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Syrie - Page 48

  • "Entre aspiration à un espace transnational et cristallisation autour d’identités nationales bien réelles" (Npa)

    Analyse.  Entretien. Daoud est docteur en science politique et chercheur à Amman en Jordanie.

    Avec lui, nous revenons sur la situation du Moyen-Orient depuis la fin du « partage du monde » USA-URSS et la politique des grandes puissances depuis.

    Quelles ont été les conséquences de la fin du bipolarisme mondial USA-URSS sur la région ?

    La chute de l’URSS a eu des effets contradictoires sur le monde arabe. D’un côté, l’URSS s’était clairement désengagée, sous le mandat de Gorbatchev, des questions moyen-orientales. De plus, le rapport de l’URSS au monde arabe fut paré d’ambiguïté : soutien à la naissance d’Israël en 1948, pour, quelques années plus tard, favoriser le transfert d’armes tchécoslovaques à l’Égypte de Nasser, dans le cadre d’un conflit général entre l’Égypte nationaliste arabe et Israël.


    En dépit de ces contradictions, la chute du bloc soviétique a favorisé une crise générale des gauches arabes : des formations comme le Parti communiste libanais ou le Front populaire pour la libération de la Palestine ont perdu, à partir de 1989, une manne financière, et indirectement militaire, qui était bien réelle.

    Si la montée des courants islamistes précèdent clairement, dès le début des années 1980, la crise des gauches arabes, il est certain que l’abandon de l’aide soviétique au début des années 1990 a permis une inversion radicale du rapport de forces entre forces islamistes et mouvements de gauche.

    Y a t-il une relation entre les guerres actuelles et la division territoriale imposée par les impérialistes anglais et français avec les accords de Sèvres et Lausanne (1920-1923) ? Peut-on parler d’État-nation dans la région, dans le sens où des communautés de peuple décident de partager un « destin » national dans un espace géographique défini ?


    Les accords Sykes-Picot, en 1916, tout comme la conférence de San Remo, en 1920, associé à l’abolition du califat ottoman en 1924, ont permis une nouvelle définition des frontières dans le monde arabe. Clairement, l’ensemble des forces politiques du monde arabe, des nationalistes arabes baathistes et nassériens aux islamistes en passant par la gauche, ont porté jusqu’à aujourd’hui ce refus des frontières coloniales imposées à l’époque.

    Il y a encore aujourd’hui une réalité panarabe : elle se définit par une langue commune, présente dans les médias transnationaux arabes, par un attachement commun, du Maroc au Yémen, à la cause palestinienne. En même temps, une certaine réalité des États-nations s’est imposée : il y a bien un nationalisme tunisien, égyptien, des particularités nationales construites. Le monde arabe vit perpétuellement cette dialectique entre aspiration à un espace transnational qui n’est pas rêvé, et cristallisation autour d’identités nationales bien réelles.

    Depuis 1980 et l’Afghanistan, le bloc impérialiste occidental, et ses alliés locaux, ont favorisé l’émergence de groupes « militaires » idéologiquement religieux. Aujourd’hui, ces groupes, descendants de ces années d’affrontement entre les deux blocs, sont-ils toujours soumis à l’agenda occidental, ou bien ont-il leur propre agenda, contradictoire avec celui du bloc occidental ?

    Tout dépend ce qu’on entend par « groupes religieux armés ». Certains groupes religieux entretiennent un antagonisme continu avec les États-Unis, comme le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien. D’autres, anti-­américains autrefois, comme le mouvement islamiste Ennahdha tunisien, veulent aujour- d’hui un modus vivendi avec les États-Unis et l’Union européenne. Le dernier cas, plus complexe, est celui de la mouvance salafiste jihadiste : cette dernière, soutenue par les États-Unis dans les années 1980 lors de la guerre d’Afghanistan, s’est clairement retournée contre les États-Unis. La mouvance salafiste jihadiste, comme nous la connaissons actuellement en Syrie et en Irak, avec l’action de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), a son logiciel propre : communautaire, dirigé contre les chiites de la région, mais aussi anti-américain.

    Dans ce monde post bipolaire, comment comprendre l’agenda des puissances montantes, telles la Russie et la Chine, dans la région ?

    La Russie de Poutine articule deux discours : un discours néo-­tiermondiste, qui ferait de la Syrie de Bashar al-Assad et du Venezuela de Chavez et Maduro un axe clair face à la politique américaine, réveillant la politique bipolaire des années 1960 et 1970. D’autre part, la Russie de Poutine a établi des liens privilégiés avec Israël. Dans les deux cas, il faut lire la politique très pragmatique de Poutine comme la redéfinition progressive d’un nationalisme russe, malmené dans les années 1990 par la chute de l’Union soviétique.

    Concernant le Moyen-Orient, la politique chinoise est plus prudente, et moins en avant que celle de Poutine : ils s’alignent certes sur les positions de la Russie, en ce qui concerne le soutien au régime syrien et à l’Iran, mais avancent leurs cartes prudemment, n’ayant ni bases militaires dans la région, ni implantation politique historique.

    Quel est l’agenda particulier, dans les affrontements régionaux, de l’Iran ? Et des monarchies de la péninsule (Arabie saoudite / Qatar) ?


    La Syrie a cristallisé une politique des axes. On a pas un, mais trois axes, si ce n’est plus. Un axe Iran-Syrie soutenu par le Hezbollah libanais ; un axe Qatar-Turquie favorable à la chute du régime de Bashar al-Assad, soutenant certains groupes armés de l’opposition sur place ; un axe Egypte-Arabie saoudite soutenant d’autres formations de l’opposition syrienne.

    Concernant le premier axe, il participe à la résilience du régime de Bashar al-Assad. Concernant les deux autres, ils font partie de la tragédie de l’opposition syrienne, divisée en interne selon ses lignes d’alliances régionales, participant à son effritement.

    Les soulèvements populaires en Égypte, à Barhein, en Syrie, au Yémen, et dans une moindre mesure Jordanie... ont-ils comme facteur premier une dimension économique et sociale, ou bien faut-il intégrer à la réflexion d’autres facteurs ?

    La dimension économique et sociale est indéniable. Le modèle tunisien est central, notamment au travers du rôle central qu’a pu jouer un syndicat, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), dans le processus révolutionnaire.

    Il serait cependant très réducteur de réduire les révolutions arabes à un pur déterminisme socio-­économique. Les facteurs communautaires, religieux et géographiques, sont pleinement intervenus. À Bahrein, c’est majoritairement une politique chiite, discriminée socialement, qui s’est mobilisée. En Jordanie, la révolte des mouvements tribaux de l’est jordanien, contre les régions plus urbaines de l’ouest, fut centrale. La révolution yéménite butte sur une question encore insurmontable : celle de l’opposition entre Houthis (chiites) et populations sunnites.

    Pour conclure, partages-tu l’idée que pour l’impérialisme occidental, il s’agit d’empêcher toute existence d’une puissance étatique qui puisse concurrencer l’État d’Israël dans la région ?

    C’est là tout l’enjeu autour de l’Iran et de la Syrie. Le blocus américain sur l’Iran, malgré les dernières négociations, résulte depuis plus de trente ans d’une peur fondamentale : qu’une puissance régionale puisse concurrencer Israël en termes économique et militaire. C’est là tout l’enjeu autour du dossier nucléaire.

    Concernant la Syrie, la guerre civile à l’œuvre profite à tous les acteurs :

    un régime baathiste faible, tout comme une opposition syrienne faible, qui se combattrait encore dix ans dans un pays complètement et déjà détruit, ce qui empêche à terme l’émergence d’un État fort qui jouxterait les frontières d’Israël. C’est en somme la résultante de la théorie néo­conservatrice du chaos constructif.

    Propos recueillis par Marc Prunier

    http://npa2009.org/arguments/puissances-locales-imperialismes-question-kurde-comprendre-le-moyen-orient

  • Repères. Scènes politiques du (des) Kurdistan (Npa)

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    Cette note a pour but de rappeler brièvement les composantes politiques des quatre parties du Kurdistan, ainsi que leurs dynamiques.

    La présence d’un bassin de peuplement kurde remonte à plusieurs millénaires, mais le traité de Lausanne en 1923 sacrifie l’idée d’un Kurdistan sur l’autel des intérêts occidentaux liés à la Turquie kémaliste naissante. Les Kurdes se retrouvent alors divisés sur quatre États : la Turquie, foyer de population kurde le plus important (15 à 20 millions), l’Irak (4 à 5 millions), la Syrie (3 à 4 millions) et l’Iran (5 à 6 millions). (Il y a des kurdes dans d'autres états, comme ceux de l'ex URSS et l'Europe de l'Ouest note du blog)

    Turquie


    La création de la République turque s’est accompagnée d’une sévère répression de la population kurde et de sa culture.

    En 1979 est créé le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). D’abord marxiste-léniniste et nationaliste, le parti change de direction après l’arrestation de son leader, Abdullah Ocalan, emprisonné depuis 1999 en Turquie. Aujourd’hui, la ligne politique du PKK et des organisations affiliées à l’idéologie d’Ocalan tient dans la mise en place d’un confédéralisme démocratique, où les entités locales sont autonomes et démocratiques et où l’économie est au service de l’humain et respectueuse de la nature.

    Le droit des femmes est également un axe majeur de cette idéologie, notamment par la codirection politique. La revendication d’un État-nation kurde n’est plus au programme du parti. Le KCK regroupe le PKK et des groupes partageant la même idéologie présents dans les autres zones Kurdes. PKK et KCK sont classés terroristes et traqués par les autorités turques. Le fragile cessez-le-feu en vigueur depuis 2013 risque de ne pas tenir devant l’inaction des Turcs face à l’attaque jihadiste en cours à Kobané.

    Depuis 1993, les Kurdes de Turquie ont le droit de créer des partis politiques pour défendre leurs intérêts et représenter le PKK. Ces partis sont régulièrement dissous. Le dernier en date est le BDP, Parti pour la paix et la démocratie, majoritaire dans les zones kurdes. En 2014, hors des zones kurdes, des dirigeants importants du BDP ont démissionné pour créer le HDP (Parti démocratique des peuples). Le HDP reprend les idées politiques du BDP, tout en englobant en son sein d’autres minorités de la société turque : Alévis, LGBT, etc. Enfin, si une partie importante des Kurdes de Turquie soutient le PKK et les partis affiliés, il existe aussi un électorat conservateur qui vote pour l’AKP, parti islamiste du président Erdogan ou pour Hüda-Par, le parti islamiste kurde minoritaire.

    Irak

    Le Kurdistan irakien est marqué par les guerres qui l’ont traversé. C’est là qu’est né en 1946 le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) sous l’égide de Mustafa Barzani et de son clan. En 1975, l’UPK, Union patriotique du Kurdistan, fait scission avec le PDK.

    PDK et UPK ont tous deux lutté contre le régime de Saddam Hussein, arrivant à obtenir un Kurdistan autonome après la guerre du Golfe, puis se sont déchirés dans une guerre de pouvoir de 94 à 98.
    À l’heure actuelle, le Kurdistan irakien est divisé en deux : le nord sous contrôle du PDK, dirigé par Massoud Barzani, fils du fondateur, et le sud contrôlé par l’UPK dirigé par Jalal Talabani. Ce dernier a été poussé par les Américains à la présidence de l’Irak jusqu’en 2014. Barzani, lui, préside le KRG, Kurdish Regional Government.


    En 2009, un nouveau parti apparaît : Goran (« Changement »), mais malgré son nom, beaucoup le voient comme une pseudo-alternative. On trouve aussi de petits partis politiques : les islamistes de l’UIK et du GIK, et les minorités (dont le PC). Suite à la percée de l’État islamique, les Kurdes d’Irak ont étendu leurs zones de contrôle, notamment sur Kirkouk, et ont réclamé leur indépendance totale. Après la débandade de l’armée irakienne devant les jihadistes, l’Occident a choisi de les soutenir militairement, sans pour autant appuyer leur revendication.

    Le Kurdistan irakien reste très conservateur.

    Le clientélisme partisan et la corruption sont de mise, ainsi que le fonctionnement clanique, cela malgré un vernis démocratique. L’économie est ultralibérale. L’argent apporté par la manne pétrolière a été dilapidé dans des investissements hasardeux et a amené à un abandon progressif de toute forme de production alimentaire ou énergétique locale, conduisant la zone à devenir dépendante de la Turquie et de l’Iran. Les investissements occidentaux ont été accueillis les yeux fermés. Mais la puissance médiatique du Kurdistan irakien lui permet de travailler son image. Suite au cessez-le-feu avec le gouvernement turc, les combattantEs du PKK se sont réfugiés dans leur bastion des montagnes du nord de l’Irak. Leurs relations avec le PDK sont très mauvaises.

    Iran

    Aujourd’hui, c’est en Iran que les Kurdes subissent le plus de discriminations. Leurs droits civils et politiques sont régulièrement bafoués. Le taux de chômage des Kurdes avoisine les 50 %, engendrant nombre de problèmes sociaux. Régulièrement, des militantEs sont arrêtés et exécutés. Les Kurdes d’Iran ont une représentation politique via le PDKI, le Parti démocratique du Kurdistan iranien, issu du mouvement de Barzani. Dans les montagnes à la frontière irakienne, une guérilla issue du PKK, le PJAK, continue à se déclarer en lutte contre l’Iran, et cohabite avec le Komala, un parti à l’idéologie marxiste devenu aujourd’hui sociale-démocrate. Le parti communiste-ouvrier d’Iran comprend aussi un courant nationaliste kurde.

    Syrie

    En Syrie, sous Bashar al-Assad, les Kurdes étaient soumis à une politique de répression et de discrimi- nation. La guerre civile fut une opportunité pour eux de prendre leur destin en main. Le Kurdistan syrien (appelé Rojava) est composé de trois cantons situés au nord de la Syrie, le long de la frontière avec la Turquie : Afrin à l’ouest, Kobané au milieu, Jezireh à l’est. 10 % des Kurdes syriens vivaient dans la banlieue de Damas.

    Rojava est divisée entre deux coalitions. Le PYD, ou Kurdish democratic union party, affilié au PKK et ses alliés, se sont regroupés fin 2013 au sein du People’s council of western Kurdistan et ont déclaré la formation d’un gouvernement autonome de transition dans les trois cantons, avec la mise en place d’administrations locales, dirigées chacune par un Premier ministre et constituées de représentants des divers partis alliés au PYD, ainsi que des minorités (syriaques, arabes...).

    Le KNC, Kurdish national council, a été fondé sous l’égide de Barzani et est composé de l’aile syrienne du PDK, le PDKS et de ses alliés. Le KNC ne reconnaît pas la légitimité de l’administration locale des cantons et n’y participe pas, malgré l’offre qui leur a été faite. Il a préféré miser sur l’opposition syrienne en intégrant fin 2013 le Conseil national syrien (CNS). Ce rapprochement est une divergence importante entre les deux partis car le CNS est proche de la Turquie, et s’oppose donc aux projets d’autonomie des Kurdes. Le KNC accuse le PYD de vouloir la mainmise sur les zones kurdes, mais sans proposer de réelles alternatives.

    Le PYD travaille activement à une reconnaissance internationale. Confronté aux assauts incessants des jihadistes et à un embargo, Rojava a un besoin urgent d’aide humanitaire et militaire, mais la proximité politique avec le PKK braque les puissances occidentales.

    Yann Renoult


    Photographe reporter qui a vécu plusieurs mois en 2014 entre le Kurdistan syrien et irakien. Reportage photo : http://cargocollective.com/yannrenoult/Syrian-Kurdistan-towards-autonomy

    http://npa2009.org/arguments/puissances-locales-imperialismes-question-kurde-comprendre-le-moyen-orient

  • « L’État islamique a déjà perdu la bataille de Kobanê » (AL)

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    Dans une interview donnée le 17 octobre au journal turc prokurde Özgür Gündem, et reproduite par le site web anglophone Rojava report, Mehmûd Berxwedan, du commandement général des YPG, explique pourquoi l’État islamique (Daech) a, selon lui, « déjà perdu » la bataille de Kobanê.

    Mehmûd Berxwedan est un officier des Unités de protection populaire (YPG), proches du PKK, qui défendent Kobanê face à Daech.

    Dans le cadre d’une interview donnée à un journal sympathisant, il lui est certes impossible de paraître pessimiste, et il faut donc rester prudent quant à certaines de ses déclarations triomphalistes. Néanmoins, un certain nombre de ses analyses sont intéressantes, et renforcent l’idée que tout n’est pas perdu à Kobanê.

    Ses déclarations reflètent également le nécessaire pragmatisme du combattant dos au mur, prêt à accepter toute aide d’où qu’elle vienne, y compris des puissances impérialistes arabo-occidentales.

    L’essentiel de ses déclarations, en six points.

    Pourquoi tant de haine ?

    Daech a déjà essayé de s’emparer de Kobanê en juillet 2014. La bataille a duré un mois, et s’est soldée par la défaite des djihadistes. Pour Mehmûd Berxwedan, avec cette deuxième tentative, Daech poursuit des objectifs autres que purement géostratégiques. Certes, la ville est enclavée, ce qui facilitait son attaque, mais ce n’est pas seulement pour cela qu’elle a été ciblée : « La révolution du 19 juillet [2012] dans la Rojava a débuté à Kobanê, qui est devenue un symbole de résistance et de liberté. […] Pour cette raison, Kobanê entrave les plans de certaines puissances régionales et internationales, qui redoutent que les Kurdes expriment leur propre volonté. » Une allusion limpide à la Turquie. « Ils pensaient qu’ils pourraient briser la volonté de Kobanê et s’en emparer assez vite. Mais ils n’ont pas atteint leur but. Finalement, ils ont pris conscience que malgré la concentration de leurs forces ici, ils n’y parviendraient pas. […] Nous estimons que Daech a amassé ici près de 70 % de ses combattants. »

    « Nous avions décidé de livrer la véritable bataille dans la ville. Nous voulions que le tournant se joue là. »

    La tactique des YPG-YPJ. Mehmûd Berxwedan explique que cette 2e bataille de Kobanê a en fait connu plusieurs phases successives. Dans un premier temps, Daech s’est emparée de dizaines de villages autour de la ville, en attaquant « sur 4 ou 5 fronts simultanément », selon une technique habituelle chez eux, avec des tanks, de l’artillerie, des mortiers et des armes lourdes. « Bien sûr ils pensaient que les choses se passeraient comme à Mossoul [en Irak] et dans les autres régions qu’ils occupent, et que Kobanê tomberait en quelques jours. En fait, ils tablaient sur une semaine. C’est à peu près ce que pronostiquaient aussi la Turquie et d’autres puissances. »

    En réalité, il leur a fallu trois semaines pour atteindre les abords de la ville. Les YPG-YPJ ont défendu les villages, le temps d’évacuer la population civile, mais ont préservé leurs forces en se repliant progressivement en bon ordre. « Les djihadistes pensaient détruire l’essentiel de nos forces dans les villages avant d’entrer en vainqueurs dans la ville, en brandissant leurs armes, explique Mehmûd Berxwedan. Nous avions décidé de livrer la véritable bataille dans la ville. Nous voulions que le tournant se joue là. »

    Le retour de l’espoir. Durant ces trois semaines, le président turc Erdogan, de nombreux États et le monde entier ont pensé que la chute de Kobanê était imminente. « Pendant que tout le monde se fondait sur cette hypothèse, nous brisions Daech. Un mois a passé. Nous entamons le second mois. Ça a été une résistance historique. […] Cela fait trois jours qu’ils n’ont pas avancé d’un pas. Depuis trois jours, nous n’avons pas reculé, et nous regagnons même du terrain. Daech est fini. Ils sont fatigués. Leurs forces les abandonnent. […] Durant ce premier mois nous avons résisté. Dans ce second mois, nous allons détruire Daech à Kobanê. Nous n’ambitionnons plus seulement la résistance, mais la victoire. »

    Le moral des djihadistes. Selon Mehmûd Berxwedan, Daech a d’ores et déjà épuisé ses meilleures troupes, et fait appel à ses réserves, peu formées et d’une moindre valeur sur le terrain. « Nous avons vu pas mal de gamins auxquels ils avaient donné une arme. Récemment ils ont enrôlé des femmes dans ce qu’ils appellent les Unités féminines (Ketibe-i Unsa). A présent ils font appel à des renforts de plus en plus lointains. Malgré tout cela, ces trois derniers jours, nous avons brisé leur moral. […] Ni leurs camions kamikazes ni leurs autres armes n’ont été d’aucune utilité. Et pour cause : cette ville est notre ville. Nous en connaissons chaque rue, chaque avenue. Nous savons d’où ils vont venir, et où les frapper. […] Depuis hier, nous avons repris 5 ou 6 quartiers. Et sur le front ouest, nous les avons repoussé hors de Kobanê. »

    L’attentisme de la Turquie. Récemment, des roquettes tirées par Daech se sont abattues sur le territoire turc. Mehmûd Berxwedan pense que c’est un pur accident : « Daech ne frapperait pas volontairement son partenaire. » La non-réaction turque est elle-même très parlante : « Si c’est nous qui avions tiré, ne serait-ce qu’une balle en direction de la Turquie, quel enfer ça aurait été ! »

    Les bombardements arabo-américains. La coalition dirigée par Washington pensait que la ville tomberait en une semaine. Au bout de 15 ou 20 jours, la durée de la résistance lui ôtant tout prétexte pour ne pas agir, elle s’est finalement décidé à bombarder les assaillants de Kobanê. Dans un premier temps, elle l’a fait à l’aveugle, ne daignant pas prendre contact avec les YPG-YPJ. A présent, explique Mehmûd Berxwedan, la communication a été établie et, « depuis 10 jours », l’aviation de la coalition « joue un rôle important, en coordination avec les YPG. Ils travaillent très efficacement. Jusqu’ici, il n’y a pas eu d’erreur ni de bavure ». Jouant sur les contradictions entre la Turquie et les États-Unis, le commandant YPG réclame à présent que la coalition aille plus loin, et leur livre franchement des armes : « Si la coalition formée contre Daech veut vaincre, elle doit fournir des armes à ceux et celles qui se battent au sol. Et les forces qui combattent au sol, ce sont les YPG-YPJ. […] Les combattants qui veulent nous rejoindre devraient y être autorisés. Or la Turquie ne l’autorise pas. […] Il faut faire pression sur la Turquie pour qu’elle ouvre un corridor. »

    Transcription et commentaire : Guillaume Davranche (AL Montreuil)

    Lire aussi:

    http://www.lcr-lagauche.org/la-question-kurde-en-turquie-une-cle-de-la-guerre-en-cours-au-moyen-orient/

    http://alternativelibertaire.org/?L-Etat-islamique-a-deja-perdu-la

  • Solidarité avec Kobané! (Npa)

    solidarité avec kobané! dans International

    Obama et Hollande, complices hypocrites!

    On ne sait ce qui stupéfie le plus, la résistance héroïque des défenseurs, Kurdes et Syriens non kurdes, de Kobané, qui avec leurs armes légères parviennent à endiguer les assauts de jihadistes suréquipés, ou le cynisme des gouvernements occidentaux et de leurs alliés, au premier rang desquels l’État turc, membre de l’Otan et à ce titre premier partenaire des États-Unis dans la région.

    L’émissaire spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a alerté sur le risque d’un massacre de masse, en rappelant le sort de Srebrenica, la ville bos- niaque dont des milliers d’habitants avaient été exécutés en juillet 1995. Mais à l’instar d’Arin Mirkan, la capitaine des Unités de protection des femmes qui s’est fait exploser au milieu de ceux qui tentaient de s’emparer d’elle, les combattants de Kobané ne rendront pas les armes.

    Nettoyage ethnique et zone tampon Dans le même temps, les images des chars turcs, massés immobiles à la frontière d’où ils contemplent les affronte- ments, évoquent inévitablement celles de leurs homologues russes, arrêtés sur les bords de la Vistule durant l’insurrection de Varsovie, à l’été 1944.

    Non seulement l’armée turque n’intervient pas, mais elle bloque l’accès des renforts kurdes et l’approvisionnement de Kobané en armes et en munitions. Le gouvernement Erdogan ne veut pas que s’installent durablement à sa porte des zones kurdes s’administrant elles-mêmes hors de tout contrôle. C’est pourquoi il a vu l’assaut de Daesh comme un don de la providence et considère son éventuelle prise de contrôle de la ville comme un moindre mal.

    Il serait toujours temps, après, d’utiliser des forces militaires largement supé- rieures à celles des djihadistes pour réoccuper un territoire vidé de ses combat- tants et populations kurdes.

    Tel est le seul sens de la demande, formulée par Ankara, visant à la mise en place d’une «zone tampon» au nord de la Syrie. Et qui, croyez-vous, a immé- diatement appuyé cette revendication? François Hollande lui-même, bien sûr. Même si, selon les services de la présidence française, Erdogan et Hollande auraient au même moment, lors de leur entretien téléphonique du 8 octobre, «rappelé leur soutien à l’action menée par les combattants engagés dans la lutte contre Daesh»…

    L’hypocrisie atteint ici de nouveaux sommets ! Il en va d’ailleurs de même du gouvernement étatsunien, qui procède à quelques «frappes» aériennes isolées, sans doute pour qu’on ne puisse lui reprocher une totale inaction, mais sans du tout mettre en œuvre les moyens qui lui avaient permis, fin septembre, de stopper l’avancée de Daesh en Irak. Tout cela s’apparente en fait à un grand jeu de rôles, avec les populations kurdes et syriennes en victimes expiatoires.

    Soutenir la lutte, pas une politique particulière Les témoignages sur l’admi- nistration des trois cantons à majorité kurde du nord de la Syrie et, dans ce cadre, sur le rôle qu’y joue le PYD (Parti de l’union démocratique, la branche syrienne du PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan), sont pour le moins contrastés.

    Selon certains, on assisterait dans ces régions à une expérience autoges- tionnaire novatrice, baptisée confédéralisme démocratique ou municipalisme libertaire. D’autres, sans nier une série d’avancées, en particulier dans le domaine de l’émancipation des femmes, signalent que les méthodes autoritaires et mus- clées du PYD, y compris à l’égard d’autres formations de la gauche kurde et syrienne, n’ont nullement disparu.

    Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas ici de soutenir la politique d’un parti mais un combat, qui est juste sur tous les plans. Il faut se placer au côté de la résis- tance kurde comme nous avons été nombreux, encore une fois cet été, à le faire au côté de la résistance palestinienne, indépendamment de la nature et des orientations des directions politiques, PKK ou Hamas ou autre.

    Les représentants du PKK et du PYD, plus généralement ceux des commu- nautés kurdes, ont ces derniers jours multiplié les appels aux gouvernements oc- cidentaux afin que ceux-ci leur livrent des armes: lance-rockets antichars, artil- lerie, qui leur permettraient de se défendre plus efficacement, et aussi qu’ils inten- sifient les bombardements sur les colonnes et installations de Daesh.

    Pour notre part, tout en reconnaissant bien sûr le droit des Kurdes, comme des révolutionnaires syriens, de se procurer des armes où et comment ils le peu- vent, il ne nous semble pas que l’on doive attendre de grands résultats de ces appels. Si Obama, Hollande et Cameron ne l’ont pas fait jusqu’à présent, sauf au profit du gouvernement autonome du Kurdistan d’Irak, mais celui-ci est de leurs proches amis, pourquoi changeraient-ils maintenant?

    Reste la voie de la solidarité internationale directe des travailleurs et des peuples. Au mouvement ouvrier et démocratique, à ses organisations de prendre maintenant leurs responsabilités. Jean-Philippe Divès

  • Syrie comme Irak : Pas de nouvelle guerre ! (l'Anticapitaliste.ch)

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    La situation au Moyen-Orient semble très compliquée.

    L’État Islamique(EI) met chaque jour sous son contrôle de nouveaux territoires, en profitant de la guerre civile en Syrie qui continue. Les incidents meurtriers entre Palestiniens et armée israélienne se reproduisent tous les jours, et les États-Unis et leurs alliés utilisent avions et drones pour bombarder à droite et à gauche avec leur « fameuse » précision.

     Les coalitions traditionnelles paraissent incapables d’affronter cette instabilité, et le rôle des classes dominantes de la région reste flou. Pourquoi la Turquie n’attaque-t-elle pas les forces de l’EI qui entourent Kobané et qui prennent «gentiment» le contrôle d’une grande partie de la frontière entre Turquie et Syrie ? Pourquoi face à une telle menace les États-Unis ne déploient-ils pas plus de forces militaires ? Pourquoi l’occident n’utilise-t-il pas l’armée israélienne afin de stabiliser la région comme il l’a fait auparavant ?

    Et enfin, que peut-on faire ici en Europe face à cette situation ? Doit-on soutenir les bombardements contre ces « barbares » qui décapitent des innocents ? Soutenir les islamistes ? Ou bien se distancer  d’un conflit dont le résultat sera de toute façon négatif ?

    L’État Islamique et les États-Unis

    Aujourd’hui, selon les médias, l’ennemi numéro un dans la région est l’État Islamique. Mais l’histoire nous prouve que les ennemis d’hier deviennent facilement des amis et vice versa. L’Iran, la Syrie, l’Égypte, la Turquie, l’Irak et la Jordanie, ont fait partie des deux camps – depuis l’invasion de l’empire ottoman par les occidentaux, et la création de ces pays. Et on ne parle pas seulement d’Etats : les talibans,  les kurdes,  les bédouins, les chiites, les sunnites et les chrétiens ont été manipulés ou ciblés selon les plans et les besoins de l’impérialisme occidental dans la région. Certaines forces ont été même créées à cause de l’ignorance, ou grâce au soutien des forces impérialistes.

    Notamment, l’EI doit sa naissance à la situation qui a suivi la guerre en Irak en 2003.

    La manière dont les dirigeants politiques et militaires des États-Unis ont utilisé les divisions sectaires entre chiites et sunnites en choisissant la minorité chiite pour administrer le pays, a fait exploser des différences que le peuple irakien avait laissé de côté lorsqu’il a fallu résister à l’invasion de 2003.

    L’équipement de l’EI dont les médias parlent si souvent n’a pas été fabriqué par des forgerons Irakiens.

    Ce sont les ex-officiers sunnites de Saddam Hussein qui avaient accès aux dépôts d’armements cachés partout en Irak, qui ont pu équiper les différents groupes autour d’Al-Qaïda qui ont évolué en EI. De plus, le régime de Bachar el-Assad n’a pas hésité à armer les groupes de cette mouvance pour qu’ils puissent noyer dans le sang la révolution syrienne. En bref, les États-Unis et leurs alliés occidentaux et moyen-orientaux n’ont jamais eu pour but ni d’empêcher le terrorisme ni de protéger les civils. Comme l’avait dit Lawrence Korb, vice Secrétaire d’état à la Défense de Reagan (1981-1985) lors de la guerre contre l’Irak en 1991 : « Si au Koweït on cultivait des carottes, on s’en foutrait. »  Les armées de l’ouest interviennent uniquement pour protéger les intérêts des multinationales pétrolières et des matières premières.

    Les classes dominantes du Moyen-Orient ne sont pas innocentes non plus.

     Nationalistes, islamistes et libéraux, ils ont tous utilisé la résistance palestinienne d’une manière opportuniste et quand cela menaçait leurs propres intérêts, ils n’ont pas hésité à la massacrer. Les exemples sont nombreux : les Phalangistes d’Elie Hobeika au camp de Sabra et Shatila en 1982, les Hachémites en Jordanie en 1970 lors du septembre noir, ou l’armée du régime de Hafez al-Assad  en 1975 au Liban. Le partenaire préféré des États-Unis dans la région, l’Arabie Saoudite, est connue non seulement pour l’imposition la plus sévère de la charia, mais aussi pour le financement de la renaissance de nouveaux courants islamistes. Al-Qaïda comme l’EI ont été tous deux financés au moins pendant une période de leur existence par la péninsule Arabe via la place financière de Dubaï. En outre, une grande partie de leurs dirigeants a vécu ou été éduqué en Arabie Saoudite.  Mais les attaques des armées occidentales ne visent pas les responsables, qui sont leurs alliés.  Ils disaient vouloir se débarrasser d’un dictateur, Saddam Hussein, mais l’ont finalement remplacé par d’autres, et ont créé les conditions pour l’émergence d’autres forces réactionnaires comme l’EI.

    L’histoire le prouve encore une fois : la pauvreté et la misère que les bombardements créent sont  le meilleur laboratoire génétique pour les « terroristes » de l’avenir.

    Mais ce sont des sauvages!

    Certes, les images des décapitations filmées et distribuées sur internet sont très choquantes. Par contre, personne ne nous a montré les images des 30 personnes exécutées cette année aux États-Unis condamnées à mort, ou des 52 qui ont été exécutées en Arabie Saoudite dont une pour sorcellerie. Les néo-conservateurs n’ont pas laissé couler une larme pour ces personnes-là.  Ils profitent par contre des actions abjectes de leur propre enfant en Irak pour jouer le rôle de pompiers voulant assurer la stabilité inachevée dans la région.

    Expliquer que la réaction d’Obama et de David Cameron  est totalement hypocrite ne revient aucunement à soutenir l’EI ou autres djihadistes. Il s’agit de revenir à la racine du problème qui a donné naissance à ces atrocités. Comme le dit Chris Harman dans son livre Le prophète et le prolétariat : «comprendre les raisons du cancer ne signifie pas justifier la douleur ou la mort ». Mais essayer de comprendre la nature et les forces motrices de ce mouvement sans prendre par exemple en compte la mort de 500 000 enfants à cause de l’embargo sur l’Irak de 1991 à 2003, est une méthode erronée.

    D’ailleurs, le fait que le camp des force occidentales s’autoproclame progressiste ou se présente comme le  garde du corps de la civilisation, semble assez ridicule.  Aucune force du monde arabe ne pourra faire autant de morts que l’Holocauste, la guerre du Vietnam ou la Première guerre mondiale. Même de nos jours encore, la guerre des drones lancée par le dit pacifiste Obama a tué plus de 2500 personnes, dont 20% étaient des civils.

    Leurs hésitations montrent leur hypocrisie.

    Sur le terrain, l’EI avance tous les jours en massacrant, et la seule force qui lui résiste effectivement sont les Kurdes. Les bombardements aériens ont de la peine à cibler les forces extrêmement mobiles des djihadistes. Pour l’instant, ils se limitent à frapper des infrastructures comme l’usine de gaz Coneco, et poussant la population à l’obscurité et à la misère.

    Malgré les discussions qu’on entend depuis début septembre, les États-Unis et l’Europe n’ont pas pour l’instant soutenu les Kurdes. La Turquie a refusé pendant plusieurs jours de laisser passer les 160 000 réfugiés qui se massaient aux frontières turco-syriennes. Erdogan a ouvert les frontières uniquement sous la pression des émeutes et des manifestations au sud du pays dans les régions où la majorité de la population est kurde. En même temps, il n’a pas hésité à tuer 21 manifestants et à les appeler «des traitres et des saboteurs de la paix ». La passivité de l’armée turque face au déploiement des tanks et des armes de l’EI juste à côté des frontières est, à première vue, très étonnante. Ce retard exceptionnel est en effet dû à la convergence de plusieurs facteurs.

    D’abord, l’hésitation des États-Unis – à s’investir dans une nouvelle guerre coûteuse, en vies humaines et en dollars,  en même temps que d’autre fronts stratégiques demandent son attention – est justifiable. L’importance du front ukraino-russe et surtout celui en mer de Chine méridionale3 laissent peu de marge de manœuvre pour le géant déjà affaibli après 14 ans de guerres sans succès en Irak et en Afghanistan. De plus, comme l’a très clairement expliqué le secrétaire d’État américain John Kerry, Kobané n’était «pas un objectif stratégique». «Aussi horrible que ce soit d’observer en temps réel ce qui se passe à Kobané, vous devez prendre du recul et comprendre l’objectif stratégique».

    En Europe, la crise économique ne laisse que peu de marge de participation à la Grèce ou à Chypre, qui étaient lors des dernières guerres des forces très importantes d’un point de vue géostratégique. En Europe centrale, les chefs d’Etats ne sont pas non plus prêts à engager leurs armées dans une guerre dont les enjeux et les résultats sont très incertains. La défaite de David Cameron au Parlement britannique en août 2013, la première depuis 1782 sur un sujet de guerre, rappelle aux belliqueux que le coût de leurs aventures cette dernière décennie a été trop élevé.

    Pour la Turquie, les choses sont encore plus compliquées. Elle ne souhaite pas voir un deuxième territoire autonome kurde juste à côté de celui au nord de l’Irak, mais en même temps elle ne veut pas mettre en danger le processus de paix avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ni avoir l’EI comme voisin direct.  D’un autre côté, laisser l’EI faire le sale boulot de nettoyage ethnique du Kurdistan syrien est quelque chose qui arrangerait bien les dirigeants d’Ankara…

    Les frontières des accords Sykes-Picot (1917) et de Lausanne (1923) sont en train de changer et les « grandes puissances » sont prêtes à se battre, chacune  pour ses propres intérêts.

    Ce ne serait pas faux alors de dire que le bloc des pays dits « progressistes » n’est pas si uniforme. Les classes dominantes ont certainement un intérêt commun dans la région: une stabilité qui permettrait aux capitaux occidentaux d’envahir tous les aspects de vie de Kirkouk (Irak du nord) à Bassora (Irak du sud) et du Caire à Lahore (Pakistan) afin de faire des profits. Cet horizon étant loin et incertain, les diverses stratégies nationales prennent un rôle plus important. Et les conflits ne manquent pas : les zones exclusives économiques pour les pays avoisinants, le contrôle du pétrole, les conduites de gaz, la suprématie militaire.

    La volonté d’aider les peuples de la région est si limité que l’Union Européenne n’accepte même pas d’enlever le PKK et le PYD (parti de l’union démocratique syrien, kurde) de sa liste des groupes terroristes. Si l’Europe veut aider le peuple kurde, elle doit immédiatement enlever le PKK de la liste des organisations terroristes, et obliger la Turquie à laisser le couloir nécessaire pour que les kurdes puissent transporter leurs armes afin de se défendre. Mais ceci irait contre les intérêts turcs dans la région parce qu’un Kurdistan faible, isolé et dépendant  au nord de l’Irak est quelque chose de contrôlable. Par contre, une lutte commune de tou·te·s les Kurdes serait pour les intérêts turcs un cauchemar qui déstabiliserait la région d’une manière incontrôlable. Avec l’aide des familles kurdes corrompues  des Talabani et des Barzani, la stratégie de diviser pour mieux régner fonctionne bien, et permet de ne pas prendre le risque de laisser l’ensemble de la population kurde, qui a une forte tradition anti-impérialiste, devenir un facteur important dans la région. Pour les États-Unis et l’Europe, les Kurdes pourraient être aidés à une seule condition : qu’ils deviennent leur sous-traitant dans la région comme l’avait été au Kosovo l’UCK (Armée de libération du Kosovo).

    Bref, Obama et ses alliés s’engageront dans cette guerre au gré de leurs intérêts et non ceux de la population locale.

    Que fait Israël?

    Si son rôle est de garantir la stabilité dans la région pour les intérêts de l’impérialisme, pourquoi Israël n’agit-t-il pas ? Son armée est une des toutes premières au monde, implantée juste à côté. Pourquoi alors n’est-elle pas utilisée ?

    Pour les forces impérialistes, l’utilisation de l’armée israélienne est une épée à double tranchant. Les Américains et les Européens savent que la présence de l’armée israélienne risque plutôt de créer des problèmes au lieu de les résoudre. Aucune population dans la région ne serait prête à accepter la collaboration, le soutien et d’autant plus l’intervention d’Israël au nom de leurs intérêts. Les peuples, qu’ils soient kurdes ou arabes, afghans ou égyptiens, voient tous l’appareil étatique et militaire d’Israël comme un ennemi, comme le chien de garde de l’impérialisme occidental.

    Une intervention israélienne risquerait de provoquer de fortes réactions non seulement au Moyen-Orient, mais aussi dans les capitales de l’ouest. Après cet été meurtrier (et l’opération «Bordure protectrice»), la perte de légitimité de l’état sioniste est remarquable. Souvent, même les médias qui d’habitude sont 100% pro-sionistes, ont été obligés d’admettre que la brutalité et les crimes de l’armée israélienne n’étaient pas justifiables.

    Et nous, que pouvons-nous faire ?

    Si une intervention militaire n’a donc rien à offrir, si c’est n’est de tuer des gens, la question qui se soulève est : que pouvons-nous faire en Europe ? Comment agir face aux massacres de la population irakienne et kurde par l’EI ? Que faire face aux bombardements de la coalition ?

    La première chose à faire, c’est de montrer notre solidarité. Ceci n’est pas une tâche abstraite ni symbolique. Faire revivre les mouvements anti-guerre de 2003 dans la période actuelle tellement incertaine pourrait avoir de multiples résultats. En se réunissant sous les pancartes et les banderoles contre la guerre, nous ciblerons non seulement nos gouvernements qui participent chacun à sa manière à cette offensive, mais aussi l’extrême droite et son pilier idéologique islamophobe. En nous réunissant ici en Europe avec les réfugiés et les immigrants arabes, nous montrons aux peuples du Moyen-Orient, non seulement que nous sommes contre les bombardements, mais que les peuples européens ne sont pas conquis par l’islamophobie et le racisme.

    Les peuples en Syrie, en Irak et au Kurdistan savent que l’EI a été soutenu ou toléré par des régimes arabes selon leurs besoins. Mais ils ne sont pas les seuls à le savoir. Les peuples en Tunisie, en Égypte, au Liban, et en Palestine le savent aussi. Il y a peu, ils se révoltaient et nous remplissaient de joie avec leur printemps arabe. C’est notre obligation maintenant d’agir et de leur montrer que nous leur faisons confiance. Ce n’est pas le moment de nous barricader dans de faux camps. Les classes dirigeantes se frottent les mains quand la gauche se rallie à leur cause «humanitaire et culturelle». Nous ne pouvons pas faire confiance à ceux qui ont créé cette situation.

    Le 26 septembre, des dizaines de manifestations ont eu lieu en Syrie sous le slogan «Les civils n’ont pas besoin des nouveaux assassins internationaux», exprimant ainsi leur sentiment de l’inutilité des bombardements.

    La gauche, qui voit l’histoire à travers le prisme de la lutte des classes et non celui du sectarisme, ne doit pas seulement agir, mais aussi se charger de créer un mouvement beaucoup plus large que ses propres forces. Créer un mouvement qui devra réclamer :

    -D’arrêter toute intervention impérialiste de la région.

    -D’aider le peuple Kurde sans conditions politiques et financières.

    DD

    http://www.gauche-anticapitaliste.ch/?p=12468

  • Notes politico-militaires sur la bataille de Kobané (TC Npa)

    1. Petit rappel historique

    Vous n'êtes pas sans savoir que le PKK a eu ses heures maoïstes et tiers-mondistes. Vous n'êtes pas sans savoir que Hô Chi minh tient une certaine place dans la tête d'Öcalan. Alors je vais effectuer un retour aux sources avec une métaphore d'Hô Chi minh; celle du tigre et de l’éléphant :

    L'esprit de l'homme est plus fort que ses propres machines... Ce sera une guerre entre un tigre et un éléphant. Si jamais le tigre s'arrête, l'éléphant le transpercera de ses puissantes défenses. Seulement le tigre ne s'arrêtera pas. Il se tapit dans la jungle pendant le jour pour ne sortir que la nuit. Il s'élancera sur l'éléphant et lui arrachera le dos par grands lambeaux puis il disparaîtra à nouveau dans la jungle obscure. Et lentement l'éléphant mourra d'épuisement et d'hémorragie. Voilà ce que sera la guerre d'Indochine

    Cela a résumé la stratégie élaborée par son chef d’État major Võ Nguyên Giáp. Il est mort en 2013. Il fut l'artisan de la défaite française et américaine au Vietnam. Il fut le seul général d’État major qui a su vaincre successivement deux armées impérialistes dans une lutte de libération nationale, dont la première puissance mondiale. Il est considéré comme le principal responsable de la défaite française à la bataille de Diên Biên Phu. Il n'avait pourtant reçu aucune formation militaire. Ses stratégies sont malgré cela parmi les plus étudiées au monde. Je vous recommande vivement de vous y intéresser.

    Pourquoi vous parle-je de ce monsieur de l'Extrême-Orient ? Parce que ce qu'il vient de se passer à Kobané est une mise en pratique des tactiques militaires de ce monsieur doublée d'un certain génie d'adaptation de la part des YPG/YPJ (unités de protection armées, hommes et femmes du PYD – parti kurde syrien frère du PKK).

    2. L’Éléphant charge, le tigre le touche une première fois

    La situation semble catastrophique, n'est-ce pas ? Plus de 70 villages ont été pris aux YPG/YPJ qui sont aujourd'hui acculés dans la ville de Kobané dont ils ont en partie perdu le contrôle. La supériorité écrasante en armes et en nombre des combattants de Daech semble indiquer une défaite inévitable. La Turquie soutenant logistiquement et militairement Daech, ne laisse entrevoir qu'un avenir sombre pour nos révolutionnaires Kurdes aux abois... Cela fait plusieurs jours que les médias annoncent la chute de la ville mais elle ne tombe pas. Une lutte acharnée a été menée maison par maison. Pourquoi et comment une telle résistance ? Petit retour en arrière.

    En juillet dernier les troupes de Daech lancent un premier assaut majeur sur les positions des YPG. Daech avait rapporté son armement d'Irak : ses chars lourds russes et américains, ses missiles thermiques dernière génération, ses obusiers lourds face aux kalachnikovs des YPG/YPJ. La première phase de la bataille de Kobané s'était soldée par un échec cuisant des troupes de Daech face aux troupes kurdes qui avait su user d'une extrême mobilité sur le front. Si vous voulez avoir un résumé de la première bataille de Kobané, j'ai réalisé une partie des descriptifs de la première bataille sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Première_bataille_de_Kobané

    Le bilan est un échec cuisant pour Daech qui partait avec un avantage de départ criant : les YPG affirment que les affrontements ont fait 685 morts dans les rangs de l'État islamique, dont 5 émirs. Il revendique également la destruction de 6 chars et de 14 bases. Les pertes des YPG sont de 72 morts. Les combats auraient atteint une intensité inédite avec le bombardement par l'État islamique des villages de Zor Mixar et Beyadiyê avec plus de 3 000 obus. Les YPG déclarent également avoir repris plusieurs villages, ainsi que des collines stratégiques. Je vous laisse imaginer ce que coûte le bombardement de ces pauvres petits villages par Daech avec plus de 3 000 obus de dernière génération. Au final, la première bataille de Kobané s'est clairement soldée par un échec de Daech.

    3. L’Éléphant s'enrage et s'en prend à un autre mastodonte

    En août dernier, Daech fait tomber trois bases de l'armée arabe syrienne : la division 17 basée à Raqqa, la base de la brigade 93 et la plus connue, la base aérienne de Tabqa. Daech a sacrifié des centaines d'hommes dans ces assauts dans l'espoir de libérer plus de troupes et de récupérer des armes. Il n'empêche que le coût en pertes humaines fut très lourd. Cela lui a permis de récupérer du matériel et des hommes pour les concentrer sur un autre front. Un excellent article de The Arab Chronicle en parle bien : http://the-arab-chronicle.com/fall-of-tabqa-airbase-chute-base-tabqa/

    A la suite de ces victoires, l’État islamique a gagné un grand prestige. L'OSDH estime qu'au mois de juillet 6 000 hommes l'ont rejoint. En septembre, une grande partie d'entre eux ont reçu une formation nécessaire dans les rudiments du combat permettant à Daech d'envisager un assaut à la mi-septembre. De plus, Daech a engagé en parallèle des négociations avec une veille alliée...

    4. L'accord entre la Tulipe et l’Éléphant

    Rappelez vous de la prise d'otage des 90 Turcs, lors de la prise de Mossoul par Daech en juin dernier, principalement des routiers et du personnel consulaire. Les Turcs soutenaient Daech depuis un moment dans le but d'écraser Bachar et les Kurdes. Mais la Turquie commençait à se poser des questions sur un soutien devenu trop voyant. Toutefois, Erdogan, dans sa grande subtilité, s'est dit que s'il soutenait Daech il obtiendrait deux choses : la libération des otages turcs (ce qu'il a obtenu) et la chute du berceau de la révolution kurde : Kobané. Il a donc effectué des livraisons importantes de munitions pour renflouer Daech, déjà largement utilisées lors de la première bataille de Kobané. Ces livraisons ont été massives jusqu'a la remise récente des otages le 20 septembre.

    Peu de temps après, la Turquie a déclaré rejoindre la coalition anti-Daech mais... en empêchant les Kurdes et les armes de traverser les frontières pour rejoindre leurs frères d'armes. La Turquie a gavé Daech allant jusqu’à faire en train des livraisons d'armes et de tanks derrière les lignes de front d’après des témoins interrogés par  Firatnews. Même Joe Biden, vice-président des États-Unis, grand allié de l'État turc, a balancé l'info[1]. C'est un secret de polichinelle : La Turquie soutien Daech.

    5. L’Éléphant charge derechef...

    Sûr de lui, Daech a rassemblé toutes ses troupes disponibles, environ 1/3 de ses hommes, probablement autour de 10 000 combattants surmotivés et suréquipés d'armes de dernière génération fraîchement ravitaillées. Mais premier petit bémol que les stratèges remarqueront : l’État islamique a pris plus de 60 villages en moins de 48h... peuplés de seulement 800 habitants ! Le reste avait déjà traversé la frontière turque ! Bah oui, 300 000 réfugiés ont franchi la frontière sains et saufs grâce aux YPG qui avaient prévus de longue date cette charge à tombeau ouvert[2]. D’ailleurs Daech n'a pu se défouler que sur une dizaine de Kurdes exécutés en place publique. Loin du massacre annoncé...

    6. Et le tigre frappe une deuxième fois...

    Face à cette avancée fulgurante les YPG ont tenu des dizaines d'embuscades dans leur retraite préméditée. Daech fut largement retardé et a perdu beaucoup d'hommes pour en fin de compte  prendre le contrôle de villages agricoles désertés. Mais Daech, sûr de sa victoire prochaine, prit cela comme une avancée majeure et vit la retraite kurde comme une lamentable déroute face à sa supériorité incontestable.

    Les Kurdes s'étaient retranchés autour de la ville de Kobané. Cette zone était fortifiée en particulier la colline de Miştenur. Ce fut le début d"une lutte de conquête mètre par mètre pour Daech qui s'attendait à une victoire facile. Le matin du 4 octobre, au 20ème jour de la résistance de Kobané, la colline de Mistenur était jonchée de 150 cadavres de Daech abandonnés aux corbeaux[3]. Un grand nombre de chars furent détruits dans une tempête de feu qui s'abattit sur l’État islamique. Son artillerie vida une quantité colossale d'obus pour repousser de seulement quelques mètres la ligne de front. L'utilisation de missiles Grad[4] pour bombarder Kobané est révélateur : une salve de missiles Grad est capable de raser des quartiers entiers. L'OSDH (Observatoire syrien des droits de l'homme) avait calculé que plus de 90 obus étaient tombés sur Kobané en une seule journée, peu de temps avant que Daech n'y entre.

    7. L’Éléphant repousse le tigre dans ses retranchements

    Au prix de centaines de morts, de blessés, de véhicules blindés lourds détruits, de munitions gaspillées, Daesh a fini par entrer dans Kobané il y a quelques jours. Les Kurdes ne s'attendaient pas à un tel déferlement de violence et ils durent se retrancher dans la ville. L'un des révélateurs de ce recul fut l'utilisation de commandos suicide et le sacrifice d'une capitaine kurde qui se fit sauter sur les djihadistes.

    Daech n'avait pas prévu une telle résistance de la part des Kurdes. Pour avancer, il dût s'appuyer sur l'arrivée d'armement lourd venu de ses bases arrière notamment de Raqqa, ainsi qu'un bien plus grand nombre d'hommes. Daech commença à déployer toutes les forces syriennes dont il dispose dans la bataille avalant toujours plus de matériels et d'hommes. Un des faits révélateurs que les Kurdes n'avaient pas lâché était que le repli orchestré se fit de façon méthodique. J'y reviendrai.

    8. L’Éléphant tente d'éradiquer le tigre affaibli mais se prend un arbre.

    Daech fut rempli d'enthousiasme. Posant pied dans la ville tant rêvée, pourtant remplie de quartiers fantômes, ses hommes redoublèrent d'effort. Ayant pris place dans l'est de la ville, un combat brutal a plongé les djihadistes dans une spirale infernale de violence. Chaque maison, chaque coin de rue était un traquenard dans une ville que les djihadistes ne connaissaient pas. Les Kurdes le savaient et les armes lourdes de Daech perdirent en efficacité : les chars rentrés dans la ville étaient à portée de tirs des charges anti-tank, les ligne de tirs de l'artillerie se retrouvèrent obstrués par des bâtiments fantôme. Maison par maison, bombardement par bombardement Daech subissait tout ce que pouvait espérer le PKK : une usure lente, un déchaînement de l’État islamique au prix de pertes énormes. Le PKK obtint un écho international de sa lutte et avait entraîné Daech sur son terrain : la guerilla urbaine qui est favorable à l'infanterie légère.

    Daech a beau contrôlé 40% de la ville, mais c'est au prix d'une concentration maximale de ses forces et de pertes importantes. Être capable d'alimenter une telle machinerie de destruction est un défi important pour Daesh. Une défaite de Daesh à Kobané signifierait purement et simplement un recul majeur de l’État islamique, un recul dont il se remettrait très difficilement. Pour vaincre à Kobané, Daesh devra encore anéantir des milliers de combattants kurdes. L'un des éléments marquants de cette nouvelle phase de la bataille est l’emploi de plus en plus systématique d'attentats suicides contre les YPG. Cela signifie que ni les bombardements, ni les chars lourds, ni les assauts de masse n'ont brisé la ligne de défense et que la dernière option est le bourrage d'explosifs d'un camion à faire sauter avec un kamikaze à l'intérieur. C'est un aveu d'impuissance malgré une force de frappe considérable.

    9. Le coup de griffe du Tigre

    Venons-en au bilan chiffré. Ce ne sont pas les kurdes qui le disent, mais l'observatoire des droits de l'homme[5] :les YPG ont perdu, de façon sûre, 226 hommes et femmes. Ce bilan est proche de la réalité, les enterrements des milices kurdes étant officiels et largement acclamés par la population, les noms des morts diffusés. De plus les YPG déclarent à peu près le même bilan. Vous pouvez d’ailleurs observer dans l'article de Wikipédia, sur la première bataille de Kobané, que L'OSDH déclare moins de morts dans les rangs des YPG que les YPG elles-mêmes (OSDH déclare 72 morts alors que les YPG 74). Pour les Kurdes, le bilan est donc fiable. En terme de pertes matérielles, à part quelque tracteurs et des transporteurs de troupes, pas grand chose à signaler.

    Maintenant vous observerez que l'OSDH dans son article en anglais ne cite pas le nombre de morts de Daech, ce qu'il fait en arabe : 298 morts ! Premier constat : Daech a nettement plus de morts alors que son armée est suréquipée. De plus L'ODSH précise dans son article en arabe que le nombre de morts est certainement 2 fois supérieur à ce qui est annoncé ! Cela signifie que sur 550 morts en 25 jours de combat (26 selon les YPG) il y aurait eu 1 100 morts, dont la très grande majorité pour Daech. Cela coïncide avec les déclaration des YPG. Daech a probablement perdu plus de 800 hommes sans parler des blessés et des pertes matérielles considérables.

    10. Résumé de la stratégie des YPG/YPJ

    Tout leur repli était préparé et prémédité, même si ils ne pensaient pas reculer aussi loin. C'est pour cela que les YPG enregistrent peu de pertes en comparaison aux immenses moyens déployés par l’État islamique. Le but des YPG était d’entraîner Daesh dans une spirale infernale  l'obligeant à utiliser de plus en plus de moyens pour le pousser au-delà de ses limites tout en préservant ses propres forces. C'est chose faite. L’État islamique a misé toute ses forces dans la bataille pour la prise d'un canton kurde sur les trois. Cela signifie que paradoxalement l’État islamique n'a jamais été aussi exposé.

    L’Éléphant montre son flanc ! La multiplication des attentats suicides des djihadistes, le bilan des morts des YPG de plus en plus bas (5 morts pour la journée de vendredi 10 octobre) montre que Daech commence à se fatiguer dangereusement. Effet pervers de cet assaut ultramassif : cela a attiré les frappes de la coalition. Toute la machine militaire de l’État islamique est autour de Kobané, c'est pour cela que la coalition frappe et non dans l'espoir de sauver la ville. Bref Kobané est devenu un sac à point pour les chasseurs-bombardiers américain. Toute l'artillerie et les chars lourds de Daech sont exposés. A leur manière les États-Unis sont tombés dans le piège du PKK, obligés de frapper Daesh à Kobané alors qu'ils ont tout fait, dans un premier temps, pour éviter de venir en aide au PKK/PYD.

    Autre événement encourageant : désertant les autres fronts, Daech recule sur le front du puissant canton kurde de Cizîre. Il y a perdu plusieurs dizaines de villages ces dernières semaines. En une journée les YPG de Cizîre ont repoussé le front de 10 kilomètres à Sêrékaniyé. A Rabia, poste frontière irakien, une vidéo à fait le tour des médias kurdes[6]. Droit dans ses bottes, un officier kurde explique l'encerclement des djihadistes dans la ville et la prise de trois véhicules blindés de Daech, ceux-ci trônant en arrière fond dans la vidéo accompagnée d'autres prises de guerre.

    Conclusion provisoire

    Bien que la ville soit réellement en danger, il ne faut pas sous-estimer le PKK, organisation qui lutte militairement contre l’État turc, deuxième armée de l'OTAN, depuis plus de 30 ans. La stratégie employée a tout d'une veille tradition militaire maoïste qui a démontré son efficacité. Il est temps plus que jamais de soutenir le PYD qui a une chance de l'emporter. Nous sommes solidaires de milliers de combattants et combattantes des YPG/YPJ qui risquent leur vie chaque jours dans la lutte contre les théofascistes de Daech. Nous saluons le PYD qui a protégé les populations avec ferveur, laissant le moins de monde possible en arrière. D'après l'OSDH il n'y a eu qu'une vingtaine de civils qui sont morts, la plupart dans des bombardements.

    De plus malgré une situation difficile, il n'a pas cédé politiquement à tous les impérialistes du monde entier qui cherche à le faire plier. Il n'a pas cédé au chantage cynique de la Turquie qui a dit : soit vous vous mettez sous la coupe et la direction politique de l'ASL et dans ce cas on peut envisager de ne plus vous mettre des bâtons dans les roues, soit on favorisera votre anéantissement. C'est un enjeu central que le PYD refuse de se soumettre à l'impérialisme et de se mettre sous la coupe de la direction de l'ASL.

    Nous avons proposé, lors du CPN du NPA des 20-21 septembre[7], que le NPA propose une campagne unitaire du mouvement ouvrier pour fournir une aide matérielle au PKK/PYD. Cette proposition n'a reçu aucun soutien au CPN. Nous nous en désolons. Nous saluons l'initiative des révolutionnaires suédois[8] (Arbetarmakt) qui ont écrit à l'ensemble des forces socialistes et révolutionnaires pour participer à une campagne unitaire de dons pour fournir des armes au PKK/PYD. Nous saluons la collecte organisée par le groupe allemand « Neue antikapitalistische Organisation »[9]

    Il n'est pas trop tard pour Rojava : le NPA doit lancer au plus vite une campagne de solidarité concrète pour aider matériellement et militairement les forces du PKK/PYD à vaincre Daesh.

    (13 octobre 2014)

    Raphaël, comité Jeunes travailleurs du NPA

    Lire les notes

  • Syrie: L'Etat islamique utilise-t-il des armes chimiques? (CI)

    *

    Un groupe de recherche israélien estime qu'il est possible que l'organisation de l'Etat islamique ait utilisé des armes chimiques contre les Kurdes en Syrie. En parallèle de cette information, The New York Times a révélé l'existence d'armes chimiques en Irak.
     
    Le groupe de recherche Gloria, dont le siège est à Tel-Aviv, a publié le 12 octobre un rapport selon lequel l'organisation Etat islamique (EI) semble avoir utilisé des armes chimiques en Syrie, rapporte le site d'info israélien Ynet. "D'après l'étude, il semblerait que l'utilisation d'armes chimiques ait commencé en juillet, au début des affrontements entre les forces kurdes et l'EI, près de Kobané, en Syrie. Le rapport précise qu'au moins trois combattants kurdes sont morts à la suite d'une attaque chimique", détaille le site.

    Pour en venir à cette hypothèse, le chercheur Jonathan Spyer, qui a dirigé l'étude, s'est appuyé sur des photos montrant les cadavres de combattants kurdes après l'affrontement du 12 juillet dans le village d'Adviko. Une équipe médicale mobilisée par le ministre de la Santé de l'autorité kurde avait dans un premier temps observé que les cadavres de trois combattants kurdes ne comportaient aucune trace de balles ou de sang.

    Traces de brûlure et taches blanches

    Jonathan Spyer a eu accès aux photos des cadavres de ces combattants. Il a choisi de les diffuser en même temps que son rapport sur le site de Gloria. "Ils ont sur la peau des traces de brûlure et des taches blanches qui, pour les experts, peuvent indiquer l'utilisation d'un agent chimique comme le gaz moutarde", précise le chercheur, avant de conclure : "On ne peut pas tirer de conclusions définitives sans mener une enquête plus approfondie."

    De son côté, The New York Times a publié le 15 octobre une grande enquête sur l'existence d'armes chimiques en Irak datant de l'ère Saddam Hussein et en particulier de la guerre Iran-Irak [1980-1988]. Le quotidien new-yorkais révèle notamment que des soldats américains et des soldats irakiens ont été exposés à ces armes entre 2004 et 2011, et que le Pentagone leur a demandé de garder le secret. "Au total, les troupes américaines ont fait état, dans le plus grand secret, de la découverte d'environ 5 000 ogives, obus et bombes aériennes contenant des armes chimiques", écrit le journal.

    Dans son éditorial du jour, le New York Times dénonce la volonté du Pentagone d'étouffer l'affaire et met en garde le gouvernement américain de l'usage qui pourrait être fait de cet arsenal chimique, notamment par l'EI. "Les autorités américaines affirment pour l'instant qu'il est peu probable que des combattants de l'EI utilisent ce stock d'armes chimiques, mais les deux experts en contrôle de l'armement Joseph Cirincione et Paul Walker ont suggéré sur le site Internet Defense One consacré aux questions de sécurité nationale que l'EI aurait utilisé ces armes pour tuer des combattants kurdes à Kobané", conclut le New York Times.
     
    http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/16/l-etat-islamique-utilise-t-il-des-armes-chimiques
  • Toulouse: Un collectif pour soutenir les Kurdes de Kobané contre Daesh (20 mn)

    «Nous manifestons déjà depuis plus d’un mois.

    C’est bien, mais ça ne suffit pas.» C’est à partir de ce constat, dressé par le responsable de la Maison franco-kurde Midi-Pyrénées Ahmet Alim, qu’est né le collectif Urgence Solidarité Kobané - Soutien au Peuple Kurde.

    D’envergure régionale, cette structure officiellement constituée mardi, rassemble associations kurdes et françaises, mais aussi des partis politiques et des syndicats, très majoritairement de gauche. L’objectif est évident: venir en aide aux combattants kurdes qui luttent dans la ville syrienne de Kobané, à la frontière turque, contre les jihadistes de Daesh.

    Le «double jeu» turc

    «Il s’agit de faire pression sur le gouvernement français et de créer une opinion publique favorable pour apporter une aide matérielle aux forces kurdes afin qu’elles puissent se défendre, reprend Ahmet Alim. Il n’y a pas besoin d’intervention terrestre mais d’armes. Une collecte pour les réfugiés va être organisée. Si on n'agit pas comme il faut, il y aura un génocide.» Le nouveau collectif critique sévèrement le «double jeu» de la Turquie, membre de la coalition anti-jihadistes, mais accusée de commerce d’armes et de pétrole avec Daesh.

    «Un drame humain se joue sous nos yeux, mais la communauté internationale n’agit pas», accuse Pierre Lacaze, secrétaire départemental du PCF 31, membre du collectif. Une rencontre rapide avec la Région Midi-Pyrénées est espérée. En attendant, une nouvelle manifestation est prévue samedi à Toulouse dès 16h, place du Capitole.

    «Entre 3000 et 5000 Kurdes» en Midi-Pyrénées

    Selon des sources internes à la communauté, «entre 3000 et 5000 Kurdes» vivent en Midi-Pyrénées. «Quelques-uns» sont partis à Kobané, pour lutter contre les jihadistes de DAESH. Nicolas Stival

    http://www.20minutes.fr/toulouse/1460979-20141014-toulouse-collectif-soutenir-kurdes-kobane-contre-daesh

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

    https://encrypted-tbn3.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTrjZLxdJHB1guEA4egYvMcs99Cvu7yszxEaqXmkL55qtbBW1Gq

    WARSCHAWSKI Michel - 1 October 2014
     
    Petition - 10 octobre 2014
     
    AYDIN Uraz - 16 octobre 2014
     
    HONIG-PARNASS Tikva - 1er octobre 2014
     
    DESOLI Francesco - 14 octobre 2014
     
    ROUSSET Pierre - 15 octobre 2014
     
    IMBERT Louis - 13 octobre 2014
     
    TAYLOR Rafael - 17 August 2014
     
    LEROUGE Dominique - 13 septembre 2014

    15.10

  • Après un mois de combats, les Kurdes résistent toujours à Kobané (Libération)

    Les combattants kurdes, aidés par les frappes de la coalition, résistent toujours, un mois après le début de l’offensive du groupe Etat islamique sur la ville syrienne de Kobané, laissant entrevoir une guerre d’usure.

    Le sort Kobané, troisième localité kurde de Syrie frontalière de la Turquie devenue dans le monde entier le symbole de la lutte contre l’EI, reste totalement incertain après 30 jours de combats acharnés.

    Les jihadistes contrôlent toujours «au moins 50% de la ville» selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), «mais les Kurdes, avec leur résistance farouche et l’aide des frappes de la coalition, arrivent à freiner leur avancée et entraver leurs mouvements depuis 48 heures».

    «Ils tentent d’entraîner l’EI dans une guerre d’usure en menant des attaques ou en tentant de les assiéger dans le QG qu’ils ont pris vendredi dernier», a ajouté le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane, précisant qu’une frappe américaine avait visé l’un des bâtiments et que les combats continuaient.

    De telles affirmations sont toutefois impossibles à vérifier en l’absence d’observateurs indépendants et de journalistes à Kobané, et l’EI ne communique pas sur l’évolution de ses opérations.

    Jeudi, les jihadistes ont notamment lancé une attaque aux environs du poste-frontière turc de Mursitpinar, espérant couper tout passage entre Kobané et la Turquie, a constaté un journaliste de l’AFP à la frontière.

    Au total, 16 obus ont été tirés par les jihadistes dans la journée, selon l’OSDH.

    Rencontre américano-kurde 

    En un mois, «la bataille de Kobané» a fait 662 morts, selon un décompte de l’OSDH n’incluant pas les victimes des frappes aériennes. L’EI a perdu 374 combattants, les Kurdes 268, tandis que vingt civils ont été tués.

    Si l’on ignore combien d’habitants sont encore dans Kobané, plus de 300.000 personnes ont fui la région depuis le lancement le 16 septembre de l’offensive du groupe extrémiste sunnite EI, qui a proclamé un «califat» sur les vastes régions qu’il contrôle à cheval sur la Syrie et l’Irak.

    L’instabilité de la situation a été soulignée par le Pentagone, dont le porte-parole a déclaré que «Kobané pourrait encore tomber».

    Pour aider les Kurdes, Washington, à la tête d’une coalition en Syrie et en Irak, a effectué depuis fin septembre plus de 100 raids aériens sur des cibles autour de la ville.

    En outre, le département d’Etat a indiqué jeudi que des responsables américains avaient rencontré des Kurdes du Parti de l’union démocratique (PYD), précisant que cette rencontre avait eu lieu «en dehors de la région» et que Washington n’en était «pas encore» au stade d’envisager d’armer et de former les milices kurdes.

    Selon un responsable américain, cette entrevue se serait déroulée à Paris.

    Par ailleurs, à l’est de Kobané, au moins 20 jihadistes de l’EI, en majorité des combattants étrangers, ont été tués dans une attaque des forces kurdes à 30 km à l’ouest de Ras al-Aïn, dans la province de Hassaka, selon l’OSDH.

    «Les Kurdes ont ramené leurs corps et les ont exhibés en voiture dans les rues de Ras al-Aïn», ville contrôlée par les Kurdes à la frontière turque, selon l’ONG.

    Pas de menace imminente contre Bagdad 

    En Irak voisin, les Etats-Unis, qui ont reconnu mercredi être inquiets de l’évolution de la situation, notamment dans la province majoritairement sunnite d’Al-Anbar (ouest), se sont montrés plus rassurants quant au sort de la capitale.

    «Nous pensons à l’heure actuelle que Bagdad est à l’abri d’une menace imminente», a déclaré le porte-parole du ministère américain de la Défense, le contre-amiral John Kirby.

    «Il n’y a pas de rassemblement massif des forces de l’EI à l’extérieur (de la capitale irakienne) prêtes à y entrer», a-t-il assuré.

    Cependant, au moins 26 personnes sont mortes jeudi dans divers attentats dans et autour de Bagdad, dont plusieurs à la voiture piégée, selon des sources médicales et policières. L’un d’entre eux, contre un quartier chiite de Bagdad, a été revendiqué par l’EI.

    Pour muscler son dispositif au sein de la coalition anti-jihadiste en Irak, Londres a décidé de redéployer des drones engagés jusque-là en Afghanistan.

    Moscou a réaffirmé pour sa part son refus de participer à une «coalition formée sans l’aval du Conseil de sécurité» et souligné qu’aucun accord de partage de renseignements sur les jihadistes avec les Etats-Unis n’avait été conclu.


     16 octobre 2014 à 09:58 (Mis à jour : 16 octobre 2014 à 22:01)
     
    http://www.liberation.fr/monde/2014/10/16/syrie-les-jihadistes-reculent-de-plusieurs-quartiers-de-kobane_1122883