Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Maroc - Page 21

  • La Zone franche de Tanger : Zone de non-droit (Afriques en lutte)

    Le samedi 22 janvier 2015, Mohammed Charki, un ouvrier et syndicaliste à l’entreprise américaine ECI Maroc située dans la Zone Franche de Tanger Automotive (Nord du Maroc) est sauvagement agressé, insulté et tabassé par des agents de la société de sécurité privée Colinco.

    Le conflit a éclaté dès que les ouvrier-e-s ont constitué un bureau syndical pour défendre leurs droits élémentaires reconnus par le code du travail : salaire minimum, droit au repos hebdomadaire, conditions de sécurité et respect des travailleurs et travailleuses.

    Suite à cela, la direction a décidé de licencier 7 ouvriers pour stopper le mouvement. La direction n’hésite pas à recourir aux menaces, insultes et aux méthodes de terreur face aux ouvrier-e-s.

    Dans cette zone de non-droit, les entreprises n’ont plus besoin de recourir aux forces de l’ordre public, elles ont leurs propres agents de sécurité privés pour affronter toute revendication ouvrière.

    Les entreprises bénéficient du soutien de l’État qui offre des terres, des infrastructures, une main d’œuvre jeune, exploitable et corvéable, une législation suffisamment malléable pour attirer de nouvelles sociétés multinationales.

    Un nouvel Eldorado pour le capitalisme qui profite de la zone de libre échange pour faire des profits juteux avec des salaires bas, une législation du travail et des charges sociales inexistantes, un taux de chômage élevé.

    Le mercredi 4 février 2015, les agents de sécurité interviennent sauvagement pour disperser les ouvrier-e-s tenant sit-in devant l’usine. Cette intervention fait plusieurs blessés, parmi lesquels Mohamed Charki, blessé au visage. Voici les témoignages de deux ouvriers de cette usine.

    Témoignage de Safaa Bahraoui, ouvrière dans la société américaine ECI Maroc

    ECI, est une société américaine qui fabrique des câbles pour voitures, pour appareils électroniques… La société est la première usine qui s’est installée dans la nouvelle zone industrielle. Elle est située entre Tétouan et Tanger, à 40 km de Tanger et emploie environ 260 ouvriers et ouvrières. 7 ouvriers ont été licenciés pour raison syndicale, pour avoir dénoncé les conditions de travail et réclamé l’application du code du travail.

    « J’ai été menacée par un responsable de la sécurité, insultée, ensuite il m’a fait tomber par terre. Nous avons tenu un sit-in pacifique devant l’usine pour dénoncer ce manque de respect de l’agent de sécurité de la société Clinco Service.

    Pour cela, 30 ouvriers ont été licenciés, et 30 autres sont menacés. Nous avons lutté pour leur retour au travail, pour les indemnisations des heures supplémentaires, pour le droit des femmes enceintes. Maintenant ils menacent de licencier tous les ouvriers, environ 260 pour en embaucher d’autres. Nous poursuivons notre lutte, pour exiger nos droits, le respect des ouvrières et ouvriers. »

    Témoignage de Ahmed Charki : ouvrier, syndicaliste

    « J’ai dix ans d’expérience dans ce secteur. Avec d’autres ouvrières et ouvriers, j’ai dénoncé les conditions de travail exécrables, l’absence de formation pour les nouveaux travailleurs. Tout de suite après, j’ai été convoqué avec une ouvrière. Je me suis retrouvé dans une voiture, menacé, tabassé puis jeté dans la nature. Une ambulance est arrivée plusieurs heures après pour constater mes blessures.

    Nos revendications :

    - l’application du code du travail ;
    - notre salaire actuel : 2100 dirhams pour 8 h de travail, mais ils nous paient 7h30 au lieu de 8h, les 30 minutes journalières de pause sont retirées de notre salaire ;
    - en ce moment nous sommes en sit-in devant l’usine, dans la zone franche ;

    cette zone industrielle s’installe sur les terres de culture, les habitants sont menacés d’expulsion. » Solidarité avec notre camarade Mohamed Charki, syndicaliste, militant de l’AMDH et d’Attac Maroc et avec toutes les ouvrières et ouvriers de l’usine.

    ECI MAROC est la première usine à s’installer dans la nouvelle zone industrielle. Elle témoigne du nouveau visage du capitalisme sauvage mondialisé qui se croit au dessus des lois, du droit local et international. Le pouvoir marocain exproprie les paysans de leurs terres, de leur culture, de leur environnement, s’accapare leurs terres pour les céder à moindre coût à des sociétés internationales sans foi ni loi.

    À qui profite ce type de développement ?

    Souad Guennoun  10 mars 2015 

    Source : www.cadtm.org

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/egypte/article/la-zone-franche-de-tanger-zone-de

     

  • Manifestation du 8 mars à Rabat (Afriques en lutte)

    https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTHbW2jOw3yg6JSWVUEjbaM3FGb4xbP5fFPfn8oiObuCYG7xbGZ

    Des milliers de femmes ont marché ce dimanche à Rabat, appelant à l’égalité et à la parité, ce 8 mars, à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de la femme.

    Elles étaient des dizaines de milliers à marcher, selon le PAM, et près de 20.000 femmes, selon la police. Mais, durant cette manifestation, tenue sous un jour printanier et fortes en slogans, des groupes de femmes n’ont pas vu d’un bon oeil la présence parmi elles de deux leaders politiques, à savoir Hamid Chabat, numéro un de l’Istiqlal, et Driss Lachgar, patron de l’USFP.

    Les deux dirigeants ont eu du mal à prolonger leur « séjour » parmi les manifestantes, des femmes ayant refusé que leur « présence et leur mobilisation » soient récupérées à des fins politiques. « Nous, femmes marocaines, réclamons des droits, des actions et non des slogans politiques », a affirmé à Le360 Bahija Roudani, une Casablancaise sans appartenance politique. Le chef du gouvernement en a pris également pour son grade. Il a été qualifié de « poltron » dans des slogans lui reprochant de « bafouer la dignité de la femme ».

    Lors de cette manifestation censée être exclusivement réservée aux femmes, les hommes étaient très nombreux, bien que minoritaires. Autre observation : c’est la femme du monde rurale, la femme des quartiers populaires, la femme des usines qui a manifesté, et avec fierté.

    Les observateurs ont noté toutefois l’absence des militantes des ONG, des femmes actives dans la société civile, du monde des affaires et de l’entrepreneuriat. Les femmes décisionnaires, qui ont un point politique, étaient en somme aux abonnés absents.

    « La femme a néanmoins marqué un point aujourd’hui. Et il faut que les partis politiques cessent d’exploiter cet évènement à des fins électorales. La femme a prouvé sa valeur, ses compétences. Elles mérite tout l’intérêt des pouvoirs publics », a déclaré Khadija Ahroum, de l’Association des Soulaliates de Kénitra qui, pour rappel, réclament leur droit à l’héritage au même titre que les hommes dans ce qui est communément appelé les terres Joumouae (terres collectives). 9 mars 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/manifestation-du-8-mars-a-rabat

     

  • Nouveautés sur "Lutte Ouvrière"

  • Les droits de l’Homme bafoués au Maroc avec la complicité active du Gouvernement français (ESSF)

    Maroc : Les droits de l’Homme bafoués avec la complicité active du Gouvernement français

    Le conseil d’administration de l’ASDHOM, réuni le 22 février 2015 à Paris, s’est préoccupé de la recrudescence inquiétante des atteintes aux droits humains au Maroc.

    Au-delà des mouvements que mènent les détenus politiques pour améliorer leurs conditions de détention et les arrestations qui seront traités dans le point régulier de l’ASDHOM, dans le cadre de sa campagne de parrainage, le Conseil d’Administration tient à faire la déclaration suivante :

    L’intrusion violente dans les locaux de l’AMDH à Rabat par une trentaine de policiers en civil, sans mandat, en dit long sur la poursuite de l’acharnement des autorités contre cette composante militante et active de la société civile marocaine. Les policiers ont molesté Rabia Bouzidi , membre de la commission administrative de l’AMDH, qui leur a fait courageusement face en refusant de leur fournir les clefs du local, avant de procéder au saccage des portes. Le but de l’opération était de mettre la main sur deux journalistes français, pris en filature et surveillés depuis leur arrivée au Maroc. Jean-Louis Perez et Pierre Chautard , journalistes d’investigation de l’Agence Premières Lignes, avaient demandé l’autorisation de filmer pour réaliser un documentaire sur l’économie marocaine pour le compte de la chaîne de télévision France3. N’ayant pas eu de réponse à leur demande, ils ont décidé de se rendre au Maroc pour effectuer des entretiens en privé sur le sujet. Tout leur matériel a été confisqué. Dépossédés même de leurs portables, ils ont été expulsés vers la France. Cette pratique est loin d’être une exception, puisqu’il y a quelques semaines, une équipe de France 24 s’est vue confisquer ses enregistrements d’entretiens avec des humoristes sur la liberté d’expression artistique au Maroc.

    L’invasion des locaux de l’AMDH est le prolongement des intimidations faites lors du discours du 15 juillet 2014 du ministre de l’Intérieur devant le Parlement marocain où il a chargé les organisations de défense des droits de l’Homme au Maroc en les traitant d’agents de l’étranger. L’AMDH s’est vue interdire pratiquement toutes ses activités. Les autorités sont allées jusqu’à la menacer de lui retirer son statut d’utilité publique et lui reprochent d’accueillir dans son siège des réunions et conférences d’associations non autorisées comme c’est le cas de « Freedom Now » qui milite pour la liberté de la presse.

    Les autorités marocaines s’obstinent à ne pas permettre aux journalistes de mener en toute indépendance leurs investigations sur la réalité sociale, économique et politique du Maroc.

    C’est justement ce que viennent de dénoncer les organisations de défense de la liberté de la presse telle que celle du Prix Albert Londres . Dans son communiqué du 20 février relatif à l’expulsion manu militari des deux journalistes français, cette association qui récompense les meilleurs reportages journalistiques a décidé d’annuler l’édition qui était prévue au mois de mai à Tanger pour protester contre cette expulsion. Elle trouve que « les conditions –précaires- de la liberté de la presse dans le Royaume sont de notoriété publique » et que « le Prix Albert Londres ne peut pas laisser planer le doute d’une quelconque indulgence pour des pratiques contraires à son éthique, encore moins d’une connivence avec des autorités qui ordonnent ou laissent faire ».

    Ces atteintes aux droits humains se multiplient au lendemain de la tenue à Marrakech du Forum Mondial des Droits de l’Homme, où les officines officielles tel que le CNDH se sont mobilisées pour essayer de berner l’opinion internationale et de lui faire croire que le Maroc a tourné la page des années de plomb.

    Le gouvernement français loin de se préoccuper de cette situation, s’est empressé de donner des signes dits d’amitié en décidant de décorer un dignitaire de ce pouvoir répressif en remettant l’insigne d’officier de la légion d’honneur pour Abdellatif Hammouchi .

    Abdellatif Hammouchi, n’est autre que le patron de la DGST, le contre-espionnage marocain. C’est contre lui, rappelons-le, que trois plaintes ont été déposées en France. Deux pour « complicité de torture », déposées par l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture ( ACAT ) au nom du citoyen franco-marocain, cinéaste de son état, Adil Lamtalsi , et de Naâma Asfari , défenseur des droits de l’Homme sahraoui incarcéré à Salé. Et une troisième pour « torture », déposée par le jeune champion du monde de boxe thaïe, Zakaria Moumni .

    Un épisode de brouille diplomatique conduisant le Maroc à suspendre toute collaboration judiciaire avec la France est survenu au moment où un juge français a essayé, il y a un an, de remettre une convocation à Abdellatif Hammouchi quand il était à Paris.

    Le gouvernement français en se déshonorant ainsi, espère retrouver la collaboration policière avec le Maroc, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ravivée par les lâches actes commis contre les journalistes de Charlie Hebdo et les clients de supermarché cacher à Paris en janvier. Est-ce pour ces mêmes raisons d’Etat que les autorités du Maroc et de la France ont évité de dénoncer ou de s’inquiéter des menaces de mort proférées via les réseaux sociaux à l’encontre de la journaliste marocaine collaboratrice à Charlie Hebdo, Zineb El Rhazoui , et de son compagnon ?

    Cette décoration est un affront aux victimes de la torture et à la justice. L’exécutif français commet une grave erreur en se rendant complice de l’Etat marocain dans sa protection d’un présumé tortionnaire. Tout est fait pour que Abdellatif Hammouchi ne soit pas inquiété par la justice, mais d’un autre côté, l’Etat marocain contre-attaque en déposant plainte contre les victimes Zakaria Moumni, Adil Lamtalsi et son soutien l’ACAT. Des convocations à se présenter devant un juge à Rabat, le 24 février 2015, leur ont été adressées.

    Cette affaire est non sans nous rappeler, malheureusement et toute proportion gardée, la tristement célèbre affaire Ben Barka. Cela fait bientôt cinquante ans que cette affaire se perd entre les arcanes de la justice à cause, justement, de ces complicités des Etats qui ne veulent pas que la justice et la vérité se fassent.

    L’ASDHOM rappelle à l’Etat marocain qu’il vient de signer, au sortir du Forum mondial des droits de l’Homme de Marrakech, le protocole facultatif contre la torture et qu’il a aussi déposé auprès du secrétaire général de l’ ONU les instruments pour mettre en place un mécanisme national de protection ( MNP ). Cet engagement l’oblige à protéger ses citoyens de la torture et non d’encourager l’impunité en protégeant des présumés responsables de torture ou de crimes.

    L’ASDHOM rappelle également à l’Etat français qu’il est soumis au devoir de la séparation des pouvoirs. Il doit protéger les victimes en leur facilitant l’accès à la justice et non entraver cette dernière en accordant des honneurs à des présumés responsables de crime. L’ASDHOM se félicite que des ONG telles que la LDH , la FIDH , le REMDH , le MRAP et l’ ACAT , entre autres, se soient indignées de l’octroi de cette légion d’honneur en parlant de « déshonneur ».

    Le Conseil d’Administration, fidèle aux engagements incessants de l’ASDHOM depuis sa création en 1984 pour la défense des droits humains universels, appelle tous les adhérents à se mobiliser pour réussir l’assemblée générale élective du 14 mars 2015.

    Le Conseil d’administration de l’ASDHOM

    Paris, le 22 février 2015

    Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc

    ASDHOM 79, rue des Suisses 92000 Nanterre

    asdhom@asdhom.org www.asdhom.org




  • Maroc: vivant, le mouvement pro-réformes marque son 4e anniversaire (Le Matin.dz)

    Résultat de recherche d'images pour "maroc 20 fevrier"

    Plusieurs centaines de militants ont marqué vendredi le 4e anniversaire du mouvement pro-réformes du 20-Février né durant le Printemps arabe en participant à des sit-in à Rabat et Casablanca, les deux principales villes du royaume.

    Sur fond d'essoufflement de la mobilisation, environ 200 personnes se sont rassemblées en fin d'après-midi devant le Parlement de Rabat. Dignité!, démocratie!, non à la corruption!, ont-ils scandé. "Nous sommes là pour montrer que le mouvement du 20-Février (M20) continue. Certes il a connu une régression, mais il est toujours vivant", a expliqué à l'AFP un participant, Abdelhamid Amine. "On continue à lutter pour un Maroc démocratique, à même de garantir la dignité et les droits humains pour toutes et pour tous".

    A Casablanca, la capitale économique, environ 150 personnes ont manifesté, sous les mêmes mots d'ordre. Né durant le Printemps arabe, le M20 réclame des réformes politiques et sociales profondes, mais ses activités ont grandement décliné, ses membres dénonçant une répression à leur égard. Les autorités affirment de leur côté que l'essentiel des revendications ont été satisfaites avec l'adoption à l'été 2011 d'une nouvelle Constitution, sur initiative du roi Mohammed VI.

    Cette année-là, les manifestations avaient débouché sur le succès historique des islamistes du Parti justice et développement (PJD) lors des législatives. Le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, leader du PJD, remettra l'an prochain son mandat en jeu, mais les manifestants de Rabat ont exprimé leur intention de boycotter les scrutins à venir.

    En matinée, un premier ouvrage sur le M20, composé de textes et photos, a par ailleurs été présenté à la Bibliothèque nationale par une ONG locale, Le Médiateur pour la démocratie et les droits de l'Homme (LMDDH).

    La presse, elle, divergeait sur l'ampleur des résultats obtenus par ce mouvement inédit dans l'histoire récente du royaume.

    Le 20-Février a permis de briser la peur du pouvoir dans l'esprit des gens, ainsi que de ramener à la politique des dizaines de jeunes qui se désintéressaient totalement des affaires publiques, se félicitait Taoufiq Bouachrine, du journal Akhbar al-Yaoum.

    Si grâce à eux et à leur audace, le Maroc ne ressemblera jamais plus à celui d'avant, on peut remarquer que les Marocains ont plongé de nouveau dans l'indifférence et la résignation, regrettait par contre Abdellah Tourabi, dans un éditorial intitulé 20-Février: une occasion manquée publié dans l'hebdomadaire Tel Quel.AFP

    http://www.lematindz.net/news/16643-maroc-vivant-le-mouvement-pro-reformes-marque-son-4e-anniversaire.html

  • Les nouveaux mouvements sociaux au Maroc (Zones Subversives)

    Les nouveaux mouvements sociaux au Maroc
     
    La révolte au Maroc semble méconnue. De nouvelles formes de contestation émergent contre le régime autoritaire. 

     

    En 2011, une vague de révolte partie de Tunisie se propage dans de nombreux pays. Le Printemps arabe touche également le Maroc. Un nouveau cycle de lutte s’amorce avec le Mouvement du 20 février. L’universitaire Frédéric Vairel propose une analyse dans son livre intitulé Politique et mouvements sociaux au Maroc.

    Le régime monarchique encadre les groupes contestataires. Le mouvement du 20 février se contente de demander des aménagements du régime et non pas son renversement. Il s’attache également à un refus de la violence. Mais, issu de la vague de révolte de 2011, il semble spontané et s’organise en dehors des partis et des syndicats. Ce mouvement du 20 février regroupe des militants de l’extrême gauche marxiste mais aussi des défenseurs des droits de l’homme. Des organisations politiques radicales mais aussi des islamistes composent ce mouvement très hétéroclite.

    « Le Maroc est un laboratoire fascinant de la protestation en régime autoritaire et de la manière dont celui-ci s’en accommode », souligne Frédéric Vairel. La révolution n’est plus un horizon politique et les collectifs militants s’institutionnalisent. La sociologie politique, avec l’observation de la répression et des particularités du régime, peut permettre d’enrichir l’analyse des mouvements de lutte. La contestation sociale se construit en opposition mais aussi en référence à la politique institutionnelle.                                

     

    Mouvements de contestation

     

    De nombreux politologues estiment que le régime marocain repose sur la religion pour se légitimer. En réalité, la monarchie s’appuie surtout sur l’Etat avec la répression et les divers moyens de coercition. Le régime utilise l’intimidation, les arrestations et la torture pour museler toute forme d’opposition. L’organisation des élections, du calendrier et la réglementation de la campagne électorale permettent de réserver les postes de pouvoir aux partis proches du régime.

    La monarchie s’appuie sur différents groupes sociaux pour lesquels elle mène une politique clientéliste. La bourgeoisie, la moyenne paysannerie et la petite bourgeoisie citadine soutiennent le régime. Des postes de fonctionnaires sont créés et les entreprises locales sont favorisées.

    En 1990, une vague de mouvements sociaux déferle sur le Maroc. Luttes, grèves et émeutes déstabilisent le pouvoir. Les jeunes précaires occupent l’espace public et participent activement aux émeutes. Le régime ne répond pas par la répression mais par une ouverture. Les partis d’opposition peuvent participer au gouvernement. En 1999, un nouveau roi arrive au pouvoir. Les droits de l’homme sont intégrés au discours officiel et la répression semble moins féroce.

     

    Le syndicat étudiant de l’Unem apparaît comme le creuset des mouvements contestataires, gauchistes ou islamistes. Cette organisation étudiante forme les futures élites. Mais les jeunes contestataires subissent la répression, la clandestinité et la prison. Les trajectoires de ces militants évoluent vers l’action locale et associative. Ils ne s’inscrivent plus dans une remise en cause globale du régime mais agissent pour sa démocratisation.

    Les gauchistes et les islamistes sont issus de la petite bourgeoisie intellectuelle. Les militants sont socialisés dans des familles politisées. Après l’expérience de la prison ou de la répression, les militants continuent leurs activités politiques à travers des associations pour les droits de l’homme. Mais seuls les militants qui disposent du plus important capital culturel et politique, avec des réseaux, continuent leur vie politique. Les autres trouvent davantage de satisfactions dans un « bonheur privé », professionnel et familial.

    Les jeunes militants s’opposent aux partis politiques, en raison de leur dimension autoritaire et électoraliste. Les organisations de femmes s’organisent en marge des partis car leurs problèmes ne sont jamais évoqués dans ce cadre traditionnel. Le militantisme associatif s’oppose au champ politique régit par le calcul cynique et avec la compromission avec les autres partis et le pouvoir. « Selon ces militants, le champ politique se caractérise par son immobilisme auquel vient répondre l’effervescence contestataire de la scène qu’ils animent », indique Frédéric Vairel. De nouvelles pratiques politiques doivent s’inventer en dehors des institutions.

    Les mouvements pour les droits de l’homme deviennent le seul cadre légal pour lutter contre le régime et les rapports de production. Les associations de défense des droits de l’homme abritent souvent les militants d’extrême gauche et les anciens prisonniers politiques qui n’ont pas renoncé à leurs idées.

     

    Des collectifs se forment pour construire une force contestataire dans la durée. Le Forum marocain pour la vérité et la justice (FVJ) regroupe des anciens prisonniers et leurs familles. Ce collectif organise des réunions pour parler des problèmes de la répression dans la démarche d’un groupe de thérapie collective. Mais, progressivement, les moyens d’action sont évoqués. Le collectif ne regroupe donc pas uniquement des militants d’extrême gauche mais s’appuie sur une partie de la population qui a subi directement la répression.

    Le FVJ s’attache à construire une force politique et permet aux personnes de retrouver leur dignité dans la lutte. « Un partie du travail du FVJ a consisté à retourner le stigmate de victime, transformant des identités et des liens fragmentés et localisés en une identité politique commune », observe Frédéric Vairel. Des actions sont organisées, comme les sit-in devant les centres de détention.

    Le FVJ s’appuie sur les témoignages de victimes. Mais, contrairement à la presse, le FVJ refuse toute utilisation misérabiliste et humanitaire. Le collectif donne un sens conflictuel aux témoignages pour dénoncer les causes et les responsables de la répression. Les associations féministes s’appuient également sur des services, comme l’alphabétisation, pour élargir leur capacité de mobilisation.

                     

    Pratiques de lutte

     

    Le sit-in, un rassemblement protestataire, devient le mode d’action central. Il trouve son origine dans les actions d’occupation, valorisées notamment par les jeunes chômeurs. Le FVJ pratique couramment le sit-in avec des slogans qui dénoncent les responsables de la répression. Cette effervescence protestataire permet de construire un rapport de force social qui explique la démocratisation du Maroc. « Contrairement à ce qu’indiquent les points de vue conservateurs, le trait marquant de la libéralisation réside davantage dans la multiplication des démonstrations publiques d’indignation que dans la complexe ingénierie politique qui permet aux partis de l’opposition de sa Majesté d’accéder au gouvernement », analyse Frédéric Vairel.

    Le sit-in permet une occupation de l’espace public. Même lorsque la mobilisation n’est pas massive, elle reste visible. Des tracts et des autocollants permettent d’interpeller les passants. « Vous qui regardez, vous êtes tous concernés », lancent les militants. Le sit-in révèle également la division sexuelle du travail militant. Les dirigeants des collectifs sont tous des hommes. Les organisations comme l’AMDH reproduisent les vieux schémas militants du dogme marxiste-léniniste. Seuls les dirigeants décident du sit-in et planifient son organisation. Ensuite, les actions s’inscrivent dans la vieille routine de l’avant-garde qui doit conscientiser les masses. Les slogans et les banderoles ne sont pas laissés à l’improvisation. En dehors des origines autoritaires des collectifs, la répression explique cet encadrement de la lutte. Les dirigeants des associations peuvent être arrêtés si un slogan attaque directement le régime.

     

    Au-delà de la routine bureaucratique, les rassemblements demeurent des espaces de rencontres et de discussions. « Aux marges du sit-in, on se parle et l’on rit », indique Frédéric Vairel. Un esprit de convivialité s’observe, notamment entre les militants qui ne se sont pas vus de longue date. « D’autres liens que le seul lien politique se nouent. Des ensembles de relations s’y tissent, s’y renouvellent et s’y exposent, qui entourent et renforcent le sentiment d’appartenance à un groupement politique », observe Frédéric Vairel. Les émotions et le plaisir de la mobilisation demeurent un puissant moteur d’engagement.

    Les forces de sécurité marquent fortement leur présence. Le moindre écart se traduit par une répression féroce. Des diplômés chômeurs qui bloquent une rue sont encerclés par la police. Le sit-in ne nécessite pas une autorisation mais peut être réprimé en invoquant la notion floue de « trouble à l’ordre public ».

    Des rassemblements du FVJ rendent hommage aux victimes de la répression. Ces actions, qui s’inspirent des Mères de la place de Mai en Argentine, mêlent émotion et protestation.

     

    En raison de la forte répression, les mouvements sociaux ne s’inscrivent plus dans un horizon révolutionnaire. La moindre émeute peut finir en bain de sang. Ensuite, l’aide internationale oriente également la routine militante. Les associations des droits de l’homme doivent alors gérer des apports financiers. Une professionnalisation et une bureaucratisation se développe, même dans les associations dirigées par des militants d’extrême gauche. L’action devient moins orientée vers les mouvements de lutte et davantage vers un travail d’information avec la diffusion de rapports qui présentent la situation au Maroc.

    Le roi Mohamed VI tente de rompre avec l’autoritarisme d’Hassan II. Les nouvelles élites politiques ne sont plus issues de la police, mais du marxisme-léninisme. Les anciens contestataires sont recrutés par le pouvoir pour participer à la transition démocratique. La monarchie ne s’appuie donc pas uniquement sur la répression pour encadrer les mouvements de lutte mais favorise également leur institutionnalisation. Pour de nombreux militants, le régime ne doit plus être supprimé mais aménagé. Mais des débats traversent les associations. Certains contestataires refusent toute forme de compromission avec un régime toujours considéré comme autoritaire.               

     

    Mouvement du 20 février

     

    En 2011, la vague de contestation du « Printemps arabe » se propage au Maroc. Mais la diversité des situations politiques empêche un effet domino dans la chute des régimes autoritaires. Pourtant, le 20 février 2011 marque un véritable tournant au Maroc. Un soulèvement populaire amorce une « période de réformes où politique dans la rue et politique dans les palais s’articulent, se répondent et s’opposent », analyse Frédéric Vairel.

    Des manifestations et rassemblements attaquent directement le régime. Comme dans de nombreux pays arabes, les autorités se sentent menacées. Le roi du Maroc est même obligé d’annoncer une révision de la constitution. Le mouvement du 20 février ne semble pas entièrement spontané. Il regroupe des jeunes urbains qui ne sont pas issus de familles aisées. Ces activistes ont déjà participé à des collectifs ou à des partis. Mais ils rejettent la discipline partisane et l’autoritarisme de ses formes d’organisation. Ils remettent également en cause la religion et les valeurs patriarcales. La question de la justice sociale demeure majeure, avec celle des libertés démocratiques, et des rassemblements s’organisent dans les quartiers populaires.

    En revanche, le mouvement du 20 février ne s’inscrit pas dans un horizon marxiste, révolutionnaire et internationaliste. Cette contestation se réfère au monde arabe et revendique une démocratisation du régime, et non pas son renversement.

    Les partis et syndicats se tiennent à l’écart de ce mouvement. Ses revendications sont jugées classiques mais son organisation se révèle incontrôlable. Le mouvement dénonce la corruption et le pouvoir de l’argent, mais n’attaque jamais directement le régime. « Sa réforme constitutionnelle ou parlementaire est souhaitée, certainement pas sa chute. C’est là un bon indice de la légitimité de cette institution : les acteurs politiques marocains, y compris les plus radicaux, n’imaginent ni ne revendiquent d’autres modalités de gouvernement », observe Frédéric Vairel. Le mouvement ne prend pas d’ampleur, contrairement à la Tunisie ou l’Égypte. Seuls quelques secteurs professionnels participent à la lutte. Ensuite, l’occupation de la rue est brutalement réprimée avec de violents matraquages.

     

    Le livre de Frédéric Vairel propose un éclairage original sur la situation au Maroc. Il brise l’image véhiculée par le régime et l’industrie touristique. Les sciences politiques opposent trop souvent la sociologie des mouvements sociaux et l’attention portée aux institutions et aux politiques publiques. Les analyses des Frédéric Vairel permettent de croiser ses deux approches pour montrer leur influence réciproque. Les défenseurs du régime monarchique au Maroc insiste sur son evolution et sa democratisation. Mais ce sont bien les mouvements sociaux qui permettent quelques ameliorations de la situation. Ensuite la répression demeure brutale et le régime n’hésite pas à récupérer les dirigeants des mouvements sociaux pour affaiblir la contestation.

    Pourtant, l’étude de Frédéric Vairel connaît quelques limites. Il considère que les islamistes font partis des mouvements sociaux. Ses réactionnaires ne s’inscrivent dans aucune perspective de transformation sociale et veulent renforcer l’ordre dominant malgré leur opposition au régime. Leur presence dans le mouvement du 20 février ne prouve que la faiblesse et la confusion de ce ressemblement hétéroclite sur les bases politiques les plus limités.

    Enfin, Frédéric Vairel, en bon sociologue, ne semble pas toujours saisir l’originalité et la spontanéité de l’évènement. La révolte de 2011 ne correspond pas aux cadres classiques de la routine militante. Même si l’approche sociologique et historique permet aussi de montrer les origines de ce soulèvement. Le mouvement du 20 février permet de developer des pratiques de lutte qui sortent de la hiérarchie marxiste-léniniste pour adopter unr organisation plus horizontale et libertaire. Mais un renversement du régime au Maroc ne peut passer que par l’émergence d’un veritable mouvement de masse. Des grèves permettent de bloquer la production et de mettre en avant la dimension sociale de la lutte. Le mouvement du 20 février se contente de soulever la question des libertés démocratiques mais n’évoque pas l’exploitation capitaliste. Pourtant, les mouvements de lutte qui permettent de renverser des régimes autoritaires articlent lutte contre la repression et lutte contre l’exploitation et la misère.

     

    Source :

     

    Frédéric Vairel, Politique et mouvements sociaux au Maroc. La révolution désamorcée ?, Presses de Sciences Po, 2014

     

    Articles liés :

    Retour sur la révolte tunisienne

    Réflexions sur le Printemps arabe

    Occuper le monde : un désir de radicalité

    L'émeute se propage

    Pour aller plus loin :

     

    Vidéo : Conférence: "Révolte dans le monde arabe: vers un changement politique ?", publié sur le site UQUAM TV le 8 février 2011

    Frédéric Vairel, « "Qu’avez-vous fait de vos vingt ans ?" Militantismes marocains du 23-mars (1965) au 20 février (2011) », L’Année du Maghreb, VIII | 2012

    Julie Chaudier, Maroc : « L’idée de révolution a disparu », selon Frédéric Vairel [Interview], publié sur le site Yabiladi le 13 décembre 2014

    Textes de Frédéric Vairel publié sur le site Cairn

    Olivier Mongin, Note de lecture publiée dans la revue Esprit le 1er décembre 2014

    Béatrice Hibou, Le mouvement du 20 février, le Makhzen et l'antipolitique. L'impensé des réformes au Maroc, publié par le CERI / Sciences Po

    Indymedia Nantes, Maroc : Le Mouvement du 20 février en Europe, publié le 17 juin 2014

     

    http://www.zones-subversives.com/2015/02/les-nouveaux-mouvements-sociaux-au-maroc-2.html

  • Débrayage pour les salaires à Renault-Tanger (Lutte Ouvrière)

    Résultat de recherche d'images pour "umt maroc tanger renault"

    Du lundi 9 au mercredi 11 février, les ouvriers de l’usine Renault Nissan de Tanger, au Maroc, ont débrayé et organisé plusieurs sit-in devant les locaux de la direction pour faire entendre leurs revendications. Ils réclamaient des augmentations de salaire ainsi que le paiement des temps de pause et de diverses primes : pour compenser par exemple l’augmentation de la productivité ou l’éloignement géographique de l’usine par rapport à la ville.

    Jeudi 12 février, le gouverneur de la ville intervenait, accompagné par les services de police, pour essayer de convaincre les travailleurs de cesser leur mouvement. Finalement, samedi 14 février, la direction négociait avec l’UMT (Union marocaine du travail) et cédait sur certaines de leurs revendications : augmentation de salaire pour toutes les catégories de personnel, prime de compensation pour les temps de pause. Elle accordait aussi une dotation de cartables et fournitures scolaires pour les enfants du personnel et des conditions préférentielles pour l’achat à crédit d’un véhicule Renault ou Nissan.

    Il n’était sans doute pas question pour la direction de risquer un mouvement plus profond et un blocage de la production car, depuis son ouverture en février 2012, l’usine de Tanger a pris de l’importance dans le groupe, permettant l’exportation de 170 000 véhicules en 2014, essentiellement vers l’Europe. Elle vise à terme les 340 000 véhicules par an.

    Il y a quelques semaines, Carlos Ghosn se félicitait de son choix stratégique d’avoir investi au Maroc et présentait l’usine de Tanger comme l’une des plus performantes du groupe au niveau mondial. Mais les ouvriers ne se laissent pas exploiter sans réagir. Valérie FONTAINE

    http://www.lutte-ouvriere-journal.org/lutte-ouvriere/2429/dans-les-entreprises/article/2015/02/18/36450-debrayage-pour-les-salaires-renault-tanger.html

  • Maroc, la Zone franche de Tanger : Zone de non-droit (cadtm)

    Le samedi 22 janvier 2015, Mohammed Charki, un ouvrier et syndicaliste à l’entreprise américaine ECI Maroc située dans la Zone Franche de Tanger Automotive (Nord du Maroc) est sauvagement agressé, insulté et tabassé par des agents de la société de sécurité privée Colinco.

    Le conflit a éclaté dès que les ouvrier-e-s ont constitué un bureau syndical pour défendre leurs droits élémentaires reconnus par le code du travail : salaire minimum, droit au repos hebdomadaire, conditions de sécurité et respect des travailleurs et travailleuses.

    Suite à cela, la direction a décidé de licencier 7 ouvriers pour stopper le mouvement. La direction n’hésite pas à recourir aux menaces, insultes et aux méthodes de terreur face aux ouvrier-e-s.

    Dans cette zone de non-droit, les entreprises n’ont plus besoin de recourir aux forces de l’ordre public, elles ont leurs propres agents de sécurité privés pour affronter toute revendication ouvrière.

    Les entreprises bénéficient du soutien de l’État qui offre des terres, des infrastructures, une main d’œuvre jeune, exploitable et corvéable, une législation suffisamment malléable pour attirer de nouvelles sociétés multinationales.

    Un nouvel Eldorado pour le capitalisme qui profite de la zone de libre échange pour faire des profits juteux avec des salaires bas, une législation du travail et des charges sociales inexistantes, un taux de chômage élevé.

    Le mercredi 4 février 2015, les agents de sécurité interviennent sauvagement pour disperser les ouvrier-e-s tenant sit-in devant l’usine. Cette intervention fait plusieurs blessés, parmi lesquels Mohamed Charki, blessé au visage. Voici les témoignages de deux ouvriers de cette usine.

    Témoignage de Safaa Bahraoui, ouvrière dans la société américaine ECI Maroc

    ECI, est une société américaine qui fabrique des câbles pour voitures, pour appareils électroniques… La société est la première usine qui s’est installée dans la nouvelle zone industrielle. Elle est située entre Tétouan et Tanger, à 40 km de Tanger et emploie environ 260 ouvriers et ouvrières.
    7 ouvriers ont été licenciés pour raison syndicale, pour avoir dénoncé les conditions de travail et réclamé l’application du code du travail.

    « J’ai été menacée par un responsable de la sécurité, insultée, ensuite il m’a fait tomber par terre. Nous avons tenu un sit-in pacifique devant l’usine pour dénoncer ce manque de respect de l’agent de sécurité de la société Clinco Service.

    Pour cela, 30 ouvriers ont été licenciés, et 30 autres sont menacés.
    Nous avons lutté pour leur retour au travail, pour les indemnisations des heures supplémentaires, pour le droit des femmes enceintes.
    Maintenant ils menacent de licencier tous les ouvriers, environ 260 pour en embaucher d’autres.
    Nous poursuivons notre lutte, pour exiger nos droits, le respect des ouvrières et ouvriers. »

    Témoignage de Ahmed Charki : ouvrier, syndicaliste

    « J’ai dix ans d’expérience dans ce secteur. Avec d’autres ouvrières et ouvriers, j’ai dénoncé les conditions de travail exécrables, l’absence de formation pour les nouveaux travailleurs. Tout de suite après, j’ai été convoqué avec une ouvrière. Je me suis retrouvé dans une voiture, menacé, tabassé puis jeté dans la nature. Une ambulance est arrivée plusieurs heures après pour constater mes blessures.
    Nos revendications :

    • l’application du code du travail ;
    • notre salaire actuel : 2100 dirhams pour 8 h de travail, mais ils nous paient 7h30 au lieu de 8h, les 30 minutes journalières de pause sont retirées de notre salaire ;
    • en ce moment nous sommes en sit-in devant l’usine, dans la zone franche ;
    • cette zone industrielle s’installe sur les terres de culture, les habitants sont menacés d’expulsion. »

    Solidarité avec notre camarade Mohamed Charki, syndicaliste, militant de l’AMDH et d’Attac Maroc et avec toutes les ouvrières et ouvriers de l’usine.

    ECI MAROC est la première usine à s’installer dans la nouvelle zone industrielle.
    Elle témoigne du nouveau visage du capitalisme sauvage mondialisé qui se croit au dessus des lois, du droit local et international. Le pouvoir marocain exproprie les paysans de leurs terres, de leur culture, de leur environnement, s’accapare leurs terres pour les céder à moindre coût à des sociétés internationales sans foi ni loi.

    À qui profite ce type de développement ?

    12 février par Souad Guennoun

    http://cadtm.org/La-Zone-franche-de-Tanger-Zone-de

  • Maroc : neuf ONG inquiètes des mesures d’intimidation exercées contre les victimes de tortures et une ONG qui les représente (LDH)

    https://encrypted-tbn1.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSJCOptKuGAvag78awoTpLJoQzQWFp0mG-fPiNDsZDgC5XulvSN

    Amnesty International, Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Fondation Alkarama, Human Rights Watch, Ligue des droits de l’Homme, Organisation mondiale contre la torture(OMCT), REDRESS, Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH ), TRIAL (Track Impunity Always)

    Communiqué commun

    Après l’assignation en justice de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) par le Maroc, neuf ONG de défense des droits de l’Homme expriment leur inquiétude face aux poursuites pénales dont sont l’objet plusieurs personnes qui ont déposé plainte pour torture contre des agents de sécurité marocains et une association qui les représente.

    L’Acat a reçu le 23 janvier une convocation de la justice marocaine, dans le cadre d’une plainte pour « diffamation, outrage envers les corps constitués, utilisation de manœuvre et de fraude pour inciter à faire de faux témoignages, complicité et injure publique ». Ceci fait suite au dépôt, par l’Acat, en France, de plusieurs plaintes pour torture, contre des agents publics marocains. En mai 2013, l’Acat et le ressortissant franco-marocain Adil Lamtalsi ont déposé une plainte pour « complicité de torture » contre Abdellatif Hammouchi, le chef de la Direction générale de la surveillance du territoire marocain. Cette plainte a donné lieu, en février 2014, à la remise par la police française d’une convocation à M. Hammouchi, sur demande d’une juge d’instruction. Dans le même temps, l’Acat a déposé une autre plainte pour torture pour le compte d’Ennaâma Asfari, défenseur des droits de l’Homme sahraoui incarcéré au Maroc.

    Outre l’Acat, la plainte pénale déposée par les autorités marocaines vise aussi Adil Lamtalsi qui encourt une condamnation à une peine d’emprisonnement pour les mêmes chefs d’accusation. Selon les médias marocains, la plainte viserait aussi Ennaâma Asfari. Il est à noter que le Maroc n’a jamais, à notre connaissance, mené d’enquête sur les faits allégués par les deux accusés ni encore moins démontré que ceux-ci avaient formulé des plaintes qu’ils savaient pertinemment infondées – seule base qui pourrait justifier d’éventuelles poursuites.

    Selon nos organisations, ces poursuites visent clairement à intimider non seulement les plaignants suscités mais aussi toute personne qui envisagerait de porter plainte pour torture et les ONG qui voudraient les assister dans cette démarche. Les mesures prises par le Maroc, alors que la justice a omis de mener des enquêtes impartiales bien que ces personnes disent avoir affirmé à plusieurs reprises devant des magistrats avoir été torturées, pourraient constituer des violations des obligations du royaume en tant qu’État partie à la Convention de l’ONU contre la torture, et notamment de l’article 13 qui dispose que : « Tout État partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes dudit État qui procéderont immédiatement et impartialement à l’examen de sa cause. Des mesures seront prises pour assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite. »

    Les ONG signataires de la présente déclaration appellent les autorités marocaines à respecter leurs obligations conformément à la Convention contre la torture et à mettre immédiatement un terme à ces mesures apparentes d’intimidation. 09.02.2015

    http://www.ldh-france.org/maroc-neuf-ong-inquietes-mesures-dintimidation-exercees-contre-les-victimes-tortures-ong-les-represente/

  • La citoyenneté à l’épreuve de l’urbanisation au Maroc. (Contretemps)

    Marocains Sans Terre – Marocains Sans Patrie

    Cet article propose une lecure critique des politiques publiques de transformation urbaine au Maroc et de la répression et des déplacements de populations qui l'accompagnent dans la ville de Rabat.

    En pleine politique d’expulsion des bidonvilles, de privatisation des terres collectives, de prédation foncière dans les vieux centres urbains, le Forum Mondial des Droits de l’Homme qui se tiendra à Marrakech du 27 au 30 novembre 2014 prévoit une thématique : Ville et Droits de l’Homme. Une belle ironie, lorsque l’on sait que les principaux intéressés par ce thème ne sont pas conviés à l’événement. Et puisque personne ne leur donnera la parole, j’essaierais de retranscrire – le plus fidèlement possible – une année de recherche personnelle sur ces questions.

    Nous sommes en février 2014, un rassemblement de femmes borde chaque jour la bretelle d’autoroute de Rabat. Juxtaposé à leur banderole, nous pouvons voir la photo du Roi qui conclut leur revendication : « les habitants du Douar Ouled Dlim, serviteurs de la monarchie, au titre foncier numéro R22747, demandent un arbitrage royal contre le prédateur immobilier qu’est l’entreprise Société d’Aménagement Ryad qui a mis à la rue les ayants droits du douar et les obligent aujourd’hui à vivre dans des campements de fortune».

    Ces femmes – et leurs hommes qui restent à l’arrière, espérant que la répression sera moins féroce envers les femmes – racontent au premier venu le calvaire de leurs expulsions.

    Nous sommes le 06 février 2014, les forces de l’ordre interviennent au petit matin. Equipés de pelleteuses, de matraques, et de fourgonnettes, ils embarquent toute personne ne laissant pas les pelleteuses arracher tout ce qui fonde la mémoire de la tribu Guich : maisons – arbres fruitiers – écuries – pépinières – échoppes de légumes. Ce 06 février 2014, les habitants du Douar Ouled Dlim le décrivent comme un jour de guerre. En faisant l’analogie avec les politiques de colonisation en Palestine, il arrive souvent que les laissés pour compte du processus démocratique amorcé publiquement par le Maroc en 2011, jettent leurs cartes d’identités en répétant : « nous sommes des marocains, sans patrie (…) ils auraient mieux fait de nous jeter à la mer, car nous n’avons plus où aller ».

    La « carotte » au cœur de Rabat

    Ce jour là, plus de 36 logements ont été détruits par la force, laissant les habitants du Douar Ouled Dlim sans ressource. A ce jour, ils vivent dans des campements de fortune, faits de bâches en plastique maintenues par quelques morceaux de bois et de tôles amassés ici ou là. Les forces de l’ordre ont entouré leurs terres – aujourd’hui vendues à la Société d’Aménagement Ryad – par des panneaux de tôle. Enfermés dans une prison à ciel ouvert, les habitants sont surveillés par les chiens du service de sécurité mis en place pour les empêcher de reconstruire. Parallèlement, au mois de mars, les forces de l’ordre sont intervenues au Douar Drabka, également situé à Guich Loudaya, pour procéder à la destruction des pépinières et des échoppes commerciales dans lesquelles les habitants vendaient légumes et fruits issus de leurs cultures. 

    Situé en plein quartier résidentiel huppé, les terres de la tribu Guich Loudaya, sont des terres collectives agricoles, dans lesquelles la tribu Guich vit depuis plusieurs générations. Ancienne tribu guerrière, ces terres leur ont été « octroyées » par le Sultan Moulay Abderrahmane en 1838 en compensation de leurs services au royaume chérifien. Depuis son installation sur ces terres, la tribu Guich, à l’origine nomade, a opté pour l’agriculture vivrière.

    Du fait de l’expansion de la ville de Rabat, ces terres constituent un enjeu foncier considérable convoité par les promoteurs immobiliers et par les politiques urbaines. L’accaparement des terres Guich se fait par l’intermédiaire de la mise sous tutelle du ministère de l’Intérieur. Lequel ministère, sous couvert d’un besoin d’urbanisation, revend ces terres à des prix dérisoires aux promoteurs immobiliers. D’après les dires des habitants, ces opérations sont menées en violation des dispositions d’un Dahir (décret royal) datant du 19 janvier 1946. Aujourd’hui introuvable, ce dahir aurait été édicté par Mohamed V qui, soucieux de protéger les intérêts d’une tribu alors puissante, avait retiré au Ministère de l’Intérieur la tutelle de ces terres et avait accordé la propriété pleine et entière à la collectivité de la tribu Guich. Bien qu’introuvable, nous avons pu voir ce dahir cité par certains documents juridiques et notamment par différents jugements rendus par la Cour d’appel.

    Désormais devenus des occupants illégaux, les habitants du Douar Ouled Dlim sont menacés quotidiennement d’expulsion. Déconcertés, les habitants menacent de s'immoler, affirmant qu’ils sont prêt à mourir pour défendre leurs terres : « Notre terre, c’est aussi notre identité » disent-ils.

    Le plus ironique dans cette histoire, c’est que la commune de Rabat se targue de vouloir agrandir sa « ceinture verte » par souci de développement durable. Un effort qui sera sans doute loué lors du Forum Mondial des Droits de l’Homme, où on oubliera sûrement de préciser que cette fameuse « ceinture verte » se situe sur les terres du Douar Ouled Dlim et du Douar Drabka. C’est donc en démantelant le dernier bastion existant d’agriculture paysanne de la ville, que les acteurs de la commune de Rabat estiment faire du développement durable. Une durabilité écologique constituée d’espaces verts dénudés de tout ancrage social, réservés aux classes privilégiées qui auront sans doute le bénéfice de pouvoir promener leurs chiens tout en s’offrant un jogging en milieu naturel. 

    L’histoire bientôt effacée de la tribu Guich, symbolise dans toute sa puissance la force destructrice des formes d’urbanisation libérale. Une urbanisation qui façonne des villes débarrassées de toutes les formes de gestion collective de l’espace. Ainsi, sous la bénédiction du ministère de l’Intérieur et sous couvert de lutte contre les bidonvilles, la privatisation des terres collectives laisse chaque jour des marocains sans terres et sans logements.

    Créer par la destruction : la face cachée des politiques publiques en matière de lutte contre les bidonvilles et le logement insalubre 

    Chaque jour des bidonvillois voient leurs baraquements détruits. Chaque jour, des milliers de familles se réveillent dans la peur d’être expulsées. Lorsque l’on parle de lutte contre l’informel, les bidonvilles, le logement insalubre, il faut comprendre de quelle manière ces termes se matérialisent pour les personnes visées par ces politiques publiques. Loin des protocoles d’accords qui font l’éloge du participatif, les formes d’habitats qui ne rentrent pas dans le marché formel de la spéculation immobilière sont détruits par la force. Les hommes emprisonnés, les femmes et les enfants tabassées.

    Ici à Casablanca, tout le monde se souvient de l’image poignante d’un habitant des « Carrières centrales » prêt à s’immoler lors de l’opération de destruction forcée de juin 2014. Le bidonville des « Carrières centrales » est l’un des plus anciens bidonvilles de Casablanca. Un espace fort symboliquement car c’est de ce bidonville qu’ont émergé de nombreuses figures de la lutte pour l’indépendance du Maroc. Et « c’est ainsi que le Maroc traite ses résistants » concluait une femme face aux décombres de sa maison. 

    D’autres ont peut être vu circuler les vidéos ou les photos de cette femme expulsée du Douar Krimat (Casablanca) détruit en décembre 2013. Elle est aujourd’hui à la rue, et s’est auto-construit un campement de fortune où elle vit avec ses cinq enfants. En guise de bannière pour son abri, elle a inscrit: « Qui n’a pas de logement, n’a pas de patrie, mon numéro de carte d’identité est BH00000 ». 

    Je doute fort que les invités internationaux du Forum Mondial des Droits de l’Homme sauront que lorsqu’on parle de « Villes sans bidonvilles » au Maroc, cela rime avec destruction forcée, répression et emprisonnement. Enfants traumatisés et déscolarisés.   

    Pas de droits de l’Homme en matière de spéculation foncière. Les droits les plus élémentaires sont bafoués, et bien évidemment en premier lieu le droit au logement lui même.

    A mon sens, et après une année passée à recueillir les voix des « expulsés », il me paraît évident que cette forme d’urbanisation forcenée n’est conciliable ni avec les Droits de l’Homme, ni avec la démocratie. Et ce principalement pour deux raisons. La première est simple et connue : la terre, devenue un enjeu foncier, est offerte au marché immobilier. Or les lois du marché ne peuvent avoir d’autres soucis que le profit. La deuxième raison est propre aux pays du Sud pour qui l’urbanisation répond au besoin de « rattraper la modernité ». Devenir moderne c’est en réalité répondre aux standards internationaux. Et le coût de cette modernisation c’est la destruction de la pluralité des formes d’occupation et de gestion de l’espace. Ainsi, lorsque l’on évoque les bidonvilles au Maroc, on se refuse de les penser comme une forme urbaine, ils sont rejetés au rang d’une réminiscence d’une ruralité non tolérable dans les villes modernes. Les bidonvilles sont « sales », ils font « tache », leurs habitants sont souvent décrits comme des « microbes ». L’habitat informel, selon bon nombre de discours publics serait ainsi « le cancer des villes marocaines ». Les conséquences de ce type de discours éradicateur c’est qu’au Maroc, on ne parle plus de « restructuration », mais de « recasement » des populations. C’est ainsi que l’on justifie la destruction forcée, c’est ainsi que l’on justifie la répression, et c’est ainsi que l’on crée des « Marocains Sans Patrie ».

    Des « Marocains Sans Patrie » : une dignité bafouée, des existences invisibilisées

    Les exclus du procès de modernité symbolisent l’échec de la démocratie, car il ne peut y avoir de démocratie sans pluralisme. Or le pluralisme ne peut se réduire à une multiplication des partis politiques, ou à une multiplication d’acteurs associatifs. Un pluralisme effectif doit se traduire matériellement dans la reconnaissance de l’égale légitimité et dignité de formes d’existences plurielles. Or aujourd’hui, au Maroc, non seulement nous sommes loin de reconnaître un « droit à la ville pour tous » mais nous sommes en train d’assister à la destruction du visage réel des villes et des campagnes au nom d’une injonction à l’urbain. Ainsi, la norme urbaine – élaborée par les hautes sphères – homogénéise par la violence les modes de vies. Par là même, elle participe à invisibiliser et à stigmatiser des modes d’existence qui sont propres à certains espaces. Ce mécanisme d’exclusion a laissé sur le banc de touche des milliers de marocains qui – pour reprendre les termes d’un habitant du Douar Ouled Dlim – se sentent « violés, colonisés », en bref, sans droit d’exister. Ce mode de fabrication de l’urbain n’est pas sans rappeler les politiques coloniales qui ont du, pour asseoir leurs légitimités, instaurer un système d’accaparement des terres légitimé par un arsenal juridique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si bien souvent dans les paroles recueillies, les habitants disent « l’Etat pratique sur nous une politique de colon ». En façonnant une nouvelle forme d’urbanité, le système colonial prolongé aujourd’hui par les politiques nationales, a créé ses indésirables : les marocains non modernes, ceux dont l’existence ne correspond pas aux schémas occidentaux. Les rejetés du système d’aujourd’hui ce sont eux les « Marocains Sans Patrie ». A la thématique Villes et Droits de l’Homme on aimerait poser la question : Quels Hommes, pour quelles villes ? 

    Nos contenus sont sous licence Creative Commons, libres de diffusion, et Copyleft. Toute parution peut donc être librement reprise et partagée à des fins non commerciales, à la condition de ne pas la modifier et de mentionner auteur•e(s) et URL d'origine activée.

    date: 
    07/01/2015 - 20:08

    Soraya El Kahlaoui

    http://www.contretemps.eu/interventions/citoyennet%C3%A9-%C3%A9preuve-urbanisation-maroc-marocains-terre-%E2%80%93-marocains-patrie