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Syrie - Page 52

  • Syrie Assad, Daech et l’Occident… vérités et mensonges!

     

    Yassin Haj-Saleh, écrivain syrien

    Yassin Haj-Saleh, écrivain syrien

    Nous publions, pour information, un texte d’un écrivain syrien, Yasin Haj-Saleh, publié en arabe le 1er septembre 2014 et traduit par les FemmeS pour la démocratie (Femmes syriennes pour la démocratie).

    Elles l’ont mis à notre disposition. Un tel document a son importance pour saisir la situation tragique d’une population insurgée – et terriblement réprimée – qui s’affronte, à la fois, aux forces criminelles dudit Etat islamique et à une dictature qui n’hésite pas à détruire un pays (tout en ayant déjà des projets de captation privée de terrains immobiliers pour spéculer dans le futur), à contraindre à l’exil interne et externe une majorité de sa population, à utiliser la prison, la torture et les barils de TNT pour faire taire la population. Se profile, de plus, une «nouvelle coalition internationale» afin de combattre l’Etat islamique. Un élément qui suscite la réflexion de Yasin Haj-Saleh à propos de la Syrie. Un thème sur lequel nous reviendrons avec diverses contributions. Suit ici l’introduction faite par les FemmeS pour la démocratie au texte de Yasin Haj-Saleh. (Rédaction A l’Encontre)

    «Récemment, l’Etat Islamique (IS ou en arabe Daech) a décapité deux journalistes américains qui s’étaient tous deux dévoués pour faire entendre la voix et la souffrance du peuple syrien!

    Le prétexte invoqué est l’intervention américaine et les frappes aériennes sur des bases ou sur des troupes de Daech en Irak. Toutefois, il faut rappeler ici que Daech dès son apparition s’en est pris aux activistes, aux médecins et aux journalistes syriens qui faisaient partie de la révolution ou qui soulageaient la souffrance de la population ou encore qui faisaient entendre sa voix. Tous ceux qui ont été enlevés par Daech œuvraient pour défendre ou aider les opprimés et pour que la justice et l’humanité ne soient pas oubliées en Syrie. Jamais, jusqu’à tout récemment, Daech et le régime mafieux Assad ne se sont attaqués mutuellement ! Les barils d’explosifs du régime Assad ont toujours épargné soigneusement les forces de Daech à Alep, préférant cibler les civils.

    Tout ça devrait nous inviter tous à nous poser la question du rôle d’Assad dans la naissance de Daech.

    La décapitation de James Foley ajoute un élément semblable, car James Foley a été détenu par le régime Assad en novembre 2012, bien avant la naissance même de Daech (au printemps 2013) et soudainement il se trouve entre les mains de Daech qui le décapite au moment où Assad se propose comme partenaire pour la lutte contre le terrorisme ! En mai 2013, l’AFP a publié qu’il avait été enlevé par des milices pro-régime et qu’il était entre les mains du service de renseignement à Damas.

    Avec une possible intervention de l’Occident en Syrie, les FemmeS syriennes pour la démocratie (FSD) ont jugé utile de traduire un article de l’écrivain syrien Yasin Hah-Saleh qui approfondit la question de Daech. (FSD, 07.09.2014)

    Trois niveaux d’action sont nécessaires
    pour faire face à Daech

    Il semble que les Etats unis et l’occident se préparent à faire face à Daech (Etat Islamique – EI) en Syrie, même s’il est fort probable que ces actions n’iront pas plus loin que des frappes aériennes, et peut-être quelques opérations de commandos. L’objectif probable des frappes serait de mettre cette organisation terroriste naissante sous pression et de l’occuper à rassembler ses forces suite à ces possibles frappes, pour l’empêcher de progresser.

    De son côté le régime syrien s’est dépêché d’offrir ses services dans le cadre de cette action militaire occidentale probable. Tandis que l’occident continue à mépriser Assad, il n’est pas exclu qu’il ait recours à ses services pour avoir une base militaire avancée contre Daech (EI), et par conséquent qu’il facilite la prolongation de sa mainmise sur le peuple Syrien.

    Il est certain que ces frappes seront sans effet si elles se veulent punitives seulement. Il est clair que le recours à la force est nécessaire pour faire face à cette puissance fasciste qui utilise le terrorisme comme tactique de combat, comme outil psychologique et comme méthode pour gouverner. Faire face à cette entité terroriste par la violence n’est pas seulement légitime suite aux crimes qu’elle a perpétrés, mais aussi parce qu’il est impossible de se débarrasser de cette force d’occupation sans utiliser la force. Le problème d’une intervention occidentale probable contre Daech n’est pas seulement qu’elle comprend uniquement une dimension militaire, mais aussi que cette intervention militaire resterait très probablement limitée aux frappes et ne servirait qu’à gérer la crise à la place de lui trouver une solution réelle. Une telle méthode de gestion de crise enlève à notre combat toute dimension de justice et de libération des peuples, et l’assimile à une bagarre entre gamins, dont on veut ignorer la cause profonde, avec pour seul but de calmer le jeu et rétablir la stabilité de la région.

    Il n’y a pas pire que cette méthode, ni plus égoïste et irresponsable. Ce genre de gestion est en partie responsable de la destruction de la Syrie et de la naissance de créatures immondes comme Daech. Peut-être que les Américains pensent que de telles créatures ont leur place naturelle dans le marais du Moyen-Orient. Et ils ont peut-être raison. Mais ce marais est le produit de leurs efforts et de ceux de l’occident au fil de plusieurs générations, tout comme il est le produit de la présence d’une autre entité d’occupation terroriste, Israël, comme maître de la région. Ce marais n’est pas vraiment le produit des « gamins » syriens, irakiens, libanais, etc. Un autre facteur important dans l’apparition d’un tel marais, est le recours perpétuel à des régimes terroristes, comme celui d’Assad et de ses semblables pour garantir la stabilité de la région, au détriment de toute justice et au mépris de toute dignité humaine.

    C’est pourquoi une intervention militaire américaine et occidentale, même si elle a pour but d’en finir avec Daech et non pas de l’affaiblir seulement, ne présente qu’une seule des trois dimensions nécessaires pour être réellement efficace.

    La deuxième dimension consiste à faire face à l’origine du terrorisme dans la région, à savoir le régime syrien, ou bien d’aider les Syriens à y mettre un terme. Punir Daech seulement, alors que le régime syrien a déjà commis pire que Daech, et laisser ce régime criminel dans l’impunité donnerait le pire des messages aux Syriens et aux peuples du Moyen-Orient plus généralement. Sans oublier que de s’attaquer à Daech seul rendrait un grand service à ce dernier et l’aiderait sans doute à justifier et renforcer son action. (En ternissant l’image de la révolution aux yeux de l’Occident, note du traducteur), les groupes islamistes en Syrie et Daech en particulier, auront finalement servi à faire perdre aux Syriens leur confiance dans la communauté internationale et dans la justice mondiale. Basé sur cette perte de confiance, Daech s’apprête à détruire complètement l’image du reste du monde dans notre environnement social et psychologique.

    Il est bien possible qu’une frappe de Daech à al-Raqa, ville qui a déjà été bombardée par Assad, en prenant soin d’éviter les positions de Daech, et bombardée à nouveau récemment sous prétexte de frapper Daech, ait comme conséquence de rapprocher les habitants de al-Raqa de cette organisation à la place de les en éloigner. Les frappes occidentales doivent viser les deux criminels à la fois, Daech et le régime syrien, et ne doivent en aucun cas frapper l’un et laisser l’autre. La décapitation de James Foley, qui est un crime odieux, n’est pas comparable à la mort sous la torture des 11’000 détenus jusqu’en août 2013, pas comparable non plus au massacre aux armes chimiques dans al-Ghouta en août 2013 et aux massacres de Darayya, Jdaydeh Artouz, Banias, al-Houla, al-Treimsseh et tous les autres massacres imputables au régime syrien. Les crimes ne sont pas comparables, mais en sanctionnant un criminel tout en laissant l’autre impuni on détruit la notion même du crime et avec elle celle de la justice et de la sanction juste. Une telle gestion irresponsable pourrait ouvrir la porte au terrorisme et on pourrait même voir naître des créatures pires encore que Daech.

    Il y a une troisième dimension pour faire face à Daech, où les occidentaux ne peuvent ni intervenir ni aider, et il est même préférable qu’ils ne tentent pas de s’en mêler. Daech n’est pas seulement une organisation criminelle, n’est pas seulement le produit de certaines politiques criminelles locales et internationales, Daech a aussi un lien à l’Islam. Les islamistes et les musulmans qui disent que Daech est un produit des services secrets et que l’Islam n’a rien à avoir avec lui se trompent eux-mêmes. Daech est une évolution d’al-Qaïda dans le contexte Syrien et Irakien qui est bien connu, al-Qaïda elle-même étant une organisation d’origine saoudienne et égyptienne. Il n’est pas sérieux de nier l’influence religieuse dans la naissance de Daech, même s’il s’agit là d’un phénomène contemporain. Ce monstre est notre produit, il est né de la décomposition de notre politique, de notre pensée et de notre morale.

    Il est clair que cette troisième dimension pour faire face à Daech ne peut être affrontée que par les musulmans eux-mêmes et les sunnites plus spécialement. Daech est une pensée islamiste qui ne peut être contrée que par la pensée. On doit se demander où se trouve la pensée islamique qui peut faire face à Daech fermement ? Lorsque les islamistes critiquent Daech pour sa conduite cruelle et sa précipitation et son refus d’acheminer les changements graduellement, ils ne le critiquent pas pour son projet de vouloir imposer un pouvoir islamiste par la force. Ceci n’est pas sérieux, tout comme la différence faite par les Américains entre les crimes de Daech et ceux du régime n’est pas sérieuse. Il est nécessaire de dépasser la situation actuelle en amenant une réforme de l’Islam qui en augmente la dimension de la croyance et de la justice et en diminue la dimension du pouvoir et du droit islamiste. C’est une opération à long terme mais nécessaire pour faire face aux entités comme Daech.

    En résumé, Daech est un problème sécuritaire, et plus que ça un problème politique et encore plus que ça un problème de la pensée. Faire face à Daech efficacement doit avoir à la fois une composante d’opposition militaire, et c’est exactement ce que les Syriens opposants au régime ont fait les premiers et avant quiconque, une composante politique qui fait un pas vers la justice en Syrie en mettant un terme au régime syrien criminel, et une composante liée à la pensée musulmane qui arracherait l’Islam des mains de Daech et le Daechisme de l’Islam. (01.09.2014)

    Publié par Alencontre le 7 - septembre - 2014
     
  • Les pertes de l’armée syrienne créent des remous au sein du camp pro-Assad (France 24)

     Où sont-ils?

    Les pertes récentes de bases militaires syriennes au profit des jihadistes ont provoqué une vague de critiques sans précédent dans les rangs des inconditionnels du clan Assad. Au point d’être réprimés à leur tour.

    "Où sont-ils ?" En intitulant ainsi une campagne lancée sur les réseaux sociaux, Moudar Hassan Khaddour, un activiste pro-Assad, semble avoir posé la question de trop. Il demande en fait au régime syrien de faire la lumière sur la mort de centaines de soldats loyalistes.

    Selon des proches et des militants, cet avocat issu de la communauté alaouite, celle du président Bachar al-Assad, a été arrêté le 29 août à Damas par les services secrets les plus redoutés par la population, à savoir ceux de l’armée de l’air syrienne. Ces derniers lui auraient tendu un piège : ils l'auraient convoqué en lui promettant de fournir des informations sur les soldats disparus pour les transmettre à leurs parents.

    Les pro-Assad somment le régime de s’expliquer

    En réclamant des comptes, Moudar Hassan Khaddour a donc fini par irriter les caciques du régime. Il les avait déjà interpellé sur sa page Facebook "Les aigles de Tabqa", créée le 17 août en hommage aux soldats de la base aérienne de Tabqa (nord), tombée depuis le 24 août aux mains de l’organisation de l’État islamique (EI). La grande majorité des ces soldats avait alors été exécutée sommairement.

    Moudar Hassan Khaddour s’était notamment indigné de la légèreté des explications officielles sur les pertes élevées subies depuis plus d’un mois par l’armée syrienne. Il avait même qualifié le ministre de la Défense, le général Fahd al-Freij, de "ministre de la mort". Entre juillet et août, au moins 2 350 soldats ont ainsi péri dans les combats en Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), une ONG basée à Londres et proche de l’opposition. L'activiste avait notamment laissé entendre que la base stratégique de Tabqa avait été abandonnée par le régime.

    De leur côté, les médias du régime avaient évoqué un repli tactique. Mais cette version a ensuite été mise à mal avec la publication par les jihadistes de vidéos montrant l’humiliation puis l’exécution des soldats de la base aérienne.

    Depuis, les messages de soutien réclamant la libération de l’avocat pro-régime s’accumulent sur sa page Facebook. "Moudar Khaddour n’est pas un traître. Ni un collaborateur. Ni un terroriste", est-il notamment écrit sur le réseau social. Les militants qui ont pris le relais de l’avocat pour alimenter la page en question ont même appelé le président syrien à intervenir et à le faire libérer.

    Parallèlement, toujours sur les réseaux sociaux, les opposants du régime ironisent sur le "réveil tardif" des partisans du pouvoir, qui découvrent ses mensonges et ses arrestations arbitraires. "Enfin vous voyez que votre régime arrête les gens à cause de leurs opinions", écrit l’un deux sur la page "Les aigles de Tabqa".

    Les critiques se multiplient

    Cette affaire a de quoi inquiéter le régime syrien, peu friand des critiques internes, et qui tolère encore moins celles venues des rangs de ces inconditionnels, censés lui être les plus fidèles. Outre Moudar Hassan Khaddour, quatre autres partisans alaouites du régime ont ainsi été arrêtés après avoir critiqué le pouvoir et tenté d’organiser des manifestations pour réclamer la démission du ministre de la Défense, a rapporté mardi l'OSDH. Trois d'entre eux ont été arrêtés à Lattaquié et un à Tartous, deux fiefs du président Assad situés dans l'ouest de la Syrie.

    Pis, la semaine dernière, Douraid al-Assad, le propre cousin du président syrien, a lui aussi publiquement critiqué sur sa page Facebook la perte de la base de Tabqa. "Je demande la démission du ministre de la Défense, du chef d’État-major, du commandant des forces aériennes, du ministre de l’Information et de quiconque est responsable de la chute de l’aéroport militaire de Tabqa et porte la responsabilité de la capture et de l'assassinat de centaines de soldats de l'armée arabe syrienne", a écrit le fils de Rifaat al-Assad, frère cadet de l’ancien président syrien Hafez al-Assad (1930-2000), banni par le régime et qui vit désormais en exil.

    Cette vague de critiques coïncide avec la montée en puissance de l’EI en Syrie, qui inquiète les fidèles du régime, sur lesquels s’appuie pourtant le président pour s’accrocher au pouvoir et se fournir en soldats. Et si la responsabilité de Bachar al-Assad n’a jamais été pointée du doigt directement, nul n’ignore dans le pays que dans les faits, le ministre de la Défense ou le chef d’État-major n’ont aucun pouvoir réel. Finalement, ces critiques, qui émanent du propre camp du président syrien, visent directement le sommet du régime. Dernière modification : 03/09/2014

    Première publication : 03/09/2014

    http://www.france24.com/fr/20140903-syrie-pro-assad-alaouites

  • Syrie. Un «accord» qui traduirait un mépris continu pour ceux et celles qui luttent contre Da’ech et Bachar (A l'Encontre)

    La menace que l’Etat islamique (Da’ech) fait aujourd’hui peser en Irak et en Syrie a finalement contraint les Etats-Unis et les Etats démocratiques à prendre la mesure des dangers auxquels les exposait leur indifférence prolongée pour les souffrances du peuple syrien.

    Alors qu’ils pourraient être obligés de sortir bientôt de leur indécision, principale raison de leur immobilisme, il est cocasse de lire ou d’entendre des hommes politiques, des députés, des chercheurs et des experts suggérer à ces mêmes Etats de faire confiance, s’ils devaient intervenir en Syrie, au… Costa Concordia!

    Comme cet ex-fleuron de la marine de plaisance, Bachar al-Assad, au profit duquel ils plaident explicitement ou implicitement en dressant de lui un tableau flatteur déconnecté de la réalité, ne se maintient à la surface depuis la fin de l’année 2012 que grâce aux énormes flotteurs qu’ont constitué pour lui les milliers de mercenaires recrutés du Liban à l’Afghanistan, avec l’aide de l’Iran dans l’ensemble du monde chiite [1]. En dépit de leur taille, ces adjuvants inélégants risquent d’être bientôt insuffisants pour empêcher le navire de sombrer, les défaites militaires consécutives subies par les forces du pouvoir provoquant des remous et des critiques contre le capitaine du bateau, dont les compétences sont mises en doute à haute voix par des membres mêmes de son équipage.

    Brefs rappels adressés aux «chantres de la victoire» de Bachar

    A ceux qui, pour influencer les arbitres de la situation en faveur de leur poulain, affirment que les forces de Bachar al-Assad sont dans «une dynamique de victoire» et qui se déplacent d’une chaîne de radio à l’autre en chantant sur l’air des lampions «Bachar il a gagné, Bachar il a gagné», on rappellera brièvement que:

    désignée objectif prioritaire après la reconquête de Qousseir, au début du mois de juin 2013, la ville d’Alep reste en majorité entre les mains de l’Armée syrienne libre et de ses alliés;

    la prise de Yabroud n’a nullement mis fin à la résistance du Qalamoun, dans lequel les groupes armés font subir au Hizbollah et à l’armée régulière de lourdes pertes, les morts seuls se comptant par centaines;

    en dépit de bombardements quotidiens et du recours à des gaz asphyxiants, les forces pro-régimes ne sont pas encore parvenues à s’emparer de certains quartiers de Damas et de quelques agglomérations du gouvernorat de Damas campagne, auxquelles elles n’ont d’autre solution que de proposer des trêves;

    les «rebelles» ont progressé ces dernières semaines dans le gouvernorat de Daraa, en dépit des difficultés qu’ils rencontrent dans leurs relations avec le Front de Soutien (Front Al-Nosra);

    Le régime est en passe d’être chassé de celui de Qouneitra et en particulier de la zone tampon avec les forces israéliennes;

    après la prise de Morek, les révolutionnaires avancent aujourd’hui dans le gouvernorat de Hama en direction de son aéroport militaire;

    l’aéroport de Deïr al-Zor est désormais sous la menace directe d’une opération de l’Etat islamique qui mettrait fin à toute présence du régime dans ce gouvernorat aussi…

    Au cours des mois de juillet et d’août 2014, l’Etat islamique s’est emparé des dernières implantations de l’armée régulière dans le gouvernorat de Raqqa, capturant et exécutant dans la foulée plus d’un millier de soldats et d’officiers, dans une stratégie de terreur destinée à démontrer tout à la fois sa force, sa résolution et son impunité. Or, si la cruauté manifestée à cette occasion par le groupe radical a choqué l’ensemble des Syriens, elle est aussi à l’origine de critiques extrêmement sévères de partisans inconditionnels du pouvoir en place contre les plus hauts responsables de l’Etat-major et de la Défense.

    Elles visent en réalité, sans pouvoir la nommer, la personne même de Bachar al-Assad, commandant en chef de l’Armée et des Forces armées syriennes, qui porte la responsabilité de toutes les décisions politiques, sécuritaires et militaires en Syrie. Elles témoignent d’une perte de confiance dans les rangs des soutiens traditionnels du régime, qui prennent enfin conscience que leur vie et celle de leurs proches comptent peu pour celui dont la seule préoccupation, en dépit de l’accumulation des morts et de l’aggravation quotidienne des destructions, est de se cramponner ad vitam aeternam à son poste et à ses privilèges.

    La cousine de Bachar, Falak al-Assad, s’interroge publiquement

    La première salve de critiques ou du moins la plus bruyante a été tirée après la chute du camp de la 17e division entre les mains de Da’ech, le 24 juillet. Ce qui a particulièrement attiré l’attention, c’est qu’elle était l’œuvre d’une parente du chef de l’Etat, sa cousine Falak al-Assad, fille de Jamil al-Assad et d’Amina Aslan. Mariée à un autre cousin, Qousaï Ali Aslan, elle a laissé libre cours à sa colère le 26 juillet, au lendemain de la diffusion par Da’ech d’une photo montrant le cadavre décapité du colonel Samir Aslan, l’un de ses cousins par alliance, qui était à la fois le chef de la Sécurité militaire à Raqqa et l’officier responsable de la 17e Division.

    Elle écrivait: «A quelques jours de distance, chute du champ pétrolier d’al-Cha’er et désastre de la 17ème Division… Ces jours ont suffi pour mettre en lumière l’extrême faiblesse des responsables militaires, sécuritaires et médiatiques, qui ne pensent à rien d’autre qu’à se remplir les poches, fut-ce au détriment du sang des martyrs… Où sont les grands chefs militaires? Cela faisait 2 ans que la division était encerclée. Da’ech avait annoncé qu’elle s’en emparerait avant la fête… Où sont passés le soutien, les avions, les armes stratégiques? A moins que leur rôle se réduise à récupérer et à voler? La sécurité n’a-t-elle pour mission que de rechercher ceux qui ont fait l’objet de rapports, de poursuivre les détenteurs de dollars et de les rançonner, à inventer des histoires et à terroriser les simples citoyens et les commerçants, à faire du business et de la contrebande dans les ports et les aéroports? Si les fils de responsables se trouvaient avec leurs camarades au service de la Patrie, nous l’aurions certainement déjà emporté… Il n’y aura de victoire que lorsque des hommes honorables seront installés aux postes de décision».

    Son exaspération envers les responsables militaires, dont l’incompétence ou la corruption avaient contribué à l’issue dramatique des combats pour la possession du camp, était justifiée par les interrogations sur les circonstances exactes de sa capture et le sort de ses occupants.

    Pourquoi le régime n’avait-il pas répondu aux appels à l’aide lancés par les officiers qui savaient l’attaque imminente? Pourquoi les bombardiers du régime avaient-ils interrompu leurs vols de soutien après quelques passages, au cours de la journée du 24 juillet, tirant davantage sur la ville de Raqqa que sur les forces de Da’ech? Comment une petite centaine d’officiers et de soldats étaient-ils parvenus à gagner à pied le casernement du 93ème régiment, à près de 45 kilomètres, alors que la région est tenue et quadrillée par le groupe radical? Le camp abritant quelque 1500 militaires au moment de sa capture, qu’était-il advenu de ceux dont les noms ne figuraient ni parmi les victimes (105), ni parmi les rescapés (97) ?

    Malaise dans la famille: le silence s’impose

    Une autre salve est venue d’un autre cousin du chef de l’Etat, Douraïd al-Assad, dont le père n’est autre que Rifaat al-Assad et dont la mère appartient à la famille Makhlouf. Il a lui aussi laissé éclater son irritation en réclamant sur sa page Facebook, le 28 août 2014, au lendemain de la chute de la base de Tabqa, dernière emprise du régime dans le gouvernorat, «la mise à pied du ministre de la défense, celle du chef d’état-major, celle du commandant des forces aériennes, celle du ministre de l’Information, et celle de tous ceux qui sont impliqués dans la chute de l’aéroport militaire de Tabqa et qui portent la responsabilité de la capture et de l’assassinat de centaines de soldats de l’armée arabe syrienne. Ils doivent être déférés devant une cour spéciale».

    Le nom même de Bachar al-Assad n’a évidemment été mentionné ni par l’un, ni par l’autre de ses cousins. Mais le destinataire ultime de leurs messages d’insatisfaction ne fait aucun doute. Lorsqu’ils demandent le limogeage du général Fahd al-Freij, le ministre de la Défense surnommé par les partisans du régime «ministre de la Mort», et le renvoi du général Ali Abdallah Ayyoub, le chef d’état-major, ils sont bien placés pour savoir que les intéressés n’ont «aucun pouvoir et ne peuvent prendre une décision de quelque importance sans en référer au chef suprême des Armées, Bachar al-Assad, qui détient seul, avec les chefs des services de renseignements, la capacité de décider». (All4Syria). La personne du chef de l’Etat étant sacrée et celle de ses collaborateurs devant être au minimum ménagée, ils ne peuvent faire plus, pour exprimer leur désarroi ou leur colère, que de s’en prendre à ceux qui sont là pour prendre les coups et servir de «décor».

    Bachar al-Assad n’étant disposé à entendre aucune critique sur ses décisions, une telle dénonciation n’est malgré tout pas sans danger… quand elle provient d’ailleurs que du sein de sa famille. On l’a vu ces tout derniers jours avec le sort réservé à l’un des initiateurs d’une campagne destinée à demander aux responsables du pays, sous le titre #waïnoun (Où sont-ils?), de répondre aux légitimes interrogations des parents sur le sort de leurs proches, présents dans le gouvernorat de Raqqa, lors de la chute des derniers bastions gouvernementaux. Ils avaient envisagé d’organiser une marche de soutien aux disparus et à leurs familles, mardi 26 août, mais ils y ont finalement renoncé sous la pression des moukhabarat. Ceux-ci n’en ont pas moins sanctionné l’un d’entre eux, un dénommé Moudarr Hassan Khaddour, un chabbiha connu pour son attachement au régime, qui a été enlevé vendredi 29 août 2014 par les services de renseignements de l’armée de l’air et qui a depuis lors disparu…

    Et, pour montrer qu’il n’entend se laisser guider sa conduite par personne, et surtout pas par le fils d’un oncle dont il craint également les ambitions et le retour, Bachar al-Assad a reconduit à son poste le ministre de la Défense contesté, en bonne position dans l’ordre protocolaire dans le nouveau gouvernement du Dr Wa’el al-Halqi !

    Sa gestion est visée, dans les rangs de ses partisans

    Il n’y a pas lieu de douter que c’est bien la gestion du successeur de Hafez al-Assad qui est aujourd’hui en cause, au sein même de ses partisans les plus résolus, parce que c’est à lui qu’ils imputent, in fine, l’accumulation des «pertes inutiles» dans les rangs de l’armée et que c’est son action en tant que chef suprême des forces armées qui est aujourd’hui l’objet de leur défiance.

    Un exemple

    Le 27 août, les habitants du village d’al-Hounadi, dans le gouvernorat de Lattaquié, ont chassé de chez eux un membre du Commandement régional du Parti Baath, Yousef al-Ahmed. Il n’est pas inutile de savoir qu’il est parent par alliance du chef de l’Etat dont il a épousé l’une des cousines, Raw’a al-Assad, une autre fille de Jamil al-Assad. Tant qu’il s’est contenté de leur présenter les condoléances des autorités pour la mort au combat d’un membre d’une famille locale tué par Da’ech lors de la «livraison» de Raqqa au groupe extrémiste, et aussi longtemps qu’il a disserté sur les thèmes de la résistance et du nationalisme chers à la propagande du régime, ils l’ont écouté en silence. Mais lorsqu’il a observé que «8000 jeunes réservistes de Lattaquié s’étaient abstenus de répondre à l’appel, en plus des réfractaires au service militaire obligatoire», et quand il leur a demandé de «coopérer avec le régime en envoyant leurs enfants à l’armée», un vieillard est intervenu pour déclarer: «Lorsque tu enverras ton fils comme réserviste, nous ferons de même. Je souhaite que les prochaines condoléances nous réunissent autour de l’un de tes enfants ou de tes frères, de manière à ce que tu puisses bénéficier toi aussi des mérites attachés au martyre»! Pour échapper à la colère des assistants que ces propos avaient déclenchée et pour ne pas entendre les insultes proférées contre lui-même et la famille Al-Assad tout entière, Yousef al-Ahmed a préféré s’éclipser sous la protection de ses gardes du corps…

    Alors que le nombre exact des militaires disparus au combat – 70 000? 100 000? – est soigneusement dissimulé par la hiérarchie militaire, que celle-ci hésite ou temporise avant de rendre à leurs familles les dépouilles des soldats décédés, et qu’elle préfère parfois enterrer les victimes dans des fosses communes pour bénéficier temporairement du bénéfice du doute, les partisans du régime s’étonnent de plus en plus souvent du grand nombre de décès intervenus dans certaines familles depuis le début de la répression du mouvement de protestation, comparativement à d’autres. Ils estiment que la mort de Hilal al-Assad, disparu à Lattaquié le 23 mars 2014 dans des circonstances jamais vraiment élucidées, ne suffira pas à démontrer que la famille Al-Assad dans son ensemble a payé le «prix du sang» et donné des gages de son patriotisme, alors que d’autres familles alaouites, comme les Moalla par exemple, se passeraient bien de pleurer la disparition de plusieurs dizaines de morts entre officiers et soldats du rang.

    Les partisans du régime se gaussent ou s’irritent aussi du peu de considération de Bachar al-Assad pour les familles de victime. Tandis qu’il prétend les «dédommager», tantôt en leur offrant deux têtes de chèvres, tantôt en leur octroyant un petit Suzuki, tantôt en leur distribuant du riz et du bourghoul, tantôt en leur proposant une kolabaun kiosque ou une échoppe, Asma al-Akhras son épouse paraît soucieuse de profiter de sa réception des mères de martyrs pour soigner son image. Toujours vêtue à la dernière mode de la tête aux pieds et soigneusement manucurée, elle semble afficher des sentiments de compassion artificielle et donne à penser que «les soldats de la Patrie se sacrifient chaque jour pour défendre son élégance et son apparence et pour lui offrir l’occasion de montrer toutes les chaussures qu’elle possède». Mais «les membres de la communauté alaouite ne savent sans doute pas que ses chaussures valent 1000 dollars et plus, soit 147 000 livres syriennes, pour ne rien dire de ses habits qui dépassent allègrement cette somme».

    Un autre exemple

    Les habitants des villages de Qamhaneh et Erza, considérés comme de véritables «repaires de chabbiha», ont récemment accueilli le colonel des services de renseignements de l’armée de l’air Souheïl al-Hassan surnommé le «Tigre», nouveau responsable des opérations militaires dans le gouvernorat de Hama, au cri de «notre vie, notre sang, nous le donnerons pour toi ô Souheïl».

    Cette formule est totalement iconoclaste en Syrie pour tout autre que le chef de l’Etat, auquel elle est strictement réservée, et où elle peut mettre en danger immédiat de mort celui qui ne peut manquer d’être dès lors considéré comme un concurrent… Surtout quand elle inspire l’ouverture de pages Facebook destinées à susciter des amis à celui qu’elles présentent comme «le Tigre de Syrie»… dans une allusion évidente à Bachar al-Assad, «le Lion de Syrie». Pour avoir laissé percer ses ambitions de devenir président à la place du président, Rifaat al-Assad a été banni de son pays par son frère Hafez en 1985. Pour avoir mal dissimulé les siennes, Asef Chawkat, qui n’était qu’une pièce rapportée et n’était pas suffisamment protégé par son mariage avec Bouchra al-Assad, a été supprimé par son beau-frère, Bachar al-Assad, dans l’attentat du siège du Bureau de la Sécurité nationale, en juillet 2012…

    Aigreur dans la «communauté alaouite»

    D’autres problèmes que le nombre croissant des morts irritent aujourd’hui la communauté alaouite.

    Le premier est celui que pose la prolifération des armes dans la région côtière. Certes, les alaouites avaient besoin d’être protégés contre les raids éventuels de groupes combattants, nationalistes et surtout islamistes. Mais, au lieu de confier cette mission aux militaires, traditionnellement qualifiés en Syrie de «Protecteurs des maisons» – avant le soulèvement – le pouvoir a opté pour la distribution massive de fusils, voire de fusils d’assaut, à ses fidèles. Mais, en équipant inconsidérément des civils de tous âges, auxquels l’Association caritative al-Bustan de Rami Makhlouf et les branches locales du Parti Baath ont distribué plus de 100 000 armes dans les villes et un nombre encore supérieur dans les villages, le pouvoir a favorisé l’anarchie. Il leur a donné les moyens de se dresser les uns contre les autres avec violence à la moindre occasion, par exemple pour le vol d’une tresse d’ail, et il a facilité la multiplication dans la région des crimes, des agressions, des enlèvements et des exactions en tout genre.

    Il est aujourd’hui incapable de maîtriser une situation qui se traduit par l’apparition d’une quantité de «nouveaux chabbiha», lesquels profitent de la place laissée vacante par leurs prédécesseurs dans le métier, incorporés dans les Forces de défense nationale et mobilisés sur d’autres terrains d’action. Il a ouvert une boîte de pandore dont feront les frais ceux dont il prétendait assurer la sécurité, puisque certaines de ces armes ont été vendues et revendues, d’autres «perdues» et d’autres enfin dissimulées par leurs détenteurs, pour éviter de devoir les restituer quand elles leur seront réclamées.

    Un second problème est l’indifférence manifestée par le régime pour le sort des familles de ses partisans prises en otage. Dans le nord du pays, seule une partie des femmes enlevées avec leurs enfants lors des opérations menées sur les hauteurs de Lattaquié, au début du mois d’août 2013 ont été aujourd’hui libérées. Une vingtaine d’entre elles, avec plus de trente enfant, restent à ce jour détenuespar le Front islamique. A Adraa, dans la grande banlieue de Damas, les femmes parentes de militaires ou de membre des Comités populaires enlevées à la mi-décembre 2013, n’ont toujours pas été concernées par des négociations, le régime espérant récupérer cette ville soit par un siège, soit par des bombardements. Dans les deux cas, les ravisseurs avaient proposé au pouvoir un échange de prisonnières, mais cette offre a été à chaque fois ignorée ou refusée.

    Les menhebbakjis, les adorateurs de Bachar al-Assad, sont d’autant plus exaspérés par le pourrissement de cette situation qu’ils ont eu l’opportunité d’observer la différence de traitement par le régime de situations similaires.

    1° Une solution a en effet été trouvée qui a permis, le 9 mars 2014, la libération des 13 religieuses du couvent orthodoxe de Mar Taqla, enlevées à Maaloula quelques mois plus tôt. Elles ont été remises aux autorités syriennes en échange de la libération de 153 femmes détenues à la prison civile d’Adra.

    2° Un officier répondant au nom de Ghadir Youssef a été échangé, en avril 2014, contre une famille entière (un couple et ses deux enfants de moins de 2 ans), parce que son père, officier en poste à la Présidence, était parvenu à convaincre Salem al-Ali, conseiller du chef de l’Etat, d’obtenir une décision en ce sens du président ou du Conseil de Sécurité nationale.

    3° Des Iraniens qui combattaient à Alep avec les forces du régime ont également été libérés par leurs ravisseurs en échange de la sortie de Homs de ses derniers défenseurs, au début du mois de mai 2014…

    Mieux vaut donc, en Syrie, pour voir son sort pris en considération par les responsables, être chrétien ou Iranien, ou appartenir à une famille disposant d’accès au plus haut niveau. Ces éléments conduisent les alaouites à penser et à dire à présent de plus en plus ouvertement que, pour Bachar al-Assad, qui les recrute pour les envoyer au combat et pour protéger son pouvoir dans des affrontements dont il tient éloignés les membres de sa famille, ils ne sont guère plus que de la chair à canon.

    Se résoudre à penser que c’est sur un tel chef qu’il faudrait s’appuyer pour lutter contre Da’ech et à un dirigeant aussi contesté que devrait profiter une intervention des Occidentaux en Syrie contre cette organisation, traduirait un manque singulier d’imagination. Elle serait surtout la preuve d’un immense mépris pour les milliers de Syriens qui, en ce moment, continuent de lutter à la fois contre le radicalisme de l’Etat islamique et le jusqu’au-boutisme de Bachar al-Assad.

    (3 septembre 2014, publié sur le blog d’Ignace Leverrier; titre et intertitres de la rédaction A l’Encontre)

    [1] The Fighting shiite militias in Syria. http://sn4hr.org/public_html/wp-content/pdf/english/shia’a-en.pdf

    http://alencontre.org/moyenorient/syrie/syrie-un-accord-qui-traduirait-un-mepris-continu-pour-ceux-et-celles-qui-luttent-contre-daech-et-bachar.html

     

  • Syrie: «On pouvait entendre les cris des gens qui étaient torturés» (Amnesty)

    Par Shappal Ibrahim, militant syrien pour les droits des Kurdes

    Quand Shappal Ibrahim, militant pacifique au sein de l’Union des jeunes Kurdes, a été abordé par un agent du gouvernement syrien prétendant être lui aussi en faveur de la « révolution » dans le pays, il ne s’est pas rendu compte que cela faisait partie d’un stratagème visant à l’arrêter pour ses activités en faveur des droits humains. Après avoir accepté de rencontrer l’agent le 22 septembre 2011, il a été emmené et placé en détention à El Qamishli, où il vivait. Il a été maintenu en détention secrète pendant près de deux ans. Il était l’un des nombreux « disparus » de Syrie, jusqu’à sa libération dans le cadre d’une amnistie présidentielle, le 29 mai 2013. Ce n’est qu’alors qu’il a appris qu’un tribunal l’avait condamné, le 5 septembre 2012, à 15 ans de réclusion. Il décrit ici le traitement qu’il a subi.

    Quand nous sommes arrivés dans le centre de détention de l’une des branches du service de renseignement de l’armée de l’air à Damas, ils nous ont battus et nous ont insultés. Nous avons été roués de coups pendant des heures avant d’être jetés dans une cellule, 13 hommes dans 4 m². Nous ne pouvions nous asseoir qu’à tour de rôle.

    Un par un, les détenus ont été appelés et conduits à la salle d’interrogatoire. Leurs cris emplissaient les couloirs pendant qu’ils étaient torturés. Les gens revenaient enroulés dans des couvertures tachées de leur propre sang.

    Ils m’ont battu avec un câble et m’ont électrocuté au niveau des pieds. Ils ne me demandaient rien de précis. Ils se contentaient de m’accuser et de m’insulter, et ils m’ont frappé au visage. Ils voulaient que je signe des aveux.

    Il y avait très peu d’eau et de nourriture et nous ne pouvions dormir que quand les gardiens nous y autorisaient.

    Nous avons ensuite été transférés ailleurs, à Bab Touma, dans un autre endroit lié au service de renseignement de l’armée de l’air, puis trois mois plus tard à la prison militaire de Saydnaya, près de Damas.

    Là-bas, ils avaient un système pour nous briser.

    La nourriture était tellement insuffisante que nous avions faim en permanence et ils ne nous donnaient que quelques vêtements alors qu’il faisait extrêmement froid.

    Ils m’ont appelé pour interrogatoire de nombreuses fois et la torture ne cessait jamais.

    Ils me demandaient de me déshabiller et ils me vaporisaient de l’eau froide dessus. Ensuite, la personne qui menait l’interrogatoire me marchait dessus et me frappait le dos et les pieds.

    Dans ces moments difficiles, je pensais à mes trois enfants, à ma femme, à mes parents, à mes amis et au mouvement révolutionnaire.

    Malgré ma douleur, mes blessures, les maladies et le fait d’être coupé de ma famille, je pouvais encore sentir la révolution en moi et l’enthousiasme m’animer de nouveau. Les principes qui m’avaient conduit là sont les mêmes que ceux qui m’emplissaient d’espoir et de volonté et m’ont permis de ne pas abandonner.

    J’ai été maintenu en détention pendant un an et huit mois et je n’ai eu droit qu’à une seule visite, 22 jours avant ma libération.

    Mon petit frère, Joan, a pu venir me voir pour une visite de six minutes.

    Et puis, le 29 mai 2013, l’un des gardes est venu dans notre cellule et m’a dit que j’allais être libéré. Je ne l’ai pas cru, j’ai pensé que j’allais être exécuté. Les gardes m’ont rasé la tête et j’ai été certain que j’allais mourir. Mais là, ils m’ont simplement rendu mes affaires et m’ont libéré. Je ne savais pas pourquoi, j’étais complètement incrédule.

    Quand je suis arrivé chez moi, à El Qamishli, beaucoup de gens m’attendaient. Mes amis m’ont porté sur leurs épaules, ils avaient préparé une fête et j’ai prononcé un discours devant la foule. Cela a été un moment extrêmement important pour moi. J’ai eu l’impression de renaître, j’ai pris mes enfants et ma famille dans mes bras et j’étais empli de larmes de joie.

    Ce que j’ai vu a fait naître en moi un grand sentiment de responsabilité ; j’ai de nouveau rassemblé mon courage et je me suis promis que j’y consacrerais toute ma vie et que je n’abandonnerais pas mon peuple.

    Des informations sont de nouveau parvenues aux services de sécurité syriens concernant la poursuite de mes activités alors ils m’ont envoyé des menaces, ce qui a poussé ma famille et mes amis à me demander de quitter la Syrie.

    J’ai une dette envers mes amis et ma famille pour leur infatigable solidarité. Ils n’ont pas cessé de faire pression en faveur de ma libération, d’organiser des manifestations pour faire en sorte que mon cas ne soit pas oublié.

    Pour en savoir plus sur la campagne d’Amnesty International réclamant la fin des disparitions forcées en Syrie, consultez la page suivante :
    https://campaigns.amnesty.org/fr/campaigns/conflict-in-syria

    Ce billet de blog a été initialement publié dans le Huffington Post.

    Posted on by Sabine Vandame

    http://livewire.amnesty.org/fr/2014/09/01/syrie-on-pouvait-entendre-les-cris-des-gens-qui-etaient-tortures/

  • EI, l’Etat létal (lcr.be)

     

     

    L’EI trouve son origine dans la formation d’un noyau irakien d’Al Qaïda suite à l’invasion américaine.

    Le calife Abu Bakr al Baghdadi, a rejoint ce dernier alors dirigé par le Jordanien al-Zarkaoui. En 2006, le conseil consultatif des moudjahidines en Irak proclame l’Etat Islamique en Irak. C’est en s’impliquant dans la révolution syrienne, combattant plus l’Armée Libre que le régime Assad, particulièrement à partir de 2013, que l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) a pu se développer, s’entraînant et rivalisant avec Al Qaïda et sa franchise syrienne, le Front Al Nusra.

    Bien des régimes ont fermé à tour de rôle les yeux sur les activités de l’EI, mus par des considérations à court terme. Le pouvoir syrien a libéré à dessein au début de la révolution syrienne des jihadistes emprisonnés et s’est s’abstenu jusqu’à peu de combattre l’EI, y voyant conjoncturellement un allié contre révolutionnaire. L’EI a bénéficié des facilités octroyées par la Turquie dans le but d’affaiblir les forces kurdes. L’armée de l’EI a certes été financée par des donateurs privés de pays du Golfe peu regardants. Seigneur de guerre, il pourrait s’affranchir de sa tutelle internationale après avoir mis la main sur des puits de pétrole, des silos à grains en Syrie, des fonds bancaires irakiens, des antiquités de Syrie et d’Irak, des droits de passage à ses check points, les rançons et la vente de femmes. Il prélève par ailleurs des taxes sur le trafic du pétrole et de ses dérivés (notamment revendu au régime syrien) ou du tabac (Syrie). Il aurait récupéré l’ancienne structure fiscale irakienne et avait même prévu de nouveaux « impôts » visant les chrétiens… Quoi qu’il en advienne, l’EI s’est assuré dès le départ par ses revenus une certaine indépendance à l’égard des populations soumises.

    L’EI se présente aujourd’hui comme un Etat émergeant sur une économie de guerre, un Etat centralisé et rentier, cherchant le profit à court terme, ayant « nationalisé » le produit de ses rapines et procédant à une redistribution des richesses pour ne pas s’aliéner les populations pauvres des zones occupées qu’il n’a pas décidé d’éliminer : gratuité de l’électricité et baisse de 50% des loyers à Mossoul pour les démunis, distribution de vivres pendant le ramadan en Syrie. Il est aidé dans cette gestion par l’alliance tissée avec d’anciens cadres baathistes.

    L’EI serait en passe de contrôler une zone de la taille de la Belgique, riche en ressources et habitée par neuf millions de personnes environ. Ces zones sont plus une vaste toile d’araignée qu’un territoire homogène. Toutefois, il s’était assuré en août le contrôle total de villes : Mossul, Sinjar, Raqqa, Tikrit…Il ne s’aventure pas dans les zones qui ne lui sont pas acquises (chiites). Quant aux minorités qui le gênent, il les persécute (chrétiens) ou les extermine (yezidis, chiites turkomans, sunnites refusant de lui prêter allégeance, etc).

    Le petit nombre de militaires [1] au regard de la taille des territoires conquis le conduit à exécuter des hommes et à vendre des femmes plutôt que de juger et d’emprisonner, ou à provoquer leur exil. En effet, il ne dispose pas de toutes les infrastructures dans les zones nouvellement conquises.

    Une armée hiérarchisée qui repose sur des unités « tournantes » dont une minorité est composée d’étrangers inexpérimentés, autant de facteurs qui renforcent l’aspect hiérarchique et diminue le risque d’insoumission, sans parler des enfants soldats. Les femmes se voient dévoluer d’autres tâches comme le recrutement de femmes à marier aux chefs militaires, la fouille et le vol des captives avant leur vente, etc.

    Ensuite l’EI dispose aujourd’hui de matériel militaire pris à l’armée syrienne. Il a mis la main sur un quart du stock de l’armée irakienne (humvees, missiles et autres armement lourds) souvent de fabrication américaine et abandonné par la pléthorique armée irakienne à Mossoul, ce qui est en fait un Etat fort. En armes et en hommes, il serait supérieur aux forces de la région du Kurdistan.

    L’EI assure la subsistance ses combattants, des jeunes déclassés pour la majorité, soit des mercenaires venus du monde entier. La porosité de son recrutement laisse supposer une forte infiltration.

    L’Emirat devient Califat, une monarchie de droit divin. Le calife autoproclamé est un chef spirituel et temporel. Le discours se son porte parole, Abou Mohammad Al Adnani, a révélé son caractère ultra réactionnaire : « Musulmans, rejetez la démocratie, la laïcité, le nationalisme et autres déjections de l’Occident, revenez à votre religion ». Il a des ambitions mondiales et se nomme tout simplement Etat Islamique (EI), sommant tous les groupes jihadistes de lui faire allégeance.

    Les facteurs matériels n’expliquent pas à eux seuls les crimes de l’EI. S’ils n’ont pas encore généralisé les tribunaux, les prisons ou les cimetières et n’ont pas le « temps » de tuer les civils avant de les enterrer, ils ont en revanche le temps de violer les femmes, de décapiter les morts après les avoir tués par balles, d’exhiber les têtes, de mettre en scène des enfants dans ces scènes macabres, de les filmer et de les diffuser sur Internet. Cela répond autant sinon plus à une logique de terreur qu’à une logique purement économique, les effets de la première compensant les carences de la seconde.

    La charte régissant la vie à Mossoul est une série d’interdits et non un projet social. Leur non respect est passible d’« exécution, crucifixion, amputation des bras et des jambes ou d’exil ». Les banques rouvrent à Mossoul uniquement pour les particuliers ne faisant pas partie de l’ancien appareil d’Etat et n’étant membre d’aucune minorité.

    Lâché officiellement par les Etats du Golfe, l’EI est reconnu par Boko Haram. Il est un concurrent pour l’Emirat Islamique d’Afghanistan, celui du Caucase ou AQMI et AQPA. L’EI n’est implanté qu’en Irak et Syrie. Des manifestations de soutien ont eu lieu à plusieurs reprises en Jordanie ces trois derniers mois (Maan, Al Zarqa, Yajouz). Ses soutiens sunnites internes espérés font défection (les tribus des Chaïtat en Syrie, ou des tribus d’Al Anbar en Irak qui les combattent)

    D’essence bourgeoise et parasitaire, ultra réactionnaire dans son idéologie et contre révolutionnaire en pratique, l’EI est en dernière, mais aussi en première analyse « une bande d’hommes armés », soit la définition de l’Etat proposée par Lénine et Engels [2].

    Luiza Toscane

    [1]50 000 selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme à la mi août 2014.

    [2] Formule utilisée par Engels dans l’Anti-Dühring, avant d’être reprise par Lénine dans L’État et la révolution

    http://www.lcr-lagauche.org/ei-letat-letal/

  • Disparitions forcées en Syrie: les fantômes de la guerre (Amnesty)

    Le militant pacifique Mohamed Bachir Arab a disparu depuis le 2 novembre 2011.

    Le militant pacifique Mohamed Bachir Arab a disparu depuis le 2 novembre 2011.© DR.

    "La stratégie des autorités syriennes concernant la dissidence est implacable : exprimez une fois votre opposition et elles vous arrêtent. Recommencez et elles vous font purement et simplement disparaître.

    Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International
     
    Je n’ai eu aucune véritable nouvelle de Mohamed depuis huit mois, mais je vais continuer à le chercher. C’est quelqu’un de vraiment pacifique alors je ne comprends pas pourquoi il est en prison. Il faut que les choses changent en Syrie.” Rania, une amie de Mohamed.
     

    La dernière fois que Rania (son prénom a été modifié) a parlé avec son ami Mohamed Bachir Arab, c’était le 1er novembre 2011. Médecin travaillant dur et militant politique engagé, Mohamed Bachir Arab vivait caché depuis six mois pour essayer d’échapper aux tentacules omniprésents des services de renseignement syriens, qui arrêtent régulièrement des militants pacifiques comme lui.

    Le lendemain, les pires craintes de Rania étaient devenues réalité. Les informations du soir annonçaient que son ami avait été arrêté. Aucun de ses proches ne savait où il avait été emmené.

    Mohamed Bachir Arab était une cible désignée. Il avait été chef de file des étudiants à l’université d’Alep, dans le nord-ouest de la Syrie. Au fil des ans, il avait organisé de nombreuses manifestations contre les politiques du gouvernement, ce qui lui avait valu des ennuis avec les autorités. En 2004-2005, il avait été maintenu plusieurs mois en détention avant d’être libéré.

    Mais cette fois, ses proches et ses collègues craignaient que ce soit différent. Depuis que la crise a éclaté en Syrie en mars 2011, le nombre de personnes détenues secrètement par l’État (ou victimes de disparition forcée) a atteint des proportions démesurées.

    « La stratégie des autorités syriennes concernant la dissidence est implacable : exprimez une fois votre opposition et elles vous arrêtent. Recommencez et elles vous font purement et simplement disparaître », a expliqué Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord au sein d’Amnesty International.

    Beaucoup des personnes assez chanceuses pour être libérées après des mois, parfois même des années, de détention portent les marques du traitement cruel auquel elles ont été soumises.

    La plupart racontent être passées par certains des centres de détention qui forment le sombre labyrinthe de mauvais traitements contrôlé par les forces de sécurité et les agences de renseignement syriennes.

    « Quand quelqu’un est secrètement arrêté et détenu, il est probable que cette personne va être torturée dans le but de lui soutirer des informations ou en guise de punition. Vu le passif révoltant de la Syrie, il existe un grand risque pour qu’un tel traitement affecte gravement la santé de la personne disparue, voire entraîne sa mort », a déclaré Philip Luther.

    Et pour leurs proches, la douleur de ne pas savoir est intolérable.

    Dès que la famille de Mohamed Bachir Arab a su qu’il avait été arrêté, elle a commencé à essayer de découvrir des indices sur l’endroit où il était détenu.

    Au départ, elle n'a rien trouvé. Mais après quelque temps, des renseignements ont commencé à filtrer. Plusieurs hommes libérés de l’un des centres de détention les plus tristement célèbres du pays l’ont avertie qu’ils l’avaient vu à divers endroits.

    Peu après son arrestation, Mohamed Bachir Arab a été aperçu dans les locaux des services de renseignement de l’armée de l’air à Alep, puis dans un hôpital de la ville. L’homme qui a fourni ces informations a indiqué que Mohamed Bachir Arab souffrait de blessures à la tête qui auraient été dues à des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

    Amnesty International s’est entretenue avec plusieurs personnes qui ont été maintenues dans ce centre de détention. Un homme, qui vit désormais hors de Syrie et a demandé à ce que son nom ne soit pas révélé, a confié que la vie dans le centre était si dure qu’il aurait souvent préféré être mort.

    Il a expliqué que les détenus étaient souvent roués de coups, maintenus dans des cellules surpeuplées et que le manque d’eau potable les obligeait à boire l’eau des toilettes. L’absence d’hygiène était à l’origine d’épidémies de diarrhées et d’autres maladies infectieuses, ce qui a contribué à la mort de plusieurs détenus.

    D’après d’autres détenus libérés, Mohamed Bachir Arab a été vu dans d’autres centres de détention, notamment à la branche d’al Ameerya des services de renseignement de l’armée de l’air, à Damas, et dans les locaux des renseignements des armées à Qaboun.

    Mais les informations concernant le lieu où il pourrait se trouver sont insuffisantes. En début d’année, un autre homme a indiqué avoir vu Mohamed Bachir Arab à la prison militaire de Saydnaya, où il pourrait avoir été traduit devant un tribunal militaire, mais on ignore toujours ce qu’il est advenu de lui.

    « Le fait que, près de trois ans après qu’il a été placé en détention, personne ne sache où se trouve Mohamed Bachir Arab dresse un portrait scandaleux du fonctionnement du réseau opaque de centres de détention contrôlé par les autorités syriennes. Les implacables forces de sécurité maintiennent secrètement des personnes en détention et les déplacent dans tout le pays sans même penser à l’immense angoisse dans laquelle elles plongent les familles des détenus », a déclaré Philip Luther.

    Mohamed Bachir Arab n’est que l’un des noms qui figurent sur une longue liste de militants pacifiques, d’avocats, de journalistes et de travailleurs humanitaires perçus comme opposés aux politiques des autorités syriennes et détenus secrètement par les forces de sécurité. On est toujours sans nouvelle de beaucoup d’entre eux.

    Sur cette liste figurent Ali Mahmoud Othman, journaliste citoyen arrêté à Homs en mars 2012, Juwan Abd Rahman Khaled, militant kurde arrêté à Damas en septembre 2012, Khalil Matouq, avocat spécialiste des droits humains vu pour la dernière fois à un poste de contrôle près de Damas en octobre 2012, ou encore Nasser Saber Bondek, poète et militant humanitaire emmené de son domicile de Damas en février 2014.

    Et la liste est loin d’être complète. Ce sont les fantômes de la guerre de Syrie.

    Rania, qui vit désormais hors de Syrie, compte continuer à chercher Mohamed Bachir Arab : « Je n’ai eu aucune véritable nouvelle de Mohamed depuis huit mois, mais je vais continuer à le chercher. C’est quelqu’un de vraiment pacifique alors je ne comprends pas pourquoi il est en prison. Il faut que les choses changent en Syrie. »

    http://www.amnesty.org/fr/news/disappearances-syria-ghosts-war-2014-08-29

  • Les Etats-Unis et l’Irak, une intervention humanitaire? (Essf)

    L’intervention des forces américaines en Irak a été présentée dans les médias occidentaux et autres comme une intervention pour protéger les minorités religieuses et ethniques d’Iraq contres les avancées du groupe jihadiste ultra réactionnaire de l’Etat Islamique, EI, anciennement Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).

    Cette propagande cache les intérêts politiques impérialistes des Etats Unis dans leur intervention militaire, qui n’a aucun objectif humanitaire.

    L’EI depuis le mois de juin n’a cessé de faire des avancées militaires dans différentes régions après la prise de la ville Mossoul.

    Au début l’EI agissait au sein d’une coalition hétéroclite avec des ex baathistes et des chefs de tribus, mais le groupe jihadiste a rapidement pris le dessus sur les autres composantes. [1] L’EI a réprimé toutes les composantes de la population refusant son autorité, y compris musulmanes sunnites, tout en s’attaquant aux minorités chrétiennes et aux Yezidis (minorité kurdophone dont la religion monothéiste plonge ses racines dans le zoroastrisme pratiqué notamment en Iran). L’EI a vidé la ville Mossoul de sa population chrétienne et a occupé Qaraqosh, plus grande ville chrétienne d’Irak.

    Il faut néanmoins noter la solidarité afficher par une partie de la population musulmane de Mossoul contre les exactions de l’EI contre les chrétiens.

    Des musulmans se sont en effet joints aux chrétiens pour manifester en brandissant des pancartes portant l’inscription “Je suis chrétien, je suis Irakien”, s’interposant entre leurs compatriotes chrétiens et les jihadistes de l’EI. Mahmoud Am-Asali, professeur de droit à l’Université de Mossoul, sera le premier musulman abattu par les jihadistes pour avoir défendu des chrétiens. Le samedi 19 juillet, jour de l’arrivée à échéance du fameux ultimatum de la terreur (dans lequel les jihadistes avaient proposé trois possibilités aux chrétiens de Mossoul : « l’islam, la dhimma (impôt spécial) et, s’ils refusent ces deux options, il ne reste que le glaive »), les musulmans, à Mossoul, se sont joints à la messe, à l’église, pour prier aux côtés de leurs frères chrétiens. De même le dimanche 20 juillet, à Bagdad, à l’église catholique de Saint George.

    Les avancées et la terreur exercé par l’EI ont pour l’instant provoqué la fuite de 100 000 chrétiens qui ont été forcé de quitter leurs maisons, en plus des 20 000 à 30 000 membres de la communauté Yezidis qui sont restés piégés par l’insécurité dû à l’EI dans les montagnes de Sinjar, sans nourriture, sans eau et sans abri, selon le Haut-Commissariat de l’Onu aux réfugiés. Des milliers d’au- tres, épuisés et déshydratés, ont réussi à rejoindre le Kurdistan via la Syrie. Plus de 200 000 personnes ont été déplacés au total à cause des avancées militaires de l’EI, tandis que ce dernier a commis également des massacres contre des civils.

    L’EI disposerait d’environ 10 000 hommes en Iraq et à peu près 7 000 hommes en Syrie.

    L’intervention militaire américaine se traduit pour l’instant sous forme de frappes aériennes « ciblées » contre les jihadistes de l’EI, envoi de conseillers militaires sur le terrain, ainsi que l’envoi d’armes aux gouvernements irakien et autonomes du Kurdistan irakien. La France et la Grande Bretagne ont égale- ment fourni des armes à ce dernier. Il faut souligner le soutien de l’Iran, soi disant « anti impérialiste », à ces frappes US pour assister le régime irakien allié…

    Le régime iranien a également envoyé des pasdaran, des gardiens de la révolution, en Irak pour combattre l’EI, tandis qu’il a livré à l’Irak quelques Soukhoï SU-25, des avions d’attaque au sol et de soutien rapproché dont seuls les pasdaran sont équipés au sein des forces iraniennes. De même l’Iran continue de mobiliser et financer les milices chiites irakiennes, plus de 20 000 miliciens, que la République islamique d’Iran soutient depuis des années en Irak. La présence de membres du Hezbollah libanais est également attestée dans des tâches de commandement et de coordination des opérations. L’un d’eux, Ibrahim al-Hajj, vétéran du conflit de 2006 contre Israël, a récemment été tué dans le Nord, près de Mossoul, que l’EI contrôle depuis les tout premiers temps de son offensive de juin.

    D’un autre côté, les combattants kurdes d’Irak, de Syrie et de Turquie ont uni leurs forces dans une rare alliance, mettant leur différents de côté de manière temporaire, pour faire face aux jihadistes dans le Nord irakien dans la région de Rabia et de Sinjar, à l’ouest de Mossoul. Des combat- tants kurdes du PKK turc, du PYD syrien et des peshmergas irakiens ont en effet uni leurs forces dans une collaboration sans précédent.

    L’intervention militaire US, malgré sa propagande « humanitaire », s’inscrit néanmoins dans des objectifs politiques clairs qui sont de protéger le personnel diplomatique américain en poste station- né à Erbil, les grandes multinationales du secteur des hydrocarbures, tel que Mobil, Chevron, Exxon et Total qui exploitent le pétrole dans cette région et qui y ont déjà investi plus de 10 milliards de dollars, mais l’objectif premier est surtout de maintenir le régime irakien allié, hérité de l’invasion américaine. Les Etats Unis ne sont pas intervenus lorsque Mossoul est tombé et d’autres régions et que plus de 200 000 réfugiés se sont retrouvés sur les routes en direction du Kurdistan irakien, mais lorsque l’EI mena- çait de conquérir les territoires kurdes du Nord et la capitale Bagdad au Sud.

    C’est pourquoi les Etats Unis ne veulent que des changements superficiels au sein du régime irakien, en remplaçant uniquement le premier ministre Maliki, qui a également été lâché par son allié iranien à cause de sa gestion catastrophique du pays. Le nouveau Premier ministre, Haïdar al-Abadi, est loin de représenter une révolution, c’est un proche de Maliki et il est membre du même parti Dawa, tandis qu’il a été ministre des Communications au sein du gouvernement intérimaire mis en place après le renversement de Saddam Hussein en 2003.

    Ce dernier a reçu un soutien international, y compris de l’Iran. Le premier ministre Maliki a néanmoins tenté de rester au pouvoir, mais y a renoncé finalement. A la suite de cette annonce les responsables américains ont déclaré qu’ils pourraient accélérer l’aide économique et militaire à l’Irak si le nouveau gouvernement de al Abadi est plus inclusif en direction notamment de la population sunnite d’Irak. Mais c’est oublié que c’est la formule actuelle du régime irakien et ces mêmes forces politiques qui ont mené l’Irak dans cette situation aujourd’hui comme nous l’avons expliqué dans un article en Juin.

    La protection des minorités religieuses et ethniques n’est en effet pas du tout une priorité des USA lorsque l’on observe la pratique de ses alliés politiques dans la région, qui au contraire discri- minent et oppressent leurs minorités, comme l’Arabie Saoudite et sa minorité chiite, l’Egypte et sa minorité chrétienne copte ou chiite, ou encore Israel contre la population palestinienne, y compris chré- tienne, qui les réprime et les pousse à l’exil dans les territoires de 1948 (à l’intérieur de l’Etat sioniste) et les territoires occupés de Cisjordanie et de la Bande de Gaza, sans parler de sa politique d’apar-theid, d’occupation et de colonisation. De même les Etats Unis ne faisaient que peu de cas des attaques sur les minorités à la suite de l’invasion américaine et britannique en 2003.

    Il faut se rappeler que l’origine de l’EI se trouve en effet dans la constitution d’Al Qaeda à la suite de l’invasion américaine.

    Son leader Abu Bagdadi a commencé son expérience du jihadisme après l’invasion américaine en 2003 quand il a rejoint la branche irakienne d’Al-Qaeda sous le commandement du Jordanien al-Zarkaoui. En 2010, il prends la tête de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL aujourd’hui connu sous le nom de l’EI), qui a remplacé el-Qaëda en Irak. C’est néanmoins l’implication dans la révolution syrienne, com- battant plus souvent l’Armée Syrienne Libre que le régime Assad, particulièrement à partir de 2013 qui a permis au groupe de l’EI de devenir ce qu’il est aujourd’hui.

    Les combats en Syrie ont offert à l’EI un entraînement et des opportunités d’apprentissage sans précédent. Ensuite le groupe dispose aujourd’hui de chars, hummers, missiles et autres armements lourds pris de ses combats lors de son offensive en Irak. Ce matériel, souvent de fabrication amé- ricaine et notamment abandonné par l’armée irakienne lors de son retrait de Mossoul en juin a considérablement renforcé les capacités militaires de l’EI.

    L’intervention états-unienne est mue par des intérêts politiques et impérialistes et rien d’autre. Ces intérêts commandent aujourd’hui de maintenir le régime autoritaire et confessionnel que les Etats Unis ont créé en 2003 et qu’ils soutiennent depuis. L’EI est l’ennemi des Etats Unis parce qu’il menace la souveraineté d’un gouvernement qui collabore avec les USA, et non parce qu’il est un groupe ultra réactionnaire et confessionnel qui s’attaque aux minorités et aux irakiens en général.

    De même, si les Etats Unis ne sont pas intervenus en Syrie, ce n’est pas parce qu’ils pensent que le régime Assad protège les minorités religieuses et ethniques, mais parce qu’ils ne veulent pas renverser un régime qui a servi leurs intérêts politiques en de nombreuses occasions dans le passé, notamment en réprimant les résistances progressistes palestiniennes et libanaises au Liban et en Syrie ou qui a participé à la guerre impérialiste contre l’Irak en 1991 avec la coalition dirigée par les Etats-Unis, etc…

    Les USA veulent une « solution Yéménite » avec le régime d’Assad, c’est-à-dire maintenir les structures du régime et y incorporer une fraction de la soi-disant opposition qui servirait les intérêts occidentaux. C’est pour cette raison que les USA ne sont pas intervenus en Syrie, et non la protection des minorités. D’ailleurs les exactions de l’EI en Syrie n’ont pas poussé à un changement de politique des USA par rapport au processus révolutionnaire syrien. Les évènements en Irak ont simplement poussé le régime Assad à s’attaquer davantage à l’EI, et sa base dans la ville de Raqqa, pour appa- raître comme combattant le « terrorisme » devant la communauté internationale.

    Le régime Assad depuis le début de la révolution syrienne s’est attaché en effet à attaquer les démocrates, les comités populaires et par la suite les groupes de l’armée syrienne libre, tandis qu’il libérait de prisons islamistes et jihadistes et les laissaient se développer. Ces derniers avec le soutien politique et financier de forces régionales comme l’Arabie saoudite et le Qatar ont pu se constituer en des brigades militaires importantes et bien armées.

    La protection des minorités religieuses et ethniques, et de tous les citoyens d’Irak ne pour- ra être possible que dans le cadre d’un Etat réellement démocratique, social et débarrassé du confes- sionnalisme politique et des interventions étrangères internationales et régionales.

    De la même manière cela ne nous empêche pas de soutenir l’auto-détermination du peuple kurde, et même l’indépendance du Kurdistan irakien si cela est son choix. Ce soutien ne signifie en aucun cas un soutien au chef féodal Barzani allié des USA et de la Turquie, qui au contraire doit être combattu et considéré comme ennemi des classes populaires kurdes par ses politiques autoritaires, néo-libérales et d’alliances avec l’impérialisme occidental et de collaboration régional avec la Turquie et Israel.

    C’est pourquoi nous devons nous opposer à l’intervention impérialiste des Etats-Unis et des autres pays régionaux, comme l’Arabie Saoudite et l’Iran, et s’opposer aux jihadistes de l’EI, ses cri- mes, et ses politiques réactionnaires, ainsi qu’au gouvernement autoritaire et confessionnel de Bagdad. Ce sont les interventions étrangères qui sont une des principales raisons de la situation actuelles dans le pays.

    La nécessité en Irak, et ailleurs, est de construire un mouvement populaire social, démo- crate, progressiste et laic s’opposant au communautarisme pour permettre aux classes populaires de s’opposer aux différents groupes politiques et Etats étrangers qui cherchent à les diviser sur une base religieuse et/ ou ethnique, les appauvrissent avec des politiques néo-libérales, et les oppriment au moyen de mesures autoritaires et repressives.

    Joseph Daher  18 août 2014

    Notes:

    [1] Pour un background sur les évènements de juin voir "Syrie : une révolution qui persiste, malgré tout“, Joseph Daher], disponible sur ESSF (article 32346).

     

  • Les camps palestiniens dans la révolution syrienne (Noria)

     

    Arrivés par vagues successives du nord de la Palestine en 1948, du Golan en 1967 et du Liban dans les années 1980, les Palestiniens sont aujourd’hui 500 000 à vivre en Syrie, la plupart dans des camps de réfugiés progressivement transformés en quartiers périphériques des grandes villes.

    Quoique bien intégrés et bénéficiant d’un statut juridique relativement favorable, ils ne peuvent avoir accès à la nationalité syrienne[1].

    Le régime syrien s’est toujours, et de façon très nette depuis le début de la révolte, appuyé sur les minorités, se présentant comme leur protecteur face au spectre de la division confessionnelle et ethnique pour s’assurer soutien populaire et crédibilité sur la scène internationale.

    La population palestinienne ne peut certes pas être considérée comme une minorité nationale, mais son soutien est néanmoins précieux dans la mesure où le discours officiel du régime conditionne au maintien au pouvoir de Bachar al Assad la survie de la « résistance » à Israël. Ce soutien semble aujourd’hui bien entamé et le régime est conscient de l’impact symbolique que constitue une mobilisation des Palestiniens aux côtés des révolutionnaires syriens. En avril 2012, l’intellectuel palestinien vivant en Syrie Salama Kila a ainsi été arrêté, torturé puis expulsé en Jordanie pour avoir écrit dans un journal clandestin que «pour libérer la Palestine, il est nécessaire de faire tomber le régime [syrien]»[2]. C’est ce nouveau regard sur le régime, comme frein et non moteur de la résistance à Israël, ainsi qu’un sentiment de solidarité avec la population syrienne, qui a fait progressivement entrer les camps palestiniens dans la géographie de la révolte syrienne.

    On se concentrera ici davantage sur les logiques de mobilisation de la jeune génération des camps, en laissant délibérément de côté les conflits, les prises de positions et les doutes des factions politiques palestiniennes traditionnelles à l’égard de la crise syrienne. Il semble en effet que celles-ci n’aient eu que peu d’influence sur les choix et les orientations récentes des Palestiniens, qui, de même que les révolutionnaires tunisiens et égyptiens, rejettent de plus en plus les structures partisanes[3].

    Il est possible de distinguer trois niveaux de participation des Palestiniens de Syrie à la mobilisation, correspondant à trois périodes successives.

    Durant les premiers mois de la révolte, les camps restent calmes. On observe alors cependant une participation indirecte et passive des Palestiniens. Pour tenter de la comprendre, une étude de la géographie des camps, en particulier leur répartition dans le pays et la place qu’ils occupent dans chaque ville, peut s’avérer utile.

    À partir du mois de juin 2011, la contestation entre dans les camps palestiniens qui se révoltent non pas contre le régime syrien directement mais contre les milices palestiniennes pro-régime.

    Enfin, depuis quelques mois seulement, la participation des Palestiniens à la révolte semble être entrée dans une troisième phase, celle de l’intégration active et directe, adoptant cette fois les mêmes moyens d’action, les mêmes modes d’organisation et les mêmes revendications que les révolutionnaires syriens.

    Socialisation et politisation de la jeunesse palestinienne en Syrie

    De toute évidence, la volonté du régime et de certaines factions palestiniennes de maintenir les réfugiés hors des événements que traversait la Syrie était illusoire. Bénéficiant d’un statut juridique favorable, les Palestiniens se sont intégrés à la société syrienne. Ils sont désormais représentés dans toutes les classes et catégories sociales.

    Une partie, certes minoritaire, de la population palestinienne a pu tirer profit de l’ouverture économique des dix dernières années. La qualité de l’enseignement des écoles de l’UNRWA[4] auxquelles ont accès les Palestiniens en Syrie, ainsi que le capital culturel élevé de nombreux réfugiés aux origines citadines, ont rendu possible l’ascension sociale d’une partie d’entre eux. Ils sont très présents dans les universités ainsi qu’à tous les niveaux des secteurs public et privé, en particulier dans les professions intellectuelles telles que l’enseignement et le journalisme.

    Du fait de cette ascension sociale, de nombreux Palestiniens vivent désormais hors des camps, notamment dans le centre des grandes villes du pays. Les camps sont quant à eux sont également habités par de plus en plus de Syriens attirés par leur loyers bon marché. Le statut de « réfugié » et la qualification de « camps » pour designer les quartiers palestiniens, ne doit pas cacher la réalité de l’intégration et de la socialisation de la population palestinienne à la société syrienne. Ainsi, malgré le discours des factions palestiniennes traditionnelles, les réfugiés se sentent tout autant concernés par les événements. Comme le confiait avec ironie à l’auteur un étudiant du camp de Yarmouk à propos de la prétendue égalité entre Palestiniens et Syriens : « Finalement, nous sommes comme les Syriens : comme eux je ne peux pas voter pour changer de président, je dois faire le service militaire et si je me plains je vais en prison. Nous sommes égaux dans la souffrance et dans la détestation de ce régime ».

    Dans la Syrie prérévolutionnaire, où la question palestinienne et plus généralement la « résistance » à Israël jouissaient d’un quasi monopole dans le débat public, la dictature ayant anéanti tout espace politique et toute dissidence intérieure, les camps palestiniens se distinguaient fondamentalement des quartiers syriens par l’omniprésence de la politique dans l’espace public. Portraits, drapeaux et affiches des innombrables  factions palestiniennes couvrent les murs et remplissent les échoppes des camps. Outre les activités militantes, les factions palestiniennes organisent des activités culturelles, entretiennent la mémoire des « martyrs »,  gèrent des clubs de sport, offrent des bourses d’études, etc. S’ils rejettent aujourd’hui les factions, les Palestiniens sont dès le plus jeune âge confrontés et imprégnés de leurs discours politiques.

    Les camps palestiniens, « poumons des villes assiégées »

    La mobilisation des Palestiniens de Syrie a tout d’abord pris la forme d’une participation passive et indirecte à la révolte. La majorité d’entre eux préférait rester en dehors du conflit. Le souvenir du sort réservé aux Palestiniens en Jordanie, au Liban et en Irak, qui ont payé cher leur engagement dans la politique intérieure, les incitait à ne pas prendre position dans un conflit dont l’issue était plus qu’incertaine[5].

    Hésitant à participer directement à la révolte, ou du moins en tant que Palestiniens, de nombreux militants jugeaient inopportun d’organiser des manifestations dans les camps et préféraient grossir les rangs des cortèges des quartiers voisins. De fait, les camps palestiniens sont souvent situés à proximité des quartiers à la pointe de la mobilisation.Construits en périphérie des grandes villes, les camps se retrouvent aujourd’hui dans des banlieues densément peuplées, d’une population le plus souvent pauvre et sunnite arrivée avec l’exode rural, des travailleurs kurdes et turkmènes, des déplacés originaires du « Golan occupé ».

    À Damas, les camps Yarmouk-Falestine jouxtent le quartier de HajrAswad, l’une des premières villes de la banlieue de la capitale à s’être mobilisée.  Le camp palestinien de Homs se trouve tout près de l’université et du quartier de Baba Amr, aujourd’hui entièrement détruit par les bombardements. Le quartier de al-Ramel à Latakieh est coupé en deux, entre une partie syrienne sunnite au nord, qui s’est mobilisée dès le début de la révolte et un camp palestinien informel au sud. On retrouve une situation équivalente à Deraa et à Hama.

    Cette proximité permet ainsi à certains jeunes Palestiniens des camps de participer aux manifestations des quartiers voisins, mais également d’offrir un refuge aux activistes pourchassés, aux déserteurs en fuite, aux blessés évitant les hôpitaux et aux familles déplacées. La surveillance étant souvent considérée comme moins intense dans les camps palestiniens, de nombreux militants syriens s’y réunissaient et s’y cachaient. Les comités locaux de coordination, qui organisent le mouvement dans chaque quartier, ont décrit les camps palestiniens comme « les poumons des villes assiégées »[6].

    En effet,  Deraa, première ville ayant subi le siège de l’armée, a bénéficié pendant un temps de l’aide matérielle fournie par les Palestiniens que ce siège avait relativement épargnés. Le même phénomène s’est produit à Homs où, selon plusieurs témoignages, les premières armes récoltées par les opposants  auraient été fournies par des Palestiniens[7]. Un peu plus tard, le 15 août 2011, le quartier de al-Ramel à Latakieh, sur la côte méditerranéenne, a été investi par l’armée à la suite d’une série de manifestations. Les opposants pourchassés se sont retranchés dans le camp palestinien voisin qui a alors été bombardé par la marine.

    La révolte contre les factions palestiniennes pro-régime

    Avant de se révolter contre le régime syrien, c’est contre les partis palestiniens que la colère de la jeunesse des camps va se tourner. Aux cris de « al sha’ab yourîd isqât al fasâ’il » (le peuple veut la chute des factions), la population des camps s’approprie le fameux slogan des révolutions arabes[8] et déclenche sa révolution au niveau local, à l’intérieur des camps.

    Contrairement aux accusations portées par la propagande du régime syrien, les partis n’ont pas joué de rôle essentiel dans la mobilisation des Palestiniens.

    De fait, différents partis politiques palestiniens sont actifs dans les camps. Seul le Hamas, allié traditionnel du régime syrien, a pris ses distances avec la « solution sécuritaire » du pouvoir. Le bureau politique du mouvement a quitté Damas pour s’installer entre le Caire et Doha. Si la plupart des partis affichent leur soutien au régime, certains se montrent de plus en plus prudents, craignant de perdre leur soutien populaire.

    C’est notamment le cas du FDLP (Front Démocratique pour la Libération de la Palestine) et duFPLP(Front Populaire pour la Libération de la Palestine). Le Fatah a été accusé par le régime d’être responsable des premiers troubles à Deraa puis à Latakieh. Les dirigeants du mouvement n’ont eu de cesse de démentir toute implication, Mahmoud Abbas allant même jusqu’à nier la participation des Palestiniens aux manifestations en Syrie[9].

    D’autres factions restent au contraire fidèles à Damas, participant même à la répression du soulèvement, au premier rang desquelles le FPLP-Commandement Général, d’Ahmed Jibril[10]. Ce parti est considéré par de nombreux opposants comme la branche palestinienne des services de renseignements syriens. De fait, ce sont les milices du FPLP-CG, les seules réellement armées, qui assurent la sécurité et la répression dans les camps. C’est donc contre ces milices que vont se révolter les Palestiniens à partir du mois de juin 2011.

    C’est lors de la commémoration de la Nakba et de la Naksa, le 15 mai et le 5 juin 2011 que les premières émeutes éclatent dans les camps palestiniens. Chaque année, l’anniversaire de l’exode des Palestiniens en 1948, puis celui de la défaite de 1967, donnent lieu à des manifestations en faveur de la libération de la Palestine et du retour des réfugiés. À ces occasions, le 15 mai et le 5 juin 2011, des Palestiniens de Syrie ont manifesté à la frontière israélienne, parvenant même à la franchir et à s’introduire dans le « Golan occupé ». La marche du 5 juin fut particulièrement violente puisqu’une vingtaine de manifestants ont été tués par des soldats israéliens. C’est pendant les funérailles de ces victimes, le lendemain à Yarmouk au sud de Damas, que la première émeute a éclaté contre les factions palestiniennes. Le cortège funéraire s’est transformé en manifestation, s’attaquant au FPLP tout d’abord et FPLP-CG ensuite, dont le siège a été brulé et plusieurs cadres tués.

    Contrairement à ce qui a souvent été présenté dans les médias[11], l’idée de se rendre à la frontière n’était pas qu’une manifestation orchestrée et pilotée par le régime syrien destinée à détourner l’attention des problèmes internes à la Syrie. Il s’agissait en réalité d’une initiative créée par un groupe de jeunes Palestiniens, pour la plupart opposés au régime syrien, rassemblés dans les mouvements de la « troisième Intifada »et de la « Révolution des Réfugiés »qui souhaitaient étendre le printemps arabe à la Palestine. L’objectif était même pour certains de tenter de ridiculiser l’armée syrienne en montrant que des manifestants désarmés étaient capables de franchir une frontière qu’aucun soldat syrien n’osait approcher. Cependant, les autorités syriennes ont tenté de détourner cette initiative à leur profit, tout d’abord en autorisant les manifestants à se rendre à la frontière, ce qui n’avait jamais été possible auparavant, mais également en leur fournissant des autobus.

    C’est la tentative de récupération de l’événement, et notamment des « martyrs », qui a mis le feu aux poudres. De nombreux jeunes Palestiniens disent avoir compris à compter de cette date du 5 juin que le régime syrien utilisait la question palestinienne ainsi que celle des réfugiés pour son propre agenda politique.Cet événement a achevé de déconstruire le mythe de la Syrie championne de la « résistance » à Israël. Consciente de cette tentative d’instrumentalisation, la jeunesse des camps entame alors un bras de fer avec les factions pro-régime. En cette année 2012, au lendemain du dernier anniversaire de la Nakba, on constate qu’une telle marche commémorative n’a pas eu lieu.Le régime, n’ayant plus confiance en la foule palestinienne, ne peut désormais plus se payer le luxe de la mobiliser sans risquer de la voir se retourner contre lui.

    L’entrée tardive dans la révolution

    Après s’être développée de façon autonome par rapport au soulèvement syrien, et répondant à des dynamiques propres aux camps, la mobilisation des Palestiniens s’intègre finalement à la révolution syrienne à partir des mois de février et mars 2012. C’est donc au bout d’un an de révolte que l’on peut observer un rapprochement entre les logiques et les modes de mobilisation des  camps et celles des quartiers qui les entourent.

    Il ne s’agit plus de combattre les autorités locales dans les camps, c’est-à-dire les milices du FPLP-CG et les shabbiha[12] palestiniens, payés par de grandes familles palestiniennes proches du régime,  mais de réclamer désormais, aux côtés des Syriens, la chute du régime. Les mêmes formes de lutte et les mêmes modes d’organisation apparaissent alors dans les camps. Descoordinations locales (tansîqiyyat mahalia)[13], ont été créées dans chaque camp sur les mêmes modèles et en coordination avec les tansîqiyyat syriennes des autres quartiers et organisent des manifestations nocturnes quotidiennes.

    Les militants recueillent des informations et publient sur le réseau social Facebook des listes de noms et des photos de « collaborateurs », soupçonnés de travailler avec le régime ou avec le FPLP-CG. Des soldats de l’Armée de Libération de la Palestine(ALP)[14] désertent et rejoignent l’Armée Syrienne Libre (ASL) faisant le serment de libérer la Syrie d’abord, la Palestine ensuite. Les milices du FPLP-CG toujours présentes dans les camps menacent les familles des potentiels déserteurs, ce qui explique que les défections soient pour l’instant peu nombreuses et rarement publiques[15]. Le climat au sein de l’armée de libération est extrêmement tendu. À la fin du mois de mars, trois officiers ont été assassinés en pleine rue à Yarmouk. Des attaques contre des personnalités connues pour leurs opinions hostiles au régime répondent aux opérations de l’armée libre contre des Palestiniens soupçonnés de participer à la répression. Le responsable de la sécurité du camp de Yarmouk, Imad Serya, a été assassiné par l’ASL[16]. Depuis la fin du mois de juillet, les combats à l’intérieur des camps sont quotidiens. Le camp de Deraa est régulièrement bombardé. À Yarmouk, au cœur de la « bataille de Damas » qui se concentre aujourd’hui dans la banlieue sud autour des quartier de Tadamon et Hajr Aswad, des brigades palestino-syriennes de l’ASL affrontent les blindés de l’armée régulière. Les camps ressemblent désormais au reste de la Syrie.

    L’entrée tardive et hésitante dans le mouvement révolutionnaire s’explique par la crainte de prendre position dans un conflit que de nombreux Palestiniens considèrent comme interne à la Syrie. Cependant on peut constater une certaine redéfinition identitaire de la jeune génération dans les camps palestiniens[17]. Les shebbab al-moukhayem, les jeunes du camp,  comme ils aiment à se présenter, revendiquent plus aisément leur identité locale, de quartier, que leur identité strictement palestinienne. Certains se présentent également comme syro-palestiniens. Lorsque leur est rappelée leur identité palestinienne, ils ironisent en affirmant qu’ils ne sont pas « les enfants de Sykes-Picot », rejetant ainsi le découpage colonial des frontières de la région.

    Tout comme les Syriens, les jeunes Palestiniens sont conscients de souffrir de la dictature, de la répression et de la corruption. L’existence de shuhada’,« martyrs » palestiniens de la révolution syrienne, participe à la construction de ce nouveau référent identitaire à travers la construction en cours d’une histoire commune. Cela se traduit donc par une mobilisation non plus côte à côte, mais avec les Syriens, comme cherche à le montrer ce slogan des manifestations palestino-syriennes: « wahed wahed wahed, falistini souri wahed »(un, un, un, les Palestiniens et les Syriens ne font qu’un).

    Felix LEGRAND

     
    Pour citer cet article:

    Legrand, Felix. « Les camps palestiniens dans la révolution syrienne ». Noria, 19 août 2012, [En ligne] http://www.noria-research.com/les-camps-palestiniens-dans-la-revolution-syrienne (date de consultation)

    Notes:

    http://www.noria-research.com/2012/08/19/les-camps-palestiniens-dans-la-revolution-syrienne/

  • Palestine. Traduire les exigences du peuple de la Palestine historique et des opprimé·e·s d’une région entière (Al'E)

    Ce 15 août 2014, au Caire, se poursuivent les négociations indirectes – sous la houlette des services de l’intelligence militaire du président, ex-maréchal, Abdel Fattah al-Sissi – entre la «délégation palestinienne» et «la délégation israélienne». Cette dernière est formée de membres des divers services de l’armée et de la «sécurité». Avec leurs collègues d’Egypte il n’y a donc pas besoin de traducteurs.

    Pour disposer d’un pâle reflet du rapport de force effectif et de ce que représente le sys- tème territoires-libérés-pour-être-mieux contrôlés (Gaza), il suffit d’avoir connaissance de deux éléments abordés lors de ces tractations. Ainsi, l’Etat d’Israël semble prêt à permettre le transfert d’une somme pour le paiement des 40 000 fonctionnaires du Hamas à Gaza. Paiement qui serait effec- tué par l’Autorité palestinienne (AP) de Mahmoud Abbas et par ceux qui la financent.

    Cette information – élémentaire – est offerte par le quotidien israélien Yedioth Ahronoth qui suit les transactions cairotes. Autre «concession» d’Israël: le nombre de camions transitant par le point de contrôle de Karam Abu Salem pourrait passer à 600 par jour. Reconstruction oblige. Mais seront encore précisées les modalités de surveillance de ces convois ainsi que de leur contenu. Cette vigilance ne doit pas faire obstacle à un business favorable à l’économie d’Israël et à l’AP, dont les membres sont amateurs de quelques «dons».

    Pendant ce temps, un pilonnage de Gaza, par Israël, reste possible. Cela dans la mesure où il faudrait «recadrer les négociations» selon les vœux du gouvernement israélien et de son «conseil de sécurité».

    Pour l’heure, laissons de côté ces négociations indirectes, le rôle attribué à un Mahmoud Abbas qu’il «faut renforcer», les déclarations des diverses fractions du gouvernement israélien, les multiples chantages diplomatiques face à des Etats-Unis moins triomphants, les frictions au sein de la «délégation palestinienne», le rôle de l’Egypte et de ses alliances, etc.

    En effet, conjointement aux pourparlers du Caire, se déroule une autre tragédie, d’une ampleur historique.

    L’International New York Times, du 15 août, l’a compris. En première, avec photographie à l’appui, il titre : «Syria rebellion teeters on defeat» (La rébellion syrienne bascule vers la défaite). Les forces du peuple insurgé de Syrie ont dû se battre – sans appui – contre la dictature de Bachar el-Assad et contre les criminels de l’Etat islamique (ex-Etat islamique en Irak et au Levant). Sur la chaîne israélienne I24News, ce 15 août 2014, à 16 h 50, dans une émission consacrée à «la défense», Alon Pinkas, ancien consul général d’Israël à New York, reconnaissait que l’Armée syrienne libre (ASL) n’avait pas été soutenue par les Etats-Unis et par Israël.

    Pour une raison dite évidente: ce «boucher, ce criminel» (selon les termes de Pinkas), Bachar el-Assad, assurait le plus de stabilité relative dans la région. Ce d’autant plus qu’il «était affaibli» et qu’il n’existe pas d’alternative plus favorable pour ceux qui ont des intérêts dans cette région tourmentée. Plus exactement une région torturée: 180 000 morts, des centaines de milliers de blessé·e·s, des traumatismes pour des centaines de milliers d’enfants, d’adolescents, d’adultes, des millions de «personnes déplacées» en Syrie et dans les pays voisins, des milliers et milliers de déte- nu·e·s torturé·e·s. Cette lugubre énumération doit être répétée de manière inlassable; entre autres en direction de ceux et celles qui se mobilisent, à juste titre, pour les droits du peuple palestinien, mais qui expriment, au mieux, un égarement d’ignorant, au pire, un fanatisme rappelant les adeptes du «culte de Mao», avant leur conversion! Une volte-face qui frappe souvent les dévots.

    Parallèlement, les prosélytes armés de l’Etat islamique viennent de prendre, ces derniers jours, le contrôle de huit localités situées au nord d’Alep. Cette ville historique de Syrie – peuplée aujourd’hui d’un maximum de 500’000 habitants alors qu’elle en comptait plus de 2 millions en 2009 – est bom- bardée quartier par quartier par l’armée de Bachar el-Assad. En Irak, des dizaines de milliers d’Ira- kiens – de diverses confessions – cherchent à survivre dans des régions montagneuses et désertiques et à trouver refuge dans des villes du Kurdistan irakien ou en Syrie. Sans ces refuges, ces milliers de fugitifs seront soumis aux plus insupportables supplices.

    Voilà l’arrière-plan complexe et dramatique sur lequel va se dérouler, le 23 août 2014, une manifestation nationale de soutien aux droits du peuple palestinien. Il est dès lors impératif de prendre en compte cette réalité d’ensemble, même de façon sommaire. Les réunions dites unitaires ne semblent pas traduire une telle exigence. L’appel dit unitaire va être publié. Dans le cadre d’échan- ges préparatoires à cette manifestation, des membres du Mouvement pour le socialisme/Bewegung für Sozialismus (MPS-BFS) – qui partagent les objectifs généraux de la campagne BDS (Boycott, désin- vestissement et sanctions) – ont proposé le texte ci-dessous, datant du 10 août 2014. Un texte qui se veut élémentaire. Le MPS-BFS fera connaître sa propre analyse et ses options pour la solidarité avec les opprimé·e·s et les exploité·e·s de la Palestine historique et de la région, lors de la manifestation du 23 août 2014 à Berne. (Rédaction A l’Encontre)

    Les bombardements sur Gaza doivent cesser !
    Le blocus de Gaza doit être levé !
    Halte à la colonisation de la Cisjordanie !
    Pour l’application de toutes les résolutions de l’ONU !
    Pas de collaboration entre les appareils militaro-industriels d’Israël et de Suisse !

    Depuis le 8 juillet 2014, la puissante machine de guerre israélienne pilonne Gaza. En réalité, depuis des décennies, il ne s’agit que d’une guerre, dont les phases sont de plus en plus meurtrières. Une guerre pour contrôler, harceler, emmurer, emprisonner, expulser les Palestiniens et les Palestiniennes. Et contraindre des centaines de milliers de réfugié·e·s à littéralement croupir dans des camps-ghettos au Liban, en Jordanie, en Syrie.

    Un terme doit être mis à cette guerre. Une tâche historique, difficile, mais décisive pour l’émancipation de tous les peuples. Cette tâche repose sur les épaules blessées du peuple palestinien et sur sa volonté inébranlable, malgré toutes ses souffrances. Elle repose de même sur le combat contre tous les pouvoirs autocratiques de la région, complices des divers impérialismes.

    En Europe comme en Suisse, toutes les formes de solidarité avec le peuple palestinien – et ses frères dans la région – participent de ce combat pour la libération nationale et contre un Etat colonialiste. Une solidarité décidée, continue, concrète – au-delà de sa modestie – relève d’un impératif éthique universel. Elle est reçue comme telle par les opprimé·e·s de la Palestine historique. Cette fraternité est aussi entendue par les Arabes israéliens.

    Une minorité, en Israël, qui s’oppose à la politique guerrière et colonisatrice du gouvernement, peut comprendre le sens d’actions solidaires pour les droits du peuple palestinien car elles renvoient à des principes intelligibles que le sionisme fondamentaliste n’a pu gommer. Cela peut ébrécher «l’unité nationale sioniste» qui se reconstruit à coups de guerres dites défensives.

    Face à ces guerres à répétition contre le peuple palestinien, le premier devoir de la solidarité consiste à diffuser les revendications centrales portées par la société civile palestinienne :

    • un peuple occupé et opprimé détient le droit de se défendre et de mettre fin à l’occupation et à la colonisation des terres reconnues internationalement comme les siennes ;

    • le démantèlement du mur de séparation ;

    • l’arrêt de l’édification de colonies et l’établissement d’un plan régional pour la dislocation de celles établies contrairement à la résolution 446 du Conseil de sécurité, du 22 mars 1979. Elle affirmait que «ces colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 n’avaient aucune validité en droit et faisaient gravement obstacle à l’instauration d’une paix générale, juste et durable au Moyen-Orient» ;

    • la mise en place d’une initiative intergouvernementale afin d’assurer le droit de retour et l’indemnisation des réfugié·e·s, selon les termes de la résolution 194 de 1948 de l’ONU ;

    • l’interruption de l’occupation déguisée de Gaza par le biais du blocus et le rejet d’une mise sous mandat international de la bande de Gaza ;

    • la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens, doublement emprisonnés par le pouvoir israélien ;

    • l’application stricte de tous les droits fondamentaux des citoyens et citoyennes arabes israéliens, ce qui implique la dissolution du système de ségrégation qui les vise.

    Un vaste mouvement de solidarité en Suisse – au-delà de sa configuration plurielle, normale – met l’accent sur :

    • l’arrêt de toute collaboration militaire et coopération en matière d’armement de la Suisse avec l’Etat d’Israël. Dans l’immédiat, l’achat de drones israéliens doit être révoqué ; dans cette optique peuvent être développés des objectifs de la campagne internationale BDS ;

    • la convocation par les autorités suisses, en qualité d’Etat dépositaire des Conventions de Genève, d’une conférence pour l’application du droit humanitaire ;

    • le soutien à des initiatives internationales assurant la constitution d’une enquête complète sur l’opération «Bordure protectrice», cela afin que toute plainte qui serait déposée devant la CPI par des représentants de la société civile palestinienne puisse développer ses effets aux plans juridiques et économiques ;

    • la reconnaissance du statut de réfugié politique aux Palestiniens visés par le pouvoir militaire et policier israélien, comme à toutes les personnes menacées de mort, de torture et de prison par les gouvernements autocratiques de la région et par les forces obscurantistes et criminelles de l’Etat islamique. (10 août 2014)

    Rédaction A l’Encontre Publié par Alencontre le 15 - août - 2014

    http://alencontre.org/moyenorient/irak/palestine-traduire-les-exigences-du-peuple-de-la-palestine-historique-et-des-opprime%C2%B7e%C2%B7s-dune-region-entiere.html

  • Solidarité Syrie : rassemblement le 21 août à Paris (Essf)

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    Un an après le massacre à l’arme chimique perpétré à la périphérie de Damas par Bachar Al Assad

    Jeudi 21 août 2014, Paris commémore sa libération, il y a 70 ans, du régime nazi ; ce soir là, en solidarité avec le peuple syrien, nous dirons « non à l’impunité » du nazillon qui, il y a tout juste un an, a gazé plus de mille Syriens dans la banlieue de Damas.

    Massacre à l’arme chimique du 21 août 2013

    L’impunité 1 an après !

    Il est impensable que le funeste anniversaire du massacre à l’arme chimique perpétré par Bachar Al Assad, le 21 août 2013, soit commémoré dans l’indifférence générale.

    Ce jour du mois d’août 2013, sur les quartiers Sud et Ouest de la périphérie de Damas, l’armée de Bachar Al Assad a lancé des missiles balistiques sol-sol contenant du gaz sarin faisant plus de 1000 victimes, notamment des centaines d’enfants. À l’encontre de ceux qui continuent de distiller une forme de négationnisme concernant cette attaque chimique [1], rappelons que « la Commission d’enquête mandatée par l’ONU confirme les allégations d’utilisation de gaz sarin par le régime, avec des preuves accablantes et irréfutables ». Le 9 septembre 2013 le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon a qualifié devant le Conseil de Sécurité de l’ONU de crime de guerre cet acte barbare, et il a demandé que les responsables de ce crime soient présentés à la justice.

    Malheureusement les grandes puissances, par un aveuglement irresponsable et par lâcheté, ont fait peu de cas du franchissement de la « ligne rouge » par Bachar Al Assad le 21 août 2013, lui donnant par là-même le droit de continuer à massacrer son peuple en toute impunité. Les bombardements d’habitations par des barils de chlore ou d’explosifs continuent de semer la mort et la désolation dans une indifférence quasi- générale. La liste des syriens morts sous la torture dans les geôles du régime ne cesse de s’allonger. La Cour Pénale Internationale n’a toujours pas été saisie.

    Bachar Al Assad, peut ainsi continuer à martyriser le peuple syrien et ses enfants, partageant son entreprise de mort avec celle des intégristes qu’il a aidés à prospérer aux dépens des démocrates syriens jusqu’à l’actuel embrasement de toute la région.

    Après quarante-trois années de dictature et 40 mois de Révolution pour une Syrie libre et démocratique, nous réaffirmons avec force notre exigence de mesures de protection du peuple syrien lui donnant les moyens d’en finir avec la destruction du pays, les bombardements et la terreur d’État. Nous en appelons à une solidarité en actes et à une mobilisation de toute la société française pour soutenir ceux qui se battent pour le respect des droits humains contre la dictature et contre les groupes obscurantistes. Cela passe notamment par une aide humanitaire décuplée. Nous demandons que la France et l’Union européenne aident les Syriens à arrêter le massacre des populations et la destruction d’un inestimable patrimoine de toute l’Humanité, et à reprendre la main sur leur avenir.

    Rassemblement le jeudi 21 août à 18 heures Devant la Fontaine Place St Michel

    Métro Saint Michel, ligne 4

    Signataires :

    Collectif Urgence Syrie, Souria Houria, Coordination de Paris pour le soutien de la Révolution syrienne, Déclaration de Damas, Collectif du 15 mars, L’Association des Amis de Samir Kassir, CISLD (Comité d’Information pour une Syrie Libre et Démocratique), Appel Solidarité Syrie, LDH, MRAP, ATTAC, UJFP, FEMED [2], REMDH, Mouvement Émancipation, EÉ – Les Verts, NPA, Appel d’Avignon à la solidarité avec le peuple syrien, …

    Notes

    [1] On a dénombré 20 attaques chimiques en 2013 (Alep, Damas, Homs, Idleb, Deraa) et 10 en 2014 à ce jour.

    [2] Fédération Euro-Méditerranéenne contre les disparitions forcées.

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article32789