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Religions - Page 5

  • Palestiniens chrétiens contre Palestiniens musulmans (Orient 21)

    Israël, diviser pour mieux régner

    Une loi en apparence limitée votée par le parlement israélien le 24 février dernier fait pour la première fois la distinction entre chrétiens et musulmans parmi les citoyens arabes d’Israël. Son promoteur, un député d’extrême droite, annonce d’autres projets de textes législatifs et demande aux chrétiens de renoncer à leur identité arabe.

    Les Arabes israéliens chrétiens ne sont pas des Arabes.

    Telle est l’opinion du député Yariv Levin. Membre du parti d’extrême droite Israel Beteynu, allié au Likoud de Benyamin Nétanyahou et dirigé par le ministre des affaires étrangères Avigdor Lieberman, Levin est l’auteur d’une loi votée le 24 février dernier par le parlement. Pour la première fois, ce texte établit une distinction religieuse entre les citoyens palestiniens d’Israël, ceux que l’on appelle communément les Arabes israéliens ou les Palestiniens d’Israël. Une loi en apparence anodine. Il s’agit seulement de porter de cinq à dix le nombre de sièges d’une commission de lutte contre la discrimination au travail. L’un des nouveaux sièges est réservé à un musulman, et un autre à un chrétien.

    Mais d’après le député lui-même, cette loi n’est qu’un ballon d’essai. Levin compte proposer d’autres textes distinguant les chrétiens des musulmans, dans le but avoué de créer une sorte de citoyenneté chrétienne1. «  C’est un instant historique qui pourrait rééquilibrer l’État d’Israël et nous rapprocher des chrétiens, que je tiens à ne pas appeler Arabes, car ils ne sont pas Arabes  », a-t-il déclaré au site web du quotidien israélien Maariv, avant le vote du parlement. Selon lui, «  Les chrétiens sont nos alliés naturels. Ils servent de contrepoids aux musulmans, qui veulent détruire l’État de l’intérieur. Les chrétiens sont aussi préoccupés par l’islam extrême, qui les exclut  ».

    D’après le site, Levin prépare d’autres projets, dont l’inscription «  chrétien  » sur les cartes d’identité. «  Cette mention leur donnera accès à des postes de direction des entreprises d’État, une représentation séparée dans les institutions locales et l’égalité des chances dans le monde du travail  », a-t-il précisé.

    Les Arabes, citoyens israéliens de seconde zone

    Cette dernière suggestion revient à admettre une réalité niée par le gouvernement : l’existence d’un statut de citoyen de seconde zone pour les Palestiniens d’Israël. Rescapés du nettoyage ethnique de 1948, ils représentent, avec leurs descendants, 1,5 million des citoyens israéliens, soit 20 %. Les chrétiens sont aujourd’hui au nombre de 125 000 environ. La volonté de les «  intégrer  » fait-elle partie du plan de Lieberman, qui souhaite échanger des territoires du nord où résident de nombreux Arabes israéliens, population comprise, avec un hypothétique État palestinien  ? Dans ce cas, on garderait les chrétiens, puisque «  ils ne sont pas Arabes  ».

    Pour Menachem Klein,2 professeur de sciences politiques à l’université de Bar-Ilan, il s’agit simplement d’une vieille tactique coloniale. «  Cela rappelle les méthodes de la France pendant son mandat sur la Syrie et le Liban dans les années 1920  », explique-t-il. «  Les Français divisaient pour régner, jouant en Syrie les alaouites contre les druzes et les sunnites, favorisant les maronites au Liban  ». En voulant créer une «  identité chrétienne  », Israël tente aussi de nier le nationalisme arabe. «  Levin est un ignorant  », ajoute le professeur. «  Il ne sait pas que l’on trouve parmi les Arabes chrétiens d’Israël les plus fermes supporters du nationalisme, comme Azmi Bishara  »3.

    Reproduire «  l’exception  » druze

    Les opposants à la loi font aussi référence à un autre instrument de la colonisation française, le décret Crémieux, qui donna en 1870 la citoyenneté française aux juifs algériens. Le décret est mentionné dans le texte signé le 27 février par dix-huit ONG représentant les Palestiniens d’Israël, qui dénonce «  une dangereuse tentative de distordre leur identité arabe  ». Autre comparaison, le statut spécial des druzes, secte ésotérique de l’islam, que le gouvernement a séparés des autres Palestiniens d’Israël exemptés de la conscription, en les obligeant à faire leur service militaire.4 Ces soldats minoritaires se montrent souvent plus brutaux envers les Palestiniens que les Israéliens juifs, même si un mouvement d’objecteurs de conscience est apparu en leur sein.

    L’exécutif israélien veut manifestement renouveler l’expérience avec les chrétiens, en leur proposant pour l’instant de s’engager volontairement, comme conscrits ou soldats de métier. Aujourd’hui, l’armée israélienne compte trois cent militaires chrétiens, nombre d’entre eux servant dans des unités combattantes. Détail important, quatre-vingt quatre d’entre eux se sont engagés dans la dernière moitié de 2013. Ces chiffres ont été fournis par un «  forum  » qui organise des conférences dans les localités chrétiennes de Galilée, destinées à attirer les jeunes chrétiens vers l’armée. L’augmentation du nombre de volontaires est le résultat d’une série de conférences soutenues par un petit parti baptisé «  Les fils du Nouveau Testament  », fondé par un ancien capitaine de la marine marchande, Bishara Chlayan. Plusieurs de ses enfants servent dans l’armée israélienne, et son frère, Ehab, «  conseiller pour les affaires chrétiennes  » au ministère de la défense, est l’organisateur de ces séances de recrutement.

    La "gaffe de Noël" de Nétanyahou

    L’initiative a reçu l’aval de quelques membres du clergé, dont l’évêque grec orthodoxe Djibril Nadaf, qui voit dans Israël un «  protecteur  » des chrétiens, dans un Proche-Orient où ils sont, selon lui, menacés par les musulmans. Le prélat a été rapidement désavoué par sa hiérarchie. Les autres Églises ont également protesté contre le plan. Mais l’évêque dissident a été soutenu par le premier ministre. Ce dernier s’est même adressé, dans un message de Noël télévisé le 24 décembre 2013, aux «  chrétiens israéliens  », qu’il a de nouveau encouragés à s’engager dans l’armée, leur promettant de les protéger contre tous ceux qui voudraient les en empêcher.

    Le premier ministre israélien n’a pas une fois prononcé le mot «  arabe  », validant ainsi la création d’une identité fondée uniquement sur la religion. Ce mélange mal maîtrisé entre nationalité, religion et ethnicité a rapidement atteint ses limites quand, en plein milieu de ses vœux de Noël, Nétanyahou s’est rendu compte lui-même de sa propre contradiction. La vidéo a fait le tour du monde : remerciant les chrétiens de servir «  l’ État...  », le premier ministre, visiblement sur le point d’ajouter «  juif  », s’est arrêté, et, après quelques bafouillements, a rapidement changé pour «  l’État et la société  ».

    Israël, qui exige d’être reconnu comme «  État juif  » par les Palestiniens de l’intérieur comme de l’extérieur n’offre en réalité à ses citoyens chrétiens qu’un rôle de supplétifs indigènes en échange du renoncement à leur identité arabe.

    Pierre Prier 31 mars 2014
     

    1NDLR. Pour mémoire, «  Israël est la seule démocratie qui opère une distinction entre citoyenneté et nationalité : tous les titulaires de la citoyenneté (ezrahut) ont, en principe, des droits égaux, mais seuls certains, les Juifs, forment la nationalité (le’um). En 1970, Shimon Agranat, président de la Cour suprême, a confirmé que l’on ne pouvait pas parler de “nationalité israélienne”, parce qu’il n’existait pas de nation israélienne séparée de la nation juive et qu’Israël n’était même pas l’État de ses citoyens juifs, mais celui des juifs du monde.  », in Alain Gresh, «  Juifs et pas israéliens  », blog Nouvelles d’Orient, 4 octobre 2013.

    2Spécialiste de Jérusalem, il a conseillé l’équipe de négociation israélienne lors des accords d’Oslo, ainsi que celle des accords informels dits de Genève de 2003. Il est membre du conseil d’administration du site Ir amim, consacré à Jérusalem. Son dernier ouvrage The Shift, Israel-Palestine from border struggle to ethnic conflict, Columbia university press (non traduit en français) décrypte la volonté des dirigeants israéliens de jouer la carte ethnico-identitaire.

    3Fondateur du parti Balad, partisan d’un «  État de tous les citoyens  », Azmi Bishara a été député de 1996 au 22 avril 2007, date à laquelle il a démissionné et s’est exilé pour échapper à des poursuites policières politiquement motivées. Trois jours plus tard, il a été inculpé de «  crime contre la sécurité d’Israël  ».

    4Quelques Bédouins de nationalité israélienne servent aussi dans l’armée, souvent comme éclaireurs.

  • WikiLeaks. Comment l’Arabie Saoudite promeut l’islamisme à l’échelle planétaire (Courrier International)


    The New York Times a trié et vérifié 60 000 câbles diplomatiques saoudiens révélés par WikiLeaks. Conclusion : le royaume wahhabite a mis en place un redoutable système de prosélytisme à échelle planétaire pour faire la promotion d’un islamisme rigoriste.

    Depuis des dizaines d’années, l’Arabie Saoudite injecte “des milliards de pétrodollars dans des organisations islamiques à travers le monde, pratiquant une diplomatie du chéquier”, révèle le journal américain New York Times.

    Pour arriver à cette conclusion, le journal a trié et analysé 60 000 documents diplomatiques saoudiens dont les fuites ont été orchestrées par le site WikiLeaks. Le SaoudiLeaks ne fait que commencer. D’autres informations pourraient être bientôt révélées : WikiLeaks a révélé que quelque 400 000 autres documents étaient en attente de publication.

    On sait que l’une des priorités de Riyad est de répandre une vision rigoriste de l’islam sunnite. Ce que l’on sait moins, c’est que l’Arabie Saoudite investit également énormément d’argent pour combattre son principal ennemi : l’Iran chiite.

    “[Les Saoudiens] craignaient que la levée des sanctions internationales contre l’Iran après la signature de l’accord nucléaire [le 16 juillet] donne davantage de moyens à Téhéran pour soutenir des groupes [chiites et pro-iraniens]. Mais les documents révèlent une compétition qui va bien au-delà, avec de profondes racines idéologico-religieuses”, écrit le quotidien américain.

    Un soft power efficace

    C’est tout un système d’influence que les autorités saoudiennes ont mis en place et financé par l’argent des pétrodollars, montre l’enquête du quotidien américain. Riyad a notamment accordé des moyens financiers à des prédicateurs à l’étranger, construit des mosquées, des écoles, des centres et soutenu des campagnes pour “contrer des responsables et des médias à l’étranger qui étaient susceptibles de s’opposer à l’agenda du Royaume”.

    “Dans la seule région du Kerala [en Inde], les Saoudiens ont donné 4,5 millions de riyals [1,1 million d’euros] à différents organismes”, rapporte par exemple le site India TV en réaction aux informations révélées par Wikileaks.

    De même, le quotidien de Toronto The Globe and Mail a relevé un “don de 211 000 dollars canadiens [150 000 euros] à une école d’Ottawa et un autre de 134 000 dollars [96 000 euros] à une école de Mississauga” gérée par la Muslim Association of Canada, qui gère également des mosquées et d’autres écoles.

    Si les sommes peuvent paraître relativement modestes pour chacun des cas pris isolé- ment, elles deviennent énormes une fois additionnées les unes aux autres. Tout le mérite du New York Times est précisément d’avoir fait cette addition. “Il s’agit de milliers et de milliers d’organisations militantes et religieuses (...) directement ou indirectement financées par eux”, explique Usama Hasan, chercheur en études islamiques à la fondation Quilliam à Londres, cité par le journal.

    L’organisation mise en place consistait globalement à identifier les personnalités et les associations étrangères à aider ou financer. “Le ministère des Affaires étrangères transmettait les demandes de financement à des officiels de Riyad, parfois les services de renseignements donnaient leur accord après examen des bénéficiaires potentiels et la Ligue islamique mondiale contribuait à avoir une stratégie coordonnée, tandis que les diplomates saoudiens supervisaient le projet à travers le monde”, explique encore le New York Times

    Les pays concernés ne sont pas seulement ceux du Moyen-Orient où la lutte fait rage entre l’Arabie Saoudite et l’Iran pour l’influence régionale, mais aussi les pays africains, notamment le Mali, où des acteurs locaux ont fait référence à la “menace du chiisme iranien” pour appuyer leurs demandes de fonds auprès des Saoudiens. “La peur de l’influence chiite allait jusqu’à englober des pays dotés de minorités musulmanes aussi réduites qu’en Chine. Aux Philippines, où seulement 5 % de la population est musulmane, des documents présentent également des propositions pour ‘restreindre l’influence iranienne’.”

    Auteur Philippe Mischkowsky Publié le 23/07/2015 - 15:00
     
  • Algérie : «Les affrontements de Ghardaïa sont liés à des intérêts pétroliers et gaziers» (Algeria Watch)

    Pour Fatma Oussedik, anthropologue, les affrontements entre communauté mozabite (berbères) et châamba (arabes) qui ont fait plus de 25 morts ces quatre derniers jours sont aussi liés à l'arrivée de nouvelles populations.

    Fatma Oussedik est anthropologue et professeur de sociologie à l'Université d' Alger II. La chercheuse revient sur les affrontements entre communauté mozabite (berbères) et châamba (arabes) qui ont fait plus de 25 morts ces quatre derniers jours dans la région de Ghardaïa.

    Les affrontements sont-ils liés à un conflit communautaire comme on le lit depuis quatre jours ?

    En manipulant les arguments communautaires entre Ibadites (berbères) et les chaâmba (arabes), on produit de fait du communautarisme. Ou alors du repli communautaire. Cependant, je ne crois pas à cette lecture avancée, qui me semble incomplète, car d’autres arguments et intérêts sont à l’œuvre dans la région. Pour bien saisir ce qui se passe, il faut avoir à l’esprit que, depuis la fin des années 1950, période qui correspond aux découvertes pétrolières, la population a été considérablement modifiée dans la région et Ghardaïa devenue le chef-lieu de la wilaya (préfecture).

    Comme qualifieriez-vous la région de Ghardaïa ?

    La région connaît des soubresauts liés aux énormes intérêts qui agitent la zone. Intérêts miniers, gaziers, pétroliers et nouveaux intérêts liés aux projets d’extraction du gaz de schiste. Cette région est déstabilisée par des intervenants extérieurs liés à ces mêmes intérêts économiques. A cela s’ajoute l’élément «route saharienne» car Gardhaïa a toujours été un centre important au nœud de ces routes. Et qui dit routes dit trafics intenses de drogues, de marchandises de contrebande, de migrants. Ce sont les anciennes routes de l’esclavage. De sorte qu’il y a aujourd’hui une insécurité produite par ces trafiquants.

    Quelles sont ces populations ?

    Elles sont venues, et viennent, de l’ensemble de l’Algérie. Ces populations arrivent dans un endroit où vivent depuis des siècles des communautés berbères établies avec du foncier, leurs cimetières, leur habitat et leurs organisations locales. Il y a donc des rivalités sociales et économiques entre ces gens venus de partout et ces populations établies et fortes de ce lieu d’origine et d’appartenance. Vous êtes une population berbère et vous parlez le berbère. Vous vivez ici depuis des siècles. Vous avez le sentiment qu’on vous conteste cette terre, y compris le fait d’y être établi. Ainsi s’opposeraient des autochtones et les autres populations qui se sont succédé depuis les années 50 en passant par les années 90, et ce notamment pour fuir les régions de forte insécurité [lors des années noires, ndlr]. Ces populations sont arrivées sans aucun moyen, sans aucune inscription dans aucun groupe local et presque désinstitutionnalisées.

    Et l’argument religieux ?

    Evidemment, il est présent et se surajoute. Ne pas oublier que Mokhtar Belmokhtar est né à Ghardaïa. Avant d’être un chef jihadiste, il a commencé sa «carrière» comme trafiquant. Belmoktar est le représentant d’une ces articulations multiples sur la région. Il faut savoir que les ibadites (berbères) appartiennent à une école doctrinale de l’islam. Mais en face, il y a un wahhabisme récemment installé dans la région. Pour finir le panorama, vous y rajoutez des forces centrifuges qui tentent d’attirer l’armée nationale dans une intervention extérieure vers le nord Mali ou la Libye.

    Comment expliquez-vous la passivité des forces de l’ordre dans la wilaya de Ghardaia ?

    Je dirais à qui profite le crime ? Le pacte national, c’est : l’Etat protège les biens et les personnes des interventions extérieures.
    Et que fait l’Etat algérien ? Rien.
    Cette passivité doit être interrogée quand, sur internet, des vidéos postées montrent les forces de l’ordre tirer sur les Ibadites…

    Jean-Louis Le Touzet, Libération du 10 juillet 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/ghardaia/interets_petroliers.htm

  • Béjaïa : la société civile se mobilise pour faire face aux « salafistes » (El Watan.dz)

    http://lh3.googleusercontent.com/-5XILQpfkF2w/VZJzaEGG_5I/AAAAAAAH_5c/X7wHo4lSt84/s160-c/d-peril-salafiste-la-societe-civile-simplique-f00b7.jpg

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    Le comité de vigilance et de sauvegarde des libertés (CVSL) est né. C’est au cours d’une rencontre organisée, dimanche soir au siège de la CDDH de Béjaïa, qui a regroupé des militants des droits de l’Homme, associations, artistes, auteurs, journalistes, citoyens de la wilaya de Béjaïa, que ce comité est créé pour faire face à la montée intégriste.

    Des salafistes qui se fondent dans la société mais qui ne se dérangent plus pour s’approprier les missions «des gardiens de la révolution islamique iranienne» au point d’interpeller des femmes dans la rue pour les sommer de se voiler, témoignages à l’appui. Profitant de la démobilisation générale, de la déliquescence de l’Etat, ces islamistes, qui s’affichent rarement, manipulent les associations religieuses, les comités des quartiers et même des voyous pour arriver à leur fin : s’accaparer les espaces publics et imposer leur loi.

    C’est le cas à Béjaïa où des islamistes qui fréquentent la mosquée jouxtant la maison de la culture Taos Amrouche tentent d’interdire les activités culturelles sur l’esplanade de cette institution, sous le faux prétexte que cela dérange les fidèles dans leur prière de taraouih, puisque les festivités commencent à 22h30 et parfois même à 23h, soit à la fin de la prière.

    Lors de cette rencontre, survenue suite à cet évènement, les participants ont opté à l’unanimité pour l’interpellation des autorités locales et centrales concernées, à savoir celles du secteur de la culture, des affaires religieuses et le wali avant de proposer l’option d’exiger de la direction de la culture de reprendre ces activités en plein air.

    Pour Saïd Salhi, vice-président de la ligue des droits de l’homme algérienne (LDDH) : «L’enjeu est l’occupation et l’hégémonie sur les espaces publics. Les citoyens n’ont pas à aller affronter d’autres citoyens, ou s’adresser à l’imam ou à l’association religieuse, il y a des lois. L’Etat doit assumer ces responsabilités pleinement. Donc, à mon avis, il faut d’abord interpeller les institutions de l’Etat pour qu’elles fassent respecter les lois et protéger les lieux publics de toute récupération ; l’Etat doit sévir».

    Complicité du pouvoir 

    Le militant a proposé également d’aller vers un travail pédagogique, car, dit-il, «la question que nous débattons aujourd’hui est tellement sensible que ça engage également la société civile. Pour éviter les dérapages et les amalgames. Car malheureusement, les freins sont aussi dans la société. La société civile n’a pas à traiter avec les riverains et un comité religieux et ignorer la responsabilité de l’Etat, c’est dangereux».

    Les militants associatifs, de leur côté, en appellent aux partis politiques pour prendre une position. Les participants de différentes sensibilités (religieuse, idéologique et politique), des femmes et des hommes ont qualifié la situation de grave et qu’elle s’enlise davantage. «Que l’administration fasse son travail !», s’accordent-ils à dire. Ils ont rappelé que «la question est plus profonde que de la cantonner dans une histoire de galas sur cet espace, il s’agit de la mouvance salafiste rampante dangereusement».

    M. Djenadi, journaliste et animateur de télévision, a souligné «la complicité du pouvoir avec les islamistes dans le but de mettre à genoux l’un des derniers bastions de la résistance et remparts contre l’obscurantisme, qui est la Kabylie. Nous devons dénoncer le silence du pouvoir et le pousser à protéger les droits de chacun, ceux de tous les citoyens. Nous avons besoin de plus d’espace pour la culture pour faire rayonner nos traditions».

    Ce qui se passe est le redéploiement de l’islamisme politique, selon Nacer, militant des droits humains. «Avec son mutisme, le pouvoir vient de leur ouvrir une brèche qu’ils exploitent pour revenir au-devant de la scène et mettre la main sur les espaces publics. Il y a des institutions démissionnaires et nous assistons même à l’islamisation de l’Etat qui se manifeste à travers ces descentes policières dans des cafés pour déloger des non-jeûneurs», conclut-il.

    Nordine Douici le 30.06.15 | 16h47

    http://www.elwatan.com/actualite/bejaia-la-societe-civile-se-mobilise-pour-faire-face-aux-salafistes-30-06-2015-298599_109.php

     

  • L'Arabie saoudite doit agir afin de protéger la minorité chiite au lendemain d’attentats contre des mosquées (Amnesty)

    Les autorités saoudiennes doivent immédiatement prendre des mesures pour protéger la minorité chiite du pays contre les violences motivées par l’intolérance religieuse et mettre fin à des décennies de discriminations systématiques, a déclaré Amnesty International vendredi 29 mai après le deuxième attentat meurtrier contre une mosquée chiite en une semaine.

    L’attaque de vendredi 29 mai à Dammam, dans la province de l’Est, a fait au moins trois morts et un nombre inconnu de blessés pendant la prière du vendredi. Elle est survenue exactement une semaine après que 22 personnes ont été tuées lors d’un attentat contre une autre mosquée chiite à Qudaih, non loin, le 22 mai.

    Si les autorités saoudiennes ne font pas preuve de transparence quant aux enquêtes qu’elles mènent sur ces atrocités, cela alimentera la perception selon laquelle elles restent indifférentes face à l’intensification des tensions et violences contre les chiites.

    Said Boumedouha, Amnesty International

    Selon la télévision d’État, le groupe armé connu sous le nom d’État islamique a revendiqué les deux attentats.

    « Des membres de la communauté chiite d’Arabie saoudite ont été victimes d’attaques cruelles durant la prière du vendredi pour la deuxième semaine d’affilée. Attaquer des fidèles dans une mosquée est absolument injustifiable », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

    « Si les autorités saoudiennes ne font pas preuve de transparence quant aux enquêtes qu’elles mènent sur ces atrocités, et ne prennent pas de mesures sérieuses et efficaces pour mettre fin aux discriminations et appels à la haine contre les chiites, cela alimentera la perception selon laquelle elles restent indifférentes face à l’intensification des tensions et violences contre les chiites.

    « Les autorités ont dénoncé les appels à la haine contre les musulmans chiites, mais elles doivent traduire ces paroles en actes et en faire davantage pour protéger les membres de cette communauté contre de nouvelles attaques violentes. »

    D’après des témoins, l’explosion de vendredi 29 mai a eu lieu dans le parking de la mosquée d’al Imam Hussein, dans le quartier d’al Anoud, à Dammam, environ un quart d’heure après le début de la prière du vendredi.

    Un témoin a déclaré à Amnesty International : « C’est arrivé presque sous mes yeux. Une personne vêtue comme une femme marchait vers l’entrée réservée aux hommes parce que l’entrée des femmes était fermée. Quand il a vu que les organisateurs fouillaient les personnes qui entraient dans la mosquée, il a hésité et s’est éloigné. C’est là qu’un des [organisateurs] l’a vu, et quand il a essayé de l’arrêter, [l’agresseur] a fait détonner les explosifs. »

    Ce témoignage contredit la déclaration officielle du ministère saoudien de l’Intérieur à ce propos, selon laquelle ce sont les forces de sécurité qui ont tenté de déjouer l’attaque.

    Des photos et séquences vidéos macabres circulent sur Internet, et montrent semble-t-il des parties du corps des victimes dispersées dans la mosquée. L’hôpital central de Dammam a indiqué avoir reçu les restes de plusieurs victimes recueillis sur le site de l’attaque. L’intolérance religieuse - en particulier les appels à la haine envers les chiites - est en hausse en Arabie saoudite depuis le début de l’intervention lancée par les autorités saoudiennes et leurs alliés contre les forces houthies au Yémen voisin, qui observent les préceptes de l’islam chiite zaïdite. 29 mai 2015, 17:02

    https://www.amnesty.org/fr/articles/news/2015/05/saudi-arabia-must-protect-shia-minority-in-wake-of-horrific-mosque-attacks/

  • Livre. «Marxisme, Orientalisme, Cosmopolitisme», de Gilbert Achcar (A l'Encontre.ch)

    9782330050948Par Samy Joshua

     

    Gilbert Achcar a fait ses classes politiques au Liban. Il est professeur à la School of Oriental and African Studies à Londres. Il est un des meilleurs spécialistes des questions qu’il traite (un «expert» pourrait-on dire, si ce terme ne s’attirait le dédain de l’auteur tout au long du livre, à juste titre, tant il en est d’autoproclamés sur la scène médiatique). Or éclairer ces questions dans l’état de confusion où la gauche française est plongée, en particulier depuis les attentats de janvier 2015 et leur suite, est une ardente nécessité. Ce court ouvrage y contribue grandement. Il comporte quatre contributions écrites à des dates différentes, dont l’une sur les rapports de Marx et l’orientalisme spécialement pour cette occasion. La première parution du livre s’est faite en anglais en 2013.

    «Religion et politique aujourd’hui: une approche marxiste»

    Le premier article concerne la conception marxienne de la religion, et l’analyse de la relation entre religion et politique en général, et plus spécialement l’analyse comparée de la théologie de la libération et de l’intégrisme islamique. L’auteur avance que «le fait que la religion survive encore à l’aube du Ve siècle après la «révolution scientifique» est une énigme pour quiconque adhère à une vision positiviste du monde, mais pas pour un entendement marxiste authentique… non seulement la religion a survécu jusqu’à notre époque en tant que partie de «l’idéologie dominante», mais elle a produit encore également des idéologies combatives de contestation des conditions sociales et/ou politiques en vigueur.».

    Les marxistes sont familiers de la fameuse Introduction à la Critique du Droit de Hegel, dans laquelle Marx donne ses formules tant citées: la religion est une expression de la «misère»; «l’expression sublimée» de la «misère réelle». Et aussi une protestation contre cette situation. Mais malheureusement, selon Achcar, «Marx n’a pas poursuivi sa réflexion sur la dimension «protestation» de la religion». De même que «Engels tenta maladroitement d’expliquer Münzer comme une «anticipation en imagination du communisme», et la dimension chrétienne comme un simple déguisement». Autrement dit, Achcar critique une vision trop peu dialectique entre la forme (religieuse) et le fond (social), comme si les deux n’interféraient pas. Or, ils le font, et il convient d’analyser ces liens dans chaque cas: quelle période historique, mais aussi quels thèmes religieux. C’est au nom même du matérialisme historique que l’auteur plaide «pour une sociologie comparative marxienne des religions». Où le concept d’origine Wébérienne «d’affinités électives» tiendrait une place importante (là entre certains aspects du «christianisme dans sa phase charismatique et un programme social communistique» repéré chez Thomas Münzer).

    Analyse que Achcar applique à la théologie de la libération d’un côté, à l’islamisme radical de l’autre. D’où il ressort que: «Tous les courants de l’intégrisme islamique se dédient pareillement à ce qui peut être décrit comme étant essentiellement une «utopie médiévale réactionnaire». L’affirmation que «L’idée orientaliste superficielle…selon laquelle l’intégrisme islamique est le penchant «naturel» anhistorique des peuples musulmans est totalement aberrante». Alors que: «Le parti le plus grand parmi les partis communistes qui n’étaient pas au pouvoir dans le monde (était), un parti qui s’appuyait officiellement, donc, sur une doctrine athée, se trouvait dans le pays comptant la plus grande population musulmane: l’Indonésie». Et que, d’un autre côté, «Nasser fut, sans aucun doute, un croyant sincère…quand bien même il devait devenir le pire ennemi des intégristes. » Gilbert Achcar résume alors ce qu’il a développé depuis longtemps quant aux racines qui ont permis le développement de l’islamisme. Défaite du nationalisme et carences de la gauche radicale; intégrisme promu contre la gauche par le royaume saoudien et son parrain américain; l’exacerbation de la crise…dans le Moyen Orient élargi; effets de l’offensive néolibérale et effondrement du « communisme soviétique».

    Un commentaire sur ce sujet complexe de la religion aujourd’hui. Si on peut approuver aisément l’auteur sur tous les points développés, il faudrait parvenir à élargir le tableau aussi à l’indéniable tendance mondiale à la sécularisation. Car si, incontestablement, la religion «survit», cela va de pair avec la progression d’un autre phénomène. Les enquêtes montrent que jamais les agnostiques déclarés (et même les athées explicites) n’ont été aussi nombreux dans le monde, et ceci y compris en pourcentage de la population. Phénomène qui touche désormais un pays aussi ancré dans les religions que les Etats-Unis. Et qui, à l’évidence, est une «marque de fabrique»  de l’Europe (et, loin devant encore, de la Chine). Et ce malgré le quasi-écroulement de la perspective de tradition marxiste. Comment rendre compte de ceci est une question en soi. Et plus encore, dans la sociologie marxiste des religions que Achcar appelle de ses vœux, se pose celle de la manière dont peuvent cohabiter les religions (dans leur diversité) et cette tendance de fond, au moins dans les endroits où elle est avérée, et ailleurs peut-être si elle se confirme dans les décennies à venir.

    «L’orientalisme à rebours: sur certaines tendances de l’orientalisme français après 1979»

    Le second article concerne la manière dont certains critiques de l’orientalisme classique ont évolué vers un «orientalisme à rebours», inversant les présupposés essentialistes du premier, tout en les conservant comme cadre méthodologique. Gilbert Achcar s’appuie sur le livre de Sadik Jala Al-Azm, Orientalism and Orientalism in Reverse, paru en 1981 (Khamsin, N° 8, Londres, Ithaca, 1981) avec ses deux catégories : « la première, déjà identifiée par Edward Saïd, consiste en une reproduction de la dichotomie essentialiste…mais avec des valeurs inversées…». La seconde est synthétisée par l’auteur en 6 points.

    1° L’Orient islamique et l’Occident sont antithétiques, y compris en ce qui concerne le marxisme; 2° le degré d’émancipation de l’Orient ne peut être mesuré à l’aune de critères occidentaux, comme la démocratie, la laïcité et la libération des femmes (on peut y ajouter je suppose la considération des orientations sexuelles); 3° les instruments épistémologiques des sciences sociales occidentales sont entièrement non pertinents dès qu’ils sont «exportés»; 4° la force motrice fondamentale qui meut les masses musulmanes est d’ordre religieux; 5° la seule voie des contrées musulmanes vers leur renaissance passe par l’Islam; 6° les mouvements de «retour à l’Islam» ne sont jamais réactionnaires mais des mouvements progressistes.

    L’auteur s’attache alors à décrire l’évolution de ce positionnement chez les orientalistes français après 1979 (révolution islamique iranienne), même si, bien entendu, la question ne se limite pas à eux. Si on laisse de côté Michel Foucault, qui, certes sans retour critique, mis fin assez rapidement à son soutien aux processus iraniens, cela concerne les penseurs phares dans le domaine: Olivier Roy, Olivier Carré, Gilles Kepel, François Burgat, entre autres. Dont les évolutions furent diverses, parfois contraires sur le plan politique (avec par exemple pour certains la mise au service des officines impérialistes de cette «compréhension» jugée imparable). Avec désormais sur la scène française « …deux écoles. L’une a été appelée «néo-orientalisme» par Farhad Khosrokhavar, bien qu’il s’agisse plutôt d’une tendance inhérente à «l’orientalisme» traditionnel; en deux mots, c’est l’idée que l’islam est incompatible avec la modernité. J’ai appelé l’autre école «nouvel orientalisme», car elle est véritablement nouvelle, et l’ai définie comme soutenant l’idée que l’islam… est en fait la seule et incontournable voie du monde musulman vers la modernité». Les deux partageant «un noyau commun…la vision essentialiste».

    L’auteur pourtant ne néglige pas de faire soigneusement la part entre ceux qui se rangent derrière les dominants occidentaux, et ceux qui, comme Burgat, se sont engagés « …courageusement…contre la vague d’islamophobie» touchant la France, même si c’est « …avec d’énormes illusions». Car on ne peut sans précautions étendre la condamnation de régressions historiques de grande envergure à la discrimination portée envers des populations minoritaires d’Occident. Complexité des positionnements politiques indispensable sur ces questions cruciales, excluant le simplisme, et condition incontournable d’un débat de fond.

    «Marxisme et Cosmopolitisme»

    L’auteur décrit quatre conceptions du cosmopolitisme à travers l’histoire. Ethique (remontant à Diogène se déclarant «citoyen du monde»); institutionnelle, en faveur d’un gouvernement mondial ; conception fondée en droit, comme dans le « Projet de paix perpétuelle» de Kant; ou économique (sources variées, mais souvent sous l’influence d’Adam Smith et sa «Richesse des Nations», où alors elle se ramène au libre-échange généralisé).

    Achcar nous fait parcourir les chemins du concept, en particulier au sein du mouvement socialiste et ouvrier, où, pendant longtemps, il n’eut pas le caractère péjoratif qu’on lui a connu par la suite (souvent synonyme «d’internationalisme» en fait à cette époque). Il décrit sa funeste transformation par Staline (une autre manière de dire «juifs», pétrie donc d’antisémitisme), mais refuse que cette riche idée, propre aux combats pour l’émancipation humaine, soit jetée aux orties. La notion de cosmopolitisme est au contraire au carrefour de son ancrage historique, et de ses relations avec les données contemporaines de la mondialisation et de l’altermondialisme. Bien entendu rien n’est simple en la matière et l’auteur fait sa place à la crainte de Hannah Arendt, convaincue qu’un «gouvernement mondial» serait synonyme de tyrannie et qui affirme : « Nul ne peut être citoyen du monde comme il est citoyen de son pays…Peu importe la forme que pourrait prendre un gouvernement du monde doté d’un pouvoir centralisé s’exerçant sur tout le globe, la notion même d’une force souveraine dirigeant la terre entière…ce serait là la fin de toute vie politique…Ce ne serait pas l’apogée de la politique mondiale mais très exactement sa fin». Mais le débat doit se ré-ouvrir dit Achcar : «Si la défense de la souveraineté nationale est certainement justifiée et nécessaire face à la coercition impérialiste, elle apparaît inévitablement anachronique…à une époque où la «mondialisation» est certainement une réalité et non une phrase creuse». Il s’inscrit dans ce que De Sousa Santos appelle: «le cosmopolitisme insurgé », et défend que « le combat socialiste doit aspirer à dépasser les réalisations cosmopolites du capitalisme en s’appuyant sur l’idée de justice mondiale».

    «Marx, Engels et «l’Orientalisme»: sur l’évolution épistémologique de Marx»

    Ce dernier article débute, inévitablement, sur l’approche critique de Edward Saïd, et de son œuvre majeure, L’Orientalisme (publié en anglais en 1978) en particulier à propos de ses caractérisations, infondées aux yeux d’Achcar, du marxisme comme seulement enraciné dans l’ethnocentrisme européen. Certes, comme le dit l’auteur à propos de l’ouvrage phare de Said,

    «L’orientalisme a bien été un jalon éminent sur cette longue voie menant à la liberté», par «le dévoilement, à une échelle de masse, d’un état d’esprit «occidental» eurocentrique et colonial omniprésent et profondément enraciné».

    Mais l’ouvrage, s’il fut durement attaqué par ceux qui niaient qu’il puisse exister un tel état d’esprit le fut aussi, et à juste titre nous dit Gilbert Achcar, par nombre de spécialistes de la question, au premier rang desquels Maxime Rodinson, pourtant abondamment cité par Saïd, mais sans, manifestement, qu’il ait saisi la totalité de sa pensée. Rodinson, tout en saluant «l’effet de choc de son livre (qui) se révélera très utile» craignait que ceci ne conduise dit l’auteur: ‘à une doctrine «dogmatique qui rejetterait apriori tout apport étiqueté «orientaliste» au nom d’une conception «antiorientaliste»…c’est l’appellation «postcolonial» qui allait plus tard être utilisée à cet égard jusqu’à l’abus».

    L’article de Gilbert Achcar est plus spécialement consacré non à une étude détaillée des apports et des critiques (nombreuses dès l’origine, avec un fort renouvellement de nos jours, voir Kevin Anderson, Vasant Kaiwar, Vivek Chiber, David Harvey et autres) de l’ouvrage de Saïd, mais plus spécialement au rejet de l’affirmation (passablement peu informée et gratuite) de Saïd considérant Marx comme un spécimen du même «orientalisme général». Ce faisant il prend la suite d’auteurs critiques présents dès l’époque, Sadik Jalal Al-Azm, Mahdi ‘Amil, Samir Amin ou Aijaz Ahmad. Ainsi «‘Amil accusa la critique par Saïd de la pensée occidentale de tomber elle-même dans le piège de l’essentialisme en rangeant Marx dans le même sac que d’autres penseurs «occidentaux» sur la base d’une définition géographique de leur positionnement culturel». En fait dit l’auteur : «Omettant le lien entre essentialisme et idéalisme philosophique, Saïd ne mentionne pas une seule fois dans L’Orientalisme ce qui est certainement l’exposé le plus caractéristique de la perspective «orientaliste» occidentale – qui se trouve, sans surprise, dans le sommet de la philosophie idéaliste qu’incarnait Hegel».

    Avec son article Gilbert Achcar se livre alors à une analyse précise de cette question. Au-delà de la constatation, banale mais importante, que le point de vue de Marx et Engels fut scientifiquement et concrètement limité par leurs connaissances «eurocentrées», en ceci qu’elles furent pendant tout un temps indirectes, la vraie question est donc celle de la survivance de racines idéalistes chez Marx.

    On connaît la thèse de Althusser, très critiquée mais pourtant hautement roborative, de l’existence d’une «coupure épistémologique» entre le Marx encore partiellement idéaliste et le Marx marxiste, développant seulement ensuite vraiment la méthode du matérialisme historique. A l’appui de ceci, Achcar rappelle à quel point les premières approches de Marx en plusieurs domaines en sont témoin. Par exemple. l’ode unilatérale au rôle révolutionnaire de la bourgeoisie que l’on lit dans certaines pages du Manifeste, ou dans les premiers articles sur l’Inde et la conquête de l’Algérie. Et encore la «théorie» de la succession inévitable des modes de production développant à l’évidence la même vision que Hegel sur la progression unilatérale de «l’Idée» (la Raison) et de la «Civilisation». On en trouve aussi des éléments dans les premiers écrits concernant la religion. Même en prenant ses distances par rapport à l’approche purement idéelle de la question, on voit Marx utiliser des termes révélateurs quant à «l’essence du Juif» (dans un ouvrage, par ailleurs important par les bases qu’il jette quant à la distinction entre ce qui ensuite s’appellera droit formel et droit réel, mais avec des formules sur l’essence du Juif qu’on ne peut lire aujourd’hui sans frémir, rappelle Achcar) ou l’incomplétude des premières approches, encore bien essentialistes, du christianisme (voir le premier article du livre).

    Achcar suit Althusser sur ce point, mais tout en soulignant, avec raison, que les choses sont plus compliquées. D’un côté, le matérialisme historique est déjà à l’œuvre avant «la coupure», et de l’autre, des traces idéalistes subsistent tout du long, tout en se raréfiant. Et là Achar apporte à Saïd la critique la plus importante. En réalité le matérialisme historique de Marx et Engels (et au-delà de leurs productions à telle ou telle période) est justement l’antidote (et en fait le seul) à tous les essentialismes. On en voit d’ailleurs le développement quand l’un ou l’autre précisent, modifient voire bouleversent leurs conceptions sur le colonialisme par exemple. Certes ceci beaucoup à partir de l’exemple de l’Irlande qu’ils avaient sous les yeux, mais en saisissant aisément, à partir de là, la portée générale de la question. A ce titre, effectivement, le fantastique travail que représente L’Idéologie Allemande et les Thèses sur Feuerbach (non publiées de leur vivant pourtant) viennent poser les bases, à ce jour indépassables, à la fois de la compréhension de l’essentialisme comme de son ancrage dans l’idéalisme, et la possibilité d’en sortir.

    Oui, décidément, un ouvrage ramassé offrant une lecture indispensable à qui refuse de céder aux facilités intellectuelles du temps, facilités dont le simplisme et le «campisme» conceptuel nous habituent malheureusement aux temps de guerre en cours et à venir. Or, comme on le sait depuis longtemps, la première victime de la guerre c’est la vérité. (29 mai 2015)

    Gilbert Achcar, Marxisme, orientalisme, cosmopolitisme, Sindbad, Actes Sud, 2015, 248 p.

    Publié par Alencontre le 30 - mai - 2015
     
  • Il n’y aura pas de Simón Bolívar pour le monde arabe (Info Palestine)

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    Des Palestiniens se réunissent en hommage au défunt Président vénézuélien Hugo Chavez dans la Ville de Gaza le 7 mars 2013 - Photo : AFP

    La gauche arabe aurait survécu si elle s’était affirmée sur de solides plateformes sociales, mais les regrets du passé ne suffiront pas à raviver la marée socialiste dans le monde arabe, écrit Ramzy Baroud.

    Un groupe d’étudiants m’a récemment demandé de parler du socialisme dans le monde arabe. Ceci avec l’hypothèse de départ qu’il y a en effet un tel mouvement capable dans cette région de refondre des régimes par nature incompétents et totalement corrompus. Mais aujourd’hui un tel mouvement ou un ensemble d’organisations socialistes, n’existent que sur le papier.

    Je me souviens d’une intervention que j’avais faite à Londres peu après que le Hamas ait été assiégé à Gaza en 2007.

    « Le Hamas est le plus grand et le plus efficace mouvement socialiste en Palestine », ai-je dit à la surprise de certains et avec le visible assentiment d’autres. Je ne me référais pas à l’adhésion du Hamas à la théorie marxiste, mais plutôt au fait que c’était le seul mouvement politique et populaire qui par certains côtés avait réussi à diminuer la fracture entre les diverses classes sociales et économiques en les réunissant sur un programme politique radical.

    Par ailleurs, c’était un mouvement en grande partie composé de fellahins (paysans) et de travailleurs de Palestine en majorité issus des camps de réfugiés. Si on les compare aux mouvements « socialistes » isolés, élitistes et en grande partie issus des milieux urbains en Palestine, la grande masse des islamistes dans les territoires occupés est aussi socialiste qu’un mouvement peut l’être – du moins dans ces circonstances.

    Mais que devais-je dire à ce groupe d’étudiants, fait de jeunes et enthousiastes socialistes désireux d’assister à la montée en force du prolétariat ?

    Un point de départ serait qu’il y a une différence entre le socialisme occidental et le « le socialisme arabe », qui est une expression inventée par les nationalistes arabes au début des années 50.

    Une fusion entre les mouvements nationalistes et socialistes avait commencé à prendre forme, abou- tissant à la formation des partis Baas en Syrie et en Irak. L’idée était à l’origine portée par Salah al-Din al-Bitar et Michel Aflaq, fondateurs du parti Baas.

    Beaucoup de nationalistes arabes étaient réticents à l’égard du socialisme dans sa version occidentale. Non seulement était-il intellectuellement à l’écart des contextes culturels et socio-économiques des peuples arabes, mais il était aussi peu ouvert sinon totalement chauvin. Beaucoup de socialistes occi- dentaux ont idéalisé la création et la signification d’Israël, une implantation coloniale qui réunit depuis plusieurs décennies les forces coloniales et néo-coloniales dans leur opposition aux aspirations arabes.

    Mais le nationalisme arabe a également échoué, n’offrant aucune alternative assez puissante et ne proposant en pratique aucun changement sérieux de paradigme. Hormis quelques réformes agraires en Egypte après la révolte de 1952 contre le pouvoir royal - entre d’autres initiatives - le socialisme arabe n’a jamais pu s’extraire des idéaux sonnant bien ni des influences extérieures qui s’acharnaient à contrôler, influencer ou écraser ces mouvements.

    Plus tard, cet échec est devenu bien plus marqué alors que l’influence de l’Union Sovié- tique commençait à s’affaiblir vers la fin des années 1980, jusqu’à son effondrement complet au début des années 90. Les socialistes arabes, qu’il s’agisse des gouvernements qui adoptèrent ce slogan ou d’organisations qui gravitaient autour des objectifs soviétiques, dépendaient trop de ces relations. Les Soviétiques se retirant de la scène, ils leur fut difficile de survivre à la domination de plus en plus pesante des Etats-Unis.

    Cependant, cet échec n’était pas simplement le résultat de la disparition du bloc socialiste et de la refonte de la géopolitique régionale, mais il était également lié au fait que les pays du Moyen-Orient - sous l’influence ou en raison de la pression des hégémonies occidentales – vivaient une remise en cause. C’était la période de la montée en force de l’alternative islamique. C’était pour une part une réelle tentative de galvaniser les ressources intellectuelles de la région elle-même, et aussi dépendant de financements venant des riches pays arabes du Golfe et qui avaient pour fonction de garder sous contrôle cette vague islamique.

    C’était l’époque où le nouveau slogan : « l’islam est la solution », devint dominant et s’imposa dans la psyché collectif de divers groupes intellectuels arabes musulmans dans l’ensemble du Moyen-Orient et au-delà, car il semblait une tentative de se rattacher aux propres références historiques et culturelles de la région. L’argument général était : le modèle américano-occidental comme le modèle soviétique ont échoué ou échouent en même temps que les régimes à leur botte, et il y a un besoin urgent d’une alternative.

    Le socialisme arabe aurait pu survivre s’il s’était en effet appuyé sur des plateformes sociales fortes, relayées et soutenues par de larges mouvements populaires. Mais cela n’a pas été le cas.

    D’une façon générale, il y avait une présence intellectuelle relativement forte de la gauche dans le monde arabe. Mais la gauche intellectuelle n’a jamais réellement franchi le pas du monde des théories et des idées - qui était l’apanage des classes instruites – vers le monde du travail ou avec les paysans et les hommes et femmes de la rue. Sans mobilisation des travailleurs, des paysans, et des masses opprimées, la gauche arabe avait peu à proposer excepté une rhétorique en grande partie exempte d’expérience pratique.

    Il y avait naturellement des exceptions dans chaque pays arabe.

    Les premiers mouvements socialistes en Palestine avaient une forte présence dans les camps de réfugiés. Ils étaient des pionniers dans toutes les formes de résistance populaire, une situation qui peut être expliquée par le caractère unique de la situation palestinienne et qui était assez contraire à la tendance plus générale dans la région.

    Une chose importante à noter est que l’oppression tend à unir les groupes opprimés, aussi insurmontables que paraissent être leurs différences idéologiques. Du fait de cette oppression commune entre l’islam politique et la gauche radicale, il y avait un certain degré d’affinité entre les militants des deux groupes alors qu’ils partageaient les cellules de prison, étaient côte à côte torturés et humiliés.

    Le tournant, cependant, pourrait bien être le début des années 1990 quand l’Union Soviétique s’est effondrée. Cela a ouvert un large espace politique tandis que l’argent du pétrole continuait à affluer. Beaucoup d’universités islamiques ont vu le jour partout dans le monde, et des dizaines de milliers d’étudiants à travers le Moyen-Orient ont bénéficié d’une formation supérieure dans divers domaines, depuis la charia islamique jusqu’à l’ingénierie.

    Regardez le mouvement du Hamas à Gaza. Plusieurs de ses dirigeants et membres sont éduqués dans des domaines comme l’ingénierie et la médecine, et ce trait est commun à beaucoup de partisans des groupes islamiques en Palestine, en Egypte, au Maroc et ailleurs. Ainsi l’hégémonie dans l’éducation et l’articulation des discours politiques n’était plus aux mains des élites politiques ou intellectuelles. Et d’autre part, un programme politique faisant références aux idéaux islamiques était né.

    Avec le temps, les socialistes ont été confrontés à des choix difficiles : ou vivre aux marges de la société - imaginez un intellectuel communiste non-conformiste et stéréotypé dans un café au Caire théorisant sur tout - ou rejoindre les ONGs et les institutions officielles ou semi-officielles afin de rester financièrement à flot ou dans le coup. Ceux qui ont opté pour ce dernier choix ont dû faire des compromis dans la mesure où certains d’entre eux sont maintenant des porte-parole pour les régimes mêmes qu’ils ont par le passé combattus.

    Par conséquent, le pouvoir politique des socialistes en tant que groupe a considérablement diminué tout au long des années. Étant plus institutionnalisés, ils se sont encore plus éloignés des masses au nom desquelles ils ont pourtant continué à s’exprimer. En Egypte, il est difficile d’y trouver une seule organisation de gauche qui soit puissante et active. Il y a des « gauchistes » mais leur rôle se limite à tenter d’agiter le paysage politique actuel.

    Le rêve à lui seul ne fera pas revivre une vague socialiste dans le monde arabe. Il y a peu de signes que le déclin soit prochainement inversé, ou qu’une interprétation locale du socialisme - pensez au mouvement considérablement réussi du bolivarisme en Amérique Latine – puisse rapprocher des objectifs nationalistes et des idéaux socialistes dans un mélange qui puisse fonctionner.

    Mais le Moyen-Orient vit son plus grand bouleversement politique et social de ces cent dernières années. De nouvelles variables s’ajoutent régulièrement à l’équation multiforme. Tandis que le présent demeure sinistre, l’avenir semble porter en gestation de grandes possibilités.

    * Ramzy Baroud est doctorant à l’université d’Exeter, journaliste international directeur du site PalestineChronicle.com et responsable du site d’informations Middle East Eye. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr. Son site personnel : http://www.ramzybaroud.net

    http://www.info-palestine.net/spip.php?article15345

  • Non, tous les Houthis du Yémen ne sont pas chiites (et autres erreurs) (Rue 89)

    *

    Durant la dernière décennie, et depuis plus longtemps encore, les Houthis ont fait les gros titres depuis leur soulèvement contre le gouvernement du Yémen.

    Depuis 2004, les forces armées gouvernementales se sont battues contre cette milice tribale du nord du pays, qui dit se défendre de l’oppression.

    Ce conflit long d’une décennie s’est envenimé ces derniers mois quand les Houthis n’ont pas respecté leur partie d’un accord appelé « Accord de paix et de partenariat national » et ont pénétré dans la capitale, Sana’a. Aujourd’hui, alors que l’Arabie saoudite a lancé une offensive militaire au Yémen pour repousser les Houthis, l’attention des médias s’est tournée vers la situation au Yémen.

    Les Houthis ont pris des villes telle qu’Amran et ont avancé vers Sana’a, violant leurs engagements pris lors de l’Accord national, où ils ont occupé les ministères et le palais présidentiel, retenant le président Hadi en otage, aux arrêts dans la résidence présidentielle.

    Chiites contre Sunnites ?

    Avec d’un côté l’Iran, à majorité chiite, soutenant les Houthis, tandis que l’Arabie saoudite, à majorité sunnite, les bombardent, les médias ont adopté une vue simpliste d’un conflit qui se réduirait à des conflits inter-religieux entre les deux plus grandes communautés de l’islam. Jusqu’à la chaine en ligne, AJ+, qui a décrit les Houthis comme étant chiites.

    La réalité est cependant plus complexe que 42 secondes de reportage peuvent le laisser croire.

    Tous les Houthis ne sont pas chiites

    Houthi était à l’origine le nom d’un clan du Yémen, et non d’une appartenance ou mouvance religieuse.

    Plus tard, un mouvement rebelle armé, appelé Ansar Allah (signifiant les aides de Dieu ou les soutiens de Dieu), ont adopté ce nom, d’après leur fondateur et principal leader Hussein Badreddin al-Houthi, tué en 2004, ce qui a d’une certaine façon provoqué ce qui a été appelé le « soulèvement des Houthis’.

    Des controverses existent sur leur nombre effectif ou sur l’origine des personnes qui se battent à leurs côtés.

    La blogueuse yéménite Atiaf Al Wazir dans un post titré “Ce n’est pas un conflit entre sunnites et chiites, idiot !” souligne que tous les Houthis n’appartiennent pas aux Zaïdites, une mouvance de l’islam chiite, comme on a pu le dire.

    Bien qu’aucune statistique n’ait été faite sur la composition de Ansarullah, couramment connu sous le nom de Houthis, on pense que beaucoup de leurs membres sont zaïdites, mais qu’ils proviennent également de différentes écoles de pensée chiites et sunnites, ainsi que des Ismaïlites, Shafi’i et Jaafari.

    Beaucoup de tribus sunnites et de soldats ont également rejoint les Houthis pour combattre à leurs côtés. Des dirigeants de premier plan comme Saad Bin Aqeel, un moufti de la ville de Taiz, sont parmi les leaders des Houthis : il a fait le prêche du vendredi durant l’un de leurs sit-ins, avant leur avance dans la capitale.

    Badreddin al-Houthi, mort en 2004, appartenait aux Zaïdites. Tout comme l’ancien président yéménite Ali Abdullah Saleh, au pouvoir quand les Houthis se sont soulevés pour la première fois en 2004. Al Wazir précise aussi que “tous les Zaidïtes ne sont pas Houthis. La position d’érudits zaïdites et de leurs centres d’études religieuses diverge.”

    Qu’est-ce que le zaïdisme ?

    Le journaliste britannique-yéménite Abubakr al-Shamahi explique plus en détails ce qu’est le zaïdisme.

    “Le zaïdisme (de Zaydiyyah) est une école de pensée au sein de l’islam chiite. Il tient son nom de l’Imam zaïdite Bin Ali, tué dans un soulèvement contre les Omeyyades. Bien qu’il ait été pratiqué autrefois dans des endroits comme l’Iran et l’Afrique du Nord, on trouve aujourd’hui des zaïdites en nombre important uniquement au Yémen.Un imamat zaïdite a gouverné de nombreuses régions du nord du Yémen pendant 1000 ans, jusqu’au dernier Imam, renversé en 1962.

    Traditionnellement, des endroits comme Sana’a, Dhamar, Hajja et Amran sont zaïdites, et le cœur du zaïdisme se trouve dans la région de Saada. Un dicton se référant aux zaïdites dit qu’ils sont ‘les sunnites des chiites, et les chiites des sunnites’, indiquant par là qu’il n’y a pas une énorme différence de doctrine entre les zaïdites et les sunnites (ou du moins, c’est ainsi qu’ils sont perçus).”

    Arab News Blog donne davantage de contexte, sur la proximité du zaïdisme et du sunnisme.

    “Ils sont appelés en anglais les ‘Fivers’ (cinq) parce qu’ils reconnaissent les quatre premiers imams reconnus par les duodécimains et les Ismaéliens ainsi que Zayd comme le successeur légitime de son père ‘Ali Zayn al-Abidin, tandis que d’autres groupes reconnaissent son frère Muhammad al-Baqir.

    Ils n’exigent pas que tous les imams légitimes descendent de Zayd. En fait, la doctrine de l’Imamat zaïdite diffère énormément de celles des autres chiites.

    L’école juridique zaïdite est très similaire à celle d’Abou Hanifa dans le sunnisme, et certains ont décrit la loi zaïdite comme une cinquième école’ du sunnisme (sauf pour la doctrine de l’Imamat).”

    Tribus, ou mouvances religieuses ?

    L’ancien président Ali Abdullah Saleh, contre lequel la rebellion des Houthis a commencé, appartient à une tribu appelée Al Ahmar. La tribu Al Ahmar compte parmi ses membres des chiites et des sunnites. Ceci dit, feu l’ex-leader des Houthis Badreddin al-Houthi comme le président Saleh sont techniquement des chiites. Ce qui signifie que les conflits tribaux ont beaucoup à voir avec ce conflit. Michael Collins Dunn, rédacteur en chef du Middle East Journal, explique sur son blog :

    Le Président Ali Abdullah Salih est lui-même zaïdite, comme l’est une partie importante de sa base de partisans. Il vient d’une petite tribu de la plus grande confédération tribale, le Hached. Le Hached et l’autre grande confédération zaïdite, le Bakil, étaient désignées comme les “ailes de l’Imamat”, quand les imams zaïdites statuaient encore dans ce qui était alors le Yémen du Nord.

    Al-Shamahi semble aller lui aussi dans ce sens :

    “D’abord, les al-Ahmars sont traditionnellement zaïdites, comme les Houthis. Je ne peux pas garantir la confession religieuse de chaque Ahmar individuellement, mais je dirais que beaucoup de leurs combattants tribaux s’identifieraient, tout au moins vaguement, comme zaïdites. Ali Abdullah Saleh, qui a fait six guerres contre les Houthis, était aussi zaïdite. Donc, s’agit-il d’un conflit entre zaïdites ? D’une guerre civile entre zaidïtes ?”

    Al Wazir explique :

    “[...] si c’était un problème religieux, le président Saleh (qui est techniquement zaïdite) n’aurait pas fait six guerres contre les Houthis entre 2004 et 2010. Il semble que les anciens ennemis aient forgé une alliance temporaire. Ceci indique que ces conflits sont de nature politique.”

    Al Wazir fait allusion au fait que l’ex président Saleh, qui a été démis après plus de trois décennies au pouvoir durant la révolution de 2011 au Yémen, est soupçonné d’appuyer ses anciens adversaires dans leur campagne pour renverser le gouvernement actuel.

    Il se trouve que Al-Houthi a des liens personnels avec la République islamique d’Iran, ce qui a rajouté un angle religieux au conflit au Yémen.

    En résumé...

    Voici ce que l’on peut retenir. Une partie du conflit au Yémen est un conflit entre les Houthis, une tribu et non une mouvance religieuse, et la tribu Ahmar. Les deux comprennent des membres et alliés sunnites tout comme chiites.

    Deux des dirigeants de premier plan de ces tribus sont chiites, la différence étant que l’un a des liens étroits avec l’Iran tandis que l’autre a des liens étroits avec l’Arabie saoudite.

    Idéologiquement, les chiites du Yémen sont plus proches du sunnisme d’Arabie que du chiisme iranien.

    Aujourd’hui, l’ex président Saleh et les Houthis dirigés par Abdul-Malik al-Houthi semblent agir d’un commun accord, ce qui fait apparaitre des alliances entre différentes tribus et obédiences religieuses, pour le moment.

    Et pour le moment, le sang des Yéménites, de toutes confessions et tribus, coule.

    http://rue89.nouvelobs.com/2015/04/11/non-tous-les-houthis-yemen-sont-chiites-autres-erreurs-258615

  • Comment des organisations féministes et de gauche peuvent-elles s’associer au mouvement marocain réactionnaire Participation et Spiritualité musulmane? (Essf)

    Hassan Aglagal, militant marocain membre du NPA, est scandalisé de voir Participation et Spiritualité musulmane, un mouvement religieux réactionnaire d’origine marocaine, participer régulièrement à des initiatives antiracistes aux côtés de formations de gauche. Suite à notre prise de position contre le fait de tenir meeting commun avec l’UOIF [1], il nous a sollicités pour rendre publique son indignation face à cet état de fait. Nous publions son texte ci-dessous.

    Manif pour Tous et Alliance Vita

    Participation et Spiritualité musulmanes (PSM) est l’association qui représente en France le mouvement Al Adl Wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), mouvement de l’islam politique fondé en 1973 au Maroc par le mystique soufiste Abdelassame Yassine (1928-2012) qu’elle considère comme « un père intellectuel et spirituel » [3]. PSM est essentiellement à l’œuvre en France pour mettre en lumière, auprès d’un plus large public, l’homme qu’il fut et ses « enseignements ».

    Cependant, tout comme l’UOIF, PSM n’est pas une organisation à vocation purement religieuse et n’hésite pas à s’impliquer activement dans les débats de société, défendant des positions tout à fait réactionnaires. Elle a ainsi appelé à manifester le 24 mars et le 26 mai 2013 aux côtés de la droite et l’extrême droite lors de « La Manif Pour Tous » [4] et affiche sans vergogne sa sympathie pour l’Alliance Vita, l’un des principaux lobbys français anti-IVG. PSM a d’ailleurs participé à son université d’été 2013 [5].

    Un mouvement influent au Maroc

    Al Adl Wal Ihsane assure son implantation (recrutement, collectes d’argent…) en Europe à travers de nombreuses associations comme PSM. Il est également présent au Canada et au États-Unis. Parmi ses sections, on compte par exemple l’Observatoire canadien des droits de l’homme ou L’Organisation nationale pour le dialogue et la participation en Espagne. Ce mouvement n’est pas uniquement la plus grande force politique organisée au Maroc, mais aussi une organisation très implantée dans les pays où il y a une forte présence d’immigrés marocains.

    Au Maroc, Al Adl Wal Ihsane s’est fait connaître en s’investissant dans les mobilisations contre les guerres en Irak et pour la Palestine. Pendant le mouvement du 20-Février, Al Adl Wal Ihssane était la plus grosse organisation avant son retrait pour ne pas nuire à l’autre parti islamiste, le Parti de la Justice et du Développement (PJD), entré au gouvernement en novembre 2011. S’il est impossible d’avoir des chiffres exacts concernant les effectifs et le budget de ce mouvement, il semblerait bien qu’il soit soutenu financièrement par une partie de la bourgeoisie commerçante [7]. Il collecte aussi des sommes auprès de ses adhérents et de ses sympathisants à l’étranger.

    Du sang sur les mains

    Même si le mouvement dit bannir la violence, deux meurtres politiques ont été attribués à Al Adl au Maroc. Les milices des disciples de Yassine ont ainsi été impliquées directement dans l’assassinat de deux étudiants d’extrême gauche et militants de l’UNEM (Union Nationale des Étudiants du Maroc) : en novembre 1991 à Oujda et Mohamed Aït Ljid Benaïssa en mars 1993 à Fès.

    En octobre 1991, Maâti Boumli a été enlevé puis assassiné à l’université d’Oujda. Douze étudiants adlistes ont été arrêtés puis condamnés à 20 ans de prison pour homicide. Malgré cela, le groupe n’a jamais reconnu sa responsabilité, arguant que ses militants ont été « injustement emprisonnés pendant d’aussi longues années ». Le deuxième crime attribué à un militant d’Aldl Wa Ilhsane remonte au 25 février 1993. Benaïssa Aït El Jid a été assassiné près de l’université de Fès [Voir encart ci-dessous]. La confrérie a été une nouvelle fois montrée du doigt mais il a fallu attendre 13 ans pour qu’en octobre 2006, Omar Mouhib, un de ses militants, soit enfin arrêté pour sa participation au meurtre d’Aït El Jid. Le procès s’est soldé par une condamnation en appel de Mouhib à dix ans de prison [8].

    Ce sont les mêmes criminels d’autres groupes islamistes, qui partagent la même formation politico-religieuse que Adl wal Insane, qui ont assassiné Omar Benjelloun au Maroc, Mehdi Amil et Hussein Marwa au Liban, Faraj Fouda en Égypte, Tahar Djaout et Abdelkader Alloula en Algérie, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en Tunisie.

    Une alliance impossible

    Ce mouvement réactionnaire et obscurantiste, comme tous les mouvements de l’islam politique, ne cesse de répéter le slogan creux « l’islam est la solution » comme réponse aux questions concrètes dans le domaine social et politique, et d’exiger un retour pur et simple au passé pour appliquer la « Charia » et les lois du « véritable islam », celui de l’époque du prophète ! Ce courant politique, ayant profité antérieurement de la faiblesse de la gauche et de la montée des mouvements de même filiation idéologico-politique depuis que les Ayatollah se sont emparés du pouvoir en Iran, est devenu la plus grande force organisée au Maroc. De toute évidence, tous les mouvements islamistes réactionnaires comme celui de « Justice et bienfaisance » rejettent la laïcité et la séparation entre religion et politique et s’opposent à l’égalité des droits et à la liberté d’expression. Les membres de PSM n’ont aucun intérêt à dévoiler leur projet politique, et ont la capacité de cacher leurs vraies idées en pratiquant une certaine dissimulation reposant sur la « taqiya ».

    C’est hallucinant de voir des organisations comme le NPA, le PCF, Ensemble, Les antifas du Capab fréquenter des associations réactionnaires comme PSM et l’UOIF ! Ces deux associations ne peuvent en aucun cas être des partenaires d’organisations de gauche.

    S’il est juste de mener la bataille contre le racisme et contre TOUTES les oppressions, il ne faut la mener qu’avec des partenaires ayant une certaine crédibilité, et non avec des organisations réactionnaires et obscurantiste comme PSM et l’UOIF !

    Hassan Aglagal


    Contre les étudiants, les islamistes au service de la répression étatique

    D’un point de vue historique7, l’extrême gauche avait une certaine hégémonie (vis-à-vis des partis réformistes) au sein de l’UNEM depuis la fin des années 1960. Lors du 15e congrès du syndicat en 1972, le Front Uni des Étudiants Progressistes qui réunissait les trois organisations révolutionnaires des années 1970 (Ila Al Amame – En avant, 23 mars et Servir le Peuple) est arrivé à sa présidence.

    Le congrès a appelé à la lutte pour une éducation populaire, arabe, démocratique, laïque et unifiée. Une semaine seulement après ce congrès le président de l’UNEM Abdelaziz Mnebhi et son vice-président ont été arrêtés le 2 Août 1972, ce qui provoqua en 1972-1973 une rentrée scolaire chaude pour leur libération. Une campagne de répression a alors été mise en place, des étudiants de l’UNEM ont été emprisonnés, exclus de leur établissement scolaire. Le 24 Janvier 1973, l’UNEM a été officiellement interdite. Malgré la répression, les luttes ont permet la libération du président et vice-président de l’UNEM et la levée de l’interdiction de l’UNEM en novembre 1978.

    Depuis l’échec de son 17e et dernier congrès en 1982, l’UNEM a connu un vide organisationnel. Ce qui n’a pas empêché les militant-e-s de mener des luttes victorieuses dans presque toutes les facs à l’exception de l’École Mohammedia d’Ingénieurs (bastion de l’UNEM et de l’extrême gauche), parce que le régime a imposé un système paramilitaire dans l’École8. Mais les vagues d’arrestations se sont poursuivies.

    A partir de la fin des années 1980, la priorité est devenue celle de la lutte pour la levée de l’interdiction de fait de l’UNEM. Les militants restants ont alors tenté une réorganisation par la base. C’est aussi et surtout à cette période que le régime dépressif a trouvé dans les islamistes un moyen d’écraser l’extrême gauche dans les universités, notamment au travers de deux factions des islamistes, Al Adl Wa lhssane et le PJD, utilisées pour contrecarrer la présence et la puissance de l’extrême gauche dans les universités, dans un climat de montée de l’islamisme au Maroc. Cette reprise en main ne s’est pas faite sans violence, la période ayant été marquée par des affrontements sanglants entre étudiants des deux bords. C’est à cette époque que les deux militants d’extrême gauche membres de l’UNEM Mohamed Aït Ljid Benaïssa et Maâti Boumli ont été assassinés par les islamistes.

    AGLAGAL Hassan 3 mars 2015
     

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34592

     

  • Égypte : nouvelle condamnation d’un étudiant pour athéisme (Afriques en lutte)

    Un tribunal égyptien a condamné un étudiant à un an de prison pour avoir « dénigré » l’islam et « prôné » l’athéisme sur Facebook.

    Il avait été arrêté en octobre 2013, à la suite d’une plainte du directeur de son université.

    Le tribunal correctionnel de la ville d’Ismaïlia, située au nord-est de l’Egypte, a rendu son verdict. L’étudiant en lettres, arrêté il y a plus d’un an à la suite d’une plainte de son chef d’établissement, a été condamné à un an de prison pour avoir « dénigré l’islam » et « prôné » l’athéisme sur le réseau social Facebook. « Ses collègues s’étaient plaints au directeur de l’université de ses opinions et de son athéisme affiché […] c’est pourquoi la police l’a arrêté » confirme l’avocat Ahmed Abdel Nabi, qui suit l’affaire de près. Arrêté en octobre 2013, le jeune homme, âgé de 21 ans, avait été libéré sous caution le 3 décembre suivant. Il pourrait de nouveau être remis en liberté conditionnelle en attendant son procès en appel, s’il paye une caution fixée à 1000 livres (environ 115 euros).

    La loi égyptienne punit toute insulte ou manque de respect à l’égard des trois religions monothéistes que la Constitution du pays reconnaît et protège : l’islam, le christianisme et le judaïsme. L’athéisme est largement refusé par une société égyptienne conservatrice, et les autorités religieuses du pays, musulmanes comme chrétiennes, ont à plusieurs reprises insisté sur la nécessité de le combattre.

    Début janvier, un étudiant avait déjà été condamné à trois ans de prison pour avoir annoncé être athée sur son compte Facebook. Son procès en appel doit débuter le 9 mars.

    « Les verdicts prononcés contre des citoyens pour l’expression de leurs opinions en matière de religion consacrent les restrictions importantes imposées à la liberté d’expression en Egypte, » a estimé mercredi dans un communiqué l’Association pour la liberté de pensée et d’expression de M. Abdel Nabi.

    Source : AFP 26 février 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/egypte/article/egypte-nouvelle-condamnation-d-un