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Maroc - Page 17

  • Solidarité avec la Voie Démocratique contre la répression au Maroc (Npa)

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    Le 4 septembre doivent avoir lieu les élections communales et régionales au Maroc.

    Loin d’être un terrain d’affrontement démocratique entre différentes options politiques, ces élections redessinent les équilibres internes de la classe politique inféodée au pouvoir et n’offrent aucune autonomie d’action par rapports aux centres réels de décision.  Ils permettent tout au plus, par le biais d’une corruption institutionnalisé, aux élus de bénéficier largement des possibilités d’enrichissement. Le seul enjeu pour le pouvoir central est le niveau de participation, après l’adoption d’une nouvelle constitution et l’affaiblissement du Mouvement du 20 Février qui avait porté au Maroc les revendications des soulèvements de la région arabe en 2011. 

    Les précédentes élections ont montré une abstention massive et un niveau important de votes blancs. Il s’agit de montrer tant au niveau national qu’international que la confiance est retrouvée vis-à-vis des institutions et que le pouvoir bénéficie d’une stabilité institutionnelle. Ce dernier n’a pas lésiné sur les moyens pour encourager la participation. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la vague répressive qui touche les militants de la Voie Démocratique. Cette dernière mène publiquement une campagne active et nationale pour le boycott.

    Dans plusieurs villes et régions du Maroc, les autorités procèdent à la confiscation du matériel, à l’arrestation et intimidation des militant-es, à la dispersion par la matraque, confirmant la déclaration faite il y a quelques mois par un ministre, selon laquelle seule les points de vue conformes aux institutions sont acceptés. Cette répression ne fait pas que témoigner du caractère factice de la « façade démocratique », elle témoigne de l’inquiétude du pouvoir de voir se transformer le rejet palpable et populaire, souvent conscient de la farce électorale, en mouvement collectif de contestation populaire. Le NPA affirme toute sa solidarité avec la Voie Démocratique et son combat politique. Il appelle à l’organisation de la solidarité la plus large contre la répression du régime marocain et la fin de l’impunité et complicité accordée par le gouvernement français à la dictature de Mohamed VI.

    Montreuil, le 31 août 2015

    http://npa2009.org/communique/solidarite-avec-la-voie-democratique-contre-la-repression-au-maroc

  • Maroc: la monarchie frappe l’extrême gauche (Alternative Libertaire)

    Le pouvoir de Mohammed VI sévit contre la principale organisation socialiste révolutionnaire au Maroc, la Voie démocratique.

    Celle-ci s’oppose avec courage à l’oligarchie qui grenouille au palais royal et subit aujourd’hui l’intimidation et la répression. Par-delà la Méditerranée : solidarité !

    Les militants et les militantes de La Voie démocratique ont décidé de boycotter les élections communales et régionales organisées par le pouvoir marocain début septembre. Celles-ci se veulent un alibi démocratique, dans un royaume où la répression organisée par le Makhzen — le pouvoir marocain et ses institutions — s’exerce contre toutes celles et tous ceux qui résistent, revendiquent, s’organisent pour défendre leurs droits et leurs libertés et construire une alternative.

    Militant-es politiques, syndicalistes, animateurs ou animatrices d’associations de chômeurs, femmes en lutte, défenseurs de l’autodétermination des peuples… l’État marocain réprime à tour de bras.

    Le 25 août, il s’en est pris aux militants et militantes de La Voie Démocratique menant campagne pour le boycott des élections du 4 septembre.

    A Rabat, 11 personnes ont été arrêtées ; A Agadir et Bouizakarne, la Police a empêché les diffusions de tracts en s’en emparant ; A Sidi Moktar, la Gendarmerie royale a convoqué des militants pour leur participation à cette campagne ; A Boujad, la famille d’un militant a reçu des menaces, pour les mêmes raisons…

    Aujourd’hui, c’est le vice-secrétaire national de La Voie démocratique qui a été arrêté suite à une diffusion de tracts dans sa ville de Salé. Nous affirmons notre solidarité avec les militants et militantes de La Voie Démocratique que le pouvoir marocain prétend faire taire ! Nous exigeons la libération de tous les prisonnier-es politiques et le respect des libertés !

    Alternative libertaire, le 27 août 2015

    http://alternativelibertaire.org/?Maroc-la-monarchie-frappe-l

  • Maroc, la lutte contre le démantèlement des acquis de la retraite (Cadtm)

     
     
    Doit nécessairement rejoindre la lutte pour l’annulation de la dette publique

    L’offensive contre les acquis de la retraite est imminente

    Le démantèlement des régimes de retraite |1| au Maroc est imminent. Le Fonds monétaire international (FMI) n’a cessé de faire pression depuis plus de trois ans et en a fait une condition nécessaire pour que le Maroc bénéficie de la ligne de précaution et de liquidité (LPL) |2|. La Banque mondiale (BM) l’a précédé en provoquant les premières études dites actuarielles |3| en 1997 pour l’ensemble des caisses de retraite au Maroc. Et depuis, la BM a supervisé toutes les étapes de la préparation technique, impliqué les organisations syndicales dans sa méthodologie à travers la création de deux commissions (nationale et technique) |4|, et intensifié la campagne médiatique pour préparer l’opinion publique.

    L’émergence du Mouvement 20 Février (M20) en 2011 dans le contexte des soulèvements populaires dans la région arabe a momentanément freiné ces préparatifs. Le gouvernement a dû faire des concessions en faveur de la classe ouvrière (augmentation des salaires, embauche de diplômés chômeurs…). Mais la frénésie pour la mise en place de la réforme des retraites reprend à partir de 2012 avec le recul du M20 et la montée du gouvernement « islamiste » de Benkirane. |5|. Différentes institutions de l’Etat, les medias, les deux commissions (nationale et technique) chargées de la réforme des retraites, seront mis à contribution pour exagérer le déficit des régimes de retraites. Avec l’appui du roi |6|, le gouvernement a pu imposer la réforme avant la fin de cette année afin d’honorer ses engagements avec le FMI et la BM. Tous sont conscients que le rapport de forces actuel, après le déclin du M20, le contexte régional et international, leur est favorable pour passer à l’attaque.

    La stratégie de la Banque mondiale pour démanteler le régime de retraite par répartition solidaire

    Soulignons d’abord que plus de dix ans de préparatifs en termes d’études, séminaires, réunions et voyages ont nécessité d’énormes dépenses prélevées sur le budget public pour arriver à un résultat déjà connu et fixé par la BM depuis le début des années 1990. C’est sa stratégie des trois piliers :

    Le pilier 1, fondé sur le système par répartition solidaire, qui accorde le droit de retraite légale aux salarié-e-s et est financé par des prélèvements sur les salaires. C’est l’un des acquis de la protection sociale. Pour la BM, ce pilier doit être réduit de manière drastique.


    Le pilier 2, complémentaire, repose sur le système par capitalisation (la pension de retraite provient de la rentabilité des placements des fonds d’épargne) et est géré par des groupes financiers privés. Il faut l’élargir et le rendre de plus en plus obligatoire.


    Le pilier 3, facultatif, individuel, repose aussi sur une capitalisation nette gérée par des groupes financiers privés (banques et assurances). Il convient d’encourager davantage ce pilier par des exonérations fiscales, toujours selon la BM.

    La crise capitaliste comme prétexte pour cibler le système de protection sociale

    Le système de protection sociale considéré comme une répartition d’une partie indirecte du salaire, est un acquis de la classe ouvrière imposé par le rapport de force de l’après Seconde Guerre mondiale. Mais il sera la cible de l’offensive néolibérale qui a suivi la crise généralisée du capitalisme au milieu des années soixante-dix, au même titre que les salaires directs afin de renforcer la marge de profit des capitalistes. Cette offensive a commencé fortement aux États-Unis (Reagan) et en Grande-Bretagne (Thatcher) au début des années 1980, et dans les pays du tiers monde avec les programmes d’ajustement structurel 1980-1990 qui ont résulté de la crise de la dette, et dans les pays de l’Est qui ont subi à leur tour une série de programmes d’austérité violents depuis les années 1990. La crise capitaliste 2007-2008 a constitué un bon prétexte pour accélérer ces mêmes attaques contre les acquis des salarié-e-s, en particulier dans les pays européens dans le cadre d’une guerre globale menée par le Capital contre le Travail. Et on voit bien en Grèce comment la réduction des pensions constitue l’un des piliers des plans de la Troïka pour soi-disant résoudre la crise financière et rembourser la dette. C’est dans ce contexte général que s’insère l’offensive du gouvernement marocain, de la BM et du FMI contre l’acquis des retraites.

    Les fonctionnaires seront les premières victimes

    La réforme paramétrique du régime des pensions civiles de la Caisse Marocaine de Retraites (CMR) constitue la première étape de la grande destruction structurelle des régimes de retraite par répartition. Elle consiste à :

    - Relever l’âge de départ à la retraite à 62 ans en 2015 puis progressivement à 65 ans ;
    - Relever les taux de cotisation du fonctionnaire de 10 % actuellement à 14 % sur deux ans partir de 2015 ;
    - Adopter le salaire moyen des 8 dernières années comme base de calcul de la pension et ce, progressivement, sur une période de 4 ans ;
    - Diminuer le taux d’annuité de 2,5 % actuellement à 2 % pour une retraite à taux plein, et de 2 % à 1,5 % pour une retraite anticipée ;
    - Relever les conditions de départ en retraite anticipée à 26 ans au lieu de 21 ans pour les hommes, et 20 ans au lieu de 15 ans pour les femmes ;

    Ce sont les principaux éléments qui permettront de détruire les acquis historiques des fonctionnaires. Les syndicalistes les qualifient de « trio maudit » (augmentation de l’âge de départ à la retraite, augmentation des prélèvements sur les salaires et diminution des pensions).

    Cela aura des conséquences directes sur le salaire net du fonctionnaire qui sera diminué de 140 à 2100 dirhams par mois, et sur la pension qui sera réduite de 30 % à un âge où augmentent les dépenses, les soins et frais médicaux. Et il va falloir cotiser plus longtemps pour obtenir une maigre pension. Ce qui va obliger les fonctionnaires à chercher des retraites complémentaires dans le système par capitalisation. C’est ainsi que se met progressivement en œuvre la stratégie de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et leurs serviteurs locaux pour la généralisation de la capitalisation des retraites et le démantèlement de la retraite par répartition solidaire. Ils veulent introduire et développer les fonds de pension privés, en incitant les salariés et les jeunes à épargner pour se constituer leur retraite individuelle.

    Les prétextes pour cibler le régime des pensions civiles des fonctionnaires en particulier

    Des organisations syndicales combatives ont exposé les raisons qui ont mené, en particulier, le régime des pensions civiles de la CMR à la crise qui a servi de prétexte pour le cibler directement. Elles peuvent être résumées comme suit :

    - L’État comme employeur n’a pas réglé pendant une période de 40 ans les cotisations légales qu’il devait à la CMR ;
    - La mauvaise gestion de la CMR, qui connait une corruption et un pillage endémiques et l’utilisation des fonds de la CMR dans des placements financiers spéculatifs. Les montants des « investissements » réalisés par les trois caisses (CMR, CIMR et RCAR |7|) se sont élevés en 2014 à 207,76 milliards de dirhams constituant 23 % du PIB et enregistrant une hausse annuelle de 6,7 % au cours des six dernières années. Notons ici que ces fonds attirent les groupes financiers privés (banques, compagnies d’assurance …) qui font pression de leur côté pour une capitalisation des régimes de retraite.
    - L’utilisation d’une partie des ressources du régime des pensions civiles pendant une longue période pour résoudre la crise du régime des pensions militaires de la CMR |8|.
    - Le gel des embauches dans la fonction publique qui a conduit à un nombre croissant de retraités, tandis que le nombre de nouvelles recrues diminue sans cesse en réponse aux exigences de la BM.
    - L’opération d’incitation aux départs volontaires a joué à son tour un rôle destructeur, en augmentant le nombre de retraités par rapport aux fonctionnaires actifs, sans parler des coûts élevés de la rémunération des départs, qui ne sont pas remplacés, et la perte de compétences pour des secteurs vitaux tels que la santé et l’éducation.

    La responsabilité directe incombe donc à l’État qui a appliquédes politiques néo-libérales, qui lui étaient dictées, de réduction du nombre des fonctionnaires, de baisse des salaires et d’augmentation du chômage.

    Il est urgent de rompre avec ces politiques d’austérité et d’adopter une politique d’emploi pour élargir la base des régimes de retraite.

    Le déficit public structurel ne peut pas être réduit sans annulation de la dette

    La BM et le FMI invoquent la réduction du déficit public pour accélérer l’attaque sur les régimes de retraite. C’est ce que nous trouvons dans les plans d’austérité qu’ils proposent, reposant sur la réduction de la masse salariale (directe et indirecte) et les budgets des secteurs sociaux.

    Le déficit public structurel a d’autres causes : exonérations et incitations fiscales en faveur des grands capitalistes, évasion fiscale, fuite des capitaux, etc. Il provient aussi de la charge de la dette qui absorbe directement une énorme quantité de ressources de l’État pour le paiement du service de la dette. Ce dernier a atteint un montant de 163 milliards de dirhams en 2013 contre 98 milliards pour les dépenses de personnel.

    On doit donc annuler la dette publique et rompre avec les diktats des institutions financières internationales.

    C’est pourquoi la lutte contre le démantèlement des acquis du systéme des retraites et pour le maintien des retraites par répartition solidaire doit nécessairement être accompagnée de la lutte pour l’annulation de la dette publique. C’est autour de cette lutte que doivent s’unir toutes les organisations : associations, syndicats et mouvements de gauche pour repousser les attaques. Cette coordination doit constituer le socle d’un programme alternatif contre la gestion capitaliste qui veut faire porter le fardeau de la crise à la classe ouvrière et aux classes populaires.

    Notre association, ATTAC/CADTM Maroc propose un audit de la dette comme revendication démocratique basée sur la mobilisation sociale. Il est de notre droit en tant que peuple d’interpeller nos gouvernants sur la dette publique qu’ils nous imposent, qui entraîne la destruction de nos acquis et nous condamne à vivre dans le sous-développement, la pauvreté et le chômage. Omar Aziki 15 août 2015

    Autres articles en français de Omar Aziki

  • Maroc : Grève des employés de Maghreb Steel (Afriques en lutte)

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    Les employés du Maghreb Steel sont en grève.

    Ils revendiquent l’ouverture d’un dialogue « sérieux » avec l’administration du sidérurgiste marocain et la réintégration des employés congédiés.

    Un sit-in ouvert a été observé, à la fin de la semaine dernière, par les employés de Maghreb Steel pour revendiquer la tenue d’un dialogue sérieux avec l’administration de la société et le retour au travail de près de 40 employés licenciés pour avoir pris part à une série de grèves.

    Selon Dahbi Noureddine, Secrétaire général adjoint du bureau syndical (UMT) de Maghreb Steel, ce débrayage intervient en protestation contre « le refus de l’administration de l’entreprise de signer le PV de la réunion déjà tenue avec le syndicat ». La réunion avait décidé l’annulation de la révocation de 40 employés pour leur participation aux mouvements de protestation. Les grévistes réclament l’intervention des autorités publiques pour trouver une solution à leur dossier.

    Source : Le 360 17 août 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/maroc-greve-des-employes-de

  • La dette publique marocaine est insoutenable (Attac Cadtm Maroc)

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    La Banque centrale marocaine, Bank al-Maghrib (BAM), a publié fin juillet 2015 son rapport annuel qu’elle a présenté devant le roi. Ce document présente la situation économique, financière et monétaire du Maroc, en lien avec son environnement international. Le rapport passe en revue également les réalisations de l’institution, notamment sa supervision du secteur financier. Le rapport aborde également la question de la dette publique |1|. BAM prévoit qu’elle va augmenter pour l’année 2016, et analyse la capacité de l’économie marocaine à supporter le service de la dette pour la période 2015-2019.

    L’endettement augmente

    Le rapport constate l’augmentation continue de la dette publique. Fin 2014, son encours représente 741 milliards de DH (environ 74 milliards d’euros) |2|, soit environ 81 % du PIB marocain, la dette ayant repris sa tendance à la hausse dès 2008. La crise du capitalisme mondial (2007-08) a précipité le retour à l’endettement.

    La crise alimentaire, la baisse de la demande internationale, la hausse des prix des produits pétroliers, le tarissement des sources des devises (IDE, tourisme et transferts des MRE), ces facteurs contribuent à la crise de l’économie nationale.

    Dans ce contexte, les besoins en devises augmentent et le Maroc décide d’emprunter sur le marché financier international. Conséquence de ce choix, ce secteur représente désormais 25 % de l’encours de la dette extérieure marocaine, alors qu’il ne constituait que 11 % en 2010.

    Le Maroc et sa relation de dépendance

    BAM s’attend à une hausse de l’endettement du Maroc en 2016, mais prévoit une baisse entre 2017 et 2019. Ce scénario table sur la réduction du déficit public et l’amélioration du taux de croissance. Cette projection prévoit « une moyenne de croissance de 4,6 %, une inflation à 1,9 % et un déficit public à 3 % » |3|.

    Ces prévisions ne résistent pas au pessimisme actuel sur les possibilités d’une reprise économique. La crise du capitalisme mondial a des effets directs sur l’économie marocaine. Les faillites et la fermeture des unités industrielles, les licenciements massifs, la hausse du chômage, la généralisation des politiques d’austérité ont atteint un niveau inégalé, spécialement dans les pays développés. Ces facteurs amplifient la récession en cours de l’activité économique. C’est d’ailleurs le diagnostic fourni par la Banque centrale dans les premières pages de son rapport. L’investissement et la croissance sont encore très faibles dans la zone euro, alors que la dette publique explose.

    Cette crise est supportée lourdement par les pays du sud de l’Europe. La situation en Grèce illustre cette situation. Les acquis sociaux sont dangereusement attaqués depuis plusieurs années dans ce pays. Le peuple grec subit une offensive de type colonial, dirigée par la Commission européenne (CE), la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI).

    Cette situation dans les pays du Nord n’est pas sans dégâts dans les pays du Sud comme le Maroc. Notre économie est intégrée à la zone euro. Dans cette relation de dépendance, le Maroc se trouve dans une position de faiblesse. L’économie du pays est totalement inféodée au capitalisme international et aux grandes puissances.

    À cela s’ajoutent les effets des politiques d’austérité menées au Maroc. Elles induisent indiscutablement un ralentissement de la croissance économique. L’endettement entrave le développement. Le service de la dette est de 163 milliards de DH en 2013, soit 50 % du Budget général de l’État, ce qui équivaut au montant des recettes fiscales ou encore à trois fois le budget de l’investissement.

    La dette publique marocaine est insoutenable

    Le rapport du BAM se fonde pour juger de la soutenabilité de la dette sur des projections d’indicateurs macro-économiques recommandés par le FMI et la Banque mondiale. La sauvegarde des équilibres entre ces mêmes indicateurs avait déjà été à l’origine des Programmes d’ajustement structurel (PAS) mis en œuvre au Maroc dans les années 1980-1990. Ces sinistres programmes n’avaient fait qu’appauvrir la majorité des classes populaires. Pour se conformer à ces équilibres, le gouvernement actuel réduit les dépenses publiques et fait pression sur les salaires et les retraites. Ces mesures sont prises pour atteindre des objectifs fixés par le FMI en matière de déficit et de remboursement de la dette. C’est la même logique qui prévaut, toute proportion gardée, contre le peuple grec qui se trouve asphyxié par les créanciers.

    Toujours selon les projections du BAM, la dette du trésor devrait être ramenée à 62,1 % du PIB en 2019. Si ce scénario se réalise cette baisse n’atteindra pas le niveau d’avant la crise. Lors de la période 2007-2012, la dette du trésor représentait 50,4 % du PIB en moyenne.

    La soutenabilité de la dette ne peut être réduite à des projections économiques abstraites

    En outre, le poids de la dette réelle, en incluant la dette garantie par l’État contractée par les entreprises publiques, est de 81 %. Cette dette est insoutenable et insupportable. La soutenabilité de la dette ne peut être réduite à des projections économiques abstraites. Le remboursement de la dette est une hypothèque qui pèse sur les 34 millions de Marocains. Ces citoyens payent directement cette dette avec la sueur de leur front, leurs salaires, l’avenir de leurs enfants. Chaque marocain paie chaque année, au titre du service de la dette, 5000 DH marocain. Qu’il soit un enfant, une personne âgée, un chômeur, femme, toutes les catégories de la population paient cette dette.

    Le service de la dette absorbe une partie importante des ressources nécessaires pour les besoins en éducation, santé, logement décent, investissement dans les infrastructures publiques de base, les programmes nécessaires à la croissance économique et au développement social… C’est pour cette raison que la dette publique est insoutenable et insupportable. Son paiement approfondit la crise sociale dont souffre notre peuple et pour cette raison il faut exiger la suspension de son paiement.

    Mobilisation populaire et audace politique

    En Grèce, la Commission pour la vérité sur la dette grecque a montré les aspects illégitimes, illégaux, insoutenables et odieux |4| de la dette de ce pays. Elle a recommandé aux autorités grecques le non-paiement de ces parties. Dans son rapport, on peut lire : « S’agissant des dettes insoutenables, tout État est juridiquement fondé à utiliser l’argument de l’état de nécessité qui permet à un État confronté à situation exceptionnelle de sauvegarder un de ses intérêts essentiels menacé par un péril grave et imminent. Dans une telle situation, il peut s’affranchir de l’exécution d’une obligation internationale telle que le respect d’un contrat de prêt. Enfin, les États disposent du droit de se déclarer unilatéralement insolvables lorsque le service de leur dette est insoutenable, sachant que dans ce cas ils ne commettent aucun acte illégal et sont affranchis de toute responsabilité  » |5|.

    Pour atteindre cet objectif, deux choses sont nécessaires : la mobilisation populaire et de l’audace politique. Le président équatorien avait cette audace en décidant de manière unilatérale la suspension du paiement de la dette de son pays. Il s’est appuyé sur les conclusions du rapport de la Commission d’audit de la dette dans ce pays |6|, mise en place en 2007.

    ATTAC/CADTM Maroc s’appuie sur ces expériences pour mobiliser autour de cette question. Notre objectif premier est la constitution d’une commission d’audit composée d’une large coalition pour lancer un audit citoyen de la dette publique marocaine. 11 août par Omar Aziki

    http://cadtm.org/La-dette-publique-marocaine-est

  • Où va la gauche marocaine ? Contribution à une réflexion nécessaire (Essf)

    La gauche marocaine, quelle que soit son orientation, est en crise profonde de perspectives. Elle n’arrive pas à sortir des défaites et reculs qu’elle a connu, ni à élaborer une démarche stratégique pour surmonter ses faiblesses et son extériorité par rapport aux secteurs larges de société, les couches populaires et opprimées. Le M20F a dévoilé, comme un test grandeur nature, son incapacité à peser dans la construction d’un rapport de force. Elle est en réalité dans l’incapacité à construire des initiatives politico-sociales capables de changer même partiellement la donne, d’ouvrir ou de commencer à occuper un espace qui en fasse un acteur crédible. Elle réagit plus qu’elle n’agit. Nous laissons de coté ici « la gauche » du pouvoir (USFP, PPS) qui n’existe plus que comme appareil subordonné et intégré à l’appareil d’Etat pour aborder la situation de la gauche démocratique et radicale.

    La gauche démocratique traditionnelle regroupée dans la coalition pour la monarchie parlementaire reste rivée à un horizon impossible : celui d’un compromis historique avec une monarchie absolue qui est la colonne vertébrale du despotisme. Construire l’état de droit contre l’ennemi ne peut se faire qu’avec l’ennemi. La logique interne de cette stratégie politique manque de souffle : elle fait l’impasse sur la confrontation nécessaire, prolongée, globale pour imposer des reformes durables et réelles, sur la base d’un large mouvement populaire, non institutionnel. Dans ce schéma, « la lutte » est un appui conjoncturel pour faire pression ou affirmer son existence. Mais non pas le cœur de la construction de l’alternative. Le « débouché politique » nait d’une illusion électorale, à chaque fois démentie, celle d’une percée progressive dans les institutions, en vue de construire un contrepouvoir à l’intérieur du système, et non pas dans la société. Ce débouché-là, portée par un « front » regroupant des courants qui se sont structurellement affaiblies ces 20 dernières années, impose des lignes rouges à tout travail de masse, à toute action spontanée ou à toute mobilisation qui entraverait la possibilité d’un compromis. la gauche démocratique développe une conception et pratique politique où le conflit doit céder la place à la conciliation, où l’accumulation lente des forces ne doit pas se faire déborder par des mobilisations de masses imprévues, où les tactiques s’épuisent à chercher dans le makhzen une aile moderniste. Les partis doivent diriger d’une manière responsable la marche des évènements et faire entendre au « Prince » qu’il est dans son intérêt de changer. Cette stratégie mène à l’impasse parce qu’elle occulte les conditions réelles d’un changement : l’ouverture d’une crise politique au sommet combinée à un réveil de l’activité indépendante des classes populaires, et la gauche démocratique ne veut ni de l’une ni de l’autre.

    Le débat avec les militants et sympathisants n’est pas sur leurs positions face aux élections. La participation aux élections, sous un régime non démocratique, est une question tactique et non pas une position de principe. On peut être d’accord ou en désaccord et si on est en d’accord, cela n’épuise pas la discussion sur le contenu politique d’une telle campagne et ses objectifs. Non pas tels qu’ils sont proclamés, mais dans leurs effets réels pour développer ou non des mobilisations sociales et démocratiques, dans leurs effets ou non, pour délégitimer l’absolutisme. On pourrait en dire tout autant de la position de boycott.

    Le débat n’est pas sur la question du Sahara. Que l’on soit favorable à sa « marocanité » ou pour le droit à l’autodétermination, une solution démocratique réelle nécessitera des ruptures politiques profondes au niveau des Etats, des frontières géopolitiques et le dépassement des formes héritées par la colonisation des Etats nations. Elle impliquera aussi une redéfinition du contenu d’une solution démocratique à partir des réalités sociales et démographiques où l’autodétermination ne peut se faire sans égalité des droits et inversement.

    Le débat n’est même pas sur la monarchie parlementaire mais sur les conditions sociales et politiques d’une réforme radicale qui mettrait fin à l’absolutisme sous toutes ses formes.

    Le vrai débat est celui de la stratégie de lutte pour transformer les rapports de forces sans quoi on s’adapte à celui qui existe et on finit par seulement exister dans le cadre du système. Et dans le cadre de cette stratégie, la question de l’unité d’action, sociale et politique, dans la défense conséquente des intérêts sociaux et démocratiques des classes populaires, dans leur luttes concrètes, quelques soient par ailleurs les divergences d’orientation politiques, est décisive..

    L’erreur de ce point de vue commise par la gauche démocratique est de subordonner la question de l’unité d’action à un accord programmatique. Elle est incapable de penser la diversité des tactiques ni de comprendre que la lutte institutionnelle doit avoir pour centre de gravité la lutte de masse. Et en même temps, on ne peut ignorer que ces formations politiques, à des titres divers, regroupent des militants démocrates radicaux sincères dont l’apport est nécessaire pour la construction d’une alternative.

    La Voie Démocratique a une approche élaborée de la lutte démocratique de masse, articulant le combat pour la construction d’une expression politique indépendante des travailleurs et exploités et les alliances tactiques ou stratégiques en vue d’un front de lutte populaire, permettant d’isoler le noyau dur du makhzen. Cette approche est le fruit d’un processus de réélaboration qui se substitue aux premières formulations stratégiques du mouvement marxiste-léniniste et d’Ilal Amam en particulier, et qui a trait à la question de la « violence révolutionnaire organisée des masses » (avec un contenu différent dans les années 70 et 80). Il y a une volonté de définir une ligne politique, non institutionnelle, qui tienne compte des rapports de forces à partir d’une réévaluation de la question démocratique…sans perdre de vue la perspective de libération nationale et sociale.

    Pour autant, la VD , si elle a pu, relativement, acquérir une visibilité importante et renforcer ses points d’appui dans les organisations de masses, elle reste prisonnière d’un schéma de pensée et de construction qui est en deçà des défis et nécessités de l’heure. Elle n’arrive pas à dépasser, en termes de propositions politiques, la vision selon laquelle l’organisation politique doit être le vecteur de la direction politique du front et des organisations de masses, ni à dépasser les formes dogmatiques de l’unité politique. L’orientation politique générale reste trop marquée par une conception qui n’intègre pas la possibilité d’une radicalisation de masse où s’exprime une politisation par en bas différente de ce qui existe sur le champ politique.

    Pourtant, les processus révolutionnaires dans la région ont montré que les soulèvements populaires n’ont pas attendu l’existence d’un front, d’une alliance, d’un parti révolutionnaire. Non pas que ces éléments ne soient pas nécessaires sur la durée mais c’est une démarche différente que de penser que le débouché politique qui cristallisera une alternative potentielle, naîtra principalement de recompositions et contradictions internes de la gauche organisée, de la crise du « mouvement démocratique et ouvrier traditionnel » ou qu’il naîtra de la construction d’une nouvelle représentation politique liée organiquement à de nouveaux cycles de mobilisations et expériences de luttes de masses et d’une pensée stratégique renouvelée..

    Même en Tunisie, le front populaire qui représente un acquis, n’arrive pas à définir une orientation stratégique en phase avec les processus internes de la société , ni à surmonter son extériorité par rapport aux forces sociales motrices du soulèvement. Il n’assume pas le rôle d’une nouvelle force capable d’intervenir dans la remobilisation indépendante des secteurs populaire ni à rassembler des forces nouvelles qui ne sont pas liées à l’histoire de ses composantes. A leur manière, Syriza et Podemos ne sont pas le produit de l’ancien mais une traduction de l’émergence de nouveaux processus de radicalisation à l’intérieur de la société qui ont nécessité un réajustement profond des propositions politiques.

    Ce réajustement complexe a été raté ou conçu comme impossible pour des organisations traditionnelles de l’extrême gauche et les courants intégrés de la gauche au système. Or ce que nous disent chacune à leur manière ces expériences, c’est qu’il n’y a pas d’offre politique déjà toute faite qu’il suffirait de renforcer mais la nécessité d’une dialectique nouvelle entre construction politique et mobilisation sociale. La conception du front portée par les camarades ne s’appuie pas justement sur cette dialectique. Elle repose sur un programme minimum, peu opérationnel du point de vue de son impact dans la société, parce qu’il est minimaliste et portée par une approche qui vise le plus petit dénominateur commun à différentes composantes.

    Mais la question qui se pose est de savoir comment un programme d’action peut concilier le maximum de forces sociales et politiques ( organisées ) pour agir ensemble, mais aussi répondre d’une manière déterminée, à la nécessité de développer un nouveau cycle de lutte capable de transformer les rapports de forces et d’acquérir, au delà des forces organisées, un appui large dans la société. Plus qu’un appui, l’amorce d’un processus où s’accumule les conditions et les acteurs de l’émergence de nouvelles forces sociales et politiques autonomes. Il n’y a pas de recettes magiques ou doctrinaire mais Rosa Luxembourg, en son temps, avait déjà pointé le problème. Elle expliquait que ce n’est pas « la grève générale qui mène à la révolution mais la révolution qui mène à la grève générale ». Autrement dit , la contestation de l’ordre social tout entier est un préalable à la grève générale.

    On oublie souvent que les grands mouvements populaires ne sont pas liés à des revendications immédiates ou des objectifs conjoncturels mais à des utopies concrètes. C’est y compris dans notre pays, le projet d’une indépendance qui a soulevé les forces populaires y compris les armes à la main, et non pas telle ou telle revendication partielle. Tout comme c’est l’aspiration à une société sans arbitraire, sans répression, sans corruption, de justice sociale et de dignité, qui a constitué le moteur des soulèvements dans la région en 2011.

    On ne peut se satisfaire d’un programme d’action défensif ou visant seulement à permettre des alliances. Nous avons besoin d’une alternative globale, d’un projet de société qui permet aux masses de développer une énergie révolutionnaire, y compris pour leur luttes immédiates, et pas simplement d’avoir pour horizon, des luttes partielles et défensives. Avoir des propositions offensives qui traduisent un autre avenir est décisif. Ou si l’on veut l’alternative nécessite une perspective qui mette en relations les luttes entre elles, pour leur donner une cohérence autre que revendicative, qui saura faire un pont entre les combats d’aujourd’hui et un autre projet de société. Or sur ce point la gauche n’a pas d’horizon. Elle est en panne en termes de projet d’émancipation au-delà des formules. Elle n’arrive pas à faire du neuf en dépassant ses défaites. Elle ne se voit que comme force de résistance ou fidèle à un engagement antérieur. Cela pèse sur les propositions actuelles et imprime une certaine routine dans la pensée et l’action.

    La conception de la lutte démocratique chez les camarades reste déconnectée à cette étape d’une lutte contre le capitalisme local et internationale, non pas sur le plan de la perspective générale mais sur le terrain des objectifs de lutte immédiats, cette question se posant pour les camarades après une éventuelle chute du makhzen. Or aujourd’hui la démocratie réelle est antagoniste non seulement au makhzen mais aussi au capital. La lutte démocratique vise centralement pour eux à définir les voies d’une constitution démocratique souveraine. Alors qu’elle devrait aussi prendre un contenu social ample, direct visant ouvertement à une répartition égalitaire de la richesse, impliquant une remise en cause du régime de propriété actuel, et inscrivant les objectifs de la lutte sociale non pas seulement sur le terrain de la conquête ou respect des droits, mais sur la question fondamentale de qui décide dans la société. Leur conception reste trop attachée à une lutte contre le makhzen comme régime politique, sans articulation, dans la lutte elle-même et les mots d’ordre, avec l’accumulation prédatrice. Comme des niveaux juxtaposés plutôt que combinés.

    Autrement dit la lutte pour « une constitution démocratique » n’a pas les mêmes conséquences pratiques sur la conception du travail de masse et de la lutte sociale, des alliances, que l’exigence de « tout le pouvoir et la richesse au peuple ». Il faut aussi ajouter chez les camarades de la VD une conception politique de l’organisation qui n’est plus fonctionnelle dans le monde d’aujourd’hui et certainement pas dans notre société. Aucune organisation qui n’ouvre pas en grand, ses portes et ses fenêtres, n’a d’avenir. Et qui, en son sein, accepte le pluralisme des expériences, des opinions, des préoccupations, des contradictions. Et qui dans la dialectique avec le mouvement de masse cherche à ouvrir des espace de participation populaires par en bas. La recherche de l’efficacité dans l’action ne peut signifier un centralisme contradictoire avec l’auto organisation dans les processus de lutte, ni signifier la construction de cadres par « en haut », plus préoccupés à façonner de équilibres internes qu’ à déployer une créativité démocratique dans les formes de lutte et de décision. Il n’ y a pourtant pas d’autres issues pour dépasser la crise de confiance dans les organisations (qui n’épargne pas la gauche radicale ), « stabiliser » de nouvelles avant-gardes de luttes et ouvrir potentiellement la possibilité d’un nouveau cycle de politisation de masse.

    De même la « convergence des luttes » ne peut être seulement le fruit d’une unité des forces existantes et d’un renforcement/construction des instruments des défenses organiques de masses (même si cela est vital et nécessaire). Ces « forces » et « instruments » restent pour l’essentiel, même lorsqu’ils sont combatifs, liés à des secteurs très limités des exploités et des opprimés, et ne jouent pas nécessairement un rôle d’entrainement global. Il faut un espace de participation, où des fractions plus larges réalisent l’unité par en bas, exprime directement leur radicalisation et action collective. Des espaces où se construisent des expériences réelles de luttes de masses.

    Mais au-delà, la question est double : un parti ne se construit par une somme de tactiques. Il lui faut un projet d’ensemble en phase à la fois avec la période et à la conjoncture concrète. Revendiquer par exemple l’unité des courants marxistes dans un même parti ou dans un cadre plus large, n’apporte aucune solution bien que l’on ne peut s’opposer à cette perspective.. C’est continuer à penser que « le parti » qui aidera d’une manière décisive à la transformation radicale de la société ne peut être que la résultante d’un rapprochement de courants politiques liés au cycle historique précédent. Sans prendre la mesure du « basculement du monde » où les formes de radicalisation ne se traduisent pas en terme de réappropriation de l’héritage passé et des références diverses du mouvement ouvrier. Ni du fait que ce processus nécessite, non pas un volontarisme, bâti sur la simple affirmation d’une racine commune (le marxisme qui n’existe pas au singulier ) mais un accord sur les tâches politiques fondamentales dans le cadre d’une nouvelle période.

    L’option d’une unité des révolutionnaires, à supposer qu’elle soit possible, ne suffit pas et il n’ y a pas de dépassement de la notion d’un parti qui apporte la ligne et la conscience de l’extérieur comme un état major , un « maestro » contraint de manœuvrer, d’être s’il le faut, pédagogique et flexible, mais qui par ses forces, éventuellement unies, finira par devenir la direction ferme attendue et reconnue par les masses. Les processus dans la vie réelle à l’échelle des expériences actuelles quel que soit la région du monde infirme cette approche. Penser que l’alternative se construira par un renforcement organique de tel ou tel courant (en recrutant petit à petit) ou sur une base idéologique (l’adhésion commune au marxisme) et une erreur à notre avis.

    Les courants marxistes léninistes basistes : là c’est une trajectoire particulière. Nul ne peut ignorer la combativité des camarades, ni la réalité de leur radicalité, souvent d’ailleurs en réaction avec les mécanismes d’actions et de pensée a gauche qui ont été façonnées par l’adaptation aux marges permises par la façade démocratique (ou son acceptation). Souvent source de routine et d’ajustement à ce qui est toléré par le pouvoir. En réaction aussi à une pensée dominante à gauche qui, trop englué dans la conjoncture et la tactique, ne fait pas vivre l’exigence de la rupture et ressemble trop, malgré des discours différents, à des partis « installés » dans des règles du jeu imposées par le système tant ils sont excessivement « prudents » dans leur initiatives et manière de faire la politique. Mais cette trajectoire visant à l’origine à défendre la radicalité du mouvement révolutionnaire à ses origines, telle qu’elle est comprise par eux, est devenue une impasse.

    Ces courants, à force de vouloir se délimiter sur toutes les questions en sont venus à construire un « bunker politique et idéologique » où la lutte contre l’ordre établi se confond avec la lutte contre tous les autres courants de gauche. Et où le cœur de l’action politique, n’est pas tant la recherche de l’implantation au sein des masses, avec ce que cela implique comme prise en compte des différents niveaux d’expérience et de conscience et des conditions d’une convergence des luttes (ce qui pose la question de l’unité) mais la recherche par le haut et à la marge, d’une confrontation politique qui dévoilerait la nature réelle du régime et de ses alliés « opportunistes » ou « révisionnistes ». La question de la lutte des prisonniers politiques, juste et légitime, est dans ce schéma le vecteur de l’expression de la contradiction fondamentale, ce qui est déjà simpliste et beaucoup plus discutable.

    L’ensemble de leur pratique vise à découper une « frange radicale » visant à les renforcer comme courants plutôt qu’à créer les conditions d’une lutte de masse réelle et prolongée. Cette pratique est incapable d’inverser le rapport de forces ni même d’obtenir des luttes partielles victorieuses et encore moins de donner un nouveau souffle au mouvement étudiant. La difficulté de ces courants et de leurs alliés à construire sur le terrain politique une organisation commune, y compris à l’extérieur des facultés, témoigne de l’impasse d’une vision idéologique de la lutte, qui au nom de la défense du marxisme léninisme, occulte la nécessité de définir des tâches politiques fondamentales. Car cette « défense » ne donne en soi, aucune clef, pour élaborer une orientation concrète qui tienne de la complexité de la lutte des classes et des taches. Cette approche est en deçà des débats qui ont structuré le mouvement marxiste-léniniste dans ses premières années. Par contre, la lutte sur l’interprétation de l’héritage, qui par définition ne saurait être monolithique, ne suffit pas à éclairer le chemin de l’avenir et peut aboutir, et c’est le cas, à de nouvelles lignes de fractures….Au delà, la tendance est de soumettre le « mouvement réel « à la logique d’auto-affirmation au lieu de partir à chaque étape des intérêts généraux du premier. L’état actuel de l’UNEM en est l’illustration malheureusement dramatique.

    Les courants marxistes révolutionnaires : la situation des groupes qui se réclament ou sont liés à un degré ou un autre à la IVe internationale n’échappent pas à ce panorama générale. Au-delà de la combativité de ces camarades sur une série de terrains, leur apport propre à la réflexion générale sur les combats nécessaires, leur rôle dans la construction de la solidarité internationale et locale et dans certains mouvements, l’effort, y compris de faire connaitre des aspects peu connus, au Maroc sur l’histoire du mouvement ouvrier internationale, ils sont confrontés à des difficultés majeures.

    L’une d’entre elle porte sur la contradiction entre l’insistance à construire une force qui se revendique de la continuité de l’histoire, y compris ou même principalement en référence aux leçons du passé, et les enjeux de la période actuelle dans ses dimensions internationales et locales. Cette contradiction a aboutit à des divisions internes. La première dimension aboutit à une orthodoxie formelle et assez idéaliste avec le présupposé, que si la gauche radicale a historiquement failli, c’est en raison de son orientation ( « maoïste « et « stalinienne » ) et qu’il suffit en quelque sorte de faire connaitre par la propagande, les « véritables » leçons du passé pour construire une organisation sur des bases « claires ». Ce sont les idées justes ou fausses qui déterminent l’identité concrète. De Lénine, ne sera retenue que les leçons parfois interprétées d’une manière sommaire, de « Que faire ? », bien que très rapidement leur auteur a expliqué qu’il s’agissait avant tout du contexte russe, et que ce livre a été écrit dans une conjoncture politique précise. Depuis l’histoire a montré qu’il n’existe pas de formes organisationnelles absolues et que le combat pour l’indépendance de classes peut connaitre des expressions politiques plus complexes et diverses.

    Cette approche est paradoxalement assez contradictoire avec les développements politiques et théoriques de la IVe internationale depuis la chute du mur de Berlin, insistant sur la nécessité, sans modèle clefs en main, d’« un nouveau programme et d’un nouveau parti » dans le cadre d’une « nouvelle période », y compris en laissant ouverte un certain nombre de questions stratégiques. Et même bien avant, en rejetant les conceptions d’une accumulation linéaire des forces par une simple transcroissance des noyaux révolutionnaires qui, par eux même, arriveraient à fusionner avec l’avant-garde de lutte. Au profit d’une approche plus complexe attentive aux recompositions sociales et politiques qui émergent dans le mouvement réel. Elle aboutit en réalité à une indétermination du projet politique concret à la fois dans le contexte particulier du Maroc et dans la période internationale que nous vivons, bien différentes que l’époque de Lénine et de Trotski.

    Cela aboutit à une conception de l’unité qui se limite à la collaboration critique sur le terrain du travail de masses et des mobilisations mais qui exclut d’emblée le terrain de la construction politique de l’alternative, ignorant pourtant, élément décisif dans la tradition de la IVe internationale, la reconnaissance de la pluralité objective de courants révolutionnaires et anticapitalistes. Cela aboutit à une approche profondément propagandiste et activiste de la construction en décalage avec les besoins réels de la situation. Or aucune construction politique ne peut aboutir simplement en mettant l’accent sur ce qui différencie, sans chercher, malgré les différences ce qui est nécessaire et commun, là aussi en partant non pas de traditions figées, mais réinvestis dans un projet nouveau, qui ne soit pas seulement le replâtrage de l’ancien.

    C’est aussi cela le succès de courants trotskystes ouverts qui ont participé, dès sa fondation et même ont été moteur, dans ce processus en Espagne avec Podemos et en Grèce avec Syriza. C’est sous des formes inachevés et sous-jacent, le débat qui oppose Almounadila et Tahaddi, cette dernière avançant la perspective d’une nouvelle représentation politique des classes dominées qui va bien au-delà du fait de changer les directions existantes ou de simplement renforcer la gauche radicale telle qu’elle est, mais d’intégrer la nécessité d’une reconstruction d’un nouveau mouvement ouvrier et populaire. Dans lequel, la question de la démocratie n’est pas seulement un résumé des tâches que la bourgeoisie locale ne peut assumer mais le cœur d’une nouvelle praxis révolutionnaire. Reste que y compris cette proposition plus ouverte reste largement inachevée et nécessite une élaboration plus globale sans quoi le risque de repli ou d’éclectisme peut s’imposer.

    Dans une certaine mesure, la crise de la gauche, quel que soit ses orientations et ses composantes, est le produit de décennies de recul et de défaites qui aboutissent soit à des replis sectaires (eux-mêmes diversement cristallisés) ou à des tendances à l’adaptation au système (eux-mêmes divers). Et au-delà, à une incapacité commune à reformuler un nouveau projet d’émancipation mobilisateur, capable de réveiller l’enthousiasme de nouvelles générations et de redonner confiance aux secteurs populaires.

    Dépasser cette situation est possible. La gauche de lutte a un capital militant et un réservoir de sympathie. Il existe aussi toute une catégorie de militants, anciens ou nouveaux, qui n’ont pas ou plus d’engagement partisan, mais sont proches dans le travail de masse de la gauche radicale. Mais il est nécessaire pour elle, d’abord de se regrouper d’une manière organique dans un cadre démocratique et pluraliste qui cherche à aller au delà de la simple addition de telle ou telle composante. Il est nécessaire d’assurer un renouvellement radical des pratiques pour que la place des jeunes et des femmes soient réelles et en phase avec la société réelle. il est nécessaire qu’une nouvelle génération s’empare, en forgeant sa propre expérience, de la construction politique.il est nécessaire de rompre avec les formes de démocratie formelle et de « centralisme démocratique » qui n’ont de démocratique que le nom, quand se maintiennent des directions instituées de longue date, parfois depuis plusieurs décennies, les formes hiérarchisées dans les rapports militants, l’esprit suiviste.

    Il est nécessaire de réinventer un rapport différent au mouvement social, pas dans les discours, mais dans la pratique réelle : la construction d’une nouvelle représentation de celles et ceux d’en bas doit nous amener à changer nos pratiques militantes et organisationnelles, en partant des expériences de luttes, en nous ouvrant à toutes les confrontations politiques, en travaillant aux convergences de toutes ceux et celles qui sont les éléments essentiels pour cet objectif. Elle doit y compris rénover son langage, son profil général pour porter au cœur de la société, l’exigence de l’insoumission et de la rébellion.

    Allons même plus loin. Ne commençons pas par dire que ce sera un parti, compte tenu des expériences de ce siècle, les formes d’organisation démocratiques seront inévitablement neuves, se construiront en avançant. Ne commençons pas à définir un programme d’en haut qu’il faudra expliquer, il se construira à partir des besoins, des préoccupations, des luttes et sera bien plus riches que tout ce que nous pouvons écrire même s’il faudra se mettre d’accord sur un certain nombre d’axes. Mais pour reconstruire ; il faudra du neuf, de nouvelles perspectives historiques même si nous ne partons pas de zéro et que bien des leçons de l’histoire restent essentiels et utiles. Mais il est temps de tout remettre à plat, d’avoir de convictions plutôt que de certitudes, d’accepter de discuter des bilans, non pas dans une logique de concurrence ou d’affirmation mais pour voire ce que l’on garde, ce que l’on développe et invente et ce qu’on laisse de coté. Loin de tout conservatisme d’organisation, loin de tout fétichisme du passé (ou d’expériences actuelles). Constatant seulement qu’à ce jour, que les expériences qui ont eu une certaine dynamique populaire durant ces 10 dernières années se sont appuyés sur de nouvelles forces et pas sur les partis traditionnels du vieux monde politique de gauche ou d’extrême gauche...

    Il s’agira surtout d’accompagner ce rapprochement en radicalisant la volonté de rompre avec l’absolutisme et le règne du capitalisme et ce monde tel qu’il est. Non pas une radicalisation verbale et abstraite mais en ouvrant les espaces de participation et d’auto organisation à la base pour reconstruire une autonomie et volonté de lutte politique. En mettant la question sociale, et pas seulement les formes de domination politique, au cœur de la reconstruction d’une conscience de classe et du travail politique de masse, avec pour fil conducteur la lutte globale contre l’austérité sous toutes ses formes et l’exigence d’une démocratie réelle et globale, qui va bien au delà de l’affirmation constitutionnelle de droits... En occupant, sans vision de luttes principales ou secondaires, tous les terrains de lutte contre les oppressions et discriminations, comme élément essentiel de la confrontation globale. En discutant du sujet révolutionnaire qui, à la lumière des processus réels, ne saurait être homogène et unique, mais regroupe une pluralité de forces sociales, et dans un contexte, où le prolétariat a plusieurs réalités et visages. . En prenant à bras le corps, la discussion sur le « socialisme démocratique » (peu importe le nom s’il y a du contenu) que nous voulons et les mesures que le peuple devra prendre pour satisfaire durablement ses revendications. En posant ouvertement la question du pouvoir et de la révolution même si nous ne savons pas de quelle manière elle aura lieu.

    La gauche ne connaîtra jamais d’avancée qualitative si elle est perçue seulement comme une force de résistance utile au jour le jour. Et le faire dans et avec le peuple. En prenant aussi à bras le corps la discussion sur le type d’organisation nécessaire, en faisant la démonstration pratique que nous ne sommes ni comme les autres, des politiciens professionnels (même si on veut le changement) ni englués dans une logique de boutique, en rendant attractif à une échelle large, l’engagement organisé. Nous avons besoin de dépasser l’héritage de la défaite à tous les niveaux. Et à faire radicalement du neuf en dépassant ce que nous sommes et d’où on vient et en s’ouvrant aux nouvelles générations. En réalité nous n’avons pas d’autre choix que l’unité et le renouveau même si on sait que l’unité ne concernera pas tout le monde et que le renouveau sera long et complexe. L’autre issue, tout le monde la connaît, la montée en puissance des égorgeurs et des obscurantistes et le maintien de la barbarie despotique au service d’un capitalisme prédateur. L’avenir de la gauche ne dépend que d’elle.

    Lotfi Chawqui 9 août 2015

    * « Où va la gauche marocaine ? ». Taharour :
    http://www.taharour.org/?ou-va-la-gauche-marocaine

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35622

  • «La reprise des négociations avec le Maroc n’est que leurre» (Algeria Watch)

    Mohamed lamine Ahmed. Chef du premier gouvernement de la RASD (1976-1982)

    Depuis leur début en 1997 et jusqu’à aujourd’hui, les négociations entre le Front Polisario et le Maroc n’on-abouti à aucun résultat.

    Depuis le lancement du processus de négociations entre le Front Polisario et le Maroc en 1997, sous l’égide de l’ONU, les résultats obtenus restent en deçà des attentes.

    La situation demeure toujours conflictuelle et menace d’une reprise des hostilités armées à tout moment. «A vrai dire, les négociations ont commencé en 1993. Jusqu’à aujourd’hui, elles n’ont abouti à aucun résultat allant dans le sens d’un règlement définitif du conflit à cause de l’intransigeance marocaine et de sa politique du fait accompli. Actuellement, les pourparlers sont suspendus. Personnellement, je suis plutôt pessimiste.

    Tout ce qui se dit à propos d’une imminente reprise des négociations n’est que leurre», a déclaré Mohamed Lamine Ahmed, ex-chef du gouvernement de la RASD, actuellement, conseiller auprès du président Mohamed Abdelaziz, rencontré en marge de l’université d’été de la RASD qui se tient à Boumerdès. Pour lui, aucune des résolutions de l’ONU portant sur le dossier du Sahara occidental n’a été appliquée, exceptée celle portant cessez-le-feu. Ce qui a laissé place à un sentiment de méfiance envers l’Organisation des Nations unies.

    «Le secrétaire général des Nation unies, Ban Ki-moon, n’est pas vraiment chaud pour trouver une solution au conflit sahraoui.

    Il a passé 8 ans à la tête de l’ONU et n’a jamais effectué une visite dans la région, contrairement à ses prédécesseurs, De Cuellar, Boutros Ghali et Kofi Annan. Nous n’avons plus confiance en l’ONU», note notre interlocuteur avec regret. Et d’ajouter : «L’espoir s’amenuise. A chaque débat au sein de l’ONU, on n’obtient que le prolongement d’une année de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso).»

    Black-out médiatique

    Face à la répression quotidienne que subit le peuple sahraoui, son combat pour le droit à l’autodétermination et l’indépendance demeure pacifique. Mohamed Lamine Ahmed parle de protestations quotidiennes dans les villes sahraouies occupées. Cependant, la diffusion de l’information est quasiment absente, surtout dans les média occidentaux. «C’est le black-out médiatique imposé par le Maroc.

    Aucun journaliste ni observateur international n’est autorisé à entrer dans les territoires occupés du Sahara occidental. Quotidiennement, nos femmes sont dénudées en pleine rue devant leurs parents, nos jeunes malmenés et présentés devant des tribunaux militaires et incarcérés dans 21 prisons sur le sol marocain. L’on compte 515 Sahraouis portés disparus depuis le début du conflit.

    Ce sont les mêmes pratiques que celles des Israéliens envers le peuple palestinien», lance avec colère Mohamed Lamine Ahmed. Notre interlocuteur affirme que cette situation n’a que trop duré. Pour lui, reprendre les armes n’est pas à exclure : «L’élite sahraoui garde toujours son sang-froid, mais la jeunesse est en ébullition. Elle attend depuis 24 ans une solution qui ne vient pas. Lorsque le terrain serait propice pour reprendre les armes, nous seront dans l’obligation de le faire.»

    La France, l’ennemi invisible

    Sur le plan diplomatique, la cause sahraouie a marqué des points. Plusieurs pays la soutiennent ouvertement. Mais dans les instances onusiennes, elle se heurte toujours au veto français. Mohamed Lamine Ahmed va encore plus loin en disant que «l’ennemi principal du Sahara occidental est la France et non pas le Maroc».

    «La France bloque toujours les résolutions de l’ONU concernant le dossier du Sahara occidental. Son dernier veto sur l’affaire Gdeim Izik en 2010, où 21 détenus politiques sahraouis ont entamé une grève de la faim dans les prisons marocaines pour protester contre les conditions de leur détention, est la preuve ultime que c’est l’Elysée qui décide et non pas le Maroc.

    Le royaume marocain demeure encore sous protectorat français.

    Notre ennemi principal c’est la France, non pas le Maroc», martèle-t-il. Notre interlocuteur regrette la chance de paix que le Maroc a ratée en évoquant la dernière position du roi Hassan II : «Hassan II a connu les affres de la guerre. Il était favorable à un référendum au Sahara occidental quels que soient les résultats. Malheureusement, après son décès tout a changé. Ceci dit, nous nous sommes préparés pour une guerre de longue haleine contre l’ennemi visible et invisible.»
    
    Omar Arbane El Watan, 6 août 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/sahara_occidental/negociations_leurre.htm

  • La démographie comme facteur révolutionnaire en Afrique du Nord (Orient 21)

    Tunisie, Égypte, Maroc

    Il existe de nombreuses causes aux révolutions. Mais le facteur démographique a souvent été négligé et l’arrivée à l’âge adulte de générations plus nombreuses, souvent mieux formées et sans perspective aucune explique les mobilisations auxquelles on a assisté dans le monde arabe.

    Le début de l’année 2011 a été le théâtre de deux révolutions dans le monde arabe, en Tunisie puis en Égypte que personne n’avait prévues, surprenant la plupart des spécialistes reconnus de ces pays. En quelques semaines, deux dictateurs installés de longue date ont été évincés du pouvoir. Existe-t-il un facteur caché qui pourrait expliquer ces événements  ?

    Oui, la démographie est ce facteur caché  ; plus précisément, l’existence d’un pic de naissances 25 ans auparavant. En effet, le lien entre volume de naissances et évènements géopolitiques n’a pas été effectué jusqu’ici. Pourtant, un nombre plus élevé de naissances dans un pays pauvre peut avoir plusieurs conséquences négatives lorsque les générations nombreuses arrivent à l’âge adulte, si le gouvernement gère mal l’économie et se caractérise par un autoritarisme certain. C’est un terrain qui peut être favorable aux contestations quel que soit leur type (démocratique, conservateur ou socialiste) et conduire ainsi à une révolution, à une émigration massive vers les pays plus riches et, par l’appauvrissement de la population, un plus grand nombre de personnes devant se partager le même gâteau global, être un élément favorable à une révolution.

    Même s’il n’existe pas de déterminisme absolu, et si de nombreuses autres causes expliquent les soulèvements, l’évolution des naissances constitue un facteur important et largement sous-estimé de l’Histoire, conduisant potentiellement à des changements géopolitiques majeurs. Or, en analysant deux pays du monde arabe qui ont récemment connu une révolution, la Tunisie et l’Égypte, il est possible de démontrer que la révolution peut s’expliquer dans chaque pays par la combinaison d’un régime autoritaire, d’une économie peu performante, et, last but not least, d’un pic de naissances 25 ans plus tôt.

    Régime autoritaire et économie pauvre

    Pour la Tunisie, nous disposons de données complètes concernant les statistiques des naissances depuis 1970, ce qui nous permet de déterminer les années où elles ont été les plus nombreuses. En 1970, la Tunisie comptabilisait 186 000 naissances, un nombre qui a augmenté lentement dans les années 1970 et le début des années 1980 pour atteindre un pic entre 1984 et 1987, soit environ 230 000 naissances. Le taux de fécondité a baissé lentement durant cette période, de sorte que le volume des naissances a continué de progresser. L’année record fut 1986 avec 234 736 naissances. Puis, une forte baisse est constatée jusqu’en 1999 avec 160 000 naissances, en raison d’une diminution très rapide de la fécondité.

    Selon notre hypothèse, la fenêtre démographique la plus favorable pour la révolution se situait consécutivement 25 années après le pic du milieu des années 1980, soit entre 2009 et 2012. La «  révolution de jasmin  » de décembre 2010 à janvier 011 s’est donc déroulée en plein milieu de cette fourchette. En effet, la Tunisie combinait parallèlement un régime autoritaire et une économie pauvre.

    En ce qui concerne le régime politique, selon «  l’indice de démocratie  » de The Economist, qui mesure le niveau de liberté de l’ensemble des États de la planète, la Tunisie, bien que désignée officiellement comme une République, se classait seulement au 144e rang dans le monde, soit au même niveau que le Zimbabwe de Mugabe, un modèle de dictature implacable  ! Après l’acquisition de son indépendance de la France en 1957, le nouveau régime tunisien était une «  République  » dirigée par Habib Bourguiba, déclaré président à vie en 1975. Puis, un gouvernement militaire, présidé par Zine El-Abidine Ben Ali, arrivé au pouvoir en 1987 après un coup d’État, a mis fin au règne de Bourguiba, déclaré inapte à gouverner par les médecins. Ben Ali a institué un état policier, avec des services secrets puissants et une corruption massive. L’opposition était interdite, les islamistes étaient systématiquement emprisonnés, la critique non tolérée et Internet censuré. En outre, le président était réélu avec des scores staliniens, récoltant par exemple 89,62 % des voix en 2009.

    Sur le plan économique, la situation semblait meilleure, mais, dans les faits, le produit intérieur brut (PIB) par habitant restait faible par rapport aux pays développés. Selon le Fonds monétaire international (FMI), la Tunisie se situait seulement au 97e rang dans le monde, avec environ 4 160 $ par habitant en 2010, au même niveau que l’Équateur ou le Belize. En comparaison, dans l’ancienne puissance coloniale, la France, le PIB par habitant était de 40 591 $. Le niveau de vie de la Tunisie apparaissait largement sous la moyenne mondiale de 8 985 $ par personne. Le chômage des jeunes était très élevé. La principale industrie, le textile, dépendait de bas salaires pour les travailleurs, la Tunisie n’ayant jamais réussi à diversifier son économie vers des activités à plus forte valeur ajoutée, comme les «  tigres  » d’Asie orientale.

    La combinaison d’une fenêtre démographique favorable, d’un régime autoritaire et d’une économie peu performante pouvait favoriser la révolution de la jeunesse et elle l’a fait. Tout a commencé avec l’immolation à Sidi Bouzid le 17 décembre 2010 de Mohamed Bouazizi, jeune vendeur de rue né en 1984, une des années où le niveau des naissances était à son maximum. Le 3 janvier 2011, des manifestations ont éclaté à Thala, principalement menées par les jeunes, dont certains étudiants. Après plusieurs semaines de protestations massives, le 14 janvier 2011, Ben Ali a dû quitter le pouvoir. Les jeunes, et pas seulement les étudiants, ont donc été à l’origine de la révolution, en particulier les hommes sans emploi nés au moment du pic des naissances du milieu des années 1980.

    La moitié des naissances aux États-Unis

    Comme pour la Tunisie, nous disposons pour Égypte depuis 1970 de données complètes concernant le volume de naissances. En 1970, on dénombrait 1 161 000 naissances, puis ces dernières ont augmenté régulièrement dans les années 1970 et la première moitié des années 1980 pour culminer à 1,9 million pendant quatre ans entre 1985 et 1988, du fait d’un taux de fécondité qui demeurait élevé. À titre de comparaison, ce chiffre correspondait environ à la moitié du nombre des naissances des États-Unis pendant la même période, alors que la population égyptienne ne représentait qu’un quart de la population américaine  ! Ensuite, on a pu constater une réduction des naissances à 1,5 million en 1992 en raison de l’accélération de la baisse du taux de fécondité dans les années 1990.

    Si nous appliquons notre théorie à l’Égypte, la révolution pouvait donc se produire environ 25 ans après 1985-1988, ce qui signifie entre 2010 et 2013. Comme en Tunisie, la révolution de janvier-février 2011 s’est donc déroulée exactement pendant la fenêtre démographique qui lui était favorable. Les conditions qui ont provoqué la révolution en Tunisie ont eu les mêmes effets en Égypte.

    Sur le plan politique, l’Égypte a acquis son indépendance du Royaume-Uni en 1922. Elle n’était pas une démocratie, mais un royaume, jusqu’à la révolution de 1952. L’année suivante, la République a été déclarée et Gamal Abdel Nasser est arrivé au pouvoir en 1956, mais il a adopté une politique pro-soviétique. Quand il est mort, il a été remplacé par Anouar El-Sadate, qui s’est tourné vers les États-Unis, avant d’être assassiné en 1981 par un extrémiste islamiste. Il a été remplacé le 14 octobre 1981 par l’armée dirigée par Hosni Moubarak. Ce dernier a été réélu cinq fois et a gouverné le pays pendant près de trente ans jusqu’au début de 2011. Il exerçait un régime très autoritaire reposant sur une junte militaire. L’état d’urgence était permanent depuis 1957 et la corruption massive. Par conséquent, l’Égypte était classée 138e pays dans le monde selon l’indice de démocratie de The Economist.

    Parallèlement, l’économie n’était guère performante. L’Égypte occupait la 116e place parmi les États de la planète pour le PIB par habitant en 2010, à 2 771 $ par habitant, soit environ le même que le Guatemala ou le Paraguay, deux pays parmi les moins avancés du continent américain. L’Égypte souffrait de plus de sa forte densité parce que la population était concentrée dans les espaces non désertiques de la vallée et du delta du Nil, conduisant à des difficultés pour nourrir la population. L’économie reposait sur quatre ressources principales : le pétrole, le commerce le long du canal de Suez, les devises des émigrés du Golfe et le tourisme. L’industrie était très limitée et peu diversifiée pour un pays aussi peuplé.

    Comme pour la Tunisie, la combinaison d’une fenêtre démographique favorable, d’un régime autoritaire et d’une économie peu performante a favorisé la révolution de la jeunesse en 18 jours. Cette dernière a commencé le 25 janvier 2011 avec une manifestation au Caire contre le régime et Hosni Moubarak a été évincé le 11 février 2011.

    Une autre révolution entre 2017 et 2020  ?

    Comme les deux révolutions étudiées concernent deux pays arabes du nord du continent africain, est-ce qu’une autre révolution est possible bientôt dans le reste de la région  ? En effet, selon la théorie des dominos, la révolution pourrait se poursuivre dans d’autres pays, ce qui a déjà été le cas en Libye, mais dans le contexte particulier d’une intervention militaire étrangère à l’origine de son succès. Si elle est peu probable en Algérie du fait de la mémoire récente de la guerre civile des années 1990 qui limite les velléités conflictuelles de la population, qu’en est-il concernant l’autre grand pays du Maghreb, le Maroc  ?

    Ce dernier est classé à une peu glorieuse 116e place dans le monde selon l’indice de démocratie de The Economist. C’est une monarchie constitutionnelle, mais très différente de celles de certains pays européens. Le pays est gouverné par un roi, qui est également le chef religieux depuis l’indépendance, ce qui lui assure une double légitimité. Pendant le règne d’Hassan II, le régime était très autoritaire et tristement célèbre pour ses terribles prisons, comme celle de Tazmamart. Des opposants comme Medhi Ben Barka ont «  disparu  ». Avec Mohammed VI, qui a succédé à son père en 1999, le régime est devenu un peu plus souple, mais demeure une dictature. La bureaucratie est inefficace, la corruption est partout, et son économie est la moins performante du Maghreb.

    Le Maroc est aussi le 113e pays du monde en termes de PIB par habitant, avec 2 868 $ par habitant en 2010. Il se classe au niveau du Guyana ou du Guatemala. La misère est largement présente, avec de vastes bidonvilles autour des grandes villes, en particulier dans l’agglomération la plus peuplée, Casablanca. Le pays vit essentiellement du tourisme, activité insuffisante pour fournir des emplois à l’ensemble de la population, les autres ressources telles que les phosphates, le textile et l’industrie alimentaire (légumes d’exportation) ne permettant pas de résorber le chômage massif des jeunes. Le Maroc ne profite pas de sa proximité de l’Europe, qui entraîne une forte émigration. Cette situation pourrait conduire à une révolution, d’autant que sa démographie se présente comme une bombe à retardement.

    Si les données portant sur les naissances au Maroc sont incomplètes, elles nous permettent cependant de pouvoir déterminer l’existence d’un pic de naissances. La transition démographique commençant plus tard qu’en Tunisie et le taux de fécondité étant demeuré à un niveau élevé pendant longtemps, les naissances ont atteint un sommet entre 1992 et 1995, ce qui signifie qu’une révolution pourrait se produire entre 2017 et 2020. Sauf si l’émigration massive des jeunes du pays est un exutoire suffisamment important pour les potentiels opposants.

    Laurent Chalard  5 août 2015


    Docteur en géographie (Paris IV Sorbonne), ses travaux portent sur la géographie urbaine, la géographie de la population et la géographie politique. Membre du European Centre for International Affairs (ECIA).
     
     

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  • Le prêt de la Banque Mondiale finance des dirigeants corrompus de la Ville de Casablanca (Attac Cadtm Maroc)

    L’association ATTAC suit avec une grande inquiétude l’opération de prêt en cours de réalisation par le Conseil de ville de Casablanca auprès de la Banque mondiale (BM), sans cadre légal.

    Ce prêt de 2 milliards de DH (200 millions de dollars) sur une durée de 29 ans est un financement aggravant l’endettement extérieur de l’ensemble des communes marocaines, qui ne dépasse pas les 280 millions de DH.

    Le Conseil présente cette dette comme un financement du Plan de développement de la Région du Grand Casablanca de 2015-2020 qui coutera 33 milliards de DH. Or, ce prêt est une opportunité pour la BM de contrôler la gestion de la ville au profit des hommes d’affaires.

    Ce prêt s’étale sur cinq ans, il est conditionné par l’application des réformes suivantes :

    « Modernisation de l’administration fiscale locale »,

    « L’amélioration de la gestion des RH »,

    « L’amélioration du climat des affaires » au profit des promoteurs immobiliers et

    « L’amélioration de la propreté de la ville ».

    Ce n’est pas la première fois que les Casablancais bénéficieront de « l’expertise » de la BM. La mise à niveau du secteur des déchets ménagers et des décharges a reçu un financement de cette institution en 2009. Tout le monde est unanime pour dire que les résultats de ce programme sont catastrophiques.

    Le projet de prêt a été adopté par le Commission des finances du Conseil en présence de 5 élus seulement et à quelques jours de la fin de leur mandat. Pourtant, ce prêt représente 50% du budget du Conseil. Pour faire passer ce projet, la majorité corrompue du Conseil fait miroiter aux élus le faible taux du prêt (1,29%) par rapport au taux pratiqué par le Fonds d’équipement communal (6,5%). Ce qu’omettent de dire ces dirigeants, c’est que le taux d’endettement de la Ville a atteint les lignes rouges, alors que la qualité de la gestion de la ville est déplorable.

    Le service de la dette grève le budget de la Ville. 125 millions de DH ont été consacrés à cette rubrique dans le budget de 2014 pour payer que les intérêts d’anciens prêts, ce montant est en progression de 68% par rapport à 2011. Ce prêt est clairement un financement destiné à un conseil communal corrompu et va contribuer à alourdir la dette extérieure des communes et au passage la dette publique à travers la garantie fournie par l’Etat.

    Suite à ces éléments, Attac Maroc annonce ce qui suit :

    • Nous refusons totalement ce projet de prêt et ce qui comporte comme conditionnalités
    • Nous exigeons de réaliser un audit de la dette de la Ville de Casablanca et de son budget
    • Nous revendiquons que les responsables corrompus rendent des comptes sur leur gestion de la Ville
    • Nous exigeons de recouvrir les créances dues à la Ville estimées à 3,7 milliards de DH et qui éviteront à la Ville de recourir à la BM
    • Nous appelons toutes les forces vives de Casablanca de s’opposer à ce projet dangereux de prêt qui devrait entrer en vigueur en 2016

    Communiqué du 3 août 2015 à Casablanca

    4 août par ATTAC/CADTM Maroc

    http://cadtm.org/Le-pret-de-la-Banque-mondiale

  • Nouveautés sur "Lutte Ouvrière"

    Manif maroc contre mariage des mineures

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    Maroc : le mariage des mineures reste autorisé

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