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Jeunesse - Page 3

  • A Kerkennah, les voix s’élèvent contre le néocolonialisme (Survie.org)

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    Kerkennah, petit archipel symbolique

    Remarques préliminaires sur l’écriture collective d’un article européen sur la Tunisie

    « Parce qu’elle n’a pas d’idées, parce qu’elle est fermée sur elle-même, coupée du peuple, minée par son incapacité congénitale à penser l’ensemble des problèmes en fonction de la totalité de la nation, la bourgeoisie nationale va assumer le rôle de gérant des entreprises de l’Occident et pratiquement organisera son pays en lupanar de l’Europe. » Frantz Fanon, Les damnés de la terre.

    Cette citation de Fanon n’est pas éloignée du présent.

    Tout militant, chercheur ou intellectuel en Afrique se confronte à la bourgeoisie nationale dont parle le psychiatre révolutionnaire algérien. De notre point de vue de militants européens blancs, nous la rencontrons d’autant plus tôt qu’elle est bien souvent notre seule porte d’entrée dans les anciens pays colonisés. Nous avons donc toujours un choix à faire : ou bien taire la réalité de la petite classe dominante à la tête des États post-indépendants, son imbrication avec l’impérialisme, et couler de paisibles séjours exotiques à ses côtés, ou bien partager les luttes populaires qui agitent les sociétés africaines et goûter, juste un peu, de leur amertume. Notre privilège, c’est non seulement le pouvoir de franchir les frontières légalement, mais aussi le confort de choisir le rapport que nous entretenons avec la domination néocoloniale. En cela, certains membres perturbateurs des bourgeoisies nationales nous ont déjà précédé, et nous ont montré la voie avec insistance depuis longtemps.

    Au Maghreb, Mohamed Ali El Hammi, Frantz Fanon ou Mohamed Boudia sont des exemples symboliques de fidélité au peuple et à la lutte comme déterminant d’action.

    Nous n’avons donc aucune excuse. Aujourd’hui, comme nous allons le voir dans cet article, la bourgeoisie nationale est bien représentée par la direction tunisienne d’une multinationale comme Petrofac, et par le pouvoir politico-médiatique qui la soutient. Depuis la fin du régime de Ben Ali, s’il est possible de noter une légère et relative amélioration en matière de droits et de libertés, la petite classe dirigeante n’a pas cessé de jouer son rôle d’intermédiaire pour adapter la Tunisie aux règles les plus violentes du marché mondial. Pour masquer l’exploitation qui en découle, le néocolonialisme et ses collaborateurs indigènes ne cessent de construire l’image d’une Tunisie balnéaire et idyllique de carte postale dont les regards, surtout s’ils sont étrangers, ne doivent jamais s’éloigner.

    Déconstruire l’illusion néocoloniale passe par la découverte d’autres discours, subalternes, ceux du peuple et de ses luttes. Écrire à ce propos, c’est donc faire le choix de qui nous rencontrons, d’avec qui nous dialoguons. Et même, le choix des gens avec lesquels nous partageons le quotidien. « Comment peut-on étudier d’autres cultures et d’autres populations dans une perspective qui soit libertaire, ni répressive, ni manipulatrice ? » [1] se demandait Edward Said dans « l’Orientalisme ». Nous devons tenter de répondre à cette question qui semble nous viser très précisément, nous qui sommes libertaires car partisans de l’autonomie des luttes. En parlant plutôt du Maghreb, la sociologue algérienne Fanny Colonna nous a laissé l’indication suivante : « pas de savoir sur le monde arabe sans un dialogue intense avec ceux qui le font dans le monde arabe. » [2] Dans cette logique, les entretiens qui ont donné la consistance de cet article on été réalisés avec des chômeurs tunisiens de Kerkennah, et avec une employée de la société Petrofac, qui a depuis démissionné. L’étude passe ici par un dialogue qui valorise la parole d’autrui et vise la décolonisation des savoirs en faisant sienne l’affirmation de Said : « il faudrait écouter les peuples colonisés, savoir ce qu’ils pensent. » [3]

    Mais ce n’est pas tout, la méthodologie de restitution du savoir doit, selon nous, être questionnée. Il n’est plus possible de toujours se limiter à une écriture journalistique ou scientifique. La parole des entretiens contient aussi sa propre analyse du monde social, et nous ne voulons pas y substituer la nôtre, ou la renvoyer en note ou en annexe, comme chez les universitaires bien intentionnés. Nous voulons rendre visible la parole des dominés sur le néocolonialisme comme la peste sur le festin. Pour parler de Kerkennah, l’article suivant se veut donc « polyphonique », nous avons laissé la parole de nos interlocuteurs avec l’ordre de leurs propres mots comme une partie du texte, ou même comme un texte directement accessible. Notre analyse militante ne la complète pas, elle s’y ajoute. Il nous semble que c’est dans une telle intertextualité que peut se construire un savoir respectueux de chacun, mais également se forger une culture révolutionnaire internationale.

    Archipel situé au large de Sfax, au Sud-Est de la Tunisie, Kerkennah a été un symbole politique depuis le mouvement de libération national tunisien.

    C’est là qu’est né Farhat Hached, celui qui fût l’un des fondateurs de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) en 1946. Depuis 2013, et l’ouverture en France des archives des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères, on sait désormais que le SDCE (Service de documentation extérieure et de lutte contre l’espionnage), ancêtre de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) était impliqué dans l’assassinat de Hached, aux côtés de l’organisation coloniale la Main rouge (du même type que l’OAS en Algérie).

    Ce n’était pas la première fois que l’État français assassinait un leader syndicaliste tunisien. En 1924, la CGTT (Confédération générale des travailleurs tunisiens), premier syndicat indigène de l’empire colonial, était dissoute par le protectorat et ses leaders emprisonnés, exilés ou assassinés, comme son principal dirigeant, Mohamed Ali El Hammi. Farhat Hached se référa à ces ancêtres pour reconstruire un mouvement syndical et anticolonialiste. Tout comme Mohamed Ali, il est resté un symbole très important du mouvement syndical tunisien, et à Kerkennah en particulier.

    C’est Amira qui nous rappelle cette histoire de l’UGTT. Militante libertaire tunisienne, originaire de Kerkennah, elle travaille à Petrofac, dans les bureaux à Tunis, lorsqu’on se voit pour la première fois en mars 2015, alors qu’un sit-in est en cours dans les locaux de la société à Kerkennah. Elle nous raconte à l’époque comment des hommes payés par Petrofac se rendirent dans les locaux de l’UGTT à Sfax pour aller agresser ses responsables, accusés de soutenir le sit-in. Mais c’est elle aussi qui nous met en contact avec des membres de l’UDC (Union des diplômés chômeurs), qui s’activent dans le mouvement dans l’archipel.

    L’installation des multinationales de pétrole et de gaz dans la Tunisie de Ben Ali : une tranquillité de courte durée

    En août 2016, nous rencontrons Ahmad pour la première fois à Al Attaya, au nord-est de Kerkennah, après l’avoir interviewé par téléphone un an auparavant. En mars 2015, lors du premier sit-in dans les locaux de Petrofac par les chômeurs de l’île, ce membre de l’UDC faisait partie de ceux qui n’hésitaient pas à prendre la parole pour dénoncer la complicité du gouvernement avec les pratiques mafieuses des dirigeants de l’entreprise anglaise. Nous reprenons rendez-vous avec lui quelques jours plus tard à Kraten, pour le retrouver avec Karim, ce dernier se déplaçant plus difficilement avec son fauteuil roulant. Avec quelques boissons chaudes pour commencer, nous nous attablons au café du port de la petite ville, spécialisée dans la pêche du poulpe. Nous présentons à Ahmad et Karim nos questions, la façon dont nous voulons mener l’entretien. Ahmad parle bien le français, Karim un peu moins, mais son camarade l’aide chaque fois que c’est nécessaire. On a suivi le sit-in de l’année 2015 et on ne veut pas trop s’attarder dessus, mais bien comprendre comment s’est passé le blocage de Petrofac et la grève générale de 2016. Pour commencer, nous revenons un peu en arrière, au moment de l’arrivée de Petrofac en 2007 dans l’archipel. A quoi s’attendaient les Kerkenniens ? Ahmad nous répond :

    « En 2007, avec Petrofac, tout comme avec TPS [4] tout le monde s’attendait à une exploitation de gaz très rentable économiquement pour toute la Tunisie et pour l’île. On attendait l’embauche maximum soit de cadres qualifiés ou bien d’ouvriers un peu partout sur l’île. Mais hélas, dès le début des activités de Petrofac, nous avons vu qu’aucune de ces ambitions ne seraient concrétisées. Ce sont des sociétés qui exploitent, qui gagnent, elles et l’Etat tunisien. Avec ou sans ces sociétés de pétrole, il n’y a pas de redistribution. »

    Revenir sur l’installation de Petrofac en Tunisie, c’est revenir sur l’époque du dictateur Zine el Abidine Ben Ali (Zaba), sur ce que signifie la gestion des richesses d’une dictature. Un tel regard rétrospectif, pour celles et ceux qui n’ont pas connu cette période toute récente, ou pour d’autres qui l’auraient un peu vite oubliée, permet de comprendre pourquoi si peu de choses ont changé en Tunisie. En l’occurrence, ce qui est différent, c’est l’apparition d’une parole publique, de la rue, sur l’exploitation et la corruption. Néanmoins, les arrestations et les procès pour délit d’opinion se poursuivent [5]. Le changement c’est surtout un acte de prise de parole, malgré tous les risques, plutôt qu’une véritable liberté d’expression.

    Sous Ben Ali, comment une entreprise étrangère peut s’installer si facilement en Tunisie et capter ses ressources en gaz ? En versant des pots de vin à la mafia qui contrôle l’économie du pays, en l’occurrence au clan Trabelsi, dont le montant est estimé à deux millions de dollars [6]. Pour Petrofac, dix ans après les faits, la question est : que fait la justice britannique ? Les théoriciens occidentaux de la nature foncièrement despotique des régimes arabes, et qui ne veulent jamais entendre parler d’impérialisme, peuvent tenter d’y répondre. Le journaliste algérien Hamza Hamouchène, qui révélait la corruption du régime de Zaba par Petrofac, s’est aussi intéressé à la présence de British Gas en Tunisie, le plus grand producteur de gaz du pays. Le géant capitaliste anglais produit 60% du gaz tunisien, avec les champs gaziers d’Hasdrubal et de Miskar, qu’il possède entièrement. Il revend ensuite le gaz extrait à la STEG (Société tunisienne d’électricité et de gaz). : « Le gaz tunisien est vendu aux Tunisiens comme s’il était une matière première importée !  » s’exclame Hamouchène. Le clan Trabelsi s’est enfuit, mais les compagnies de gaz se sont simplement trouvées de nouveaux interlocuteurs, qui continuent de voler la Tunisie. Dans ces dossiers, le pouvoir tunisien post-14 janvier, les présidents Sebsi et Marzouki et leurs différents gouvernements, se sont révélés tous autant soumis et impuissants.

    Devant la faiblesse de l’Etat, ce sont donc les habitants de Kerkennah qui vont rentrer dans une lutte pour défendre leurs ressources. Pendant le mouvement révolutionnaire de l’hiver 2010-2011, de grandes manifestations de chômeurs qui demandent du travail ont lieu dans toute la Tunisie et également Kerkennah. Alors, en juin 2011, au lendemain de « l’intifada », un accord est signé entre l’État et les sociétés pétrolières pour participer au « développement » de la région. Sous la pression de l’UDC, celui-ci prévoit le versement de salaires à 267 chômeurs, qui sont embauchés dans la fonction publique locale. Sauf qu’ils n’ont ni contrat ni couverture sociale, mais seulement un salaire de 450 [7] dinars. Trois années passent, jusqu’en janvier 2015 où le versement des salaires s’arrête. Deux mois plus tard, le 10 mars, les chômeurs font une première occupation des locaux de Petrofac et bloquent la production de gaz. Pendant les 37 jours du sit-in, une ambiance pesante, que nous raconte Ahmad, s’installe dans l’île :

    « Des bandits payés par la direction de Petrofac essayaient de mettre fin au sit-in, les médias matraquaient les sit-inneurs en nous accusant d’être des terroristes, d’être des casseurs… Leur technique consistait à faire se confronter les travailleurs de Petrofac avec les sit-inneurs en répandant toujours la rumeur que cette société va quitter le territoire tunisien et donc que les travailleurs de Petrofac vont se retrouver eux-mêmes au chômage alors qu’ils sont dans l’obligation de travailler, ils ont des crédits, des familles (…) La police de Sfax est arrivée vers le 10 avril 2015, le chef était sur le terrain et il négociait l’arrêt du sit-in. Il devait s’arrêter ou bien il était obligé d’utiliser la force. Nous avons tenu notre position. Nous avons été clairs avec lui. Nous ne voulions pas rentrer chez nous avec les mains vides. Il fallait qu’une solution soit trouvée pour ce « travail », entre guillemets, au noir, dans le vide, sans contrat, sans couverture sociale. Ils ont passé toute une journée et après vers 16h, ils sont rentrés à Sfax. C’était comme une scène de théâtre menée par les flics pour les journalistes qui répètent, avec Imed Derouiche [8] et son administration, qu’il n’y a pas de sécurité et de flics à Kerkennah, que le ministère de l’Intérieur ne peut pas sécuriser le champ de production de Petrofac. Ils ont voulu montrer qu’ils avaient assez de force pour intervenir. »

    En avril 2015, au-delà de cette communication officielle, l’Etat s’aperçoit qu’une intervention dressera face à lui toute une population. Dans les familles de Kerkennah, des lycéens aux travailleurs, il y a eu un soutien aux sit-inneurs. Les autorités rentrent alors dans une stratégie de négociation. Le 16 avril, un accord est proposé à l’UDC, en présence de l’UGTT, dans une réunion chapeautée par le ministère des affaires sociales, des représentants du ministère de l’énergie et le gouverneur de Sfax. La procédure devait prendre fin en décembre 2015, au moment où les revendications des chômeurs seraient appliquées. A Kerkennah, le calme et le travail reprennent. Mais au moment où doivent aboutir les accords, le virement des salaires est interrompu. Début 2016, un nouveau rapport de force va opposer les Kerkenniens et Petrofac.

    Avril 2016, deuxième sit-in, intervention policière et grève générale

    Par apport au sit-in de 2015, où il y a eu une première occupation des locaux de Petrofac et des négociations avec l’UGTT, cette année ça a été différent, notamment le rapport de force avec la police. Du coup, comment les gens se sont organisés cette fois ?

    Ahmad : La différence avec le deuxième sit-in ça a donc été l’intervention policière. Elle a eu lieue au bout de trois mois et demi de sit-in. Leur intention était bien claire, ils voulaient utiliser la force. Avec un nombre qui dépassait les 700 policiers, des véhicules d’intervention (ndlr : « des bagas » comme on les appelle en tunisien). Il y a eu un coup de téléphone à l’hôpital de Kerkennah pour qu’il reste en état d’alerte pendant la nuit. Ils ont fait une tournée dans les bars, les restaurants et les points de vente d’alcool pour leur dire de fermer tout à partir de 18h. Des réservations ont été faites dans les hôtels pour 4 jours pour les flics. Moralement, cela a beaucoup touché les gens de Kerkennah. Les photos des policiers qui viennent pour casser le sit-in et qui mangent des crevettes royales et des dorades dans les restaurants des hôtels. Ils boivent de la bière la nuit avant de faire leur intervention…

    Qu’elle a été la réaction des gens face à la répression policière ?

    Ahmad : Lorsque nous avons appris que la police était arrivée, nous avons changé le lieu du sit-in. Du site de Petrofac on est allé sur la route principale de Mellita, où la police devait passer. Dès le début, quand nous avons bloqué la route, les jeunes de Mellita, les pêcheurs, les femmes, ils étaient avec nous.

    Comment ont-ils débloqué la route ?

    Ahmed : Ils ont lancé des bombes lacrymogènes, on les a affrontés avec des pierres. Même des femmes ont lancé des pierres contre ces policiers. Les bombes lacrymogènes étaient un peu partout, même dans les maisons. Les policiers ont gravement insulté les habitants de Mellita. Ils ont attendu la nuit pour que le rapport de force soit plus favorable. Les gens étaient partis dormir en attendant de revenir au moment de l’intervention.

    Quand ils sont passés, ils ont remonté toute la route de l’île ?

    Ahmed : Ils l’ont juste ouverte pour accéder à Petrofac, et aussi au reste de l’île mais là les routes ont été de nouveau bloquées juste après, et de façon plus sophistiquée, plus professionnelle, avec des gigantesques pierres. Par exemple, il y avait un camion qui transportait des pierres pour un projet de sécurisation des plages, on l’a détourné sur la route principale pour qu’il déverse ses pierres sur la route principale. Bon, il l’a fait de bonne foi ! De toute façon, ce ne sont pas ses pierres à lui, elles sont au bénéfice de Kerkennah pour un projet, on a pensé que ça c’était plus bénéficiaire. Les policiers étaient partout sauf à Mellita où toutes les routes étaient fermées, à part pour les citoyens de l’île. Pendant 12 jours, les flics ont dû prendre une petite route pour contourner celle de Mellita. On ne pouvait pas arrêter de manifester. Certains ont cru qu’une simple manifestation allait suffire pour que la police parte de l’île, ils ont été gravement tabassés et ont pu comprendre que la parole ne sert à rien, qu’il faut une confrontation sur le terrain. Le problème c’est que les gens disent toujours aujourd’hui qu’ils appartiennent à la société civile, ils parlent de la liberté d’expression, que c’est ça qui peut mener le dialogue… Sauf qu’à ce moment, il n’y avait pas de dialogue qui pouvait se faire sur l’île. D’ailleurs, la chose majeure qui a poussé les gens à se confronter avec les flics, c’était les mots qu’ils adressaient aux habitants de Kerkennah, surtout aux femmes.

    La fin de la réponse d’Ahmad est riche d’enseignements sur les mouvements sociaux qui secouent la Tunisie depuis une dizaine d’années. Le cas particulier de Kerkennah rejoint sur de nombreux aspects d’autres luttes locales, et montre la nature de la relation que la société tunisienne entretien avec l’État et ses symboles.

    Depuis l’intifada de Redeyef en 2008 [9], la question de la violence ne cesse d’être reposée par les mouvements sociaux. Face à un État qui vole les richesses, ou qui se fait le complice du vol par l’impérialisme, et qui réprime par la force toute remise en question pacifique de ce système, la révolte populaire revient à chaque fois comme la seule solution politique possible.

    Le comportement de l’Etat et de sa police à Kerkennah rappelle Redeyef : la police envahit complètement l’espace, puis elle provoque et insulte les habitants avant de les agresser. Cette attitude de l’Etat vis-à-vis de sa population n’est pas spécifiquement tunisienne, on la retrouve dans de nombreuses anciennes colonies. En Afrique, la police, ou l’armée des Etat post-indépendant rejouent le même rôle que la police et l’armée coloniales, souvent au service de puissances impériales repositionnées.

    De ce point de vue la hogra est une réalité néocoloniale qui prolonge la violence coloniale : « Le régime colonial est un régime instauré par la violence (…) sa durée dans le temps est fonction du maintien de la violence » [10]. Le traitement particulièrement violent à l’égard des femmes rappelle lui-aussi le comportement des anciens colons. Cela provoque une réaction des femmes dans l’espace public, dans les confrontations et dans les manifestations, qui est d’autant plus inédite, depuis les mouvements de libérations nationaux, que ces dernières viennent des classes sociales les plus défavorisées, d’origine rurale (comme les manifestantes de Redeyef, de Sidi Bou Zid ou de Kerkennah), et souvent chômeuses, elles partagent avec les hommes la revendication de l’emploi..

    La criminalisation du mouvement social est également une logique qui part de loin. Sur ce point, c’est Ahmad qui fait le lien avec Redeyef et le bassin minier en 2008 :

    « Le 4 avril, on avait 4 arrêtés, c’était lundi, ils ont été évacués vers Sfax, et mardi le tribunal à décidé de les mettre en prison en attendant le procès. Et avec eux, il y avait une liste de 17 personnes recherchées, avec le mêmes type d’accusations qui ont été faites contre les habitants du bassin minier en 2008 comme « crime en bande organisé ». C’était le même langage juridique. »

    Il apparaît ici la dangereuse confusion entre la figure du révolté et celle du criminel qui tend elle-même à être assimilée à celle du terroriste – les syndicalistes de Redeyef furent accusés de terrorisme par le régime de Ben Ali. Cet amalgame est aussi utilisé en Europe. Dans les mouvements sociaux français, militants de gauche, fils d’immigrés et « terroristes » sont de plus en plus confondus dans l’imagerie des médias dominants, ainsi que dans le langage juridique de l’état d’urgence. Sous la plume de l’universitaire télévisuel Gilles Kepel, ceux qui dénonçaient l’islamophobie, le racisme structurel et la ségrégation qui touchent les communautés musulmanes en France, furent accusés de créer un : « pseudo-concept, machine de guerre destinée à protéger les salafistes » [11].

    Au printemps 2016, le premier ministre Manuel Valls reprit à son compte le terme « d’islamogauchiste » développé par Kepel pour désigner les manifestants opposés à la loi travail, tout comme l’avocat d’extrême droite Gilbert Collard qui vit à ce moment en eux : « une minorité agissante qui veut semer d’une manière très évidente la violence et le désordre dans le pays. » Ceux qui manifestaient contre la loi travail et contre l’islamophobie étaient donc d’autant plus susceptibles d’être réprimés qu’ils étaient, grâce à la caution orientaliste de Kepel, identifiés à l’ennemi de la nation, le terrorisme salafiste.

    A Kerkennah, au mois d’avril 2016, le premier ministre Habib Essid usa du même amalgame, en accusant les protestataires d’être liés à la mouvance salafiste. Amira, notre camarade employée chez Petrofac, nous alerta à ce propos. Pour elle, comme pour d’autres Kerkenniens, l’État est tout à fait capable d’instrumentaliser certains groupes salafistes pour casser la mobilisation. La crainte d’un attentat est vécue à Kerkennah comme une potentielle manipulation du pouvoir contre les luttes.

    Quoi qu’il en soit en coulisse, les mouvements sociaux tunisiens montrent comment une ancienne colonie peut servir à la fois de terrain d’expérimentation de techniques répressives, et de caisse de résonance aux discours de « guerre contre le terrorisme » pour un pays comme la France [12].

    La figure du criminel, du terroriste, vient pour masquer celle du manifestant et la délégitimer. Ce que craignent toujours l’État et les classes dirigeantes, c’est l’autonomisation des luttes et des communautés de résistances. Lorsque des musulmans construisent des luttes, ou lorsqu’ils y participent, ils sont systématiquement accusés d’être des terroristes. A Kerkennah, comme nous allons le voir maintenant, c’est pourtant bien la communauté qui a eu un rôle émancipateur d’entraide et de solidarité.

    « - Où est le site de Pétrofac ? » « Il se situe à Karaba, entre la plage de Sidi Fenkhall et Borj Lahsar. »

    Comment était organisé le blocus de Mellita, j’imagine qu’il fallait être sur place, il faut tourner, il faut manger, il faut pouvoir dormir, est-ce qu’il y avait des tentes ?

    Karim : Quand on a déplacé le sit-in de Petrofac vers Mellita, on a bloqué les deux accès de la route à Mellita, l’entrée et la sortie. Nous étions chez nos familles.

    Ahmed : Nous sommes Kerkenniens, les gens nous ont donné tout ce qui était nécessaire. On se sentait même mieux que chez nous. Un jour c’était du couscous au poulpe, le lendemain du poisson grillé, et après des spaghettis aux seiches. Même ceux qui n’étaient pas de la ville étaient aussi chez eux, il n’y avait pratiquement aucune différence. Et puis il y avait la liste des gens recherchés, qui devaient partir en cas de descente la nuit dans des maisons éloignées…

    Que fait Petrofac ? Il extrait du gaz mais en parallèle il extrait aussi du condensat (ndlr : hydrocarbure obtenu au moment de l’extraction). Le gaz est envoyé vers Sfax par pipe-line sous marin et le condensat est stocké dans 4 grands réservoirs sur le champ de production. Au bout d’un moment si tu ne vides pas ces réservoirs, ils sont pleins et tu dois arrêter la production, faire un shut-down. Au bout de 15 jours ces réservoirs sont pleins, donc c’est une question de patience.

    En parallèle, la question c’était comment mobiliser toute l’île contre l’intervention. Non, ce n’est pas juste l’affaire des diplômés chômeurs. Les flics ont ciblé toute l’île. D’ailleurs l’une de nos interprétations du déploiement d’une telle force, c’est que de la part des autorités il s’agissait de donner un exemple de répression à tous les mouvements sociaux à Kasserine, à Gafsa, à Tozeur, aux sit-inneurs devant le ministère de l’emploi à Tunis, au sit-inneurs de Gafsa qui sont allés à Mourouj dans la banlieue de Tunis... L’intention du gouvernement c’était de passer un message aux protestataires : leur destin sera le même que celui de Kerkennah. C’est pourquoi ils sont intervenus avec une telle force.

    Karim : En hiver, il y a 15000 habitants à Kerkennah, mais durant l’été la population dépasse les 150 000 personnes, il y a les touristes mais aussi beaucoup de Kerkenniens qui reviennent chez eux. Les manifestations du 9 avril ont réunis beaucoup de ces gens, à Tunis, à Sfax...

    Le 9 avril est une date symbolique pour le mouvement de libération national tunisien. C’est une journée de manifestation et d’émeutes réprimées dans le sang par l’armée française. Mais ce 9 avril 2016, où toute la diaspora de Kerkennah en Tunisie sort dans la rue pour soutenir les habitants de l’archipel, fait aussi écho à un autre grand mouvement social tunisien, les révoltes du pain de l’hiver 1983-84. Le premier ministre Mohamed Mzali s’était fait chasser de l’archipel en décembre 1983 :

    Ahmed : Les manifestations pour le pain c’était en janvier 1984, et Mzali à Kerkennah c’était en décembre 1983. Tous les habitants se sont soulevés pour le dégager le l’île. Depuis cette année là, il n’y avait pas eu une aussi grande manifestation. Les Kerkenniens sont venus avec un message : on ne va jamais laisser notre île aux flics, et si vous voulez nous tabasser, on est Kerkenniens, on est présents ici, et on sortira à Sousse, à Tunis, les choses ne se calmeront pas. A Sfax, on peut parler de 100 000 habitants qui sont originaires de Kerkennah. Ce mouvement pouvait mettre en danger même un gouvernement comme celui-là.

    Durant les 12 jours d’occupation de Kerkennah par la police, une deuxième date va s’avérer décisive dans la lutte : la grève générale du 12 avril. Dès le 4 avril, ce sont les élèves de Kerkennah qui lancent la grève, et refusent de se rendre en cours pendant toute la durée de l’occupation policière. Ils sont progressivement rejoints par l’ensemble des catégories sociales, la fonction publique, les commerces, les pêcheurs. Et le blocage des routes finit par signifier le blocage de toute l’économie le 12 avril. C’est Karim qui nous raconte comment il a vécu ce jour là :

    Karim : Je ne pouvais pas me déplacer mais j’étais sur facebook pour relayer l’appel dans toutes les villes où il y a eu des manifestations. J’ai voulu bloquer la route aux policiers avec ma chaise roulante à Remla pendant la grève des élèves (ndlr : il y a l’un des principaux collègue-lycée de Kerkennah à Remla). Ils ont soutenu la grève. J’ai tenté de bloquer le passage des flics au moment où ils faisaient face à un cortège d’élèves.

    Ils se sont organisés ?

    Karim : Spontanément. Au niveau des médias, facebook, on a fait un appel, et tous les gens ont suivis.

    Après la grève générale, la tension continue à monter entre Petrofac et le gouvernement d’un côté, les Kerkenniens de l’autre. Tout l’enjeu c’est de bloquer les camions de condensat pour que la production ne puisse pas reprendre. A Sfax, des milliers de policiers s’apprêtent à venir prêter main forte à ceux qui sont sur l’archipel. Dans la nuit du 14 avril, la police intervient pour faire passer en force les camions :

    Ahmed : Le jeudi 14 avril, ils ont fait passer de force les camions de Petrofac de Sfax vers le champ de production. C’est la chose qui a beaucoup aggravé la situation, tout le monde est descendu dans la rue à 22h. Il y a eu 5 heures de confrontations avec les flics. C’était très grave pour nous de voir que le ministère de l’intérieur travaille directement pour le bénéfice de Petrofac. Le vendredi 15 avril, dès l’aube, les Kerkenniens de Sfax bloquaient l’accès aux bateaux à la police. Nous avons même des vidéos avec des voitures de police qui étaient quand même montées dans les bateaux, mais les voyageurs, les Kerkenniens empêchaient le capitaine de bouger tant que les voitures n’étaient pas redescendues du bateau. Vers 13 ou 14 heures, des manifestations ont eu lieu contre la présence des flics à Kerkennah et pour demander la libération des chômeurs arrêtés depuis le 4 avril. Toutes les routes ont été bloquées. Les flics présents au port de Sidi Youssef se sont retrouvés isolés. Isolés de Sfax…

    Karim : Et isolés des autres flics présents dans Kerkennah. Ils voulaient envoyer des renforts et des munitions, car les policiers avaient utilisés toutes leurs bombes lacrymogènes. Et leur seule solution de contact pour se réapprovisionner, c’était le bateau qui part de Sfax. S’ils avaient voulu continuer la bagarre, ils n’auraient plus eu que leurs matraques, ou bien les balles.

    Ahmed : Tous les gens présents à Mellita sont partis pour chasser les flics présents à Sidi Youssef. Ils ont été harcelés au point de devoir enlever leurs uniformes. On a laissé personne les frapper gravement, on a permis qu’ils appellent le garde côte pour les évacuer de l’île immédiatement. C’est l’armée qui a permis leur évacuation. Nos collègues ont été libérés de la prison de Sfax. En hiver, le dernier bateau qui vient de Sfax est à 18h30. A l’heure où ils ont été libérés, il n’y en avait plus. On a donc exigé qu’un jet-ski de garde-côte les ramène pour qu’ils passent la nuit chez nous à Kerkennah. Ils l’ont fait. C’était une partie déjà gagnée, on pouvait leur demander ce qu’on voulait. Et la nuit du 15, nous avons célébré notre victoire.

    Les poulpes pourront-ils cohabiter avec les pipe-lines ?

    Au-delà de l’issue du conflit avec Petrofac, c’est l’avenir de l’île qui est en question, et la capacité des habitants à s’organiser pour construire un projet. L’extraction du gaz met en danger les équilibres naturels liés à la pêche. Les compagnies de gaz sont accusées de pollution, et se renvoient la balle. Si dans notre entretien avec Ahmad et Karim, c’est plutôt TPS qui est pointé du doigt, un autre membre de l’UDC, Ramzi, interviewé en 2015 désignait Petrofac : « Les pêcheurs sont touchés. Cette société a eu plusieurs fois des fuites dans la mer. Les poissons meurent, il y a un impact sur l’environnement. » Dans l’échange qui va suivre, la discussion porte donc sur l’avenir de Kerkennah, sur les choix en matière économique, d’après le point de vue de ces fils de pêcheurs au chômage.

    Que s’est-il passé depuis le 15 avril ?

    Ahmed : Depuis le 15 avril, on a créé nos propres instances. La récolte de cette solidarité menée par les Kerkenniens doit être formelle, passer de la clandestinité vers la formalité, l’organisation. On a fait deux réunions générales avec des citoyens de tout Kerkennah et on a finit par avoir une instance représentative pour une négociation prévisionnelle avec le gouvernement. Cette organisation a été constituée par des représentants de l’UDC, de l’UGTT locale et des représentants élus ou choisis de chaque village de Kerkennah qui représentent les pêcheurs surtout. Du côté du gouvernement, rien n’a été fait. On attend toujours des solutions satisfaisantes pour les Kerkenniens et pour la société de pétrole elle-même puisque c’est le seul souci du gouvernement. Même les initiatives faites par l’UGTT ont trouvé en face d’elle un gouvernement faible, qui ne gère rien, et comme vous avez vu, qui va bientôt être dissout [13].

    Est-ce que Petrofac est indispensable ? Doivent-ils partir ?

    Karim : Si Petrofac reste, il faut qu’on sache exactement quels sont les bénéfices qu’il tire.

    Toi qu’est-ce que tu voudrais ?

    Karim : Qu’ils s’en aillent. Ce sont des mafieux, tout comme Ben Ali.

    Est-ce qu’il faut prioriser d’autres activités comme la pêche, l’agriculture ou le tourisme, ou bien est-ce que cette activité doit cohabiter avec les autres ?

    Karim : Pourquoi pas les activités en même temps, mais il y a le problème de la pollution.

    Ahmed : On n’a pas de problème avec l’exploitation du pétrole si ça ne gène pas les autres activités. C’est quelque chose de technique.

    Karim : Pour moi, comme pour tous les Kerkenniens, il faut du développement et du tourisme en parallèle, sans gêner la pêche.

    Ahmed : Petrofac parle d’encourager des initiatives, des micro-projets, mais à condition que ces projets ne doivent pas être dans le secteur du tourisme, car la loi ne leur permet pas. On peut le comprendre car toute initiative, ou tout développement dans le secteur du tourisme sera contradictoire avec l’exploitation du pétrole. On a déjà un problème avec un projet depuis la fin des années 90 sur la plage de Sidi Fenkhal. C’est un endroit magnifique et l’intention c’était qu’il devienne un projet touristique écologique loin de la pollution. Les rumeurs disent que le blocage, qui dure depuis 1998, est lié aux gisements de pétrole qui se trouveraient sur le site. Si des hôtels sont construits, qu’ils soient écologiques ou pas, on ne peut pas installer des gisements de pétrole au même endroit. C’est pourquoi on se trouve toujours bloqué à cause des décisions de ceux qui gouvernent. Va-t-on chercher à améliorer le tourisme ou bien investir dans le secteur du pétrole ? Parmi les revendications qui ont été formulées depuis 2011, après tout on fait partie de l’UDC mais on n’est pas sectoriels dans nos revendications, on cherche le profit des diplômés chômeurs dans le cadre d’une amélioration de tous les citoyens de l’île. On a toujours pensé que si leur intention c’est le développement de l’exploitation du gaz, pourquoi ne pas faire un centre de formation qui serait financé par les compagnies ? Comme ça on aura une main d’œuvre qualifiée qui pourra répondre aux besoins d’ouvriers et de cadres.

    Dans son rapport d’activité de 2015, Petrofac prétend embaucher 57% des habitants de l’île.

    Ahmed : Au maximum 25 a 28 personnes travaillent directement à PETROFAC et une centaine travaillent dans la société de sous-traitance de surveillance.

    Karim : Ça ne fait pas 57%.

    Après, ce qu’ils revendiquent, c’est que l’activité économique de l’île est liée à leur présence, c’est ça qu’ils affirment.

    Ahmed : Bon, déjà, la meilleure réponse c’est que depuis le mois de janvier, PETROFAC est bloqué, depuis 7 mois pratiquement, mais on n’a pas faim, on vit toujours. La seule chose qui manque, c’est le poisson, les volumes de pêche ont gravement diminué. C’est PETROFAC qui nous salarie, moi et Karim, dans le cadre de notre travail pour les institutions. Nous n’avons pas eu nos salaires depuis le mois de décembre, et pourtant on vit. Même les travailleurs qui sont dans la société de surveillance, ils étaient pêcheurs avant de faire ce boulot à partir de 2007, et même en travaillant pour la société de surveillance, ils travaillent 3 semaines avec un repos d’une semaine. Cette semaine là, ils pêchent. Ils ne vivent pas avec leurs 600 dinars2. Les Kerkenniens sont en rapport avec la pêche, ils sont préoccupés par sa baisse.

    A quoi cela est dû ?

    Ahmed : Essentiellement à la pêche au chalut qui endommage abusivement les abris des poissons, les œufs car ils pêchent pendant les 12 mois de l’année avec cette méthode. Il y a d’autres méthodes qui ont été créées, surtout pour la pêche au poulpe qui endommage la richesse en poulpe, et Kerkennah est connue pour la qualité de ses poulpes. Ce sont les raisons principales de cette diminution. En deuxième lieu, on peut parler de la pollution à cause des fuites de pétrole, ça a surtout été le cas avec TPS. Cela influence la quantité de poissons.

    Petrofac a eu des fuites aussi ?

    Ahmed : Petrofac travaille sur terre et pas dans la mer. La seule chose qui le relie à la mer, c’est le pipe-line qui va à Sfax et transporte du gaz. Et le condensat est transporté par camions. On a jamais entendu parler de fuite de gaz, mais ce n’est pas pareil, ils peuvent la récupérer sans que personne ne le sache.

    Par contre TPS a eu des fuites.

    Ahmed : TPS, la dernière fuite c’était au mois de février 2016. Je me rappelle qu’en novembre 2009, il y a eu une grande fuite. Quotidiennement il y a des petites fuites qui sont liées à l’état de l’infrastructure. Tous les 5 ans les pipe-lines doivent être changés, mais puisqu’il n’y a pas de contrôle, et puisqu’il y a de la corruption entre les sociétés de pétrole et l’ETAP, il n’y a pas de maintenance qui est faite. Parce que ça coûte cher cette maintenance et le seul intérêt de ces sociétés de pétrole c’est le profit. Ils veulent faire des bénéfices sans se soucier des dégâts qu’ils peuvent occasionner, la pollution qui a un impact sur la pêche. Et la pêche sera toujours le premier secteur auquel resteront attachés les Kerkenniens.

    Nous publions cet article proposé par Virginia (Infoaut.org) Elie Octave (Groupe Afrique de la CNT) sur des luttes en cours en Tunisie. Nous les remercions pour cette proposition. Une version traduite en italien est en ligne sur le site infoaut.org.

    Virginia (Infoaut.org)

    Elie Octave (Groupe Afrique de la CNT)

    2 mai 2017

    http://survie.org/

  • Tunisie: Les protestations atteignent Kebili (Webdo)

     

    Les protestations contre le manque d’emplois dans les régions de l’intérieur du pays ont atteint Kebili, ce mardi 2 mai.

    Après Tataouine, Le Kef, Kasserine, Kairouan, Sidi Bouzid et Douz, elles se sont étendues à la région d’El-Golâa, à Kebili.

    Les habitants d’El-Golâa observent, en effet, ce mardi 2 mai 2017, une grève générale pour réclamer des emplois, des projets de développement et une part des bénéfices générés par le pipeline du gaz naturel qui traverse la région.

    Des institutions publiques et éducatives ont fermé leur portes, depuis ce matin, pour s’associer aux protestations contre la marginalisation de la région.

    Dans le même gouvernorat de Kebili, des habitants de la ville de Douz ont manifesté, hier lundi, pour exprimer les mêmes revendications.

  • Israël : 300 prisonniers palestiniens ont moins de 18 ans (France Info)

    Un palestinien 13 ans au tribunal Jérusalem
    Un Palestinien de 13 ans accusé d'avoir poignardé de deux Israéliens, est escorté par la sécurité israélienne lors d'une audience devant un tribunal de Jérusalem le 30 octobre 2015.  © Ahmad Gharabli / AFP
     

    Plusieurs centaines de prisonniers palestiniens ont entamé, lundi 17 avril 2017, une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention. 6.500 palestiniens sont actuellement dans les geôles israéliennes. Parmi eux, 300 mineurs.


    «Quand les soldats sont venus la première fois, il avait 13 ans. Je l’ai bien habillé car il faisait froid. J’avais peur parce qu’il était encore trop jeune. Ayed s’est accroché à nous, nous a suppliés de ne pas laisser les soldats le prendre et de leur dire qu’il n’était qu’un enfant» témoigne la mère d’un adolescent palestinien dans un rapport publié en avril 2016 par une plateforme d’ONG françaises pour la Palestine sur la répression qui touche les mineurs.
    Depuis la deuxième intifada en 2000, plus de 8500 enfants ont été interpellés par les forces de sécurité.
     
    Des mineurs, lanceurs de pierres
    Chaque nouveau cycle de tension entre Israéliens et Palestiniens entraîne une recrudescence d’arrestations. Les mineurs palestiniens ne sont pas épargnés puisqu’ils participent à la confrontation. La plupart des jeunes sont accusés d’avoir jeté des pierres et sont condamnés à des peines d’emprisonnement allant de quelques jours à plusieurs années. Les autorités israéliennes ont durci récemment leur loi concernant les lanceurs de pierres.
     
    Et des attaques aux couteaux
    Outre les jets de pierres ou de cocktails Molotov, certains jeunes Palestiniens sont poursuivis pour des attaques aux couteaux. Un adolescent de 14 ans a été condamné à 12 ans de prison ferme pour avoir blessé deux jeunes juifs d’une colonie à Jérusalem-Est en octobre 2015. Un verdict jugé lourd par les organisations de défense des droits de l’Homme. Les députés israéliens avaient approuvé l’emprisonnement des enfants dès l’âge de 12 ans s’ils sont condamnés pour des «crimes terroristes», comme le souligne Times of Israel.   
     

    Capture écran site Addameer
    Site Addameer (la conscience), l'association palestinienne de soutien aux prisonniers et aux droits de l'homme  © Capture d'écran

    Des centaines d’arrestations par an
    Chaque année, Israël arrête, emprisonne et poursuit devant les tribunaux militaires quelque 500 à 700 enfants palestiniens soupçonnés d’infractions pénales dans les territoires occupés, selon un rapport de Human Rights Watch. L’organisation de défense des droits de l’Homme dénonce le recours excessif à la détention de mineurs palestiniens.
    Israël est le seul pays au monde à poursuive automatiquement des enfants devant la justice militaire. 

    Violation des droits de l’enfant.
    Plusieurs organisations internationales dénoncent depuis plusieurs années les conditions d’arrestation et de détention des enfants palestiniens. Dans un rapport publié en 2013 l’Unicef accuse Israël de mauvais traitements «systématiques» lors des arrestations et dans les prisons. «L’interrogatoire est un mélange d’intimidation de menaces et de violences, avec le but évident de forcer l’enfant à se confesser» explique le rapport de l’ONU.

    Dans la foulée du rapport de l'Unicef, Israël a promis d'améliorer le traitement des mineurs palestiniens. Les perquisitions nocturnes, l'intimidation, la détention administrative sont toujours en vigueur. La plupart des mineurs victimes d'abus lors de leur arrestation n'osent pas porter plainte de peur de représailles. 
     
    Eléonore Abou Ez|  21/04/2017
     
  • Place de la Kasbah : 40 étudiants blessés dans des affrontements avec la police (Shemsfm)

    Place de la Kasbah : 40 étudiants blessés dans des affrontements avec la police

     

    Le secrétaire général de l’UGET à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis, Yahia Ayadi, a annoncé, mardi 11 avril 2017, que 40 étudiants ont été blessés dans des affrontements avec les forces de l’ordre à la place de la Kasbah à Tunis.

    Ayadi a ajouté que les étudiants manifestaient contre le décret gouvernemental relatif à l’accès à l’institut supérieur de la magistrature.

    http://www.observatoire-securite.tn

  • Tataouine : les protestations s’étendent à d’autres localités (Mosaïquefm)

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    Selon notre correspondant à Tataouine, Habib Chaâbani, les mouvements protestataires des jeunes chômeurs réclamant le développement et l’emploi se sont étendues à d’autres régions dont Ksar Ouled Soltane et Maghit relevant de la délégation de Tataouine Nord.

    Les protestataires ont bloqué les routes principales des villes ce qui a conduit à la paralysie du trafic et a empêché les élèves et les cadres enseignants de rejoindre les institutions éducatives.

    Par ailleurs, un calme précaire s’est installé dans les régions de Bir Thlethine et Maztouria après qui les incidents qui se sont produits hier 27 mars 2017.

    28 Mars 2017

    http://www.mosaiquefm.net/fr/actualite-regional-tunisie/115513/tataouine-protestations-autres-villes

  • Afrique du Nord/Proche-Orient: un jeune sur cinq veut émigrer (L'Express)

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    Madrid En moyenne 20% des jeunes de cinq pays du pourtour méditerranéen (Algérie, Egypte, Liban, Maroc et Tunisie) veulent émigrer, un chiffre qui monte à plus de la moitié en Tunisie, selon une enquête auprès de 10.000 jeunes rendue publique jeudi en Espagne.

    "Un jeune sur cinq dans les pays arabes analysés veut émigrer. Une proportion qui atteint les 53% dans le cas de la Tunisie", souligne la fondation CIDOB (Centre des affaires internationales de Barcelone), qui a coordonné l'étude, dans un communiqué diffusé en Espagne. 

    Six ans après le "printemps arabe", elle constate que "la principale motivation qui pousse ces jeunes à vouloir partir est, une fois de plus économique: trouver un emploi digne et de meilleures conditions de vie".

    "Contrairement à ce qu'on pouvait attendre, plus le niveau d'éducation est important, plus le désir d'émigrer est renforcé", assure le communiqué. 

    Pour un des experts ayant réalisé l'étude en Algérie, Nacereddine Hammouda, "ce qui est remarquable, c'est que le fait d'arriver à l'université renforce le désir d'émigrer". "Le jeune pense qu'il peut valoriser ses compétences dans un pays plus développé économiquement et qu'elles seront gâchées s'il reste", explique ce statisticien économiste au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), interrogé par l'AFP en Espagne.

     

    Le projet "Sahwa" ("L'éveil", en arabe) a été mené entre 2014 et 2016 dans chacun des cinq pays, en réponse à une commande de la Commission européenne.  

    Ses résultats reflètent un "sentiment général de frustration et d'exclusion sociale" chez les jeunes, selon la fondation. 

    Les quatre principaux problèmes identifiés à travers 10.000 entretiens sont le niveau de vie (28%), la situation économique (22%), l'emploi (12%) et le système éducatif (10%).  

    Le taux de chômage des jeunes dans ces pays est d'environ 30% en 2014, alors que la moyenne mondiale est de 13%, font apparaître des chiffres de l'Organisation internationale du travail cités. 

    Difficile dans ces conditions de pousser "la porte de l'autonomie et de l'âge adulte", écrit le CIDOB.  

    Le projet Sahwa montre aussi que "les jeunes ne se sentent pas identifiés à leurs institutions, dont ils considèrent qu'elles ne représentent qu'une élite". 

    Selon l'enquête, "près de 60% des jeunes en âge de voter ne l'ont pas fait aux dernières élections, et principalement par manque d'intérêt (44,5%)". 

    http://www.lexpress.fr/

  • Soutien pour la maison LGBTQI de Sidi Bou Saïd (Ulule.com)

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    Appel à la solidarité.

    À propos du projet

     Bonjour, je m'appelle Amina Sboui, je suis une militante des droits humains, féministe et activiste LGBTQI. Après avoir passé deux ans à Paris, je suis de retour en Tunisie pour y terminer mon combat ; malheureusement j'ai assisté dès mon retour en 2015 à une montée d'homophobie. En Tunisie comme ailleurs, des dizaines d'activistes et personnes LGBTQI se retrouvent à la rue à cause de leur sexualité. Ma maison a servi de refuge pour eux, j'ai réussi à loger quelques dizaines de gays, transgenres, lesbiennes... Plusieurs d'entre eux trouvent une solution au bout de quelques jours, d'autres au bout de quelques semaines...

    Mais depuis presque deux ans la situation générale n'a pas changé.

    Aujourd'hui je n'ai plus les moyens de payer mon loyer, en dépit des personnes de la communauté qui ont encore besoin de ce refuge. C'est pour cela nous que nous avons besoin de votre aide. La maison se situe à Sidi Bou Saïd, un quartier sécurisé dans la banlieue nord de la Tunisie.

    Cette maison a été attaquée par des homophobes en mi-septembre, un groupe de cinq personnes ont tenté de forcer notre porte, armés d'armes blanches. Quelques semaines après, 800 personnes ont signé une pétition pour revendiquer notre évacuation de la maison. J'ai profité de mon passage à la télé à propos de ces incidents pour faire un coming-out (une première sur la télé tunisienne) et pour défendre notre communauté ; par la suite deux autre pétitions ont été créées pour nous soutenir, une signée par une quarantaine d'artistes et de militants tunisiens, l'autre par une vingtaine d'associations tunisiennes qui militent pour les droits humains.

    Nous avons tenu et nous voulons tenir encore.

    Merci pour votre soutien.

    Amina Sboui

    A quoi va servir le financement ?

    Pouvoir assurer plusieurs mois de loyer afin de perpétrer et soutenir notre communauté et LGBTQI de Sidi Bou Saïd.

    5000€ = 4 mois de loyer + divers frais de la maison + frais Ulule et frais d'envoi
    8000€ = 6 mois de loyer + divers frais de la maison + frais Ulule et frais d'envoi
    15 000€ = 1 an de loyer + divers frais de la maison + frais Ulule et frais d'envoi

    A propos du porteur de projet :

    Safia Lebdi, née à Clermont Ferrand s'est engagée des 1998 d'abord pour les femmes de son quartier, animant des réunions et puis une marche nationale dans 23 villes de France la marche des femmes contre les ghettos et pour l’égalité qui donnera naissance à l'association Ni Putes Ni Soumises. Fondatrice et porte parole elle refuse la récupération politique, elle crée ensuite les Insoumis-e-s.

    En 2010 elle sera élue régionale en Île de France avec EELV, elle présidera pendant six ans la commission du film qui organise l’industrie du cinéma de la région doté d’un budget de 14 millions d’euros. Elle soutiendra alors de nombreuses créations exprimant la jeunesse issue de l’immigration dont Houda Benyamina qui obtient en mai 2016 au festival de Cannes la Caméra d'or pour son premier long métrage, Divines. Safia organise parallèlement la venue à Paris des Femen d'Ukraine, participant à l'internationalisation de ce mouvement dont elle est l'inspiratrice. Apparaîtront ainsi d'éminentes Femen dans le monde arabe, pour un combat qui rejoint celui des LGBT, particulièrement en Tunisie et au Maroc. Elle se consacre maintenant à la production de documentaires et d'une collection de livres féministes donnant la parole à toutes ces femmes remarquables qu'elle aura rencontré dans son parcours.

    Ces liens vous aiderons également à mieux comprendre notre cas :

    http://www.bbc.com/news/magazine-34942881

    http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/tunisie-38-personnalites-publiques-185537

    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/tunisie-amina-l-ex-femen-n-est-pas-la-bienvenue-chez-elle-1592491241

    http://www.liberation.fr/direct/element/amina-sb-sboui-ex-femen-fait-son-coming-out-a-la-television-tunisienne_48240/

    http://www.wepostmag.com/habitants-de-sidi-bou-said-petition-contre-amina-sboui/

    http://www.tuniscope.com/article/102683/actualites/tunisie/menaces-amina-sboui-255814


    safia.l@hotmail.fr 

    https://fr.ulule.com/

  • Des centaines d’étudiants solidaires dans la rue à Oran (Liberté.dz)

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    Sit-in devant la faculté de médecine

    Les étudiants, en dépit des pressions et du pourrissement recherché par les pouvoirs publics, restent solidaires.

    Le sit-in de protestation, dans la matinée d’hier, devant la faculté de médecine d’Oran, des étudiants de médecine dentaire, s’est transformé en une véritable célébration de la solidarité estudiantine, allant bien au-delà du cas des étudiants grévistes depuis 3 mois et ayant atteint le 6e jour de grève de la faim pour 15 de leurs camarades.

    Et pour cause, en répondant à l’appel à la solidarité avec les grévistes, des centaines d’étudiants ont afflué vers les lieux, à partir de 10h, venant de plusieurs facultés à l’image des étudiants en pharmacie, aussi en grève, ceux de l’Institut de maintenance et de sécurité industrielle (ex-IAP), qui bouclent un mois et demi de grève, et d’autres venant du campus de l’Usto. L’arrivée des étudiants en pharmacie, en rangs serrés, derrière une grande banderole, est accueillie par des applaudissements, des cris et l’on entend fuser de la foule “Solidaires, solidaires !... Étudiants solidaires !…”

    À peine la jonction faite, c’était au tour des étudiants de maintenance et sécurité industrielle, qui ont marché depuis le campus à Es Senia, de se joindre à la manifestation. Là encore, fortes et chaleureuses retrouvailles entre tous ces étudiants mus par un seul élan : se faire entendre et ne pas céder aux pressions. Les slogans vantant et célébrant cette solidarité ne cessent de monter en puissance et, à cet instant, des centaines de voix reprennent sans interruption “Ni soumission ni retour en arrière”, “Les étudiants sont dans la rue, donnez-nous nos droits”, “Ministère honte, honte…”, “Donnez-nous un avenir”.

    L’accès à la faculté est totalement bloqué, la rue envahie, les automobilistes obligés de faire demi-tour, ne pouvant se frayer un passage. Certains d’entre eux, pas rancuniers, klaxonnent en guise de soutien aux jeunes. Au loin, on aperçoit les fourgons de police tentant de se faire discrets, alors que d’autres, en civil, filment les étudiants. Mais ces derniers n’en ont cure et filment eux-mêmes leur “manif” qui est diffusée en direct sur les réseaux sociaux. Pendant plus de deux heures, et ne voulant rien lâcher, les centaines d’étudiants restent massées devant la faculté, brandissant leurs banderoles et reprenant leurs slogans, infatigablement.

    À un moment, la foule s’écarte pour laisser passer une ambulance du Chuo. Quelques instants avant le rassemblement, deux étudiants grévistes de la faim ont dû être évacués vers les urgences, provoquant l’émoi chez leurs camarades. L’un d’entre eux, un jeune de 22 ans, inquiétait particulièrement avec un pic de tension à 21 tandis qu’une autre gréviste avait vu sa glycémie chuter brutalement. Les délégués des étudiants en médecine dentaire tiennent à réagir et ciblent avec colère l’administration de la faculté, mais également les tutelles. “Vous avez là des responsables dans la faculté qui ne font rien et qui laissent des étudiants mourir à petit feu. Au lieu d’être à leur côté, ils font pression sur nous.”

    “Nous n’abandonnerons pas, nos revendications sont légitimes, nous irons jusqu’au bout et chaque étudiant qui ne peut plus suivre la grève de la faim est aussitôt remplacé par un autre”, affirme notre interlocuteur. Dans leur ensemble, les étudiants, en dépit des pressions et du pourrissement recherché par les pouvoirs publics, restent solidaires entre eux et derrière leurs délégués. D’ailleurs, au moment de mettre fin au rassemblement, nous apprenons que les membres de la coordination des étudiants ont été conviés à une rencontre aujourd’hui avec les trois ministères concernés. Un début de dialogue pour désamorcer une crise qui va en s’aggravant.

    D. LOUKIL 13 mars

    http://www.liberte-algerie.com/

  • Syrie: une génération d'enfants sacrifiés sur l'autel de la guerre (RTBF)

    Conflit en Syrie - Une génération d'enfants perdus par les traumatismes de la guerre
    Conflit en Syrie - Une génération d'enfants perdus par les traumatismes de la guerre - © Belga

    La guerre en Syrie pourrait engendrer une génération "perdue" d'enfants en raison des traumatismes endurés sous les bombes, selon l'organisation humanitaire Save the Children.

    Les entretiens menés auprès de plus de 450 enfants et d'adultes montrent un haut niveau de stress psychologique parmi les enfants, dont beaucoup souffrent d'incontinence ou développent des difficultés d'élocution. Au moins 3 millions d'enfants vivent dans des zones de guerre en Syrie et sont confrontés chaque jour aux bombardements aériens et aux tirs d'obus dans un conflit qui entame sa septième année.

    Les adultes ont rapporté que deux tiers des enfants avaient perdu un proche, vu leur maison bombardée, ou souffert eux-mêmes de blessures liées à la guerre. "Après six ans de guerre, nous sommes à un tournant", affirme l'ONG dans un rapport intitulé "Invisible Wounds" (blessures invisibles) consacré à l'impact de la guerre sur la santé mentale des enfants.

    48% des adultes ont rapporté que les enfants avaient perdu leur capacité à s'exprimer

    "Le risque d'avoir une génération brisée, perdue par les traumatismes et un stress extrême, n'a jamais été aussi grand", selon Save The Children. Quelque 84% d'entre eux ont évoqué comme première cause de leur stress les bombardements aériens et les tirs d'obus.

    Et 48% des adultes ont rapporté que les enfants avaient perdu leur capacité à s'exprimer ou développé des difficultés d'élocution depuis le début de la guerre.

    81% des enfants sont en outre devenus plus agressifs tandis que 71% souffrent souvent d'incontinence. Les enfants à Madaya sont "psychologiquement démolis et épuisés", selon un enseignant de la ville cité dans le rapport. "Ils dessinent des enfants qui se font massacrer, ou des chars, ou le siège et le manque de nourriture".

    "Les enfants espèrent mourir pour aller au paradis et être ainsi au chaud, manger et jouer", raconte un autre enseignant à Madaya. 

    RTBF avec Belga

     
     
  • Le Kef résiste contre la criminalisation des mouvements sociaux (Nawaat)

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    Le Tribunal de première instance du Kef, a ordonné, mercredi 25 janvier 2017, la libération conditionnelle de 15 détenus parmi les 22 personnes impliquées dans le mouvement social de Jérissa de janvier 2016, suite au décès de Ridha Yahyaoui à Kasserine. Le 8 février, 74 jeunes détenus de Tajerouine comparaîtront pour les mêmes accusations. Le même tribunal devrait se prononcer le 30 janvier, sur cinq élèves accusés de désobéissance civile et d’entrave à la circulation suite aux manifestations qui ont suivi l’assassinat de Chokri Belaid, 6 février 2013.

    Le Procès des jeunes de Jérissa n’est pas encore fini

    Dans la salle d’audience, les familles des accusés se serraient par dizaines sur les bancs alors que d’autres sont restés debout jusqu’à la porte. Les visages inquiets, chacun essaye de repérer de loin son proche parmi les 15 hommes tournant le dos à l’assistance. Depuis février 2016, le quotidien des familles est consacré aux visites en prison, les entretiens avec les avocats et la présence au tribunal. Six accusés sont pères de familles. « Leur seul tort était d’aller protester devant le poste de police de la ville. Quelques uns n’ont même pas protesté. Ils habitaient ou travaillaient devant le poste de police où ont lieu les confrontations. C’est le cas de Azouz Omr, par exemple, qui bossait dans la station de lavage des voitures » affirme Dorsaf Fadheli, épouse de Sami Fadhel, un autre détenu.

    Le 22 janvier 2016 à Jérissa comme à Regueb, Bouzayene, Kélibia, Jebiniana, Ksibet El Madouni et d’autres villes, des manifestants payent pour « les crimes de la foule que la Tunisie insiste à punir depuis l’occupation française » explique Charfeddine Kelili, avocat de la défense. Les 22 jeunes de Jérissa sont accusés de provocation d’incendie dans des locaux non habité, participation à une rébellion armée provoquée par plus de dix personnes et entrave à la circulation. « Malgré le sérieux des accusations, le dossier est vide de toute preuve qui pourrait affirmer la condamnation ! » s’indigne Slaheddine Hajri avant d’expliquer que « pour combler les lacunes de son enquête, la police judiciaire a confisqué un CD de 24 photos supposées être la preuve irréfutable des crimes. Mais nous ne savons rien sur l’origine de ces photos, leur date, les lieux où elles ont été prises. Pire, certains accusés n’y figurent même pas » insiste Hajri dans sa plaidoirie.

    Même si la police judiciaire n’a saisi aucune arme, les détenus sont officiellement accusés de désobéissance armée. Le juge interpelle Saber Nasraoui, au banc des accusés « Si tu étais en train de protester pacifiquement pour le travail, pourquoi tu étais cagoulé ? ». L’accusé répond qu’il avait mis son cache-coll sur le visage pour se protéger du gaz étouffant des bombes lacrymogènes tirées par la police. Pour maître Leila Haddad « Nous ne pouvons pas isoler cette affaire de son contexte politique et géographique. Si nous examinons les procès actuels contre les mouvements sociaux dans les régions les plus défavorisées comme Kasserine, Sidi Bouzid, Sened, Gafsa et le Kef. Le but est de punir pas seulement les jeunes contestataires mais leurs familles et toutes leurs communautés ! Nous exigeons que la justice ne soit pas impliquée dans cette manœuvre politique et défend la volonté du peuple ! » clame l’avocate dont la voix raisonne dans la salle religieusement silencieuse. Au milieu de la salle, une dame âgée éclate en sanglot. Adossé à un mur, le père d’un détenu, amaigri par le chagrin, cogne sa tête désespérément. L’émotion monte d’un cran avec les plaidoiries de Charfedine Kellil et de Ridha Radaoui chargé par le FTDES et d’autres avocats keffois qui suivent le dossier depuis une année.

    Tejerouine et le Kef : les détenus sont très jeunes

    Mohamed Mouelhi, 21 ans, était en train de rentrer chez lui quand la police l’a arrêté, le 8 février 2013. « Pourquoi tu as peur ? Tu cache certainement quelque chose, m’ont-ils dit avant de m’embarquer au poste de police puis au Tribunal de première instance du Kef » se rappelle le jeune homme. Le 7 février 2013, des manifestations ont eu lieu au Kef pour protester contre l’assassinat politique de Chokri Belaid. Mais Mohamed n’y était pas. « J’étais au lycée. Je ne fais partie d’aucun parti politique et je ne vais pas aux manifestations » affirme-t-il. Le 30 janvier, il comparaîtra libre devant le juge avec Mohamed Ali Jebali, Khalil Belarbi, Kamel Yahyaoui et Assil Yahyaoui, quatre bacheliers qui ont à peine 18 ans. Parmi les chefs d’inculpation des cinq jeunes ; provocation d’incendie dans des locaux non habité, participation à une rébellion armée provoquée par plus de dix personnes et entrave à la circulation.

    À Tajerouine, 74 jeunes dont deux enfants (Jihed Najlaoui 15 ans et Aymen Aouadi 16 ans au moment de leur arrestation) comparaîtront devant le Tribunal de première instance du Kef le 8 février 2016. En plus des chefs d’inculpation dont on cite la désobéissance civile armée, les détenus sont accusés du vol d’un magasin et du saccage d’un poste de police. Selon Fadel Bedhiafi, vice président de la section régionale de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, qui a rendu visite aux détenus en prison, la moyenne d’age des accusés est de 18 – 19 ans :

    Ils sont issus de familles très pauvres et sont tous presque au chômage. Il y a certains qui sont de frères et cousins ce qui complique encore la situation des familles en détresse depuis une année.

    Henda Chennaoui

    Journaliste indépendante, spécialiste en mouvements sociaux et nouvelles formes de résistance civile. Je m'intéresse à l'observation et l'explication de l'actualité sociale et économique qui passe inaperçue.