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Tunisie - Page 20

  • La Tunisie révolutionnaire, à Paris le 11 juin (Alternative Libertaire)

     

     

    Alternative libertaire invite Mohamed Amami à présenter son livre, Tunisie : la révolution face à la mondialisations des fondamentalismes contemporains.

    Le 11 juin à 20 heures,
    au 92, rue d’Aubervilliers, Paris 19e
    métro Stalingrad ou Riquet

    Le processus révolutionnaire déclenché en Tunisie (2010-2011), et propagé dans toute la région arabe s’est heurté aux manœuvres de puissants adversaires : primo, le fondamentalisme islamique obscurantiste ; secundo, le fondamentalisme néolibéral usurpateur et colonialiste ; tertio, le fondamentalisme d’une gauche nationaliste centralisatrice.

    La dynamique populaire a été court-circuitée, et remplacée par un soi-disant « processus démocratique » qui limite les tâches révolutionnaires et conduit à une restauration de l’ancien régime.

    Le courage des jeunes révoltés, des citoyens des régions et des secteurs populaires marginalisés n’a pas suffi à démanteler les vieilles structures et à émanciper le peuple du joug de l’État et du système capitaliste.

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    L’absence d’une stratégie révolutionnaire réfléchie, d’un programme d’action déterminé et d’une capacité organisationnelle efficace en est la cause principale.

    Néanmoins elle a ouvert des débats et conduit à une remise en cause des stéréotypes du XXe siècle liés au modèle soviétique, principale entrave au développement d’autres horizons révolutionnaires.

    Ce livre souhaite contribuer à ce débat, pour dépasser l’ère de la stagnation et du désarroi. Il essaie de capter les inventions populaires inédites pour penser le processus révolutionnaire du XXIe siècle.

    • Mohamed Amami, Tunisie, la révolution face à la mondialisation des fondamentalismes contemporains, Éditions franco-berbères, 2015, 160 pages, 12 euros.

    http://alternativelibertaire.org/?Presentation-du-livre-Tunisie-la

  • Renouveau des luttes au pays du jasmin (CCR + Courrier Inter)

    http://www.ccr4.org/IMG/arton1135.jpg

    Vers une nouvelle explosion révolutionnaire en Tunisie ?

    Ces dernières semaines, une vague de luttes traverse la Tunisie. Depuis les districts miniers qui sont en grève générale jusqu’aux jeunes diplômés au chômage, également mobilisés, le pays connaît une nouvelle vague d’agitation. La situation pourrait-elle en venir à déboucher vers une nouvelle explosion ?

    Le 13 mai, les grèves des juges et des professeurs de l’enseignement primaire ont paralysé les tribunaux et les écoles dans tout le pays. Près de 67.000 instituteurs ont fait grève pour revendiquer de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Le mois d’avant, les professeurs du secondaire l’avaient déjà fait.

    Pour sa part, la grève sauvage de cinq jours qu’ont lancé sans préavis les conducteurs de train de la ville industrielle de Sfax et qui a paralysé le système ferroviaire du pays, a été suspendue, « provisoirement », jusqu’au 1er juin, selon un communiqué publié le 18 mai par les grévistes, après un accord avec le syndicat majoritaire, l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT). Les conducteurs de train ont menacé de relancer la grève au cas où leurs revendications, notamment l’augmentation du salaire de base, la revalorisation des primes ou encore la réactivation des promotions dès cette année, ne seraient pas satisfaites.

    Dans les mines, les syndicats bloquent la production des phosphates, l’une des principales ressources de richesse du pays. A cela s’ajoutent les grèves déclarées par les agents de Transtu (le principal opérateur de transports urbains) pour les 26, 27 et 28 mai ; la grève des agents des stations de péage Mornag prévue pour les 30 et 31 du même mois ; la grève de tous les centres de formation professionnelle pour les 26 et 27 mai et la grève des agents et fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur pour les 19, 20 et 21 mai.

    Avec ces grèves, ce sont 474 actions de protestation qui ont été observées au cours du dernier mois en Tunisie, selon les statistiques publiées la semaine dernière par le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux. L’ensemble de ces bagarres sont l’expression d’un mal-être social auquel les gouvernements successifs n’ont pas su répondre.

    « Dignité » et « Travail »

    Metlaoui, Om Lrayes, Mdhila et Redayf, villes de la ceinture minière du sud du pays, sont paralysées depuis le 20 mai par une grève générale. Des centaines d’habitants sont sortis dans les rues pour demander du travail et protester contre le chômage.

    Cette action est la poursuite et un saut dans la campagne lancée la semaine dernière avec l’installation de tentes, à Gafsa, pour réclamer « dignité » et « travail ». Une affiche annonce même : « Nous achetons et vendons des diplômes universitaires », clin d’œil au désespoir de beaucoup de diplômés plus de quatre ans après la révolution qui a renversé le dictateur Ben Ali.

    Le désespoir de ces secteurs sociaux va croissant et montre l’énorme désenchantement qui existe autour de la fausse « transition démocratique » entamée par le régime et saluée par tous les pays impérialistes comme l’unique exemple existant de changement dans cette région.

    « Nous avons épuisé nos options », souligne ainsi Zied Salem, qui a fini ses études universitaires en mathématiques il y a neuf ans, mais qui gagnait sa vie de la contre-brande jusqu’à ce que la répression gouvernementale mette fin même à cela. « Après la révolution, nous avions un rêve, mais aujourd’hui, ce rêve est brisé ». Selon Salem, les leaders démocratiquement élus en Tunisie risque courent le risque de subir le même sort que Ben Ali. « S’ils ne nous donnent pas du travail rapidement, nos vies seront encore plus sombres. Nous allons nous révolter et les expulser », conclut ainsi Salem, qui a planté sa tente devant le bureau de la compagnie des phosphates.

    Des paroles qui résonnent lorsque l’on sait que le processus révolutionnaire en Tunisie et dans le monde arabe a éclaté à la suite de l’immolation de Mohamed Bouazizi, en décembre 2010, pour protester contre l’arbitraire des autorités locales.

    Une crise de l’autorité de l’Etat

    Cette contestation sociale croissante montre les difficultés du gouvernement à contenir le mécontentement économique et social alors que les ajustements économiques pèsent durement. Cependant, les augmentations salariales attribuées aux professeurs du secondaire et travailleurs du service public obligeront l’Etat à s’endetter encore plus pour les respecter. Parallèlement, ces luttes ont encouragé d’autres catégories sociales, ravivant un processus qui n’a pas l’air de s’arrêter.

    Le plus grave, pour la bourgeoisie, c’est qu’une crise de l’autorité de l’État ne se manifeste. C’est ce dont rend compte El Watan décrivant l’attitude du gouvernement devant les grévistes : « (…) le gouvernement a décrété, vendredi dernier, un ordre de réquisition à l’encontre [des cheminots], les rendant passibles de poursuites pénales s’ils maintiennent cette grève non reconnue par la puissante centrale syndicale UGTT ». « ’La poursuite de la grève, malgré la réquisition des employés et la non-reconnaissance du mouvement par l’UGTT, reflète les difficultés rencontrées par l’Etat à imposer son autorité », souligne El Watan en citant le secrétaire général du parti Al Massar, Samir Taïeb.

    Le même flottement de l’Etat est observé au niveau du bassin minier de Gafsa, qui entame sa troisième semaine de fermeture globale de toutes les mines de phosphate et des usines d’acides phosphoriques de la région, qui constituent la principale richesse minière du pays. Le chef du gouvernement, Habib Essid, a effectivement annoncé, vendredi dernier, de nombreuses mesures sociales et économiques en faveur des localités du bassin minier pour palier le chômage, la pauvreté et marginalisation qui frappent cette région. Le problème, selon Samir Taïeb, c’est que « des promesses ont été données par les trois gouvernements installés après Ben Ali (Jebali, Laârayedh, Jomaâ), sans être réalisées. »

    L’opposition commence à s’inquiéter : « Si le gouvernement ne prend pas de mesure concrète dans les prochaines deux semaines, la situation peut être plus compliquée et il se peut que nous ne puissions pas la contrôler » affirme Ammar Amroussia, chef du parti Front populaire.

    Un test difficile pour le régime « post-révolutionnaire » tunisien : le rôle-clé de l’UGTT

    La Tunisie a été le berceau du Printemps arabe. Avec l’Egypte, il s’agit du pays dans lequel la classe ouvrière plus ou moins organisée a agi comme une véritable force. Après le renversement de Ben Ali, en janvier 2011, une grande période d’instabilité politique, de démonstrations et de grèves, s’est ouverte et a finalement mis fin au gouvernement de transition composé de figures de l’ancien régime.

    En octobre 2011, les élections pour l’Assemblée constituante ont eu lieu, révélant une carte politique très fragmentée, avec un relatif avantage pour le parti islamiste Ennahda qui a formé un gouvernement provisoire avec trois partis laïcs majoritaires. Mais la situation est devenue de plus en plus instable, caractérisée par une polarisation croissante entre les partis laïcs et les partis islamistes et la poursuite de la détérioration des conditions de vie des classes populaires.

    En 2013, Chokri Belaid, syndicaliste de gauche radicale, a été assassiné. Ce crime politique a provoqué une vague de protestions, y compris une grève générale, et a accéléré l’affrontement entre les secteurs laïcs et islamistes. L’abdication du pouvoir des islamistes a permis une sortie politique dans laquelle l’UGTT a joué un rôle clé.

    La nouvelle Constitution a été récemment approuvée en 2014. A l’issue des élections d’octobre l’an dernier, le parti bourgeois libéral et laïc Nidda Tounés l’a emporté sur Ennahda. Finalement, début 2015, un gouvernement de coalition entre les laïcs et les islamistes modérés s’est formé, à la tête duquel se trouve un ancien fonctionnaire de Ben Ali.

    C’est ce nouveau gouvernement qui se trouve aujourd’hui devant un test social difficile dans le cadre d’une situation économique qui empire. Les éléments mentionnés, ici, vont-ils effectivement conduire à une nouvelle explosion révolutionnaire ? Rien n’est sûr. En revanche, le fait que le nouveau gouvernement, à quelques mois de sa formation, est déjà si contesté par pareille mobilisation démontre une fois encore la vitalité des masses et du mouvement ouvrier tunisien malgré les coups durs et les désillusions.

    La formation d’une aile révolutionnaire capable de succéder à la direction centrale de l’UGTT, cette centrale syndicale énorme et puissante qui joue un rôle important dans le pays depuis l’indépendance et dont le poids et le rôle politique et revendicatif sont allés croissants depuis la chute de Ben Ali, est une question clé dans les prochaines semaines. Son rôle, à la fois dans l’expression de la radicalité des secteurs en lutte et des régions et dans le contrôle de ceux-ci, évitant soigneusement l’affrontement direct avec le pouvoir, est un facteur clé pour expliquer pourquoi le processus révolutionnaire en Tunisie a pu être dévié par des méthodes de réaction démocratique à la différence de l’Égypte et du coup d’Etat contre-révolutionnaire des militaires.

    Surmonter cette direction bureaucratique et élargir l’UGTT jusqu’aux travailleuses femmes et aux salariés du privé, la transformant de l’UGTT en un véritable contre-pouvoir ouvrier et populaire, voilà les tâches centrales dans la prochaine période : pour que les nouveaux symptômes de réveil révolutionnaire des masses tunisiennes ne soient pas à nouveau frustrés ou mis en échec.

    21/05/15 Juan Chingo

    http://www.ccr4.org/Vers-une-nouvelle-explosion

    Comentaire: CCR est un courant du Npa

    Lire aussi:

    http://www.huffpostmaghreb.com/2015/05/26/mouvements-sociaux-tunisi_n_7443444.html?utm_hp_ref=maghreb

     

  • Notre camarade tunisienne Ahlem Belhadj (A l'encontre.ch)

    Ahlem Belhadj, médecin, pédopsychiatre, professeure à l'Université de Tunis, inscrit le rôle des femmes dans le processus de changement en Tunisie.

    Cette intervention est faite dans un atelier qui faisait partie intégrante du Forum international organisé les 20, 21, 22 mai 2015 à Lausanne.

    Celles et ceux qui regarderont cette vidéo seront attentifs à une intervention du syndicaliste Nizar Amami, député du Front populaire. Il répond en arabe à une question. L'ensemble des dizaines d'interventions de ce Forum seront disponibles sous peu. Rédaction A l'Encontre

    http://alencontre.org/

  • Notes sur le livre d’Hèla Yousfi « L’UGTT une passion tunisienne » (Essf)

    ugtt-passion-tunisienne-hela-yousfi-nawaat

     

    Cet ouvrage a été publié en mars 2015 en Tunisie, avec le sous-titre « Enquête sur les syndicalistes en révolution 2011-2014 ».

    Une des principales différences entre la Tunisie et les autres pays de la région arabe tient à l’existence de l’UGTT.

    Mieux connaître cette organisation est d’autant plus nécessaire que l’UGTT fait souvent l’objet de jugements et affirmations péremptoires. D’où le parti pris de l’auteure : « Pour sortir de l’incantation, il nous faut délaisser quelque peu le monde des spéculations et redescendre sur terre en choisissant à cet effet un objet d’observation : l’UGTT elle-même » (p 12).

    Pour tenter d’y parvenir Hèla Yousfi s’est appuyée non seulement sur des sources écrites, mais avant tout sur plusieurs dizaines de témoignages de militant-e-s. Ceux-ci sont en général membres de l’UGTT et appartiennent à différents secteurs et régions de cette organisation. Son livre permet une déconstruction des discours ne prenant en compte que certaines des multiples facettes de l’UGTT. Il débouche sur la vision d’une organisation multidimensionnelle, à la recherche permanente d’un équilibre instable entre ses aspects contradictoires.

    Chercher à rendre compte en quelques pages d’un ouvrage en comportant 250 pages, nécessite de faire des choix laissant nécessairement dans l’ombre certains aspects. A chacun-e de compléter en lisant directement l’ouvrage.


    La présentation qui en est faite ci-dessous est constituée de deux grandes parties que chacun-e pourra lire dans l’ordre qui le convient le mieux :

    * L’une est avant tout historique ;
    * L’autre cherche à présenter le caractère contradictoire de certaines des facettes de l’UGTT. Elle est surtout basée sur le début du livre et le dernier chapitre.

    A propos de l’histoire de l’UGTT

    L’UGTT avant l’Indépendance

    Depuis sa fondation en 1946, l’UGTT ne s’est pas contenté d’une seule fonction revendicative mais s’est toujours simultanément « nettement engagée dans l’action politique » pour l’Indépendance, où elle a joué un rôle de premier plan (p11).

    L’UGTT entre 1956 et 2011

    Pendant toute cette période ont existé au sein de l’UGTT :
    * d’une part « un courant de soumission au pouvoir pouvant aller jusqu’à la quasi-intégration dans l’appareil d’Etat »,
    * d’autre part « un courant de résistance au pouvoir » contrôlant certaines structures intermédiaires et « qui prend le dessus en temps de crise » (p 56).
    Cette dualité a rendu possible « aux différents mouvements sociaux, malgré la proximité que la bureaucratie syndicale a entretenu avec le parti unique, de régulièrement trouver un appui structurel et politique auprès de l’UGTT ».
    La permanence de cet équilibre instable explique en grande partie pourquoi les crises internes de l’UGTT n’ont pas débouché sur de réelles scissions.

    Du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011

    Ce chapitre est étayé par un grand nombre d’entretiens généralement réalisés en janvier et février 2011. Il ressort de ce ceux-ci les éléments suivants :
    * « le mouvement protestataire est à ses débuts complètement spontané et sans leadership » (p 62),
    * « l’UGTT a accueilli et protégé le mouvement » (pp 62-64),
    * les syndicalistes ont « encadré » le mouvement (pp 65-70).
    Le soulèvement du bassin minier en 2008 est vu comme une « répétition générale » de celui de 2010-2011 (pp 77-79).

    L’auteure se livre ensuite à une analyse fouillée des débats ayant traversé l’UGTT pendant cette période (pp 79-97). Si nombre de syndicalistes « se sont empressés de rejoindre le mouvement populaire, les bureaux régionaux et le Bureau exécutif ont adopté une attitude attentiste, voire hostile au soutien du soulèvement » en se démarquant clairement des slogans dénonçant le pouvoir. (p81)

    La « tendance radicale » de l’UGTT anticipe sur le fait que :
    * d’une part la « tendance réformiste » représentée par le Bureau exécutif « allait éviter la confrontation avec le pouvoir » et rechercher un compromis avec lui,
    * d’autre part que si il existe « la pression nécessaire » pour faire basculer les rapports de forces en faveur du peuple, « la centrale finira par se plier aux revendications populaires » (p90).
    Progressivement, une série de structures intermédiaires de l’UGTT s’émancipent de la direction centrale. Elles appellent notamment à la grève sans son accord préalable et sans respecter l’obligation légale d’un préavis de 10 jours (p86). Pour tenter de sauvegarder sa « capacité de dialogue avec le pouvoir », le Bureau exécutif n’a pas d’autre choix que de couvrir « toutes les décisions prises à une échelle locale et/ou régionale » (pp88-89).
    Après des dizaines d’années d’omnipotence de la direction centrale de l’UGTT, on assiste à la préfiguration de nouvelles relations entre celle-ci et les structures intermédiaires (p98).

    Du 14 janvier 2011 aux élections d’octobre 2011

    Le 17 janvier, la direction de l’UGTT désigne trois représentants au gouvernement. Celui-ci est présidé par l’ancien Premier ministre de Ben Ali (p 102), ce qui provoque la colère de la population et de la base de l’UGTT.
    Soucieuse de « préserver le consensus et de protéger l’unité de l’organisation » (p107), l’UGTT « fait volte-face » (p106) : elle fait démissionner ses trois ministres dès le lendemain, et soutient désormais les mobilisations (pp102, 106 et 108).
    Simultanément, l’UGTT joue un rôle clé dans la mise en place d’un « Conseil national de protection de la révolution (CNPR) » (pp102, 110-112). Le CNPR s’appuie sur des comités locaux dans tout le territoire tunisien dans lesquels certains militants voient le possible embryon d’un « parlement représentatif des forces révolutionnaires » (p116).
    Mais le CNPR ne se transforme pas en un pouvoir alternatif : contestant la légitimité démocratique du gouvernement, c’est néanmoins à ce dernier que le CNPR demande de lui reconnaître légalement un pouvoir décisionnel. Mais « le gouvernement s’oppose vivement à cette demande et ne veut concéder au CNPR qu’un rôle consultatif » (p111).

    Le 27 février, l’ancien Premier ministre de Ben Ali quitte enfin le pouvoir. Son remplaçant, Beji Caïd Essebsi, crée une « Haute instance » qui « a pour objectif de dépasser l’opposition entre le CNPR et le gouvernement » (p113) :
    * La Haute instance n’a qu’un pouvoir consultatif et propositionnel en matière de loi électorale et d’organisation des élections.
    * « Le gouvernement reste ainsi le seul pouvoir exécutif et décisionnel ».
    Aux côtés de l’UGTT, sont représentées dans la « Haute instance » les principales organisations politiques et associatives du pays (p103). Ne revendiquant pas le pouvoir pour elle-même, l’UGTT joue néanmoins « un rôle politique de premier plan » (p103) consistant à « construire des consensus entre les différentes forces politiques et sociales » (p 105).
    Dans les témoignages recueillis, le rôle de l’UGTT était auparavant souvent présenté comme celui d’un « pouvoir » ou d’un « contre-pouvoir » (p108). L’accent est désormais mis sur la notion « d’autonomie » ou de « distance égale de tous les partis politiques et surtout du pouvoir, (...) de force d’équilibre, de superviseur qui contrôle l’action du gouvernement » (pp 108-109).
    Pour certains militants, la perception de l’UGTT a évolué « d’un acteur clé de la révolution à celle d’un acteur central du maintien du régime politique et économique » (p116).

    Au final, la direction de l’UGTT a poursuivi simultanément ou successivement de multiples objectifs parfois contradictoires (pp118-119) :
    * assurer simultanément la démocratisation du pays et la continuité des institutions,
    * refuser un choc frontal avec le pouvoir en place dans le but de conserver son propre pouvoir de négociation avec celui-ci,
    * utiliser sa proximité avec les mouvements sociaux pour faire pression sur le gouvernement et les grands choix politiques,
    * ne pas jouer pour autant un rôle de parti politique mais favoriser la négociation et la construction de consensus entre les différentes forces politiques et sociales.

    Depuis son origine, le rôle syndical de l’UGTT a toujours été entremêlé avec son rôle politique (p141).
    Du temps de la dictature, l’UGTT était même « le seul espace où les opposants politiques pouvaient s’exprimer » (p142). C’est notamment pour cette raison que la plupart des militants estimaient que l’UGTT devait s’interdire « d’entrer dans la bataille politicienne, car il y a toutes les tendances politiques au sein de l’UGTT, et que cela pourrait être dangereux » (p143).
    La grande différence depuis 2011 est que désormais les partis politiques « n’ont en principe plus besoin de l’espace syndical pour exister » (p145).

    Les principaux enjeux du congrès national de décembre 2011

    L’héritage de la période passée comporte notamment :
    * la compromission du Bureau exécutif avec le régime de Ben Ali au sujet de laquelle le Secrétaire général sortant fera une autocritique lors du congrès (pp167-168),
    * la corruption et le clientélisme interne (pp153-155, 171-172),
    * une tradition de votes dans les congrès reposant non pas sur les programmes mais sur des alliances entre réseaux sectoriels ou régionaux et courants politiques (170-171).

    La volonté d’un grand nombre de militant-e-s de l’UGTT est de remettre en cause le caractère hiérarchisé et centralisé de la centrale syndicale, se traduisant par le pouvoir hégémonique du Secrétaire général et du Bureau exécutif. C’est notamment sur ce dernier que repose le droit de signer le préavis de 10 jours rendant légale une grève, ainsi que la nomination des permanents syndicaux (pp 151-152). Cette préoccupation prend appui sur « l’épisode révolutionnaire qui a poussé certaines Unions régionales et Fédérations à prendre leurs décisions de manière autonome sans attendre l’approbation du BE » (p155).

    En sens inverse, deux mois après la victoire électorale d’Ennahdha, « le contexte de crise politique et les différentes campagnes qui ont pris l’UGTT pour cible ont renforcé les réactions les plus défensives afin de préserver l’organisation au dépens des impératifs de restructuration interne et/ou les défis socio-économiques » (p184).

    A l’intersection de ces deux préoccupations, il avait été décidé dans la foulée dans la foulée du 14 janvier que le non-renouvellement du mandat des membres du BE qui s’étaient compromis avec le pouvoir de Ben Ali s’opèrerait en douceur. Il suffisait pour cela de ne pas remettre en cause les dispositions statutaires interdisant plus de deux mandats successifs au BE (article 10), contrairement à ce que cherchait à faire le BE sortant juste un an auparavant (pp 131-138, 155, 172-173, 179). (1)

    En final, un peu moins d’un an après le 14 janvier 2011, "deux préoccupations majeures animent la plupart des congressistes interviewés :

    * Quel rôle l’UGTT doit-elle jouer dans la transition politique et quelle place doit-elle occuper dans le nouveau champ politique et syndical post-électoral ?
    * Sera-t-elle capable de faire évoluer ses structures, ses formes historiques de lutte pour s’adapter aux nouvelles réalités économiques et soutenir la processus démocratique dans le pays ?"
    (p152).

    Un des enjeux politiques est le refus que l’UGTT soit « instrumentalisée » par les partis politiques. « Même si notre mission est autant politique que sociale, on doit rester à égale distance de tous les partis politiques » expliquent nombre de syndicalistes (pp159-162 et 169). Parmi les défis organisationnels à relever figurent l’implantation dans le secteur privé (p156), la participation des femmes dans les instances de décision (p157-158) et la faible syndicalisation des jeunes (p158).

    Les principales décisions du congrès de décembre 2011

    Le congrès a été polarisé par l’élection du Bureau exécutif (pp 175-178).
    La principale différence avec le passé a été que la volonté politique de maintenir l’unité de la centrale a été « omniprésente » dans la constitution des listes en compétition. Elle l’a emporté sur « les considérations régionalistes et clientélistes qui avaient souvent pris le pas sur les autres enjeux » dans les congrès précédents (p178).
    Aucun membre du nouveau BE ne représente un courant politique en tant que tel. (2)

    Dans la continuité avec le passé figurent :
    * le poids prépondérant du BE sortant sur le déroulement du congrès (p181),
    * l’élection de la liste reposant sur le consensus entre le plus grand nombre de régions, de secteurs et de sensibilités politiques,
    * la présence dans cette liste de trois des quatre membres du BE sortant ayant le droit de se représenter,
    * la consécration du « pouvoir des grands secteurs de la fonction publique au sein de l’UGTT, et notamment l’Enseignement et la Santé » (p179),
    * le fait qu’aucune femme n’ait élue élue au BE (pp157-158, 178, 180).


    L’UGTT face au pouvoir islamiste (2012-2013)

    Ennahdha, qui commence à diriger le gouvernement au moment même où se tient le congrès de l’UGTT, se lance dès la mi-février 2012 dans une attaque frontale contre la centrale syndicale. Cherchant à « coopter les différents réseaux de l’ancien régime au niveau de l’appareil étatique » (p216), Ennahdha se retrouve par ailleurs en concurrence directe sur ce terrain avec Nidaa Tounes que Beji Caïd Essebsi met en place au premier semestre 2012 dans le but de revenir au pouvoir lors des élections suivantes.
    Face à cette « bipolarisation de la vie politique et les polémiques visant l’UGTT, sa direction n’a pas voulu participer à la mise en place d’une alternative politique aux deux pôles dominants. En revanche, elle a lancé le 18 juin 2012 une ’’initiative politique’’ visant à recréer un consensus entre les forces politiques, le gouvernement et la société civile pour s’entendre sur les grandes questions suscitant des divergences » (p217).
    Le rôle de « médiateur politique » (p218) que cherche à jouer la direction de l’UGTT contribue à « reléguer la question sociale au second plan » (p204).

    Au deuxième semestre 2012, la tentative de l’UGTT de trouver une solution consensuelle échoue, et l’offensive des hommes de main islamistes continue de plus belle avec notamment :

    * l’attaque du siège national de l’UGTT le 4 décembre 2012 (p188),
    * l’assassinat d’un premier dirigeant du Front populaire le 6 février 2013, puis d’un second le 25 juillet qui plonge la Tunisie « dans une crise politique grave ouvrant la voie à une nouvelle période de contestation de la légitimité des institutions » (p219).

    Dans ce cadre, « l’UGTT multiplie les rencontres pour chercher une issue à la crise.

    Elle ne se présente plus exclusivement comme une plateforme de dialogue mais comme une force de proposition ». En compagnie de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme, l’Ordre national des avocats et le syndicat patronal (UTICA), l’UGTT lance le 25 octobre un cadre de dialogue national auquel participent 21 des partis représentés à l’Assemblée. Un consensus se dégage entre les participants au dialogue pour le remplacement du gouvernement en place par un gouvernement provisoire ne dépendant pas des différents partis. Chargé de gérer les affaires courantes, celui-ci doit avant tout faire voter par l’Assemblée la nouvelle Constitution, puis organiser des élections législatives et présidentielles (pp 220-231).


    * En acceptant de démissionner du gouvernement, Ennahdha a évité d’en être éjecté durablement comme en Egypte.
    * Nidaa Tounès de son côté estime avoir toutes les chances de parvenir au pouvoir après les élections prévues en 2014.
    * L’UGTT a « renforcé sa place d’acteur incontournable du champ politique tunisien » (p231).

    Mais « le fait que le dialogue national ait concentré le débat exclusivement sur les enjeux politiques » entraine un clivage « qui traverse toutes les structures de l’UGTT autour de la place à accorder aux questions sociales ». La distance se creuse d’après l’auteure entre :
    * « les partisans d’une action limitée, négociée à petits pas, faisant reculer progressivement le pouvoir politique sans pour autant le renverser »,
    * « ceux qui, parce que la crise économique s’approfondit, parce qu’ils ont confiance dans le mouvement social, parce qu’ils croient de moins en moins qu’on peut négocier avec le pouvoir en place, veulent une attitude plus ferme qui peut mener à des actes de rupture » (p232).

     Le caractère contradictoire de chacune des facettes de l’UGTT

    Pour des raisons qui sont explicitées dans en note (3), je me suis autorisé à ajouter entre parenthèses le terme « revendicatif » à celui de « syndical » dans deux des extraits présentés dans le sous-paragraphe qui suit.

    Rôle revendicatif et rôle politique

    « L’UGTT ne mobilise pas les syndicalistes seulement pour la défense de leurs intérêts professionnels. Elle a toujours été et continue à être le lieu d’une action politique beaucoup plus large qui vise à articuler revendications socio-économiques, et libertés politiques individuelles et collectives » (p 233).

    Cette double fonction remonte à l’époque coloniale où l’UGTT était « nettement engagée dans l’action politique » pour l’Indépendance (p11).
    Après celle-ci, l’UGTT a été de plus pendant plus d’un demi-siècle « le seul espace d’action collective organisée en Tunisie qui a réussi tant bien que mal à résister aux tentatives du régime autoritaire de réduire à néant toute résistance dans le pays ». (p 16)
    Pour ces raisons, « l’UGTT est à la fois, et de manière indissociable, un mouvement syndical (revendicatif) et une organisation qui prétend à une mission politique et nationale » (pp 233-234).
    « Par moments ce sont les considérations politiques nationales qui s’expriment, et à d’autres moments, c’est l’aspect syndical (revendicatif) qui est mis en avant » (p234).
    Pour une partie au moins de ses membres, l’UGTT doit jouer un rôle de « contre-pouvoir » (p16) mais « ne vise pas la prise de pouvoir » (p11).

    En final, l’UGTT se comporte « ni comme une force politique destinée à prendre le pouvoir, ni comme un syndicat révolutionnaire capable de remettre radicalement en cause les choix économiques et sociaux adoptés par les élites au pouvoir. L’ampleur de son action politique lui échappe parfois, mais elle a montré qu’elle n’est pas et ne veut pas devenir un parti politique » (p235).

    Entre résistance et soumission

    Il a toujours existé dans l’UGTT « un courant de soumission au pouvoir pouvant aller jusqu’à la quasi-intégration dans l’appareil d’Etat », mais simultanément on y a toujours trouvé « un courant de résistance au pouvoir qui prend le dessus en temps de crise ». (p15)
    Dans ce cadre, l’UGTT a été avant 2011 à la fois « un refuge pour les mouvements sociaux, un espace de résistance (...) contre l’hégémonie exercée par le parti unique » et « un lieu de négociation permanente de l’équilibre tant politique que social ». (p 16)

    Entre affrontement et volonté de négociation

    « Tantôt ce sont des réactions offensives qui s’expriment et qui vont jusqu’à l’affrontement et parfois c’est la logique de médiations et de négociation qui l’emporte » (p234).

    L’action de l’UGTT repose sur « sa capacité à construire des compromis entre les défenseurs d’une rupture radicale avec l’ancien régime et les partisans d’une orientation réformatrice » (p235).
    « L’UGTT, en arrachant quelques concessions de la classe dirigeante au profit du mouvement protestataire, évite le risque d’un affrontement directe entre les anciennes et les nouvelles forces politiques et neutralise, selon les plus critiques, le potentiel d’une rupture radicale avec le régime » (p235).
    L’UGTT revendique une identité de «  »force d’équilibre« entendue dans le sens d’une force à la fois de pression et de négociation » dont une des constantes est « le refus de l’affrontement direct avec le gouvernement » (p235).
    « Dès lors, il n’est pas étonnant de voir l’UGTT affirmer de plus en plus nettement que seules des solutions consensuelles entre les différentes forces politiques et sociales peuvent sortir le pays de la crise » (p235).
    « L’UGTT affirme sa défense des revendications sociales, mais sans jamais oublier de faire pression pour établir un calendrier électoral » (p234). « Sa proximité des mouvements sociaux lui donne les moyens d’exercer une pression sur les choix électoraux et les grandes décisions politique » (p235).

    « Dialogue national » et base sociale de l’UGTT

    Pendant le deuxième semestre 2013, l’UGTT a joué un rôle décisif dans la mise en place d’une structure de dialogue incluant notamment le syndicat patronal.
    « L’UGT, qui accepte de faire un un front uni avec le patronat pour pouvoir trouver un équilibre négocié avec les différentes forces politiques et sociales, prend le risque de voir sa capacité d’action sociale s’affaiblir. Pire encore, elle se montre disposée comme par le passé à accepter une nouvelle vague de libéralisation économique proposée par les bailleurs de fonds moyennant des augmentations salariales dérisoires pour ses membres » (p237).
    Pour l’auteure le risque existe pour l’UGTT de se couper de forces attendant « une attitude plus ferme de la part de l’UGTT ». Celles-ci estiment qu’avec l’approfondissement de la crise économique, il est « de moins en moins possible de négocier avec les élites économiques et politiques en place » et placent leur confiance dans les mouvements sociaux (p238).

    Entre mode pyramidal de décision et système de pressions sur la direction

    * Aux lendemains de l’Indépendance, un « rapport organique » existait entre l’Etat et l’UGTT : le Président Bourguiba pouvait changer les secrétaires généraux, « les appeler aux commandes et les renvoyer comme il le fait pour ses ministres » (p37). Ce type de fonctionnement a été calqué par la direction nationale de l’UGTT sur les structures intermédiaires. Il se traduit par l’hégémonie du Bureau exécutif et du secrétaire général sur l’ensemble de l’organisation (p152).

    * Tout un système de pression sur la direction s’est mis en place pour faire contrepoids à la concentration du pouvoir entre les mains de la direction centrale de l’UGTT.
    Il s’est notamment affirmé à partir de 2008 dans le cadre de la lutte bassin minier. Il a fini par imposer sa volonté dans les semaines qui ont précédé le 14 janvier.
    Dans le chapitre centré sur ces deux épisodes, le mot « pression » revient à très nombreuses reprises dans les entretiens réalisés.

    Lors de la lutte du bassin minier, « les syndicalistes ont (...) fait pression sur les instances régionales de l’UGTT pour intervenir dans la libération des prisonniers ». « Nous avons fait pression sur le Bureau exécutif pour intervenir auprès du gouverneur » (p69). « Les syndicalistes de base ont imposé, grâce à leur pression, à certaines Unions régionales (...) ou à des secteurs (...) de soutenir le mouvement du bassin minier » (p77). A Redeyef, « il y a eu un changement grâce à la pression syndicale à l’intérieur des syndicats de base et aussi grâce à la pression qui vient de l’étranger, des délégations étrangères. Cette pression qui vient de l’intérieur et de l’extérieur a permis enfin de changer la position officielle de la direction syndicale... » (p78). Le secrétaire général Jrad « qui n’a pas l’habitude de céder a enfin cédé pour éviter l’implosion de l’UGTT (...) sous la pression intérieure » (p79).
    « Nous faisions des rassemblements devant l’UGTT pour faire pression, et le Bureau régional a négocié avec le gouverneur pour les prisonniers » (p82).


    Il en va de même après le 17 décembre 2010. Hélà Yousfi écrit à ce propos : « Cette pression engendre une crise au sein de l’organisation qui a pour résultat immédiat une rupture dans les circuits de décision formels classiques et une transgression de la hiérarchie syndicale », comme par exemple l’accord préalable du Bureau exécutif pour qu’une grève soit légale (p86).
    « Ce genre de décision n’aurait pas eu lieu » si préalablement « les structures de base et intermédiaires n’avaient pas fait pression » (p87) explique une militante.
    La direction de la centrale agit de façon comparable.. mais dans le sens inverse : elle « exerce une pression forte sur toutes les structures de manière à réduire leur souffle militant » (p87).
    « Cette dynamique de pression/négociation (...) a largement influencé aussi bien l’issue du mouvement de Redeyef en 2008 que celui de Sidi Bouzid ... » (p90).
    « Généralement quand la direction de la centrale voit que les différentes structures régionales et sectorielles adoptent (des) revendications, il y a une sorte de pression qui s’exerce sur le Bureau exécutif qui va finalement les adopter » (p94). « Sous la pression de ses structures, elle est obligée de suivre le mouvement » (p95).

    Entre clientélisme et résistance à la direction

    * Le clientélisme en vigueur au niveau de l’Etat avant 2011 avait trouvé son prolongement au sein de l’UGTT. « Le cadre syndical détaché auprès de la Centrale échappait aux contraintes du travail et accédait à un statut social qui lui procurait une certaine reconnaissance. Il devait alors agir en fonction de ce que le Bureau exécutif attendait de lui ». « Ce détachement pouvait être retiré au cours du mandat si le cadre décevait ou entrait en conflit avec la direction » (p153). Plusieurs témoignages figurant dans le livre donnent des exemples d’avantages matériels attribués aux permanents syndicaux (pp 153-155).

    * Au sein de l’UGTT, ont toujours existé des militant-e-s refusant de prêter allégeance à la direction. Cette situation s’est notamment exprimée par l’opposition à la suppression de l’article 10 des statuts interdisant plus de deux mandats successifs au Bureau exécutif.
    Cette volonté s’est accentuée lors du processus ayant précédé le 14 janvier 2011. « L’épisode révolutionnaire qui a poussé certaines Unions régionales et Fédérations à prendre leurs décisions de manière autonome sans attendre l’approbation du Bureau exécutif constitue un précédent intéressant qui préfigure de nouvelles relations entre les structures intermédiaires et et la direction central pouvant neutraliser la dérive hégémonique du Bureau exécutif » (p155).

    Entre attachement formel aux règles et arrangements de couloirs

    * « Tout est conçu au Congrès pour qu’aucun manquement à la procédure démocratique ne soit possible. Cette démocratie formelle et pointilleuse est la garantie d’une légitimité, rend incontestables les décisions prises par le Congrès et assure une marge de crédibilité au Bureau exécutif » (p173).

    * Mais simultanément « les votes ne sont pas orientés par les programmes proposés mais plutôt par les tractations politiques et les alliances » (pp 170-171). « Tous les moyens sont bons, de la cooptation des délégués moyennant des privilèges, à la manipulation des adhésions pour conquérir le pouvoir » (p171).

    Entre syndicalisation massive des femmes, et masculinité des structures

    « Si les femmes sont bien présentes à hauteur de 47 % dans les structures de base et dans les luttes syndicales, elles demeurent absentes des postes de direction syndicale. En effet, le fait de devenir membre du BE est verrouillé par des conditions de nombre de mandats antérieurs réalisés aux différents niveaux (local, régional, fédéral) de l’organisation. Une condition qui réduit le nombre de femmes éligibles et empêche leur arrivée au niveau de la direction centrale » (p157).
    Un débat est en cours qui pourrait déboucher sur un système de quotas au sein de l’UGTT, y compris au Bureau exécutif.

    Multiplicité des forces centrifuges et maintien d’un cadre collectif

    Une des explications proposée au fait que l’UGTT est parvenue à ne pas exploser en vol malgré les multiples contradictions qui la traverse est la volonté partagée de construire des consensus internes sur la base des rapports de forces existant à un moment donné :
    « L’UGTT, par sa composition et sa sociologie, a toujours été tributaire d’un équilibre souvent précaire entre des intérêts sectoriels, de considérations régionales et des enjeux politiques. De ce fait, ce n’est pas tant le clivage idéologique ou partisan qui oriente les décisions de la Centrale que sa capacité à construire des consensus entre des groupes aux intérêts divergents ». « C’est grâce à l’institutionnalisation du consensus comme mécanisme privilégié de régulation du conflit que l’UGTT a pu maintenir sa cohésion interne tout en conservant son pouvoir. Dès lors, les tergiversations et les tensions qui ont marqué la trajectoire de l’UGTT prennent tout leur sens » (p236).

    Notes :

    1. Note AB : Un responsable intermédiaire de l’UGTT me confie à l’époque « Le secrétaire général reste en place jusqu’au prochain congrès, mais nous l’avons mis sous camisole ».

    2. Note AB : Les membres du nouveau BE ont des affinités politiques diverses, actuelles ou passées, réelles ou supposées. Seule une minorité d’entre eux est actuellement membre d’un parti politique, mais aucun d’entre eux ne représente celui-ci en tant que tel.
    Jilani Hammami, dirigeant connu du PCOT n’ayant plus de responsabilités syndicales depuis des années, revendiquait une place dans le nouveau BE au nom de son parti (p176). Il a été écarté de la liste en situation de l’emporter. Hfaiedh Hfaiedh, pourtant tête de liste du même parti aux législatives deux mois plus tôt, a par contre été inclus sans aucun problème en tant que secrétaire général du syndicat de l’enseignement primaire.

    3. Note AB : Pour moi, le fait que l’UGTT ne se limite pas à la seule action revendicative ne constitue pas réellement une spécificité tunisienne. Nombreux sont les syndicalistes de part le monde qui considèrent qu’ils sont chargés d’une « double besogne » : la défense des intérêts immédiats des travailleurs ET « la transformation sociale ».
    Ce débat traverse périodiquement le syndicalisme depuis ses origines. Il se conjugue avec celui, tout aussi passionné, de savoir si cette deuxième dimension doit s’effectuer graduellement au sein du capitalisme, ou dans le cadre d’une rupture avec celui-ci.

  • MOTION DE SOUTIEN AU MOUVEMENT CITOYEN D’AIN SALAH (Algéria Watch)

     

    FORUM MÉDITERRANÉEN CONTRE LE FRACKING ET LE GAZ DE SCHISTE

    Le premier Forum méditerranéen sur le gaz de schiste tenu à Bizerte (Tunisie) du 7 au 9 mai 2015 a réuni des scientifiques et des représentants du monde associatif pour débattre des questions relatives à l’exploitation du gaz de schiste, des pratiques des industries pétro-gazières, de la gestion de l’eau et des problèmes environnementaux.

    Le Forum a pris acte du fait que le mouvement citoyen d’In Salah (Algérie) n’a cessé d’attirer l’attention des autorités et de l’opinion publique depuis le début de l’année sur les conséquences néfastes du gaz de schiste sur la santé publique et l’environnement.

    A l’issue de leurs travaux, les participants ont tenu à exprimer leur solidarité avec les populations d’In Salah dans leur mobilisation pacifique mais sans relâche en vue de faire échec à la décision du gouvernement d’autoriser l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en Algérie et notamment dans cette région.

    Le Forum a tenu à saluer le civisme et le niveau de conscience dont les populations ont fait preuve depuis plus de quatre mois de contestation pacifique en dépit de la répression policière et des tentatives de manipulation du mouvement.

    Le Forum soutient la revendication du mouvement citoyen d’In Salah de cesser toute activité d’exploitation du gaz de schiste, et appuie la mise en place d’un moratoire, tel que présenté par le collectif anti gaz de schiste, et adressé au président de la République.

    Le Forum considère qu’il est indispensable que les autorités algériennes donnent suite aux revendications légitimes du mouvement citoyen, telles qu’exprimées dans ledit moratoire.

    Liste des associations et organisations signataires :

    ALTERCARTO
    FORSEM
    FTCR
    FTDES
    OTE
    Collectifs Rhônalpins STOP GAZ DE SCHISTE
    Conseil régional Rhône Alpes
    Fédération nationale de l’électricité et du gaz de Tunisie
    UGTT
    Observatoire Tunisien de l’Economie
    Association Khadra de défense des ressources naturelles en Tunisie
    Association El Ghorba
    Association Ecoconscience

    1er FORUM MEDITERRANNEEN SUR LE GAZ DE SCHISTE TUNIS / BIZERTE

    7-8-9 mai 2015

    Organisé par ALTERCARTO – FTCR – FORSEM –FTDES
    Soutenu par : OTE - Conseil régional Rhône Alpes – Collectifs Rhônalpins STOP GAZ DE SCHISTE
     
    Ce forum rassemblera des citoyens des militants associatifs, politiques, et des scientifiques et à pour but de vulgariser les pratiques de industries pétro-gazières et de la gestion de l'eau afin d'apporter une information alternative sourcée et vérifiable contre la propagande des lobbies et mobiliser ainsi les populations méditerranéennes contre cet extractivisme dangereux et économiquement non viable.
     
    PROGRAMME

    Sous la direction scientifique du professeur Mohamed LARBI BOUGUERRA
     
    JEUDI 7 MAI 2015
    MAISON DE LA CULTURE IBN KHALDOUN
     
    14 heures conférence de presse
    15 heures projection du film Holy Field Holy War en présence du réalisateur Lech KOWALSKI et Odile ALLARD productrice/distributeur du film
     
    16 heures 45 discussion avec le public
    18 heures fin

    Vendredi 8 mai 2015-04-29
    HOTEL JALTA
    Séance du matin
    9H Allocution de bienvenue FTCR
    Allocution du CR Rhône Alpes
    9H30 Introduction générale par Larbi Bouguerra l'extraction des gaz de schistes et ses rapports avec le réchauffement climatique, les énergies fossiles, l'eau, la santé et risques sanitaires, l’accaparement des sols et les couts économiques
    Discussion
    10h30 Sabria BARKA universitaire spécialisée en écotoxicologie et présidente de l'association écoconscience): ce que tout le monde devrait savoir sur le gaz de schiste.
     
    Séance de l’après midi
    Les témoignages des luttes contre l'extraction des gaz de schistes
    - En Algérie
    Tahar KHALFOUNE
    Hocine MALTI .
    - Dans la région Rhône Alpes
    - En Tunisie
    Radwene FATNASSI FTDES, Mansour Cherni coordonnateur national de la Fédération nationale de l’électricité et du gaz de Tunisie
    Discussion

    Samedi 9 mai 2015
    Séance du matin
    Débat introduit par Layla RIAHI, de l’Observation Tunisien de l’Economie, sur la création d’un réseau méditerranéen de veille, d’alerte et de mobilisation sur l’exploitation du gaz de schiste en méditerranée (REMEVAMEGS).


    Points proposés
    ·         charte du REMEVAMEGS
    ·         Objectifs du REMEVAMEGS
    ·         Plan d’action du REMEVAMEGS
    Discussion
    Conclusion du Forum
    Séance de l’après midi
    Adoption en plénières des instruments du REMEVAMEGS

    9 mai 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/gaz_schiste/motion_soutien.htm

    Voir aussi:

    http://cemagas.org/

     

     

  • Tunisie: Appel contre le projet de loi sur la répression des atteintes aux forces armées (Afriques en lutte)

    http://www.jeuneafrique.com/photos/009072011131147000000tunisierevolution.jpg

    Le gouvernement tunisien a adopté le projet de loi sur la répression des atteintes aux agents des forces armées qu’il a soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

    Dans son exposé des motifs, le projet de loi vise à protéger les agents des forces de l’ordre et les soldats contre les menaces qui pèsent sur leurs vie et leur sécurité et, partant, sur celle de la société tout entière.

    Nous, associations et organisations signataires de cet appel tenons à souligner la nécessité de protéger nos forces armées, de les doter des ressources matérielles et morales nécessaires afin qu’elles puissent faire face au danger terroriste qui menace notre société, de protéger et de soutenir leurs familles, en cas de détresse. Mais nous considérons, en même temps, que le projet en question constitue une menace contre la liberté d’expression et d’opinion.

    Ce projet de loi est de nature à réinstaurer le climat de défiance, de suspicion, de peur et de rupture, qui a marqué les rapports entre les forces de sécurité et les citoyens tout au long des décennies de despotisme que l’on croyait révolues, malgré la persistance de certaines pratiques.

    Le texte prévoit des peines très lourdes allant jusqu’à la peine de mort, et exempte, en retour, les forces de l’ordre de toutes poursuites pénales, consacrant ainsi leur impunité. Il est contraire à la Constitution tunisienne à toutes les conventions internationales pertinentes. Nous, associations et organisations signataires, affirmons solennellement que le projet de loi :


    - · Contredit clairement les principes de liberté d’expression et d’édition garantis par la Constitution ainsi que le droit d’accès à l’information, la divulgation de certaines informations étant considérée comme un crime dont le châtiment peut aller jusqu’à dix ans de prison ;
    - · Il introduit des notions équivoques comme « l’outrage aux forces de la sécurité intérieure », passible de deux ans de prison. Outre l’atteinte à la liberté d’expression, ce type d’infraction met les institutions militaires et de sécurité au dessus de toute critique et de toute réforme ;
    - · Alors que la Constitution garantit le droit à la vie, et charge l’État de protéger la dignité de la personne et son intégrité physique, le projet de loi bafoue ce droit en exonérant les forces de sécurité de toute responsabilité pénale, en cas de blessures causées à des citoyens, même mortelles, lors de la « répression d’agressions ».
    - · Le texte est si obscur qu’il permet de légaliser les atteintes contre les citoyens, les violations des droits de l’Homme et assure l’impunité des forces de l’ordre ;
    - · Le projet contredit des droits de l’homme et les principes fondamentaux du droit international consacrés par des conventions que l’État tunisien est tenu de respecter, et en en particulier : La Déclaration universelle des droits de l’Homme, Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, -inhumains ou dégradants Le Statut de la Cour pénale internationale dont l’État tunisien est partie.
    - · Il contrevient également aux principes et normes internationaux relatifs aux forces armées dont notamment les Principes de la Havane de 1990 qui réglementent l’usage de la force et des armes à feu par les fonctionnaires chargés de l’exécution des lois.
    - · Le projet de loi cite le préambule de ce document international appelant à la protection des forces de sécurité, mais ignore délibérément d’autresrecommandations essentielles dans le même document contre la dérive sécuritaire, comme l’élaboration de lois encadrant avec précision le recours à la force et prévoyant un contrôle strict de son usage, la pénalisation des violences non justifiées contre les citoyens…
    - · Il comporte une acception élargie de la notion de « protection » des familles et des personnes dépendant légalement de membres des forces armées : incluant même celles impliquées dans des affaires de droit commun.
    - · Le texte, s’il vient à être adopté, assurera l’impunité pour ceux parmi les agents des forces armées compromis dans les affaires des blessés et des martyrs de la Révolution non encore traitées par la Justice. Et ce en application de la règle du texte « le plus clément » pour l’accusé. Nous, associations et organisations signataires, Appelons toutes les composantes de la société civile et de la scène politique à s’opposer à ce projet et à le faire échouer. Parce qu’il constitue une menace contre la liberté et la démocratie ; parce qu’il balise le terrain au retour de l’État sécuritaire contre lequel le peuple s’est insurgé Affirmons que le dispositif pénal existant, relatif à la protection des forces de sécurité est amplement suffisant pour réprimer les atteintes à leur encontre ; Appelons l’ARP à ne pas adopter ce projet de loi.

    15 mai 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/tunisie/article/tunisie-appel-contre-le-projet-de

    Les Associations et organisations signataires :

    - Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT)
    - Ordre National des Avocats Tunisiens (ONAT)
    - Association des Magistrats Tunisiens (AMT)
    - Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH)
    - Union des Magistrats Administratifs(AMA)
    - Coordination Nationale Indépendante pour la Justice Transitionnelle (CNIJT)
    - Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH)
    - Association des Femmes Démocrates (ATFD)
    - Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement (AFTURD)
    - Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT)
    - Ordre des Huissiers de Justice (OHJ)
    - -Institut Arabe des Droits del’Homme (IADH)
    - -Fondation Chokri Belaid contre la Violence (FCBCV)
    - Association Vigilance pour la Démocratie et l’Etat Civique (AVDEC)
    - Association « Doustourna » (AD)
    - Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)
    - -Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES)
    - Section Régionale des Avocats de Tunis (SRAT)
    - Fédération des Tunisiens Pour une Citoyenneté des deux rives (FTCR)
    - Association des Tunisiens en France (ATF)
    - Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens(UTIT)
    - Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF)
    - Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie (CVDT Belgique)
    - Réseau Euro-maghrébin Culture et Citoyenneté (REMCC)
    - Association des Travailleurs Maghrébins en France (ATMF)
    - Association des Travailleurs Tunisiens en Suisse (ATTS)

     

  • Tunisie : recrudescence des luttes pour les salaires et l’emploi (Essf)


    La vague révolutionnaire qui a débouché sur la fuite de Ben Ali exprimait bien entendu une immense aspiration à la liberté. Mais elle n’était pas que cela.


    Parmi ses mots d’ordres figurait également la revendication de vivre dignement, à commencer en ayant un emploi. Ce n’est pas un hasard si tout s’était enclenché à partir du geste désespéré d’un jeune vendeur ambulant de l’intérieur du pays. Ce n’est pas un hasard non plus si, trois ans plus tôt, avait eu lieu le soulèvement social du bassin minier de Gafsa qui a servi de répétition générale à la révolution de 2011.

    Des lendemains sociaux qui déchantent

    Malgré cela, la situation matérielle de la grande majorité de la population s’est considérablement dégradée depuis le 14 janvier 2011.  A partir du printemps 2011 les mobilisations ont reflué. Dans la foulée, de multiples raisons ont été ensuite avancées pour remettre perpétuellement les batailles sociales à plus tard.


    * Tout d’abord « le risque de voir le pays sombrer dans le chaos », puis la nécessité de « paix sociale » avant les élections d’octobre 2011, suivi d’un réel moment de démoralisation des militant-e-s après les résultats de celles-ci.


    * En 2012 et 2013, il en a été de même. Le spectre d’un « hiver islamiste » hantait en effet la Tunisie, ponctué notamment par les exactions de milices islamistes et de la police, la volonté gouvernementale de remettre en cause les droits des femmes, les tirs policiers à la chevrotine sur la population de Siliana fin novembre 2012, l’attaque du siège de l’UGTT le 4 décembre 2012, le meurtre de dirigeants du Front populaire le 6 février 2013, puis le 25 juillet.


    * Au lendemain de ce deuxième assassinat, la constitution du « Front de salut national » où se retrouvaient notamment le Front populaire et Nidaa Tounes, puis le « dialogue national » sous l’égide de l’UGTT et du syndicat patronal ont donné de nouveaux arguments pour geler les luttes sociales.

    Résultat, le bilan des années 2011-2013 a été catastrophique sur le plan économique et social :


    * d’un côté la politique néo-libérale en vigueur sous Ben Ali s’est poursuivie de plus belle,
    * de l’autre les chômeurs ont été plus nombreux, les démunis encore plus pauvres, et les salariés ayant un emploi stable ont vu leur pouvoir d’achat se dégrader considérablement.

    La remontée fulgurante des luttes revendicatives

    Le gouvernement qui a succédé en janvier 2014 à celui d’Ennahdha a prolongé et renforcé la politique économique et sociale antérieure. Mais certaines des raisons avancées précédemment pour remettre les luttes sociales au lendemain ont perdu de leur crédibilité. Fin octobre 2014, le nombre total de journées de grève depuis le début de l’année avait déjà dépassé le chiffre record de l’année 2011. 1Dans les mois qui ont suivi, une avalanche de conflits s’est développée.

    * Une partie sont menés par « les plus précaires comme ceux qui travaillent sur les chantiers et dont beaucoup gagnent moins que le SMIC, ou encore les chômeurs. Cette catégorie ne va pas rester les bras croisés. Ils ont attendu depuis quatre ans dans l’espoir d’une feuille de route prenant en con- sidération leur situation. Mais il n’y a rien eu » expliquait début janvier 2015 Abderrahmane Hedhili. (2)
    Depuis le début de 2015, de multiples luttes pour l’obtention d’un emploi se développent. Dans la région de Gafsa, où le taux de chômage est officiellement de 26 %, des chômeurs paralysent totalement le bassin minier et toute l’industrie chimique tunisienne dépendant du phosphate. C’est une situation inédite en Tunisie qui aggrave encore plus la crise générale du pays.

    * Les luttes sont également multipliées parmi les salariéEs ayant un emploi stable, et notamment ceux du secteur public qui ont rongé leur frein depuis plus de trois ans : les salaires des fonctionnaires ont par exemple été gelés depuis 2012, alors que l’inflation cumulée a été de 17,2 % sur les trois dernières années. Figure le plus souvent en bonne place la revendication d’application d’accords qui ont été signés, mais qui n’ont jamais été appliqués.
    Les salariés des transports ont ouvert le bal en 2015, avec notamment une grève sans préavis qui a paralysé plusieurs jours Tunis mais s’est terminée par un échec.

    Début avril 2015, les enseignantEs du secondaire, ont remporté par contre une victoire historique : après plusieurs grèves de 48h à près de 100%, le blocage des examens du premier trimestre 2015 et la menace de bloquer également les examens de fin d’année, ils/elles ont obtenu des revalorisations salariales étalées sur les trois prochaines années de 30 à 40 % suivant la situation personnelle des intéressés, ainsi que la mise en place d’un « dialogue national sur la reconstruction de l’éducation ». Participent à ce débat le gouvernement, les syndicats enseignants et les principales associations. Les syndicalistes enseignants ont exigé et obtenu que le patronat, dont l’objectif est de privatiser l’Education, soit exclu de ce « dialogue ».

    * Cette victoire a renforcé la confiance de salariéEs dans leur capacité à lutter.
    C’est en particulier le cas dans le secteur public où toutes les branches organisent successivement des journées de grève massivement suivies.Comme dans le cas de l’enseignement, les revendications combinent en général à la lutte pour les salaires celle pour la défense et la reconstruction du service public.
    Des grèves ont également lieu dans le secteur privé, par exemple dans la grande distribution, l’industrie alimentaire ou le tourisme. (3)

    Quel positionnement de l’UGTT ?

    Interrogé à ce sujet, Fathi Chamkhi (4) répond : "Suite à ces luttes, la direction de l’UGTT, qui avait accepté auparavant le gel des salaires dans la fonction et le secteur public, vient d’obtenir leur revalorisation pour 2014. Le Secrétaire général de l’UGTT a fini par hausser le ton à l’égard des patrons, considérant que les salariés ont consenti d’énormes sacrifices, contrairement aux patrons qui s’en sortent plutôt bien, eut égard à la situation dramatique actuelle.(5) L’UGTT exige notamment de nouvelles négociations salariales dans le secteur privé.
    En attendant, la tension sociale est à son comble face à un gouvernement, critiqué de toute part, à qui les Institutions financières internationales et l’Union européenne assignent la tâche suicidaire de maintenir le cap de l’austérité, de la restructuration néolibérale du marché intérieur".

    12 mai 2015  LEROUGE Dominique

    Pour les notes:

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34932

  • Grève des agents de Tunisie Telecom (Afriques en lutte)

    Greve-TT-UGTT

    Les agents de Tunisie Telecom sont entrés en grève, ce lundi 27 avril 2015.

    Des centaines d’employés de l’opérateur se sont réunis, ce matin à la pace Mohamed Ali devant le siège de l’UGTT, en levant plusieurs slogans et en scandant l’hymne national. Un mouvement qui a été très suivi, selon les taux de participation communiqués par la centrale syndicale.

    Les agents de Tunisie Telecom réclament la hausse de leurs salaires, l’augmentation de plusieurs primes spéciales et la révision du règlement intérieur de la société.

    Source : Business News 28 avril 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/tunisie/article/greve-des-agents-de-tunisie

  • Suisse Solidarité Tunisie « Gardez la tête haute, le terrorisme ne passera pas »! (Essf)

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    « Gardez la tête haute, le terrorisme ne passera pas » !

    Voilà le slogan lancé par les organisateurs·trices du rassemblement qui s’est déroulé à Genève le 21 mars 2015. Ils·elles étaient nombreux à vouloir exprimer leur solidarité avec le peuple tunisien et à condamner fermement les actes terroristes qui ont frappé la capitale le 18 mars dernier, se soldant par 23 victimes dont 21 touristes.

    L’attentat a eu lieu au musée du Bardo, cœur de la culture, de la civilisation et de l’histoire du peuple tunisien. Une cible symbolique donc. Depuis les assassinats des deux dirigeants du Front Populaire, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi en 2013, cette attaque est la première à prendre place dans la capitale, qui plus est juste à côté de l’assemblée nationale ce qui lui donne une portée politique plus importante. En s’en prenant aux touristes, le terrorisme a touché un secteur vital de l’économie du pays, qui représente le 15 % du PIB.

    La coordination en Suisse du Front Populaire (CS.FP) a tenu à soutenir les appels à l’union et à la solidarité dans la lutte contre le terrorisme.

    Cette unité ne pourra se faire qu’avec les franges les plus larges de la population et de ses forces vives en rupture avec toutes les composantes politiques de la réaction et pour lesquelles le terrorisme est l’allié objectif de l’avortement du processus révolutionnaire. Refusant le recours à la seule réponse sécuritaire, l’union doit se faire autour d’une stratégie globale qui englobe les aspects politiques, sociaux, économiques et culturels, sans quoi le terrorisme pourrait isoler non seulement les forces progressistes porteuses de projets d’émancipation mais surtout le pays dans son entier. La CS.FP exige l’ouverture d’une enquête pour définir les responsabilités de la Troïka (avec à sa tête les islamistes d’Ennahdha) durant les trois dernières années de gouvernement. Il s’agit de définir les complicités, directes et indirectes tant au niveau national que régional, de ses dirigeants ainsi que les rapports tissés avec la constellation d’associations pseudo caritatives salafistes et les réseaux d’embrigadement des jeunes. La CS.FP tient à condamner toutes les tentatives de criminalisation des mouvements sociaux en cours en Tunisie au nom de « l’union sacrée nationale » qui n’est rien d’autre que l’union des possédants contre les plus démunis dans la continuité des politiques libérales qui n’ont généré que misère et pauvreté. La CS.FP exige une politique culturelle et éducative qui permette l’épanouissement de la jeunesse tunisienne victime de l’ignorance et des frustrations, terreaux fertiles de recrutement pour les réseaux terroristes.

    Enfin la CS.FP appelle les internationalistes du monde entier à faire pression sur leurs gouvernements pour l’annulation de la dette de la Tunisie afin de la soulager de cette gangrène. En collaboration avec le mouvement solidaritéS et en réponse à cet attentat, la CS.FP organise un concert de musique alternative donné par le musicien tunisien Yasser Jradi, le mardi 31 mars 2015 à 20 h.

    Anis Mansouri

    * « Gardez la tête haute, le terrorisme ne passera pas » !. Paru dans « solidaritéS » (Suisse) n°265 (26/03/2015). http://www.solidarites.ch/journal/

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34729

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