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Tunisie - Page 22

  • Les jeunes des quartiers populaires face à la police en Tunisie (Orient 21)

    Ce qui a changé

    Longtemps, en raison des entraves qui empêchaient toute recherche de terrain, les quartiers populaires de Douar Hicher et Ettadhamen de l’agglomération de Tunis, marqués par la relégation et la paupérisation, sont restés pour les sociologues une terra incognita. Mettant à profit la récente levée de ces entraves, les auteurs de cet ouvrage ont mené, neuf mois durant, une enquête quantitative et qualitative inédite sur les jeunes de ces deux quartiers trop souvent réduits à des foyers de « violence salafiste ». Plus qu’une étude détaillée, une mise en lumière d’une certaine Tunisie, largement méconnue.

    «  Le comportement de la police est toujours le même, la police ne changera jamais, la corruption est toujours là. Quand ils te voient en train de boire, avec dix dinars ils te laissent tranquille  », témoigne Zohra, 29 ans, chômeuse et mère célibataire). Mohamed Ali, 21 ans, élève en terminale, activiste dans une association culturelle d’Ettadhamen confirme : «  Le même comportement dur (qaswa), ils s’acharnent sur nous d’une façon terrible…On sent que la police, comme on dit, elle nous en veut. La moindre chose qui arrive dans le quartier et la police se déploie d’une manière très forte et réagit violemment. Dans les quartiers, les jeunes ont la haine envers la police.  »

    Au fil des entretiens, les jeunes hommes, en particulier les plus défavorisés, des quartiers de Douar Hicher et d’Ettadhamen, témoignent de leur ressentiment à l’égard des forces de l’ordre. Ils décrivent des interventions policières violentes, dépourvues de toute mission préventive, les assimilant souvent à des délinquants. Ils rapportent les brutalités et les humiliations lors des «  rafles  » et relatent les vexations ainsi que les discriminations à l’adresse dont ils sont victimes, au centre ville de Tunis et dans les quartiers aisés, à l’occasion des contrôles d’identité. À Douar Hicher plus particulièrement, les jeunes récriminent ce qu’ils appellent «  le couvre-feu  » du samedi soir, un déploiement policier intensif censé contenir une éventuelle recrudescence de la délinquance juvénile durant les fins de semaine. Au gré des récits, le divorce entre police et jeunes apparaît comme un fait prégnant dans l’histoire sociale des deux quartiers. Il génère un ressentiment qui marque la trajectoire de bon nombre de jeunes et façonne chez eux une conscience aiguë de l’injustice et de la relégation. L’image de l’autorité publique souffre d’un grand déficit aux yeux des jeunes.

    Un pauvre dispositif d’assistance sociale

    Ce constat conduit à une question essentielle : dans quelle mesure la révolution a-t-elle provoqué une rupture dans la manière de «  gouverner  » les jeunes habitants de ces territoires en butte à la précarité et au chômage de masse  ? Nos entretiens avec les autorités locales ainsi que la lecture des différentes décisions du conseil local de développement d’Ettadhamen éclairent le volet social de la gouvernance post-14 janvier. Ils révèlent l’absence persistante de toute politique de jeunesse, tant du point de vue des ressorts de l’intervention publique que de celui des structures chargées de sa mise en œuvre. Malgré un discours officiel reconnaissant la «  marginalisation politique et sociale des jeunes  », les actions spécifiques en faveur de leur intégration sont quasi inexistantes. La seule mesure prise a consisté à réactiver, sous le gouvernement de Ghannouchi (17 janvier 2011-27 février 2011), la loi sur les «  chantiers  » dont l’impératif premier était de désamorcer la conflictualité sociale. Ainsi, en 2011, les municipalités de Douar Hicher et Ettadhamen avaient recruté sans contrat des jeunes chômeurs sans qualification. À l’été 2014, sous l’effet de la mobilisation, une dizaine d’entre eux ont obtenu des CDI. Force est donc de constater que presque quatre années après la révolution, une majorité de jeunes dans les deux quartiers demeurent exclus de tous les attributs de la citoyenneté sociale (assurance maladie, protection sociale, équipements collectifs) et privés de tout accès à des infrastructures cultuelles ou de loisirs…

    Faute d’une stratégie politique d’inclusion sociale et économique en faveur des jeunes, le dispositif de l’assistance publique demeure le seul outil de l’agir social du pouvoir auprès de ceux-ci. L’aide sociale, loin de colmater les brèches du chômage juvénile de masse, ne représente qu’une très faible prestation facultative attribuée aux personnes les plus démunies. À Ettadhamen, par exemple, le nombre des bénéficiaires de la gratuité des soins ne dépasse pas les 976 personnes tous âges confondus, tandis que seuls 750 ménages profitent des aides réservées aux familles nécessiteuses.

    À Douar Hicher, l’action sociale publique en direction des jeunes en situation de grande difficulté s’adosse au Centre de défense et d’intégration sociale (CDIS), une structure de proximité aux moyens très limités, mise en place en 1991 et affilée au ministère des affaires sociales. Or, malgré le grand dévouement de ses éducateurs sociaux, le CDIS est loin de pouvoir faire face tout seul.

    Il convient, néanmoins, de souligner deux changements dans le dispositif institutionnel local. Le premier concerne les prérogatives du délégué (mou’tamad). Fonctionnaire civil attaché au ministère de l’intérieur, celui-ci incarnait naguère l’ordre autoritaire et la corruption institutionnalisée. Fin 2011, une nouvelle loi a limité ses pouvoirs et lui a retiré le contrôle de l’aide sociale, qui relève désormais de la compétence du ministère des affaires sociales. Le deuxième changement renvoie à l’ouverture, en 2012, des délégations spéciales et du Conseil de développement local à la société civile et politique. En dépit de son importance, cette démarche s’apparente davantage à une volonté d’implication sélective de partenaires locaux cooptés. Sans nul doute, ces deux changements témoignent d’une évolution dans le rapport entre citoyen et État. Ils sont pourtant loin de provoquer une rupture avec les modes de gouvernance antérieurs, dans la mesure où ils ne traduisent pas une vision stratégique des manières et des procédés inclusifs permettant de prendre en compte les besoins des jeunes.

    La fonction économique de l’appareil sécuritaire

    Quid du volet sécuritaire de la gouvernance  ? Sous Ben Ali, le dispositif sécuritaire remplissait trois fonctions. Une fonction politique, en assurant la pérennité de l’ordre autoritaire par l’endiguement de toute forme de contestation. À Douar Hicher et Ettadhamen, celle-ci s’est déployée prioritairement, plus de vingt ans durant, à l’encontre de l’opposition islamiste, nahdhaoui dans les années 1990 puis parallèlement salafiste au lendemain de l’attentat de Djerba (attentat-suicide contre la synagogue de la Griba en avril 2002 ayant fait 19 morts).

    À partir des années 1990, la «  privatisation de l’État  », entendue ici comme l’accaparement des ressources économiques publiques et privées par Ben Ali et son entourage, confère à l’appareil sécuritaire une fonction économique. Celui-ci est en effet impliqué dans la régulation des activités en marge de la légalité et autres formes de ponction et de racket. Plusieurs récits que nous avons recueillis rapportent la participation de la police à diverses activités illicites à Douar Hicher et Ettadhamen. La dernière fonction est sociale. Elle se renforce dans le sillage de l’application des politiques d’ajustement structurel. Le dispositif sécuritaire veille au maintien de l’ordre social en jetant un filet policier étroit sur ces deux quartiers de relégation. Des rafles, et plus tard la loi 52-1192 — qui prévoit une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 1 000 à 3 000 dinars (472 à 1 418 euros) pour les consommateurs de cannabis — permettront, sous couvert de lutte contre la délinquance juvénile et la consommation des drogues, de renforcer la contention des «  classes dangereuses  » et l’encadrement de leur mobilité.

    À l’évidence, si la révolution a bousculé les fonctions prédatrice et politique de l’appareil sécuritaire, elle est loin d’avoir altéré son rôle social. En témoigne Thameur, un jeune rappeur de Douar Hicher : «  Vous voyez comment on est devenus au quartier. Il y a des jeunes qui passent une année sans descendre en ville, car la police peut arrêter le bus numéro 56, juste avant le tunnel ou au terminus de Bab al-Khadra, pour contrôle de papiers, et au hasard elle classe les individus : "Toi viens par ici  ! Toi par là  !" Même un étudiant, on lui trouve un prétexte pour l’envoyer faire son service militaire  !  »


    Orient XXI  Olfa Lamloum > 20 mars 2015
     
  • Programme du CADTM au FSM de Tunis 2015

     *

    Le Forum Social Mondial se tiendra cette année à Tunis, en Tunisie, du 24 au 28 mars. Le CADTM, partie prenante du processus depuis ses débuts, sera présent au FSM avec une délégation de plus de quarante personnes venant de Belgique, de France, de Suisse, de RDC, du Bénin, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Togo, du Niger, du Mali, du Sénégal, de Tunisie, du Burkina Faso, de République du Congo, du Maroc, d’Haïti, d’Argentine, d’Inde et du Pakistan. 


    Le CADTM organisera ou co-organisera une douzaine d’ateliers sur différents thèmes. Il participera également à plusieurs ’assemblées de convergence’. Vous trouverez le programme détaillé en dessous et nous publierons au fur et à mesure les différentes nouvelles en direct de Tunis.

     *

    March 24th 11h

    Assemblée des femmes
    Women’s assembly

    Assemblée des jeunes
    Youth assembly


    March 24th 15h

    Marche d’ouverture du FSM
    Opening march of the WSF


    March 25th 8h30-11h
    - Mini Amphi 146

    • Grèce sur le fil du rasoir : quels enjeux pour les mouvements sociaux ?
    • Greece on a razor’s edge : what is at stake for social movements ?
    • Grecia sobre el filo de la navaja : ¿qué retos para los movimientos sociales ?
      Co-Organizer : ARCI, CADTM, Transform !, ATTAC France
      With Eric Toussaint (CADTM International)


    March 25th 8h30-11h
    - Mini Amphi N

    • Les mauvaises conditions de travail nuisent gravement à la santé
    • Bad working conditions seriously damage health
    • ES Las malas condiciones de trabajo perjudican seriamente la salud
      Co-organizer : SUD Santé Sociaux (France), CNE (Belgique), RNND (Niger), CUT (Brésil), Action Aid India
      With Sanoussi Malam Saidou (RNDD Niger)


    March 25th 15h-17h30
    - Amphi B B

    • Dette, extractivisme et crise climatique
    • Debt, extractivism and climate crisis
    • Deuda, extractivismo y la crisis climática
      Co-organizer : CADTM AYNA, Les Amis de la Terre France, Attac, ELA, E-CHANGER/COMUNDO, GUE, CADTM
      With Maria Elena Saludas (ATTAC Argentine/ CADTM AYNA), Nicolas Sersiron (CADTM France/CADTM Europe), Issa Aboubacar (RNDD Niger/CADTM Afrique), Juliette Renaud (Les Amis de la terre France), Sol Sanchez (ATTAC Espagne), Ainhara Plazaola et Txext de BIZI (ELA), Claude Desimoni (E-Changer )


    March 25th 15h-17h30
    - Salle I105 - I104

    • Du Sud au Nord, l’audit citoyen : outil de mobilisation populaire en vue de l’annulation de la dette
    • From South to North, the citizen debt audit : instrument for the popular mobilisation in view of the debt cancellation
    • Del Sur al Norte, la auditoría ciudadana : herramienta de movilización popular con vistas a la anulación de la deuda
      Co-Organizer : CGSP, CETIM, ATTAC France, GUE
      With Issa Kamissoko (CAD-Mali/CADTM Afrique), Syed Abdul Khaliq (CADTM Pakistan), Thomas Coutrot (ATTAC France/ CAC), Gilbert Lieben (CGSP), Florian Rochat (CETIM)Issa Kamissoko (CAD-Mali/CADTM Afrique), Maria Elena Saludas (ATTAC Argentine/CADTM AYNA), Syed Abdul Khaliq (CADTM Pakistan), Thomas Coutrot (ATTAC France/ CAC), Gilbert Lieben (CGSP), Florian Rochat (CETIM)


    March 25th 15h-17h30
    - Salle SP 14

    • La coopération solidaire Nord-Sud-Nord pour renforcer les mouvements sociaux du Sud
    • North-South-North solidarity cooperation in order to strengthen social movements of the South
    • La cooperación solidaria Norte-Sur-Norte con el fin de fortalecer los movimientos sociales del Sur
      Co-Organizer : CADTM, SOLIFONDS, World March of Women - Marche Mondiale des femmes - Marcha Mundial de las Mujeres, Unité, La Via Campesina, E-CHANGER/COMUNDO
      With Mimoun Rhamani (ATTAC CADTM Maroc)


    March 26th 8h30-11h - Salle I208 - I 207

    • Dette et libre-échange
    • Debt and free exchange
    • Deuda y libre comercio
      Co-Organizer : CADTM Afrique, Egyptian Center for Economic and Social Rights, FGTB Liège-Huy-Waremme, GUE, CADTM
      With Brahim Oubaha (ATTAC CADTM Maroc/CADTM Afrique), Anouk Renaud (CADTM Belgique/CADTM Europe), Maria Elena Saludas (ATTAC Argentine/CADTM AYNA), Abdoulaye Sene (UNSAS/CADTM Sénégal/CADTM Afrique), Sushovan Dhar (CADTM Inde), Heba Khalil (Egyptian Center for Economic and Social Rights)


    March 26th 8h30-11h
    - Mini Amphi O

    • Les nouveaux outils des multinationales pour privatiser la santé et la protection sociale : investissement à impact social, PPP, M-Santé, E-santé
      Co-Organizer : UGTT : Union Générale Tunisienne du Travail, Federation SUD santé sociaux, RAID, Centrale Nationale des Employés CNE, Théâtre du Copion, People’s Health Movement (PHM), Global Social Justice, Réseau Européen contre la Privatisation et la Commercialisation de la Santé et de la protection sociale-European Health Network, Syndicat national des médecins, des pharmaciens et des médecins dentistes de la santé publique
      With Salaheddine Lemaizi (ATTAC/CADTM Maroc/CADTM Afrique)


    March 26th 11h30-14h
    - Salle de conférence

    • Dégage, microcrédit, dégage ! Les femmes unissent leurs luttes, résistances et alternatives
    • Go away, microcredit, go away ! Women unite their struggles, resistances and alternatives
    • Fuera, microcrédito, fuera ! Las mujeres unen sus luchas, resistencias y alternativas
      Co-Organizer : CADTM Afrique, Attac, Genre en Action, Association Tunisienne des Femmes Démocrates ATFD, AFTURD, GUE, CADTM
      With Samira Elaloui (ATTAC/CADTM Maroc/ CADTM Afrique), Emilie Achtaka (CADD Bénin/CADTM Afrique), Sushovan Dhar (CADTM Inde)
      Sékou Diara (CAD Mali/CADTM Afrique)


    March 26th 15h-17h30
    - Amphi ASN

    • Pourquoi et comment désobéir aux créanciers ?
    • Why and how to disobey the creditors ?
    • ¿Por qué y cómo desobedecer a los acreedores ?
      Co-Organizer : CADTM AYNA, Transnational Institute, Observatoire Tunisien de l’Economie, ATTAC France, CADTM
      With Camille Chalmers (PAPDA/CADTM AYNA), Sékou Diara (CAD Mali/CADTM Afrique), Najib Akesbi (économiste, professeur de l’enseignement supérieur), Chiara Filoni (ICAN/CADTM Belgique), Trumbo Vila (TNI), Thomas Coutrot (ATTAC France/CAC ), Chafik Ben Rouine (Observatoire Tunisien de l’Economie)


    March 26th 15h-17h30
    - Salle I208 - I207

    • Accords de partenariats économique Union européenne-Afrique : une menace pour les peuples
    • Economic Partnership Agreements EU-Africa : a threat to people
    • Acuerdos de Asociación Económica entre la UE y África : una amenaza para los pueblos
      Co-Organizer : Enda CACID, CADTM Afrique, Brot für die Welt - Evangelischer Entwicklungsdienst, ATTAC France, CGT, Aitec-IPAM
      With Broulaye Bagayoko (CAD Mali/CADTM Afrique)


    Assemblée de convergence


    March 27th 11h30-14h
    - Salle I106

    • Les nouvelles politiques des IFI, l’UE et les USA dans la région arabe après les soulèvements populaires
    • The new policies by the IFIs, the EU and the USA in the Arab region after the popular uprisings
    • Las nuevas políticas de las IFI, la UE y Estados Unidos en la región árabe tras los levantamientos populares
      Co-organizer : CADTM Afrique, CLA, CNCD-11.11.11
      Salaheddine Lemaizi (ATTAC/CADTM Maroc/CADTM Afrique), Fathi Chamkhi (RAID-ATTAC-CADTM Tunisie/CADTM Afrique), Achour Idir (CLA)


    March 27th 11h30-14h
    - Salle TD 3

    • L’austérité requiert une résistance
    • Austerity needs resistance
    • Austeridad necesita resistencia - De Atenas a Madrid
      Co-organizer : ATTAC Deutschland
      With Renaud Vivien (CADTM Europe)


    March 27th 15h-17h30
    - Salle I105 - I104

    • Casser la spirale de l’impôt injuste et de la dette odieuse
    • Break down the vicious circle of unjust taxation and odious debt
    • Romper la espiral de impuesto injusto y de la deuda odiosa
      Co-Organizer : CADTM Afrique, Egyptian Center for Economic and Social Rights, CNCD-11.11.11, CADTM
      With Najib Akesbi (économiste, professeur de l’enseignement supérieur), Fathi Chamkhi (RAID-ATTAC-CADTM Tunisie/CADTM Afrique), Camille Chalmers (PAPDA/CADTM AYNA), Antonio Gambini (CNCD-11.11.11.), Heba Khalil (Egyptian Center for Economic and Social Rights)


    March 28th 8h30-11h
    - Salle I105 - I104

    • Syriza, Podemos, … Restructuration ou annulation de la dette illégitime ?
    • Syriza, Podemos… Restructuration or annulation of the illegitimate debt ?
    • Syriza, Podemos… ¿Reestructuración o anulación de la deuda ilegítima ?
      Organizer : CADTM
      With Eric Toussaint (CADTM Europe), Miguel Urban (Podemos), Marie-Christine Vergiat (Front de gauche/France), M.Kolouglou (Syriza/Grèce), Gabi Zimmer (Die Linke)


    March 28th 16h 
    Marche de clôture

    19 mars par CADTM

    http://cadtm.org/Programme-du-CADTM-au-FSM-de-Tunis

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

    *

     LDH (France), CRLDHT, FTCR, ATF, Front populaire IdF, REF, ADTF, DTCE, AIDDA, Collectif 3 C, Al Massar, Al Joumhouri - 20 mars 2015

     

     WSF - 19 March 2015

     

     FSM - 19 mars 2015

     

     SIVAN Eyal, SIBONY Michèle - 18 mars 2015

     

    Laïcité UJFP - 19 mars 2015

     

     SIBONY Michèle - 6 mars 2015

     

     Collectif- - 19 mars 2015
  • Tunisie, la « normalisation » est lancée (Npa)

    Le 5 février, le Parlement issu des élections du 26 octobre 2014 a voté la confiance au nouveau gouvernement à une écrasante majorité de 81,5 %.

    Un gouvernement pour tenter d’enterrer la révolution

    Le profil des principaux membres du gouvernement résume à lui seul sa fonction : tenter de « refermer la parenthèse révolutionnaire ouverte le 14 janvier 2011 ».
    Au-dessus de l’édifice trône le président de la République Beji Caïd Essebsi, fondateur en 2012 de Nidaa Tounes : sorte de monarque républicain, c’est sur lui que reposent toutes les décisions importantes. Ministre de la Défense puis de l’Intérieur sous Bourguiba (1), il incarne avant tout la volonté de maintenir l’ordre bourgeois. Fonction qu’il a notamment remplie en 2011 comme Premier ministre, du 27 février à la fin décembre (2).


    Sous ses ordres directs, se trouve le Premier ministre Habib Essid qui a participé au pouvoir sous Ben Ali, Essebsi, puis sous les islamistes (3). Ancien magistrat, le ministre de l’Intérieur a également été un serviteur zélé des régimes de Ben Ali et d’Ennahdha (4).
    Symbolisant le « compromis historique » réalisé entre les néolibéraux « modernistes » de Nidaa et les islamistes d’Ennahdha, un ministère (5) a été accordé à Zied Laâdhari, le porte-parole d’Ennahdha. Il est flanqué de trois secrétaires d’État de son parti.
    Incarnant une certaine continuité avec le régime de Ben Ali, on trouve également dans ce gouvernement trois ministres du parti UPL de l’affairiste douteux Slim Riahi (6) et trois ministres du parti ultra-libéral Afek Tounes.

     

    Ce gouvernement comporte au total 42 membres, dont un peu moins de la moitié représentent officiellement des partis politiques : Nidaa (19 %), Ennahdha (9,5 %), UPL (7,1 %), Afek Tounes (7,1 %) et FSN (2,4 %). Les autres ministres sont répertoriés comme « indépendants ».

    À propos du nouveau gouvernement, quelques commentaires de la gauche tunisienne :

    Ligue de la gauche ouvrière (7) communiqué du 28 décembre 2014 : « La Ligue de la gauche ouvrière (LGO) refuse de participer au gouvernement de la majorité parlementaire, non seulement à cause de l’alliance prévue entre Ennahdha et Nidaa Tounes avec la participation des islamistes au gouvernement, mais surtout en termes de rejet du programme économique et social hostile aux intérêts des larges masses comme il a été constaté dans le budget désastreux dernièrement adopté par l’Assemblée. La Ligue de la gauche ouvrière refuse d’accorder sa confiance à la composition gouvernementale attendue parce que son programme et ses composantes ne travailleront que pour restaurer l’ancien régime dans ses grands choix et orientations. La LGO appelle les députés du Front populaire à la nécessité de s’éloigner de la logique des polarisations politiques imaginaires entre Nidaa Tounes et Ennahdha au sein et en dehors du Parlement ».

    Hamma Hammami (Parti des travailleurs et porte-parole du Front populaire) (8) : « Certaines personnes accusées dans des affaires de terrorisme et d’assassinats, font partie du gouvernement Essid. Le militantisme se poursuit afin de révéler la vérité autour de l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, ainsi que la vérité concernant les affaires du terrorisme et des martyrs de la révolution. »

    Zied Lakhdhar (PPDU et Front populaire) (9) : « Dans le partage des ministères, là où il n’y a pas un représentant de Nidaa Tounes, il y a un représentant d’Ennahdha ou d’une formation politique proche de ce parti, comme si on voulait bien se garder d’ouvrir certains dossiers pas très catholiques de la troïka dans les domaines de l’agriculture, de l’équipement, de l’industrie, de la santé et des domaines de l’État. Pour cela, chaque ministre de Nidaa Tounes a été flanqué d’un secrétaire d’État d’Ennahdha ou proche de ce parti, tels la santé, l’agriculture, etc. »

    Mbarka Brahmi (Courant populaire et Front populaire) (10) : « Sur le fond et la forme, ce gouvernement représente une alliance entre les forces libérales, des personnalités de l’ancien régime et des restes de la troïka ».

    Zouhaier Maghzaoui (Mouvement du peuple) (11), les Tunisiens sont victimes d’une tromperie de la part d’Ennahdha et de Nidaa : « Tout au long de leurs campagnes électorales, ils se présentaient aux électeurs comme ennemis alors qu’aujourd’hui ils se retrouvent côte à côte au sein du même gouvernement ».

    Fathi Chamkhi (LGO et Front populaire) : « Qu’ils se réclament du ‘modernisme’, de l’islamisme ou franchement du libéralisme, ils n’ont en fait que des divergences de façade. Ils le savent très bien ! Aucun n’a véritablement de programme, encore moins un projet pour cette Tunisie qui a rejeté l’austérité et les restructurations néolibérales, et qui continue de refuser d’en supporter les frais. Ce qui compte pour eux, c’est de convaincre les vrais maîtres de la Tunisie, à savoir le capital étranger, qu’ils représentent une alternative viable à l’ancien pouvoir dictatorial. Il va de soi qu’ils poursuivent sa politique néolibérale, sans se soucier du droit des Tunisiens à disposer librement d’eux-mêmes. Leurs divergences de façade sont en train de passer à la trappe. Fini pour Nidaa les appels à l’alliance large des démocrates pour la défense de la ‘société civile’ contre ‘la menace islamiste’, qui lui ont permis de se construire puis de gagner les élections. Fini aussi, les discours du parti islamiste sur la nécessité de défendre la révolution contre les représentants de l’ancien pouvoir de Ben Ali. Une fois les élections passées, les masques sont tombés. L’heure est à ‘l’union sacrée’. Il est clair que les différentes expressions de la contre-révolution se préparent, en s’unissant, à passer à la contre-offensive contre les classes laborieuses et la jeunesse qui revendiquent une vie meilleure et un avenir ». (12)

    A propos du nouveau ministre de l’Intérieur

    Le nouveau ministre de l’Intérieur est considéré comme le symbole de la volonté de « normalisation » du nouveau gouvernement.

    * Kalthoum Kannou (Association des magistrats de Tunisie) : la nomination de Najem Gharsalli comme ministre de l’Intérieur « est le pire choix que pouvait faire Habib Essid », car il « a joué un rôle sous la dictature dans le harcèlement des juges honnêtes » (13).

    * Ahmed Seddik (Mouvement Baath et Front populaire) (14), « Le nouveau ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Habib Essid, Najem Gharsalli n’est pas habilité à se voir confier le dossier des assassinats politiques. Najem Gharsalli est impliqué, sous l’ancien régime, dans de graves violations des droits de l’homme, s’agissant notamment de la transgression des droits des magistrats au rassemblement et à l’expression ainsi que sa tentative de renverser les structures légitimes de l’Association des magistrats de Tunisie. »

    * Mbarka Brahmi (Courant populaire et Front populaire) : « Najem Gharsalli a été désigné pour assurer la sécurité des Tunisiens, mais on ne peut lui confier la sécurité des Tunisiens sachant qu’il sera difficile pour lui de dévoiler les assassins des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ».

    À propos de la politique économique et sociale du gouvernement.

    Fathi Chamkhi (LGO et Front populaire) met les points sur les « i » : « Le train est déjà lancé ! Il poursuit dans la même voie sans issue, tout en essayant d’aller plus vite. Concrètement, le gouvernement veut poursuivre la mise en œuvre du second Plan d’ajustement structurel dicté par le FMI et la Banque mondiale, ainsi que des nouveaux accords de libre-échange avec l’Union européenne. L’holocauste social va se poursuivre, ce qui risque fort de rendre, de nouveau, la situation explosive ».

    Le « compromis historique »

    Après avoir passé leur temps à se diaboliser mutuellement pendant près de trois ans, Essebsi et Ghannouchi (respectivement présidents de Nidaa et d’Ennahdha) sont passés aux choses sérieuses dès les lendemains du deuxième tour des élections présidentielles (15). Les prémisses d’une alliance finale entre Nidaa et Ennahdha étaient en fait visibles depuis l’été 2013 : aux lendemains de l’assassinat de Mohamed Brahmi les présidents de Nidaa et d’Ennahdha avaient en effet fait le voyage à Paris pour une rencontre dont il avait été dit qu’elle était censée demeurer secrète. Par la suite, d’autres rencontres avaient suivi. Un deuxième indice de cette orientation avait consisté pour Ennahdha à ne pas présenter de candidat aux élections présidentielles contre Essebsi, et à prêcher la « neutralité » lors du vote. En agissant ainsi, la direction d’Ennahdha ouvrait la porte à une participation au futur gouvernement.

    Certes, Nidaa Tounes et Ennahdha se sont longtemps opposés sur certains sujets comme les rapports entre la religion et l’État, ou sur les droits des femmes et leur place dans la société. Mais chacun des deux partis a fait le constat qu’il était dans l’incapacité d’éliminer l’autre comme le prouvent les résultats des élections législatives : malgré son impopularité suite aux deux années passées au pouvoir, Ennahdha n’a obtenu que 7,8 % de députés de moins que Nidaa.
    Par contre, sur le plan économique et social rien de fondamental ne les différencie. Et visiblement, ce qui les unit a été plus important que ce qui a pu les diviser. Un tel rapprochement entre les deux frères ennemis s’est naturellement fait sous l’œil bienveillant, voire les pressions plus ou moins amicales, des grandes puissances et des institutions internationales.

    La seule chose qui avait empêché les deux vieux renards de mettre en œuvre trop rapidement ce projet de « compromis historique » était les remous qu’une telle politique était susceptible d’entraîner dans leurs partis respectifs. L’un comme l’autre avaient besoin de temps pour y limiter la casse. Simultanément, les dirigeants des deux partis chauffaient à blanc leurs bases respectives pour les rassurer et améliorer avant les législatives leur rapport de forces électoral réciproque.

    Le choix du roi

    Une grande partie de celles et ceux qui avaient voté pour Nidaa Tounes aux législatives, puis pour Beji Caïd Essebsi aux présidentielles y présentaient ce choix comme un moyen efficace de « se débarrasser une bonne fois pour toutes d’Ennahdha et de son allié Marzouki ». Ils en ont été pour leurs frais.
    Du côté de Nidaa, la participation d’Ennahdha au gouvernement a été difficile à faire avaler, notamment parmi les femmes. Fathi Chamkhi explique : « Beaucoup, surtout parmi celles et ceux qui ont voté pour Nidaa, se sentent trahis par cette alliance qui réinstalle au gouvernement les islamistes qu’ils voulaient écarter, en votant pour Nidaa. L’argument du “vote utile” contre le “danger islamiste” avait permis à Nidaa de siphonner les voix de plusieurs partis, ainsi que d’une partie de celles du Front populaire » (16).


    D’après un responsable de Nidaa, près de 80 % des députés de ce parti étaient à la mi-janvier opposés à la participation d’Ennahdha au gouvernement (17). Il en allait de même pour 90 % du Bureau exécutif (18). Mais Essebsi a décidé le contraire et en final, le 5 février, un seul député de Nidaa a voté contre la confiance au gouvernement incluant des islamistes (19).


    En agissant ainsi, Essebsi voulait pouvoir disposer des voix d’Ennahdha qui, avec 69 députés, représentent 32 % de l’Assemblée. Il espère ainsi mettre la majorité parlementaire à l’abri des sautes d’humeur de ses différentes composantes, et cela d’autant plus que :


    • La majorité des deux tiers lui sera nécessaire pour faire adopter certaines lois devant être mises en conformité avec la Constitution votée en janvier 2014 ;
    • Le gouvernement devra être suffisamment solide pour affronter les mobilisations sociales suscitées par la mise en œuvre des mesures néo-libérales dictées par le FMI et la Banque mondiale.

    Les raisons de la direction d’Ennahdha

    Si les dirigeants d’Ennahdha ont décidé de prêter allégeance à Essebsi qu’ils avaient auparavant farouchement combattu (20), c’est avant tout parce que les islamistes voulaient absolument garder une place, même modeste, au sein de l’exécutif. En agissant ainsi, ils entendent se prémunir contre le sort qu’ont subi leurs cousins égyptiens. Ils espèrent également pérenniser les nombreux emplois dans les administrations qu’ils ont procurés à leur clientèle pendant les deux années où ils ont été au pouvoir.
    Être au gouvernement devrait également faciliter l’étouffement d’une partie au moins des exactions auxquelles ils sont liés : multiples voies de fait des milices islamistes, répression à la chevrotine du soulèvement de Siliana, attaque du siège national de l’UGTT, assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, etc.

    Le prix à payer pour un tel retournement est élevé dans les rangs d’Ennahdha. Une grande partie de ses membres et de son électorat voulait voter pour un candidat d’Ennahdha aux présidentielles. Ils ont refusé la consigne de « neutralité » et ont activement fait campagne pour Marzouki.
    Fathi Chamkhi commente : « Ennahdha assiste impuissante au rétrécissement de sa base électorale. Son discours idéologique, qui lui avait permis de gagner les élections de 2011, est en train de tomber en lambeaux. Après son échec au pouvoir, son alliance avec Nidaa lui ôte toute crédibilité aux yeux de larges couches des classes populaires qui étaient tombées, il y a trois ans, sous le charme de l’idéologie islamiste. »


    Certaines figures historiques, comme l’ancien secrétaire général et ancien Premier ministre Hamadi Jebali, ont claqué la porte. Mais, finalement, aucun député d’Ennahdha n’a voté contre la confiance au gouvernement (21).

    Lors du vote de confiance du 5 février, l’opposition parlementaire a regroupé 18,6 % députés (22) :
    • 9,3 % représentent l’opposition de gauche au gouvernement : essentiellement le Front populaire, plus le Mouvement du peuple (nassérien), le député du MDS et le député indépendant Adnen Hajji. Tous ont voté contre la confiance au gouvernement,
    • 4,9 % sont issus de la « troïka » au pouvoir en 2012-2013 : d’une part le CPR de Marzouki et le Courant démocratique (scission de 2013 du CPR) qui ont voté contre la confiance ; d’autre part les dissidents d’Ennahdha qui se sont abstenus.
    • 2,5 % sont des dissidents de Nidaa : l’un d’entre eux a voté contre la confiance, les autres se sont abstenus.

    Le positionnement du Front populaire

    Cette coalition, qui fonctionne au consensus, regroupe la plupart des forces de gauche et nationalistes arabes. Elle s’était constituée à l’automne 2012 sur la base du double refus des politiques d’Ennahdha et de Nidaa (23). Au lendemain de l’assassinat de Mohamed Brahmi (un des dirigeants nationaux du Front populaire), le 25 juillet 2013, le Front populaire avait néanmoins participé à un éphémère Front de salut national aux côtés de Nidaa Tounes, ce qui l’avait momentanément affaibli (24).

    Le Front a néanmoins réussi par la suite à franchir successivement plusieurs épreuves :


    • Refuser en janvier 2014 de voter la confiance au gouvernement qui a succédé à celui des islamistes du CPR et des sociaux-démocrates d’Ettakatol (25) ;
    • Parvenir à un consensus sur les têtes de liste aux élections législatives du 26 octobre ;
    • Multiplier par 2,5 le nombre de ses députés à l’Assemblée (26) ;
    • Multiplier ensuite au premier tour des présidentielles par 2,4 le pourcentage de voix obtenu aux législatives ;
    • Affirmer la nécessité de combattre à la fois Nidaa et le duo Ennahdha-Marzouki (au pouvoir en en 2012 et 2013), contrairement à ce que voulaient les partisans du « tout sauf Ennahdha et son allié Marzouki » (27) ;
    • Combattre le budget d’austérité et refuser de le voter à l’Assemblée (28) ;
    • Refuser de voter la confiance au nouveau gouvernement, et à plus forte raison d’y participer.

    Parvenir à un consensus sur ces différents points n’était pas joué d’avance étant donné l’hétérogénéité du Front, les différentes trajectoires politiques de ses composantes, certaines méfiances héritées du passé et le souvenir de l’explosion de la première expérience de regroupement intervenu dans la foulée du 14 janvier 2011.

    Politiquement, le défi posé au Front était simultanément de :


    • Ne pas se laisser satelliser par Nidaa ;
    • Mettre en échec les manœuvres de Nidaa qui voulait pouvoir justifier son revirement en affirmant fallacieusement que c’était le refus du Front populaire de s’allier à eux qui les aurait contraints à se tourner vers les islamistes pour constituer une majorité au Parlement (29) ;
    • Tenir un discours compréhensible par une partie de l’électorat et des militants du Front qui penchait pour un appel à voter Essebsi au deuxième tour des présidentielles, ainsi que pour l’abstention – voire même le vote favorable – lors du vote de confiance au futur gouvernement.

    Après de longs débats internes, le refus du Front populaire de participer au gouvernement et de voter la confiance a reposé sur trois arguments complémentaires :


    • Le refus de la présence de représentants d’Ennahdha ;
    • Le refus de la présence de symboles marquants de l’ancien régime ;
    • L’incompatibilité entre le programme du Front et celui du nouveau gouvernement.

    Jeudi 5 février en votant à l’unanimité contre la confiance au nouveau gouvernement, le Front populaire s’est affirmé comme le pivot de l’opposition politique de gauche au gouvernement.

    Un bilan d’étape du Front populaire

    Dans une interview du 8 février, Fathi Chamkhi explique notamment (30) :

    « Dans une situation de crise sociale grave, avoir 15 députés sur 217 (soit moins de 7 %), ce n’est pas assez. Je considère cela comme une défaite. Nous sommes largement derrière Nidaa (86 députés) et Ennahdha (69 députés). Le Front populaire s’est même laissé distancer par l’UPL (16 députés), un parti créé de toutes pièces par un homme d’affaires douteux, qui a longtemps séjourné en Libye et en est revenu après la chute de Kadhafi.


    Certes, le score du Front populaire aurait pu être pire vu ses défaillances organisationnelles, ses faiblesses d’analyse de la situation concrète, ses flottements politiques et ses hésitations à répétition. Le fait de s’être laissé piéger par Nidaa, après l’assassinat de Mohamed Brahmi en juillet 2013, dans le Front de salut national (FSN) a été une erreur. Cela est très clair aujourd’hui. Nidaa en a tiré un grand bénéfice politique, grâce à ses manœuvres au sein du FSN, puis la façon dont a eu lieu, en janvier 2014, l’éviction d’Ennahdha du pouvoir.


    Les répercussions fâcheuses des erreurs tactiques du Front populaire et de son manque de clarté stratégique, ont été atténuées par l’attitude de ses adversaires politiques. D’une certaine manière, le Front populaire a été tiré d’affaire par eux à plusieurs reprises. Il y a eu, par exemple, un débat intense au sein du Front populaire, autour de la question des alliances électorales : une partie du Front populaire se situait dans la vague du “vote utile” et était favorable à une alliance électorale large anti-Ennahdha. Nidaa a finalement aidé à trancher ce débat en décidant de se présenter seul aux élections. La même chose a eu lieu concernant le vote de confiance au nouveau gouvernement où le Front populaire donnait l’impression d’hésiter à propos de sa participation au gouvernement au côté de Nidaa (31). Dans le même temps, Nidaa était beaucoup plus tenté par une alliance avec Ennahdha. Il est vrai qu’un courant minoritaire, au sein de Nidaa, était opposé à cette alliance avec les islamistes et voulait renforcer sa position en cherchant un rapprochement avec le Front populaire. Mais, au final, Nidaa a opté pour l’alliance avec Ennahdha.


    Ce qui est positif c’est que, même si le Front populaire a fait des erreurs, il est parvenu à les surmonter. Maintenant, toutes les forces ayant voté la confiance au gouvernement vont essayer d’isoler le FP. Mais le FP a les ressorts suffisants pour serrer les rangs, améliorer son organisation, approfondir ses idées et avancer ses propres solutions. Je reste optimiste sur son avenir, même si ce n’est pas gagné d’avance. La situation est difficile, mais le FP a montré qu’il était en capacité de gérer ses tensions et de corriger ses erreurs. Il a gagné en maturité, même si des faiblesses demeurent au niveau de ses analyses. Le Front populaire compte en effet dans ses rangs des militant-e-s ayant les capacités et l’expérience nécessaires pour formuler un projet cohérent et compréhensible. Il lui reste à ne pas se limiter à agir au niveau du Parlement, mais à prendre toute sa place dans les mobilisations face à la crise économique et sociale que traverse le pays. »

    Faire face aux projets du nouveau gouvernement

    Le gouvernement dirigé par Nidaa Tounes a pour projet que la Tunisie reprenne pleinement sa place dans la politique voulue par les investisseurs étrangers et tunisiens, l’Union européenne, les États-Unis, la Banque mondiale, le FMI, etc.

    Dans la continuité des gouvernements précédents, le nouveau pouvoir veut notamment :


    • Continuer le remboursement de la dette extérieure, qui s’accompagne de coupes drastiques dans les dépenses sociales (par exemple dans la santé, l’éducation etc.) ;
    • Développer le libre-échange dans le secteur agricole, les services et les marchés publics, qui contribue à jeter dans la misère des millions de Tunisienn-e-s en particulier dans les régions déshéritées de l’intérieur ;
    • Abaisser les impôts sur les bénéfices des sociétés, ce qui creusera un trou béant dans les recettes de l’État ;
    • Privatiser des sociétés confisquées au clan Ben Ali ;
    • Poursuivre la compression des dépenses sociales en réduisant notamment les subventions aux produits de première nécessité ;
    • Imposer « l’ordre social » dans les grands centres ouvriers, en particulier le bassin minier ainsi que dans les entreprises du secteur privé où des structures syndicales s’étaient créées dans la foulée de la révolution (32).

    Nouveau cycle des luttes

    Après avoir été en partie parasitée pendant longtemps par la bipolarisation entre néolibéraux « modernistes » et néolibéraux islamistes, la question sociale est revenue au premier plan.

    * Les salariés ayant un emploi stable « sont aujourd’hui très touchés par la détérioration de leur pouvoir d’achat. Ils sont vraiment en train de s’appauvrir. Leur priorité est le pouvoir d’achat, le coût de la scolarisation des enfants puis de l’aide à leur apporter ensuite lorsqu’ils sont diplômés-chômeurs, etc. », explique par exemple Abderrahmane Hedhili (33). Il poursuit : « Cela est manifeste au niveau du taux de participation aux grèves. Auparavant, on atteignait des chiffres entre de 60 % et 90 %. Maintenant, c’est souvent 100 %, comme par exemple chez les enseignants ou dans les transports. Jamais les taux de grévistes n’ont été aussi élevés. »
    Pour 2014, fin octobre, le nombre total de jours de grèves avait déjà dépassé le chiffre record de toute l’année 2011. Depuis, de nombreuses grèves ont eu lieu, le niveau de mobilisation est tel que certaines se sont déclenchées sans respecter l’obligation de dépôt de préavis prévu par la législation. Cela a par exemple été le cas dans les transports en commun à Tunis et dans certaines régions.

    * Il y a par ailleurs « les plus précaires comme ceux qui travaillent sur les chantiers et dont beaucoup gagnent moins que le SMIC, ou encore les diplômés chômeurs, et les chômeurs non diplômés dont on parle peu mais qui sont beaucoup plus nombreux. Cette catégorie ne va pas rester les bras croisés. Ils ont attendu depuis quatre ans dans l’espoir d’une feuille de route prenant en considération leur situation. Mais il n’y a rien eu ».
    Preuve en est la vigueur des grèves de salariés précaires dans le bassin minier.

    * Symbolisant la convergence entre ces deux secteurs de la population, d’importantes mobilisations ont lieu, en particulier dans les zones déshéritées du sud du pays, incluant des grèves générales locales.

    En ce domaine, l’attitude de l’UGTT va jouer un rôle déterminant. En 2012 et 2013, sa direction nationale avait été essentiellement absorbée par sa volonté de faire partir en douceur le gouvernement Ennahdha. D’où son rôle moteur dans la mise en place du cadre consensuel ayant débouché en janvier 2014 sur l’adoption de la Constitution et la mise en place du gouvernement provisoire « de technocrates », chargé notamment de préparer les élections. Cette politique s’est accompagnée de relations de bon voisinage entre l’UGTT et le syndicat patronal UTICA.


    Maintenant que les objectifs politiques que la direction de l’UGTT s’était fixés ont été pour l’essentiel atteints, reste à savoir comment évolueront en son sein les rapports de forces entre ceux qui ne voudront pas « gêner » le nouveau gouvernement au nom de « l’intérêt national » et ceux qui considèrent que la défense résolue des intérêts des travailleurs reste le fondement de l’action syndicale.

    Reste à savoir également comment la gauche politique, associative et syndicale saura s’insérer dans les luttes et répondre aux attentes de celles et ceux qui ont été parmi les principaux moteurs de la révolution : la jeunesse, les chômeurs, les salariés, les femmes et les populations déshéritées de l’intérieur du pays (34). Il en va de même concernant la défense des libertés (qui sont à ce jour le seul véritable acquis de la révolution) et de l’environnement (35).
    L’essentiel reste aujourd’hui à faire parmi les masses pour stimuler leur organisation et leur conscientisation, afin de répondre aux besoins du nouveau cycle de luttes qui se joueront avant tout sur le terrain social.

    LEROUGE Dominique11 février 2015

    * Dominique Lerouge est militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA, France) et de la IVe internationale

    AVERTISSEMENT : cet article qui n’est disponible en version imprimee et en ligne que depuis le 21 mars a ete boucle le 11 fevrier, soit plus d’un mois avant l’attentat du Bardo.

  • Tous Tunisiens, tous au Forum Social Mondial ! (Attac)

    *

    L’attentat qui frappe la Tunisie soulève indignation et colère.

    Attac exprime toute sa sympathie et son émotion aux proches des victimes. La nature des cibles - apparemment surtout des touristes de diverses nationalités - démontre à nouveau l’infernale logique de la « guerre des civilisations » post-11 septembre.

    Ce monde d’inégalités, de prédation sociale et de destruction écologique nourrit les fanatismes et donne tous les prétextes aux partisans de la violence aveugle. Ces évènements surviennent alors que le forum social mondial de Tunis, préparé par la société civile tunisienne et le mouvement démocratique, ouvre dans quelques jours.

    Nous déclarons dès à présent notre solidarité avec le peuple tunisien et notre détermination renforcée à retrouver nos amis tunisiens dans le grand rendez-vous altermondialiste, qui accueillera des délégations du monde entier venues soutenir le processus démocratique en Tunisie.

    Nous sommes tous Tunisiens, et nous serons au FSM !

    vendredi 20 mars 2015, par Attac France
     
     
  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

    Résultat de recherche d'images pour "tunisie bardo"

     

    BONZOM Mathieu, PALHETA Ugo - 18 mars 2015
     
     Collectif- - 28 février 2015
     
     SALINGUE Julien - 18 mars 2015
    Contre la politique du tout-sécuritaire et l’islamophobie  : ripostons !
     
     TREILLET Stéphanie , MARTY Christiane, PENIT-SORIA Jacqueline, LLANQUE Huyara, LAFON Marion, KIEFE Françoise, RIGONI Sandra, TOPELET Marielle, VILLAME Thérèse - 6 mars 2015
     
     NPA, Ensemble - 19 mars 2015
     
     BEAUDET Pierre 19.03  
     
    On the Left WSF - 18 March 2015
     
    Front populaire IdF - 18 mars 2015

     

  • Tunisie, un attentat contre les forces vives de la première révolution du monde arabe (Npa)

     

    Le NPA exprime toute son horreur face à l'attentat qui a causé plusieurs dizaines de morts et de blessés en Tunisie.

    Les responsables de cet acte odieux ont voulu semer la peur contre la population, les travailleurs et aussi affirmer, malgré les revers qu'ils ont subis ces derniers temps, que leur volonté d'instaurer un État islamiste, comme dans d'autres pays de la région, demeurait intacte.

    En s'attaquant à des touristes étrangers, ils ont voulu simultanément porter un coup durable à l’économie tunisienne qui tire une part importante de ses ressources du tourisme et affirmer leur mépris de la culture et de la liberté.

    Ils espèrent que le développement d'un chaos, à la fois économique et sécuritaire, facilitera la réalisation de leur projet. Cet attentat va inévitablement renforcer « au nom de l'union nationale » les mesures répressives à l'égard de toutes celles et ceux qui revendiquent et qui luttent pour leurs droits dans ce pays, en premier lieu les militantEs des organisations ouvrières. Le pouvoir qui a dirigé la Tunisie en  2012 et 2013 porte une lourde responsabilité politique et morale. Il a en effet protégé et laissé prospérer les milices islamistes pendant de longs mois et a entravé les poursuites à leur égard.

    Aujourd'hui le gouvernement, au service des classes dominantes dirigé par Essebi et auquel participent des membres d'Ennahdha, ne peut être en rien un rempart contre la montée en puissance des groupes armés se réclamant de l'Islam politique.

    Pour faire face à la menace djihadiste, la population tunisienne ne peut compter que sur l'importance de ses mobilisations, sur ses propres luttes pour conquérir la démocratie et le contrôle de la vie économique.

    Les organisations du mouvement ouvrier, syndicats, partis politiques de gauche et associations doivent se faire les porte-paroles des intérêts des classes exploitées pour refuser à la fois le joug des islamistes et la politique répressive et sécuritaire du gouvernement.

    Montreuil, le 19 mars 2015

    http://npa2009.org/communique/tunisie-un-attentat-contre-les-forces-vives-de-la-premiere-revolution-du-monde-arabe

  • Après l’attentat du Bardo à Tunis, le Forum social mondial maintient ses activités (Essf)

    Nous publions ci-dessous de premières réactions à l’attaque menée dans le musée du Brado à Tunis. D’autres suivront.

    Le Forum social mondial et l’ensemble de ses activités sont maintenus

    Suite à la lâche attaque terroriste survenue aujourd’hui à midi (mercredi 18/03/2015) au musée du Bardo jouxtant le siège de l’assemblée des représentants du peuple, le comité d’organisation du FSM Tunis 2015 déclare que le Forum et l’ensemble de ses activités sont maintenus.

    Par cette attaque, les groupes terroristes extrémistes visent à mettre à mal l’expérience de la transition démocratique en Tunisie et dans la région ainsi qu’à créer un climat de peur au sein des citoyens qui aspirent à la liberté, la démocratie et à la participation pacifique à la construction démocratique.

    La rapide riposte du mouvement social, civil et des acteurs politiques en Tunisie opposés au terrorisme et appelant à l’unité pour le combattre prouve s’il en était besoin, l’attachement des Tunisiens à leur nouvelle expérience démocratique. Le mouvement social et civil en Tunisie et dans la région compte plus que jamais sur le soutien des forces démocratiques dans le monde entier pour s’opposer à la violence et au terrorisme.

    Plus que jamais, la large participation au FSM 2015 (Tunis 24-28 mars 2015) sera la réponse appropriée de toutes les forces de paix et de démocratie qui militent au sein du mouvement altermondialiste pour un monde meilleur, de justice, de liberté et de coexistence pacifique.

    Le comité d’organisation du FSM appelle toutes les composantes du forum social mondial à intensifier leurs efforts en vue de la mobilisation pour le succès de la prochaine session du FSM afin d’assurer la victoire de la lutte civile et pacifique contre le terrorisme et le fanatisme religieux qui menacent la démocratie, la liberté, la tolérance et le vivre ensemble.

    Pour le comité d’organisation du FSM Tunis 2015

    Le coordinateur
    Abderrahmane Hedhili

    *

    Appel à rassemblement

    Aujourd’hui18 mars 2015 le terrorisme a de nouveau frappé la Tunisie. Au sein du musée du Bardo, à deux pas de l’assemblée des représentants du peuple, plus d’une dizaine de victimes sont à déplorer. Cette attaque, probablement minutieusement préparée, tend à montrer que le terrorisme est à combattre sans désinvolture, avec professionnalisme, dans le cadre d’une stratégie globale de lutte contre l’obscurantisme.

    Le Front Populaire Ile-de-France appelle à un rassemblement en hommage à toutes les victimes de cet acte odieux ce jour à partir de 19h metro saint francois xcavier ligne 13

     *

    Front Populaire Ile-de-France

    LA FTCR APPELLE A LA MOBILISATION GÉNÉRALE CONTRE LE TERRORISME EN TUNISIE ET DANS LE MONDE

    La FTCR s’incline profondément devant les victimes, touristes étrangers, force de l’ordre et civil tunisiens innocents, du lâche attentat qui a eu lieu aujourd’hui, au musée du Bardo jouxtant la chambre des représentants du peuple, perpétrés par les terroristes qui sévissent en Tunisie et dans les pays voisins.

    La FTCR réitère son engagement à combattre le terrorisme sur tous les plans et appelle les forces démocratiques éprises de paix à soutenir le combat des forces démocratiques tunisiennes contre le terrorisme qui vise à instaurer un régime sanguinaire, fasciste, liberticide et rétrograde en Tunisie et dans la région.

    Elle appelle à participer aux mobilisations à Tunis et en France dans le reste du monde.

    Elle sera présente au rassemblement silencieux qui sera organisé demain à partir de 16 heures devant le musée du Bardo en hommages aux victimes étrangères et tunisiennes. Un dépôt de fleurs sera fait et des bougies seront allumés.

    POUR LA LUTTE PACIFIQUE LARGE POPULAIRE CONTRE LE TERRORISME

    FTCR

    18 mars 2015
     

     

  • La situation en Tunisie à la veille du Forum social mondial (Essf)


    La mise en place du nouveau gouvernement

    L’union des néo-libéraux « modernistes » et islamistes
    Toutes les décisions importantes concernant la mise en place du nouveau pouvoir ont en fait reposé sur Essebsi, le Président de la République élu en décembre 2014. Ce personnage clé de l’Etat avant 1991 avait repris du service en février 2011, avant de fonder Nidaa Tounes en 2012.
    * Le Premier ministre et le Ministre de l’Intérieur sont des anciens des régimes de Ben Ali et d’Ennahdha.
    * Un ministère et trois secrétariats d’Etat ont été accordés à Ennahdha.
    * Un parti affairiste (UPL) et un parti ultra-libéral (Afek Tunes) ont chacun trois ministères.
    * Par ailleurs, plus de la moitié des membres du gouvernement ne représentent aucun parti.
    Le 5 février, le Parlement a voté la confiance au nouveau gouvernement à 81,5 %.

    La crise de Nidaa Tunes
    Du côté de Nidaa, la participation d’Ennahdha au gouvernement a été difficile à faire avaler, notamment parmi les femmes.
    Une grande partie de celles et ceux qui avaient voté pour Nidaa Tounes aux législatives, puis pour Beji Caïd Essebsi aux présidentielles présentaient ce choix comme un moyen efficace de « se débarrasser une bonne fois pour toutes d’Ennahdha et de son allié Marzouki ». Ils en ont été pour leurs frais. En final, un seul député de Nidaa a voté contre la confiance au gouvernement incluant des islamistes.
    Chaque jour, les polémiques incessantes entre responsables de Nidaa Tunes font la une de la presse.

    Les objectifs d’Ennahdha
    Si les dirigeants d’Ennahdha ont décidé de prêter allégeance à Essebsi c’est avant tout parce que les islamistes voulaient absolument garder une place, même modeste, au sein de l’Exécutif. En agissant ainsi, ils entendent se prémunir contre le sort qu’ont subi leurs cousins égyptiens. Ils espèrent également pérenniser les nombreux emplois dans les administrations qu’ils ont procuré à leur clientèle pendant les deux années où ils ont été au pouvoir.
    Etre au gouvernement devrait également faciliter l’étouffement des poursuites contre une partie au moins des exactions auxquelles ils sont liées : multiples voies de fait des milices islamistes, répression à la chevrotine du soulèvement de Siliana, attaque du siège national de l’UGTT, assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, etc.
    Le prix à payer pour un tel retournement est élevé dans les rangs d’Ennahdha. Mais aucun député d’Ennahdha n’a voté contre la confiance au gouvernement.

    Un gouvernement de « retour à l’ordre néo-libéral »
    Le gouvernement dirigé par Nidaa Tounes a pour projet que la Tunisie reprenne pleinement sa place dans la politique voulue par les investisseurs étrangers et tunisiens, l’Union européenne, les USA, la Banque mondiale, le FMI, etc.
    Dans la continuité des gouvernements précédents, le nouveau pouvoir veut notamment :
    * continuer le remboursement de la dette extérieure, qui s’accompagne de coupes drastiques dans les dépenses sociales (par exemple dans la santé, l’éducation etc.)
    * développer le libre-échange dans le secteur agricole, les services et les marchés publics, qui contribue à jeter dans la misère des millions de Tunisienn-e-s en particulier dans les régions déshéritées de l’intérieur,
    * abaisser les impôts sur les bénéfices des sociétés, ce qui creusera un trou béant dans les recettes de l’État.
    * privatiser des sociétés confisquées au clan Ben Ali,
    * poursuivre la compression des dépenses sociales en réduisant notamment les subventions aux produits de première nécessité.
    * imposer « l’ordre social » dans les grands centres ouvriers, en particulier le bassin minier ainsi que dans les entreprises du secteur privé où des structures syndicales s’étaient créées dans la foulée de la révolution.(1)

    La question sociale au premier plan

    Après avoir été en partie parasitée pendant longtemps par la bipolarisation entre néolibéraux « modernistes » et néo-libéraux islamistes, la question sociale est revenue au premier plan.

    * Les salariés ayant un emploi stable « sont aujourd’hui très touchés par la détérioration de leur pouvoir d’achat. Ils sont vraiment en train de s’appauvrir. Leur priorité est le pouvoir d’achat, le coût de la scolarisation des enfants puis de l’aide à leur apporter ensuite lorsqu’ils sont diplômés-chômeurs, etc. » explique par exemple Abderrahmane Hedhili. (2)
    « Cela est manifeste au niveau du taux de participation aux grèves. Auparavant, on atteignait des chiffres entre de 60 % et 90 %. Maintenant, c’est souvent 100 %, comme par exemple chez les enseignants ou dans les transports. Jamais les taux de grévistes n’ont été aussi élevés ».
    Pour 2014, le nombre total de jours de grèves avait déjà dépassé fin octobre le chiffre record de toute l’année 2011.(3) Depuis, de nombreuses grèves ont eu lieu, le niveau de mobilisation est tel que certaines se sont déclenchées sans respecter l’obligation de dépôt de préavis prévu par la législation. Cela a par exemple été le cas dans les transports en commun à Tunis et dans certaines régions.

    * Il y a par ailleurs « les plus précaires comme ceux qui travaillent sur les chantiers et dont beaucoup gagnent moins que le SMIC, ou encore les diplômés chômeurs, et les chômeurs non diplômés dont on parle peu mais qui sont beaucoup plus nombreux.
    Cette catégorie ne va pas rester les bras croisés. Ils ont attendu depuis quatre ans dans l’espoir d’une feuille de route prenant en considération leur situation. Mais il n’y a rien eu »
    . Preuve en est la vigueur des grèves de salariés précaires dans le bassin minier.

    * Symbolisant la convergence entre ces deux secteurs de la population, d’importantes mobilisations ont lieu, en particulier dans les zones déshéritées du sud du pays, incluant des grèves générales locales.

    * Des mobilisations ont également lieu pour la défense des libertés, qui sont à ce jour le seul véritable acquis de la révolution, et sur le terrain de l’environnement.(4)

    L’attitude de l’UGTT va jouer un rôle déterminant. En 2012 et 2013, sa direction nationale avait été essentiellement absorbée par sa volonté de faire partir en douceur le gouvernement Ennahdha. D’où son rôle moteur dans la mise en place du cadre consensuel ayant débouché en janvier 2014 sur l’adoption de la Constitution et la mise en place du gouvernement provisoire « de technocrates », chargé notamment de préparer les élections. Cette politique s’est accompagnée de relations de bon voisinage entre l’UGTT et le syndicat patronal UTICA.
    Maintenant que les objectifs politiques que la direction de l’UGTT s’était fixés ont été pour l’essentiel atteints, reste à savoir comment évolueront en son sein les rapports de forces entre ceux qui ne voudront pas « gêner » le nouveau gouvernement au nom de « l’intérêt national », et ceux qui considèrent que la défense résolue des intérêts des travailleurs reste le fondement de l’action syndicale.

    Articles de presse sur quelques mobilisations récentes


    1) Dans les secteurs les plus paupérisés, en particulier dans l’intérieur du pays :

    a) Grève générale à Thala

    "La ville de Thala (gouvernorat de Kasserine) est entrée, lundi 9 mars 2015, en grève générale, avec la fermeture de tous les établissements publics, à l’exception du service des urgences de l’hôpital local, des pharmacies et de quelques commerces.
    Il s’agit là d’une escalade d’un mouvement de protestation entamé il y a plus de 15 jours avec un sit-in ouvert observé par des composantes de la société civile, des sans-emploi et des citoyens, au siège de la délégation, réclamant « la réalisation des projets programmés dans la délégation de Thala, dans plus d’un secteur, l’emploi des jeunes chômeurs de la zone, ainsi que la visite d’une délégation gouvernementale pour l’examen des préoccupations et des revendications des habitants de la ville », selon les déclarations de certains grévistes à la TAP.
    On notera, dans ce contexte, que l’Union locale du travail de Thala (c’est-à-dire l’UL-UGTT) soutient les revendications des protestataires mais sans parrainer cette grève générale.
    Les protestataires menacent d’une escalade de leur mouvement, si leurs revendications ne sont pas satisfaites, avec l’intention d’organiser un mouvement de désobéissance civile, à partir de ce mardi."
    (5)

    b) Travailleurs de chantiers (Jendouba)

    Il s’agit de travailleurs précaires, souvent payés en-dessous du salaire minimum qui est pourtant seulement de 270 dinars pour 40 heures (127 euros).
    "Des dizaines de travailleurs de chantiers à Jendouba ont bloqué hier la route principale menant au siège du gouvernorat pour revendiquer la régularisation de leur situation professionnelles (c’est-à-dire un CDI).
    Ils ont également réclamé le départ du gouverneur de la région, déplorant l’absence de dialogue avec certains responsables administratifs.
    Les protestataires ont menacé d’élargir leur mouvement dans d’autres délégations sous-préfectures), au cas ou leur demandes ne seraient pas satisfaites.
    Lors d’une réunion, tenue samedi dernier, au siège du gouvernorat de Jendouba, le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale a indiqué que le gouvernement œuvre à trouver des solutions aux problèmes des travailleurs de chantiers, dont le nombre dépasse 76 000."
    (6)

    2) Dans les secteurs les plus syndiqués, avec en navire amiral le syndicat de l’enseignement secondaire

    Après deux grèves de deux jours suivies à près de 100 %, les enseignants du secondaire ont organisé du 2 mars au 6 mars une grève administrative qui a totalement bloqué le déroulement des examens trimestriels.
    "Les enseignants du secondaire réclament notamment des augmentations salariales de nature à compenser la détérioration remarquable de leur pouvoir d’achat, une révision à la hausse des montants des indemnités qu’ils perçoivent et la possibilité du départ volontaire à la retraite à l’âge de 55 ans au regard du caractère pénible de la profession.
    Ils revendiquent aussi l’annulation du prélèvement de jours de travail sur les salaires à titre de contribution au budget de l’Etat décidé en 2014 par le gouvernement de Mehdi Jomâa, l’ouverture de négociations sur la réforme du système éducatif et la promulgation d’une loi qui incrimine les violences physiques et verbales à l’encontre des enseignants et de l’ensemble du personnel exerçant dans les établissements éducatifs.
    Le syndicat appelle, par ailleurs, à la régularisation de la situation des enseignants suppléants, en leur accordant couverture sociale et augmentations salariales. 
    Outre ces revendications d’ordre matériel, le syndicat réclame une réforme globale et concertée du système éducatif national".
    (7)

    Et l’enseignement primaire pourrait suivre.(8)

    Ces mouvements dans le secteur public ont pour toile de fond le gel de toute augmentation dans ce secteur en 2023 et 2014, alors que l’inflation atteint 6 %.
    L’enjeu est que l’ampleur des mobilisations finisse par faire bouger le gouvernement qui est bien décidé à appliquer une politique d’austérité drastique en harmonie avec les désidératas de l’Union européenne, le FMI, etc.(9)
    A noter que dans le secteur privé, que les augmentations obtenues en 2013 et 2014 n’ont souvent pas été honorées. Simultanément, la chasse aux syndicalistes redouble dans de nombreuses entreprises.

    12 mars 2015 BARON Alain

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34556
  • Tunisie: Plusieurs manifestations se sont tenues dans différents gouvernorats (Al Huff')

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    Plusieurs mouvements sociaux ont été observés dans différents gouvernorats tunisiens, lundi 9 mars. Entre grogne sociale et revendications syndicales, la Tunisie bouge, les Tunisiens aussi!

    Menace de désobéissance civile à Thala

    Une grève générale a été organisée, lundi, dans la ville de Thala et tous les établissements publics ont été fermés, à l’exception du service des urgences de l’hôpital, des pharmacies et de quelques commerces. "La réalisation des projets programmés dans plusieurs secteurs, l’emploi des jeunes chômeurs, ainsi que la visite d’une délégation gouvernementale pour l’examen des préoccupations des habitants de la ville" a indiqué un manifestant sur place à la TAP.

    Telles étaient les revendications de cette grève générale observée suite à un sit-in qui avait commencé il y a plus de 15 jours! Les protestataires menacent de passer mardi 10 mars à la désobéissance civile, si leurs revendications ne sont pas satisfaites. Plus au nord, les revendications sont différentes mais le raz-le-bol est le même.

    Des agriculteurs manifestent à Beja

    Plusieurs agriculteurs dans le gouvernorat de Béja notamment ceux dont les périmètres agricoles ont été endommagés par les dernières inondations et le débordement de fleuves et de barrages à Nefza, Mejez-el-bab et Béja-sud, ont observé, lundi, un sit-in devant le siège du gouvernorat de Béja. Ils revendiquent une indemnisation pour les dégâts subis et déplorent la dégradation de la situation des agriculteurs dans la région, à cause des problèmes liés, en particulier à la hausse des prix des fourrages et des pesticides. Le gouverneur de Béja, Kamel Salmani les a rencontré et a affirmé qu’une commission a été créée à cet effet, afin d'entamer la semaine prochaine le recensement des dégâts et la fixation des indemnités.

    Il a été également convenu d’identifier les revendications des agriculteurs et de les présenter aux autorités concernées, a-t-il ajouté.

    Des manifestations un peu partout!

    À Gabes, des demandeurs d’emploi avaient entamé une grève de la faim il y a 15 jours, dans le siège de la section de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) dans la région. Les protestataires déploraient la situation sociale difficile qu’ils vivent et revendiquent leur droit au travail et à une vie décente.

    Enfin il est à noter que la boycott des examens par les enseignants se poursuit.

    Aucun accord entre le ministère de l'Éducation et le syndicat des enseignants n'a été trouvé. Le ministère a annoncé le 6 mars que les examens ont été reportés à la fin des vacances du printemps, c'est à dire à partir du 29 mars.

    Publication: 10/03/2015 12h25 CET Mis à jour: 10/03/2015 14h24 CET

    http://www.huffpostmaghreb.com/2015/03/10/manifestation-tunisie-sociaux_n_6837330.html?utm_hp_ref=maghreb