cours et coordonnées avec la Russie –, mais aussi contre Mossoul en Irak...

    Origines et développements du soulèvement populaire syrien

    Le soulèvement populaire syrien, qui a débuté en mars 2011, s’inscrit dans les processus révolutionnaires de la région qui ont débuté tout d’abord en Tunisie et en Égypte à la fin de la l’année 2010 et début 2011.


  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • La France renoue avec l’état d’exception (A l'Encontre)

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    C’est en proclamant la «guerre» que François Hollande a réagi à l’abjection du terrorisme qui a derechef frappé en plein cœur de Paris – comme fit naguère George W. Bush face à «la mère de tous les attentats terroristes» en plein cœur de New York.

    Ce faisant, le président français a choisi d’ignorer les nombreuses critiques du choix fait par l’administration Bush, bien qu’elles constituèrent en leur temps l’opinion dominante à cet égard en France même  –une opinion partagée par Hubert Védrine [ministre des Affaires étrangères de juin 1997 à mai 2002] et Dominique de Villepin [ministre des Affaires étrangères de mai 2002 à mars 2004]. Et cela en dépit du fait que le bilan désastreux de la «guerre contre le terrorisme» menée par l’administration Bush a donné pleinement raison à ses critiques. Sigmar Gabriel, vice-chancelier de l’Allemagne voisine et président du SPD allemand, parti frère du PS français, a lui-même déclaré que parler de guerre, c’est faire le jeu de Daech.

    De prime abord, le discours de guerre peut cependant sembler relever du défoulement verbal: une façon de répondre à l’émotion légitime suscitée par un attentat horrible qui a fait 130 morts, jusqu’à présent. Il ne faut pas perdre de vue néanmoins qu’il ne s’agit pas d’un duel entre Daech et la France, mais bien d’un attentat qui – au même titre que les 102 victimes de l’attentat d’Ankara du 10 octobre dernier, ou les 224 victimes de l’avion russe qui a explosé au-dessus du Sinaï le 31 octobre, ou encore les 43 victimes (au dernier chiffre connu) de l’attentat perpétré dans la banlieue sud de Beyrouth la veille même de l’hécatombe parisienne, pour ne citer que les événements les plus récents – constitue au premier chef une retombée fatale du conflit que les puissances mondiales ont laissé dégénérer en Syrie.

    Le bilan de l’ensemble des violences de ces dernières années semble bien limité en comparaison de la catastrophe humaine syrienne. Le hic avec les rives sud et est de la Méditerranée, c’est toutefois que, contrairement au «cœur des ténèbres» qu’est encore l’Afrique centrale, les tragédies qui s’y développent ont une fâcheuse tendance à déborder sur le territoire de l’Europe, voire celui des Etats-Unis. L’indifférence à la souffrance des autres (au sens fort de l’altérité) – qui contraste fortement avec ce que j’ai appelé la «compassion narcissique» (pour les semblables) au lendemain des attentats de New York – n’est pas sans coût pour l’Occident lorsqu’il s’agit de l’Orient proche. Elle peut même s’avérer très coûteuse.

    Mais le discours de guerre n’est pas seulement une question d’ordre sémantique, tant s’en faut.

    Il vise à faire de l’état d’exception la norme, contrairement à ce qu’indique son appellation. C’est d’autant plus le cas que la guerre est plus longue. Et la «guerre» est d’autant plus longue qu’elle vise non pas un Etat susceptible de conclure armistice et paix, ou de capituler, sinon d’être occupé et subjugué, mais une hydre terroriste capable de se régénérer en gagnant même en puissance, comme en témoigne la trajectoire qui a mené d’Al-Qaïda à Daech en passant par «l’Etat islamique d’Irak» donné pour largement battu en 2008-2010. Tant que guerre il y a, l’hydre terroriste a tendance à renaître de ses cendres parce qu’elle se nourrit de la guerre elle-même. C’est bien la nature même de l’ennemi qui a fait prédire à de nombreux commentateurs critiques ou approbateurs, au lendemain du 11 septembre 2001, que la «guerre contre le terrorisme» allait durer plusieurs décennies. La suite leur a donné raison.

    Le corollaire du discours de guerre est déjà là: François Hollande a fait adopter une loi prorogeant de trois mois l’état d’urgence qu’il a proclamé, et qui est limité à douze jours par la loi en vigueur. Il souhaite faire réviser la constitution française pour accroître le registre des exceptions aux règles démocratiques qu’elle énonce, alors qu’il s’agit d’une constitution née en 1958 en situation d’exception et qui codifie déjà copieusement l’exceptionnalité à coup de pouvoirs exceptionnels (art. 16) et d’état de siège (art. 36). Dès maintenant, de graves violations des droits humains sont allégrement envisagées par le gouvernement français: déchéance de la nationalité visant les personnes détentrices d’une autre nationalité (suivez mon regard), enfermement sans inculpation, et autres cartes blanches données à l’appareil répressif.

    Mais il y a plus grave encore: contrairement aux auteurs des attentats de New York, ceux de janvier et de novembre à Paris sont en grande majorité le fait de citoyens français (d’où la menace relative à la nationalité). Tandis que l’état de guerre est dans son essence même un état d’exception, c’est-à-dire un état de suspension des droits de la personne humaine, il y a une différence qualitative entre les conséquences qu’il entraîne selon que la guerre est portée en dehors du territoire national ou que l’ennemi potentiel se trouve sur ce même territoire. Les Etats-Unis ont pu rétablir fondamentalement l’exercice des droits civiques, quoique rognés, une fois leur territoire sécurisé dans son insularité, tandis qu’ils pratiquaient et continuent à pratiquer l’état d’exception à l’étranger. C’est toute l’hypocrisie du maintien de ce lieu de non-droit qu’est le camp de Guantánamo à courte distance de leurs côtes et en violation de la souveraineté de l’Etat cubain, comme de la pratique des exécutions extra-judiciaires à coup de drones qui font du Pentagone le plus meurtrier des tueurs en série.

    Mais la France? La question du «djihadisme» n’est pas extérieure à son histoire.

    Elle l’est si peu que sa première rencontre avec le djihad remonte à la sanglante conquête de l’Algérie par son armée, il y a bientôt deux siècles, même si le djihad d’aujourd’hui est qualitativement différent de celui d’antan par son caractère totalitaire. Le djihad, l’appareil militaro-sécuritaire français y a été confronté ensuite avec le Front de libération nationale de l’Algérie, dont le journal même s’appelait El Moudjahid (le pratiquant du djihad). C’est en s’engageant dans cette sale guerre coloniale, en 1955, que la France a promulgué la loi relative à l’état d’urgence. Et c’est dans des circonstances créées par la guerre d’Algérie que, pour la dernière fois avant le 14 novembre dernier, l’état d’urgence a été proclamé sur l’ensemble du territoire métropolitain de 1961 à 1963. Dans le cadre de cet état d’urgence, de terribles exactions furent pratiquées sur le sol français, outre les exactions devenues courantes en Algérie.

    L’état d’urgence a été de nouveau proclamé sur une partie du territoire français métropolitain le 8 novembre 2005, il y a dix ans presque jour pour jour.

    Le rapport avec ce qu’a représenté la guerre d’Algérie n’a échappé à personne: une grande partie des jeunes impliqués dans les «émeutes des banlieues» étaient des produits de la longue histoire coloniale de la France en Afrique. Tout comme la majeure partie de la frange djihadiste française de ces dernières années, née de l’exacerbation des rancœurs qui explosèrent en 2005 et des espoirs déçus à coup de promesses non tenues. Ce sont ceux qui pâtissent de ce que nul autre que Manuel Valls, dans un moment fugace de lucidité politique le 20 janvier dernier, a appelé «un apartheid territorial, social, ethnique».

    La conséquence logique de cet aveu, c’est que le désenclavement territorial, social, et ethnique des populations «d’origine immigrée» et la fin de toutes les discriminations qu’elles subissent doivent constituer la réponse prioritaire au danger terroriste. Cela doit se combiner avec une politique extérieure qui remplace la vente des canons et la fanfaronnade militaire d’un Etat qui tient à jouer à la puissance impériale (contrairement à son voisin allemand pourtant bien plus riche) par une politique de paix, de droits humains et de développement conforme à la charte des Nations Unies dont il est coauteur. La ministre suédoise social-démocrate des affaires étrangères qui a décidé d’interdire la vente d’armements au royaume saoudien par les marchands de canons de son pays a montré la voie.

    La réponse adéquate au danger terroriste, c’est aussi un soutien résolu, mais non intrusif, à celles et ceux qui se battent pour la démocratie et l’émancipation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord contre l’ensemble des Etats despotiques de la région, qu’il s’agisse des monarchies pétrolières ou des dictatures militaires et policières. Le «printemps arabe» de 2011 a marginalisé pour un temps le terrorisme djihadiste. C’est sa défaite, avec la collusion des grandes puissances, qui a fait rebondir ce dernier plus vigoureusement, fort de la frustration des espoirs créés. (Tribune publiée, sous une forme raccourcie, dans Le Monde daté du 26 novembre 2015, page 19)

    Gilbert Achcar, professeur à l’Ecole des études orientales et africaines (SOAS, Université de Londres). Auteur, entre autres, de Marxisme, orientalisme, cosmopolitisme, Sindbad, 2015; Le choc des barbaries: terrorisme et désordre mondial, rééd. 10/18, 2004.

    Alencontre le 25 - novembre - 2015 Gilbert Achcar
     
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  • Géopolitique : Ces (nombreux) pays que l’existence de Daech arrange bien (Essf)

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    Olivier Roy, spécialiste de l’islam, estime que certains acteurs dans la région n’ont pas intérêt à le voir disparaître : l’Irak, la Turquie, l’Arabie Saoudite, l’Iran, Israël et Bachar al-Assad. Interview.

    Sara Daniel et Marie Limonier – Comment peut-on lutter efficacement contre Daech ?

    Olivier Roy – La question de la lutte contre Daech est rendue plus complexe du fait que certains acteurs dans la région n’ont pas intérêt à le voir disparaître. Ils trouvent dans son existence un intérêt par défaut : il n’est pas leur ennemi principal mais secondaire.

    En Irak, les tribus sunnites ont eu recours à Daech pour se protéger des exactions des milices chiites ; les chiites d’Irak, eux, ne veulent pas prendre Falloujah ou Mossoul. Pourquoi ? Parce que ça les obligerait à intégrer politiquement les Arabes sunnites, ce que leur demandent les Américains depuis dix ans. Les milices chiites irakiennes se battent pour leur territoire, donc Daech ne prendra jamais Bagdad. Mais ils ne veulent pas reconquérir le territoire sunnite pris par Daech, ça ne les intéresse pas. Les chiites irakiens ont à mon avis intériorisé l’idée que l’Etat irakien est une construction artificielle élaborée par les Anglais dans les années 1920 pour mettre les sunnites au pouvoir. Alors, sans avoir forcément le projet de créer une république chiite, ils s’installent dans un provisoire. Ce qui arrange tout le monde.

    En Turquie, Erdogan est extrêmement clair : l’ennemi, ce sont les Kurdes. Point. On ne va donc pas les aider à casser Daech pour renforcer les Kurdes ce qui permettrait au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de se créer un sanctuaire et de reprendre la lutte armée en Turquie. D’ailleurs, les Kurdes ne cherchent pas à écraser Daech, seulement à défendre leurs nouvelles frontières. Pour les Kurdes d’Irak, la menace principale c’est la reconstitution d’un Etat central fort à Bagdad, qui pourrait contester l’indépendance de fait dont jouit le Kurdistan irakien aujourd’hui. Daech en empêche la création. Des mauvaises langues prétendent que Barzani a laissé Mossoul tomber dans les mains de Daech. Il préfère un Mossoul dans les mains de Daech qu’un Mossoul dans les mains du gouvernement irakien.

    En Syrie, Bachar al-Assad, qui a eu un moment intérêt à favoriser l’émergence de Daech, aimerait désormais se poser en ultime rempart contre le terrorisme islamique, et regagner aux yeux de l’Occident la légitimité qu’il a perdue en réprimant la population syrienne aussi violemment que son régime l’a fait.

    Pour les Saoudiens, l’ennemi principal n’est pas Daech, qui n’est que l’expression d’un radicalisme sunnite qu’ils ont toujours soutenu idéologiquement. Ils ne font donc rien contre, leur ennemi étant avant tout l’Iran.

    Les Iraniens, quant à eux, veulent contenir Daech, mais pas forcément l’anéantir, pour ne pas à avoir à administrer un territoire sunnite et parce que son existence lui permet de jouer un rôle capital sur la scène internationale.

    Pour les Israéliens, Daech c’est génial : des Arabes qui tapent sur des Arabes et réciproquement ! Ils ne peuvent que se réjouir de voir le Hezbollah se battre contre des Arabes, la Syrie s’effondrer, l’Iran être empêtré dans une guerre, tandis que la question palestinienne devient une cause secondaire.

    Donc aucun acteur régional n’est prêt à en découdre au sol pour reprendre les terres sunnites de Daech ?

    Non. Et à la différence de l’après-11 septembre, les Etats-Unis non plus... Washington se contente de faire du « containment », à coups de bombes et de drones. Et pourtant, une guerre ne se gagne pas sans infanterie au sol.

    La France, peut-être elle seule, voudrait éradiquer Daech. Mais elle n’a pas de quoi mener une telle guerre sur deux fronts, et dans le Sahel et au Moyen-Orient. Mais la position de Daech est devenue difficile : il tient plus par défaut que par une dynamique de conquête. Son succès était fondé sur une avancée fulgurante et un effet de terreur qui visait à sidérer l’ennemi.. Mais l’expansion de Daech est bornée, parce que le mouvement a atteint la limite des zones où les populations arabes sunnites voient en lui un défenseur...

    Bloqué au Moyen-Orient, Daech se lance donc dans une fuite en avant : le terrorisme globalisé. Et même s’il n’y aura pas d’offensive au sol contre lui, l’escalade dans lequel il s’est lancé peut pousser acteurs locaux et internationaux à négocier et à trouver un compromis entre les intérêts de chaque puissance régionale qui cessera de faire de Daech un moindre mal.

    Propos recueillis par Sara Daniel et Marie Lemonnier*

    Source:

    http://o.nouvelobs.com/food/20151112.OBS9305/l-ere-du-temps-4-damien-boudier-le-chef-qui-monte.html

    * Olivier Roy, spécialiste de l’islam et fin connaisseur du djihadisme, est professeur à l’Institut universitaire européen de Florence. Il est notamment l’auteur de « La Peur de l’islam » (L’Aube, 2015) et de « L’échec de l’Islam politique » (Points, 2015).

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36478

  • Vu de Russie. Pour la paix en Syrie, Bachar El-Assad doit partir (CI)

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    Le président syrien doit se retirer pour permettre la création d’une coalition nationale contre l’EI et ouvrir la voie à des élections avec participation de toutes les forces politiques du pays, écrit cet historien russe.

    Le cauchemar de Paris a montré au monde deux choses. Premièrement, ce mouvement qui s’attaque à l’humanité est diabolique – inutile d’espérer négocier avec lui ni même obtenir une trêve. L’organisation Etat islamique (EI) ne peut qu’être anéantie et doit l’être. Deuxièmement, devant cette menace commune, les Etats doivent écouter la voix de la raison et oublier leurs différends et leurs réticences. Il faut, par exemple, comprendre que les Américains n’enverront jamais de kamikazes dans le métro de Moscou, tandis que ces monstres islamistes le feront volontiers.

    Tous les derniers coups portés par l’EI – à Bagdad, à Beyrouth, à Paris, dans le ciel du Sinaï – le sont sous la même bannière : “Vengeance pour la Syrie !” Les bombardements français ont infligé des dommages minimes aux djihadistes, mais qu’à cela ne tienne ! Il leur faut montrer à tous ceux qui oseraient s’en prendre au califat que le châtiment sera terrible. Quant à la Russie, ces monstres la haïssent tout particulièrement : alors qu’ils avaient enfin réalisé leur vieux rêve de califat, les Russes sont venus les frapper dans le dos.  

    Voilà donc la Syrie détruite et inondée de sang. Elle est aujourd’hui au cœur de tout, le théâtre de tous les excès de l’EI. On comprend pourquoi la diplomatie internationale est ainsi focalisée sur la question syrienne. Qui irait contredire l’idée que tous ceux qui veulent éliminer les djihadistes de la scène politique doivent aujourd’hui unir leurs forces ? Alors où est le problème ? Pourquoi a-t-on l’impression que l’actuel projet de résolution du conflit syrien risque de suivre le même chemin que le “plan de paix de Kofi Annan” [de mars 2012], aujourd’hui oublié, et sur lequel Moscou avait à l’époque fondé tant d’espoirs ? Une seule réponse : toutes les solutions achoppent sur Bachar El-Assad.

    La position officielle russe est la suivante : nous ne sommes pas cramponnés à Assad, nous voulons seulement que le peuple syrien puisse choisir son président lors d’élections libres. En attendant, Assad est un président légitimement élu. L’argument est fallacieux et peu convaincant. Premièrement, la légitimité d’Assad est pour le moins controversée : tout le monde sait qu’il n’a pu prendre les rênes du pays que parce qu’il était le fils de l’ancien président, lui-même arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat.

    Deuxièmement, où pourraient se dérouler ces élections ? Dans les zones contrôlées par le pouvoir ? Cela ne représente pas plus du quart du territoire syrien. Alors de quelles élections parle-t-on ? Ou bien pense-t-on qu’en six mois l’armée régulière aura libéré la Syrie et vaincu tous ses ennemis, l’EI comme le Front Al-Nosra [affilié à Al-Qaida], mais aussi [le groupe armé salafiste] Ahrar Al-Sham et l’Armée syrienne libre ? Difficile à imaginer.  

    En quatre ans, l’armée régulière, équipée d’armes russes sophistiquées, n’a pas pu mater ceux qu’Assad appelle les bandes de terroristes, de criminels et de mercenaires, qui ne disposent pourtant que d’armes légères. Les djihadistes ont fait leur apparition en Syrie il y a à peine deux ans. L’armée d’Assad se battait les deux années précédentes contre l’Armée syrienne libre, composée de déserteurs qui avaient trouvé refuge en Turquie et de groupes disparates issus de l’opposition laïque et islamiste modérée. Ces groupes, sans commandement unique et sans armes lourdes, ont non seulement réussi à tenir l’armée en respect, mais ont même pris le contrôle de plusieurs villes. Quand l’EI est entré en Syrie, on se battait déjà dans la banlieue de Damas et dans le centre d’Alep.

    Conclusion : il y a quelque chose qui cloche avec l’armée régulière. Inutile d’escompter que l’appui aérien russe entraîne une métamorphose des troupes syriennes au sol qui libéreraient la Syrie comme par magie. En admettant même que ce miracle ait lieu et que toute la Syrie se retrouve à nouveau sous le pouvoir du régime d’Assad, qui irait voter ? Plusieurs millions de Syriens se sont réfugiés en Turquie, au Liban, en Jordanie et maintenant en Europe – sont-ils des citoyens de seconde zone ? Et comment réunir les conditions nécessaires à la tenue d’élections dans un pays à moitié détruit ou dans des camps de réfugiés ?

    Des élections en l’état ? Une farce

    Poursuivons. Qui seraient les candidats ? Assad n’a pas été écarté, il serait donc candidat et assuré de remporter au moins 90 % des suffrages partout où son pouvoir est toujours reconnu. C’est le seul résultat que pourraient assurer les baasistes, tenants d’un régime totalitaire et policier. Mais surtout comment imaginer que ceux que l’on voudrait associer à un “règlement politique”, à savoir l’opposition modérée, ceux qui se sont soulevés contre Assad en 2011, pourraient accepter de participer à une telle farce ?

    Enfin, à supposer qu’une fois encore un miracle ait lieu et que les ministres des Affaires étrangères des puissances internationales et la diaspora syrienne parviennent à un accord dans un quelconque hôtel européen, comment cela serait-il perçu par ceux qui se battent l’arme au poing en Syrie (je parle évidemment de l’opposition, des insurgés) ? Ces gens combattent depuis quatre ans, ils ont fait couler le sang, vu tomber leurs camarades, et voilà qu’Assad leur ordonnerait de déposer les armes, de disparaître ou de se repentir pour vivre encore une fois sous ce même régime…

    La solution : protéger les alaouites de représailles

    Alors que faire ? Il faut assurer la sécurité des territoires contrôlés actuellement par l’Etat syrien. Eriger un mur de fer autour Damas et Lattaquié et protéger les alaouites de représailles sanglantes. Pour Vladimir Poutine, c’est là une question d’honneur, ce sera son mérite pour la postérité. En échange de quoi, Assad devra désigner un successeur (même de son entourage alaouite) et se retirer officiellement pour le salut de sa nation exsangue.

    On me rétorquera que cela entérinera la partition de la Syrie. Mais pas du tout. Au contraire, ce serait l’unique chance d’opposer à l’EI, avec l’opposition modérée, débarrassée d’Assad, un front uni. Une coalition allant des baasistes au groupe Ahrar Al-Cham pourrait être créée. A plus long terme, un nouveau système politique serait bâti, sur le modèle multiconfessionnel libanais par exemple. Utopique, me direz-vous ? Pas plus que la solution préparée actuellement (probablement sans même y croire) par les ministres des grandes puissances. Publié le Georgui Mirski

  • Pierre Manent, philosophe : “L’effort civique n’est pas réservé aux musulmans” (Les Inrocks)

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    Entretien avec le philosophe Pierre Manent, qui appelle l’ensemble des citoyens à accepter la nouvelle hétérogénéité religieuse de la société française.

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    Quelle lecture faites-vous de cette vague d’attentats d’une ampleur sans précédent qui a touché notre pays ?

    Pierre Manent – La France est frappée de plus en plus durement, à des intervalles de plus en plus brefs. Nous sommes le seul pays européen, ou occidental, qui se trouve dans ce cas. En tout cas, nous sommes clairement le maillon faible dans l’ensemble euro-occidental. Nous sommes le maillon faible, ou le maillon exposé, parce que dans la guerre comme dans la paix nous nous sommes donné des buts trop ambitieux que nous n’avons pas les moyens d’atteindre, et cette disproportion entre les prétentions et les résultats est un principe de faiblesse.

    Dans la guerre d’abord. Nous sommes le seul pays occidental dont l’essentiel des forces armées opérationnelles est aujourd’hui engagé contre ce qu’il est convenu d’appeler le “terrorisme”, à la fois en Afrique de l’Ouest, au Proche-Orient et bien sûr en France même. Sans avoir augmenté nos moyens militaires, ou en ayant seulement ralenti leur diminution, notre gouvernement en fait un usage intensif qui les use et ne nous laisse pas de réserves. Dans la paix ensuite.

    Nous nous sommes donné à l’égard de l’islam un but qu’on peut trouver sublime mais qui résiste mal à l’expérience. Nous avons voulu à la fois être les plus ouverts possible, les plus respectueux possible, et en même temps nous attendions de cette ouverture et de ce respect que les musulmans se fondent dans la République, et que toute séparation entre musulmans et non-musulmans disparaisse. Nous avons escompté qu’ils seraient à la fois “entièrement eux-mêmes” et des citoyens français tout à fait comme les autres. C’était un cahier des charges trop lourd pour les uns et pour les autres. Il nous faut repartir sur des bases plus modestes et réalistes.

    Craignez-vous une stigmatisation de la communauté musulmane suite à ces événements ?

    Ce terme de stigmatisation ne me paraît pas pertinent. Franchement, dans le contexte, il ne veut pas dire grand-chose. D’ailleurs, si l’on veut bien ne pas accorder trop d’importance à quelques intempérances de langage de politiques intéressés, il est au contraire frappant que les Français, aussi bien après les attentats de janvier qu’ en ce triste mois de novembre, ont en général réagi avec beaucoup de sang-froid. Je crois sincèrement que peu de pays européens auraient été capables, en de telles circonstances, d’une telle maîtrise, d’un tel calme.

    La disposition qui s’installe, et que les événements intérieurs et extérieurs tendent à confirmer chaque jour davantage, c’est la méfiance. L’opinion qui me semble de plus en plus dominante parmi nous sur l’islam est à peu près la suivante: bien sûr l’immense majorité des musulmans sont pacifiques; en même temps, ils sont incapables de ramener à la raison ceux parmi eux qui ne sont pas pacifiques et qui se “radicalisent” ; comme en outre ils sont de plus en plus nombreux parmi nous, et très attachés à leurs mœurs qui tendent à les distinguer et même à les séparer des autres Français, il est clair désormais que leur intégration ou assimilation est un but hors de portée.

    Voilà, je crois, la conviction qui a cristallisé dans la dernière période. L’opinion moyenne des non-musulmans estime de plus en plus que la séparation sera impossible à surmonter, sauf si l’islam consent à une “réforme” plus ou moins radicale, ou si on le force à une telle réforme en lui imposant une règle de laïcité rigoureuse et contraignante.

    Quelques minutes après les attentats qui ont touché notre pays, plusieurs dirigeants politiques de droite et d’extrême droite ont immédiatement pointé la responsabilité de l’islam. Comment dépasser les amalgames et le risque de conflit communautaire ?

    Vous allez être surpris par la simplicité de ma réponse: il faut engager une conversation civique un peu sincère. Nous en sommes très loin. Sur ces questions, presque tout le monde use d’un langage codé. Les uns dénoncent le “communautarisme” ; les autres s’écrient : pas d’amalgame, halte à l’islamophobie ! Les uns et les autres tournent autour du sujet soit pour gagner des voix, soit pour éviter d’avoir à répondre à des questions difficiles, tous en tout cas pour se dispenser de réfléchir sérieusement aux questions qui se posent. Ce qui fait qu’en réalité, nous nous connaissons très mal.

    Je déplore que les musulmans s’expriment si peu ou alors seulement de manière défensive. Qu’attendent-ils de notre pays qui est le leur? Que pensent-ils de sa politique ? Comment entendent-ils participer à la vie commune ? Ils sont trop réservés ! S’ils prenaient davantage la parole, s’ils exprimaient leurs critiques et acceptaient les critiques, cela contribuerait beaucoup à faire tomber ou à diminuer la méfiance réciproque qui caractérise les relations entre musulmans et non-musulmans dans notre pays.

    Dans votre livre, vous évoquez une scission entre Européens et musulmans. Pourquoi l’islam pose selon vous un “problème nouveau” à notre société ?

    L’histoire a séparé le nord et le sud de la Méditerranée, la Chrétienté et l’Islam. C’est un fait. Dois-je rappeler les conquêtes musulmanes et les “reconquêtes” chrétiennes, les guerres contre les Turcs, la colonisation et la décolonisation ? Ce sont deux vastes ensembles humains qui ont eu des expériences très différentes et développé des civilisations fort distinctes, et très conscientes d’être distinctes.

    Or pour la première fois, avec l’installation d’une nombreuse population musulmane dans plusieurs pays européens, particulièrement en France, ces groupes humains aux expériences et aux mœurs fort distinctes ont à vivre ensemble dans l’égalité. Je souligne : dans l’égalité. C’est un défi inédit. Aujourd’hui les Européens s’organisent sur la base de plus en plus exclusive des droits de l’homme, des droits individuels, tandis que les musulmans restent attachés à des mœurs communes qui s’imposent comme naturellement à l’individu. Bien sûr ceci est schématique puisque les Européens ne sont pas simplement individualistes mais ont eux aussi des liens collectifs, et les musulmans de leur côté ne sont pas insensibles aux charmes de la société libérale, mais il reste ce fait déterminant que l’indépendance individuelle est appréciée assez différemment par les uns et les autres. En particulier l’indépendance des femmes et des jeunes filles. C’est un point de friction considérable entre musulmans et non-musulmans parmi nous.

    Une partie des terroristes impliqués étaient français. Comment peut-on répondre à la radicalisation d’une partie de notre jeunesse ?

    Nos sociétés éprouvent en général de grandes difficultés pour assurer la transmission non pas tant des connaissances que des formes de vie. Comment devenir un être humain capable de s’affirmer lui-même tout en rendant à chacun son dû, tout en “respectant les autres”? C’est d’autant plus difficile pour un jeune homme qui grandit pour ainsi dire entre deux traditions, deux langues, deux formes de vie, qui sont officiellement égales mais dont l’une se sent toujours mésestimée.

     

    Que faire avec la colère des jeunes hommes ? Comment l’éduquer, la rendre constructive plutôt que destructrice ? Je n’ai pas de réponse mais je voudrais souligner un point: les jeunes hommes, spécialement peut-être ceux issus de familles musulmanes, souffrent de l’absence de modèles “virils” dans notre société. Toute la pression publique vise à réprimer les manifestations de “virilité”. Il y a de bonnes raisons à cela. Mais on peut abuser des meilleures choses.

    Je crois que si l’on réfléchissait sérieusement à l’organisation d’un vrai “service civil” ou d’une “garde nationale”, on pourrait obtenir de bons résultats. Je pense à un effort sérieux auquel on consacrerait d’importants moyens humains et financiers : il s’agirait de volontaires, mais qui recevraient une éducation physique, éventuellement paramilitaire, mais aussi civique et historique, et recevraient un traitement modeste mais non ridicule. Ils auraient un uniforme. Leur temps de service leur vaudrait des avantages, par exemple pour la retraite. Ils seraient appelés pour des actions de protection civile, d’entretien de l’environnement et de garde des biens publics. Ils mettraient leur fierté à défendre ce qu’ils sont aujourd’hui tentés de détruire.

    Que notre société puisse accoucher de terroristes capables d’une telle boucherie vous fait-il perdre confiance dans nos capacités d’intégration ?

    Toutes les sociétés accouchent de délinquants ou de criminels. Le désir de détruire, de prendre plus que sa part, d’imposer sa volonté appartient à l’être humain. Nous maîtrisons tant bien que mal ces tendances ou pulsions. Certains n’y parviennent pas. C’est plutôt une question d’éducation que d’intégration. Ou alors il s’agit de l’intégration des différentes composantes de l’être humain. Nous ne nous en soucions pas suffisamment.

    Nous accordons une place disproportionnée à la transmission de connaissances au détriment de la formation du caractère. L’éducation civique, ce n’est pas seulement d’apprendre les articles de la Constitution, c’est aussi d’apprendre la fierté du citoyen. L’éducation religieuse, ce n’est pas seulement d’apprendre tel ou tel aspect ou contenu d’une religion, ou de plusieurs religions; c’est apprendre à se rapporter à un être plus grand que soi, apprendre une certaine qualité d’admiration ou de révérence. Notre éducation usuelle tend à laisser en jachère de grandes parties de nous-mêmes.

    Pourquoi considérez-vous que la laïcité n’est plus adaptée pour faire coexister les différentes “masses spirituelles” de notre pays ?

    La laïcité est un élément central de notre régime politique. Il importe de la préserver. Elle implique que l’institution religieuse et l’institution politique sont séparées, que l’État ne commande pas en matière de religion, et que les hommes religieux ne font pas la loi politique. Tout ceci est très bien. Mais cette laïcité, qui est la laïcité au sens authentique du terme, n’a pas d’effet direct sur la composition religieuse de la société.

    Or le problème qui se pose à nous, c’est celui de l’hétérogénéité religieuse de la société, hétérogénéité considérablement accrue avec l’installation de l’islam dans la société française. Beaucoup attendent de la laïcité ce qu’elle n’est pas conçue pour produire, à savoir la neutralisation religieuse de la société, une société dans laquelle la religion ne donnerait pas forme à la vie commune et serait en quelque sorte invisible. Dans un tel dispositif, les musulmans seraient présents mais comme s’ils n’étaient pas là. Tout cela est une fiction qui repose sur une interprétation erronée de l’expérience de la France républicaine.

    Dans votre livre, vous appelez de vos vœux la construction d’un nouveau compromis entre les citoyens français musulmans et le reste du corps civique. Sur quoi repose-t-il ?

    Nous nous sommes donné un projet trop ambitieux selon lequel les musulmans parmi nous seraient à la fois entièrement eux-mêmes et tout à fait comme les autres. Je me donne un projet plus modeste. J’accepte l’hétérogénéité de départ. Dans mon langage, qui est le langage classique de la sociologie, j’accepte que les musulmans s’installent parmi nous avec leurs “mœurs” propres que nous avons à accepter tout en fixant certaines limites. Certaines conduites en effet, qui sont autorisées par les mœurs musulmanes, sont contraires à nos lois, par exemple la polygamie. Elles doivent être interdites.

    J’explique cela plus en détail dans le livre, mais le point que je veux ici souligner est le suivant: je commence par accepter une certaine hétérogénéité intérieure qui n’est pas dans notre perspective habituelle qui vise un corps social homogène. En même temps, je n’en reste pas là, je ne souhaite pas que nous nous installions dans une société “multiculturelle” ou “communautariste”. Je souhaite que nous allions vers un bien commun auquel prendraient part toutes les composantes de la société française. Etant entendu que nous sommes aujourd’hui passablement séparés, je cherche à nous réunir par la voie politique de l’engagement civique plutôt qu’en nous efforçant de contraindre les musulmans à une réforme directe et immédiate de leurs moeurs qui ne me semble pas praticable. L’engagement civique des musulmans a pour condition qu’ils prennent leur indépendance financière, spirituelle et d’organisation à l’égard des pays du monde arabo-musulman qui ont aujourd’hui sur eux une influence à mes yeux très dommageable. Y sont-ils prêts ? Nous ne le saurons pas si nous n’essayons pas. L’effort civique n’est pas réservé aux musulmans. Tous les citoyens doivent participer à l’élaboration d’un projet collectif alors que la tendance dominante parmi nous est à la jouissance des droits individuels. Sommes-nous prêts pour un tel projet collectif ? Nous ne le saurons pas si nous n’essayons pas.

    Propos recueillis par David Doucet 17/11/2015 | 16h00

    http://www.lesinrocks.com/2015/11/17/actualite/pierre-manent-philosophe-faire-tomber-la-mefiance-reciproque-dans-notre-pays-11788356/