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Maroc - Page 20

  • Maroc : hier et aujourd’hui, le pouvoir réprime (Npa)

    Manif commémorative de 1965

     

    En mars 1965, à coup de blindés et mitraillettes, l’État réprimait les manifestations déclenchées par une mesure de restriction à l’accès à l’éducation pour les lycéens, manifestations auxquelles s’étaient greffés les chômeurs et travailleurs des quartiers populaires et bidonvilles.

    La journée du 23 mars fut sanglante, notamment à Casablanca (on parle de mille morts dont beaucoup enterrés dans des fosses communes). Hassan II déclarait le 30 mars : « il n’y a pas de danger plus grave pour l’État que celui de soi-disant intellectuels. Il vaudrait mieux que vous soyez illettrés »... La nature réelle du pouvoir se révélait : une dictature qui a su inverser le rapport de forces en sa faveur.

    Après l’indépendance, le désenchantement

    Durant la décennie 1956-1965, il y avait eu le démantèlement des armées de libération au Nord comme au Sud, armées qui estimaient que le combat pour l’indépendance n’était pas achevé et devait se poursuivre à l’échelle du Maghreb. En 1962, la Constitution posait les bases d’une monarchie despotique. Le mouvement syndical connaissait une scission mais surtout un processus de bureaucratisation accéléré, une dépolitisation de l’action revendicative, en échange de privilèges matériels considérables.

    L’Union nationale des forces populaire (UNFP), principal parti d’opposition, a été paralysée, en raison de l’arrestation de milliers de militants, de ses ambiguïtés stratégiques et divisions entre ailes radicales et réformistes. Son principal leader en exil, Ben Barka, sera enlevé et assassiné en octobre de la même année.

    La monarchie a su reconstruire ses bases sociales d’appui autour des grands propriétaires fonciers, ­restructurer l’appareil d’État et l’armée dirigée par des officiers liés autrefois à l’armée coloniale et avec le soutien matériel de l’État français. Moins de 10 ans après l’indépendance formelle, l’irruption populaire témoignait d’un désenchantement : ni avancées sociales ni libertés démocratiques. Ce désenchantement traduisait le divorce grandissant entre le pouvoir et la population, mais aussi le décalage entre les oppositions et les majorités populaires.

    Radicalisation après le mouvement

    Le 7 juin 1965, Hassan II impose un « État d’exception » inaugurant la longue nuit des années de plomb. La répression massive devient une norme de gouvernement. Néanmoins, cette séquence ouvre aussi un processus de radicalisation. Une partie de la jeunesse du parti communiste marocain et de l’UNFP s’interrogent sur leur passivité et participation au fameux colloque d’Ifrane, sous le patronage de Sa Majesté, colloque censé traiter des problèmes de l’éducation nationale alors que le sang n’avait pas fini de sécher dans les rues de Casablanca.

    Des anciens résistants cherchent aussi une autre voie. L’impact le plus visible de ce processus est dans l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) et chez les lycéens. Dés 1966-1967 se forment les noyaux révolutionnaires, pour beaucoup d’obédience marxiste-léniniste. Le contexte régional et international pèse également. La « nouvelle gauche » se constitue officiellement en 1970, dont une des composantes s’est appelé « Mouvement du 23 mars ».

    Aujourd’hui, un maillon du néocolonialisme français

    50 ans après, la monarchie, en plus d’être absolue, est une des composantes principales de la bourgeoisie. La plupart des partis sont domestiqués. Si le niveau de répression n’est plus le même, ce n’est pas en raison d’une démocratisation du régime mais de sa capacité à développer une stratégie de cooptation, de paix sociale clientéliste et à isoler les luttes. Mais l’ensemble des responsables des années de plomb sont toujours en place, et la répression est quotidienne.

    À leur tour, les processus de lutte ont évolué : ce n’est pas sous forme d’émeutes mais de contestations de masse prolongées que les résistances se déploient, ce n’est pas à travers un prisme idéologique mais bien souvent autour des questions sociales et démocratiques concrètes que toute une nouvelle génération se politise.

    Le 22 mars 2015, à l’appel de courants radicaux de l’UNEM et avec le soutien de la gauche de lutte a eu lieu une manifestation à Rabat, à la mémoire du 23 mars 1965 mais aussi contre la privatisation de l’enseignement public et la militarisation des facultés. En soutien aussi aux prisonniers politiques dont certains sont en grève de la faim.

    Dans ce contexte, la décision de l’État français d’accorder une légion d’honneur à un tortionnaire avéré – Abdellatif Hammouchi, directeur général des services de renseignements – apparaît comme un droit à l’impunité accordée à l’État marocain. Une complicité néocoloniale tant la monarchie relaye les intérêts des entreprises du Cac 40, de la Françafrique et les exigences de l’Europe forteresse. Par la solidarité internationale, c’est ce lien qu’il faut briser.

    Chawqui Lotfi

  • SAHARA OCCIDENTAL : samedi 4 avril Paris (Afriques en lutte)

    POUR LA LIBERATION DES PRISONNIERS POLITIQUES ET L’EXTENSION DU MANDAT DE LA MISSION DE L’ONU AU RESPECT DES DROITS DE L’HOMME

    Le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté le 29 avril 2014 une résolution prolongeant d’une année le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso). Mais sans étendre ce mandat à la surveillance des droits de l’homme et sans décider la mise en œuvre du référendum d’autodétermination.

    Depuis, les violations des droits de l’homme dans les territoires sahraouis occupés se sont encore aggravées.

    Les manifestations, toujours pacifiques, pour le droit à l’autodétermination sont violemment réprimées. De nombreux militants sahraouis arrêtés sont condamnés au cours de procès inéquitables. La pratique de la torture et des traitements inhumains perdure. Les libertés d’expression, d’association, d’information et de manifestation ne sont toujours pas respectées. Des délégations d’observateurs étrangers et des journalistes sont régulièrement expulsés. Les 22 militants sahraouis du groupe de Gdeim Izik condamnés le 17 février 2013 à de lourdes peines de prison (de 20 ans à la perpétuité) par un tribunal militaire sont toujours détenus, leur recours en cassation déposé il y a deux ans n’ayant pas eu de suite à ce jour.

    Au mépris du droit international, le Maroc poursuit l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental : accord de pêche avec l’Union européenne, autorisation de prospection pétrolière à des firmes multinationales (par exemple Kosmos Energy).

    Le soutien apporté par le gouvernement français au pouvoir marocain malgré ses violations permanentes des droits de l’homme constitue un des principaux obstacles à la solution du conflit. Le peuple sahraoui n’en peut plus de vivre en exil ou sous occupation marocaine. 40 ans, ça suffit ! Il aspire à recouvrer sa souveraineté sur son territoire. Le Conseil de sécurité de l’ONU, dont la France est membre permanent, devrait adopter fin avril une résolution sur le Sahara occidental. Dans cette perspective, les associations sahraouies (ASF, ACSF), de soutien à la cause sahraouie et des droits de l’homme regroupées dans la Plateforme Sahara occidental appellent à

    UN RASSEMBLEMENT SAMEDI 4 AVRIL À 15H PLACE DU TROCADERO suivi d’une manifestation jusqu’à l’Ambassade du Maroc Paris 16ème

    pour demander que la résolution des Nations unies sur le Sahara occidental se prononce pour :


    - la libération des prisonniers politique sahraouis
    - la mise en œuvre rapide du référendum d’autodétermination
    - l’extension du mandat de la Minurso aux droits de l’homme
    - l’interdiction de la prospection et de l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental

    Dans une "Lettre ouverte" adressée au président de la République avec d’autres associations, la Plateforme pour la solidarité avec le peuple sahraoui demande au gouvernement français de s’engager dans ce sens aux Nations unies. Paris le 30 mars 2015

    Contact : plateformeso@gmail.com 3 avril 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/republique-sahraouie/article/sahara-occidental-pour-la

     

  • Traquenards et calomnies contre les dissidents au Maroc (Orient 21)

    http://www.jeuneafrique.com/photos/AFP/1300/photo_1300469313121-1-0.jpg

     

    Sexe, drogue, argent et vidéo

     

    Une longue série d’affaires a touché des personnalités et des activistes qui ont pris part ou soutenu le mouvement du 20-Février, des islamistes Al-Adl wal-Ihsane aux membres d’associations laïques. Scandale sexuel, financier ou de drogue : à chacun un « crime » adapté touchant un tabou de son idéologie pour le discréditer et porter atteinte à la version marocaine du Printemps arabe.

    Le 17 mars, Hicham Mansouri, journaliste et activiste de l’Association marocaine du journalisme d’investigation (AMJI) est arrêté par une dizaine de policiers en civil. La porte de son appartement est violemment défoncée. Il est battu sur le visage et la tête, déshabillé et traîné dehors, cachant difficilement ses parties intimes avec une petite serviette. Quelques jours plus tard la wilaya de police de Rabat publie un communiqué — chose rare en soi — l’accusant, entre autres, de tenir un local destiné à la prostitution1.

    Quelques jours plus tôt, Mustapha Arriq, haut responsable de l’association islamiste la plus puissante du Maroc, Al-Adl wal-Ihsane (AWI), est arrêté à Casablanca pour «  relation extraconjugale  ». Ce sont les derniers faits d’une longue série de harcèlements qui a visé les islamistes d’AWI mais aussi des personnalités et des activistes qui ont participé ou soutenu le mouvement du 20-Février.

    Dans la région Mena (Middle East and North Africa) — et avec le déclenchement du Printemps arabe et le renforcement relatif du contrôle social sur l’État, grâce notamment au rôle des nouveaux médias et de la presse électronique — certains groupes économiques et/ou politiques (parfois indépendants de l’État mais favorables au régime politique en place) recourent de plus en plus à des méthodes détournées pour étouffer l’opposition en sapant sa crédibilité et sa popularité au sein de la société.

    Ainsi au Maroc, des «  sites d’information  » avec d’importants moyens financiers — mais dont la source est inconnue — se spécialisent dans les attaques contre les associations, personnalités ou groupes politiques qui sont considérés comme des dissidents.

    Plusieurs thèmes de propagande sont employés pour faire tort à la réputation et à l’honneur des opposants, que ceux-ci agissent sur le plan politique ou dans les domaines civiques comme celui des droits humains. Nous nous limiterons dans cet article à traiter de trois d’entre eux : le sexe hors mariage, le trafic de drogue et l’argent en provenance de l’étranger.

    Islamistes : le sexe interdit

    Les premières victimes du «  sexe interdit  » sont les islamistes critiques du système. De fait, ce courant d’opinion trouve ses soutiens principaux dans les secteurs sociaux conservateurs qui accordent habituellement une grande importance à la morale religieuse. Il n’y a donc pas de meilleur moyen pour ternir son image dans la société et montrer sa prétendue hypocrisie qu’en étalant publiquement des photos ou des vidéos mettant en scène des membres connus d’une organisation d’opposition dans des positions choquantes pour la pudeur publique. Les cas d’attaque concernant Al-Adl wal-Ihsane (AWI), par exemple, se sont multipliés durant les dernières années. Ainsi Nadia Yassine, la femme la plus populaire au sein de l’organisation, fut victime de ce thème de propagande en plein Printemps arabe. Une vidéo circule très largement sur le net : on la voit marcher aux cotés d’un homme à Athènes, des commentaires et des prises d’angle suggérant qu’il s’agit de son amant.

    Généralement le produit photographique ou vidéo est tout d’abord publié sur l’un des «  sites d’information  » susmentionnés ou directement sur YouTube. Puis, vu l’intérêt qu’il provoque immanquablement dans le grand public, il est repris dans la presse en ligne ordinaire, ou du moins des articles sont rédigés à ce propos par la presse plus professionnelle2. L’affaire se propage rapidement avant que les victimes ne puissent réagir. Elle devient un thème de discussion sur les réseaux sociaux et dans les cafés de Casablanca, de Rabat et même des villages les plus reculés. Le mal est ainsi fait et les démentis des victimes n’y peuvent rien. Cela peut briser la carrière d’un opposant. Ainsi de la pasionaria d’Al-Adl wal-Ihsane qui s’est retirée de la scène politique depuis cette agression contre elle et sa famille.

    L’un des cas les plus récents a eu lieu en août 2014 à Khémisset, à 60 kilomètres à l’est de Rabat, contre un membre de la même association et sa prétendue compagne illégitime. Il s’agit d’une personnalité locale connue pour ses engagements religieux et politiques. C’est un cas très grave car la vidéo publiée montre non seulement les victimes à moitié nues, mais aussi les visages de ceux qui sont présentés comme les ayant pris en flagrant délit d’adultère. Il s’agit donc d’un nouveau degré, jamais atteint auparavant, dans les méthodes de ces groupes occultes qui font du combat contre l’opposition leur raison d’être. Avec cette vidéo, l’objectif est de menacer de revendiquer dorénavant «  officiellement  » les attaques contre les dissidents comme une lutte contre l’immoralité des opposants comme dans certains pays comme la Russie et le Zimbabwe.

    «  Consommation et trafic de drogue  » pour les jeunes activistes

    Le trafic de drogue et d’autres trafics sont un thème favori de propagande contre les jeunes du mouvement du 20-Février qui déclencha en 2011 les grandes démonstrations de rue en faveur de la démocratie. Ainsi, en décembre 2012, Driss Boutarda, marchand ambulant, comédien populaire et animateur du Théâtre des opprimés, Al-Masrah al-Mahgour et Mounir Raddaoui se moquent des hautes personnalités de l’État dans un sketch improvisé joué en plein air à Rabat. Quarante-huit heures plus tard, Boutarda est arrêté pour consommation et trafic de drogue. Il est très rapidement condamné à un an de prison3. Avant son arrestation on lui a proposé, selon son témoignage à la presse, de lui trouver un travail qui assurerait un revenu sûr en échange de l’arrêt de ses activités protestataires. La principale association des droits humains au Maroc, l’association marocaine des droits de l’homme (AMDH) le défend en tant que détenu d’opinion.

    Raddaoui possède une entreprise spécialisée dans le commerce des portables à Kénitra. Il est accusé de contrebande. Tout son stock est illégalement confisqué, ainsi que sa voiture. Selon lui ses pertes immédiates se chiffrent à 100 000 dollars (plus de 91 000 euros). Il y a aussi le cas du célèbre chanteur contestataire Mouad El Houad — connu sous le nom d’Al-Haqd. Arrêté devant le stade de football de Casablanca en mai 2014 pour trafic de billets d’entrée, il sera condamné à quatre mois de prison ferme pour ébriété sur la voie publique et insulte à la police. Al-Haqd, qui est âgé de 27 ans, a déjà effectué plusieurs séjours en prison sous différents prétextes car il critique très directement dans ses chansons de hautes personnalités de l’État.

    «  Servir les agendas étrangers  »

    Si le sexe est quasiment réservé aux islamistes et aux militants des groupes conservateurs en général et la drogue aux jeunes activistes du Printemps arabe, l’argent semble l’argument massue contre les organisations qui s’inspirent des idéologies de gauche. Car la gauche étant connue pour sa défense, du moins sur le plan discursif, des valeurs d’égalité, de justice sociale et de transparence financière, ce thème de propagande semble lui convenir à merveille.

    Ainsi les médias mentionnés au début de cet article concentrent-ils leurs attaques sur les associations de défense des droits humains les plus critiques vis-à-vis du régime. Elles sont accusées de recevoir de l’argent de l’étranger afin de servir les agendas des puissances occidentales ou de pays hostiles au Maroc. À partir de mi-juillet 2014, cette accusation devient officielle. Le ministre de l’intérieur déclare que des associations de la société civile reçoivent de l’argent de l’étranger pour servir «  des agendas étrangers  » et que leurs activités représentent un obstacle à une lutte efficace contre le terrorisme. Dès lors, des dizaines d’activités organisées par les associations en ligne de mire sont interdites. Les sections locales qui renouvellent leurs bureaux ne sont pas reconnues par les autorités. Même des fondations étrangères sont touchées par la vague des interdictions. Ainsi le ministre de l’intérieur interdit le 24 janvier une conférence internationale organisée par la prestigieuse fondation allemande Friedrich Naumann Stiftung alors que son collègue le ministre de la communication avait répondu positivement à l’invitation de la fondation à présider sa séance d’ouverture. Les mêmes médias montrent du doigt l’argent étranger et sa soit-disant dilapidation par des organisations étrangères qui osent collaborer avec les dissidents marocains.

    Quand on regarde de plus près le profil des victimes de la campagne répressive, on se rend compte qu’elles ont toutes joué un rôle fondamental dans le soutien logistique et politique au Mouvement du 20-Février. S’agit-il de salir ces dissidents, religieux ou laïques, et ces groupes dérangeants de la société civile avant de passer à leur liquidation par mesure administrative  ? La menace de la wilaya de Rabat de retirer à l’AMDH son statut d’association d’utilité publique semble aller dans ce sens : à Rabat, c’est la première organisation à avoir mis ses locaux à la disposition des jeunes du mouvement. La première conférence de presse internationale a eu lieu au sein de son siège central dans la capitale, trois jours avant le déclenchement officiel du Printemps marocain. Depuis la fin de l’été 2014, près de 85 activités de l’AMDH ont été interdites sur l’ensemble du territoire. Et ses responsables sont diffamés quotidiennement dans la presse des services. Le temps de fermer définitivement la parenthèse du Printemps arabe au Maroc est-il venu  ?

    Maâti Monjib   30 mars 2015
  • Comment le Mossad a aidé le Maroc à tuer Ben Barka (Courrier International)

    Une grande enquête du quotidien israélien Yediot Aharonot publiée cette semaine met en lumière l’implication des services de renseignements israéliens dans l’enlèvement à Paris, le 29 octobre 1965, et l’assassinat de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka

    Un jour sombre et pluvieux dans une forêt des environs de Paris. Des hommes creusent un trou pour y jeter le corps d’un homme mort étranglé peu de temps auparavant. A cet instant, personne n’imagine que le fantôme de la victime va hanter le Mossad pendant de longues années.” L’enquête des deux journalistes israéliens Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon, publiée dans Yediot Aharonot, débute comme un polar. Paris. Une cible marocaine. Les services secrets israéliens. Tel est le décor de ce qui va devenir le dossier “Baba Batra”, une des affaires les plus délicates de l’histoire du renseignement israélien.

    La mort du célèbre opposant marocain, Mehdi Ben Barka, eut d’importantes conséquences notamment sur les relations entre le Mossad, le Premier ministre d’alors, Levi Eshkol, et Isser Harel, figure mythique des services israéliens, qui fut chargé d’enquêter sur cette affaire d’Etat, mais aussi sur les relations franco-marocaines. Comme le souligne Le Monde, qui a interviewé l'un des auteurs de l'enquête, l'article a été soumis à la relecture de la censure militaire avant publication, car la loi israélienne l’exige. Toutefois, fondé sur la retranscription d’une rencontre entre le chef du Mossad de l’époque, Meir Amit,  Levi Eshkol et Isser Harel, et sur les témoignages de nombreux acteurs de l’affaire, l'article du Yediot Aharonot révèle l’implication logistique du Mossad dans la mort de Ben Barka.

    Quels rapports de forces ?

    A l'entame des années 1960, le Mossad (chargé du renseignement extérieur et de l'antiterrorisme) a installé un siège à Paris pour organiser ses opérations dans toute l’Europe. En matière de sécurité, les relations entre Israël et la France sont alors très étroites. La France, empêtrée “dans le bourbier algérien” et aux prises avec le Front de libération nationale (FLN), a besoin de l’aide du Mossad. “Au début, cette coopération s’est traduite par le partage d’informations sur l’organisation clandestine. Puis le Mossad livra des armes qui serviront dans une série d’assassinats perpétrés par les services français contre le siège du FLN au Caire”, écrivent les journalistes de Yediot Aharonot.

    De son côté, le Mossad “utilise” Paris comme “voie d’accès à l’Afrique et à l’Asie”. Très actif, le service cherche alors à obtenir le plus possible d’informations sur les pays arabes et sur le bloc soviétique – pour les partager avec les Etats-Unis. Si le Mossad noue à l’époque des relations secrètes avec la Turquie, l’Iran et l’Ethiopie, “une cible lui manque cruellement : le Maroc”. Pays arabe modéré, le Maroc est un pays qui entretient des relations avec les principaux ennemis d'Israël. “Sans parler du fait qu’à la tête du royaume, Hassan II fait plutôt figure d’allié de l’Occident.”

    Echange de services

    “Dans le renseignement, il n’y a pas de cadeaux gratuits”, rappelle l’enquête de Yediot Aharonot. C’est en vertu de cet adage que, six semaines avant l’assassinat de Ben Barka, le Mossad s’est retrouvé débiteur d’une dette vis-à-vis du Maroc. D’après les documents utilisés par les journalistes, Israël considérait ses relations avec le Maroc comme “stratégiques” et les deux pays avaient réussi à se trouver des intérêts. Le roi Hassan II s’était laissé convaincre de “laisser des Juifs de son pays émigrer vers Israël”. En échange, l’Etat hébreu fournissait une aide logistique au Maroc, formait ses militaires. En 1965, la coopération entre les services de renseignements des deux pays prit une dimension autrement plus importante.

    En septembre 1965, expliquent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon, le renseignement marocain permet en effet à des agents du Mossad d’obtenir des informations cruciales. Du 13 au 18 septembre 1965, la Ligue arabe tint un sommet de la plus haute importance à Casablanca. Le roi Hassan II délivra à Meit Amir, le directeur du Mossad, tous les documents relatifs à cette rencontre ainsi que les enregistrements de la réunion, qui avait été mise sur écoute. “Ces informations très importantes donnèrent un aperçu des ambitions des plus grands ennemis d’Israël. [...] Lors de la réunion, les commandants des armées arabes avouèrent qu’elles n’étaient pas préparées pour une nouvelle guerre contre Israël”, rapporte Yediot Aharonot. C’est en partie sur ces informations que Tsahal recommanda au gouvernement de Levi Eshkol de lancer ce qui deviendra la guerre des Six-Jours en 1967. Conflit qui vit l’armée israélienne triompher des armées syrienne, égyptienne et jordanienne.

    Après cette coopération sans précédent, le Maroc voulut être dédommagé du service rendu le plus vite possible. Le nom de cette dette : Ben Barka, l’un des opposants les plus farouches du roi Hassan II. C’est ainsi que fut lancée l’opération Baba Batra – qui, en plus d’avoir les mêmes initiales que Ben Barka, désigne dans le Talmud un traité s’intéressant aux questions liées à la responsabilité individuelle.

    L’opération Baba Batra

    En échange de la coopération du Maroc lors du sommet de la Ligue arabe, le Mossad s’engagea à  suivre les déplacements de Ben Barka en Europe – l’homme était alors en exil. Mehdi Ben Barka était une figure influente au Maroc et dans le monde arabe. Homme de gauche, il soutint la révolution et le combat contre le colonialisme, et devint l’un des opposants les plus virulents au roi Hassan II.

    L’enquête révèle que le Mossad réussit à localiser Ben Barka à Genève, où l’opposant marocain relevait son courrier. “Le Mossad donna l’adresse du kiosque à Ahmed Dlimi, adjoint de Mohammed Oufkir, le ministre de l’Intérieur marocain. Les agents marocains n’avaient plus qu’à surveiller le kiosque vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pendant deux semaines, jusqu’à ce que leur cible se montre.”

    A ce stade de l’affaire, il n’est encore question pour le Mossad que de fournir une assistance technique, tout en gardant ses distances avec une opération qui, concrètement, sera menée par les agents maro- cains. Le Mossad fournit notamment de faux documents afin de louer des voitures et des passeports aux Marocains et Français impliqués dans l’affaire pour qu'ils puissent fuir rapidement après l’opération.

    Le piège du documentaire

    “Quel était le but de l’opération pour les Marocains ?" interrogent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon. "La réponse dépend de la personne à qui vous posez la question. Selon l'historien spécialiste des relations israélo-marocaines, Yigal Ben-Nun, l’idée au départ, était de kidnapper l’opposant avant de le soumettre à un choix : soit il devenait ministre de l’Education du gouvernement de Hassan II (ce qui sous-entend qu’il se soumet à sa loi), soit il comparaissait lors d’un procès public pour trahison. Selon d’autres preuves, notamment les enregistrements du Mossad et du Premier ministre israélien, l’intention a toujours été de mettre fin à sa vie.”

    Le Mossad met au point un piège en montant une histoire de documentaire sur Ben Barka pour l’attirer à Paris. La suite de l’histoire est connue. Le 29 octobre 1965 : Mehdi Ben Barka arrive à Paris. Il a rendez-vous chez Lipp – la fameuse brasserie du boulevard Saint-Germain – avec un jour- naliste français. A quelques pas du restaurant, deux policiers français demandent à Mehdi Ben Barka de les suivre. Le piège se referme.

    Les journalistes d’investigation racontent ensuite comment l’opposant a été amené dans un apparte- ment.  Il y sera longuement et sauvagement torturé par Ahmed Dlimi et ses acolytes à coups de brû- lures de cigarettes, d’électrochocs et de simulations de noyade. Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon précisent que “le Mossad n’était pas présent au moment des faits et n’a pas autorisé sa mise à mort”. D’après les témoignages de membres du Mossad à l’époque, au bout de plusieurs dizaines de minutes d'interrogatoire, Ahmed Dlimi aurait appelé ses homologues israéliens depuis l’appartement en disant : “Je ne voulais pas... il est mort.”

    Les Marocains demandent alors aux services de renseignements israéliens de faire disparaître le corps. Le cadavre de Ben Barka sera emmené, enterré en pleine nuit dans la forêt de Saint-Germain, puis “dissous à l’acide” avec des produits chimiques achetés dans plusieurs pharmacies.

    Les conséquences de l'affaire

    Yediot Aharonot explique que la mort de Ben Barka provoqua une grave crise politique en Israël. Isser Harel, figure des renseignements israéliens, chargé d’enquêter sur l’affaire, réclame la démission d'Amit, le chef du Mossad, puis carrément celle du Premier ministre, Levi Eshkol. L’enlèvement de Ben Barka en plein Paris et sa disparition avérée sur le sol français ont par ailleurs profondément marqué les relations entre la France et le Maroc, ainsi qu’entre la France et Israël.

    Des fuites bien orchestrées ont rapidement fait comprendre à l’entourage du général de Gaulle que les services marocains étaient impliqués dans la disparition de Mehdi Ben Barka. La réaction du président français fut immédiate : il décapita les services secrets français, intérieurs comme extérieurs, et ce fut la fin du SDECE (contre-espionnage). Il alla même jusqu’à demander au roi Hassan II de lui livrer Mohamed Oufkir et Ahmed Dlimi. Le refus du souverain chérifien marqua une dégradation brutale des relations diplomatiques entre Paris et Rabat, sur lesquelles plane encore aujourd’hui “l’ombre du fantôme de Ben Barka”, souligne le quotidien israélien.

    Le site d'information marocain Tel Quel rappelle se son côté qu'“à ce jour l'affaire Ben Barka n'a toujours pas été élucidée par la justice marocaine”.

    Avec Tel-Aviv, les choses furent différentes. Tout en soupçonnant le Mossad d’être mêlé d’une façon ou d’une autre à “l’affaire”, le soutien de la France à Israël a prévalu sur la nécessité de faire toute la lumière sur cette participation, soulignent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon. Pourtant, au moment de la guerre des Six-Jours, le général de Gaulle décida d’“un embargo absolu sur les armes”. Son discours devant l’Assemblée nationale en novembre 1967 est entré dans les livres d’histoire : “Les Juifs [sont] restés ce qu'ils [ont] été de tout temps, un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur.” Deux jours après avoir prononcé ces mots, il ordonna l’expulsion des représentants du Mossad en France et le démantèlement de son siège parisien. Publié le 26/03/2015 - 16:51

    http://www.courrierinternational.com/article/renseignement-comment-le-mossad-aide-le-maroc-tuer-ben-barka

    Sur l'affaire on peut lire le polar: L'affaire N'Gustro

  • La France, nouvelle alliée objective du système tortionnaire marocain (Afriques en lutte)

    http://revolutionsarabes.hautetfort.com/media/00/01/3302130056.jpeg

    Accord de coopération judiciaire France-Maroc 

    Le 31 janvier, la France et la Maroc ont signé un « amendement très important[1] », aux accords de coopération judiciaire franco-marocains, que l’ACAT a pu se procurer. Outre les problèmes de constitutionalité qu’il pose, ce texte contient des dispositions exceptionnelles et dangereuses qui mettent en péril la défense des victimes de crimes françaises et marocaines, en rendant de facto quasi-impossible toute poursuite en justice de ressortissants marocains si le Maroc s’y oppose. Un accord outrageant, taillé sur mesure pour apaiser le royaume chérifien après un an de brouille diplomatique entre les deux pays. Et qui piétine les droits de l’homme.

    À tout prix, il fallait apaiser le Maroc. L’accord que la France vient de signer pour ce faire véhicule un message problématique : il donne l’image d’une France disposée à créer une justice à géométrie variable, soumise aux exigences des États partenaires, au détriment de la défense constante et inconditionnelle des droits de l’homme dont elle se prévaut pourtant.

    En effet, l’accord conclu le 31 janvier garantit au Maroc la possibilité d’enterrer toute affaire qu’il juge gênante. En amont de la visite annoncée de Laurent Fabius à Rabat le 9 mars, l’ACAT et Ancile Avocats alertent sur les conséquences graves qu’engendre l’amendement sur l’accès des victimes à la justice et la nécessité impérative qu’il soit soumis au parlement.

     

    Décryptage juridique par l’ACAT et Ancile Avocats :

    Le devoir d’informer : une menace sur l’efficacité des enquêtes

    Désormais, si une infraction (délit ou crime) commise au Maroc, par un Marocain, est dénoncée devant la justice française, alors, la France devra informer immédiatement le Maroc de cette procédure et vice-versa.

    Texte de l’amendement : « 1/ Dans le cadre de leurs engagements respectifs et afin de contribuer à la bonne mise en œuvre des conventions internationales qui les lient, les parties s’emploient à favoriser une coopération plus efficace ainsi que tous échanges entre les autorités judiciaires aux fins de bonne conduite des procédures, notamment lorsque les faits dénoncés ont été commis sur le territoire de l’autre. 2/ Dans cette dernière hypothèse, chaque Partie informe immédiatement l’autre Partie des procédures relatives à des faits pénalement punissables dans la commission desquels des ressortissants de cette dernière sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée. »

    Décryptage :

    En s’obligeant à informer immédiatement le Maroc de l’ouverture d’une procédure en France mettant potentiellement en cause un de ses ressortissants, la France laisse tout loisir aux autorités chérifiennes d’entraver le bon déroulement d’une enquête qu’elles estimeraient politiquement sensible, en intimidant les victimes et les témoins, en détruisant les éléments de preuves ou encore en prévenant les suspects potentiels du risque d’arrestation en cas de visite en France.

    Normalement, au stade de l’enquête, le travail du juge français est couvert par le secret, élément qui est justement indispensable à l’efficacité et à la sérénité des investigations ainsi protégées des pressions et autres manœuvres pouvant entraver la découverte des faits. Dans cette idée, il revient normalement au juge de décider du moment approprié pour informer les autorités étrangères d’une enquête et éventuellement solliciter leur concours.

    La disposition sur le devoir d’informer prévue dans l’amendement est particulièrement inquiétante quand on sait que les plaignants déposant plainte à l’encontre d’agents de sécurité marocains font régulièrement l’objet de manœuvres d’intimidation allant des menaces au harcèlement judiciaire.

    La réciproque (cas de ressortissants français mis en cause par des victimes marocaines) est également rendue possible par l’amendement mais, compte tenu du motif de la brouille entre le Maroc et la France (la mise en cause du responsable du contre-espionnage marocain, Abdellatif Hammouchi, pour complicité de torture par une juge d’instruction française), il est difficile de ne pas y voir la garantie octroyée au Maroc de pouvoir « couvrir » ses agents.

    Fin de la compétence universelle pour les crimes graves commis au Maroc

    Désormais, la justice marocaine, informée de l’ouverture d’une procédure en France concernant un ressortissant étranger victime d’un crime au Maroc, pourra décider des suites à lui donner : dans les cas où le juge marocain décidera d’ouvrir lui-même une procédure au Maroc, la justice française devra « prioritairement » se dessaisir du dossier. Une fois l’affaire transférée à la justice marocaine, cette dernière aura toute latitude pour l’enterrer.

    Texte de l’amendement : « 3/ S’agissant de procédures engagées auprès de l’autorité judiciaire d’une Partie par une personne qui n’en possède pas la nationalité et pour des faits commis sur le territoire de l’autre Partie par un de ses ressortissants, l’autorité judiciaire saisie recueille dès que possible auprès de l’autorité judiciaire de l’autre partie ses observations ou informations

    Cette dernière prend toutes les mesures qu’elle juge appropriées y compris le cas échéant l’ouverture d’une procédure. Au vu des éléments ou informations reçus, l’autorité judiciaire saisie détermine les suites à donner à la procédure, prioritairement son renvoi à l’autorité judiciaire de l’autre partie ou sa clôture. En l’absence de réponse ou en cas d’inertie de l’autre Partie, l’autorité judiciaire saisie poursuit la procédure »

    Décryptage :

    Cette disposition est strictement relative aux affaires de compétence universelle, c’est à dire les cas où un non-Français, victime de torture ou de disparition forcée au Maroc, par des agents de l’État marocains, porte plainte en France, à l’occasion du passage dans l’hexagone d’un de ses bourreaux.

    Actuellement, le Code de procédure pénale français prévoit, conformément aux engagements internationaux de la France, la compétence du juge français pour enquêter et juger ces crimes d’une gravité telle qu’ils ne peuvent demeurer impunis.

    Selon l’amendement, si le crime en question est commis au Maroc par des marocains, le juge français devra en priorité se dessaisir au profit du juge marocain, dont on sait pourtant pertinemment qu’il ne diligentera pas une enquête sérieuse, indépendante et impartiale dès lors que des agents de l’Etat sont mis en cause. On ne compte plus les nombreux rapports d’organes des Nations unies et d’ONG qui dénoncent l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes graves au Maroc. Cette dernière année, la justice marocaine s’est d’ailleurs davantage illustrée dans la poursuite judiciaire de victimes de torture ayant porté plainte, que dans la poursuite de tortionnaires[2]. En se dessaisissant ainsi auprès de la justice marocaine, le juge français se rendra tout simplement coupable d’un déni de justice.

    L’accès à la justice des français victimes de crimes au Maroc mise en danger

    Le dernier alinéa de l’amendement, rédigé d’une façon aussi lapidaire que floue, est potentiellement très dangereux. Il prévoit en effet que le juge français se dessaisisse prioritairement au profit de la justice marocaine, même si la victime du crime est française !

    Texte de l’amendement : « 4/ Les dispositions du paragraphe 3 du présent article s’appliquent aux individus possédant la nationalité de l’une ou l’autre Partie. »

    Décryptage :

    Si l’amendement est adopté, il introduira une « exception marocaine ». On imagine sans peine les conséquences particulièrement désastreuses qu’une telle démarche aura sur les plaintes concernant des crimes commis par des agents de l’Etat marocains. Cette disposition, comme toutes les autres, est taillée sur mesure. Elle vise principalement Adil Lamtalsi, Mostafa Naïm et Zakariya Moumni, trois citoyens français qui ont porté plainte en France pour des crimes de torture subis au Maroc.

    Des dispositions illégales ?

    Au-delà des problèmes évidents que pose cet amendement au regard de la défense des victimes et, plus généralement, de la défense des droits de l’homme dont la France fait officiellement une priorité, le texte soulève de fortes interrogations au regarde de sa légalité et de sa compatibilité avec la Constitution française et les engagements internationaux de la France :

    La transmission d’informations devant être fournies au Maroc par la France et vice-versa, sur les enquêtes en cours est potentiellement contraire au principe du secret d’instruction, de l’enquête et des poursuites. Elle est à cet égard possiblement illégale.

    A plusieurs égards, le texte de l’amendement est si vague qu’il pourrait être inconstitutionnel, car il enfreint le principe de la légalité juridique. La loi pénale française doit définir les procédures avec précision, sans quoi elle viole le principe de légalité, pourtant garantie tant par la Constitution que par la Convention européenne des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

    En l’état, le texte viole l’égalité d’accès à la justice entre les Français victimes de crimes à l’étranger. Prenons l’exemple du traitement de deux plaintes déposées en France par une victime française, pour un crime commis au Maroc (viol, torture), l’un par un Marocain, l’autre par un Tunisien. Si le crime met en cause un Tunisien, la justice française aura la possibilité (sans y être contrainte) de transférer le dossier à la justice marocaine, mais elle ne le fera pas si, par exemple, la justice marocaine ne présente pas de garanties de sérieux et d’équité. En revanche, la justice française aura l’obligation (et non la simple option) de dénoncer le crime au Maroc si l’auteur présumé du crime est Marocain. Et si le juge marocain décide d’ouvrir une enquête, le juge français sera obligé d’opter en priorité pour l’option du dessaisissement. 18 mars 2015 par ACAT,

    Contact presse :

    Christina Lionnet, ACAT, 01.40.40.74.10 / 06.03.86.06.68 christina.lionnet@acatfrance.fr

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/accord-de-cooperation-judiciaire

     

  • Comment des organisations féministes et de gauche peuvent-elles s’associer au mouvement marocain réactionnaire Participation et Spiritualité musulmane? (Essf)

    Hassan Aglagal, militant marocain membre du NPA, est scandalisé de voir Participation et Spiritualité musulmane, un mouvement religieux réactionnaire d’origine marocaine, participer régulièrement à des initiatives antiracistes aux côtés de formations de gauche. Suite à notre prise de position contre le fait de tenir meeting commun avec l’UOIF [1], il nous a sollicités pour rendre publique son indignation face à cet état de fait. Nous publions son texte ci-dessous.

    Manif pour Tous et Alliance Vita

    Participation et Spiritualité musulmanes (PSM) est l’association qui représente en France le mouvement Al Adl Wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), mouvement de l’islam politique fondé en 1973 au Maroc par le mystique soufiste Abdelassame Yassine (1928-2012) qu’elle considère comme « un père intellectuel et spirituel » [3]. PSM est essentiellement à l’œuvre en France pour mettre en lumière, auprès d’un plus large public, l’homme qu’il fut et ses « enseignements ».

    Cependant, tout comme l’UOIF, PSM n’est pas une organisation à vocation purement religieuse et n’hésite pas à s’impliquer activement dans les débats de société, défendant des positions tout à fait réactionnaires. Elle a ainsi appelé à manifester le 24 mars et le 26 mai 2013 aux côtés de la droite et l’extrême droite lors de « La Manif Pour Tous » [4] et affiche sans vergogne sa sympathie pour l’Alliance Vita, l’un des principaux lobbys français anti-IVG. PSM a d’ailleurs participé à son université d’été 2013 [5].

    Un mouvement influent au Maroc

    Al Adl Wal Ihsane assure son implantation (recrutement, collectes d’argent…) en Europe à travers de nombreuses associations comme PSM. Il est également présent au Canada et au États-Unis. Parmi ses sections, on compte par exemple l’Observatoire canadien des droits de l’homme ou L’Organisation nationale pour le dialogue et la participation en Espagne. Ce mouvement n’est pas uniquement la plus grande force politique organisée au Maroc, mais aussi une organisation très implantée dans les pays où il y a une forte présence d’immigrés marocains.

    Au Maroc, Al Adl Wal Ihsane s’est fait connaître en s’investissant dans les mobilisations contre les guerres en Irak et pour la Palestine. Pendant le mouvement du 20-Février, Al Adl Wal Ihssane était la plus grosse organisation avant son retrait pour ne pas nuire à l’autre parti islamiste, le Parti de la Justice et du Développement (PJD), entré au gouvernement en novembre 2011. S’il est impossible d’avoir des chiffres exacts concernant les effectifs et le budget de ce mouvement, il semblerait bien qu’il soit soutenu financièrement par une partie de la bourgeoisie commerçante [7]. Il collecte aussi des sommes auprès de ses adhérents et de ses sympathisants à l’étranger.

    Du sang sur les mains

    Même si le mouvement dit bannir la violence, deux meurtres politiques ont été attribués à Al Adl au Maroc. Les milices des disciples de Yassine ont ainsi été impliquées directement dans l’assassinat de deux étudiants d’extrême gauche et militants de l’UNEM (Union Nationale des Étudiants du Maroc) : en novembre 1991 à Oujda et Mohamed Aït Ljid Benaïssa en mars 1993 à Fès.

    En octobre 1991, Maâti Boumli a été enlevé puis assassiné à l’université d’Oujda. Douze étudiants adlistes ont été arrêtés puis condamnés à 20 ans de prison pour homicide. Malgré cela, le groupe n’a jamais reconnu sa responsabilité, arguant que ses militants ont été « injustement emprisonnés pendant d’aussi longues années ». Le deuxième crime attribué à un militant d’Aldl Wa Ilhsane remonte au 25 février 1993. Benaïssa Aït El Jid a été assassiné près de l’université de Fès [Voir encart ci-dessous]. La confrérie a été une nouvelle fois montrée du doigt mais il a fallu attendre 13 ans pour qu’en octobre 2006, Omar Mouhib, un de ses militants, soit enfin arrêté pour sa participation au meurtre d’Aït El Jid. Le procès s’est soldé par une condamnation en appel de Mouhib à dix ans de prison [8].

    Ce sont les mêmes criminels d’autres groupes islamistes, qui partagent la même formation politico-religieuse que Adl wal Insane, qui ont assassiné Omar Benjelloun au Maroc, Mehdi Amil et Hussein Marwa au Liban, Faraj Fouda en Égypte, Tahar Djaout et Abdelkader Alloula en Algérie, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en Tunisie.

    Une alliance impossible

    Ce mouvement réactionnaire et obscurantiste, comme tous les mouvements de l’islam politique, ne cesse de répéter le slogan creux « l’islam est la solution » comme réponse aux questions concrètes dans le domaine social et politique, et d’exiger un retour pur et simple au passé pour appliquer la « Charia » et les lois du « véritable islam », celui de l’époque du prophète ! Ce courant politique, ayant profité antérieurement de la faiblesse de la gauche et de la montée des mouvements de même filiation idéologico-politique depuis que les Ayatollah se sont emparés du pouvoir en Iran, est devenu la plus grande force organisée au Maroc. De toute évidence, tous les mouvements islamistes réactionnaires comme celui de « Justice et bienfaisance » rejettent la laïcité et la séparation entre religion et politique et s’opposent à l’égalité des droits et à la liberté d’expression. Les membres de PSM n’ont aucun intérêt à dévoiler leur projet politique, et ont la capacité de cacher leurs vraies idées en pratiquant une certaine dissimulation reposant sur la « taqiya ».

    C’est hallucinant de voir des organisations comme le NPA, le PCF, Ensemble, Les antifas du Capab fréquenter des associations réactionnaires comme PSM et l’UOIF ! Ces deux associations ne peuvent en aucun cas être des partenaires d’organisations de gauche.

    S’il est juste de mener la bataille contre le racisme et contre TOUTES les oppressions, il ne faut la mener qu’avec des partenaires ayant une certaine crédibilité, et non avec des organisations réactionnaires et obscurantiste comme PSM et l’UOIF !

    Hassan Aglagal


    Contre les étudiants, les islamistes au service de la répression étatique

    D’un point de vue historique7, l’extrême gauche avait une certaine hégémonie (vis-à-vis des partis réformistes) au sein de l’UNEM depuis la fin des années 1960. Lors du 15e congrès du syndicat en 1972, le Front Uni des Étudiants Progressistes qui réunissait les trois organisations révolutionnaires des années 1970 (Ila Al Amame – En avant, 23 mars et Servir le Peuple) est arrivé à sa présidence.

    Le congrès a appelé à la lutte pour une éducation populaire, arabe, démocratique, laïque et unifiée. Une semaine seulement après ce congrès le président de l’UNEM Abdelaziz Mnebhi et son vice-président ont été arrêtés le 2 Août 1972, ce qui provoqua en 1972-1973 une rentrée scolaire chaude pour leur libération. Une campagne de répression a alors été mise en place, des étudiants de l’UNEM ont été emprisonnés, exclus de leur établissement scolaire. Le 24 Janvier 1973, l’UNEM a été officiellement interdite. Malgré la répression, les luttes ont permet la libération du président et vice-président de l’UNEM et la levée de l’interdiction de l’UNEM en novembre 1978.

    Depuis l’échec de son 17e et dernier congrès en 1982, l’UNEM a connu un vide organisationnel. Ce qui n’a pas empêché les militant-e-s de mener des luttes victorieuses dans presque toutes les facs à l’exception de l’École Mohammedia d’Ingénieurs (bastion de l’UNEM et de l’extrême gauche), parce que le régime a imposé un système paramilitaire dans l’École8. Mais les vagues d’arrestations se sont poursuivies.

    A partir de la fin des années 1980, la priorité est devenue celle de la lutte pour la levée de l’interdiction de fait de l’UNEM. Les militants restants ont alors tenté une réorganisation par la base. C’est aussi et surtout à cette période que le régime dépressif a trouvé dans les islamistes un moyen d’écraser l’extrême gauche dans les universités, notamment au travers de deux factions des islamistes, Al Adl Wa lhssane et le PJD, utilisées pour contrecarrer la présence et la puissance de l’extrême gauche dans les universités, dans un climat de montée de l’islamisme au Maroc. Cette reprise en main ne s’est pas faite sans violence, la période ayant été marquée par des affrontements sanglants entre étudiants des deux bords. C’est à cette époque que les deux militants d’extrême gauche membres de l’UNEM Mohamed Aït Ljid Benaïssa et Maâti Boumli ont été assassinés par les islamistes.

    AGLAGAL Hassan 3 mars 2015
     

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34592

     

  • France-Maroc : un arrangement à l’amiable sur le dos des victimes de torture (Survie)

    Des militants du Mouvement du 20 février manifestent, le 26 août, à Rabat.

    Le Maroc a obtenu une garantie d’impunité en échange du rétablissement de ses relations judiciaires et sécuritaires avec la France.

    Le 31 janvier, les ministres de la Justice des deux pays annonçaient le « rétablissement immédiat de la coopération judiciaire et juridique », un peu moins d’un an après sa suspension par le Maroc. La crise entre les deux pays avait commencé quand des policiers étaient venus à la résidence de l’ambassadeur du Maroc en France pour notifier au chef du renseignement marocain une demande d’audition de la justice française. Abdellatif Hammouchi, qui a sous ses ordres le centre de détention de Temara, était en effet visé par une plainte pour complicité de torture à l’initiative de l’association ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture).

    Je t’aime, moi non plus

    Depuis plusieurs mois, les autorités françaises, à commencer par le Président et son Premier ministre, multipliaient les déclarations publiques d’amitié à destination du royaume chérifien, tandis que les autorités marocaines semblaient au contraire faire monter la pression et les enchères. La rupture était bien entendu superficielle, personne n’entendant remettre en cause les intérêts croisés entre les deux pays, notamment la forte présence économique française dans le pays (près de 700 filiales), ou le soutien français au Maroc sur son occupation du Sahara occidental. Si l’on en croit Rfi.fr (02/02), les autorités françaises étaient surtout gênées par la rupture de la coopération sécuritaire et de l’échange d’informations entre services : « depuis un an, les informations concernant les mouvements des combattants islamistes, notamment dans la bande sahélosaharienne, ne remontent plus, handicapant lourdement les services de renseignement français et européens ».

    La France ferme les yeux sur la torture

    L’annonce du rétablissement de la coopération a été suivie d’une visite officielle de Mohamed VI à l’Elysée, puis d’un voyage du ministre français de l’Intérieur à Rabat. C’est à cette occasion qu’une partie du voile a été levée sur les contreparties accordées au Maroc en échange du rétablissement des relations « normales » entre les deux pays. Bernard Cazeneuve a en effet annoncé que Hammouchi, le patron du renseignement marocain, que « la France avait déjà eu l’occasion de distinguer (…) en 2011 en lui attribuant le titre de Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur », se verrait « prochainement » remettre « les insignes d’officier ». Cette décision prise au nom de la raison d’Etat, constitue un véritable crachat sur les victimes de tortures et les associations qui les soutiennent, et a évidemment provoqué des réactions indignées de ces dernières. Et ce d’autant qu’à peine 48 heures après le passage du ministre, deux journalistes français qui effectuaient une interview dans les locaux d’une ONG marocaine étaient arrêtés violemment et expulsés.

    Le quai d’Orsay a estimé préférable de ne pas protester ; en revanche, le jury du prix Albert Londres a renoncé à se rendre à Tanger pour la remise des prix 2015. « Deux journalistes arrêtés et expulsés, le local d’une association, l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), envahi par la police, des rafles d’étrangers décidées au mépris des lois votées récemment, l’intimidation et l’incarcération à l’égard de ceux et celles qui dénoncent la torture, des attaques répétées contre l’ensemble du mouvement associatif ; cette accumulation d’événements marque une dégradation constante de la situation des droits de l’Homme au Maroc », résume la Ligue des Droits de l’Homme.

    Impunité garantie

    Mais la breloque promise à Hammouchi a surtout valeur symbolique, et on se doutait qu’il y avait eu d’autres contreparties et des assurances données en matière d’impunité. Selon Le Canard Enchaîné (18/02), le texte de la convention franco-marocaine d’entraide pénale, contient un important « cadeau de réconciliation » : il offre la possibilité de transférer au Maroc les plaintes qui viseraient ses ressortissants en France. Il appartiendrait ensuite « prioritairement » au Maroc de décider des «  suites à donner »... ou de la « clôture » du dossier. On se doute du résultat…

    Un roi juge et partie, dans le business aussi

    La visite du roi Mohamed VI est intervenue alors que le journal Le Monde publiait sa série d’articles sur les dessous de la banque HSBC (lire p. 7). Parmi les comptes bancaires auscultés sur un listing datant de 2006-2007, plusieurs appartenaient à la famille royale marocaine. Celui du roi ne comptait que 8 millions d’euros : une broutille au regard de sa fortune estimée à près de 2 milliards de dollars. Mais cette somme correspondrait aux dividendes reçus par le roi à l’été 2006 de la Société nationale d’investissement (SNI), principal groupe privé du pays dont les principaux actionnaires sont le roi et ses parents.

    Outre qu’il est en principe illégal, pour des Marocains résidant au Maroc, de détenir un compte bancaire à l’étranger, les journalistes du Monde (8/02) soulèvent une amusante question : sachant que le groupe SNI, qui pèse « 6,4 milliards d’euros en 2013 (soit à lui tout seul, 7 % du PIB marocain) » est « un empire qui détient des parts, le plus souvent majoritaires, dans trente-quatre compagnies – certaines multinationales – réparties dans une quinzaine de secteurs économiques majeurs » et sachant qu’il est « aujourd’hui détenu à près de 60 % par la famille royale, à travers différentes holdings personnelles » (sans compter leurs richesses immobilières ou autres), et enfin sachant que « l’article 36 [de la Constitution] prohibe "les conflits d’intérêts (…) [et] toutes les pratiques contraires aux principes de la concurrence libre et loyale" », les entreprises dont le roi est actionnaire «  partent-elles vraiment sur un pied d’égalité avec les autres » quand leur actionnaire est de surcroît « l’autorité administrative et judiciaire suprême » ?

    Une alliance aussi sur le dos des Sahraouis

    Au sud du Maroc, le Sahara Occidental est toujours occupé par le Maroc, qui a signé en 1991 un accord de cessez-le-feu avec les forces armées indépendantistes du Front Polisario, prévoyant l’organisation d’un référendum d’autodétermination sous l’égide des Nations Unies. Celles-ci ont dépêché depuis une Mission pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, la MINURSO. Mais le Maroc, soutenu par la France, retarde indéfiniment la tenue de ce référendum auquel il est opposé, prétendant même il y a quelques mois que l’objet de la MINURSO serait en somme la simple observation du cessez-le-feu.

    L’inclusion dans son mandat d’une mission de surveillance des violations des droits humains a quant à elle été refusée par le Conseil de Sécurité l’année dernière, grâce au lobbying du Maroc et de ses alliés face à un Secrétariat général de l’ONU prêt à envisager cette possibilité. Après une année de bras de fer, le roi Mohammed VI vient finalement de se résigner à recevoir Christopher Ross, le représentant personnel du Secrétaire général de l’ONU, ainsi qu’à accepter la mission de Kim Bolduc, nommée depuis juillet 2014 représentante spéciale du Secrétaire général pour le Sahara occidental et Cheffe de la MINURSO.

    Mais le rabibochage officiel du Maroc et de son indéfectible alliée sur ce dossier, la France, n’augure rien de bon à la veille du réexamen annuel du mandat de la MINURSO par le Conseil de sécurité de l’ONU, prévu fin avril. S’il y a peu d’espoir que celui-ci permette enfin d’inclure la surveillance du respect des droits humains, malgré des années de violente répression, de tortures et de détentions arbitraires, la demande du Front Polisario que l’ONU reprécise à cette occasion la mission des Casques bleus dans la région pourrait rappeler que, depuis 24 ans, le Maroc refuse d’organiser un referendum auxquels ont droit les Sahraouis, avec l’aide de la France qui a la capacité de verrouiller le Conseil de sécurité. Publié le 9 mars 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/fabius-au-maroc-une-lutte-a-la

  • Fabius au Maroc: une lutte à la fois contre le terrorisme et la justice (Survie)

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    Après le Tchad et le Cameroun en février, c’est au Maroc que Laurent Fabius se rend pour, au nom de la lutte contre le terrorisme, renforcer les liens avec un régime criminel.

    Après avoir provoqué un tollé en assurant l’impunité à des tortionnaires marocains présumés, le gouvernement français enfonce le clou, à quelques semaines du vote au Conseil de sécurité de l’ONU sur la mission déployée au Sahara occidental.

    Laurent Fabius se rend à Rabat en visite officielle, ces lundi 9 et mardi 10 mars, pour, selon le porte-parole du Quai d’Orsay, des discussions « sur les ambitions renouvelées du partenariat franco-marocain : lutte contre le dérèglement climatique, lutte contre le terrorisme et prévention de la radicalisation, sécurité et développement en Méditerranée comme en Afrique ». De quoi parle-t-on, et surtout avec qui ?

    Le « développement » du Maroc se fait entre autres sur le bradage des ressources naturelles du Sahara occidental, occupé illégalement, tandis que la puissante Société Nationale d’Investissement (SNI), détenue majoritairement par la famille royale, et 700 filiales d’entreprises françaises réalisent dans le pays des bénéfices colossaux dont ne restent que quelques miettes pour la population. Sans doute pour lutter contre le dérèglement climatique, les autorités marocaines multiplient les permis d’exploration et d’exploitation d’énergies fossiles dans le Sahara occidental, où la répression est systématique pour les organisations qui militent en faveur des droits humains ; des droits dont la surveillance ne fait toujours pas partie du mandat de la mission de l’ONU sur place, la MINURSO. Alors que fin avril aura lieu au Conseil de sécurité de l’ONU le vote de prolongation de cette mission, cette visite de Fabius laisse présager le renouvellement de l’appui indéfectible de la France à la monarchie chérifienne sur ce dossier.

    Enfin, comme au Cameroun et au Tchad où Laurent Fabius s’est rendu en février, la « lutte contre le terrorisme » est une fois de plus le prétexte parfait pour assurer un régime anti-démocratique (et même tortionnaire [1]) de « l’amitié » française, bien que celle-ci soit assurément la meilleure garantie de la radicalisation violente que Paris dit redouter en Afrique et au Moyen-Orient.
    13 mars 2015

    Contact presse : ophelie.latil@survie.org / 01 44 61 03 25 / www.survie.org

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/fabius-au-maroc-une-lutte-a-la

     

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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    Maroc & Sahara occidental RENK Hans-Peter - 5 mars 2015
     
    Suisse- 5 mars 2015
     
    Echo d’Iran SSTI - 1er janvier 2015
     
    Femme, patriarcat L’Orient-Le Jour - 5 mars 2015
     
    WARSCHAWSKI Michel, WILNO Henri - 22 February 2015
     
    Collectif- - 8 mars 2015
     
    Kurdistan in Turkey DE JONG Alex - 9 mars 2015

    CHARDON Sylvain - 19 février 2015

    Jâlal Eddine Weiss, génie créatif du qanûn : la Syrie musicale est en deuil

  • Maroc : des villageois mobilisés contre une société minière (Lutte Ouvrière)

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    Le 1er mars au Maroc, des villageois de la commune d’Imider ont organisé une marche de protestation pour montrer que leur lutte continue et populariser leurs revendications.

    Le 8 mars, les femmes de la commune défilaient de nouveau à l’occasion de la journée des femmes.

    Située à 150 km de Ouarzazate, au Maroc, la commune d’Imider regroupe environ 5 000 habitants répartis dans sept villages.

    Vivant essentiellement de maraîchage et de petit élevage, ils sont confrontés depuis des années à la concurrence de la société minière voisine pour l’utilisation de l’eau. Dans cette région désertique, où l’irrigation est indispensable aux cultures, la mine d’argent consomme douze fois plus d’eau que tous les habitants réunis de la commune et tarit progressivement les puits.

    La mobilisation des villageois a commencé en juillet 2011, quand les femmes ont exprimé leur colère face à la pénurie d’eau de plus en plus importante. Elles ont bientôt été rejointes par les étudiants des villages voisins, qui n’avaient pas tous été employés par la mine pour l’été – contrairement aux habitudes – alors que ces emplois leur permettaient de payer leurs études.

    Puis, face à la fin de non-recevoir des dirigeants de la mine, les habitants d’Imider ont bloqué l’une des vannes permettant son alimentation en eau, les autres étant inaccessibles car gardées par l’armée. Ils ont organisé un sit-in permanent autour de cette vanne, au sommet du mont Alban, à 1 500 m d’altitude. Depuis plus de trois ans, la mobilisation continue, le sit-in permanent s’est même doté de structures en dur.

    Les villageois mobilisés réclament non seulement une gestion rationnelle de l’eau, mais demandent aussi à la société minière de contribuer au développement local en réparation des dommages induits par l’exploitation de la mine, comme la grave pollution au cyanure et au mercure des eaux qu’elle utilise. Ils n’ont pas réussi pour le moment à la faire céder et ont subi la répression du régime, avec l’arrestation de dizaines de militants. Trois d’entre eux, arrêtés il y a un an, sont encore en prison.

    La Société métallurgique d’Imider (SMI), filiale du groupe Managem et appartenant à la holding royale SNI, est à la tête du septième plus gros gisement d’argent au monde. Cotée en Bourse, elle fait chaque année des profits conséquents, dans le mépris total des revendications des villageois.

    Valérie FONTAINE