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Documents - Page 14

  • Syrie-Russie. «Nouveaux colonialismes et crise des valeurs de la gauche» (Al'Encontre.ch)

    Bachar el-Assad le 20 octobre au Kremlin rencontre Vladimir Poutine

    Bachar el-Assad le 20 octobre au Kremlin rencontre
    Vladimir Poutine

    La visite de Bachar el-Assad à Moscou n’a été révélée que mercredi 21 octobre au matin, par le porte-parole du Kremlin. «Hier soir, le président de la République arabe syrienne Bachar el-Assad est venu en visite de travail à Moscou», a annoncé Dmitri Peskov. Cette visite de Bachar el-Assad est le premier déplacement à l’étranger depuis 2011, date du soulèvement, en mars, du peuple de Syrie contre la dictature des Assad. Vladimir Poutine était entouré au Kremlin de son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, du premier ministre Dmitri Medvedev et de Nikolaï Patrouchev, ex-patron du FSB (services secrets) et secrétaire du Conseil de sécurité de Russie.

    Après les remerciements plus que protocolaires, Bachar el-Assad a exprimé sa «reconnaissance» à la Russie. Car cette dernière défend «son unité et de son indépendance. Le plus important, c’est que tout cela se fait dans le cadre de la législation internationale.» Bachar a souligné que «les pas politiques effectués par la Fédération de Russie depuis le début de la crise n’ont pas permis au terrorisme de se développer selon un scénario beaucoup plus tragique (…). Chacun comprend que les actions militaires supposent ensuite des étapes politiques.» Pour l’heure Poutine sauve plus Bachar de la débâcle qu’il n’écrase Daech. Les déclarations sur la «transition politique» servent de décors, actuellement. (Rédaction A l’Encontre)

    Lorsque la visibilité se restreint au minimum en raison de puissantes tempêtes qui obscurcissent la perception de la réalité, c’est peut-être une bonne chose d’élever le regard, d’escalader le versant afin de trouver des points d’observation plus vastes, pour discerner le contexte dans lequel nous nous mouvons. En ce moment, alors que le monde est traversé de multiples contradictions et intérêts, il est urgent d’aiguiser les sens afin de pouvoir observer plus loin, ainsi que vers l’intérieur.

    En des temps de confusion où l’éthique fait naufrage, où les points de repère élémentaires disparaissent et que s’installe quelque chose de semblable à un «tout se vaut» qui permet de soutenir n’importe quelle cause pour autant qu’elle s’oppose à l’ennemi principal, au-delà de toute considération de principes et de valeurs. Des raccourcis qui aboutissent à des impasses, tel celui qui revient à réunir Poutine et Lénine, pour prendre un exemple presque à la mode.

    L’intervention russe en Syrie est un acte néocolonial, qui place la Russie du même côté de l’histoire que les Etats-Unis, la France et l’Angleterre. Les colonialismes bons, émancipateurs, n’existent pas. On aura beau justifier l’intervention russe en utilisant l’argument qu’elle freine l’Etat islamique et l’offensive impériale dans la région, il n’en restera pas moins qu’il s’agit d’une action symétrique utilisant des méthodes identiques et des arguments semblables.

    La question que je considère centrale est la suivante: pourquoi entend-on des voix de la gauche latino-américaine en soutien à Poutine? Il est évident que nombreux sont ceux qui ont placé leurs espoirs en un monde meilleur dans l’intervention de grandes puissances comme la Chine et la Russie, avec l’espoir qu’elles freinent ou qu’elles défassent les puissances encore hégémoniques. Cela est compréhensible, eu égard aux méfaits commis par Washington dans notre région [Amérique du Sud]. Mais c’est une erreur stratégique et une déviation éthique.

    Je voudrais éclairer cette conjoncture, particulièrement critique, en faisant appel à un document historique: la lettre qu’Aimé Césaire a adressée, en octobre 1956, à Maurice Thorez (secrétaire général du Parti communiste français). Le texte a été écrit lors d’un zigzag de l’histoire, peu après le XXe Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique au cours duquel les crimes du stalinisme furent dénoncés publiquement; soit le même mois que le soulèvement du peuple hongrois contre le régime bureaucratique pro-russe (qui se solda par plusieurs milliers de morts) et que de l’agression coloniale contre l’Egypte suite à la nationalisation du canal de Suez [en octobre Israël envahit la bande Gaza et le Sinaï et atteint la zone du canal; dès le 31 octobre la France et le Royaume-Uni bombardent les aérodromes de l’Egypte; début novembre des troupes françaises interviennent au sol; les Etats-Unis vsent à désamorcer la crise» et à avancer leurs pions; l’URSS soutient Nasser et construit une influence dans la région].

    Césaire quittait le parti (PCF) suite à un congrès honteux lors duquel la direction fut incapable de faire preuve de la moindre autocritique face aux révélations de crimes que, dans les faits, elle soutenait. Il naquit à la Martinique, tout comme Frantz Fanon, dont il fut l’enseignant de secondaire. Il fut poète et fondateur du mouvement de la négritude dans les années 1930. En 1950, il écrivit un Discours sur le colonialisme qui eut un grand impact au sein des communautés noires. Sa lettre à Thorez fut, pour reprendre les mots d’Immanuel Wallerstein, «le document qui expliqua et exprima le mieux la distanciation entre le mouvement communiste mondial et les divers mouvements de libération nationale» (dans son introduction au Discours sur le colonialisme [publié dans l’édition espagnole de 2006 parue chez l’éditeur] Akal, p. 8). Il y a trois questions qui, dans sa lettre, éclairent la crise des valeurs de la gauche que nous traversons actuellement.

    • La première tient au manque de volonté de rompre avec le stalinisme. Césaire se révolte contre le relativisme éthique qui prétend conjurer les crimes du stalinisme «par quelque phrase mécanique». C’est en effet au moyen d’une phrase fétiche, répétée, qui affirme que Staline «commit des erreurs». Assassiner des milliers de personnes n’est pas une erreur, même si l’on tue au nom d’une cause supposée juste.

    La plus grande partie de la gauche ne fit pas un bilan sérieux, autocritique, du stalinisme qui, ainsi que cela a été écrit dans ces pages [dans le journal mexicain La Jornada], va bien au-delà de la figure de Staline. Ce qui a donné vie au stalinisme est un modèle de société centré sur l’Etat et sur le pouvoir d’une bureaucratie qui se transforme en bourgeoisie d’Etat, qui contrôle les moyens de production. On continue de miser sur un socialisme qui répète ce modèle vieux et caduc de centralisation des moyens de production.

    • La deuxième question est que la lutte des opprimés «ne peut pas être traitée comme une partie d’un ensemble plus important», affirme Césaire, car existe une «singularité de nos problèmes qui ne se ramènent à nul autre problème». La lutte contre le racisme, ajoute-t-il, est d’une «tout autre nature que la lutte de l’ouvrier français contre le capitalisme français et ne saurait en aucune manière être considérée comme une partie, un fragment de cette lutte» [subordonné à cette dernière].

    Sur ce point, les luttes anticoloniales et antipatriarcales relèvent du même ordre. «Ces forces ne peuvent que s’étioler dans des organisations qui ne leur sont pas propres, faites pour eux, faites par eux et adaptées à des fins qu’eux seuls peuvent déterminer.» Aujourd’hui encore nombreux sont ceux qui ne comprennent pas que les femmes ont besoin de leurs propres espaces, à l’instar de tous les peuples opprimés.

    Césaire affirme qu’il s’agit de ne «pas confondre alliance et subordination», une chose très fréquente lorsque les partis de gauche prétendent «assimiler» les revendications des différentes sections de ceux d’en bas en une cause unique, au moyen de la sacro-sainte unité qui ne fait rien d’autre qu’homogéniser les différences, installant de nouvelles oppressions.

    • La troisième question qu’éclaire la lettre de Césaire, d’une actualité qui provoque la colère, est en rapport avec l’universalisme. Plus exactement, avec la construction d’universaux qui ne soient pas eurocentristes, au sein desquels la totalité ne s’impose pas aux diversités. «Il y a deux manières de se perdre: par ségrégation murée dans le particulier ou par dilution dans l’“universel”.»

    Nous sommes toujours loin de bâtir «un universel riche de tout le particulier, riche de tous les particuliers, approfondissement et coexistence de tous les particuliers», ainsi que l’écrivait Césaire il y a soixante ans.

    Ceux qui misent sur des pouvoirs symétriques à ceux qui existent, excluant et hégémoniques, mais de gauche; ceux qui opposent aux bombes mauvaises des Yankees les bonnes bombes des Russes suivent le chemin tracé par le stalinisme faisant table rase du passé et des différences, au lieu d’œuvrer à quelque chose de différent, pour un monde qui contient d’autres mondes.

    (Traduction A L’Encontre, article publié le 16 octobre dans le quotidien mexicain La Jornada. L’intégralité de la lettre d’Aimé Césaire peut se lire ici. Sur les impérialismes et la Syrie, nous renvoyons aux deux textes publiés sur ce site en date du 16 octobre: Ni Daech, ni Assad, pour une paix juste et du 19 octobre: «Empêcher l’effondrement du régime Assad»)

    Publié par Alencontre le 21 - octobre - 2015Par Raúl Zibechi
     
  • Israël-Palestine. «Pas de paix tant que l’occupation continue» (Al'Encontre.ch)

    Marwan Barghouti devant un tribunal de Tel-Aviv, en 2003

    Marwan Barghouti devant un tribunal de Tel-Aviv, en 2003

    Une grande partie des médias présente la situation à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et à Gaza comme une «soudaine explosion» qualifiée sommairement – avec un inuendo dépréciatif – d’«Intifada des couteaux». Or, au printemps 2015, dans un rapport des consuls généraux de l’Union européenne, présents en Israël et dans les territoires occupés, portant sur l’année 2014, ces derniers insistaient sur «la polarisation et la violence», sans commune mesure depuis 1967 ou la fin de la seconde Intifada (2005) à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Ce document, intitulé EU Heads of Mission (HOMS) Report on Jerusalem, a été publié en anglais et peut être consulté à l’adresse suivante: http://www.eccpalestine.org/wp-content/uploads/2015/03/EU_HOMS_REPORT_ON_JERUSALEM-2014.pdf.

    Il ressort, pour faire court, que: «Aussi longtemps que le statut de la ville ne sera pas résolu, un accord global entre Israéliens et Palestiniens ne sera pas possible. Ce point n’a jamais été aussi pertinent que cette année. […] Au cours de l’année 2014, la situation s’est gravement détériorée à Jérusalem dans pratiquement tous les domaines couverts par les rapports précédents.

    »L’expansion de la colonisation s’est poursuivie, y compris dans les zones très sensibles; des politiques très restrictives sur les constructions palestiniennes à Jérusalem ont été maintenues avec force et ont été suivies par des vagues de démolitions et d’expulsions; l’éducation pour les Palestiniens reste inéquitable; les Palestiniens continuent d’affronter des difficultés pour bénéficier des soins de santé; l’économie de Jérusalem-Est ne montre aucun signe d’amélioration. De surcroît, Israël a remis en vigueur des mesures punitives, comme la révocation des droits de résidence et la démolition des habitations des Palestiniens impliqués dans des attentats.»

    Le constat a été confirmé. Et les mesures répressives de l’Etat israélien se sont accentuées: blocus de Jérusalem-Est traité comme de fait intégré à Jérusalem-Ouest, revendication ouverte que les corps de Palestiniens tués ne seraient pas restitués aux familles (une pratique existant depuis longtemps, mais rarement revendiquée, le «cimetière des numéros» se trouve dans un camp militaire israélien tenu secret), encouragement au port d’armes pour les citoyens et citoyennes (à l’exception des citoyens arabes israéliens), tirs à balles réelles indiscriminés étayés par la loi, etc. Les médias qui dénoncent la violence de jeunes Palestiniens, poignardant des Israéliens, font une différence qualitative entre une exécution effectuée par un drone israélien et une attaque avec un couteau. «S’opposer à la violence» – quand bien même lutter contre une occupation militaire relève d’un droit légitime – impliquerait de dénoncer tout ce genre de violences. Le climat créé par les autorités et pas seulement par quelques groupes nationalistes et/ou intégristes extrémistes aboutit à ce que Dahlia Scheindlin décrit ainsi: «Jérusalem est devenu un mini-Etat policier et une capitale fantôme» (site israélien +972, 20 octobre 2015).

    Zev Sternhell, membre de l’Académie israélienne des sciences et lettres, professeur à l’université hébraïque de Jérusalem, commençait ainsi une longue tribune publiée dans Le Monde du 13 octobre: «C’est contre la colonisation continue des territoires conquis en 1967 que se révoltent une fois de plus en ce moment les Palestiniens. Ils comprennent que la colonisation vise à perpétuer l’infériorité palestinienne et rendre irréversible la situation qui dénie à leur peuple ses droits fondamentaux.»

    Marwan Barghouti, détenu dans une prison israélienne de haute sécurité depuis 2002, a transmis au quotidien anglais The Guardian le texte que nous publions ci-dessous. Il est en syntonie, sur le fond, avec Zev Sternhell. (Rédaction A l’Encontre)

    Par Marwan Barghouti:

    L’escalade de violence actuelle n’a pas commencé lorsque deux colons israéliens ont été tués le 3 octobre. Cette escalade a commencé il y a bien longtemps et a continué durant des années. Chaque jour, des Palestiniens sont tués, blessés et arrêtés. Chaque jour, la colonisation avance, le siège de notre peuple à Gaza se prolonge, l’oppression persiste. Alors que beaucoup veulent que nous nous sentions écrasés par les conséquences potentielles d’une nouvelle spirale de violence, je demande – comme je le plaidais en 2002 – de nous occuper des causes fondamentales de cette situation: la négation de la liberté des Palestiniens.

    Quelques-uns ont suggéré que la raison pour laquelle un accord de paix n’avait pu être atteint résidait dans le manque de volonté du président Yasser Arafat [mort en novembre 2004] ou l’incapacité du président Mahmoud Abbas [élu en janvier 2005]. Or, les deux étaient prêts et capables de signer un accord de paix. Le problème réel est qu’Israël a choisi l’occupation et non la paix, a utilisé les négociations comme un écran de fumée pour camoufler l’avance de son projet colonial. Chaque gouvernement dans le monde est conscient de ce simple fait et néanmoins beaucoup prétendent que revenir aux recettes ayant échoué dans le passé pourrait faire aboutir la liberté et la paix. Cette absurdité est répétée sans cesse tout en en attendant des résultats différents.

    Il ne peut y avoir de négociations sans un compromis avec Israël impliquant un retrait complet des territoires palestiniens occupés en 1976, y compris Jérusalem-Est; sans mettre fin totalement à tous les aspects de la politique coloniale; sans la reconnaissance du droit inaliénable du peuple palestinien, y compris son droit à l’autodétermination et au retour; et sans la libération de tous les prisonniers palestiniens. Nous ne pouvons coexister avec l’occupation et nous n’allons pas capituler face à elle.

    On nous a demandé d’être patients et nous l’avons été, donnant chance après chance à ce qu’un accord de paix soit atteint. Peut-être est-il utile de rappeler au monde que notre dépossession, que notre exil forcé et notre transfert [sur d’autres terres et dans d’autres pays] et finalement notre oppression durent maintenant depuis près de 70 ans. Nous représentons l’unique question qui reste à l’agenda de l’ONU depuis la fondation de cette dernière. On nous a dit que si nous avions recours à des moyens pacifiques et aux canaux diplomatiques, nous recevrions l’appui de la communauté internationale pour mettre fin à l’occupation. Toutefois, au même titre que durant la période qui s’est ouverte en 1999 [accord de Charm el-Cheikh signé entre les représentants de l’OLP et de l’Etat israélien], la communauté internationale échoue à nouveau à prendre quelques initiatives significatives, que ce soit en mettant en place un cadre international pour appliquer la loi internationale et les résolutions de l’ONU ou que ce soit en prenant des mesures assurant que les responsabilités soient établies, en incluant le boycott, les désinvestissements et les sanctions, mesures qui ont joué un rôle crucial pour que le régime d’apartheid [sud-africain] soit éliminé.

    Ainsi, en l’absence d’une action internationale pour mettre fin à l’occupation israélienne et à l’impunité du pouvoir israélien, ou même pour assurer notre protection, que nous demande-t-on de faire? Rester là et attendre que la prochaine famille palestinienne soit brûlée [incendie la nuit de la maison d’une famille palestinienne dans le village de Douma, le 31 juillet, un enfant et trois membres de la famille sont décédés], qu’un autre enfant palestinien soit tué [référence est faite à Mohamed Abu Khdeir, kidnappé par des colons et brûlé vif, le 4 juillet 2014], qu’une nouvelle colonie soit construite? Le monde entier sait que Jérusalem est la flamme qui peut inspirer la paix et aussi provoquer la guerre. Pourquoi dès lors le monde reste coi alors que les attaques israéliennes contre le peuple palestinien dans la ville qui est le lieu saint des musulmans et des chrétiens, en particulier pour ce qui a trait à la Mosquée Al-Aqsa, continuent sans relâche. Les actions et les crimes de l’Etat israélien non seulement détruisent la solution des deux Etats sur les frontières de 1967, mais violent la loi internationale. Ils menacent de transformer une solution politique viable en une guerre religieuse sans fin qui minera la stabilité dans cette région qui subit déjà des bouleversements sans précédent.

    Personne sur terre n’accepterait de vivre sous l’oppression. Par définition, les êtres humains aspirent à la liberté, luttent pour la liberté, se sacrifient pour la liberté, et la liberté du peuple palestinien lui est due depuis longtemps. Pendant la première Intifada [commencée en décembre 1987], le gouvernement israélien a lancé une politique de «briser les os pour briser la volonté» [la formule fait référence à l’ordre d’Yitzhak Rabin, alors ministre de la Défense, de «briser les os» des lanceurs de pierres], mais génération après génération, le peuple palestinien a donné la preuve que sa volonté était inflexible et cela n’a pas besoin d’être testé.

    La nouvelle génération palestinienne n’a pas attendu l’aboutissement de discussions de réconciliation pour concrétiser une unité nationale que les partis politiques [Fatah et Hamas] ont échoué à concrétiser. Cette nouvelle génération s’est élevée au-dessus des divisions politiques et de la fragmentation géographique [entre les divers «bantoustans» créés par le système de colonisation israélien en Cisjordanie, à quoi s’ajoutent le statut de Jérusalem-Est et la césure entre la Cisjordanie et Gaza]. Cette génération n’a pas attendu des instructions pour exiger ses droits et accomplir son devoir: résister à l’occupation. Elle le fait sans armes, tout en devant s’affronter à l’une des plus puissantes forces militaires dans le monde. Dès lors, nous sommes convaincus que cette liberté et cette dignité doivent triompher et nous vaincrons. Le drapeau que nous avons brandi avec fierté à l’ONU [le drapeau palestinien a été déployé à l’ONU pour la première fois après l’Assemblée générale fin septembre 2015] va flotter un jour sur les murailles de la vieille ville de Jérusalem pour signaler notre indépendance.

    J’ai adhéré au combat pour l’indépendance de la Palestine il y a 40 ans et je fus incarcéré pour la première fois à l’âge de 15 ans. Cela ne m’a pas empêché de plaider pour la paix en accord avec la loi internationale et les résolutions de l’ONU. Mais Israël, la puissance occupante, a méthodiquement détruit cette perspective année après année. J’ai passé 20 ans de ma vie dans les prisons israéliennes, y compris les 13 dernières années, et ces années m’ont rendu encore plus certain de cette vérité inaltérable: le dernier jour de l’occupation sera le premier jour de paix. Ceux qui veulent la paix ont besoin d’agir, d’agir maintenant, pour que survienne ce moment. (Article publié dans The Guardian, le 11 octobre 2015, traduction A l’Encontre)

    Publié par Alencontre le 21 - octobre - 2015
     
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  • Tribune de Marwan Barghouthi (Afps)

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    Aucun peuple sur terre n’accepterait de coexister avec l’oppression. Par nature, les êtres humains aspirent à la liberté, luttent pour la liberté, se sacrifient pour la liberté. Et la liberté du peuple palestinien n’a que trop tardé.

    Marwan Barghouthi, leader palestinien emprisonné, député, Président du groupe d’amitié avec la France au Conseil Législatif Palestinien, Membre du Comité Central du Fatah, souvent appelé « le Mandela palestinien »

    L’escalade n’a pas débuté avec la mort de deux colons israéliens.

    Elle a débuté il y a longtemps, et s’est poursuivie durant des années. Chaque jour, des Palestiniens sont tués, blessés, arrêtés. Chaque jour, le colonialisme avance, le siège contre notre peuple à Gaza se poursuit, l’oppression et l’humiliation persistent. Alors que certains veulent que nous soyons accablés par les conséquences potentielles d’une nouvelle spirale de la violence, je continue à plaider, comme je l’ai fait en 2002 , pour que l’on s’attaque aux causes de cette violence : le déni de liberté pour les Palestiniens.

    Certains ont suggéré que la raison pour laquelle nous ne sommes pas parvenus à conclure un accord de paix est le manque de volonté de feu Président Yasser Arafat ou du manque de capacité du Président Mahmoud Abbas, alors que tous les deux étaient prêts et capables de signer un tel accord. Le véritable problème est qu’Israël a choisi l’occupation aux dépens de la paix et a usé des négociations comme d’un écran de fumée pour faire avancer son projet colonial. Tous les gouvernements au monde connaissent pertinemment cette vérité élémentaire et pourtant nombre d’entre eux prétendent que le retour aux recettes éculées nous permettra d’atteindre la liberté et la paix. La folie c’est de répéter sans arrêt la même chose et d’espérer un résultat différent. Il ne peut y avoir de négociations sans un engagement israélien clair de se retirer complètement du territoire qu’Israël a occupé en 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, une fin de l’ensemble des politiques coloniales, la reconnaissance des droits inaliénables du peuple palestinien, y compris le droit à l’auto-détermination et au retour, et la libération de tous les prisonniers palestiniens. Nous ne pouvons coexister avec l’occupation israélienne, et nous ne capitulerons pas devant elle.

    On nous a demandé d’être patients, et nous l’avons été, donnant une chance après l’autre pour la conclusion d’un accord de paix, y compris depuis 2005 et jusqu’à aujourd’hui. Il est peut-être utile de rappeler au monde que notre dépossession, exil et transfert forcés, et l’oppression que nous subissons ont duré près de 70 ans et nous sommes le seul point toujours à l’agenda des Nations Unies depuis sa création. On nous a dit qu’en ayant recours aux moyens pacifiques et aux cadres diplomatiques et politiques, nous engrangerions le soutien de la communauté internationale pour mettre fin à l’occupation. Et pourtant, comme en 1999 à la fin de la période intérimaire, la communauté internationale n’a pas réussi à adopter une seule mesure significative, y compris mettre en place un cadre international assurant la mise en œuvre du droit international et des résolutions onusiennes, et adopter des mesures pour mettre fin à l’impunité, y compris à travers le boycott, les désinvestissements et les sanctions, en s’inspirant des outils qui ont permis de débarrasser le monde du régime d’apartheid.

    En l’absence d’intervention internationale pour mettre fin à l’occupation, et en l’absence d’actions sérieuses des gouvernements pour mettre fin à l’impunité d’Israël, et en l’absence de toute perspective de protection internationale accordée au peuple palestinien sous occupation, et alors même que la colonisation et ses manifestations diverses, y compris les attaques violentes des colons israéliens, s’intensifient, que nous demande-t-on de faire ? Laisser faire et attendre qu’une autre famille palestinienne se fasse brûler, qu’un autre jeune palestinien se fasse tuer, qu’une nouvelle colonie soit construite, qu’une autre maison palestinienne soit détruite, qu’un autre enfant palestinien soit arrêté, qu’une nouvelle attaque de colons ait lieu, qu’une autre agression contre notre peuple à Gaza soit lancée ? Le monde entier sait pertinemment que Jérusalem est la flamme qui peut inspirer la paix ou déclencher la guerre. Alors pourquoi demeure-t-il impassible alors que les attaques israéliennes contre le peuple palestinien dans la ville et les lieux saints musulmans et chrétiens, notamment Al-Haram Al-Sharif, continuent sans relâche ? Les actions et les crimes israéliens ne détruisent pas seulement la solution à deux Etats sur les frontières de 1967 et violent le droit international. Ils menacent de transformer un conflit politique qui peut être résolu en un conflit religieux éternel qui ne fera que déstabiliser plus avant une région qui fait déjà l’expérience de bouleversements sans précédents.

    Aucun peuple sur terre n’accepterait de coexister avec l’oppression. Par nature, les êtres humains aspirent à la liberté, luttent pour la liberté, se sacrifient pour la liberté. Et la liberté du peuple palestinien n’a que trop tardé. Pendant la première Intifada, le gouvernement israélien a lancé une politique « briser leurs os pour briser leur volonté », mais une génération après l’autre, le peuple palestinien a démontré que sa volonté ne peut être brisée et ne doit pas être testée.

    Cette nouvelle génération palestinienne n’a pas attendu les pourparlers de réconciliation pour incarner une unité nationale que les partis politiques ont échouée à réaliser, dépassant les divisions politiques et la fragmentation géographique. Elle n’a pas attendu d’instructions pour mettre en œuvre son droit, et même son devoir, de résister à cette occupation. Elle le fait sans armes, alors même qu’elle est confrontée à une des plus importantes puissances militaires au monde. Et pourtant, nous demeurons convaincus que la liberté et la dignité l’emporteront, et que nous triompherons. Et que le drapeau palestinien que nous avons levé avec fierté à l’ONU flottera au-dessus des murailles de la vieille ville de Jérusalem, pas pour un jour, mais pour toujours.

    J’ai rejoint la lutte palestinienne pour l’indépendance il y a 40 ans, et fus emprisonné pour la première fois à l’âge de 15 ans. Cela ne m’a pas empêché de plaider pour une paix fondée sur le droit international et les résolutions de l’ONU. Mais j’ai vu Israël détruire méthodiquement cette perspective année après année. J’ai passé 20 ans de ma vie dans les geôles israéliennes, y compris les 13 dernières années, et ces années n’ont fait que renforcer ma foi en cette vérité inaltérable : le dernier jour de l’occupation sera le premier jour de paix. Ceux qui veulent réaliser cette dernière doivent agir, et agir maintenant, pour précipiter la première.

    Marwan Barghouthi prison de Hadarim cellule n°28

    The Guardian - octobre 2015, lundi 12 octobre 2015

    http://www.france-palestine.org/Tribune-de-Marwan-Barghouthi

  • Rony Brauman sur France 24: "On s’achemine vers une démission de l’Autorité palestinienne" (Ujfp)

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    À l’heure où des heurts embrasent la Cisjordanie et Jérusalem-Est, certains craignent l’éclatement d’une troisième intifada. Pour Rony Brauman, professeur à Sciences-Po, ces événements démontrent la fin proche de l’Autorité palestinienne.

    La vague de violences qui secoue Jérusalem et la Cisjordanie réveille une nouvelle fois de plus le spectre d’une troisième intifada chez certains. Lundi 5 octobre, un adolescent palestinien a été tué par l’armée israélienne lors d’affrontements. Côté israélien, quatre personnes sont mortes depuis jeudi, deux criblées de balles en Cisjordanie, et deux autres dans une attaque au couteau dans la Vieille ville de Jérusalem.

    Face à cette escalade de tensions, l’État hébreu a décrété un durcissement des mesures répressives, interdisant l’accès à la Vieille ville de Jérusalem-Est aux Palestiniens.

    Décryptage de la situation avec Rony Brauman, ancien président de MSF et professeur en relations internationales à Sciences-Po et auteur du livre "Manifeste pour les Palestiniens".

    France 24 : Assiste-t-on au début d’une nouvelle intifada, comme le redoute le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Martin Schäfer, ou comme l’interroge le quotidien israélien "Yedioth Aronoth" ?

    Rony Brauman : C’est difficile à dire, mais ces déclarations annonçant une troisième intifada ont quelque chose de rituel. À l’automne 2014, déjà, lors d’une poussée d’agressions, beaucoup avaient prédit l’éclatement d’un nouveau cycle de violences.

    Ce qui est sûr, c’est que le niveau de répression et de harcèlement en Cisjordanie augmente. Le gouvernement israélien s’autorise l’une des mesures les plus barbares qui soit : la destruction des habitations appartenant aux auteurs d’attentat ou à leur famille [Benjamin Netanyhaou a ordonné d’accélérer ces démolitions de maisons dans l’objectif de donner à réfléchir à ceux qui veulent perpétrer des attaques, NDLR]. Or, cela relève de la punition collective et ce concept est rejeté dans le droit moderne. Pour ce qui est de l’interdiction de l’accès à la Vieille Ville de Jérusalem pour les Palestiniens [cette mesure, annoncée dimanche 4 octobre pour une durée de deux jours, a été décrétée à la suite d’attaques qui ont coûté la vie à deux Israéliens, NDLR], il s’agit d’une décision très rare, sinon inédite.

    Pour preuve de la montée des tensions, un récent sondage indique qu’une majorité de Palestiniens est favorable à un soulèvement armé en l’absence de discussions de paix. Tout cela indique que les attentats, les harcèlements et les passages à l’acte ne vont pas s’arrêter aujourd’hui.

    F24 : Dans ce contexte, ni le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, ni le dirigeant palestinien, Mahmoud Abbas, n’appellent au calme. L’un a promis de durcir la répression, parlant d’"un combat jusqu’à la mort contre le terrorisme palestinien", l’autre a affirmé ne plus se considérer comme lié par les accords passés avec Israël. Que faut-il en penser ?

    R. B. : Pour ce qui est des Israéliens, ils soufflent depuis toujours le chaud et le froid. Benjamin Netanyahou avait, avant son élection, déclaré qu’il n’y aurait pas d’État palestinien de son vivant. Puis après avoir été élu, il a dit que c’était envisageable à certaines conditions. En Israël, on est habitué à revenir sur ce genre de déclarations martiales.

    En ce qui concerne Mahmoud Abbas, sa déclaration est un pas symbolique. Les accords d’Oslo, ce moment très positif des années 1990, viennent d’être remis en question. Benjamin Netanyahou, lui, a toujours dit que ces accords étaient un chiffon de papier sur lequel il s’asseyait, alors pourquoi Mahmoud Abbas a-t-il tant tardé pour faire ce genre de déclaration ? C’était la moindre des choses.

    F24 : Comment voyez-vous la situation évoluer ?

    R. B.  : L’étape suivante devrait être une démission de l’Autorité palestinienne, ce qui serait l’ultime sursaut d’honneur des Palestiniens. Mahmoud Abbas pourrait déclarer sa propre faillite, et symboliquement remettre les clés de la Cisjordanie aux Israéliens, ce qui serait certes un aveu d’échec. Mais le rapport de force n’est de toute façon pas en sa faveur. Ce cas de figure mènerait à la création d’un État binational avec les mêmes droits pour l’ensemble des citoyens. Cette option terrifie côté israélien, mais séduit de plus en plus de personnes côté palestinien.

    De toute façon, l’Autorité palestinienne n’a d’autorité que le nom. Il s’agit davantage d’un pouvoir municipal avec un fragment d’autorité sur les questions routières et l’aménagement des parcs et des jardins que d’un gouvernement. Ce pouvoir, qui ne dispose pas de ministère de la Défense, sert uniquement d’alibi politique et de punching ball aux Israéliens. Ces derniers assurent vouloir discuter avec ce partenaire mais regrettent son incompétence… Tout cela, c’est de la démagogie.

     
    mardi 13 octobre 2015 par Rony Brauman Texte par Charlotte OBERTI

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4441

  • Nouveautés sur Orient 21

  • Il y a 70 ans, l'ONU : la paix impérialiste... ou la guerre permanente ? (Npa)

     

    «Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui, deux fois en l’espace d’une vie humaine, a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances... », est-il écrit dans le préambule de la Charte des Nations unies signée le 26 juin 1945 à San Francisco... quelques semaines avant les bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki.
    Ces louables déclarations d’intention indiquent un des objectifs de la fondation de l’ONU : répondre aux aspirations des peuples à la paix. Les classes dominantes et les États déconsidérés avaient besoin de recréer la confiance face à ce qu’ils pensaient être la menace du communisme, de la révolution. Dans le même temps, il s’agissait pour la puissance dominante qui avait affirmé son leadership à travers la guerre, de se donner les moyens politiques, avec ses alliés, d’assurer sa domination.
    Le monde n’était pas pour autant entré dans une marche tranquille vers la paix. Celle-ci n’est, dans le monde capitaliste, que la gestion d’un rapport de forces dans lequel les armes diplomatiques ne valent guère, si elles ne sont pas fondées sur des armes matérielles bien réelles... Le droit international est en fait la codification de ce rapport de forces écrit par les puissances dominantes.
    L’intervention des peuples, les révolutions coloniales – Vietnam, Palestine, Cuba, Algérie... – ont bousculé le jeu des grandes puissances. Les luttes d’émancipation nationale ont fait passer le nombre d’États membres de 51 États fondateurs à 193. L’émergence des peuples a rendu de plus en plus difficile le maintien de l’ordre mondial impérialiste. L’URSS s’est effondrée, et les USA ont vu leur prédominance s’affaiblir devant les pays émergents.
    La « coexistence pacifique » d’hier, accord tacite entre les USA et l’URSS, a aujourd’hui cédé la place à un monde éclaté. Cadre de cette coexistence, l’ONU n’a plus pour fonction que de légitimer les interventions menées ou commanditées par les USA. L’Otan est devenue l’instrument militaro-diplomatique prépondérant pour maintenir leur ordre mondial. La non-ingérence dans les affaires intérieures des États, censée être un principe de base de l’ONU, est aujourd’hui constamment transgressée. Avec la mondialisation, l’essentiel des tensions internationales dérive des formidables contradictions engendrées par l’offensive du capital et la concurrence internationale, ainsi que par les interventions des grandes puissances qui créent une situation de chaos au Moyen-Orient, en Afrique ou en Ukraine. L’instabilité, l’insécurité, la pauvreté, les inégalités croissantes, la précarité sanitaire, engendrent des tensions internes et déstabilisent les États.
    Les ambitions initiales, « favoriser le progrès économique et social de tous les peuples », sont restées des mots creux. L’ONU a été tout aussi incapable d’assurer « le développement humain » que la paix ou aujourd’hui la lutte contre le réchauffement climatique. Cadre politique de la mise en œuvre de la volonté des grandes puissances au service des multinationales qui ont mis le monde en coupe réglée, l’ONU a perdu tout rôle réel si ce n’est de continuer à tenter de donner une légitimité à une politique qui accentue de façon dramatique les inégalités, et engendre le chaos et la guerre.
    Yvan Lemaitre


    Aux origines, la Société des Nations

    Lénine appelait la SDN la « caverne des brigands ». Elle a pourtant fait illusion...

    Le projet avait été avancé par le président des États-Unis Wilson pour une « paix juste et équitable » en janvier 1918. Le plan en « 14 points » prétendait refonder les relations internationales autour de quelques principes, comme la fin de la diplomatie secrète, le désarmement, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la liberté de commerce et l’établissement d’une Société des Nations susceptible de garantir la paix par l’arbitrage international, et la mise en place d’un système de sécurité collective.
    Souvent qualifié d’idéaliste tout en n’ayant pas hésité un instant à intervenir contre le Mexique insurgé quelques années plus tôt, Wilson devait faire face en ce début d’année 1918 à une situation incertaine : les États-Unis venaient juste d’entrer effectivement en guerre, et l’Allemagne, libérée sur le front oriental par la révolution russe, avait encore les moyens de négocier une paix honorable. Il fallait également contrer la propagande des bolcheviks sur la paix et le droit des peuples.
    Les « 14 points » étaient truffés de contradictions, mais ils furent de toute façon jetés aux oubliettes. Après novembre 1918, le droit des vainqueurs s’imposa en écrasant les vaincus (« Le boche paiera » dixit Clemenceau), avec sa diplomatie secrète accouchant de nombreux traités, dont celui de Versailles redécoupant en fonction des intérêts des grandes puissances et des rapports de forces les territoires, en Europe mais aussi au Moyen-Orient. Une majorité républicaine élue en 1920 aux États-Unis, partisane d’un retour à l’isolationnisme, décida d’arrêter les frais. La SDN voulue par Wilson eut bien du mal à s’en remettre.

    Vers une nouvelle guerre impérialiste
    On a souvent pointé la faiblesse de la SDN à cause de ses problèmes de fonctionnement. C’est évidemment une illusion. Il fallait certes l’unanimité pour la prise de décision (mais est-ce différent du droit de veto appliqué pour l’ONU ?). En dehors de cela, les dispositifs étaient fondamentalement les mêmes, puisque le « pacte de la SDN » adopté en 1919 prévoyait explicitement la possibilité de mettre en place une force internationale.
    En fait, la SDN suivit les aléas de la diplomatie, elle-même rythmée par les soubresauts du capitalisme. L’Allemagne y entra en 1926 une fois la situation stabilisée, ce qui donna lieu à un discours épique d’Aristide Briand sur « l’œuvre de paix universelle ». Le même proposa un pacte en 1928 qui mettrait la guerre « hors-la-loi », signé par la quasi-totalité des pays indépendants à cette époque. Puis ce fut la crise de 1929 et ses conséquences, et « l’esprit de Genève » qui s’en alla à vau-l’eau.
    Hitler décida de s’en aller dès 1933, avant de commencer à réarmer et à multiplier les annexions après 1935. Le Japon fit de même en 1933 après l’annexion de la Mandchourie. L’absence de volonté d’appliquer la moindre sanction contre l’Italie qui venait d’envahir l’Éthiopie fut particulièrement significative, ce qui n’empêcha pas Mussolini de faire un peu de cinéma et de partir à son tour en 1937. Par contre, la SDN fit le choix d’accueillir l’URSS de Staline en 1934 avant de l’expulser en 1939 après l’invasion de la Finlande. À cette date, elle n’était plus qu’une coquille vide. Une nouvelle guerre pour le partage du monde pouvait commencer...

    Jean-François Cabral

    Une naissance sur les fonts baptismaux des USA

    La nouvelle guerre impérialiste – qui avait pris une dimension réellement mondiale en 1941 avec l’entrée dans le conflit des États-Unis et de l’URSS – fut présentée par les vainqueurs comme une victoire des « démocraties » contre les « dictatures »...

    C’était l’esprit de la « Charte de l’Atlantique » rédigée la même année qui servit de base à la propagande jusqu’à la fin de la guerre.
    Fondée lors de la conférence de San Francisco en juin 1945 par une cinquantaine d’États (à l’exclusion des pays vaincus), l’ONU devait participer à la reconstruction d’un « nouvel ordre mondial » complété par diverses institutions financières suite aux accords de Bretton Woods l’année précédente (avec le FMI et la BIRD, ancêtre de la Banque mondiale).
    La Charte de l’ONU était significative : elle proclamait sa « foi dans les droits fondamentaux de l’homme » (une « déclaration universelle » fut ensuite adoptée en 1948), dans le « progrès social » et une « liberté plus grande » sans lesquels la paix n’est pas possible. On pouvait certes y voir une évolution dans la réflexion après les années 1930 et une manière aussi de prendre en compte les aspirations des peuples à la fin de la guerre. Cela s’est même traduit par la mise en place de nombreuses institutions : outre l’OIT sur le droit du travail, la FAO (agriculture et alimentation), l’UNESCO (éducation et culture), l’UNICEF (enfance), l’OMS (santé)… Mais l’hypocrisie était une nouvelle fois au rendez-vous.

    L’ordre règne
    L’adoption de la Charte au mois de juin eut lieu très exactement entre la conférence de Yalta en février, celle de Potsdam en juillet, et le largage des bombes atomiques en août. La séquence chronologique était totalement cohérente. À Yalta, on proclamait le droit des peuples à choisir librement leur gouvernement, mais dès octobre 1944, Churchill était allé cyniquement négocier le découpage de l’Europe avec Staline comme il l’a raconté lui-même dans ses mémoires. En juillet à Postdam, il fallut affiner en fonction des rapports de forces sur le terrain, tandis que la démonstration de force à Nagasaki et à Hiroshima était destinée de son côté à empêcher l’URSS d’intervenir sur le front asiatique et de prétendre négocier la même chose dans cette partie du monde. Mais en Europe, ce sont toutes les grandes villes qui ont été rasées, broyant au passage les populations civiles et leurs possibles réactions. La notion de « crime de guerre » fut mise à l’honneur l’année suivante au procès de Nuremberg... mais pas pour les vainqueurs. Quant aux peuples colonisés, ils n’étaient visiblement pas concernés par le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »...
    Il y avait d’autres urgences. La course entre les « deux grands » avait commencé bien avant le déclenchement officiel de la guerre froide en 1947. Un droit de veto avait été institué dès 1945 pour les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, symbole de cette rivalité et de la mainmise des grandes puissances sur le monde.

    Jean-François Cabral

    Une politique au service des USA

    Dès sa fondation, l’ONU est l’instrument de la politique américaine dite de « containment » face à l’URSS.

    Ce fut d’abord le partage de l’Allemagne, avec le blocus de Berlin en 1948, puis la guerre de Corée en 1950 où l’ONU légitima l’intervention militaire américaine, une guerre de trois ans pendant laquelle Mac Arthur menaça d’employer la bombe atomique.
    Faisant silence sur la politique de la France dans ses colonies, au Vietnam, au Maroc, en Algérie sans oublier les Antilles, le Conseil de sécurité condamne l’intervention de l’URSS pour écraser la révolution hongroise de 56. Puis, sous la pression des USA défendant leurs propres intérêts au Moyen-Orient, l’ONU se désolidarise de la coalition anglo-franco-­israélienne contre Nasser et l’Égypte qui viennent de décider de nationaliser le canal de Suez. Elle décide l’envoi de troupes pour faire pression pour des négociations. Naissent alors les « casques bleus », nom donné aux troupes commandées par l’ONU.
    En 1957, l’Assemblée générale vote une résolution pour « le respect sur le plan international du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », un concentré de son impuissance et de son cynisme, « ce machin », disait de Gaulle... Son rôle ­pitoyable lors de l’indépendance du Congo en 1960, où elle se fait le complice de l’État colonial belge et de l’assassinat de Lumumba, en est une sinistre illustration.
    Après l’effondrement de l’URSS au début des années 1990, la première guerre d’Irak de février 91, l’opération « tempête du désert » commanditée par l’ONU est militairement dirigée directement par les USA. Une nouvelle période s’ouvre. Sous la houlette de Bush, les USA veulent dessiner un nouvel ordre mondial « où les Nations unies, libérées de la guerre froide, sont en mesure de réaliser la vision historique de leurs fondateurs ». En fait la décennie des années 90 deviendra « la décennie des sanctions » : Irak (1991), Somalie (1992), Bosnie (1992), Haïti (1994), Rwanda (1994), Zaïre (1996), Albanie (1997), Sierra Leone (1999), Timor oriental (1999), Kosovo (1999), Afghanistan (2002), Burundi (2004)...
    En 1991, commence aussi la guerre en Yougoslavie qui éclate sous la pression des grandes puissances européennes. Les USA y interviennent dans le cadre de l’Otan, écartant l’ONU, y compris des négociations de Dayton en 1995. Puis, l’ONU appellera l’Otan à intervenir dans la guerre du Kosovo...

    Leur « nouvel ordre mondial »
    Le nouvel ordre de Bush est celui de l’offensive cynique et brutale des USA pour imposer leur leadership au monde en se servant de l’ONU comme paravent démocratique de leur bras armé, l’Otan. Le 7 octobre 2001 commence la guerre en Afghanistan, l’opération « Enduring freedom », le 18 février 2003 la deuxième guerre d’Irak, puis, Saddam Hussein renversé, l’occupation militaire du pays.
    L’ONU se soumet au principe de « la guerre préventive » avant de faire sien celui du « droit d’ingérence ». Le17 mars 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU demanda aux États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la population libyenne. L’opération militaire internationale « Aube de l’odyssée » est lancée le 19 mars. Puis, la même année, la résolution 1975 du Conseil de sécurité sur la situation en Côte d’Ivoire impose des sanctions contre Laurent Gbagbo, en soutien à Ouattara. Elle débouchera sur l’intervention de la force française Licorne en soutien aux troupes d’Ouattara. Ensuite ce sera l’adoption de la résolution 1973 par les affrontements par groupes locaux interposés en Ukraine, en Syrie ou au Yémen, la coalition contre Daesh.
    Le libéralisme est indissociable d’une politique impérialiste et militariste. Comme l’écrivait le journaliste américain Thomas Friedman : « L’intégration économique de la planète requiert la disposition de la puissance américaine à utiliser sa force contre ceux qui, de l’Irak à la Corée du Nord, menaceraient le système de mondialisation. La main invisible du marché ne peut pas fonctionner sans un poing caché. McDonald’s ne peut pas fonctionner sans McDonnell Douglas... ».

    Yvan Lemaitre

    Quand les peuples s’en mêlent...

    L’accession de plusieurs anciennes colonies à l’indépendance (à commencer par l’Indonésie en 1945 – elle ne sera reconnue qu’en 1949 –, l’Inde et le Pakistan en 1947, la Birmanie et le futur Sri Lanka en 1948), ont commencé à bousculer les choses.

    Les pays du bloc dit « socialiste » et les pays ayant accédé à l’indépendance – dits du « tiers monde » – vont ainsi temporairement former une majorité non homogène sur les questions ayant trait à la décolonisation. Cela durera au moins jusqu’au vote de la résolution de 1975 sur le caractère raciste du sionisme, qui verra le représentant des USA quitter l’hémicycle.
    À partir de la « conférence des nations afro-asiatiques » organisée du 18 au 24 avril 1955 à Bandung en Indonésie et regroupant 29 pays indépendants (alors que la majorité des pays africains n’obtiendront l’indépendance qu’à partir de 1960), ces États déclarent « leur refus d’être les instruments des rivalités des grandes puissances », affirment « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », et lancent le mouvement des pays non ­alignés. Ils cherchent à peser de façon autonome : votant sur les sujets géopolitiques ou relatifs à l’ordre économique mondial avec les pays « socialistes », mais gardant par ailleurs une liberté politique vis-à-vis de l’URSS et de la République populaire de Chine (cette dernière n’accédant à l’ONU qu’en 1971, le siège chinois était jusque-là réservé à l’île de Taïwan et à son gouvernement « anticommuniste »...).

    Une décolonisation inachevée
    L’ONU est contrainte de prendre en compte le processus de décolonisation : le Comité spécial de décolonisation est créé en 1961 et fait condamner par des votes en assemblée générale les puissances coloniales qui refusent de se retirer (la Grande-Bretagne en Rhodésie, le Portugal dans ses colonies africaines…), des votes assez formels...
    Les gouvernements du « tiers monde » qui se réclament d’une inspiration révolutionnaire, ­notamment castriste et/ou guévariste, cherchent en même temps à se doter de structures transnationales propres. Du 3 au 15 janvier 1966 se déroule, à La Havane, la conférence tricontinentale qui lance l’Organisation latino-­américaine de solidarité (OLAS) qu’il est question d’élargir aux mouvements d’émancipation des Noirs nord-américains. Mais les rivalités politiques, surtout entre l’URSS et la Chine, et les tentatives d’instrumentalisation qui en résultent, sabotent le processus.
    Aujourd’hui, le Comité spécial de décolonisation des Nations unies tient à jour une liste de « territoires non autonomes », actuellement 19, qui restent à décoloniser. Certains dossiers y sont inscrits depuis longtemps, comme le Sahara Occidental (depuis 1965). Malgré l’hostilité du pouvoir français, la Polynésie française, qui avait été retirée de la liste, y a été de nouveau rajoutée en mai 2013...
    Le 19 juin 2014, un représentant… de l’État d’Israël, Mordehai Amohai, a été élu au poste de vice-président du Comité spécial. Plus qu’un symbole...

    Bertold du Ryon

    Israël foule aux pieds les résolutions de l’ONU

    Adoubé à sa naissance par les grandes puissances occidentales et l’URSS, Israël a toujours depuis foulé aux pieds le droit international. Enfant gâté de l’ONU, ce ne sont pas moins de 34 résolutions le concernant auxquelles l’État sioniste a refusé de se soumettre depuis sa création...

    Cette mansuétude toute particulière illustre à quel point l’ONU pratique la politique du « deux poids, deux mesures », donnant son feu vert aux pires interventions impérialistes et acceptant qu’en permanence, un de ses États membres s’assoie sur les votes de l’assemblée générale. Parmi les 34 violations des résolutions de l’ONU commises par Israël, nous ne nous attarderons que sur les plus significatives.
    Le 14 mai 1948, la « déclaration d’indépendance » d’Israël fait fi de l’adoption du plan de partage de la Palestine défini par la résolution 181 du 29 novembre 1947 prévoyant la division de celle-ci en deux États indépendants – l’un arabe, l’autre juif – et un statut spécial pour Jérusalem placé sous administration des Nations unies. La résolution 194 du 11 décembre 1948 exige que les réfugiéEs qui le désirent puissent « rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins ».
    Après la guerre de juin 1967, le Conseil de sécurité « condamne l’acquisition de territoire par la guerre, et demande le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés ». Et le 21 mai 1968, ce même Conseil de sécurité (dans la résolution 252) déclare « non valides les mesures prises par Israël, y compris l’expropriation de terres et de biens immobiliers ».

    « Le droit humanitaire international » ?
    La résolution 446 du 22 mars 1979 exige « l’arrêt des pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 », colonies qui n’ont « aucune validité en droit ».
    À la suite du massacre de la mosquée de Hébron, l’Assemblée générale adopte le 18 mars 1994 la résolution 904 enjoignant Israël de prendre des mesures pour « prévenir des actes de violence illégaux de la part des colons israéliens ». La résolution 1402 adoptée le 30 mars 2002 exigeait le « retrait des troupes israéliennes des villes palestiniennes »... Et pour finir, la résolution 1544 du 19 mai 2004 demandait qu’Israël « respecte les obligations que lui impose le droit humanitaire international et l’obligation qui lui est faite de ne pas se livrer aux destructions d’habitations »...
    On sait ce qu’il adviendra de ces résolutions lors des deux terribles agressions contre le peuple de Gaza avec les opérations « plomb durci » et « bordure protectrice »...

    Alain Pojolat

    « We are the world... »

    Lors du dernier sommet de l’Otan en Turquie, le secrétaire général de l’Otan a fait chanter à l’aréopage de ministres des Affaires étrangères et de galonnés présents la chanson de Michael Jackson, « We are the world »...
    Une mascarade d’autant plus cynique que l’œuvre a été composée pour collecter des fonds afin de vaincre la famine en Éthiopie (1984-85)... Un cynisme à l’image de l’idéologie des dirigeants du bras armé des maîtres du monde.
    Nous sommes bien loin de La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948 : « la volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics. » Cette volonté rentre en contradiction avec le moteur même de toute la vie économique fondée sur la course au profit pour le compte des puissances financières et des multinationales qui se soumettent les États. Les velléités de réformer l’ONU n’ont pas manqué mais il est clair que plus les conditions historiques qui ont prévalu à sa naissance s’éloignent dans le temps, plus son rôle s’amenuise tant dans le domaine de la régulation des relations internationales que dans le domaine social et économique. Le marché et la concurrence détruisent toute possibilité de donner un autre contenu à ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale » que celui de la lutte entre les puissances et contre les peuples.

    Remplacer la concurrence par la coopération
    La mise en œuvre de ces principes suppose une transformation radicale, au sens révolutionnaire du mot, des bases mêmes de ce qui régit les rapports entre les peuples. Remplacer la concurrence mondialisée par la coopération est la condition de relations de solidarité et de paix entre les nations. Cela suppose d’en finir avec le règne des multinationales pour redonner aux peuples le contrôle de l’économie et de la vie sociale.
    C’est bien d’une révolution dont il s’agit, une révolution qui sera l’œuvre de la classe, le prolétariat, qui n’a pas de privilèges nationaux à défendre, qui poussera la démocratie jusqu’au bout pour lui donner une dimension universelle, c’est-à-dire internationale. Cette transformation se fera à travers les luttes permanentes pour débarrasser la société des instruments de domination des vieille classes dominantes et construire un monde débarrassé de la propriété privée et de la concurrence capitaliste, rompre le cadre étouffant des États nationaux pour étendre à l’échelle mondiale le processus révolutionnaire et doter le nouveau monde d’un réel parlement des travailleurs et des peuples, placé sous leur contrôle pour servir les intérêts de toute l’humanité.

    Yvan Lemaitre

     
  • Nouveautés sur "Lutte Ouvrière"

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    Arabie saoudite : une monarchie barbare et un allié de l’impérialisme français

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    Mascarade des droits de l’Homme

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  • Retour sur l’expérience des Socialistes Révolutionnaires en Égypte (Tendance Claire)

    Sans se poser en donneur de leçons, il est juste d'analyser et de critiquer, au nom de l'internationalisme, la stratégie des forces révolutionnaires à l'étranger, en particulier quand elles évoluent dans des situations de crise révolutionnaire.

    Les Socialistes Révolutionnaires (SR) d'Égypte (liés historiquement à la Tendance Socialiste Internationale) ont traversé une période révolutionnaire inaugurée par les manifestations du 25 janvier 2011 (suite au départ de Ben Ali en Tunisie). Le tyran Moubarak, dont le pouvoir semblait inébranlable quelques semaines plus tôt, fut obligé de démissionner dès le 11 février. La mobilisation demeura en crue jusqu'au printemps 2013, qui a vu, à plusieurs reprises, des millions d'hommes et de femmes manifester dans les rues des grandes villes. Elle était marquée notamment par des grèves ouvrières avec occupation des usines et des ports, et par l'occupation massive et durable de points urbains stratégiques comme la place Tahrir. Les masses se sont aussi organisées à des échelles locales pour virer les « petits Moubarak » (patrons, gouverneurs...).

    Pour endiguer cette irruption des masses sur la scène politique, la bourgeoisie a d'abord employé la stratégie classique des élections-diversions. Pourtant, ces consultations ont rarement dépassé les 50% de participation, traduisant la défiance des masses à l'égard des institutions transitoires. La participation des SR à des fronts politiques (Coalition des Forces Socialistes puis Coalition Révolutionnaire Démocratique) avec des organisations conciliantes à l'égard des institutions ne leur servit pas à démontrer les limites et les ambiguïtés de leurs programmes. En soutenant l'ex-Frère Musulman (FM) Aboul Fotouh aux présidentielles de juin 2012, au lieu de défendre un programme révolutionnaire articulant les revendications des masses à des mesures transitoires comme la nationalisation des usines, ils se désarmèrent pour la tâche centrale de la période, qui était de faire déboucher l'auto-organisation des masses sur un pouvoir des travailleurs antagonique à l'État bourgeois l'échelle mobile des salaires et le contrôle des travailleurs sur la production et la distribution. Ce sont les FM, parti islamiste bourgeois allié aux réactionnaires salafistes d'Al-Nour, qui surent conquérir le pouvoir dans l'État bourgeois en se présentant comme une force révolutionnaire dotée d'un programme social répondant aux aspirations des masses.

    Dès novembre 2012, un décret du président Morsi (FM) réduisait presque à néant les acquis démocratiques de la révolution. Le compte à rebours de la contre-révolution était lancé. Ce virage autoritaire lui faisait perdre le soutien du parti bourgeois libéral et des réformistes, et relançait la mobilisation des travailleurs et de la jeunesse. Celle-ci culminait au printemps 2013 par une vague de grèves et des manifestations parfois considérées comme « les plus grandes de l'Histoire ». Suite à un coup d'État militaire en juillet 2013, elle fut réprimée dans le sang. Sous couvert de lutte contre le terrorisme islamiste, les forces réformistes et révolutionnaires furent elles aussi durement frappées par le régime de Sissi. Les SR formèrent alors un nouveau front politique (Thuwar) sur des bases 100% compatibles avec le capitalisme1. Dommage, car la combativité des masses n'était pas éteinte, comme le montra la grève générale de février 2014 qui causa la chute du gouvernement Beblawi. Face à la violence du reflux, les SR eurent toutefois raison de rejoindre un front anti-répression (le « Troisième Carré »). Sur le plan institutionnel, l'élection manifestement truquée du président Sissi en juillet 2014 marquait néanmoins le retour à l'ordre bonapartiste d'avant la révolution.

    Les SR ont donc raison de considérer le régime comme l'ennemi principal. Dans ce cadre, un front contre la répression peut être envisagé y compris avec les FM sur la base de revendications démocratiques minimales : multipartisme, droit de manifester, etc. Certains observateurs comme Achcar ou le camarade Chastaing avancent que la période révolutionnaire n'est pas encore close, soulignant des évolutions souterraines, par exemple des progrès dans le statut de la femme. Si tel est le cas, le parti doit rendre visibles ces évolutions pour démontrer aux yeux des masses la continuité du processus révolutionnaire. Autrement, il faut surtout consolider les acquis de la période qui s'est refermée en assurant la liaison entre les secteurs les plus combatifs du prolétariat et de la jeunesse, par exemple en œuvrant au rapprochement des syndicats lutte-de-classe issus de la révolution et des fractions anti-bureaucratiques des grandes centrales. Dans l'un et l'autre cas, il faut faire le pari d'une nouvelle vague révolutionnaire à venir et donc préserver l'organisation du parti et son lien avec les masses tout en tirant les conclusions de l'expérience chèrement acquise dans ce chapitre de la lutte des classes. Par Lakhdar Bouazizi (10 septembre 2015)

    Contribution dans le cadre des débats sur la stratégie du NPA

    1 http://socialistworker.org/2013/10/10/a-revolutionary-front-in-egypt

    http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=802

    Commentaire: Ceci est un débat public, non une prise de position