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Syrie - Page 12

  • J’aime la révolution mais je n’aime pas les révolutionnaires (Anti-k)

    Hier, le 17 décembre, 6 ans après l’immolation de Bouazizi, nous fêtions le sixième anniversaire du déclenchement de la révolution en Tunisie.

    C’est monstrueux, mais beaucoup de ceux qui célébraient ce moment historique se félicitaient le même jour de la chute sanglante d’Alep, éreinté de l’intérieur comme de l’extérieur par les fractions concurrentes de la contre-révolution, toutes liguées d’une manière ou d’une autre pour anéantir les derniers éclats de la révolution.

    Il devrait être interdit à tout militant révolutionnaire de prononcer les paroles, célèbres dans tout le monde arabe, du merveilleux chant de Julia Boutros, Win el malayine [Où sont les millions, où est le peuple arabe].

    Un chant d’espoir, un chant d’attente, de désespoir sans renoncement, un chant qui lie la libération de la Palestine à la révolution arabe et à la mobilisation populaire. Ce chant était prophétique. Non pas en ce qu’il annonçait une réalité qui serait effectivement advenue mais en ce qu’il annonçait une possibilité qui prenait forme dans la réalité avant d’être violemment étouffée par ceux-là mêmes en partie qui vibraient lorsqu’ils entendaient l’appel de la grande chanteuse libanaise. Pas tous, je vous le concède, mais beaucoup, beaucoup trop.

    Pendant des années, des militants, les yeux humides d’émotion, ont chanté Win win win, win el malayine…Un antidote à l’abandon qui menace. Un remède contre le sentiment d’impuissance. Une arme contre la fatalité de la défaite permanente. Ils – je devrais dire « nous » – ressentaient alors une sorte de déception, presque de rancœur, contre ce peuple arabe – ou arabo-berbère dans notre Maghreb – qui semblait soumis, incapable de reprendre le flambeau des luttes révolutionnaires anticoloniales dont, un temps, Jamel Abdenasser a été le symbole à l’échelle arabe. Mais les  malayine n’avaient pas disparu, ils ne dormaient pas, ils étaient dans les prisons à ciel ouvert des Etats issus des combats pour l’indépendance.

    Pendant des années, des militants, les yeux humides d’émotion, ont chanté Win win win, win el malayine…

    Un antidote à l’abandon qui menace. Un remède contre le sentiment d’impuissance. Une arme contre la fatalité de la défaite permanente. Ils – je devrais dire « nous » – ressentaient alors une sorte de déception, presque de rancœur, contre ce peuple arabe – ou arabo-berbère dans notre Maghreb – qui semblait soumis, incapable de reprendre le flambeau des luttes révolutionnaires anticoloniales dont, un temps, Jamel Abdenasser a été le symbole à l’échelle arabe. Mais les  malayine n’avaient pas disparu, ils ne dormaient pas, ils étaient dans les prisons à ciel ouvert des Etats issus des combats pour l’indépendance.

    Il y a six ans, pourtant, l’hymne de Julia Boutros est devenu obsolète.

    Les malayine étaient là ! Dans la rue ! Excédés par les défaites successives, épuisés par la misère, affamés de dignité, avides de libertés, les malayine étaient sortis de leur torpeur. Au lendemain du 17 décembre 2010, nous n’avons pas assisté à l’éruption d’un volcan mais à l’explosion d’une chaine volcanique qui n’a pas d’autre nom que la Révolution arabe. Il était évident que dans son déferlement elle mélangerait le pire et le meilleur, qu’elle emporterait tout sur son passage, qu’aucun État de la région n’en sortirait indemne, qu’elle n’épargnerait rien et que rien, hélas, ne lui serait épargné. On ne pouvait douter qu’elle subirait le choc d’une contre-révolution mondiale, que les puissances impériales déploieraient toutes leurs forces pour en briser l’énergie et en détourner le cours, que l’État colonial d’Israël essayerait de tirer les marrons du feu, que les classes dominantes et les bureaucraties locales useraient de tous les moyens pour reprendre l’initiative, le feu, la manœuvre, le mensonge. On ne pouvait bien sûr deviner les stratégies qui seraient mises en œuvre pas plus qu’on ne pouvait anticiper Daech. Tout cela, si j’ose dire, est normal.

    Mais tout ne l’est pas. Une fois passés les premiers moments d’euphorie et les victoires initiales, ces mêmes militants qui ont tant de fois acclamé Julia Boutros, ou du moins une majorité d’entre eux, ne se sont plus reconnus dans ce peuple révolutionnaire qui n’était ni de gauche ni moderne, qui voulait « juste » sa dignité par n’importe quel moyen, sans suivre forcément les chemins qu’on lui indiquait, sans s’arrêter là où les politiciens jugeaient bon de s’arrêter, sans se soucier des « impératifs du marché » ni de la « complexité des enjeux géopolitiques ».

    Dans l’esprit de ces militants, de révolutionnaires, les malayine  sont devenus alors une masse manipulable, manipulée par les islamistes, manipulée par l’impérialisme, manipulée par l’État sioniste, manipulée par les médias, manipulée par des tas d’ennemis vrais ou fantasmatiques. Ce sont ces militants qui ont servi de tremplin à la prise du pouvoir par le Maréchal Sisi en Égypte, à celle de Béji Caïd Essebsi en Tunisie comme ils ont soutenu l’État bureaucratico-militaire syrien, laïc pour les uns, anti-sioniste pour les autres.

    Une illusion d’autant plus dramatique que la révolution des peuples de la région arabe redonnait une nouvelle perspective stratégique à la lutte palestinienne, libérée enfin, ou en voie de l’être, des enjeux et des calculs immondes des dictatures, dites progressistes ou réactionnaires, pour lesquelles la Palestine n’étaient qu’un pion, otage des rapports de puissances. A la veille de la révolution, la résistance palestinienne, détachée de sa « profondeur stratégique », c’est-à-dire des masses populaires des autres pays de la région, en avait été réduite à négocier sa survie. Elle n’avait guère d’autre choix, y compris en ce qui concerne ses composantes armées, que de s’inscrire dans des jeux diplomatiques qu’elles ne pouvaient maîtriser, de monnayer quelques ressources politiques, militaires ou financières auprès de tel ou tel État, alliés de circonstances, alliés par contrainte dont elle n’ignorait pas, malgré ses affirmations contraires, les trahisons passées et à venir. Ouvert par la révolution arabe, l’horizon palestinien s’est à nouveau fermé. Non pas à cause de la révolution mais en raison de la contre-révolution dans toutes ses expressions.

    Hier, le 17 décembre, 6 ans après l’immolation de Bouazizi, nous fêtions le sixième anniversaire du déclenchement de la révolution en Tunisie.

    C’est monstrueux mais beaucoup de ceux qui célébraient ce moment historique se félicitaient le même jour de la chute sanglante d’Alep, éreinté de l’intérieur comme de l’extérieur par les fractions concurrentes de la contre-révolution, toutes liguées d’une manière ou d’une autre pour anéantir les derniers éclats de la révolution. Je ne sais pas comment dans un cœur de militant on peut fêter à la fois la naissance d’une révolution et son agonie.

    La fin, en tout état de cause, du premier cycle de la révolution arabe.

    Je n’écris pas ces derniers mots parce que je m’obstine dans un optimisme romantique, mon humeur est plutôt au défaitisme le plus noir, mais parce que la crise politique du monde arabe, révélée par la révolution et non suscitée par elle, a atteint de telles profondeurs que les mêmes facteurs qui engendrent des tragédies sont aussi susceptibles d’engendrer leur contraire. Ce n’est pas l’histoire qui nous jugera, ce sont nos morts.

    Cet article a été publié initialement sur le blog tenu par Sadri Khiari sur le site Nawaat.

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  • Fillon et Mélenchon doivent enfin s’exprimer sur la reprise de Palmyre par Daech (Anti-k)

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    François Fillon et Jean-Luc Mélenchon avaient tous deux bruyamment célébré la « libération » de Palmyre par Assad et Poutine en mars 2016. Leur silence, trois semaines après la reprise de cette cité-martyre par Daech, n’en est que plus accablant.

    François Fillon et Jean-Luc Mélenchon ont construit une partie de leur stature diplomatique de présidentiable sur leur position tranchée face à la crise syrienne. L’un comme l’autre n’ont pas ménagé leur énergie pour contester les orientations de la France et sa volonté de promouvoir en Syrie une troisième voie qui ne soit ni Assad ni Daech.

    Tout à leurs amalgames, le futur candidat des Républicains et l’Insoumis auto-proclamé avaient porté aux nues l’importance de la reconquête de Palmyre par Assad et Poutine, en mars 2016, après dix mois de supplice de la ville aux mains de Daech. Relisons MM. Fillon et Mélenchon avec attention. Car pour qui prétend aux plus hautes fonctions de la République, chaque mot compte. Et pèse.

    François Fillon publie alors dans l’hebdomadaire « Marianne » une tribune intitulée « Les Leçons de Palmyre ». La conclusion en est catégorique :

    « Pour endiguer la progression de l’Etat islamique en Syrie, Vladimir Poutine a fait preuve d’un pragmatisme froid mais efficace. Il a sauvé le régime alaouite d’un effondrement probable et lui a donné les moyens de reconquérir le terrain perdu. Pendant qu’Obama et Hollande s’offusquaient du choix des Russes de bombarder les opposants à Assad sans distinction, Poutine redonnait de l’air aux forces syriennes qui sont désormais en mesure de combattre efficacement l’Etat Islamique ».

    On a du mal à comprendre comment le « choix des Russes de bombarder les opposants à Assad sans distinction » permettrait de « combattre efficacement l’Etat Islamique ».

    D’aucuns ont d’ailleurs dénoncé le fait que l’oasis de Palmyre, isolée en plein désert, avait été livrée sans grand combat à Daech en mai 2015, afin de mieux mettre en scène sa « libération » ultérieure. C’est sans doute ce que M. Fillon appelle du « pragmatisme froid mais efficace ».

    Quant à Jean-Luc Mélenchon, il s’approprie sur son blog la reconquête de Palmyre avec son narcissisme coutumier :

    « Comme je suis pour ma part équipé d’un cerveau doté de mémoire (aussi longtemps que l’addiction au smartphone ne sera pas parvenu à effacer l’un et l’autre), je suis donc en état de jouir finement de l’avantage de me souvenir de ce que les uns et les autres disent, gribouillent, éructent, profèrent, fulminent, et ainsi de suite. Que ce jour est suave de ce point de vue. Oui, comment laisser passer cette douce revanche sur les détracteurs permanents de mes positions sur la Syrie, la Russie et ainsi de suite ».

    Les deux candidats à la présidentielle ont été nettement moins éloquents lors de l’abominable siège d’Alep. Il a fallu attendre le 15 décembre 2016, soit un mois après le début de l’offensive généralisée de la Russie et de l’Iran, en appui au régime Assad, pour que l’un et l’autre trouvent le temps de s’exprimer. Le temps, mais pas forcément les mots. Pour M. Fillon, il est urgent de « mettre autour de la table toutes les personnes qui peuvent arrêter ce conflit sans exclusive, et donc y compris ceux qui commettent des crimes aujourd’hui ».

    M. Mélenchon, pour sa part, exprime son indignation face aux bombardements, mais où qu’ils se produisent, à Alep, à Mossoul ou au Yémen. Il martèle que « la paix consiste à nommer les problèmes et à tâcher de les régler un à un ». Il en appelle à une « coalition universelle pour en finir avec Daech ».

    Or, au moment même où M. Fillon parle de « crimes » sans en désigner les auteurs et où M. Mélenchon s’avère incapable de « nommer les problèmes », Daech a repris le contrôle de Palmyre depuis plusieurs jours. Le bien mal-nommé « Etat islamique » a en effet profité de l’acharnement d’Assad, de Poutine et de l’Iran sur Alep pour s’emparer de la seule ville que le régime syrien pouvait prétendre avoir « libérée » des mains des jihadistes.

    La destruction à l’explosif d’un dépôt de munitions par des unités russes à Palmyre a accentué le désordre du retrait des pro-Assad face à Daech. En revanche, ce sont des avions américains, qui, le 15 décembre, ont détruit des blindés que Daech avait pu saisir à Palmyre. Quant à la malheureuse population de l’oasis, elle ne voit à ce stade aucune issue proche à son calvaire.

    Que MM. Fillon et Mélenchon aient des problèmes d’expression sur Alep, on peut le comprendre, à défaut de l’excuser. En revanche, qu’ils expliquent clairement pourquoi Palmyre signifiait tant en mars et ne signifie plus rien en décembre. Prôner une diplomatie alternative en campagne présidentielle participe de la vitalité du débat républicain. Mais ce droit implique un certain nombre de devoirs, au premier rang desquels celui de cohérence.

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  • Collectif pour une Syrie Libre et Démocratique

     
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    Comme lors des cessez-le-feu précédents, les syriens re-sortent dans les rues pour manifester dans les zones tenues par l'opposition. Les slogans appellent à l'unité de la révolution, refusent les déportations forcées par le régime et affirment que leur aspiration à la liberté est plus forte que les bombes

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    Atarib, Aleppo
    الشعب يريد إسقاط النظام
     
  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • Irak, Syrie: calculs, errements et larmes de crocodile des impérialistes (A & R)

    Depuis le 15 novembre, le monde entier est ému par les cris d’alarme et les adieux déchirants que lancent les habitants et habitantes d’Alep, ville syrienne sous contrôle rebelle depuis 2012, en passe d’être totalement reprise par le régime de Bachar el-Assad.

    Son aviation bombarde l’est de la ville et les zones résidentielles de l’ouest avec le soutien d’un porte-avions russe et de milices chiites composées de combattant libanais, afghans et iraniens, aux ordres de Téhéran. Elle utilise des bombes anti-bunker, dont la puissance permet de détruire des immeubles et des abris souterrains. 

    Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, elle a détruit au moins trois hôpitaux le premier jour. Le bilan humain était estimé mi-décembre à plus de 400 morts civils, dont de nombreux enfants, et plus de 350 parmi les combattants rebelles. Des chiffres sans doute sous-estimés et en constante augmentation : l’armée syrienne ne se contente pas de pilonner des bâtiments avec leurs occupants. Elle procède ensuite à des arrestations et à des exécutions sommaires.

    À ces morts s’ajoutent au moins 40 000 déplacés, là encore un nombre qui continue de croître. Le régime s’apprête à reprendre le contrôle du pays et à gagner la guerre civile. Il procédera alors à un nettoyage ethnique et religieux en chassant la majorité sunnite des grandes villes insurgées. De leur côté, certains des « rebelles », comme le Front Fatah Al-Cham (qui prêtait allégeance à Al-Qaïda jusqu’à cette année) et les brigades Abu Amara (liées à l’Arabie saoudite et au Qatar) empêchent les civils de fuir en les assassinant ou en les enlevant.

    Au Kurdistan, l’offensive lancée par Erdoğan depuis la fin de l’été est censée marquer un tournant dans la guerre, alors qu’en Irak, une nouvelle offensive a été lancée le 28 octobre pour reprendre Mossoul, au nord du pays. La coalition internationale agit avec les forces militaires du gouvernement de Bagdad et du Kurdistan « irakien », en lien avec les milices chiites Hachd al-Chaabi, proches de l’Iran.

    L’État islamique en Irak et au Levant (Daech) subit de fortes pressions dans les deux pays. Depuis le 25 novembre, sa retraite entre les deux territoires est coupée. Mais pour combien de temps ? Et à quel prix pour les peuples de la région, toujours otages des calculs et rapports de force géopolitiques ? Exposés aux bombardements, servant de boucliers humains aux combattants de Daech en fuite, ils ont aussi à craindre les exactions des futures forces d’occupation une fois leur « libération » achevée...

    Les hésitations et retournements des États-Unis, de la Russie et des pays ouest-européens vis-à-vis des forces régionales rivales ajoutent au chaos. La Turquie ou l’Iran sont tour à tour soutenus ou mis de côté ; le gouvernement de Bachar el-Assad, longtemps cible prioritaire, est depuis l’an dernier devenu secondaire par rapport à Daech. Et les voix sont nombreuses, de Trump à Fillon, à le considérer comme le « moindre mal ». Le PKK et le PYD aux Kurdistan « turc » et « syrien », sont alternativement qualifiés d’organisations terroristes ou d’alliés valables sur le terrain, tout comme les Hachd al-Chaabi...

    Pour tenter de démêler les fils et de développer une orientation politique pour les militants et militantes anticapitalistes et internationalistes des pays impérialistes, un tour d’horizon et un détour par l’histoire récente sont nécessaires.

    En Irak

    Le Kurdistan « irakien »

    Depuis le démantèlement de l’Empire ottoman au lendemain de la Première Guerre mondiale, le territoire kurde est séparé entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie. Les Kurdes sont 15 millions en Turquie (20 % de la population environ), 8 millions en Iran (18 %), 7 millions en Irak (20 %) et 2 millions en Syrie (8 %).

    Excepté une éphémère république de Mahabad (capitale du Kurdistan « iranien ») en 1946, sous la protection de l’URSS, aucun État kurde n’a vu le jour.

    Le Kurdistan « irakien » bénéficie cependant d’une grande autonomie depuis la fin de la guerre du Golfe de 1990-1991. Les deux principaux partis kurdes d’Irak, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), sont des alliés de l’Iran depuis les années 1980 et la guerre Iran-Irak (trahissant au passage les Kurdes d’Iran, en lutte contre le gouvernement de la République islamique). Ils sont aussi alliés aux États-Unis depuis que ceux-ci se sont retournés contre Saddam Hussein. Leurs dirigeants ont accédé aux plus hautes fonctions grâce à l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003. Massoud Barzani, dirigeant du PDK, est le président du gouvernement régional du Kurdistan depuis 2005. Jalal Talabani, de l’UPK, a été président de la République d’Irak de 2005 à 2014. Son successeur Fouad Massoum est issu de la même formation.

    Pour Barzani, une victoire contre Daech prouverait la viabilité d’un État kurde indépendant. Il serait un rempart contre l’État islamique bien plus solide que le faible État irakien, et à terme un tampon entre la Turquie et l’Irak. Le projet d’un référendum d’indépendance a ainsi été ravivé en février 2016. Quitte à trahir, une nouvelle fois, le reste des forces kurdes, car pour s’assurer le soutien d’Ankara, Barzani n’hésite pas à dénoncer le soutien des États-Unis au PYD, organisation sœur du PKK au Kurdistan « syrien » (voir plus bas), pourtant en première ligne dans la lutte contre Daech.

    La place de Bagdad dans le « croissant chiite »

    Si la branche chiite de l’islam ne regroupe que 10 à 15 % des musulmans du monde, elle est majoritaire en Iran (environ 80 % de la population), en Irak (51 %) et à Bahreïn (50 %). Elle occupe la première place des communautés religieuses au Liban (25 %) et compte une très forte minorité au Yémen (45 %) et au Koweït (21 %). En Syrie, sa sous-branche alaouite ne représente que 11 % de la population, mais il s’agit de la religion de la famille Assad.

    Au pouvoir, Saddam Hussein s’appuyait sur la minorité sunnite irakienne (tout de même 46 % de la population). Les partis et le clergé chiites se sont donc rapprochés de la République islamique d’Iran dès sa naissance en 1979, et plus encore pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988). Les dirigeants du principal parti chiite, le Parti islamique Dawa (PID), ont vécu en exil, le plus souvent en Iran, de 1979 à 2003. À partir des années 1990, ils ont bénéficié du soutien des États-Unis. Le PID a ainsi participé en 1992 au Congrès national irakien, organisation créée par la CIA afin de préparer un éventuel gouvernement post-Saddam Hussein.

    Depuis 2005, les trois Premiers ministres irakiens qui se sont succédé, Ibrahim al-Jaafari, Nouri al-Maliki et Haïder al-Abadi depuis 2014, sont issus du PID. Et si l’actuel chef du gouvernement se prononce pour une plus grande indépendance vis-à-vis de l’Iran, il sait à quel point son emprise réelle sur son territoire dépend de l’aide de Téhéran.

    L’idée d’un « croissant chiite », de l’Irak au Liban en passant par l’Iran et la Syrie, avec l’Iran comme force motrice et la Russie comme parrain international, est apparue en 2004 dans une déclaration du roi Abdallah de Jordanie. Un projet de la Turquie, en lien avec l’Égypte, l’Arabie saoudite et le Qatar, serait d’y répliquer par un « axe sunnite ».

    Mais si l’alliance politique entre Téhéran, Damas et le Hezbollah libanais est bien réelle, la convergence d’intérêts entre l’Iran et les États-Unis dans l’occupation de l’Irak, le choix de ses dirigeants et la lutte contre Al-Qaïda et Daech montrent que la situation ne peut être réduite à un simple affrontement de blocs.

    Daech au « secours » des Arabes sunnites ?

    Avec l’occupation militaire impérialiste de 2003 et donc la prise du pouvoir par les forces kurdes et chiites – fruit du compromis entre Washington et Téhéran –, la population arabe sunnite se retrouve dans la ligne de mire du nouveau pouvoir.

    C’est par exemple le cas à Falloujah, lieu emblématique des conditions qui ont mené à la naissance et au succès de l’État islamique. Ville sunnite du centre du pays, où dès le 29 avril 2003, un mois après le début de l’invasion, l’armée américaine a fait feu sur une manifestation, tuant 13 personnes, elle est un an plus tard un lieu de convergence des groupes guérilléristes, constitués de partisans de l’ancien régime (Armée des hommes de la Naqshbandiyya, Brigades de la révolution de 1920) et de religieux sunnites intégristes (Al-Qaïda en Irak, Ansar al-Islam, Ansar al-Sunna, Armée islamique en Irak, Brigade de l’étendard noir).

    C’est dans ce type d’affrontements qu’Al-Qaïda en Irak se lie à d’autres forces et individus, y compris d’anciens baasistes. De ces alliances naît l’idée qu’il ne faut pas simplement chasser les forces coalisées et les chiites, mais prendre le contrôle du pays ; autrement dit, créer, donc, un État islamique. Celui-ci est annoncé officiellement en 2006. Son premier « émir », Abou Omar al-Baghdadi, serait un ancien général de la police de Saddam Hussein.

    Il faut près de 45 000 soldats de la coalition et du gouvernement, un mois et demi de bataille en novembre et décembre 2004, et des centaines voire des milliers de victimes civiles, pour mettre fin à l’insurrection.  Pendant les dix années suivantes, la ville est maintenue sous contrôle militaire, mais sans qu’aucune politique de reconstruction et de services publics ne soit développée. En 2014, elle tombe dans les mains de l’État islamique sans résistance. Pour la population, malgré ses crimes et la terreur qu’il fait régner, Daech est souvent perçu comme un moindre mal.

    Sa reprise par les forces gouvernementales et iraniennes en mai et juin 2016 occasionne de nombreuses exactions de la part des Hachd al-Chaabi et de la police gouvernementale : détentions arbitraires, enlèvements, torture, exécutions sommaires de civils.

    La reprise de Mossoul

    Au moment où nous écrivons ces lignes, l’État islamique est presque encerclé à Mossoul. Les troupes d’élite irakiennes auraient repris le contrôle de plus de 40 % de la ville. Les peshmergas seraient près d’y entrer, tandis que les Hachd al-Chaabi occuperaient les alentours, notamment les voies menant au fief syrien de Daech, Raqa. De leur côté, les bombardements de la coalition auraient détruit les derniers ponts enjambant le Tigre, au milieu de la ville. Sans renforts ni possibilité de se réalimenter, l’État islamique serait acculé.

    Mais plus d’un million de civils sont eux aussi bloqués dans la ville. Dans les zones reprises, le couvre-feu est déclaré, preuve que les forces de libération ne sont pas exactement accueillies à bras ouverts.

    Quant à Daech, la situation ne l’empêche pas de frapper à distance. Difficile de compter le nombre des attentats anti-chiites, de Bagdad à Kaboul ou à Beyrouth. Le dernier, le 24 novembre, a tué au moins 70 pèlerins revenant de la ville sainte chiite de Kerbala, dont une majorité d’Iraniens, alors que près de 20 millions de chiites avaient participé aux célébrations religieuses de l’Arbaïn.

    Une façon de dire que même s’il perdait tous ses territoires, l’État islamique pourrait continuer longtemps ses attentats dans le monde entier. Al-Qaïda l’a fait bien avant lui.

    En Syrie

    PKK et PYD

    Le Parti des travailleurs du Kurdistan (en kurde PKK) et le Parti de l’union démocratique (PYD) sont les deux branches d’un même mouvement né dans le Kurdistan « turc » en 1978 (pour le PKK) et implanté au Kurdistan « syrien » en 2003. Les branches armées du PYD sont les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités féminines de protection (YPJ). Le PYD contrôle le Rojava (« Ouest » en kurde) depuis 2012, avec la coalition des Forces démocratiques syriennes (FDS), qu’il domine totalement. Il a obtenu une autonomie de fait, sans doute négociée avec Assad. D’inspiration mao-stalinienne, le mouvement prétend avoir évolué vers des idées social-démocrates, féministes, autogestionnaires et « confédéralistes démocratiques » depuis 2005.

    Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, mais pas le PYD. La Turquie considère les deux organisations comme telles. En revanche, le PKK bénéficie de longue date d’un soutien passif de l’Iran, qui l’autorise à se réfugier de son côté de la frontière. Depuis 2013, la République islamique lui fournit même des armes et un soutien logistique.

    Et un pacte de non-agression est vraisemblablement en place entre le PYD et Assad. Le sectarisme des composantes arabes de l’Armée syrienne libre (ASL) vis-à-vis des revendications kurdes explique en grande partie sa méfiance et sa mise à l’écart du reste du mouvement anti-Assad. Mais il est paradoxal que cela l’amène à une alliance, au moins de fait, avec le dirigeant nationaliste arabe.

    Certes, la lutte pour l’auto-détermination du plus grand peuple privé d’État, contre l’intégrisme, son héroïsme dans les affrontements face à l’État islamique ou la place occupée par les femmes dans les combats et l’organisation politique, placent incontestablement le courant « confédéraliste démocratique » dans le camp des organisations populaires progressistes. Mais ces qualités ne sauraient effacer les relents de stalinisme et d’autoritarisme qui doivent nous faire relativiser son caractère « libertaire » et « autogestionnaire » [Human Right Watch cite ainsi dans les territoires qu’il contrôle : « des arrestations arbitraires, des procès iniques et l’utilisation d’enfants soldats »].

    Quoi qu’il en soit, sa capacité à résister à Daech force le respect, y compris à Washington. Dès septembre 2014, au début de la bataille de Kobané, ses dirigeants militaires ont été invités par l’état-major des États-Unis à indiquer les positions à bombarder. En octobre 2015, l’armée américaine lui a largué 50 tonnes de munitions et Obama a autorisé pour la première fois l’envoi de cinquante membres des forces spéciales sur le terrain aux côtés des FDS. Un affront complet pour la Turquie, qui n’a pas cessé de bloquer sa frontière pour interdire le passage de renforts kurdes dans la lutte contre Daech.

    Erdoğan, d’abord contre le Rojava

    L’opération « Bouclier de l’Euphrate » a été lancée le 24 août, quelques semaines après la tentative de coup d’État contre Erdoğan. Pour l’apprenti dictateur, le premier enjeu est de réaffirmer son rôle vis-à-vis de dirigeants occidentaux qui semblent hésiter à le soutenir, lui qui ne joue clairement plus son rôle de stabilisateur régional.

    En reprenant l’offensive, et en prétendant la gagner, Erdoğan fait d’une pierre trois coups : combattre Daech, éliminer les FDS et regagner sa place auprès des États-Unis. L’arrestation, le 4 novembre, de députés et dirigeants du HDP [Coalition de la gauche de la gauche et de divers mouvements sociaux, le Partidémocratique des peuples a obtenu 13,4 % des voix et 80 députés en juin2015. C’est le principal parti pro-kurde au parlement turc] montre que de ces trois objectifs, le deuxième est le plus important.

    Selon ses propres mots, la Turquie entend lutter « avec la même détermination » contre Daech et le PYD pour « créer une zone libérée des terroristes au nord de la Syrie ».

    Le 24 août, une cinquantaine de chars turcs et quatre cents soldats sont donc entrés en Syrie dans le couloir de Djarabulus, seule partie de la frontière turco-syrienne sous contrôle de Daech, à l’ouest de l’Euphrate et du Rojava. Le 12 août, le FDS et les YPG/YPJ avaient repris des territoires à Daech, dont la ville de Manbij. Sans grande surprise, l’armée turque n’a pas affronté les djihadistes, en fuite dès son arrivée (les combats n’ont fait qu’un mort, dans les rangs des rebelles syriens). Elle n’a pas cherché à les poursuivre, mais s’est tournée vers les forces kurdes, les forçant à repasser à l’est de l’Euphrate. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les frappes ont tué au moins 40 civils et blessé plus de 70 personnes dans les trois jours suivants . L’urgence pour Erdoğan étant d’empêcher la jonction des trois régions kurdes de Syrie (Afrin, Kobané et Djazira à l’est) que le FDS était sur le point de réaliser en chassant Daech .

    Désormais, la zone est donc sous contrôle de la Turquie et de composantes de l’ASL [enl’occurrence, Nourredine al-Zenki et Faylaq al-Sham, deux partis« islamistes » modérés proches des Frères musulmans et la Brigade SultanMourad, composante turkmène de l’ASL] avec la bénédiction des États-Unis qui, par la voix du vice-président Joe Biden, ont menacé de retirer toute aide aux Kurdes s’ils ne repassaient pas l’Euphrate ; et celle de la France, qui y voit un lieu où renvoyer les réfugiés syriens de Turquie, plutôt que de les laisser partir vers l’Europe 

    Longtemps première cible d’Ankara, Assad n’est désormais plus un enjeu. Le vice-Premier ministre Numan Kurtulmuş explique même qu’une fois la « zone de sécurité » créée à la frontière, des négociations devront être ouvertes, auxquelles il serait « naturel » que participe Assad. Un changement de cap qui montre un réchauffement des relations de la Turquie avec l’Iran et la Russie (fait confirmé par la presse officielle iranienne elle-même), au détriment des Kurdes. Même Poutine est donc sujet aux retournements et trahisons d’alliés, alors que la Russie assurait encore son soutien au PYD en mai dernier.

    Nos mots d’ordre

    À bas l’impérialisme et ses crimes ! Solidarité internationale !

    Dans toute cette complexité, certaines certitudes demeurent. D’abord, celle que le terreau qui a donné naissance à Daech, c’est l’occupation militaire impérialiste de l’Irak et un État défaillant, qui n’hésite pas à faire appel à des milices extra-gouvernementales, voire étrangères, pour faire régner la répression. Ce n’est certainement pas avec plus d’interventions militaires et le renforcement de l’axe chiite sous direction iranienne que les bases de Daech seront sapées. Au contraire, elles seront d’une manière ou d’une autre renforcées. Nous devons donc revendiquer l’arrêt immédiat de toutes les opérations militaires de la coalition, à commencer par les bombardements français. Le rapprochement envisagé, à Washington comme à Paris, avec Moscou, et donc Damas et Téhéran, montre bien l’hypocrisie de dirigeants prêts à défendre les pires régimes au nom de la stabilité, conscients qu’ils sont, pourtant, de renforcer la légitimité de l’État islamique auprès d’une population victime des gouvernements en place et de leurs complices impérialistes.

    Du reste, depuis septembre 2014, ces bombardements visent exclusivement Daech. En très grande partie, ils ont servi Assad en le soulageant d’un front. Et ils ne font pas moins de morts et de drames. Quant aux groupes intégristes que les impérialistes soutiennent sur place, ils commettent les mêmes exactions contre les civils.

    Ensuite, nous avons la conviction que la résistance doit venir du terrain et des peuples concernés. La désinscription du PKK de la liste des organisations terroristes, l’arrêt du soutien à Erdoğan et l’ouverture de la frontière turque sont des revendications urgentes évidentes. Leur satisfaction aurait sans aucun doute des conséquences immédiates dans la région. Elle affaiblirait Daech et presque autant la dictature naissante à Ankara. Mais défendre n’est pas soutenir ou, dans tous les cas, idéaliser le PKK et le PYD.

    Dans le reste de la Syrie, la situation n’est certes plus celle de 2011. La terrible répression et la force militaire des groupes intégristes armés par l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie ont mis à mal les cadres d’auto-organisation démocratiques, laïques et populaires. Pourtant, en janvier 2014, c’est bien la population d’Alep qui a chassé Daech. Nous devons continuer de défendre les revendications de 2011 : la démocratie, la liberté, la justice sociale, le contrôle des richesses du pays.

    Dans l’urgence, nous devons exiger l’ouverture des frontières et l’arrêt du soutien financier à Erdoğan, pour mettre fin à la prison à ciel ouvert dans laquelle sont bloqués les réfugiés. Leur accueil n’est pas une œuvre de charité, mais le minimum que puissent faire des puissances impérialistes qui sont directement responsables de la situation !

    Jean-Baptiste Pelé

    http://anticapitalisme-et-revolution.blogspot.fr

    Commentaire: Anticapitaliste et Révolution est un des courants internes du NPA, affilié à la 4è Internationale, contrairement à "Révolution Permanente".

  • Argentinian Politician Calls for ‘Denouncing an International Genocide’ in Syria (Global Voices)

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    Syrian activists and supporters have been sharing a video of Juan Carlos Giordano, the Argentinian MP and leader of the ‘Izquierda Socialista‘ (Socialist Left) party, itself a member of the Trotskyist ‘Frente de Izquierda y de los Trabajadores’ (Workers’ Left Front) coalition, giving a powerful speech on the situation in Aleppo at the Buenos Aires City Council.

    The speech was made as the fall of Aleppo entered its final stage with Assad regime forces and pro-regime sectarian militias, backed by Russian air power, defeating the remaining rebel forces in the city. This was accompanied by the mass evacuation of tens of thousands of East Aleppo residents to the relative safety of rebel-held countryside.

    Here is a transcript of his speech and its translation:

    My motion of privilege, that we have brought up in this parliamentary work, is about denouncing an international genocide. When one is asked in what way is an MP, the chamber of deputies of the nation affected? An international genocide! A crime against humanity perpetrated against the people of Aleppo, Syria, which we want to condemn. And this flag represents not the dictator Bashar al Assad, but the rebellious people of Aleppo against the dictatorship of Bashar al Assad. What has been named the Guernica of the 21st century, where bombs condemned by the international community have been dropped… on hospitals, schools… Where the civillian population has been murdered, [where] 95 per cent of all physicians have fled. Aleppo has been put under siege, food and medicine were not allowed to enter. The dictatorship of Bashar al Assad, the bombardment from Russia with the complicity of the United States and the complicity of the European Union, because this is a people that rose up against dictatorship as part of the Arab Spring in 2011 and [the situation] transformed into a civil war, provoking a humanitarian catastrophe. Therefore, we defend the people of Aleppo, the rebellious people of Syria against Bashar al Assad, against the bombardment and imperialist interference. And we are demanding that the national government break all diplomatic relationships with this dictatorship, corner the dictator and side with the rebellious peoples struggling with dignity against dictatorships in the world. Thank you, Mr. President.

    The reference to the bombing of Guernica, the April 26, 1937 bombing of the city at the behest of the Spanish nationalist government by its allies, the Nazi German Luftwaffe's Condor Legion and the Fascist Italian Aviazione Legionaria, echoes the work of Portuguese artist Vasco Gargalo, whose work ‘Alepponica‘ shows some of the actors in the Syrian conflict the way Picasso drew his famous painting ‘Guernica’ in 1937.

    https://globalvoices.org/

    Commentaire: Izquierda Socialista fait partie du Front de Gauche argentin avec le Partido Obrero et le Partido de los Trabajadores Socialista, à ce dernier est lié le site "Révolution Permanente", composante du NPA.

  • Création du Comité Syrie-Europe, après Alep Et invitation à nous rassembler (Anti-k)

     

    Depuis 2011, l’espoir d’une avancée de la démocratie en Syrie, porté par ces grandes manifestations d’occupation des places urbaines (dans tout le monde arabe, mais aussi en Europe de l’Est), est écrasé petit à petit sous l’action d’une guerre féroce contre des populations civiles taxées de « terroristes » ; et, d’autre part, des vétos russes (ou chinois) bloquant toute action internationale de l’ONU, assortis des reculs navrants des autres nations au premier rang desquelles les Etats-Unis – comme en cette fin août 2013, où plus de 1 400 civils ont été assassinés sous le bombardement de gaz interdits – fait que nulle désinformation ne peut récuser – et où le refus américain d’intervenir, malgré toutes les menaces antécédentes, a ouvert la voie aux interventions russe et iranienne des années suivantes.

    Depuis l’été 2016, Poutine a envoyé ses bombardiers appliquer à Alep la tactique dite de Grozny : terre brûlée dans l’anéantissement de toute possibilité de survie, avec l’attaque ciblée des lieux symboliques de la vie la plus quotidienne et fondamentale (marchés, écoles, hôpitaux, cimetières, etc.). En une dizaine de jours, fin décembre 2016, la ville tombe dans un cauchemar sous les yeux du monde, encore inachevé au moment où nous écrivons ces lignes : les bus verts doivent en principe encore quitter la ville avec les populations coincées dans leurs propres rues, aux pieds de leur habitat en ruine. Combien de villages, de villes, jusqu’à Idlib, qui ne sont pas encore tombés sous le talon de fer ? Tout n’est pas fini…

    Alors, en cas de maintien en Syrie de la famille dictatoriale en place depuis deux générations, annoncé par le triangle Russie-Iran-Turquie qui prend en main le pays, que faire ?

    Que penser ? En Syrie, que faire d’une victoire destructrice, accompagnée d’un partage du territoire avec l’Etat Islamique – ce pire cauchemar des femmes et des hommes épris de liberté –, sous l’égide d’une Russie confortée par la nouvelle présidence américaine ? En France, comment influer sur une année électorale hystérisée par une extrême droite légitimée par un étrange glissement d’ensemble, régressif et sapant la confiance dans le fonctionnement démocratique, alors que les outils classiques de la société civile (manifestations, pétitions)  semblent aussi irremplaçables qu’usés et dérisoires. Et en Europe ?

    C’est au retour de manifestations éclatées dans Paris, le 17 décembre 2016, que nous avons souhaité la création d’un lieu de convergence de nos forces, pour ne pas se résigner à la situation désespérée en Syrie et au recul démocratique qui l’accompagne dans le monde et dans notre pays. Il est tard, mais il n’est pas trop tard. Le comité Syrie-Europe, après Alep voudrait lier l’urgence morale et politique à la liberté de penser en apportant son soutien aux forces œuvrant en faveur de la démocratie, en suivant l’évolution de la situation sur le terrain, en proposant des réflexions et analyses qui éclairent les liens entre les défis auxquels font face les Syriens et nos propres démocraties, et réfléchir aux conditions de possibilité de l’exercice d’une justice face à l’ampleur des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés.

    Plusieurs axes de travail sont envisagés : constitution d’un tribunal d’opinion sur les crimes commis en Syrie, mise en place d’un site internet permettant de rassembler et de relayer les textes pertinents ; mise en place d’un groupe de travail visant à interroger la remise en cause du droit international et les nouvelles catégories politiques de notre présent ; interventions intempestives dans la campagne présidentielle ; aide à la création d’autres comités Syrie, etc.

    Les réunions auraient lieu un vendredi sur deux dans les locaux de la revue Esprit.

    La première aura lieu le vendredi 6 janvier à 18h, au 212 rue Saint-Martin, 75003 Paris (code porte : 36A63).

    Les premiers signataires : Jonathan Chalier, Catherine Coquio, Joël Hubrecht, Lucas Mongin, Véronique Nahoum-Grappe, Pierre Zaoui.

    http://www.anti-k.org/

  • Après Alep, le désarroi de l’opposition syrienne (Anti-k)


    Déluge de critiques, bagarres sur les réseaux sociaux, claquements de portes : au lendemain de la chute d’Alep – l’armée syrienne a annoncé jeudi avoir repris le contrôle total de la ville –, l’opposition syrienne semble plus que jamais en proie aux doutes et aux divisions. « On est totalement dépassés par les événements. Tout le monde est frustré, démoralisé, révolté », confie Abdel Ahad Steifo, le vice-président de la Coalition nationale syrienne (CNS), le principal rassemblement anti-Assad, basé à Istanbul, qui fut longtemps l’interlocuteur privilégié des capitales arabes et occidentales.

    Spectateurs impuissants de la déroute des rebelles, les dissidents s’écharpent sur les causes de ce qui est à ce jour leur plus grand revers, politique et militaire. Dans une « lettre d’excuses au peuple syrien », publiée par le site d’informations Al-Arabi Al-Jedid, Samar Massalmeh, une dirigeante de la CNS, stigmatise une organisation « statique, sans âme, manquant d’initiative », qui a été « incapable de s’implanter dans les territoires libérés ». « La réalité de la Coalition est qu’elle est faible, que sa représentativité est limitée (…) et qu’une partie de ses membres se sont transformés en employés de tel ou tel Etat », écrit l’opposante, en référence au poids de certains Etats arabes, comme le Qatar et l’Arabie saoudite, dans son fonctionnement.

    « INVENTAIRE »

    « On a beaucoup trop laissé de champ sur le terrain aux salafistes et aux djihadistes, alors que, on le voit, ces gens qui ont kidnappé la révolution sont aussi incapables de mener une guerre, renchérit M. Steifo, dans une allusion aux groupes armés radicaux, dominants au sein de l’insurrection. On s’est trop reposés aussi sur nos alliés, qui n’ont rien fait, au moment où l’on avait le plus besoin d’eux, ajoute l’opposant, incriminant à mots couverts les Etats-Unis et les puissances européennes, qui ont multiplié les déclarations outragées mais vaines, et les monarchies du Golfe, notoirement silencieuses durant l’écrasement final des quartiers rebelles. On essaie de dresser un inventaire, pour présenter une nouvelle stratégie. »

    Le fiasco d’Alep affecte aussi le Haut Comité des négociations (HCN), le bras diplomatique de l’opposition, impliqué dans les négociations qui se sont tenues en début d’année à Genève, sous l’égide des Nations unies, et dont la CNS est l’une des composantes, aux côtés d’autres courants de l’opposition et de représentants des groupes armés. « Tous ces corps ont perdu beaucoup de crédit, l’impression se répand qu’ils ne servent à rien, avance Samir Aita, un indépendant. Il y a beaucoup d’expectative, d’appels à former quelque chose de nouveau. »

    Le besoin d’introspection et de restructuration se fait d’autant plus sentir que la montée en puissance de la Russie, le grand vainqueur de la bataille d’Alep, et la volonté affichée de Donald Trump, le futur locataire de la Maison Blanche, de se rapprocher du président russe Vladimir Poutine font peser sur le HCN et la CNS un risque croissant de marginalisation. Décidé à transformer sa victoire militaire en percée politique, le Kremlin s’est mis en tête d’organiser des négociations intersyriennes à Astana, la capitale du Kazakhstan. Sans en référer ni au HCN, ni à Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU sur la Syrie, maître de cérémonie des précédents pourparlers.

    Selon l’opposant Qadri Jamil, un ancien vice-premier ministre, en exil à Moscou, qui incarne un courant beaucoup moins critique du régime syrien que la CNS, ces discussions pourraient se tenir durant la seconde moitié du mois de janvier. A Moscou, mardi 20 décembre, sous le regard de ses homologues turcs et iraniens, avec lesquels il entend former une troïka, le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov s’était efforcé de dresser l’acte de décès du processus de Genève et de se poser en nouveau faiseur de paix. Sans un mot pour les textes de référence des précédentes négociations, comme la résolution 2254, qui élabore les contours d’une transition politique.

    En vue des discussions d’Astana, les émissaires de Moscou multiplient les contacts au sein de tous les courants anti-Assad. « Les Russes ne sont pas comme les Iraniens, ils ne croient pas que Bachar Al-Assad puisse redevenir un jour le président de tous les Syriens, expose Sinan Hatahet, un analyste proche de l’opposition, régulièrement consulté par des envoyés du Kremlin. Aux opposants, ils disent la chose suivante : “Si vous reconnaissez la souveraineté de l’Etat et la légitimité de Bachar, alors nous vous aiderons à vous constituer en alternative et à gagner les élections.” Ils cherchent des gens susceptibles de cautionner un tel processus, un profil à la Qadri Jamil, mais avec plus de légitimité. »

    « BEAUCOUP DE BLUFF »

    Inquiet de perdre son monopole sur les négociations et persuadé que le président Assad n’acceptera jamais de céder le pouvoir de lui-même, le HCN tente de faire barrage aux manœuvres de Moscou. « La Russie et l’Iran s’efforcent de minimiser le rôle des Nations unies et de prolonger la souffrance du peuple syrien », a accusé Salem Al-Meslet, un porte-parole du HCN. Ses membres ont été rassurés par la rapide réaction de Staffan de Mistura, qui en fixant la reprise de négociations de ­Genève au 8 février s’est efforcé de préempter le résultat d’une éventuelle réunion à Astana.

    « Il y a beaucoup de bluff dans la position russe, estime l’opposante Bassma Kodmani, qui a participé aux pourparlers du mois de mars. La déclaration du sommet tripartite de Moscou est très vague. Cela atteste de désaccords entre les trois pays. Sans référence à la résolution 2254, ils ne pourront pas faire venir l’opposition à Astana. »

    Le succès de l’initiative russe dépendra en grande partie de l’attitude de la Turquie, qui entretient des relations étroites avec l’opposition, tant politique que militaire. « On a vu pendant l’évacuation d’Alep qu’Ankara a fait pression sur les rebelles, notamment le groupe Ahrar Al-Cham [salafiste], pour éviter que ça déborde trop, dit Samir Aita. Les Turcs pourraient recommencer avec les responsables politiques en leur disant : soit vous jouez le jeu, soit vous êtes “out”. »

    LE MONDE |

     Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)

    http://www.anti-k.org/