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Tunisie - Page 21

  • Violences exercées lors du FSM 2015 à Tunis (Essf)

     
    Condamnation par des associations et syndicats algériens

    Violences d’éléments algériens au FSM 2015 de Tunis :

    Position des associations et syndicats algériens présents au Forum

    De très graves incidents ont marqué la table-ronde « Résolution des conflits pour l’unité du Maghreb », qui s’est tenue jeudi 26 mars, au second jour du Forum social mondial (FSM) 2015 de Tunis.

    Des éléments, en force, se réclamant de la « société civile » algérienne, ont eu un comportement violent à l’égard d’intervenants et de participants, empêchant le débat de s’instaurer. A la fin de la table-ronde, un membre du comité d’organisation a été violenté, et un participant a subi une agression physique. Ces éléments, constitués en véritable commando, affublé de drapeaux et de casquettes aux couleurs algériennes, ont entravé en permanence le débat. Il est fait état, aussi, d’agissements et d’agressions par ces mêmes éléments lors d’autres rencontres et même contre des stands d’associations algériennes.

    Ce comportement est contraire à la charte des Forums sociaux mondiaux et à leur esprit, caractérisé par la liberté d’expression et le refus de la violence et des discours haineux. Ces éléments ne représentent en aucun cas la société civile algérienne et donnent une image détestable de notre pays.

    Ces agissements sont d’autant plus condamnables que nous avons constaté une participation importante et remarquable de collectifs algériens à ce Forum social mondial.

    Nous, associations et syndicats algériens, présents au FSM 2015 de Tunis :

    • Condamnons fermement les responsables de ces agissements, digne des pratiques de « baltagias » ;

    • Exprimons notre regret que ces agissements viennent entacher cette participation algérienne – forte et inédite ;

    • Militons pour que, en Algérie même, ce genre de rencontres, de débats contradictoires, d’espaces d’expression libre, de société civile indépendante et autonome ne soient plus empêchés par les autorités algériennes.

    Tunise, le 27 mars 2015

    Signataires

    Collectif algérien en France ACDA (Agir pour le changement et la démocratie en Algérie)

    Association AGIR Bouira

    Algeria Solidarity Company (ASC)

    AGORA

    Collectif pour l’abrogation de la loi 12/06

    Groupe anti-gaz de schiste Oran GASO

    Femmes plurielles

    Syndicat de chômeur CNDDC

    Rassemblement Action Jeunesse (RAJ)

    Ligue algérienne pour la Défense des droits de l’homme LADDH

    SOS Disparus

    Tharwa Fadhma N’Soumer

    ADRA

    Action Citoyenne pour l’Algérie (ACA)

    APEL-Egalité

    Comité populaire contre le gaz de schiste en Algérie

    Mouvement culturel amazigh des Aurès (MCA)

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34722

  • Tunis: questions sur le Forum social mondial (Npa)


     

    Plus encore que les précédentes éditions, le Forum social mondial (FSM) qui s’est tenu fin mars à Tunis laisse un bilan mitigé...

     

    Le FSM, ce sont des dizaines de milliers de participantEs, trois sessions de 80 ateliers chaque jour sur tous les thèmes qui préoccupent les mouvements sociaux du monde entier et s’appuient souvent sur des luttes déterminées, se centralisant sur une dizaine d’assemblées thématiques en fin de parcours. Mais de nombreux participantEs s’interrogent sur la dynamique trop limitée qui en résulte.

    Le FSM est incontestablement le lieu d’échanges et de coordination internationaliste majeur de tous les types d’associations de transformation sociale et écologique. Dans son édition 2015 comme pour la précédente, il a aussi servi de bol d’air à la jeunesse tunisienne, très présente à l’Université El-Manar où se déroulait le forum… Beaucoup moins dans la marche d’ouverture qui, vu les circonstances, s’est affirmée contre le terrorisme (sous une pluie battante), comme dans la marche de clôture centrée sur la solidarité avec le peuple palestinien.

    Bannir les représentants de régimes étatiques

    Les thèmes environnementaux, des migrations et réfugiés sont toujours plus présents. La lutte contre l’exploitation du gaz de schiste, qui constitue actuellement un enjeu lourd en Algérie et en Tunisie, a trouvé de nombreuses expressions dans le cadre de ce forum. Mais plusieurs ateliers consacrés à ce sujet ont été émaillés par des incidents, provoqués notamment par des éléments pro-régime algériens venus perturber les débats en présence du Comité populaire de lutte contre le gaz de schiste, venu aussi d’Algérie.

    Comme lors des FSM de 2007 à Bamako et de 2011 à Dakar, des tensions ont aussi eu lieu entre éléments pro-régime marocains et partisanEs de l’autodétermination du peuple sahraoui. Des forces pro-régime marocaines avaient même proposé plusieurs ateliers dans le cadre des débats du FSM, pour accuser le Polisario (mouvement de libération du peuple sahraoui) de recruter de force ses partisans ou de commettre des « crimes » dans les camps de réfugiés sous son contrôle. Il serait enfin temps de bannir les représentants de régimes étatiques, de surcroît dictatoriaux, du cadre du FSM. Cela vaut aussi pour les partisans du régime iranien, qui se dissimulaient derrière une prétendue « solidarité avec Gaza » pour vanter ouvertement les capacités militaires de la dictature iranienne (« Tel Aviv bientôt à sept minutes de nos missiles »...).

    Changer le rapport de forces international

    Un des axes forts était la coordination de la lutte sociale dans les centres d’appel et autres entreprises sous-traitantes de firmes européennes, implantées en Tunisie et au Maroc. Comme en 2013, les syndicats français SUD et CGT étaient fortement présents sur cette thématique.

    Le peuple grec, avec l’étranglement par le mécanisme de la dette qu’il subit de la part des institutions européennes, était présent dans de nombreux ateliers, le lien étant systématiquement fait avec la situation du peuple tunisien.

    Cette préoccupation d’une contre-attaque populaire pour changer le rapport de forces était aussi au cœur de la rencontre parlementaire qui a eu lieu le jeudi 26 mars, et de la rencontre des partis progressistes et écologistes appelée le dimanche 29 par le Front populaire tunisien, deux événements en marge du FSM.

    Des rendez-vous ont été pris pour élever le niveau des luttes nécessaires, en Grèce en juin contre la dette, à Paris en décembre contre le réchauffement climatique, et en Italie contre la répression des migrants à une date qu’il reste à définir. Et le prochain FSM se déroulera en août 2016 au Québec.

    De Tunis, Jacques Babel et Bertold du Ryon

    * Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 284 (09/04/2015). http://www.npa2009.org/

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34702

  • Tunisie : retour du forum social mondial de Tunis (Npa)

    Immédiatement après l’attentat du 18 mars au musée du Bardo, les organisateurs du Forum social mondial (FSM) ont refusé de se laisser intimider et ont maintenu l’intégralité du forum, y compris les deux manifestations, en ouverture le 24 mars et en clôture le 28.

    Au final, environ 45 000 personnes ont participé au FSM à l’université de Tunis, contre 60 000 en 2013. Le nombre d’étrangers est resté à peu près stable, la diminution de certaines délégations étant compensée par la hausse d’autres, par exemple d’Amérique latine ou d’Afrique, et même une quarantaine de Chine.


    Par contre, il y a eu une baisse sensible du nombre de TunisienEs, même si le nombre de jeunes du pays hôte marquait l’animation du FSM dans toutes ses dimensions. Deux explications sont avancées : les déceptions accumulées sur les perspectives politiques, ainsi qu’une météo exécrable qui empêchait notamment les plus désargentés de dormir sous des tentes.

    Nouveau souffle ?

    Une préoccupation devient prégnante parmi les initiateurs des Forums sociaux : quel nouveau souffle serait possible pour cet acquis majeur de « l’altermondialisme » ? Celui-ci reste en tout cas un rendez-vous important pour tous les réseaux de lutte : sur les questions écologiques, paysannes et de souveraineté alimentaire, féministes, syndicales, de solidarité internationale et pour l’autodétermination des peuples, contre les institutions financières et les multinationales, etc. La question des migrants et réfugiés a été beaucoup plus présente que dans les forums précédents.

    À l’heure où ces lignes sont écrites, il est trop tôt pour tirer un bilan plus complet de ce Forum. Dans l’immédiat, nous reproduisons ci-contre une intervention de Fathi Chamkhi lors d’un des nombreux débats concernant la dette.

    Dominique Lerouge et Jacques Babel

     

    ****

    "En Tunisie, nous sommes accablés par cette plaie qu’est la dette. On a fait une révolution, mais la dette est toujours là.

    Aujourd’hui la Tunisie est en crise et dans l’impasse. Elle est en quelque sorte coincée par deux intégrismes : l’intégrisme religieux, et l’intégrisme du néolibéralisme qui a fait tant de mal au peuple tunisien, qui l’a saigné à blanc, notamment à cause de la dette. La dette est un outil de pillage, mais c’est aussi un outil de domination politique. À travers la dette, les multinationales et les États impérialistes imposent un régime néocolonial. Ils remettent en cause notre souveraineté nationale et nous empêchent d’avancer vers l’émancipation sociale.

    À en juger par le mécontentement actuel, la rage qui existe dans le cœur des TunisienEs, on est en droit de se demander si nous n’allons pas vers une seconde révolution. En ce moment, il y a par exemple un mouvement de grève très important des enseignants du second degré. Ils sont 90 000 et ont fait une série de grèves de 48 heures. Puis ils ont refusé de faire passer les examens trimestriels.

    Leur syndicat UGTT a décidé d’appeler à boycotter également les examens du troisième trimestre, ainsi que les examens nationaux si leurs revendications n’étaient pas satisfaites. J’ai cité ce mouvement social pour montrer combien les Tunisiens aspirent au changement. Il s’agit d’un désir énorme qu’ils ont exprimé à plusieurs reprises. Mais la dictature de la dette est là. L’économie et la société tunisienne ont été restructurées de façon à rendre le pays « addict » à la dette. Ce système qui nous a été imposé nous a fait beaucoup de mal, il a causé beaucoup de ravages sociaux.

    L’Union européenne décide à la place des TunisienEs : elle donne ses ordres et le gouvernement les exécute, ne faisant que gérer les affaires courantes en se moquant royalement de l’expression démocratique des citoyens tunisiens.

    Le FMI, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement disent tous dans leurs discours qu’ils sont pour l’aide, les réformes, leur désir de faciliter la transition démocratique. Mais ils sont les premiers à leur barrer la route.

    Nous menons la bataille contre la dette depuis le départ du dictateur. Nous disons aux TunisienEs que Ben Ali n’était qu’un paravent qui cachait la vraie dictature. Aujourd’hui, avec ses 15 députés, le Front populaire continue cette lutte. Et l’opinion publique, les classes laborieuses et la jeunesse doivent s’approprier cette question. À l’image de la Grèce et peut-être un peu plus encore car nous subissons cette dictature néolibérale de la dette depuis 29 ans, la Tunisie est aujourd’hui à la croisée des chemins : ou bien ce sera l’impasse, et tous les dangers comme on l’a vu avec le terrible attentat terroriste du 18 mars dernier ; ou bien ce sera l’alternative, en avançant dans ce changement que veut la grande majorité des TunisienEs. Et nous sommes déterminés à faire triompher cette deuxième voie, comme nous l’étions face à la dictature de Ben Ali. Nous sommes décidés à ôter de notre route tous les barrages qui l’obstruent, en commençant par la dictature que nous impose la Commission européenne".

    Fathi Chamkhi
    (Député du Front populaire, militant de la LGO et animateur de Raid/Attac/CADTM Tunisie)

  • Tunisie : la dette, un instrument de domination néocoloniale (Essf)

    En Tunisie, nous sommes accablés par cette plaie qu’est la dette. On a fait une révolution, mais la dette est toujours là.

    Aujourd’hui la Tunisie est en crise et dans l’impasse. Elle est en quelque sorte coincée par deux intégrismes : l’intégrisme religieux, et l’intégrisme du néolibéralisme qui a fait tant de de mal au peuple tunisien, qui l’a saignée à blanc, notamment à cause de la dette. La dette est un outil de pillage, mais c’est aussi un outil de domination politique. A travers la dette, les multinationales et les Etats impérialistes imposent un régime néocolonial. Ils remettent en cause notre souveraineté nationale et nous empêchent d’avancer vers l’émancipation sociale.

    A en juger par le mécontentement actuel, la rage qui existe dans le cœur des Tunsien-ne-s, on est en droit de se demander si nous n’allons pas vers une seconde révolution.

    En ce moment, il y a par exemple un mouvement de grève très important des enseignants du second degré. Ils sont 90 000 et ont fait une série de grèves de 48 heures, et ils ont ensuite refusé de faire passer les examens trimestriels. La dernière Commission administrative de leur syndicat UGTT a décidé d’appeler à boycotter également les examens du troisième trimestre, ainsi que les examens nationaux si leurs revendications n’étaient pas satisfaites. J’ai cité ce mouvement social pour montrer combien les Tunisiens aspirent au changement. Il s’agit d’un désir énorme qu’ils ont exprimé à plusieurs reprises. Mais la dictature de la dette est là. L’économie et la société tunisienne ont été restructurées de façon à rendre le pays adict à la dette. Ce système qui nous a été imposé nous a fait beaucoup de mal, il a causé beaucoup de ravages sociaux.


    Il nous a été imposé par l’Union européenne qui impose sa dictature.

    La Commission européenne décide à la place des Tunisien-ne-s : la Commission donne ses ordres et le gouvernement les exécute. Le gouvernement actuel ne fait que gérer les affaires courantes :
    La Commission européenne ne se cache même plus lorsqu’elle donne des ordres au gouvernement tunisien, en se moquant royalement de l’expression démocratique des citoyens tunisiens.
    Le FMI, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement sont autant d’instruments de domination. Ils disent tous dans leurs discours qu’ils sont pour l’aide, les réformes, leur désir de faciliter la transition démocratique. Mais ils sont les premiers à leur barrer la route.

    Nous menons la bataille contre la dette depuis le départ du dictateur.

    Nous disons aux Tunisiens que Ben Ali n’était qu’un paravent qui cachait la vraie dictature.
    Aujourd’hui, avec ses 15 députés, le Front populaire continue cette lutte, et l’opinion publique, les classes laborieuses et la jeunesse s’approprient cette question.

    A l’image de la Grèce et peut-être un peu plus encore car nous subissons cette dictature néolibérale de la dette depuis 29 ans.

    La Tunisie est aujourd’hui à la croisée des chemins :


    - ou bien ce sera l’impasse, et tous le dangers comme on l’a vu avec le terrible attentat terroriste du 18 mars dernier,
    - ou bien ce sera l’alternative, en avançant dans ce changement que veut la grande majorité des Tunsien-ne-s.


    Et nous sommes déterminés à faire triompher cette deuxième voie, comme l’étions face à la dictature de Ben Ali. Nous sommes décidés à ôter de notre route tous les barrages qui l’obstruent, en commençant par la dictature que nous impose la Commission européenne.

     

    CHAMKHI Fathi  26 mars 2015

     

    * Fathi est député du Front populaire, militant de la LGO, et animateur de RAID (Attac et Cadtm en Tunisie).
    Propos transcrits par Dominique Lerouge

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34632

  • A Tunis, Forum social mondial «liquide» (Cetri.be)

    La pluie et les nuits venteuses de Tunis ne sont pas venues à bout de la 13e édition du Forum social mondial (FSM) qui s’est déroulée du 24 au 28 mars 2015.

    C’était la deuxième fois consécutive – après 2013 – que l’événement altermondialiste se déroulait en Tunisie. A l’époque, il s’était nourri de l’effervescence politique et sociale qui gagnait tout le pays après la chute du régime de M. Zine El-Abidine Ben Ali intervenue le 14 janvier 2011 [1]. Depuis, la Tunisie a changé. Cette fois-ci, le FSM a jeté l’ancre dans un pays endeuillé par les attentats djihadistes du musée du Bardo et mis à mal par les multiples crises – économique, sociale, politique et géopolitique – qu’il affronte.

    Depuis les événements de 2011, aucun gouvernement n’a amélioré le sort du pays.

    Pis, pauvreté et insécurités de tous ordres n’y ont fait qu’augmenter. Les anciens partis sont mis en accusation, mais aussi ceux, religieux, qui promettaient le changement. Ainsi, une fois au pouvoir, Ennahda a appliqué un programme tout à fait conforme aux exigences néolibérales en matière économique et sociale, et il a réussi à alimenter rancœur et frustration au sein des secteurs de la société mobilisés par l’islam politique.

    Cette évolution contribue à l’émergence de courants salafistes toujours plus radicalisés en Tunisie comme ailleurs dans une région désormais « entré[e] dans une longue période de fermentation au cours de laquelle la contre-révolution aura peut-être autant de difficultés à se consolider que la révolution elle-même  » comme le signale le journaliste britannique Patrick Cockburn dans un essai éclairant consacré au djihadisme, à l’Etat islamique et à la situation du Moyen-Orient [2].

    Dans ce contexte, le bilan quantitatif du FSM est positif.

    Le choc du Bardo ne semble pas avoir affecté – ou peu – la participation à l’événement. C’est une victoire en soi. Être présent après les dramatiques évènements constituait un acte de solidarité politique et un test pour la crédibilité collective du FSM et du mouvement altermondialiste. Il est malaisé d’annoncer des chiffres vérifiables quant à la participation finale, mais celui de 50 000 personnes provenant de 125 pays circule et est largement repris. On peut toutefois noter que les délégations étrangères d’Europe, d’Asie, des Amériques et d’Afrique subsaharienne semblaient moins nombreuses qu’à l’accoutumée.

    Plus de 5 000 organisations (dont la moitié venues du Maghreb/Machrek) étaient représentées.

    Il est impossible de rendre compte de la diversité et de la qualité des 1 500 activités qui ont été organisées pendant ces journées de la « Dignité et [des] droits ». A coup sûr, ce FSM aura permis à de nombreuses coalitions d’organisations de préparer des événements déterminants comme la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre. Il aura également permis de découvrir de nombreuses luttes sociales et écologiques – comme celle contre les gaz de schiste en Algérie –, d’accueillir de multiples rencontres consacrées à la situation au Proche-Orient ou en Europe après la victoire de Syriza en Grèce et la montée en puissance de Podemos en Espagne, à la question des migrations imposées par la mondialisation, etc.

    Au fond, le FSM peut s’apparenter à une sorte de Fête de L’Humanité internationale ouverte à toutes et à tous, et comme un point de ralliement ponctuel pour des coalitions stabilisées (notamment d’ONG) qui travaillent régulièrement ensemble – avec des ressources ad hoc – depuis une quinzaine d’années pour avancer sur des agendas internationaux communs. Il offre un espace et une culture d’organisations propices à ces objectifs. Il emprunte à la tradition de la « Foire » médiévale. Ici, les participants seraient les acteurs de la « société civile » et les producteurs intellectuels critiques. Dans cette perspective, le FSM ouvre un espace favorable au développement de liens, d’échanges et de transactions entre des mondes éloignés mais connectés, en recherche de complémentarités et de construction de relations profitables durables. De ce point de vue, il s’agit donc d’un espace utile. Utile, il l’est également parce qu’il est le seul disponible au niveau international.

    Pour autant, le FSM ne constitue pas un pouvoir de la « société civile », et il évolue désormais dans des conditions historiques distinctes de celles qui ont présidé à sa création. Initialement conçu en 2001 pour être une réponse des peuples au Forum économique mondial de Davos dans une période alors caractérisée par la montée en puissance des luttes sociales et politiques en Amérique latine – dynamique qui allait significativement contribuer à l’émergence du cycle des gouvernements progressistes dans la région –, il est désormais un « moment » dans la vie d’un mouvement de mouvements hyper-diversifié dominé par des ONG aux ressources stabilisées. De surcroît, le FSM évolue dans une période moins favorable à la gauche dans le monde.

    De ce point de vue, il n’offre pas de clés pour résoudre une question plus globale posée à la nébuleuse d’organisations et de mouvements qui y participent : quelle est la stratégie et quels sont les acteurs et leviers pour transformer le système économique et politique international ? Le processus du FSM ne doit pas être pris pour ce qu’il n’est pas. Il s’agit d’un sujet politico-social « liquide  » Le concept de « vie liquide » a été théorisé par le sociologue et philosophe Zygmunt Bauman. Ce dernier reste mal connu en France où quelques uns de ses ouvrages ont été, malgré tout, traduits. On citera, entre autres : Le coût humain de la mondialisation (Hachette, Paris, 1999), La vie en miettes (Hachette, Paris, 2003), La Vie liquide [3], pas solide. Il constitue ce moment où un « tout diversifié » conflue avant de se redéployer au travers des flux.

    Comme l’a pointé avec justesse l’une des principales animatrices italiennes du FSM intervenue lors d’un séminaire co-organisé par Mémoire des luttes [4], la nature du FSM et des mouvements qui le composent induit une fragilité pour le moment indépassable : « Quelle est notre fonction à nous, mouvements sociaux ?  » s’est-elle interrogée. «  C’est de produire de la participation sociale ». Et de rajouter : « Mais aujourd’hui, au FSM ou dans nos pays, le fait qu’il n’y ait pas de traduction politique de nos idées et de nos propositions aboutit à une nouvelle situation : nous produisons de la frustration ! ».

    C’est là le point limite du FSM en tant que produit de la réalité matérielle des mouvements de lutte contre la mondialisation néolibérale [5].

    par Christophe Ventura
    (31 mars 2015)

    http://www.cetri.be/spip.php?article3809&lang=fr

    Lire aussi:

    http://www.cetri.be/spip.php?article3802&lang=fr

     

  • Contre les menaces sur la santé et la protection sociale, agissons ensemble! (Cadtm)

    Forum Social Mondial de Tunis, 28 Mars 2015

    1er avril par Collectif

    Sur base d’un projet élaboré depuis plusieurs semaines par une trentaine d’organisations, nous, mouvements sociaux, syndicats, collectifs et individus présents à Tunis pour le Forum Social Mondial, avons partagé nos analyses, nos expériences et nos perspectives autour de la santé et de la protection sociale.

    Nous avons abordé les questions liées aux déterminants sociaux de la santé comme la pauvreté, les conditions de travail, l’éducation, l’inégalité de genre ou encore l’accès à l’eau. Nous avons également discuté de l’augmentation croissante de la marchandisation de la santé et de la protection sociale.

    Ces discussions ont permis de constater que la crise de la santé et de la protection sociale est en fait la conséquence des politiques néolibérales globales :

    • La financiarisation de l’économie, aidée par les instances monétaires internationales, et l’endettement engloutissent toutes les nations, grandes et petites, imposent l’austérité et promeuvent les intérêts des banques et des multinationales au détriment des politiques sociales et sanitaires.
    • Des rapports de force déséquilibrés se traduisent par des traités de libre échange favorisant les bénéfices des banques et des multinationales au détriment des peuples, avec la complicité de nombreux gouvernements.
    • La globalisation du marché de la santé et de la protection sociale a des répercussions catastrophiques sur l’accès à la santé, les emplois, les retraites, les conditions de travail, la qualité de la prise en charge et la migration des travailleurs de la santé du sud vers le nord du monde et du secteur public vers le secteur privé.
    • La croissance de la militarisation et l’occupation de territoires provoquent morts, pertes de terres, de travail et de nourriture ; elles provoquent également la montée de l’intolérance entre communautés, le terrorisme et les conflits sectaires.
    • Le plus grand fardeau de la crise est porté par les plus fragilisés – femmes, enfants, migrante-s, pauvres, personnes en situation de handicap, travailleurs/euses et paysan-ne-s.


    La santé est la vie dans toutes ses dimensions : physique, mentale, sociale, environnementale.
    Elle est un droit humain fondamental et inaliénable pour tous et toutes et un bien social commun de toute l’humanité ; elle présuppose de permettre à la population de vivre en paix partout dans le monde et hors de toute occupation.


    Il y a urgence, des alternatives s’imposent !

    • Les droits des populations en matière d’environnement, d’emploi, de conditions de travail, d’accès à l’eau, d’éducation, d’alimentation, de culture, de logement, d’accès au bien-être, doivent être mis en œuvre, garantis, défendus et étendus.
    • Une protection sociale universelle et globale doit être conçue et mise en oeuvre pour promouvoir la justice sociale et la dignité.
    • La priorité doit être donnée aux soins de proximité et à la santé communautaire, incluant la prévention et l’utilisation respectueuse des ressources naturelles.
    • Un système unifié de santé et de protection sociale doit être entièrement public et basé sur une taxation nationale progressive - entre autres du capital - et/ou des cotisations sociales.
    • Un tel système doit appartenir à tous et a toutes et permettre à la population de le contrôler et d’y participer pleinement.
    • Ce système doit se situer hors de la logique marchande et doit garantir un accès aux soins gratuit.
    • Il s’agit de garantir le droit d’accès aux médicaments nécessaires, de bonne qualité et non protégés par des monopoles de droit intellectuel.
    • Les instances sanitaires internationales doivent être transparentes et totalement indépendantes des intérêts des multinationales et des financements privés.


    Forts de nos expériences réussies, passons à l’action !

    • Travaillons en réseau, faisons circuler la connaissance et les analyses, élargissons nos mouvements, nourrissons-nous de nos mobilisations respectives et créons de nouvelles solidarités internationales permettant d’amplifier les rapports de force.
    • A partir des réalités spécifiques locales, sectorielles, conjoncturelles... démontons les mécanismes, rendons accessibles les analyses et les outils pédagogiques, renforçons et faisons converger les mouvements et capacités d’actions. Participons au développement de la capacité d’analyse politique sur les choix de société.
    • Agissons sur la sphère politique :
      - les lois doivent garantir le droit effectif à la santé et à la protection sociale ;
      - créons des mouvements de base suffisamment forts pour exercer un contrôle et une pression sur le politique pour qu’il respecte et rende effectifs ces droits.
    • Professionnels, usagers, citoyens... devenons des acteurs de changement par la formation et la sensibilisation.
    • Créons des alliances entre les professionnels et les usagers, entre les syndicats et les mouvements « citoyens », et favorisons l’émergence d’alliances locales multiformes en défense de la santé et la protection sociale.
    • Renforçons les actions par des convergences avec les mouvements agissant sur les déterminants de la santé, tels que le climat, le commerce, l’austérité, la dette, les conditions de travail, l’égalité hommes/femmes….
    Dates à retenir/Dates of action

    18 avril 2015 : journée d’action mondiale contre le libre-échange
    18-26 mai 2015 : assemblée annuelle de l’OMS Genève
    contact : sbarria chez phmovement.org et/and informations www.phmovement.org
    Juin 2015 : semaine d’action en solidarité avec la Grèce et contre l’austérité
    contact : sebastian chez altersummit.eu et/and informations www.altersummit.eu
    17-24 octobre : semaine mondiale d’action décidée par l’assemblée des mouvements sociaux au Forum Social Mondial
    Novembre-décembre 2015 : COP 21, Paris
    informations et contact : coalitionclimat21.org
    7 avril 2016 : Forum maghrébin sur la protection sociale, Marrakech
    contact et informations : aziz_rhali chez yahoo.fr
    7 avril de chaque année : journée mondiale de la santé


    Signataires


    Action Aid India, Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), Association de Défense du Secteur Public de la Santé, du Droit des Professionnels et des Usagers (Tunisie), Association Tunisienne pour le Droit à la Santé, ATTAC Maroc, Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM), Centrale Nationale des Employés (CNE, Belgique), Collectif pour le Droit à la Santé au Maroc, CUT Brésil, Fédération Nationale de la Santé (UGTT), Forum Algérien pour la Citoyenneté et la Modernité, Forum Régional pour le Droit à l’Eau de la Région Arabe, Forum Social Mondial de la Santé et la Securité Sociale (FSMSS), Global Social Justice, International Association of Health Policy (IAHP), Médecins du Monde Belgique en Tunisie, Mouvement Populaire pour la Santé (PHM), Network for Transformative Social Protection, Observatoire Tunisien de l’économie, Réseau Européen contre la Privatisation et la Commercialisation de la Santé et de la Protection Sociale, Réseau National Dette et Développement (RNDD, Niger), Sud Santé Sociaux (France), Syndicat National des Médecins, Pharmaciens et Dentistes (UGTT), Syndicat National de la Sécurité Sociale (UGTT), Syndicat Générale des Eaux (UGTT), Théâtre du Copion (Belgique), Union des Diplômés Chômeurs (UDC, Tunisie), Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET), Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT).

    http://cadtm.org/Contre-les-menaces-sur-la-sante-et

  • Tunis Cadtm

    • Le Forum parlementaire mondial contre « le système dette »

      par Salaheddine Lemaizi

      28 mars

    • Le 27 mars s’est tenu le Forum Parlementaire Mondial (FPM) à Tunis. Cet événement ouvert à tous les parlementaires qui partagent la charte de Porto-Alegre, et aux participants au FSM a démarré ses activités avec une session sur le thème « Contrer ensemble la dette, instrument de domination des peuples » (...)

    • puce Déclaration de l’Assemblée des mouvements sociaux - Forum social mondial 2015

      Tunis 27 mars

      par Assemblée des mouvements sociaux

      28 mars

    • Les peuples unis ne seront jamais vaincus ! Nous, réuni-e-s lors de l’Assemblée des mouvements sociaux du Forum social mondial 2015 à Tunis, avec notre diversité, pour construire un agenda commun de luttes contre le capitalisme, l’impérialisme, le patriarcat, le racisme et toutes les formes de (...)

    • puce Dettes, Transnationales, Migrations et Paix : Motions adoptées par le forum parlementaire mondial le 26 mars 2015 dans le cadre du FSM

      par Collectif

      28 mars

    • Le Forum Parlementaire Mondial réuni à Tunis le 26 Mars 2015, dans le cadre du Forum Social Mondial, -comme lors de tous les forums précédents-, et réunissant des parlementaires de diverses origines et tendances politiques adhérant à la Charte de Porto-Alegre, des représentants de mouvements sociaux, (...)

  • Forum de Tunis (Al Huff' + Cadtm)

    Les militants de la "vraie" société civile algérienne dénoncent les agissements de la délégation officielle au FSM Tunis

    Dz Fsm
     
     

    Violences au FSM: "Le pouvoir algérien a envoyé ces gens pour décrédibiliser les militants algériens"

    Tunisia Habib Bourguiba
     
     

    Bientôt un Forum social mondial au Maroc?

    Forum Social Mondial

     

    Le pouvoir algérien occupe le terrain au Forum social mondial de Tunis

    Algrie Au Fsm

     

     
     
    • Le Forum veut durcir le front de la dette

      par Benito Pérez

      27 mars

    • TUNIS L’accalmie des années 2000 était trompeuse : les Etats les plus faibles demeurent à la merci du chantage de leurs créanciers. A Tunis, le cas grec suscite la mobilisation. On la croyait dépassée, elle fait un retour en force au Forum social mondial (FSM) de Tunis. Sur le campus d’El Manar, (...)

     

    •  Plusieurs marches d’ouverture au FSM 2015

      par Claude Quémar, Salaheddine Lemaizi

      27 mars

    • Les travaux de la 13e édition du Forum social mondial ont démarré le 24 mars avec la traditionnelle marche d’ouverture. L’itinéraire de cette marche a été modifié par les organisateurs pour pouvoir converger vers le Musée du Bardo, lieu des attaques terroristes du 18 mars dernier. Récit d’une marche (...)

     

  • En Tunisie, le phosphate a saccagé la nature du golfe de Gabès (Reporterre)

    POLLUTION GABS

    Située sur la côte est du pays, Gabès subit depuis trente ans une pollution rampante au phosphate. Oasis asséché, mer polluée, développement de maladies… En cause, l’activité industrielle du Groupe Chimique Tunisien (GCT), qui produit de l’acide phosphorique.

     

    Gabès, reportage

    Une plage de sable fin, des palmiers en abondance, une nature généreuse… Ce paysage de carte postale, la ville de Gabès, à 400 km au sud de Tunis, l’a connu jusque dans les années 1960. « Gabès n’avait pas son pareil, on pouvait trouver de l’ombre un peu partout, la ville était entourée par l’oasis », relate Sami Badrouchi, membre de l’Association de Sauvegarde de l’Oasis de Chenini, qui entoure Gabès.

    Une période glorieuse pour les habitants, « un paradis sur terre avant l’arrivée de l’industrie », se rappelle Abdallah Zrelli, président de la branche régionale de l’Association de Protection de la Nature et de l’Environnement. « C’était le seul oasis au monde situé directement en bord de mer ! Le territoire était d’une richesse extraordinaire », insiste-t-il. À cette époque, la région est très prisée des touristes, notamment libyens. Le gouvernement crée même un train touristique depuis Tunis pour rejoindre Gabès et son oasis.

    Le tournant dans l’histoire de la ville se situe au début des années 1970. En 1972 exactement, lorsque l’Etat, dirigé par Habib Bourguiba, crée le Groupe Chimique Tunisien (GCT). L’entreprise est chargée d’exploiter le phosphate, la principale ressource naturelle du pays. Le bassin minier se trouve autour de Gafsa (au nord-ouest de Gabès), où est récolté le minerai, avant d’être acheminé par train vers la région côtière. Trois pôles sont créés, à Gabès, Skhira et Sfax. Le pôle principal, à Ghannouche (banlieue de Gabès), vise notamment à transformer le phosphate pour produire de l’acide phosphorique. D’autres unités industrielles (cimenterie, agroalimentaire, manufacture) sont également implantées autour de la ville.

    Une manne financière

    Dans la Tunisie des années Bourguiba puis Ben Ali, l’exploitation du phosphate est un secteur clé de l’économie du pays. Aujourd’hui encore, cette activité génère plus de 4 300 emplois directs, repré- sentant 3 % du PIB et 10 % de l’exportation. Le GCT est un poids lourd contre lequel il est impossible de lutter.

    « Avant la Révolution, il n’y avait aucune association de protection de l’environnement. On n’avait aucun moyen d’agir, il n’y avait pas d’informations sur le sujet », déplore Sami Badrouchi. Une opacité favorisée par le régime autoritaire et corrompu de Ben Ali.

    Après la chute du dictateur, la société civile s’empare d’un certain nombre de sujets, dont l’environnement. « À partir de la Révolution, la pollution a cessé d’être un sujet tabou que l’on ne sortait qu’au moment des élections », explique Abdallah Zrelli. L’impact de l’activité industrielle est de toute façon trop visible pour cacher plus longtemps la réalité de la situation. Les associations locales se mobilisent pour informer la population sur le « problème du phosphate ». Ou plutôt les problèmes, tant les conséquences sont nombreuses.

    Autrefois verdoyant, l’oasis de Gabès n’est plus que l’ombre de lui-même. La faute à l’accaparement de l’eau par l’usine chimique, selon Sami Badrouchi. « Le groupe chimique pompe une très grande partie de l’eau présente dans les nappes, sans la renouveler. Sur la zone voisine de Ras el Oued, on comptait auparavant 400 sources naturelles. Aujourd’hui, on est obligé de pomper l’eau… À cause de cela, l’activité agricole n’est plus rentable ». En manque d’eau, le territoire souffre également d’une pollution considérable due à l’activité industrielle.

    Des boues radioactives

    La production d’acide phosphorique génère un déchet, nommé phosphogypse, composé notamment d’uranium, de plomb, de polonium et de radium. Pour une tonne d’acide phosphorique, 5,1 tonnes de phosphogypse sont rejetées. Ces déchets radioactifs sont stockés à l’air libre à Sfax et Skhira, sous forme de terrils plus ou moins bien protégés. A Gabès, en revanche, le phosphogypse est entièrement déversé dans le golfe par un canal à ciel ouvert. Mélangé à de l’eau de mer, il forme des « boues gypseuses ». La ville portuaire est touchée de plein fouet par ces rejets. Mohamed Ali Daymi, qui est ingénieur et suit de très près la question, décrit la situation : « La décharge est située précisément entre les ports de commerce et de pêche de Gabès… ».

    Le site de Shkira

    Les chiffres recensés jusqu’à présent donnent le vertige. L’usine de Ghannouche déverse chaque jour environ 42 000 m3 de ces boues dans la mer, soit 12 500 tonnes de phosphogypse sec. Selon Samir Jomaa, de l’Université de Carthage, « on estime que 135 millions de tonnes de phosphogypse sec ont été rejetées sur les côtes du Golfe durant les trente dernières années ». [1]

    La baignade est interdite et de nombreuses espèces de poissons ont disparu.

    On n’en compte plus que sept actuellement, contre plusieurs dizaines dans les années 1960. Les pêcheurs, inquiets de voir leur activité réduite à peau de chagrin, ont manifesté la semaine dernière dans les rues de la ville. Les autorités ont répondu par des tirs de gaz lacrymogène et plusieurs interpellations. Les habitants de Gabès ne sont évidemment pas épargnés par le fléau. Les consé- quences sur la santé sont préoccupantes. Ici, on ne compte plus les personnes atteintes d’un cancer, surnommé « la mauvaise maladie ».

    Pourtant, aucune étude précise n’a été menée jusqu’à présent. « Une association des agents de santé de l’hôpital a demandé un registre des maladies recensées sur Gabès, mais cela n’a pas encore été mis en œuvre », déplore Sami Badrouchi.

    La plupart des malades partent à Sfax ou à Tunis pour se faire soigner, ce qui rend difficile le lancement d’une telle étude. D’autres maladies, comme l’ostéofluorose, liée à l’importante concentration de fluor, ont également vu le jour dans la région. À cela s’ajoutent la pollution atmosphérique ou les mauvaises odeurs à proximité du site…

    Vers un arrêt des rejets en mer

    Après des années de silence, le Groupe Chimique Tunisien, qui fait face aux pressions de la société civile, semble réagir. Une cellule de veille, composée de responsables du GCT et de membres d’associations, est chargée d’étudier les projets du groupe. L’entreprise envisage notamment plusieurs mesures pour réduire son impact environnemental. La plus emblématique serait l’abandon des rejets de phosphogypse en pleine mer. À la place, une décharge implantée sur le continent pourrait voir le jour. Elle serait dotée d’une « géo-membrane destinée à protéger les eaux souterraines contre les infiltrations », selon le groupe.

    Trois sites sont pressentis pour accueillir ce futur terril, situés entre 20 et 40 km de l’usine. L’installation nécessiterait le transport des boues gypseuses sur plusieurs dizaines de kilomètres, via le plus long pipeline de phosphogypse du monde… Le montant serait de 400 millions d’euros. Pour l’un des sites proposés, à El Malah (à 20 km de Gabès), les habitants ont déjà clairement exprimé leur refus.

    Si l’arrêt de la production de phosphate est pour l’instant peu envisageable, le cœur du problème est d’ordre économique, selon Mohamed Ali Daymi. « Avec 23,7 % de chômage dans le gouvernorat de Gabès, dont 40,2 % pour les jeunes diplômés, il faut mettre en œuvre une économie alternative pour sortir de l’emprise du phosphate. Si l’on installe des systèmes de dépollution, d’ingénierie de l’eau, etc., on permettra à des gens qualifiés d’avoir du travail et de contribuer à éradiquer la pollution ». Le seul moyen, selon lui, de redonner de l’espoir à la population : « Le niveau de bien-être est négatif ici, les gens souffrent. Ils veulent juste vivre ».

    27 mars 2015 / Clément Barraud (Reporterre) [1Etude présentée lors du Forum social de l’environnement, le 7 février 2015, à Monastir

    Lire aussi : La menace du gaz de schiste plane sur la Tunisie

    http://www.reporterre.net/En-Tunisie-le-phosphate-a-saccage

  • A Tunis, la Coalition pour le climat prend de l’élan (Reporterre)

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    Plus d’une centaine d’associations, d’ONG et de mouvements internationaux se sont réunis à Tunis à la veille du Forum social mondial. Objectif : s’accorder sur les stratégies de pression pour peser sur le sommet de l’ONU sur le climat à Paris, fin 2015 et poursuivre le mouvement ensuite.

    En préambule du Forum social mondial qui se déroulera cette semaine à Tunis, la plateforme Coalition climat 21 s’est réunie lundi et continuera à travailler ce mardi. Elle regroupe plus d’une centaine d’organisations françaises issues de la société civile.

    L’objectif : définir avec des représentants des réseaux internationaux les orientations sur l’organisation de la mobilisation autour de la COP 21, la conférence des Nations Unies sur le climat qui se tiendra fin 2015 au Bourget, près de Paris. Poser les bases d’un mouvement pour la justice climatique sur le long terme. Et mettre en place un rapport de forces capable de peser sur cette négociation entre 193 Etats.

    Dans un amphithéâtre de la facuté de droit de Tunis, près de deux-cents personnes se lèvent comme une seule femme à la question « Qui est ici pour un mouvement sur la justice climatique ? ». Née il y a un an, la coalition climat entend dépasser d’anciens clivages entre les organisations considérées comme « modérées », et d’autres perçues comme plus « radicales. »

    « Entre Climate action network (le réseau historique d’ONG travaillant sur le climat, ndlr) et Climate justice now (réseau d’ONG issues du monde du développement), on peut travailler ensemble même si on n’a toujours les mêmes stratégies ni les mêmes tactiques, assure l’Indienne Payal Parekh. Il n’y a pas un seul chemin. »

    Des chemins qu’il s’agit d’élargir au maximum. « Sans mobilisation populaire, rien n’est possible, dit Christophe Aguitton, d’Attac. On a réussi à regrouper l’essentiel du mouvement environnementaliste. Il s’agit maintenant de trouver les moyens de son enracinement dans le temps, bien au-delà de la COP 21 ».

    Une échéance qui nourrit un scepticisme évident chez les militants échaudés par le fiasco de la conférence de Copenhague en 2009. « Comme les Etats ne veulent pas se coincer, les objectifs de réduction de gaz à effet de serre chiffrés, datés et contraignants, ne feront pas partie des négociations, alors que c’est un des points cruciaux », se désole-t-il.

    Même son de cloche pour Nicolas Haeringer, de l’association 350.org : « Peut-être la réponse n’est-elle pas dans la négociation entre des Etats prisonniers d’intérêts privés, mais plutôt dans ce que portent la société civile et les collectivités locales, qui ont la main sur des leviers permettant de favoriser la transition énergétique ».

    Un exemple ? « Les campagnes de désinvestissement, qui incitent les institutions à investir dans les énergies renouvelables plutôt que de mettre leurs billes dans l’une ou l’autres des 200 entreprises qui possèdent les plus grosses réserves de gaz, de pétrole et de charbon ». Selon lui, « la seule chose que l’on peut attendre des Etats, c’est qu’ils ne rajoutent pas de nouveaux obstacles à la transition énergétique ».

    Des obstacles dans le genre du Tafta, le traité transatlantique commercial en cours de négociation ? L’articulation entre la campagne anti-Tafta et la COP 21 est le Graal recherché par Amélie Canonne, spécialiste des accords de commerce et d’investissement pour le réseau Aitec : « Signer ce traité et mettre en oeuvre une politiques ambitieuse de lutte contre le changement climatique est incompatible. Le Tafta va notamment favoriser le commerce des énergies fossiles entre l’Europe et les Etats-Unis, comme c’est déjà le cas au Canada. Entre le Tafta et le climat, le gouvernement devra choisir. Et pour nous, c’ est une raison de plus pour s’unir. »

    Une forte délégation d’Alternatiba est présente

    Nicolas Haeringer en est persuadé : « On est à un tournant de la construction de mouvements de mobilisation, avec des exemples très concrets comme les ZAD. Il est nécessaire de connecter les mobilisations locales à des campagnes plus globales ».

    Soutenir les luttes contre les « grands projets climaticides » fait partie des ambitions de la coalition : tout comme aider aux constructions d’alternatives (type Alternatiba, Amap, villes en transition...), mener des actions contre les lobbies de l’énergie, organiser des rassemblements, et initier des actions massives de désobéissance civile.

    24 mars 2015 / Isabelle Rimbert (Reporterre)

    http://www.reporterre.net/A-Tunis-la-Coalition-pour-le