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Tunisie - Page 16

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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    • Women
      Basic Rights – Five things that Saudi Arabian women still cannot do

      , by GREENWOOD George

      Despite Saudi women standing for office for the first time, the country still has a long journey towards gender equality.
      Around 900 women will be standing among 7,000 people vying for seats on the county’s 284 local councils.
      However, despite finally winning a right in 2015 that British women (...)

    • Tunisie
      Tunisie : Droits violés et libertés menacées

      , par BARAKET Arroi

      A l’occasion de l’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
      Nawaat s’est adressée à trois organisations de défense des droits humains pour connaître leur évaluation de la situation des droits de l’Homme en Tunisie, cinq ans après le déclenchement de la révolution de la liberté et (...)

    • Régimes d'exception
      Appel des 1000 pour la levée de l’état d’urgence

      14 déc. 2015 — L’appel des 333 est devenu l’appel des 1000. Au total, ce sont plus de 9000 signatures qui ont été enregistrées ce jour.
      Continuons la campagne pour la levée de l’état d’urgence.
      Adressée à à tous les citoyens
      Pour la levée de l’état d’urgence
      Appel des 333 pour la levée de l’état (...)

    • On: Antiwar Struggles
      After November 13: A war: in whose interest ? – “France is always at war”

      ,

      Petition launched in France against the war policy of the presidency after the deadly and murderous killings by the Islamic State in Paris, Novembre 13, 2015.
      A war: in whose interest ?
      No single interpretation, no mechanistic explanation, explains the attacks. Does this mean we have to be (...)

    • Sur: Combat antiguerre
      A qui sert leur guerre ? – « La France est en guerre continuellement. »

      Ce texte, initialement paru comme tribune dans Libération le 25 novembre, s’est transformé en appel aujourd’hui signé par près de 5000 personnes. On peut continuer de le signer ici ! Change.org
      Aucune interprétation monolithique, aucune explication mécaniste n’élucidera les attentats. Faut-il pour (...)

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • Nouveautés sur A l'Encontre.ch

    Syrie. Des voix de Raqqa: «Vont-ils détruire à la fois Daech et Bachar?» «Non aux frappes»

    5 - décembre - 2015 Publié par: Alencontre
     

    Par Emma Graham-Harrison Le bar à café et toutes les personnes qui s’y trouvent sont des exilés de Raqqa – ce sont les mêmes chefs qui servent le poulet rôti et le thé sucré le vendredi soir, les mêmes chichas et le même brouhaha sur des sujets politiques – mais tout cela se déroule dans […]

    Etats-Unis. Les essaims de drones, recruteurs indirects pour Daech?

    4 - décembre - 2015 Publié par: Alencontre
     

    Par Ed Pilkington et Ewen MacAskill Selon des lanceurs d’alerte des forces aériennes états-uniennes la guerre des drones d’Obama est un «outil de recrutement» pour Daech. Quatre anciens pilotes de l’armée de l’air états-unienne, cumulant entre eux plus de 20 ans d’expérience en tant qu’opérateurs de drones, ont adressé une lettre ouverte à Barack Obama […]

    Daech frappe aussi en Tunisie

    28 - novembre - 2015 Publié par: Alencontre

    Par Alain Baron Mardi 24 novembre 2015, Daech a frappé en plein cœur de la capitale, tuant 12 membres de la Garde présidentielle [le président Béji Caïd Essebsi a pris ses fonctions en décembre 2014] et blessant une vingtaine d’autres personnes. En ciblant un corps sécuritaire d’élite, Daech a voulu terroriser la population en cherchant à démontrer […]

    Lire aussi:

    http://alencontre.org/laune/empecher-leffondrement-du-regime-assad.html

  • Tunisie : cessez de punir les victimes (Amnesty)

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    La Tunisie a la réputation de montrer l'exemple en matière de droits des femmes et d'égalité des genres dans la région, mais cette renommée sonne creux quand on sait que la législation du pays permet encore aux violeurs de s'en sortir en toute impunité.

    Elle a été violée. Pour protéger son honneur, elle doit désormais épouser son violeur.

    Il a été agressé et maintenant il est accusé de sodomie.

    En Tunisie, si vous êtes victime de violences sexuelles, vous risquez d'être également la cible de sanctions tandis que votre agresseur reste impuni.

    Bien trop souvent, la législation manque à tous ses devoirs envers vous. Bien trop souvent, on vous dit de prendre sur vous pour supporter un mari violent. Bien trop souvent, vous n'avez personne vers qui vous tourner pour obtenir de l'aide. Bien trop souvent, on vous dit d'assumer.

    Et vous, la victime, vous qui avez survécu, vous vous retrouvez livré(e) à vous-même. Vous avez survécu au crime, et maintenant vous êtes victime de la loi.

    Ce n'est pas ce que l'on pourrait attendre d'un pays qui se targue de montrer l'exemple en matière de droits des femmes et d'égalité des genres dans le monde Arabe. Après tout, la Tunisie a légalisé l'avortement sur demande en 1973, soit deux ans avant la France.

    Mais en réalité, la belle réussite de la Tunisie est une histoire inachevée. Des failles dans la législation permettent encore aux violeurs de ne pas être inquiétés pour leurs crimes, des femmes violées par leur mari ne disposent d'aucune protection juridique et les rapports sexuels entre hommes ou entre femmes sont toujours illégaux. Ne serait-il pas temps que la Tunisie cesse d'accuser les victimes et commence à se pencher sur les failles de sa législation ?

    Une violence omniprésente à l'égard les femmes

    Selon une étude menée en 2010 par le ministère tunisien de la Santé, près de la moitié des femmes en Tunisie ont déjà subi des violences ; 15,7 % d'entre elles ont été victimes de violences sexuelles. Si l'on tient compte de la réticence bien réelle de nombreuses femmes à parler de la violence sexuelle de crainte d'être mises au ban de leur famille et de leur communauté, les véritables chiffres sont probablement bien plus élevés.

    L'enquête a également révélé que les violences familiales et conjugales étaient de loin les plus répandues. Pourtant, la législation tunisienne ne reconnaît pas le viol conjugal. En outre, la loi permet encore aux violeurs d'éviter les poursuites en épousant leur victime adolescente - une faille juridique qui a récemment disparu des textes de loi au Maroc.

    Les victimes de violences familiales s'entendent souvent dire par la police, ou même par leurs proches, qu'elles doivent « faire avec » ou « assumer [leurs] responsabilités », comme si les femmes devaient accepter que leur mari les violente.

    Les femmes censées supporter la violence

    Malgré de nombreuses grandes avancées en faveur des femmes en Tunisie, les comportements discriminatoires persistent. Les rapports sexuels sont considérés comme un devoir conjugal à la fois pour les hommes et pour les femmes mais, en réalité, cela signifie surtout que les femmes ont l'impression de devoir se soumettre aux exigences de leur mari.

    Une femme a déclaré à Amnesty International : « Dire non n'est pas une option, il n'aime pas ça, alors quel que soit mon état, que je sois fatiguée ou malade, je n'ai pas le choix. Si je dis non, il me force et me bat - jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il veut. » 

    Même si elle le souhaite, une femme aura du mal à dénoncer un viol commis sur elle par son mari car le viol conjugal n'est pas reconnu dans le droit tunisien. Les femmes engagées dans une relation avec un partenaire violent ne sont pas mieux loties : la police rechigne à prendre leurs plaintes au sérieux. 

    Une femme d'une quarantaine d'années a décrit à Amnesty International la manière dont son mari l'a rouée de coups un jour : « Quand nous sommes entrés dans la maison, il a commencé à me donner des coups de poing sur la tête et au visage et à me frapper avec sa chaussure. J'avais un œil au beurre noir », a-t-elle expliqué. Mais tenter de signaler cet épisode à la police ne l'a menée nulle part. 

    « J'ai porté plainte au poste de police et j'ai obtenu un certificat médical, après quoi la police a convoqué mon mari. Mais le policier était l'un de ses amis et il ne s'est rien passé. Tout ce que la police a fait, c'est lui dire de penser aux enfants. »

    Violé et accusé

    La réaction de la police face aux femmes est déjà loin d'être satisfaisante, mais lorsque vous êtes homosexuel et avez des relations sexuelles avec un homme, ce qui est illégal en Tunisie, la discrimination à laquelle vous êtes confronté est tout aussi forte, voire pire.

    Fin 2009, Hedi, 37 ans, a été arrêté et poursuivi pour relations sexuelles avec une personne du même sexe après qu'il eut signalé une agression. Il avait été poussé dans sa voiture par trois hommes alors qu'il quittait le domicile d'un ami. L'un des hommes l'a violé et son téléphone et son argent lui ont été dérobés. La police a demandé à Hedi de signer une déclaration.

    Distrait par l'arrivé de ses parents au poste de police, il a signé le document sans le lire. « J'ai été arrêté et placé dans une cellule », a-t-il déclaré. « Les trois hommes qui m'avaient agressé y ont eux aussi été placés. »

    Hedi a expliqué à Amnesty International que sa déclaration avait été modifiée et indiquait qu'il avait accepté d'avoir des relations sexuelles avec les trois hommes. Il a été condamné à six mois de prison mais libéré quatre mois plus tard, après que sa peine eut été réduite en appel.

    La riposte

    La situation n'est pas complètement noire. Les Tunisiens réclament déjà des changements législatifs afin d'en finir pour de bon avec les violences liées au genre et les violences sexuelles.

    L'affaire qui a tout déclenché, c'est celle de Meriem Ben Mohamed. En 2012, elle a été inculpée d'« atteinte aux bonnes mœurs » après avoir porté plainte contre deux policiers qui l'avaient violée.

    Les Tunisiens, scandalisés, se sont tournés vers les médias sociaux et sont descendus dans les rues pour protester jusqu'à ce que les charges soient abandonnées et les policiers traduits en justice. Grâce au soutien de l'opinion publique et de sa famille, Meriem a obtenu justice. En 2014, les policiers ont été condamnés à 15 ans de prison, une issue sans précédent dans une telle affaire.

    Plus récemment, le public s'est fédéré autour du cas de « Marwan », un étudiant de 22 ans condamné pour sodomie en septembre 2015 et dont le procès en appel est en cours.

    Le concert de protestations, au premier rang duquel se trouvent les militants tunisiens en faveur des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), soutenus par des militants des droits humains et des droits des femmes dans le pays et à l'étranger, a poussé les autorités à se réveiller et à prêter attention à la situation.

    C'est le meilleur moment pour que des personnes du monde entier s'allient aux militants tunisiens en relayant leur message. Avec une impulsion supplémentaire, les changements sont à portée de main.

    Il est temps pour la Tunisie de ne plus laisser les violeurs s’en sortir, de cesser de prétendre que le viol conjugal n’est pas un viol, de cesser d’emprisonner des hommes parce qu’ils sont homosexuels. On dit aux victimes de violences sexuelles et liées au genre de « faire avec », mais n’est-il pas temps pour les autorités tunisiennes d'assumer leurs responsabilités ?

    En août 2014, les autorités ont promis de protéger et de soutenir les victimes de ce type de crimes. Il est désormais temps pour la Tunisie de marquer l'histoire en tenant cette promesse.

    https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2015/12/my-body-my-rights-tunisia/ 

  • Tunisie Beja : Grève générale dans le secteur privé le 27 novembre (Afriques en lutte)

    La centrale syndicale continue à accentuer la pression sur le patronat.

    Le gouvernorat de Béjà observera le 27 novembre une grève générale sur fond de blocage des négociations sur les augmentations salariales dans le privé.

    Dans une déclaration accordée à Mosaique Fm, le secrétaire général adjoint de l’UGTT, Nourredine Taboubi, a enjoint les travailleurs à participer à ce mouvement historique pour défendre leurs droits.

    Les militantes et militants de Béjà prendront rendez-vous avec l’histoire, en cette journée, pour défendre leurs intérêts dans le cadre des revendications pour l’amélioration de leurs salaires », a-t-il affirmé.

    La grève générale de Béjà succède à celle de Sfax observé le 19 novembre tandis qu’un autre mouvement de grève est prévu le 25 novembre dans le Grand Tunis.26 novembre 2015 par Paul Martial

    Source : Tunisie Numérique

    http://www.afriquesenlutte.org/tunisie/article/tunis-beja-greve-generale-dans-le

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • La Prochaine Révolution en Afrique du Nord : La Lutte pour la Justice Climatique (Anti-k)

    Une manifestation contre l’exploitation du gaz de schiste à In Salah, sud de l’Algérie en février 2015. (Crédit Photo: BBOY LEE).

    Le changement climatique aura des effets dévastateurs sur l’Afrique du Nord. Il y aura des morts et des millions de personnes seront forcées de migrer.

    La lutte pour la survie et la justice climatique en Afrique du Nord Par Hamza Hamouchene et Mika Minio-Paluello

    Le désert ne cesse de s’étendre. Les récoltes sont mauvaises et les pêcheurs sont entrain de perdre leurs moyens de subsistance. Les pluies deviendront de plus en plus irrégulières, les ressources en eaux diminueront et les tempêtes seront plus violentes. Les étés seront très chauds et les hivers très froids. La sécheresse contraint déjà les villageois à abandonner leurs foyers et l’élévation du niveau de la mer est en train de détruire les terres fertiles. La chute de la production alimentaire et le tarissement des ressources en eau menaceront même les mégapoles comme le Caire, Casablanca et Alger. Les prochaines vingt années vont transformer fondamentalement la région.

    Ceci n’est pas un fait naturel. Le changement climatique est une guerre de classe, une guerre érigée par les riches contre les classes ouvrières, les petits paysans et les pauvres. Ces derniers portent le fardeau à la place des privilégiés. La violence du changement climatique est causée par le choix de l’exploitation continue des combustibles fossiles, une décision prise par les multinationales et les gouvernements occidentaux avec les élites et militaires locaux. C’est le résultat de plus d’un siècle de capitalisme et de colonialisme. Mais ces décisions sont constamment renouvelées à Bruxelles, Washington DC et Dubaï et plus localement à Héliopolis, Lazoghly et Kattameya, Ben Aknoun, Hydra et La Marsa.

    La survie des générations futures dépendra de l’abandon de l’exploitation des combustibles fossiles et de l’adaptation au climat qui est d’ores et déjà en train de changer. Des milliards de dollars seront dépensés pour essayer de s’adapter : trouver de nouvelles sources en eau, restructurer l’agriculture et réorienter la production vers de nouvelles cultures, construire des digues pour repousser les eaux salées et changer la forme et le style d’urbanisme des villes. Mais, cette adaptation serait dans l’intérêt de quelle catégorie de population ? Les mêmes structures autoritaires des pouvoirs qui ont, en premier lieu, causé ces changements climatiques sont en train de préconiser une stratégie pour assurer leur protection et faire davantage de profits. Les institutions néolibérales se prononcent clairement sur leur transition climatique tandis que la gauche et les mouvements démocratiques restent pour la plus part muets sur ce sujet. La question qui se pose : quelles seront les communautés exclues des cercles fermés et bien protégés de ces changements climatiques durs et pénibles?

    Comment le changement climatique transformera-t-il l’Afrique du Nord ?

    Le changement climatique provoqué par l’être humain est déjà bien une réalité en Afrique du Nord. Cette réalité est en train de saper et d’affaiblir les bases socio-économiques et écologiques de la vie dans la région et finira par imposer un changement des systèmes politiques.

    Les récentes sécheresses prolongées en Algérie et en Syrie ont constitué des événements climatiques chaotiques qui ont dépassé et submergé la capacité des Etats et de leurs structures sociales et institutionnelles actuelles, pourtant conçues pour s’en occuper. Les sécheresses sévères à l’est de la Syrie ont détruit les moyens de subsistance de 800 000 personnes et ont décimé 85% du bétail. 160 villages entiers ont été abandonnés avant 2011. Les changements dans le cycle hydrologique réduiront l’approvisionnement en eau douce ainsi que la production agricole. Cela signifie avoir recours à davantage d’importations alimentaires de denrées de base et des prix plus élevés dans les pays qui en sont déjà dépendants, comme l’Egypte. De plus en plus nombreux seront ceux qui connaîtront la faim et la famine.

    Le désert est en progression croissante, s’étalant de plus en plus sur les terres avoisinantes. Une pression immense s’exercera sur les rares ressources en eau, étant donné que la demande augmente plus rapidement que la croissance démographique. L’approvisionnement chutera à cause des changements dans les précipitations des pluies et l’intrusion de l’eau de mer dans les réserves d’eaux potables souterraines. Ces phénomènes sont les résultats du changement climatique ainsi que de l’usage excessif des eaux souterraines. Cette situation risque de mettre les pays du monde arabe au-dessous du niveau de pauvreté absolue en eau, qui se situe à l’échelle de 500 m3 par personne.

    La montée des niveaux de mers est actuellement en train de forcer les paysans à quitter leurs terres en Tunisie, au Maroc et en Egypte. L’eau salée détruit les champs fertiles du Delta du Nil en Egypte et du Delta de la Moulouya au Maroc, menaçant d’inonder et d’éroder de vastes étendues de peuplements côtiers, y compris des villes comme Alexandrie et Tripoli. Les mers elles-mêmes sont touchées par ce changement climatique. En effet, l’absorption de quantités de plus en plus importantes de dioxyde de carbone les rend plus acides, tuant ainsi les récifs coralliens. Cela va influer négativement sur la biodiversité dans la mer Rouge, détruisant ainsi les moyens de subsistance de dizaines de milliers de personnes qui travaillent dans les secteurs de la pêche et du tourisme.

    La chaleur estivale s’intensifiera. L’augmentation des températures et leurs effets « stressants » vont faire des milliers de morts, particulièrement les travailleurs ruraux qui ne peuvent pas éviter les travaux lourds et les activités d’extérieur. La fréquence et l’intensité des événements météorologiques seront extrêmes et plus importantes. Les tempêtes de poussière et les inondations dues au froid glacial menacent les citadins les plus pauvres, surtout les millions de migrants qui vivent dans des zones d’habitation informelle aux alentours des villes. Les réfugiés seront les moins bien-protégés, y compris les Soudanais en Egypte, les Maliens en Algérie, les Libyens en Tunisie et les Syriens au Liban. Faute d’améliorations majeures, les traditions et l’infrastructure urbaine actuelles qui comprennent les systèmes de drainage, les services d’urgence et les structures qui assurent le partage des ressources d’eaux, ne pourront pas être en mesure de faire face à tous ces problèmes.

    Le réchauffement climatique induit plus de maladies à cause des pathogènes d’origine hydrique qui sont propagés par des insectes venant des régions tropicales, atteignant ainsi des millions de gens qui n’ont été jamais exposés. Le paludisme (malaria) et autres maladies se déplaceront vers le Nord, menaçant et les humains et le bétail. Les parasites qui sont déjà présents en Afrique du Nord élargiront leur zone d’action, par exemple, les « leishmanies » risquent de doubler leur aire géographique au Maroc dans les prochaines années.

    Le chaos climatique coûte déjà des millions de vies et des milliards de dollars. La revue médicale « The Lancet » soutient que « la survie de collectivités entières est en jeu » dans le monde arabe.

    L’échec des dirigeants politiques

    Le changement climatique est attribuable à la combustion des carburants fossiles, à la déforestation et à des pratiques agricoles non-durables et insoutenables, encouragées par l’industrie agro-alimentaire. Le dioxyde de carbone et le méthane, qui sont rejetés dans l’atmosphère, sont des produits dérivés de l’activité industrielle des hydrocarbures. Le pétrole comme le gaz, le charbon et les minéraux sont extraits et consommés à grande échelle pour dégager des profits qui serviront les pouvoirs d’État. C’est le capitalisme extractiviste sous lequel nous vivons.

    Les émanations des dioxydes de carbone CO2 proviennent de la combustion des hydrocarbures – que ce soit en voiture, dans la cuisine ou au sein d’une usine – et du dioxyde de carbone (CO2) est relâché dans l’atmosphère. L’accumulation du CO2 réchauffe notre planète. Il existe maintenant un consensus solide au sein de la communauté scientifique qui soutient que si la température moyenne mondiale augmente de plus de 2 degrés Celsius au cours du 21ème siècle, les changements du climat sur notre planète seront à grande échelle, irréversibles et catastrophiques. Le temps presse et les possibilités d’agir se réduisent !

    Selon les sciences du climat, les scientifiques attestent que si l’humanité désire préserver une planète qui ressemble à la nôtre et où la civilisation s’est développée pour y vivre paisiblement, les niveaux de CO2 dans l’atmosphère doivent être réduits considérablement. Les niveaux actuels du CO2, estimés à 400 parties par million (ppm) doivent baisser au dessous de 350 ppm, bien que de nombreux experts soutiennent que tout niveau supérieur à 300 ppm est trop dangereux. Toute augmentation supplémentaire risque de déclencher des points de bascule climatiques comme la fonte du pergélisol (permafrost) et l’effondrement de la couche de glace du Groenland. Quand on atteindra un point de bascule (un seuil climatique), les émissions de carbone accéléreront le phénomène et le changement climatique pourrait échapper réellement à notre contrôle. Notre survie dépend de la décision de laisser 80% des réserves prouvées de combustibles fossiles dans le sol. Malheureusement, l’extraction de plus en plus forte des hydrocarbures fossiles et leurs transformations entrainent des rejets supplémentaires de deux ppm de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, chaque année.

    Les dirigeants politiques du monde entier ainsi que leurs conseillers et les médias se réunissent chaque année pour une autre conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP). Mais en dépit de la menace globale, les gouvernements autorisent l’augmentation des émissions de carbone dans l’atmosphère et permettent à la crise de s’aggraver. Le pouvoir des multinationales a détourné ces pourparlers de leurs véritables objectifs en s’assurant de promouvoir davantage de fausses solutions, bien lucratives. Les nations industrialisées (l’Occident et la Chine) ne veulent pas assumer leur responsabilité alors que les puissances pétrolières comme l’Arabie saoudite essaient de manipuler le processus. Les pays développés du Sud, bien qu’ils constituent la majorité, peinent à provoquer un changement malgré tous les efforts vaillants de pays comme la Bolivie et les petits États insulaires.

    La COP de Paris en décembre 2015 attirera beaucoup l’attention, mais nous savons, d’ores et déjà, que les dirigeants politiques ne permettront pas les réductions nécessaires afin d’assurer la survie de l’humanité. Il faudra que les structures des pouvoirs changent. L’action pour empêcher la crise climatique se tiendra dans un contexte parallèle à d’autres crises sociales.

    La crise et la pression d’en bas

    Le système sous lequel nous vivons connait une crise profonde qui génère plus de pauvreté, de guerres et de souffrances. La crise économique, qui a débuté en 2008, illustre parfaitement comment le capitalisme résout ses propres contradictions et échecs en dépossédant et punissant davantage la majorité. Plusieurs gouvernements ont sauvé les banques qui ont causé des ravages à l’échelle mondiale obligeant les plus pauvres à payer le prix fort. La crise alimentaire de 2008, ayant causé une famine et provoqué des émeutes dans le Sud, démontre quant à elle que notre système alimentaire est défaillant, car monopolisé par des multinationales qui ne cessent d’œuvrer pour maximiser leurs profits à travers une production exportatrice de monocultures, par l’accaparement des terres, la production des agro-carburants et la spéculation sur les produits alimentaires de base.

    L’enrichissement d’une élite qui dicte ses choix et règles sur toute la planète suscite à maintes reprises des révoltes et des rebellions. La vague de soulèvements arabes de l’année 2011 a inspiré des milliards de gens à travers le monde, s’étendant de la Tunisie et l’Egypte aux indignés en Espagne et en Grèce, aux mobilisations étudiantes au Chili, au mouvement Occupy contre le 1%, aux révoltes en Turquie, au Brésil et au-delà. Chaque lutte est différente et liée à un contexte spécifique mais toutes furent un défi contre le pouvoir de cette élite et contre la violence d’un monde néolibéral.

    Ceci est le contexte dans lequel nous sommes confrontés au changement climatique. La crise du climat est l’incarnation de l’exploitation capitaliste et impérialiste des peuples et de la planète. Laisser le choix des décisions, destinées à faire face au changement climatique, à cette élite insolente et immorale nous engagerait sur une voie vers la disparition de la planète. La lutte pour une justice climatique doit être profondément démocratique. Elle doit impliquer les communautés les plus touchées et doit être en mesure de répondre aux besoins vitaux de tous. Cette lutte est une démarche pour bâtir un futur où chacun de nous doit avoir suffisamment d’énergie et un environnement sain et sauvegardé pour les futures générations. Ce futur désiré serait en harmonie avec les demandes légitimes des soulèvements des populations en Afrique du Nord : souveraineté et dignité nationale, le pain, la liberté et la justice sociale.

    Les politiques du climat dans le monde arabophone sont contrôlées par les riches et les puissants

    Qui sont-ils ces participants à l’élaboration d’une réponse au changement climatique dans le monde arabophone ?

    Des institutions comme la Banque mondiale, l’Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) ainsi que les agences de l’Union européenne s’expriment avec force et se font entendre en organisant des évènements et en publiant des rapports. Elles invoquent les dangers d’un monde réchauffé et soulignent la nécessité d’une action urgente avec plus d’énergies renouvelables propres et des plans d’adaptation. Etant donné le manque d’alternatives, elles semblent avoir des positions relativement radicales par rapport à la position des gouvernements locaux et particulièrement quand elles parlent des conséquences sur les pauvres.

    Cependant, ces institutions sont alignées politiquement avec les puissants et leurs analyses du changement climatique n’intègrent pas les questions de classe, justice, pouvoir et histoire coloniale. Les solutions de la Banque mondiale sont axées sur le marché, sont néolibérales et adoptent une approche descendante (top-down). Elles redonnent le pouvoir à ceux qui possèdent déjà des fortunes sans s’attaquer aux causes profondes de la crise climatique. Au lieu de promouvoir les réductions nécessaires des émissions de gaz, elles offrent des permis pour des activités polluantes et des subventions aux multinationales et aux industries extractives.

    La vision du futur défendue par la Banque mondiale, la GIZ et une grande partie de l’Union européenne est marquée par des économies conjuguées au profit privé et à des privatisations supplémentaires de l’eau, des terres et même de l’atmosphère. Aucune référence n’est faite à la responsabilité historique de l’Occident industrialisé dans la provocation du changement climatique. Un silence inquiétant est entretenu sur les crimes de compagnies pétrolières comme BP, Shell et Total ainsi que sur la dette écologique due aux pays du Sud. Les sociétés nord-africaines qui vivent dans des pays, où la démocratie est absente, continueront de souffrir de l’assujettissement à l’autoritarisme des élites et multinationales qui maintiendront le statu quo.

    Le discours traitant ce sujet est très limité et extrêmement paralysant du fait que ces institutions néolibérales dominent la production du savoir sur les questions du changement climatique en Afrique du Nord. La majorité de la littérature et des écrits sur le changement climatique au Moyen-Orient et Afrique du Nord n’évoquent pas l’oppression ou la résistance des peuples. Il n’y a pas de place pour les peuples mais seulement pour les dirigeants et les experts autoproclamés. Le statu quo continuera de forcer les populations à se déplacer, de polluer les environnements et de mettre des vies en péril. Pour s’organiser et obtenir justice, il faudrait être capable de définir et de proclamer les problèmes actuels et leurs solutions.

    Le vocabulaire de justice autour des questions climatiques

    Comment peut-on combattre quelque chose si on n’est pas capable de la nommer et d’articuler ce qu’on désire à sa place ? Alors que la « justice environnementale » est en usage en arabe, la « justice climatique » ne l’est pas. Cette dénomination est largement utilisée en Amérique latine et dans les pays anglophones, mais elle sonne bizarre en arabe. Nous avons besoin de changer les systèmes énergétiques autour de nous. Pouvons nous alors parler de « justice énergétique » ou de « démocratie énergétique » ?

    Il nous faudrait un vocabulaire pour parler de ces questions et pour décrire la vision d’un futur sain pour lequel nous lutterons. Simplement l’action d’importer des terminologies et des concepts d’autrui ne marchera pas et ne trouvera pas d’échos favorables de la part des populations, si ces concepts ne sont pas issus des racines et des coutumes locales. Cependant, il est important et utile d’échanger des idées et des expériences avec des mouvements qui militent ailleurs dans le monde et d’apprendre d’eux.

    Ce livre évite de formuler des requêtes dans un cadre « sécuritaire » comme la « sécurité climatique » ou la « sécurité hydrique » ou bien la « sécurité alimentaire ». Un futur formulé autour de la « sécurité » soumettra nos luttes à un cadre conceptuel et imaginatif, qui, en fin de compte, renforcera le pouvoir répressif de l’État, axé sur la sécurisation et la militarisation (voire les extraits de l’article de la revue « The Lancet »).

    Plusieurs articles dans ce livre réclament la justice climatique, la justice environnementale et la démocratie/justice énergétique. On ne trouve pas une seule définition pour chacun de ces concepts, ce qui ne diminue pas leurs valeurs pour autant. Dans ces articles :

    ● la « justice climatique » consiste généralement à reconnaitre la responsabilité historique de l’Occident industrialisé dans l’avènement du réchauffement climatique, et ne perd pas de vue les vulnérabilités disproportionnées dont souffrent quelques pays et communautés. Elle admet aussi le rôle du pouvoir dans la provocation du changement climatique ainsi que dans les choix de ceux qui porteront le fardeau. La réponse aux changements climatiques doit prendre en compte les questions de classe, de race, du genre, de l’histoire des dominations coloniales et l’exploitation capitaliste qui perdure. La justice climatique signifie une rupture avec le statu quo (business as usual) qui protège les élites politiques mondiales, les multinationales et les régimes militaires. Son objectif est d’instaurer une transformation sociale et écologique et un processus d’adaptation radicaux.

    ● la « justice environnementale » est généralement centrée autour des besoins des communautés, en obligeant le secteur des combustibles fossiles et autres larges industries à rendre des comptes, et en progressant vers une relation durable et harmonieuse avec la nature. Elle reconnait qu’on ne pourrait pas séparer les effets de la destruction de l’environnement de leur impact sur les peuples. Elle admet aussi que les communautés démunies sont exploitées dans l’intérêt des puissants.

    ● la « démocratie énergétique » et la « justice énergétique » signifient la construction d’un futur où l’énergie est distribuée équitablement, contrôlée et gérée démocratiquement. Les sources d’énergie et les systèmes de transmission doivent être en équilibre avec l’environnement et les besoins des futures générations.

    Il revient au lecteur de voir si ces concepts sont pertinents et utiles en Afrique du Nord. Les descriptions élémentaires fournies ci-dessus ne sont nullement exhaustives et peuvent sûrement être enrichies par des expériences locales.

    Les objectifs de cette publication

    Le but de cette publication est d’introduire des perspectives nouvelles et libératrices, avancées par des intellectuels, activistes, politiciens, organisations et groupes de base progressistes et radicaux des pays du Sud. Nous avons choisi des essais, des entretiens et des déclarations dans lesquels les mouvements sociaux décrivent l’ennemi qu’ils combattent, la manière dont ils s’organisent et leurs revendications. Ils couvrent une large aire géographique, de l’Equateur jusqu’en Inde et de l’Afrique du Sud jusqu’aux Philippines. Nous avons aussi inclus six articles d’Afrique du Nord, qui concernent le Maroc, l’Algérie, l’Egypte et la région au sens large. Il est à espérer que ce livre contribue à l’économie politique naissante du changement climatique en Afrique du Nord, qui examinera les relations entre les industries des combustibles fossiles, les élites régionales et les capitaux internationaux.

    Notre objectif comporte quatre volets :

    1 Souligner l’urgence de la crise climatique en Afrique du Nord et insister sur la nécessité d’une analyse holistique et d’un changement structurel.

    2 Souligner les dangers d’un environnementalisme (écologisme) restreint et contrecarrer le discours néolibéral dominant autour du changement climatique, un discours qui est encouragé et promu par la Banque mondiale et autres institutions néolibérales.

    3 Soutenir la gauche en Afrique du Nord dans ses efforts pour articuler une réponse locale et démocratique face au changement climatique, une réponse qui intègre des analyses d’ordre politique, économique, social, écologique et de classe aussi. Etant donné les pressions de l’autoritarisme, de la répression massive et de la pauvreté généralisée, il est parfaitement compréhensible que la question du changement climatique n’ait fait l’objet que d’une attention limitée dans le passé par les mouvements sociaux en Afrique du Nord.

    4 Donner de l’espoir inspiré des mouvements et luttes des pays du Sud, et réfuter l’affirmation selon laquelle il n’y a rien à faire. La crise climatique découle des actions et décisions humaines qui peuvent être changées.

    Cette publication n’a pas la prétention de fournir toutes les réponses mais plutôt de soulever des questionnements et des défis. A quoi ressemble une réponse juste au changement climatique en Afrique du Nord ? Cela signifie-t-il une évacuation en masse et l’ouverture des frontières avec l’Europe ? Cela signifie-t-il le paiement de la dette écologique et une redistribution des richesses par les gouvernements européens, les multinationales et les riches élites locales ? Faudrait-il rompre radicalement avec le système capitaliste ? Qu’adviendra-t-il des ressources fossiles en Afrique du Nord, qui sont actuellement extraites en grande partie par les multinationales occidentales ? Qui devrait contrôler et posséder les énergies renouvelables ? Nous n’avons pas forcement cherché l’uniformité d’une position, et vous trouverez des perspectives différentes et mêmes contradictoires, mais à notre avis, elles offrent des points de départ pour des discussions importantes.

    Le contenu

    Section 1 : La violence du changement climatique

    Le livre commence par une section qui souligne l’ampleur de la menace posée par le changement climatique. Les extraits de « Santé et pérennité écologique dans le monde arabe : Une question de survie » soutiennent que la survie des communautés entières dans le monde arabe est en jeu. Le discours actuel sur la santé, la population et le développement dans le monde arabe a largement échoué en omettant de communiquer la gravité et le sens de l’urgence. Dans l’article de Mika Minio-Paluello sur la violence du changement climatique en Egypte, elle révèle le niveau brutal de la destruction que risque ce pays. Elle souligne que la violence climatique, qui est une violence de classe, est façonnée de manière à ce que les démunis paieront le prix fort et porteront le fardeau au lieu des riches et fortunés. La survie, selon elle, dépendra d’une adaptation à la transformation qui approche, mais cette adaptation est un processus profondément politique qui pourrait signifier l’émancipation ou davantage d’oppression.

    Dans l’article « Un million de mutineries », Sunita Narain démontre que nous ne sommes pas tous dans le même camp de lutte pour faire face au changement climatique. Alors que les riches veulent maintenir leurs modes de vie, il est impératif d’observer le changement climatique dans les visages des millions de gens qui ont perdu leurs maisons dans les ouragans et dans les mers dont les niveaux ne cessent de s’élever. Il convient clairement de garder à l’esprit que le sort des milliers qui ont péri suite à ces changements climatiques est attribuable aux riches qui ont échoué à réduire leurs émissions de gaz, dans leur poursuite de la croissance économique. Les solutions ne se trouvent pas dans les conférences des élites mais à travers de petites réponses à de grands problèmes qui viendraient de l’environnementalisme des mouvements des dépossédés. Pia Ranada, écrivant des Philippines, décrit un phénomène climatique extrême : le typhon qui a frappé récemment son pays. Elle soutient que les pays du Sud souffrent le plus du chaos climatique. Les pays développés qui ont brûlé une grande partie des combustibles fossiles et qui sont responsables des émissions de carbone qui en découlent, doivent indemniser les communautés et les pays touchés par le changement climatique, en leur payant une « dette écologique ».

    Section 2 : Changer le système pas le climat.

    La deuxième section pose trois questions : Quels sont les facteurs structurels qui contribuent au changement climatique ? Comment imaginons-nous un autre système différent du présent ? Est-il possible de reformer et améliorer les systèmes politiques et économiques actuels pour s’adapter au changement climatique ? Walden Bello, écrivant des Philippines, dans son article « Est ce que le capitalisme survivra au changement climatique ? », soutient que l’expansion du capitalisme a causé l’accélération de la combustion des carburants fossiles et une déforestation rapide, conduisant au réchauffement planétaire. Pour rompre avec cette trajectoire, il nous faudrait un modèle de développement équitable et à faible consommation et croissance, qui améliore le bien-être des populations et accroit le contrôle démocratique de la production. Naturellement, les élites des pays du Nord ainsi que des pays du Sud vont s’opposer à cette réponse globale. Bello estime que nous devrions considérer le changement climatique comme une menace pour notre survie mais aussi comme une opportunité pour engendrer les reformes sociales et économiques, longtemps reportées. Khadija Sharife examine dans son article « Les armes secrètes du changement climatique » comment les paradis fiscaux à l’étranger profitent aux sociétés pétrolières multinationales, aux politiciens corrompus et aux mécanismes du commerce du carbone. Tout cela au dépend des îles comme les Seychelles et les Maldives qui pourraient disparaître complètement avec la montée des niveaux des mers et océans.

    Alberto Costa, un économiste équatorien et un ancien ministre de l’énergie et des mines, se focalise sur le mode extractiviste d’accumulation comme un mécanisme de pillage colonial et néocolonial. Plutôt que de bénéficier des ressources naturelles, les pays qui en sont riches ont fini par souffrir de plus de pauvreté, de chômage et de pollution, d’une faible agriculture et davantage de répression. Dans l’article « Le sol pas le pétrole », Vandana Shiva défie l’idée selon laquelle l’industrialisation est du progrès et remet en cause la valeur qu’on donne à la productivité et au rendement. Elle maintient que notre dépendance envers les combustibles fossiles a « fossilisé notre réflexion ». Shiva appelle à une transition culturelle faisant partie d’une transition énergétique pour arriver à une ère au-delà du pétrole. Dans un système qu’on appelle en anglais « Carbon Democracy », un système ancré dans la biodiversité, tous les êtres vivants auront leurs justes parts du carbone utile et nul ne sera accablé par une part injuste des retombées du changement climatique.

    Malgré des décennies de négociations climatiques très médiatisées, les résultats sont un échec : le statu quo en dépit de la menace. Pablo Solon, qui était auparavant le négociateur en chef de la Bolivie sur la question climatique, décrit dans son article « Le changement climatique : Toute action n’est pas utile » comment les négociations climatiques officielles des Nations Unies ont été détournées par les multinationales, empêchant la prise d’actions nécessaires, afin de garantir les profits à venir. Il avance un plan de dix points pour les mouvements sociaux, qui consiste entre autres à la création d’emplois liés au climat, des mesures pour laisser 80% des combustibles fossiles dans le sol ainsi que soumettre le secteur énergétique au contrôle public et communautaire.

    Section 3 : Attention aux « fausses solutions »

    La troisième section examine comment ceux qui détiennent le pouvoir ont essayé de se servir de la crise climatique pour faire des profits et exacerber les inégalités en poussant à de fausses solutions. Dans l’article « Desertec : Accaparement des sources d’énergie renouvelable », Hamza Hamouchene plaide contre des projets solaires orientés à l’exportation qui placent les intérêts des consommateurs européens et des élites locales répressives au-dessus des intérêts des communautés locales. Il souligne la menace pour les sources d’eau et met Desertec dans le cadre d’un commerce international favorable aux entreprises et multinationales et dans le contexte d’une ruée pour plus d’influence et de ressources énergétique. L’article de Jawad. M sur le Maroc soulève des préoccupations sur la souveraineté nationale et le contrôle de l’énergie renouvelable par les multinationales. Jawad fait une critique du discours du « développement durable » , qui a été vidé de toute signification et a été assujetti aux marchés, et se prononce contre les partenariats publics privés.

    Écrivant depuis l’Afrique du Sud, Khadija Sharife et Patrick Bond révèlent l’échec du commerce du carbone et du Mécanisme du Développement Propre (MDP) à réduire les émissions. Ils exposent la réalité d’un racisme environnemental et de fausses solutions, qui permettent aux compagnies riches de continuer à polluer pendant qu’elles s’assurent de plus grands profits. Le commerce du carbone est une supercherie qui amène beaucoup à croire qu’on pourrait contrecarrer le changement climatique sans un changement structurel. Nous devons reconnaitre que les mécanismes du marché ne réduiront pas suffisamment les émissions globales. Pablo Solon dans un article intitulé « À la croisée des chemins entre l’économie verte et les droits de la nature » nous prévient qu’il ne faut pas se fier à l’économie verte pour notre salut. En privatisant et en poussant la marchandisation de la nature, nous courrons à sa destruction et la nôtre avec. Solon avance spécifiquement une critique du programme de Réduction des Emissions imputables à la Déforestation et à la Dégradation des forêts (REDD) qui selon lui est une autre excuse des riches pour polluer la planète.

    Section 4 : S’organiser pour survivre

    La dernière section se consacre aux manières dont les peuples se mobilisent pour un avenir meilleur et différent. La révolutionnaire égyptienne Mahie­nour El-Massry nous décrit comment le changement climatique est en train de menacer Alexandrie, sa ville natale, et nous parle de ses expériences sur le Delta du Nil et son travail avec les communautés et ouvriers qui sont sur le point de mire du changement climatique et de l’exploitation des entreprises. L’entretien réalisé par Hamza Hamouchene avec Mehdi Bsikri, journaliste et militant algérien, explicite pourquoi des milliers d’Algériens ont protesté contre les plans de fracturations hydrauliques pour extraire du gaz de schiste dans le désert algérien, et décrit comment ils se sont mobilisés contre le gouvernement et les multinationales pétrolières. Un autre petit article d’Alberto Acosta sous le titre « Le défi de l’Équateur » développe le concept sud-américain des « droits de la Terre-Mère » comme un moyen de défendre les droits des communautés et futures générations ainsi qu’une remise en cause des privilèges des puissants afin d’assurer la survie.

    Les mouvements sociaux à travers le monde ont reconnu que la menace du changement climatique transforme leurs luttes. La déclaration « Le changement climatique et la lutte de classes » du National Union of Metal Workers of South Africa (NUMSA – syndicat national sud-africain de la métallurgie) prend fermement position sur une juste transition vers une économie à faible émission de carbone qui est basée sur une propriété sociale, démocratique et contrôlée par les travailleurs. Le syndicat s’oppose à l’appropriation privée de la nature et considère que le changement climatique est une lutte majeure qui va unifier les classes ouvrières dans le monde entier. Pour eux, « nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre nos gouvernements » pour agir. La déclaration de Margarita, signée par plus de cent mouvements sociaux sur l’ile de Margarita au Venezuela en juillet 2014, engage à vivre en harmonie avec les écosystèmes de la terre et dans le respect des droits des futures générations à hériter d’une planète où la vie est possible. Elle appelle les mouvements à créer des fissures dans le système actuel qui n’est pas viable, à entreprendre des actions directes pour éradiquer les énergies sales et combattre les privatisations et l’agroalimentaire. Ce radicalisme et cette conscience progressiste de l’importance de l’environnement pour les humains étaient déjà présents dans les années 1970. Nous avons inclus un article par Aurélien Bernier à propos de la déclaration de Cocoyoc des Nations Unies en 1974, qui a formulé une critique radicale du « développement » , du « libre échange » et des relations Nord-Sud. Elle fut vite enterrée et effacée de l’histoire mais elle reste pour autant pertinente et demeure très urgente.

    Les Nord-Africains dont les vies seront le plus changées, le plus sont les petits paysans sur le Delta du Nil, les pêcheurs de Djerba, les habitants d’Ain Salah et les millions qui vivent dans des habitations informelles au Caire, à Tunis et à Alger. Mais ils sont écartés et empêchés de construire leur avenir. C’est plutôt des régimes militaires avec leurs commanditaires au Riyad, Bruxelles et Wash­ington qui formulent des plans climatiques et énergétiques. Les élites locales nanties collaborent avec les multinationales, la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Malgré toutes les promesses faites, les actions de ces institutions démontrent qu’elles sont les ennemies de la justice climatique et de la survie.

    Le changement climatique est une menace mais aussi une opportunité pour instaurer les reformes sociales et économiques qui ont été longtemps différées, déraillées ou sabotées par des élites cherchant à préserver ou accroître leurs privilèges. Ce qui est différent aujourd’hui est que l’existence même de l’humanité et de la planète dépende du remplacement de systèmes économiques basés sur l’appropriation de la rente, sur l’accumulation capitaliste et l’exploitation de classes avec un système ancré sur la justice et l’égalité.

    L’ampleur de la crise signifie qu’il nous faudrait rompre radicalement avec les structures existantes du pouvoir autoritaire et néolibéral. L’urgence laisse croire que nous manquons de temps pour changer le système, mais se fier à ceux qui nous gouvernent nous feraient faire deux pas en arrière pour chaque pas que nous faisons en avant. Nous devons nous inspirer plutôt des mouvements sociaux et des communautés en ligne de mire qui résistent et construisent des voies démocratiques afin de survivre dans un monde réchauffé.

    Ceci sera la lutte globale qui marquera le 21ème siècle.

  • Tunisie : Sfax à la veille de la grève générale régionale du 19 novembre (Essf)

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    Contrairement aux prophéties péremptoires concernant l’établissement d’une hypothétique « paix sociale » en Tunisie suite à l’attribution du prix Nobel de la paix à l’UGTT et au syndicat patronal UTICA, cet article rédigé le 15 novembre laissait présager un bon départ pour le cycle de grèves générales régionales décidées par l’UGTT dans l’ensemble du pays. A l’heure où cet article est mis en ligne, la mobilisation à Sfax semble être une pleine réussite..... A suivre.

    L’UGTT de Sfax ressemble ces jours-ci à un nid d’abeilles. Est à son ordre du jour la réussite de la grève générale régionale annoncée pour le 19 novembre. Celle-ci inaugure un cycle de grèves comparables dans l’ensemble des régions de Tunisie.Dans quel contexte se situent ces grèves ?

    Il est indispensable de rappeler que la centrale UGTT a été un acteur politique majeur en 2013-2014.(1) Elle a réussi pendant cette période à imposer la reconnaissance de son rôle historique dit « national », en tant qu’élément d’équilibre et de stabilité du pays.
    Les interlocuteurs de l’UGTT espéraient qu’il en résulterait l’instauration d’une « paix sociale » de deux ans, ainsi qu’un silence du syndicat au sujet des « réformes » imposées par le Plan d’ajustement structurel dicté par le FMI et les autres bailleurs de fonds. (2)

    Mais simultanément, l’UGTT se devait de répondre aux attentes des salariés, décidés à mettre fin à la dégradation continuelle de leur pouvoir d’achat. Dans ce cadre, des augmentations et des primes spécifiques ont pu être arrachées dans le secteur public. Il a fallu pour cela maintes grèves et mobilisations, parties de plusieurs secteurs comme par exemple l’enseignement et la santé publique.

    De son côté, le patronat tunisien a persisté à ne pas appliquer une grande partie des accords sectoriels conclus avec l’UGTT dans le secteur privé. Invoquant la crise économique, il n’envisage à ce jour que des augmentations salariales minimes, ne devant pas dépasser le taux d’inflation proclamé par le pouvoir et qui est très en deça de la réalité.

    Suite au blocage des négociations dans le secteur privé, la Commission administrative nationale de l’UGTT a décidé, le 8 novembre, le déclenchement d’une série de grèves régionales. Les dates en ont été précisées le 12 novembre. Et, comme d’habitude, la première grève concerne la région de Sfax où elle a été décidée pour le 19 novembre.

    Pourquoi les grèves commencent-t-elles par la région de Sfax ?

    La région de Sfax est la première région industrielle du pays, et une des plus combatives. C’est la plus rodée et la plus opérationnelle lors des grandes mobilisations ou grèves. Cela a par exemple été le cas lors de la fameuse grève générale régionale du 12 janvier 2011 qui a été un des principaux préludes à la fuite de Ben Ali. Il en a été de même suite aux assassinats politiques de 2013.

    L’Union régionale de Sfax est également la pierre angulaire de l’UGTT pour des raisons historiques : c’est le lieu de naissance de l’UGTT et de nombre de ses dirigeants, dont le premier secrétaire général et héros national Farhat Hached. La tradition veut que deux membres du Bureau exécutif de l’UGTT sur treize proviennent de cette région.

    Dans ce contexte, l’UGTT de Sfax a appelé l’ensemble des salariés du privé à faire grève le 19 novembre. En solidarité, ceux du secteur public sont invités à débrayer sur le tas entre 10h et 11h, puis à se rendre à l’assemblée générale du secteur privé qui se tiendra devant le siège de l’UGTT. Tout le monde partira ensuite en manifestation jusqu’au siège du Gouvernorat (l’équivalent de ce que sont en France les Préfectures).
    La mobilisation dans le privé va s’adosser sur des secteurs clés, connus pour leurs traditions combatives et militantes, ainsi que par leur poids dans la région : la chimie et le pétrole,3 le textile, la construction métallique ainsi que le secteur de la restauration. Les militants font le maximum pour réussir une mobilisation d’ampleur, digne de la réputation de la région, en vue d’organiser une véritable démonstration de force.

    Une grève capitale pour la classe ouvrière tunisienne

    L’UGTT a face à elle le syndicat patronal UTICA, son partenaire dans le « quartet du dialogue national », et qui reste inflexible pour le moment.

    Elle se trouve également face à un gouvernement de plus en plus fragilisé. Celui-ci doit en effet affronter la grave crise traversant le parti Nidaa Tounès ainsi que l’alliance au pouvoir.
    En ce qui le concerne, le gouvernement redoute ces tensions sociales, car il a été mis en demeure d’appliquer sans nouveau retard les « réformes » exigées par les « bailleurs de fonds » pour qu’ils continuent à financer un pays de plus tributaire de la dette extérieure.

    Il est vital pour les travailleurs tunisiens, broyé par misère et la pauvreté, que les mobilisations en cours débouchent sur un coup d’arrêt à la dégradation continuelle de leur pouvoir d’achat.
    Il en va de même pour la direction de l’UGTT avant qu’elle ne s’envole pour recevoir, le 10 décembre, un prix Nobel vantant les mérites du compromis et du « dialogue ».

    Sfax, le 15 novembre 2015, par MOULEH Mohamed Abdel

    Mohamed Abdel Mouleh est militant de la Ligue de la Gauche Ouvrière et du Front Populaire à Sfax.

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36429

  • Fuite des cerveaux : Ces médecins et ingénieurs que nous perdons (El Watan)

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    Pour la première fois, un rapport* de l’Organisation internationale du travail étudie les spécificités de la fuite des cerveaux dans les pays du Maghreb. Qui part et pourquoi faire ? El Watan Week-End a décortiqué le rapport pour vous.

    La génération de la «désillusion»

    Le sociologue du Cread, Karim Khaled, rappelle que l’immigration des compétences algériennes existe depuis 1830 et peut être divisée en quatre périodes. La dernière période qui commence dans les années 1990 est celle de la désillusion, selon lui. Il estime que les intellectuels ont vécu une crise, notamment liée à la «déception» des élites après avoir été «emballées et prisonnières par le discours développementiste des années 1970» ainsi qu’aux «échecs» des luttes politiques des années 1980, 90 et 2000 qui «n’ont pas pu basculer l’équilibre des formes identitaires idéologiques dominantes depuis l’indépendance».

    Pour les universitaires, «l’emprise du politique dominant» a fait de l’université «une institution anomique incapable de se reproduire d’une manière autonome et reste aliénée par rapport à sa propre histoire et à l’histoire de tout son environnement». Selon lui, malgré toutes les politiques de formation à l’étranger et les multiples reformes, «l’enseignement supérieur algérien ne peut être que producteur de foyers migratoires». Cette période se caractérise par une forte concentration de l’intelligentsia algérienne dans les pays du Golfe et dans l’espace de la francophonie, notamment la France et le Canada.

    «Des destinations dans un contexte mondialisé, où des voies nouvelles se présentent aux élites professionnelles algériennes. Il s’agit vraiment d’une nouvelle ère de circulation internationale accélérée par l’avènement des technologies de l’information et de la communication mais avec des reconfigurations et le retour du ‘‘pouvoir de l’identité’’ comme forme de résistance au rythme imposé aux déclassés dans cette révolution numérique», explique le sociologue. Malgré cette diversification dans les destinations des élites intellectuelles algériennes dans les années 2000, la France reste toujours la destination dominante pour des raisons historiques, familiales et linguistiques.

    Au-delà du sentiment de désillusion, le rapport énumère plusieurs facteurs importants de départ : d’abord, les limites d’une carrière professionnelle ou universitaire et les besoins de recherche dans des domaines scientifiques, techniques et technologiques de pointe expliquent en grande partie les départs continus de cadres et d’étudiants à l’étranger. Ensuite, outre le prestige et le rayonnement dans la société, les diplômes d’universités étrangères offrent plus de chance de recrutement à l’international.

    Les lourdeurs administratives, les blocages bureaucratiques, les difficultés socioéconomiques et les limites d’épanouissement culturel motivent également le départ de cadres et d’universitaires. Le taux de chômage très important des diplômés du supérieur, le souci d’assurer un meilleur avenir à ses enfants et les raisons sécuritaires sont enfin d’autres facteurs importants dans le départ.

    Des diplômés du 3e cycle qui deviennent majoritairement cadres

    Ceux qui quittent l’Algérie ont en majorité entre 25 et 45 ans. Les docteurs en santé représentent la plus grande part des effectifs des diplômés les plus élevés exerçant en France. Ils se situent presque au même niveau que les ingénieurs. Ensuite viennent les personnes ayant obtenu un DESS et un master professionnel puis les DEA et masters.

    Ces diplômés sont pour la plupart en activité dans leur pays d’accueil. Ils connaissent certes le chômage, mais nettement moins que ceux qui n’ont pas de formation universitaire. Ils occupent pour la majorité des postes d’emploi dans des professions libérales et intellectuelles. Plus de la moitié des immigrés algériens qualifiés avait un contrat de travail à durée indéterminée, 11% exerçaient des professions libérales et 9,2% étaient au chômage.

    On constate que 34% d’Algériens installés en France sont des cadres ou exercent des professions intellectuelles, contre 14% qui sont des «employés». On observe aussi un niveau assez faible de «brain waste» - soit à travers des emplois n’exigeant pas de niveau supérieur ou alors ils sont sous-employés avec une faible rémunération. 6% d’immigrés faisant le métier d’ouvrier.

    Il y a aussi le «brain waste» relatif, non mesurable encore, c’est la situation qui équivaut à la déqualification des diplômés, en les affectant à des postes de niveau inférieur à leurs qualifications. Le niveau des salaires peut être un indicateur : 35% des personnes perçoivent moins de 1500 euros par mois, 25% entre 1500 et 2500 euros et puis 37% gagnent plus de 2500 euros.

    Les médecins sont les plus concernés

    «L’Algérie n’est pas en situation de pénurie de médecins, elle a formé et forme encore un nombre important de praticiens», explique Ahcène Zehnati, chercheur au Cread. Le nombre de diplômés en médecine a plus que doublé entre 2001 et 2011, il passe de 1714 à 4023. Même chose pour les médecins spécialistes qui sont 897 en 2005 et 1929 en 2013. 11 629 médecins sont formés dans les spécialités médicales et chirurgicales entre 2005 et 2013.

    A titre de comparaison, la Tunisie forme 8 fois moins de généralistes et 4 fois moins de spécialistes que l’Algérie. Cette amélioration de la formation ne concerne cependant pas le personnel paramédical, puisque le rapport entre le nombre de personnel paramédical et les médecins a baissé : Il passe de 3,4 en 1998 à 2,47 en 2012. Pourtant, les médecins constituent la première catégories d’Algériens nés en Algérie et exerçant à l’étranger. Le taux de fuite est supérieur à ceux enregistrés en Afrique du Sud ou au Ghana, par exemple et le nombre de médecins qui quittent l’Algérie augmente constamment depuis 1997. «La destination privilégiée des médecins algériens reste majoritairement la France pour des raisons historiques, culturelles, système de formation, conventions inter-universitaires», rappelle le rapport.

    Près d’un médecin né en Algérie sur 4 exerce, en effet, en France. Les effectifs de médecins spécialistes ne sont pas touchés de la même manière. Pour les médecins nés en Algérie, quel que soit leur lieu de formation, le «taux de fuite» est de 43% pour la psychiatrie. Viennent ensuite l’ophtalmologie, la radiologie et l’anesthésie-réanimation. Pour les médecins nés et formés en Algérie, les taux sont moins importants, mais les spécialités les plus concernées sont là aussi la psychiatrie, la radiologie, l’ophtalmologie et l’anesthésie-réanimation. De manière générale, les médecins qui travaillent dans le secteur public sont plus touchés par le départ que ceux du privé.

    Le rapport ne présente pas les raisons de départ des médecins, mais estime que les salaires pourraient être l’un des facteurs. En 2013, un médecin non hospitalo-universitaire touchait 77 000 DA par mois pour un généraliste, 110 000 pour un spécialiste. Un maître-assistant dans un CHU est payé 90 500 DA et un professeur 183 000 DA. L’étude souligne que ces salaires sont en moyenne une fois et demie plus élevés que les salaires des cadres des entreprises nationales algériennes.

    Les Marocains partent pour faire un troisième cycle

    Les migrations intellectuelles marocaines remontent au XIXe siècle et elles sont aujourd’hui souvent le fait d’élites intellectuelles, de chercheurs ou d’étudiants et de sportifs, avec un taux de retour faible. «Malgré le développement de nouvelles destinations, comme c’est le cas pour la Belgique, le Canada, les Etats-Unis ou les pays de l’ancien bloc de l’Est, la France draine toujours le plus grand nombre d’étudiants marocains», rappelle le rapport. Ils représentent la première population estudiantine étrangère dans les universités françaises avec plus de 15% en 2004. A titre de comparaison, les Algériens représentent 8,5%.

    Aujourd’hui, l’arabisation, la suspension des bourses du gouvernement et les conditions d’inscription plus difficiles ont fait diminuer le nombre de départs, qui reste malgré tout important. Désormais, on part pour préparer un troisième cycle plus que pour faire des études de premier et deuxième cycles. Dans tous les cas, une partie des étudiants à l’étranger, une fois leur cursus universitaire achevé, demeure sur place, pour des raisons familiales ou professionnelles.

    Les meilleurs sont repérés dans les grandes écoles ou laboratoires et sollicités pour intégrer des emplois, parfois même avant l’obtention de leur diplôme. Les autorités ont tenté dans les années 1990 de limiter cette immigration avec des mesures restrictives. Aujourd’hui, l’Etat tente au contraire de structurer la diaspora scientifique marocaine pour favoriser le retour et la collaboration des élites installées à l’étranger avec le Maroc.

    Les boursiers mauritaniens ne rentrent plus au pays

    Plus de 70 000 diplômés mauritaniens vivent aujourd’hui à l’étranger, toutes spécialités confondues. Dans un pays où le taux de chômage officiel est de 10% et où le salaire des fonctionnaires, l’équivalent de 5000 DA par mois, n’attire pas les diplômés, plus de la moitié des diplômés mauritaniens à l’étranger finissent par s’installer temporairement ou définitivement dans leur pays d’accueil. La plupart d’ente eux sont des ingénieurs, scientifiques, universitaires, financiers, qui ont souvent accès à l’étranger à des emplois de haut niveau, notamment dans des organisations internationales, des universités ou des compagnies privées.

    Le départ des diplômés a été poussé par les crises politiques de 1987 avec le Front Polisario et 1989 avec le Sénégal, ainsi que par le plan d’ajustement structurel des années 1980. Le pays octroie des bourses aux étudiants mauritaniens qui veulent étudier à l’étranger, dopant implicitement dans le futur la migration des compétences scientifiques, selon le rapport. Ces bourses sont d’ailleurs à l’origine en grande partie de la mise en place de la diaspora scientifique mauritanienne établie à l’étranger.

    Traditionnellement, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et les pays d’Afrique de l’Ouest particulièrement le Sénégal, la Côte d’Ivoire constituent les principales destinations des boursiers mauritaniens. Face au nombre de diplômés chômeurs très important, «la plupart des étudiants en fin de cycle- notamment ceux des filières francophones- cherchent des inscriptions dans des universités françaises ou se lancent dans l’aventure aux USA, en Australie ou au Canada».


    Leïla Beratto El Watan, 6 novembre 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/soc/fuite_cerveaux.htm

  • Tunisie : bientôt cinq ans après la chute de Ben Ali 1 (Essf)

     

    Dans le numéro de la revue Inprecor paru fin octobre 2015 figure un long article sur la Tunisie. Le premier chapitre en est publié ci-dessous.
    Il est possible de se procurer l’intégralité de cet article en s’abonnant à la revue http://www.inprecor.fr/abonnement.clp
    Cette revue est également disponible auprès de la librairie « La Brèche ». http://www.la-breche.com

    Une version en castillan est dès à présent disponible sur http://vientosur.info/spip.php?article10543

    Janvier 2011 a vu se lever un immense espoir de bifurcation de l’histoire dans le bassin méditerranéen, et au-delà :
    – dans la région arabe, la vague révolutionnaire partie de Tunisie s’est rapidement propagée dans un bon nombre de pays ;
    – l’exemple de l’occupation de la place Tahrir au Caire a directement inspiré les « Indignados » des « mouvements des places » contre l’austérité néo-libérale en Grèce ou dans l’Etat espagnol.

    Près de cinq ans plus tard, la contre-révolution a incontestablement marqué des points avec notamment :
    – les massacres organisés par Bachar El-Assad et les forces islamistes en Syrie ;
    – le retour en Egypte d’un pouvoir militaire encore plus répressif que celui de Moubarak.
    La guerre fait par ailleurs rage dans de nombreux pays de la région, et notamment dans la Lybie toute proche.
    C’est dans ce cadre qu’est abordée la situation en Tunisie.

    Un pouvoir restaurationniste

    Depuis janvier 2015, le pouvoir est exercé par une coalition dirigée par Nidaa Tounès. Ce parti se situe dans la continuité des gouvernements de l’époque Ben Ali. Nidaa a inclus dans le gouvernement de coalition qu’il a formé, le parti islamiste Ennahdha, son adversaire proclamé avant les élections d’octobre 2011.(1)

    Le premier objectif du pouvoir est de faire barrage au processus révolutionnaire en Tunisie et d’y restaurer l’ordre capitaliste néocolonial dicté notamment par les multinationales européennes, les institutions financières internationales et l’Union européenne.
    Pour y parvenir, il a proclamé l’état d’urgence, au lendemain de l’attentat terroriste de Sousse (2),dans le but de restreindre les libertés démocratiques, combattre les grèves et asphyxier le mouvement social. (3)
    L’objectif particulier d’Ennahdha est de :
    - ne pas subir le même sort que ses cousins égyptiens condamnés à mort ou emprisonné par le pouvoir militaire,
    - obtenir l’impunité de ses responsables (affaires de corruption et implication dans des dossiers de violences),
    - maintenir en place les milliers de personnes qu’il a installé dans l’appareil d’Etat suite à son accès triomphal au pouvoir en 2012.
    L’objectif auquel est particulièrement attaché Nidaa Tounès est de garantir l’impunité aux corrompus de l’ère Ben Ali (projet de loi dit de « réconciliation économique ») (4).

    L’enchaînement des faits depuis 2011

    Le 17 décembre 2010, une vague de mobilisations est partie de la jeunesse des régions les plus déshéritées, et dans laquelle la gauche syndicale et associative était très impliquée. Par la suite, le ralliement à l’insurrection révolutionnaire du mouvement lycéen et des habitants des quartiers populaires, notamment à Tunis, a rendu possible son extension à l’ensemble du pays. Le 14 janvier, le dictateur Ben Ali a été contraint d’abandonner le pouvoir.
    Il convient de noter que les organisations islamistes n’ont pas participé à ce processus, et cela d’autant plus que la majorité de leurs cadres était à l’époque en exil, et une autre partie en prison.

    Entre mars 2011 et décembre 2011, le notable de l’ancien régime Beji Caïd Essebsi, retiré de la vie politique depuis une vingtaine d’années, est devenu Chef du gouvernement.
    Il est parvenu, non sans peine, à faire partiellement rentrer le fleuve dans le lit, ce qui a accentué la distanciation entre une partie de la jeunesse et le mouvement ouvrier.

    Après la victoire électorale du parti islamiste Ennahdha le 23 octobre 2011, Essebsi a annoncé son retrait de la vie politique. Il y a ensuite fait un retour fracassant en fondant le parti Nidaa Tounès. Celui-ci agglomérait autour de sa personne différentes traditions politiques, unies dans un discours de rejet quasi viscéral de l’Islam politique.

    En 2012 et 2013, la politique des gouvernements dirigés par Ennahdha (5) était centrée sur les objectifs suivants :
    - poursuivre la politique néo-libérale,
    - noyauter l’appareil d’Etat, islamiser la société, remettre en cause les droits des femmes,
    - organiser et/ou couvrir les violences contre le mouvement social et la gauche.
    Dans ce cadre, des milices islamistes ont été mises sur pieds, dont les « Ligues de protection de la révolution » (LPR). Des prédicateurs islamistes du Moyen-Orient parmi les plus rétrogrades, circulaient librement en Tunisie. Le Président de la république Marzouki en a accueilli officiellement certains au palais présidentiel, ainsi que des responsables des LPR. (6)
    D’importantes mobilisations ont eu lieu contre les tentatives du pouvoir de remettre en cause des droits des femmes, ainsi que contre les violences émanant des milices islamistes et/ou du pouvoir (tir à la chevrotine de la police sur la population de Siliana, attaque du siège de l’UGTT, assassinat de deux dirigeants du Front populaire, etc. (7)

    En janvier 2014, le gouvernement Ennahdha (8) a finalement été contraint de démissionner (cette période est abordée dans la suite de ce texte). Certains islamistes, notamment au sein de la jeunesse, ont basculé dans le terrorisme en Tunisie, ainsi que dans le djihadisme dans d’autres pays. Simultanément on a assisté à une reprise de l’activité gréviste (ce point sera développé par la suite).

    Suite aux élections législatives, puis présidentielles, de la fin 2014, le pouvoir est passé aux mains de Nidaa Tounes qui a ouvert son gouvernement à Ennhadha et à deux petits partis.
    Une vague gréviste sans précédent s’est développée au premier semestre 2015, ainsi que d’importantes mobilisations sociales dans les régions les plus déshéritées (ce point sera développé par la suite).

    L’UGTT, une exception tunisienne

    Dans aucun autre pays de la région arabe n’existe une organisation syndicale comparable à l’UGTT.(9)

    Forte de 750 000 membres appartenant principalement à la Fonction publique et au secteur public (10), (dont 47 % de femmes) (11), l’UGTT organise environ un tiers des salariés de son champs de syndicalisation.

    Depuis sa fondation en 1946, l’UGTT ne s’est pas contentée d’une seule fonction revendicative. Elle s’est au contraire toujours simultanément engagée dans l’action politique, notamment lors de la lutte pour l’Indépendance, où elle a joué un rôle de premier plan.

    Coexistent au sein de l’UGTT des membres appartenant à l’ensemble du spectre politique tunisien. Ils/elles doivent pour cette raison faire passer au second plan leur appartenance partisane éventuelle, le plus souvent située à gauche de l’échiquier politique.

    Dans toute son histoire, l’UGTT a oscillé en permanence entre résistance au pouvoir et corruption par celui-ci, aptitude à l’affrontement et volonté de négociation, mode pyramidal bureaucratique de décision et système de pressions internes sur la direction, multiplicité des forces centrifuges et volonté de maintenir un cadre collectif.
    Face aux régimes répressifs qui se sont succédé depuis l’Indépendance, l’UGTT a souvent servi de refuge efficace aux forces de la gauche politique et associative. Il en a résulté une capillarité profonde et durable entre ces trois types d’organisations.

    Pour toutes ces raisons, l’UGTT a joué un rôle central lors de toutes les crises qu’a traversées la Tunisie. Ce n’est donc pas par hasard si c’est autour d’elle que s’est finalement organisé le départ du gouvernement Ennahdha en janvier 2014.

    , par LEROUGE Dominique

    à suivre...

    Notes :

    1. Participent également au pouvoir l’UPL autour de l’affairiste douteux Slim Riahi, et le parti ultra-libéral Afek Tounès.

    2. L’attentat de Sousse du 26 juin 2015 a causé au total 38 morts. Il faisait suite à l’attentat du Bardo du 18 mars qui en avait fait 23.

    3. « Déclaration du Front populaire sur la promulgation de l’état d’urgence » (7 juillet 2015)
    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35383

    4. Cette volonté de blanchiment suscite les applaudissements de l’UTICA (syndicat patronal historique, l’équivalent tunisien du MEDEF et de la CGPME) : http://www.lapresse.tn/article/l-utica-attachee-a-la-loi-de-reconciliation-economique-et-financiere/94/5250
    En ce qui la concerne, l’organisation patronale CONECT demande que cette procédure soit même étendue à l’ensemble des Tunisiens !
    http://www.businessnews.com.tn/tarek-cherif-propose-detendre-la-reconciliation-economique-a-tous-les-citoyens,520,58979,3

    5. Deux autres partis étaient associés au pouvoir d’Ennahdha : le CPR de Marzouki à qui avait été accordée la présidence de la République, Ettakatol (section tunisienne de l’Internationale socialiste), dirigé par Ben Jafaar, à qui avait été attribuée la présidence de l’Assemblée constituante.

    6. http://www.kapitalis.com/politique/14124-le-palais-de-carthage-deroule-le-tapis-rouge-au-predicateur-wahhabite-nabil-al-awadi.html
    http://www.businessnews.com.tn/Tunisie---Une-délégation-des-LPR,-avec-«-Recoba-»,-chez-Marzouki-au-palais-de-Carthage,520,35636,3

    7. En novembre 2012, la police a tiré à la chevrotine sur la population de Siliana. Le 4 décembre 2012, des milices islamistes ont attaqué le siège national de l’UGTT. Le 6 février 2013, un dirigeant du Front populaire, l’avocat Chokri Belaïd, a été assassiné devant son domicile. Il en a été de même le 26 juillet pour Mohamed Brahmi, un autre dirigeant du Front populaire.

    8. Concernant la période située entre l’assassinat de Mohamed Brahmi (26 juillet 2013) et la démission du gouvernement Ennahadha (janvier 2014), un grand nombre d’articles sont disponibles sur http://www.europe-solidaire.org/spip.php?rubrique130

    9.Voir la présentation de l’ouvrage d’Hélà Yousfi sur l’UGTT :
    http://www.solidaires.org/article51054.html ou http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34977 ainsi que la série d’articles concernant la longue histoire de l’UGTT sur http://www.europe-solidaire.org/spip.php?rubrique1027

    10. On compte en effet 1,5 million de salariés dans le secteur privé ainsi que 800 000 fonctionnaires et salariés du secteur public. http://www.lapresse.tn/article/public-prive-la-satisfaction-des-uns-la-grogne-des-autres/94/5734

    11. Il n’y a jamais eu de femme au Bureau exécutif de l’UGTT, et leur présence est très faible dans les structures intermédiaires, y compris dans les branches très féminisées comme l’Education.