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Tunisie - Page 4

  • On ne saurait libérer le présent sans libérer le passé (Nawaat.tn)

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    Ce 24 mars, l’IVD a réussi un grand coup.

    On doit s’en féliciter. Pour la première fois depuis l’indépendance, ceux qui ont résisté les armes à la main contre la colonisation et le bourguibisme émergeant ont pu témoigner publiquement, de leurs luttes, de leurs souffrances et de la répression dont ils ont été l’objet au lendemain des accords de l’Autonomie interne. Les témoignages de ces quelques survivants, qui résistent à la mort comme ils ont résisté à l’oppression, qui n’ont plus d’âge mais toujours bonne mémoire, seront probablement pris avec précaution par les historiens de profession. Ils disent pourtant une vérité historique essentielle : l’indépendance n’a pas été conquise par la fameuse « politique des étapes » chère à Bourguiba, ni par son génie diplomatique, ni par son habileté négociatrice. Elle a été conquise par les armes, les armes de nos fellaghas, les armes algériennes, les armes nassériennes, les armes de Dien Bien Phu. C’est par la violence et la révolution que l’occupation coloniale a été défaite, c’est par une contre-révolution dans la révolution que Bourguiba, soutenu par l’UGTT, appuyé par la France, a instauré sa dictature, écrasant les plus valeureux parmi nos résistants.

    Nous savions tous cela et les héros qui se sont exprimés vendredi sur nos écrans de télévision ne nous ont certes rien appris.

    Ils ont fait beaucoup plus que cela. Ils ont fait beaucoup plus que nous apprendre quelque chose que nous n’aurions pas su. De faits relégués à l’histoire des historiens, à moitié oubliés, déformés, tronqués, maltraités, noircis ou volontairement occultés par la parole bourguibiste, ils ont fait une histoire toujours vivante, une histoire présente, une histoire qui marche encore, une l’histoire réelle et vraie, parce qu’elle vit, qu’elle est présente et qu’elle marche encore, malgré ses béquilles.  Ils ont remis cette histoire-là d’où elle n’aurait jamais dû sortir, c’est-à-dire au cœur de la politique du présent, au cœur de notre révolution au présent, au cœur du long combat encore inachevée pour la libération.

    Mais rien n’est encore joué. Tout est fragile.

    Cet acquis, nous le devons généralement à la révolution du 17 décembre. Nous le devons particulièrement à l’IVD qui l’a réalisé pratiquement, malgré l’hostilité persistante des singes restaurationnistes et le boycott opiniâtre des forces organisées de la gauche. Nul doute par ailleurs que la diplomatie française, inquiète de voir déterrer les crimes coloniaux et exiger des réparations, n’ait également multiplié les pressions sur les responsables de l’IVD. Aussi bien les rapports de force dans lesquels l’IVD a été mise en place que les rapports de forces actuels imposent des limites à son action et balisent hélas le discours qu’elle s’autorise. Il est regrettable ainsi, bien que compréhensible, que, ce 24 mars, aient prédominés dans les propos de ses animateurs les thèmes « transitionnistes » de la réconciliation et des droits de l’homme, accolés à la recherche de la vérité historique et à la réhabilitation des anciens combattants.

    Les violences qu’ont subies ces femmes et ces hommes dont nous entendons aujourd’hui les témoignages, celles qu’ont subies ceux qui sont morts ou qui ont disparus, ne sont pas plus réductibles à une atteinte aux droits de l’homme que l’assassinat de Salah Ben Youssef n’a été une atteinte aux droits de l’homme. Ce sont, dans leur ensemble et dans leur continuité, des faits d’une guerre politique menée par l’Etat colonial puis relayée par un Etat bourguibien soucieux de mettre un terme à une dynamique décoloniale qui pouvait menacer son autorité, c’est-à-dire l’ordre social sur lequel il reposait.

    La colonisation n’est pas simple atteinte aux droits de l’homme.

    Et la dictature bourguibienne, dont Ben Ali a repris à sa manière l’héritage, a été un système global d’oppression et non seulement la multiplication d’atteintes aux droits de l’homme. Dès lors que signifie la « réconciliation » ou, selon une formule de l’IVD, la recherche de la vérité historique pour nous réconcilier avec nous-mêmes ? L’histoire dont nous ont parlé les anciens fellaghas ou les membres de leurs familles appartient-elle désormais à un passé sans rapport avec le présent ? Leurs combats seraient-ils désormais obsolètes, hors du temps actuel ? Nous savons bien que ce n’est pas le cas.

    Ce langage de la réconciliation me fait penser à une autre « transition », considérée comme ayant réussi, sans doute parce qu’elle a empêché une révolution. J’ai en tête l’avènement de l’Espagne démocratique qui a succédé à la dictature franquiste. On y a beaucoup parlé aussi de « réconciliation » et de mémoire réconciliée. Dans ce cadre, relate le critique italien Enzo Traverso, fut décidé en octobre 2004 « de faire défiler ensemble, lors d’une fête nationale, un vieil exilé républicain et un ex-membre de la Division Azul que franco avait envoyée en Russie en 1941 pour combattre à côté des armées allemandes[1] ». Seul le cadavre d’une révolution peut se réconcilier avec la contre-révolution.

    J’ose espérer que « se réconcilier avec nous-mêmes » dans l’esprit de l’IVD signifie tout autre chose. Que par réconciliation, il faille entendre des retrouvailles. Celles des combattants séparés par tant d’années et tant de défaites, la réintégration des luttes anticoloniales menées contre Bourguiba au cœur des combats présents pour la libération. Sans cela, les témoignages que nous avons entendus lors de la dernière audition publique de l’IVD resteront de simples mots et, quand bien même ils seraient enterrés décemment, les squelettes sans sépultures resteront sans sépultures.

    1. Enzo Traverso, Le passé mode d’emploi. Histoire, mémoire, politique, éd. La fabrique, Paris, 2006, p.51

    Sadri Khiari

    Membre fondateur du Conseil National des Libertés en Tunisie (CNLT) et d'ATTAC-Tunisie (RAID). Co-fondateur en France du Parti des indigènes de la république. Sadri est aussi l’auteur de nombreux articles sur la Tunisie et d’un ouvrage intitulé Tunisie, le délitement de la cité, éditions Karthala, Paris, 2003. Voir également « La révolution ne vient pas de nulle part », entretien avec Sadri Khiari conduit par Beatrice Hibou, in Politique africaine, n°121, éd. Karthala, Paris, mars 2011, disponible en français et en anglais. Il a publié également Sainte Caroline contre Tariq Ramadan. Le livre qui met un point final à Caroline Fourest, éditions LaRevanche, Paris, 2011, La Contre-révolution coloniale en France. De de Gaulle à Sarkozy, éditions La Fabrique, Paris, 2009 et Pour une politique de la racaille. Immigrés, indigènes et jeunes de banlieue, éditions Textuel, Paris, 2006. "Malcolm X, stratège de la dignité noire", éditions Amsterdam, Paris, 2013. Artiste-peintre et dessinateur, collaborateur régulier du magazine tunisien de bandes dessinée, "LAB 619".
     
     
  • Tunisie: un appel pour que les femmes puissent épouser des non-musulmans (L'Express)

    Une circulaire de 1973 interdit le mariage des musulmanes avec des non-musulmans, alors que les hommes ne sont pas concernés par une telle restriction. Une inégalité dénoncée par un collectif d'associations.

    C'est un texte qui date de l'ère Bourguiba, mais qui ne reflète pas les efforts pour l'émancipation féminine du premier président de la République tunisienne. Depuis 1973, une circulaire du ministère de la Justice empêche la célébration du mariage des Tunisiennes musulmanes avec des non-musulmans. Tandis qu'aucune interdiction de ce type n'existe pour les hommes.

    Une soixantaine d'associations ont lancé ce lundi un appel à la retirer. "Il est aujourd'hui inadmissible qu'une simple circulaire, de valeur juridique quasiment nulle (...), commande la vie de milliers" de Tunisiennes, a martelé lors d'une conférence de presse Sana Ben Achour, juriste et présidente de l'association Beity. 

    Un certificat de conversion exigé du futur époux

    Un certificat de conversion du futur époux est actuellement exigé pour le mariage de toute Tunisienne, considérée a priori comme musulmane et désireuse d'épouser un non-musulman. Si elle se marie à l'étranger avec un non-musulman sans ce papier, son mariage ne peut être enregistré en Tunisie.

    Il n'existe pas de statistiques fiables et précises sur ces situations, mais ce texte "remet en cause un droit fondamental pour tout être humain: le choix libre du conjoint (...). Cette prohibition est une souffrance pour des milliers de Tunisiennes et leurs familles", qui sont "privées de leur droit fondamental à la sécurité juridique", déplore le collectif dans un communiqué. 

    En contradiction avec la Constitution de 2014

    Pour Wahid Ferchichi, de l'Association tunisienne de défense des libertés individuelles (Adli), il est déjà problématique que la circulaire identifie ces Tunisiennes comme étant musulmanes, alors qu'"aucun certificat ne prouve la religion" en Tunisie. Et la circulaire est en contradiction avec la Constitution adoptée trois ans après la Révolution de 2011. Ce texte prône la liberté de conscience et l'égalité entre les citoyens.

    Malgré cette nouvelle Constitution, la loi tunisienne reste discriminatoire pour les femmes, notamment en matière d'héritage. 

     LEXPRESS.fr 

    http://www.lexpress.fr/

  • Les discriminés politiques encore sous le joug de la répression (Nawaat.tn)

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    Mardi 21 mars 2017, les discriminés politiques se sont rassemblés à la Kasbah. Ils ont été accueillis par un cordon sécuritaire pour les maintenir bien loin de la Présidence du gouvernement. Très vite la tension est montée d’un cran. Les policiers ont aspergé, en plein visage, les militants de la première ligne par des aérosols lacrymogènes. Devant le refus de toute reprise des négociations, les discriminés politiques ont annoncé une semaine nationale de protestation du 15 au 22 mars, après avoir suspendu une grève de la faim de 33 jours. Ils réclament leur recrutement dans la fonction publique après des années de harcèlement par la police politique de Ben Ali. En 2015, le ministère de l’Intérieur a reconnu ses crimes d’espionnage, de torture et de discrimination à l’embauche contre des centaines de militants. Cependant, les multiples négociations n’ont pas abouti à la réparation des préjudices. De Bizerte, Kef, Sidi Bouzid et Sfax, quatre militants racontent le calvaire de la dictature qui continue jusqu’à aujourd’hui.

    Amina Ben Amor, discriminée… depuis la naissance

    « Mon premier interrogatoire, je l’ai eu à l’âge de huit ans. Deux hommes sont venus à l’école pour m’interroger sur mon père, Abdelaziz Ben Amor, qui vivait dans la clandestinité après une condamnation à six ans de prison en 1991. Ils étaient grands et gros et je ne comprenais pas trop ce qu’ils voulaient de moi. Accompagnés d’une assistante sociale, ils m’ont interpellé dans une salle vide, en présence du directeur de l’école. Ils voulaient avoir des informations sur mon père. Je répétais ce que ma mère m’a appris à dire aux étrangers. L’un d’eux s’est rendu compte que je ne disais pas la vérité. Il m’a giflé et c’était la gifle que je n’oublierais jamais. Après, j’ai été tabassée des centaines de fois au lycée et surtout à l’université. Cette première gifle me fait encore mal. Elle est le début d’un parcours de répression et d’injustice qui continue jusqu’à aujourd’hui ».

    A 33 ans, Amina Ben Amor est veuve et mère d’une fille de 10 ans. Après une maîtrise d’anglais obtenue à Sfax en 2005, elle passe près de 20 concours pour accéder à la fonction publique. Toujours refusée, Amina ne se doutait de rien jusqu’au jour où un policier lui jette à la figure « tu n’auras jamais un poste dans la fonction publique ! Ton nom est sur une liste noire ! » se rappelle-t-elle. Amina se tourne, alors, vers le secteur privé. En 2007,elle décroche un poste d’assistante à British Gaz. « Ils étaient satisfaits de mon travail et j’étais en bon terme avec mes supérieurs et mes collègues, jusqu’au jour où le directeur m’annonce, avec regret, la décision de me licencier. Il n’avait pas d’arguments pour s’expliquer … Il avait honte, mais j’ai compris ». Déçue, Amina se radicalise. Elle se consacre pleinement au militantisme au sein de l’Union des diplômés chômeurs. En 2011, lors d’un sit-in des forces de l’ordre à Sfax, un ancien policier politique l’interpelle dans la rue et lui avoue avoir été chargé de sa surveillance et qu’elle pourrait même citer son nom devant un juge « si un jour justice sera faite » ironise Amina.

    Kaouther Ayari, fugitive sous Ben Ali, discriminée en démocratie


    « Entre 2004 et 2009, ma vie était un cauchemar interminable. j’étais recherchée sans mandat d’amener. Les policiers ont harcelé ma famille à Menzel Bourguiba. Ils ont terrorisé ma mère, confisqué les papiers de mon frère, interrogé ma sœur quotidiennement au poste de police. Ils m’ont interdit de poursuivre mes études et m’ont poursuivie partout. J’étais obligée de devenir SDF ou plutôt une fugitive qui doit se débrouiller toute seule sans mettre en danger la vie des autres. Tous mes rêves d’études et de carrière se sont brisés sous les bottes de l’uniforme policier. Mais j’ai gardé le sourire car je savais que le peuple allait se révolter ».

    Qui ne se rappelle pas des discours enflammés de la jeune femme frêle sur la place Mohamed Ali, durant les premiers jours du janvier 2011 ? Kaouther Ayari, 37 ans, militante de gauche et mère d’une petite fille de 7 ans, est une figure des discriminés politiques. Sa première manifestation date de 1996 quand elle était encore élève. Depuis son jeune âge, Kaouther a pris l’habitude de voir sa famille discriminée des aides sociales car son père refusait la carte d’adhésion au RCD. Avec ses dix frères et sœurs, elle avait une seule idée en tête; réussir ses études et travailler pour aider sa famille. Mais son adhésion à l’UGET, à l’Union des jeunes communistes puis au Parti des travailleurs lui a coûté cher.

    En 2007, elle se marie et déménage à Jerba pour échapper à la répression. Mais sa réputation d’opposante au régime la poursuit. De retour à Tunis en 2009, la répression a repris des plus belles. « J’étais contrainte à déménager tous les deux mois. Les policiers me poursuivaient partout. Évidemment, j’étais interdite de voyage, de travail et de vie tout simplement ». En 2015, le nom de Kaouther Ayari figure sur la liste des discriminés politiques reconnus comme tels par le ministère de l’Intérieur. Depuis, Kaouther n’attend pas. Elle est dans tous les sit-ins, toutes les manifestations et toutes les grèves de la faim pour réclamer ses droits.

    Safouen Bouzid, le harcèlement judiciaire après la révolution

    Je participé au sit-in de la Kasbah. Je pense qu’en plus du fait que je sois fiché avant la révolution, le système insiste à me punir parce que j’ai participé à faire tomber le gouvernement de Mohamed Ghanouchi. Menzel Bouzayane, d’où je viens est l’une des régions qui ont fait réussir la révolution. Nous avons résisté à la répression et organisé la résistance dans toute la région. Quelques jours avant le départ de Ben Ali, nous avons confisqué les archives du poste de police de la ville. Mon nom figure sur la liste noire des opposants à poursuivre, à harceler et à empêcher de travailler. J’ai envoyé ces documents à la commission qui a pris en charge le dossier au sein du gouvernement tout en sachant qu’elle ne va rien faire. Je sais que je suis encore blacklisté ».

    Depuis ses années de lycée, Safouen Bouzid, 33 ans, participe aux manifestations organisées par le bureau local de l’UGTT pour la cause palestinienne et contre l’invasion américaine de l’Irak. En 2001, il est admis à la Faculté des lettres de Sousse et devient membre de l’UGET. Il réussi une seule année d’études en français avant de devenir une cible de la police politique. « En 2011, dans les archives de la faculté, j’ai trouvé les preuves qui attestent que la police police était derrière toutes ces années de redoublement ». En 2005, Safouen est l’un des leaders de l’Union générale des étudiants tunisiens qui s’est opposée ouvertement au Sommet mondial de la société de l’information organisé par Ben Ali. Après plusieurs manifestations qui ont accompagné l‘appel du 18 octobre, Safouen et des dizaines de militants sont contraints de passer à la clandestinité pour échapper aux arrestations.

    Dès le 24 décembre 2010, Safouen prend en charge la mobilisation de Bouzayane contre la dictature. Après le 14 janvier, il organise avec d’autres jeunes de Bouzayane, Thala et Kasserine le premier sit-in de la Kasbah « avant qu’il soit confisquer par les partis politiques et des syndicalistes corrompus » regrette-t-il. Retour au bercail, Safouane ne quitte plus Bouzayane où il organise une centaine de sit-ins pour le travail et le développement dans sa région. Il récolte plusieurs procès dont trois en cours avec des chefs d’accusation lourds tels que la désobéissance civile, l’agression d’un fonctionnaire public, l’entrave à la liberté de travail et provocation d’incendie dans des locaux non habités. « Je reçois régulièrement des propositions d’asile à l’étranger mais je refuse de jeter l’éponge » affirme-t-il malgré la fatigue.

    Mouadh Harbaoui, dernière génération des discriminés politiques

    « Je n’oublierais jamais le jour où Achref Barbouche, actuellement conseillé auprès du ministre de l’Éducation, voulait me persuader de renoncer à l’UGET et de rejoindre le RCD pour pouvoir travailler. En 2008- 2009, nous étions étudiants dans la même faculté au Kef. Il m’a clairement fait comprendre que si je continuerais à militer contre Ben Ali, je finirais par crever. Cet imminent conseillé était le rapporteur de la police à la fac. Maintenant, il est au pouvoir alors que je suis au chômage. La discrimination est le fait qu’un rapporteur de la police accède au travail alors que d’autres étudiants sont punis pour leur militantisme »

    Mouadh Harbaoui, 30 ans, du Sers ( 30 km du Kef) était membre de l’UGET depuis 2006. Il réussit sa première année de préparatoire à Bizerte avec mention bien. Pour des raisons de santé, il demande une année sabbatique pour ne pas perdre les quelques avantages de bourses et de logement gratuit.. D’après lui, sa demande était refusée parce qu’ il appartenait à l’UGET. « Le médecin de la fac m’a carrément dit que j’aurais dû aller à l’UGET pour obtenir un certificat valide ». Au bout de quelques semaines, il a été éliminé des cours. « Je me suis retrouvé dans la rue et j’ai perdu espoir de devenir ingénieur » regrette-t-il. L’année suivante, Mouadh s’inscrit au Kef où il obtient une licence en E-services avec la mention très bien. Durant ses années d’étude, il essaye de passer inaperçu même s’il continue à faire partie de l’UGET. Pensant qu’il n’était plus dans le collimateur du système, il passe avec confiance le concours de la CAPES. Mais il ne réussit pas. Après quelques échecs, Mouadh commence à se poser des questions. « Je voyais mes amis réussir et convoqués par différentes administrations, pas moi. J’étais pourtant parmi les premiers de ma promotion. Mais j’ai compris par la suite que mes choix personnels sont la cause de l’injustice que je vis ».

    Henda Chennaoui 23 Mar 2017

    Journaliste indépendante, spécialiste en mouvements sociaux et nouvelles formes de résistance civile. Je m'intéresse à l'observation et l'explication de l'actualité sociale et économique qui passe inaperçue

    http://nawaat.org/

  • Soja, la Tunisie importe les OGM (Nawaat.tn)

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    Dans un rapport publié fin février 2017, le Foreign Agricultural Service (FSA) du département agricole américain (USDA) prévoit une augmentation de l’importation de soja en Tunisie « pour répondre à la demande croissante du secteur de transformation » .

    Maintenant que Carthage Grains, la seule société qui s’occupe du concassage du soja, a augmenté ses capacités à transformer les graines et qu’une nouvelle unité d’extrusion est en cours de construction à la Société de nutrition animale (SNA), la transformation des graines de soja importées en tourteaux destinés au secteur avicole et en huile destinée à la consommation humaine peut passer à la vitesse supérieure.  Alors que la plus grande partie de soja est génétiquement modifié et que la Tunisie n’a toujours pas de législation concernant les OGM, le pays compte augmenter les importations de ce produit.

    A l’échelle mondiale, le tourteau de soja constitue le premier ingrédient dans les aliments pour animaux tandis que l’huile de soja compte parmi les huiles alimentaires les plus utilisées. Idem en Tunisie, où 546 000 mille tonnes ont été importées l’année dernière, selon l’USDA. Si le pays ne produit pas cette légumineuse riche en protéines et facile à digérer pour les animaux, c’est une question de ressources en eau et de rentabilité, explique Hamadi Ben Salah, ancien chef du laboratoire des grandes cultures à l’INRAT. Ben Salah précise que « le soja est une culture estivale, les conditions en Tunisie sont favorables à cette culture, mais en irrigué, la disponibilité de l’eau est très limitée. De ce fait la culture n’est pas économiquement rentable » .

    L’USDA prévoit une importation de 600 000 milles tonnes de soja pour la saison 2016-2017 et de 640 000 milles tonnes pour 2017-2018. Le rapport rappelle que la politique tunisienne en matière d’oléagineux vise à diversifier les variétés de tourteaux importées à travers « une approche axée sur les prix » . Aussi elle vise à développer la production nationale de colza, tournesol et de plantes légumineuses. Car, « à part l’huile d’olive, la production des huiles à graines oléagineuses en Tunisie reste insignifiante malgré les efforts du ministère de l’Agriculture pour encourager les agriculteurs à cultiver colza et tournesol afin de diversifier la production de graines oléagineuses », constate le rapport.

    Tourteau de soja pour le secteur avicole

    Hamadi Ben Salah fait partie d’une équipe de chercheurs qui a mené une étude, encore non publiée, avec des recommandations pour organiser le secteur des cultures légumineuses. Il nous précise qu’ « il y a d’autres cultures qui peuvent se substituer partiellement au tourteau de soja comme les fèves, mais les superficies ne sont pas très importantes à cause de la fluctuation des prix et le rendement peu élevé » . En fait, Carthage Grains dispose d’un accès continu de la culture en question, ce qui n’est pas le cas pour les fèves. D’ailleurs, le contenu nutritif de soja est plus convenable pour les animaux, étant riche en protéines (environ 45% par rapport à 20% pour les fèves). De ce fait, la majorité de tourteaux importés (70% d’après l’USDA) sont destinés au secteur avicole.

    Huile de soja pour cuisiner

    Alors que l’huile d’olive est de loin la première huile produite et consommée en Tunisie, la consommation nationale est en baisse car les prix relativement élevés sont largement déterminés par la demande du marché européen. Entre-temps, le gouvernement a réduit, et dans certains cas a supprimé, les droits de douanes et les taxes sur d’autres huiles alimentaires comme les huiles de soja, de palme et de maïs.

    Ben Salah explique que le choix des consommateurs est dicté par la politique des prix. Une politique dont la priorité est l’exportation de l’huile d’olive. En 2015, l’Observatoire national de l’agriculture (ONAGRI, sous tutelle du ministère de l’Agriculture) avait déjà souligné qu’ « en voulant protéger le pouvoir d’achat des couches sociales les plus défavorisées par la subvention de certains produits de base notamment les céréales et autres produits importés tels les huiles de graines (soja, maïs, tournesol, etc.) et le sucre, l’Etat n’a-t-il pas, lui aussi accordé des subventions aux producteurs étrangers de graines et des huiles oléagineuses ?» Et de prévoir l’aggravation de cette tendance jusqu’en 2025, car la Tunisie se positionne au-dessus de la moyenne internationale en termes de consommation par habitant d’huiles végétales avec une augmentation annuelle de 2,21%.

    Le soja, aux dépens de la souveraineté alimentaire

    En supprimant les droits douaniers et en important en quantités croissantes des huiles alimentaires, la Tunisie aggrave sa dépendance dans le secteur des graines oléagineuses. D’ailleurs, le gouvernement compte continuer à subventionner l’huile alimentaire dans les années à venir, comme nous explique l’USDA. Plus grave, mais le rapport ne le mentionne pas, le pays continuera à importer du soja argentin, américain, ou brésilien, génétiquement modifié. L’Europe, pendant longtemps réticente à l’importation des organismes génétiquement modifiés (OGM), en importe désormais des dizaines de milliers tonnes chaque année pour l’alimentation des animaux. Alors que la Tunisie n’a toujours pas de loi spécifique concernant les OGM et qu’elle les importe selon les mêmes standards que les produits conventionnels, une éventuelle législation risque de se conformer au modèle appliqué par son premier partenaire cormmercial, l’Union européenne. A moins que la récente Unité de détection des OGM de la Banque nationale des gènes puisse œuvrer pour une réglementation qui protège le pays des risques biotechnologiques.

    Vanessa Szakal

    Vanessa studied French, Spanish, and Arabic at the University of Washington in Seattle. She currently interns at Nawaat where she is able to pursue her interests in news media and the universal right to access to information.
     
     
    Et aussi:
  • Afrique du Nord/Proche-Orient: un jeune sur cinq veut émigrer (L'Express)

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    Madrid En moyenne 20% des jeunes de cinq pays du pourtour méditerranéen (Algérie, Egypte, Liban, Maroc et Tunisie) veulent émigrer, un chiffre qui monte à plus de la moitié en Tunisie, selon une enquête auprès de 10.000 jeunes rendue publique jeudi en Espagne.

    "Un jeune sur cinq dans les pays arabes analysés veut émigrer. Une proportion qui atteint les 53% dans le cas de la Tunisie", souligne la fondation CIDOB (Centre des affaires internationales de Barcelone), qui a coordonné l'étude, dans un communiqué diffusé en Espagne. 

    Six ans après le "printemps arabe", elle constate que "la principale motivation qui pousse ces jeunes à vouloir partir est, une fois de plus économique: trouver un emploi digne et de meilleures conditions de vie".

    "Contrairement à ce qu'on pouvait attendre, plus le niveau d'éducation est important, plus le désir d'émigrer est renforcé", assure le communiqué. 

    Pour un des experts ayant réalisé l'étude en Algérie, Nacereddine Hammouda, "ce qui est remarquable, c'est que le fait d'arriver à l'université renforce le désir d'émigrer". "Le jeune pense qu'il peut valoriser ses compétences dans un pays plus développé économiquement et qu'elles seront gâchées s'il reste", explique ce statisticien économiste au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), interrogé par l'AFP en Espagne.

     

    Le projet "Sahwa" ("L'éveil", en arabe) a été mené entre 2014 et 2016 dans chacun des cinq pays, en réponse à une commande de la Commission européenne.  

    Ses résultats reflètent un "sentiment général de frustration et d'exclusion sociale" chez les jeunes, selon la fondation. 

    Les quatre principaux problèmes identifiés à travers 10.000 entretiens sont le niveau de vie (28%), la situation économique (22%), l'emploi (12%) et le système éducatif (10%).  

    Le taux de chômage des jeunes dans ces pays est d'environ 30% en 2014, alors que la moyenne mondiale est de 13%, font apparaître des chiffres de l'Organisation internationale du travail cités. 

    Difficile dans ces conditions de pousser "la porte de l'autonomie et de l'âge adulte", écrit le CIDOB.  

    Le projet Sahwa montre aussi que "les jeunes ne se sentent pas identifiés à leurs institutions, dont ils considèrent qu'elles ne représentent qu'une élite". 

    Selon l'enquête, "près de 60% des jeunes en âge de voter ne l'ont pas fait aux dernières élections, et principalement par manque d'intérêt (44,5%)". 

    http://www.lexpress.fr/

  • Tunisie : les ouvrières du textile décidées à faire valoir leurs droits (TV5)


    Ouvrières d’une usine textile près de Tunis
    Ouvrières d’une usine textile près de Tunis
    Dag Terje Filip Endresen - Wikicommons

    Des ouvrières qui portent plainte contre leur ancien employeur belge. D’autres qui se regroupent en autogestion pour maintenir leur usine en activité. Dans l’industrie textile, pilier de l’économie tunisienne, mise à mal par les soubresauts sociaux et politiques, les ouvrières, galvanisées par la révolution, sont décidées à se battre. Une bonne nouvelle en arrière plan des "fashion weeks" qui se succèdent en cette fin d'hiver 2016, à Paris et ailleurs.

    Si les ouvrières tunisiennes du textile cousent pour les enseignes internationales, peu d’entre elles peuvent s’offrir ces vêtements. La confection textile a beau représenter une part importante de l’industrie, la concurrence s’y fait aussi au dépend des employés et de leur salaires. En 2013 une entreprise de textile belge a fermé mettant en chômage 2500 personnes. Plus de 300 se sont regroupées pour porter plainte. Une affaire qui illustre bien les non-sens et la précarité du monde du textile.

    En Tunisie, les fripes sont une institution. On y va en famille, entre amis ou seul, pour trouver des vêtements de seconde main. La fouille est rythmée par les voix fortes des vendeurs qui haranguent les acheteurs : "Dinar! Dinar! Alfïne!" Un ou deux dinars, cinquante centimes et un euro.
     
    Si les adultes cherchent plutôt un vêtement fonctionnel à un prix économique, les jeunes préfèrent les marques de prêt à porter internationales. C'est que peu de grandes enseignes ont pignon sur rue en Tunisie et que les prix sont exorbitants, par rapport au salaire moyen.

    Pourtant certains de ces vêtements ont parfois été confectionnés en Tunisie, avant d'être envoyés en Europe, puis vendus dans des grandes enseignes pour enfin revenir sur les étals des fripes tunisiennes.
     
    En Tunisie, en 2014, le secteur du textile et de la confection constituait le tiers des entreprises industrielles du pays, soit 34% des emplois de l'industrie manufacturière, selon l'Agence de la Promotion de l'Industrie et de l'Innovation.

    La région de Monastir  (à 162 kms au Sud de Tunis), sur la côté ouest du pays, rassemble un quart des industries du secteur. C'était le cas de plusieurs filiales d'un groupe textile belge, JBG, qui a fermé en 2013, mettant au chômage prés de 2500 employés.

    L'affaire JBG

    Emna Saidi a travaillé 27 ans pour JBG. Avant la fermeture elle était au contrôle final, pour vérifier qu’il n’y a pas de malfaçons. " Il y avait toujours une demande forte de rendement, un salaire faible et peu de droits..." se rappelle-t-elle. Du jour au lendemain, les employés se retrouvaient "dans la rue, sans salaire, indemnité ou prime." Aujourd'hui, elle ne travaille plus, et a des problèmes au dos et aux bras dus à son travail.
     
    Elle qui a travaillé cinq jours par semaine de 7h à 16h30 et le samedi matin, "avec 30 minutes de pause dans la rue pour déjeuner, été comme hiver", ne comprend pas comment le patron a pu partir en laissant derrière lui des employés qui travaillé pour lui depuis des années.

    Avec 310 autres employés du groupe, Emna a décidé d'aller obtenir ses droits en justice et a porté plainte contre l'entreprise, soutenu par le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES). Naser Farhat fait partie du groupe. Lui a travaillé 27 ans pour JBG comme gardien et chauffeur. Son visage fermé, ses yeux cernés, son expression de colère, laissent comprendre que même si le temps passe, il n'oublie pas. Il a été floué et se retrouve lui aussi sans activité. "Beaucoup d'entre nous sont trop âgés pour être employés ailleurs. Il y a bien la récolte des olives mais moi je suis cardiaque..."

    Fast-fashion

    Au printemps 2014, le procès est reporté, mais l'entreprise ayant "fermé boutique" aucune indemnité n'a été  versée. Reste les cotisations sociales, qui auraient du être versées par l'Etat tunisien. Mais finalement sans que l'entreprise ne soit redevable.
     
    "Ce que soulève cette affaire c'est la faiblesse des droits dans la mondialisation. On manque d'un vrai cadre de protection des droits humains et il n'y a pas de chaîne de responsabilité", explique Antonio Manganella, directeur du bureau tunisien d'Avocats Sans Frontières, qui a accompagné la procédure juridique.
     
    Mais surtout c'est la rudesse du secteur textile qu'il pointe du doigt. En 2005, la fin de l'accord multifibre qui permettait de l'octroi de quotas de marché par pays a libéralisé le secteur et a eu pour conséquence du dumping social, "au point que la Tunisie n'était plus un pays attrayant dans le domaine", continue-t-il.

    Plus il y a de pièces, plus les ouvrières ont le temps de se faire la main et donc de produire plus rapidement
    Kais, ouvrière

    Une réalité que Kais, qui souhaite rester anonyme et dont la famille possédait des usines de confection, raconte :  "l'entrée de la Chine dans le secteur, avec sa capacité à baisser les coups, à produire en grande quantité a impacté le marché tunisien, qui ne semblait plus aussi rentable pour les donneurs d'ordre européens."
     
    Aujourd'hui dans les rayons, la "fast-fashion" a pris le pas : les collections se succèdent avec une temporalité plus rapide. Difficile de faire le poids en Tunisie : "Ce qui est rentable ce sont les grosses commandes, car quand il y a beaucoup de pièces, les ouvrières ont le temps de se faire la main et donc de produire plus rapidement", explique Kais. Aujourd'hui ce n'est plus le cas et après les pays asiatiques, c'est l'Ethiopie, plus au Sud, qui casse les prix de la confection.

    Éthique sur étiquette en Tunisie

    Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif français Ethique sur étiquette a constaté, dans les résultats d'une étude réalisée par le FTDES, soutenue par son association, c'est que même s’il existe un code du travail sur lequel s'appuyer, l'univers de la confection est fait de nombreuses violations des droits des travailleurs, en Tunisie comme ailleurs.  "Le travailleur est une variable d'ajustement au service d'un modèle économique qui est simpliste : on minimise les coûts de production, à commencer par le salaire", décortique-t-elle.

    La législation nationale tunisienne garde les ouvrières dans une grande précarité
    Antonio Manganella, avocat

    L'étude, réalisée par le FTDES, intitulée "Violations des droits économiques et sociaux des femmes travailleuses dans le secteur du textile", première du genre, a été réalisée en 2013 et a permis d'interroger 260 employées, sur leurs conditions de travail. On y apprend que les ouvrières travaillent en moyenne 9 heures par jour, que pour 90% des femmes interrogées le salaire ne correspond pas au volume de travail, qu'un quart d'entre elles n'ont pas de couverture sociale, que les usines manquent dans un cas sur deux de salle de repos ou encore que les équipements de sécurité font défaut.
     
    Si la mondialisation a directement impacté le travail des ouvrières du textile en Tunisie, il ne faut pas négliger la législation nationale, qui "garde les ouvrières dans une précarité" perpétuelle, explique M. Manganella. Les CDD sont renouvelés au coup par coup, privant les employés de stabilité et donc de pouvoir de négociation.

    Des ouvrières futures "cas d'école" ?

    Il faudrait alors inventer un nouveau modèle. Le FTDES pense à la création d'une coopérative pour ces ouvrières lésées. De son côté, Antonio Manganella parle de former en prise de parole publique pour que ces femmes qui ont osé s'élever contre une entreprise étrangère  deviennent "un cas d'école", elles qui sont vues comme des parias par le reste de la société aujourd'hui.
     
    Du côté du partenariat entre le FTDES et Ethique sur étiquette, Nayla Ajaltouni explique qu' une étude va être lancée pour observer les grandes marques françaises qui font fabriquer en Tunisie et essayer d'alerter sur les réalité des conditions de travail. Le pays est le premier investisseur dans le textile en Tunisie.

    Pendant ce temps, autogestion à Chebba...

    Les ouvrières de l'usine Mamotex à Chebba, de la région de Mahdia (à environ 200 kms au sud de la capitale), ont choisi, elles, de tenter de sauver leur usine en continuant ses activités durant 4 à 5 mois, par la voie de l'autogestion. Une solution issue d'un compromis entre syndicat, salariées et patron. L'usine devait fermer après la mise faillite, à l'instar de dizaines d'autres dans le pays. "Les ouvrières ont gagné un procès engagé contre le propriétaire de l'usine. Elles ont préféré continuer de travailler au lieu d'attendre qu'il leur verse de l'argent. En fait s'il dépasse les délais, le seul moyen de récupérer leur dû est d'attendre une saisie judiciaire", explique Badii Mbarek, représentant du bureau régional de l'UGTT de Mahdia, au Huffpost Tunisie. "Chaque ouvrière connaît les tâches qui lui sont attribuées. Le système fonctionne et on voudrait même aller plus loin. Les discussions sont en cours pour trouver un moyen de perdurer l'expérience et de créer une sorte de coopérative pour que l'usine soit définitivement la propriété de ses ouvrières. L'usine sous traite actuellement pour une usine voisine dont le propriétaire est un proche du propriétaire de l'usine Mamotex. Si les ouvrières réussissent à s'approprier l'usine, il leur faudra trouver des contrats et un marché qui leur permettra de poursuivre leurs activités", s'inquiète Badii Mbarek.
    Nul doute que cette expérience sera attentivement suivie.

  • Soutien pour la maison LGBTQI de Sidi Bou Saïd (Ulule.com)

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    Appel à la solidarité.

    À propos du projet

     Bonjour, je m'appelle Amina Sboui, je suis une militante des droits humains, féministe et activiste LGBTQI. Après avoir passé deux ans à Paris, je suis de retour en Tunisie pour y terminer mon combat ; malheureusement j'ai assisté dès mon retour en 2015 à une montée d'homophobie. En Tunisie comme ailleurs, des dizaines d'activistes et personnes LGBTQI se retrouvent à la rue à cause de leur sexualité. Ma maison a servi de refuge pour eux, j'ai réussi à loger quelques dizaines de gays, transgenres, lesbiennes... Plusieurs d'entre eux trouvent une solution au bout de quelques jours, d'autres au bout de quelques semaines...

    Mais depuis presque deux ans la situation générale n'a pas changé.

    Aujourd'hui je n'ai plus les moyens de payer mon loyer, en dépit des personnes de la communauté qui ont encore besoin de ce refuge. C'est pour cela nous que nous avons besoin de votre aide. La maison se situe à Sidi Bou Saïd, un quartier sécurisé dans la banlieue nord de la Tunisie.

    Cette maison a été attaquée par des homophobes en mi-septembre, un groupe de cinq personnes ont tenté de forcer notre porte, armés d'armes blanches. Quelques semaines après, 800 personnes ont signé une pétition pour revendiquer notre évacuation de la maison. J'ai profité de mon passage à la télé à propos de ces incidents pour faire un coming-out (une première sur la télé tunisienne) et pour défendre notre communauté ; par la suite deux autre pétitions ont été créées pour nous soutenir, une signée par une quarantaine d'artistes et de militants tunisiens, l'autre par une vingtaine d'associations tunisiennes qui militent pour les droits humains.

    Nous avons tenu et nous voulons tenir encore.

    Merci pour votre soutien.

    Amina Sboui

    A quoi va servir le financement ?

    Pouvoir assurer plusieurs mois de loyer afin de perpétrer et soutenir notre communauté et LGBTQI de Sidi Bou Saïd.

    5000€ = 4 mois de loyer + divers frais de la maison + frais Ulule et frais d'envoi
    8000€ = 6 mois de loyer + divers frais de la maison + frais Ulule et frais d'envoi
    15 000€ = 1 an de loyer + divers frais de la maison + frais Ulule et frais d'envoi

    A propos du porteur de projet :

    Safia Lebdi, née à Clermont Ferrand s'est engagée des 1998 d'abord pour les femmes de son quartier, animant des réunions et puis une marche nationale dans 23 villes de France la marche des femmes contre les ghettos et pour l’égalité qui donnera naissance à l'association Ni Putes Ni Soumises. Fondatrice et porte parole elle refuse la récupération politique, elle crée ensuite les Insoumis-e-s.

    En 2010 elle sera élue régionale en Île de France avec EELV, elle présidera pendant six ans la commission du film qui organise l’industrie du cinéma de la région doté d’un budget de 14 millions d’euros. Elle soutiendra alors de nombreuses créations exprimant la jeunesse issue de l’immigration dont Houda Benyamina qui obtient en mai 2016 au festival de Cannes la Caméra d'or pour son premier long métrage, Divines. Safia organise parallèlement la venue à Paris des Femen d'Ukraine, participant à l'internationalisation de ce mouvement dont elle est l'inspiratrice. Apparaîtront ainsi d'éminentes Femen dans le monde arabe, pour un combat qui rejoint celui des LGBT, particulièrement en Tunisie et au Maroc. Elle se consacre maintenant à la production de documentaires et d'une collection de livres féministes donnant la parole à toutes ces femmes remarquables qu'elle aura rencontré dans son parcours.

    Ces liens vous aiderons également à mieux comprendre notre cas :

    http://www.bbc.com/news/magazine-34942881

    http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/tunisie-38-personnalites-publiques-185537

    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/tunisie-amina-l-ex-femen-n-est-pas-la-bienvenue-chez-elle-1592491241

    http://www.liberation.fr/direct/element/amina-sb-sboui-ex-femen-fait-son-coming-out-a-la-television-tunisienne_48240/

    http://www.wepostmag.com/habitants-de-sidi-bou-said-petition-contre-amina-sboui/

    http://www.tuniscope.com/article/102683/actualites/tunisie/menaces-amina-sboui-255814


    safia.l@hotmail.fr 

    https://fr.ulule.com/

  • Ksibet El-Mediouni (Tunisie): la société civile revendique le droit à l’emploi (Africanmanager)

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    Les composantes de la société civile et des représentants de partis, à Ksibet El-Mediouni, revendiquent le droit à l’emploi, à un environnement sain et à des services publics de qualité.


    A l’issue d’un meeting tenu, lundi, Place des arts, ils appellent le gouvernement à mettre fin à la marginalisation de leur ville, l’exhortant à trouver des solutions aux problèmes de la pollution, du chômage, de la faiblesse de l’infrastructure et des services publics. Ils menacent d’une grève générale et d’une marche pacifique, le 2 mai 2017, si leurs revendications ne sont pas prises en compte.

    La ville de Ksibet El-Mediouni est devenue marginalisée du fait de sa situation sur le littoral, alors qu’elle l’était déjà dans le passé en raison de son militantisme et de son opposition au despotisme, déclare à l’agence TAP Mounir Hassine, président de la section du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), à Monastir.

    Les composantes de la société civile s’étaient réunies les 7 et 12 mars 2017 au siège du Forum, à Ksibet El-Mediouni, et avaient publié une déclaration dénonçant  » la politique de marginalisation  » menée contre leur ville.

     Tunis Afrique Presse -

    http://africanmanager.com/

    Lire aussi:

    Pollution : Baie de Monastir à Ksibet El Mediouni, un «triangle de la mort» (Nawaat)

  • Tunisie: Action protestataire nationale menée par 59000 ouvriers de chantiers (Mosaique fm)

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    59 mille ouvriers de chantiers ont observé aujourd’hui 21 mars 2017 une action protestataire nationale conformément à un appel lancé dans ce sens par le groupement des coordinations régionales des ouvriers de chantiers.

    Les ouvriers protestataires ont réitéré leur appel à la régularisation de leur situation professionnelle ainsi que leur intégration progressive. Plus de détails dans cette déclaration de Sami Khelifi, membre de la coordination.

    21 Mars 2017

    http://www.mosaiquefm.net/

  • En Tunisie, on assiste à un mouvement de restauration qui s’est produit de manière démocratique (L'Orient Le Jour)

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    Depuis 2011, le souffle révolutionnaire dans le monde arabe a progressivement décliné jusqu'à l'affirmation du conservatisme et l'abandon des objectifs proclamés.
     
    La thèse des processus révolutionnaires en cours, avec leurs reculs, leurs revers, mais qui aboutiraient inéluctablement à la transformation des valeurs idéologiques des sociétés et à la démocratisation des pays concernés, ne résiste nulle part à l'épreuve des faits. C'est au contraire une puissante dynamique contre-révolutionnaire qui semble à l'œuvre, favorisée par un contexte global ou la gouvernance remplace le politique, sur fond de crise du sens des divisions idéologiques et de panne de la gauche institutionnelle des partis. En Europe comme dans le monde arabe, l'incapacité de cette gauche à appréhender le réel, la désertion du champ social et la réappropriation du discours identitaire ont renforcé la montée des mouvements réactionnaires et la production d'idéologies communautaires.

    En Tunisie, l'inscription de l'épisode de « 2011 » comme séquence historique d'un long processus réformiste puisant dans la tradition bourguibiste est pour Nadia Marzouki, chargée de recherches au CNRS, une illustration criante de l'opération intellectuelle de contre-révolution idéologique. Invitée à s'exprimer sur le thème « Les contre-révolutions arabes, réflexions sur la persistance d'un nationalisme autoritaire après les printemps arabes » dans le cadre du colloque organisé par l'Institut de sciences politiques de l'USJ, les 15 et 16 avril, la chercheuse revient à travers cet entretien sur l'analyse des facteurs et des formes de la contre-révolution en cours en Tunisie depuis 2011.

    Dans quel contexte a triomphé la contre-révolution et quels sont les facteurs qui, selon vous, entretiennent encore l'illusion mystificatrice d'un processus révolutionnaire miné par des contradictions mais toujours en marche ?
    L'Occident a besoin d'une success story dans le monde arabe, c'est la Tunisie qui l'a fournie. Il est vrai qu'en comparaison avec d'autres pays, la Tunisie semble pour le moment avoir mieux réussi. Le pays a accompli des avancées significatives de façon pacifique avec la rédaction d'une nouvelle Constitution, les élections et la production d'une alternance pacifique. Ce sont évidemment des résultats qu'il faut saluer. Mais la capacité de nombreux journalistes et d'analystes à dénigrer l'importance des réseaux et discours de contre-révolution est assez inquiétante. Dans le cas tunisien, ce qui est singulier, c'est qu'on assiste à un mouvement de restauration qui s'est produit de manière démocratique, par le vote. Cette contre-révolution était présente dès les premiers jours qui ont suivi les manifestations de Kasbah 1 et 2. Si les jeunes qui se sont mobilisés ont réussi l'inimaginable, en provoquant le départ de Ben Ali, il ne faut pas oublier tous ceux qui sont restés chez eux, par peur ou scepticisme face à ces soulèvements. Les révolutionnaires à proprement parler ont été doublement victimes : d'une part parce que ce sont eux qui ont été blessés ou tués, et d'autre part parce qu'ils ont été ensuite dépossédés du processus révolutionnaire par les forces politiques et syndicales traditionnelles qui se sont réapproprié cette lutte. Ce n'est pas spécifique à la Tunisie : c'est un mécanisme que l'on retrouve pratiquement dans tous les pays. « La révolution, comme Saturne, dévore ses propres enfants. » (La Mort de Danton). Il faut distinguer entre la révolution et le pouvoir. Les révolutionnaires partis de Sidi Bouzid en 2011 avaient une revendication légitime, de justice, de dignité mais ce ne sont pas eux qui ont pris le pouvoir. L'Assemblée constituante élue en 2011 était fondée sur cette légitimité révolutionnaire. Mais le pouvoir est resté dans les mains de l'ancien régime, des médias qui en sont proches, de la justice pas toujours indépendante, du ministère de l'Intérieur, des milieux d'affaires corrompus. L'ancien réseau du RCD s'est donc rapidement reconstitué.

    Pourquoi estimez-vous dans le cas tunisien que la légitimité révolutionnaire a été éclipsée par la légitimité démocratique ?
    À partir de 2011, le lexique de la transition démocratique a très vite remplacé le langage de la réalisation des objectifs de la révolution. C'est la notion de « démocratie » qui devient la norme centrale qui guide le travail des constituants politiques. Certains vont même jusqu'à rejeter l'idée de révolution en affirmant qu'ils ne sont pas jacobins, qu'il faut refuser de faire table rase du passé et insistent sur le besoin de rétablir l'unité pour construire de manière progressive et pacifique un nouvel ordre politique. Le débat sur la justice transitionnelle, et sur le devenir de ceux qui ont occupé des fonctions politiques sous Ben Ali, a été une parfaite illustration de ce processus de substitution d'un discours démocratique pragmatique à la logique révolutionnaire. C'est ainsi que le personnel administratif et politique de l'ancien régime s'est trouvé souvent réintégré aux partis et institutions de manière curieusement assez peu conflictuelle. Le référent révolutionnaire est rapidement disqualifié parce qu'associé à tort à la seule idée d'épuration et de violence. C'est là une déformation problématique de ce qui s'est passé en 2011 car les revendications des révolutionnaires tunisiens n'étaient pas la violence et l'éradication mais la justice sociale et la dignité. Très vite le lexique de la révolution a été remplacé par celui de la réforme, de la pacification, de la réconciliation, de l'unité. La contre-révolution passe largement par cette reconstruction du sens des soulèvements de 2011.

    L'alliance entre Nidaa Tounes et al-Nahda a-t-elle constitué un facteur déterminant dans le succès de la mise en œuvre de la stratégie contre-révolutionnaire ?
    Oui. En 2014, Nidaa Tounes a gagné les élections, al-Nahda s'est retrouvé en deuxième position, il avait le choix entre devenir le premier parti d'opposition, ou de faire alliance avec son ancien adversaire, qui avait fait sa campagne contre lui. À la surprise de nombreux analystes et au mécontentement d'une partie de sa base, al-Nahda a choisi la voie de la collaboration assumée et revendiquée en la justifiant par le contexte régional volatil, le besoin de stabilité et l'impératif d'unité. Les raisons pour lesquelles al-Nahda s'est associé à Nidaa Tounes sont multiples. La peur d'un scénario « à l'égyptienne » a été un facteur important. Le pragmatisme en est un autre. Les islamistes tunisiens ne sont pas des révolutionnaires. Leur objectif est de devenir un parti reconnu comme démocrate, accepté de ses partenaires et des pays occidentaux. La volonté d'inclusion dans le champ politique prime sur la défense des objectifs de la révolution. Cela a eu comme conséquence positive à court terme de pacifier la scène politique mais avec pour effet pervers à moyen et long termes de la paralyser. C'est en ce double sens que j'évoque un compromis pourri entre les deux partis : par le déséquilibre du rapport de force initial qui a poussé al-Nahda à accepter cette alliance et du fait des implications désastreuses sur le champ politique dès lors vidé de toute substance idéologique. Dans un contexte où les Tunisiens n'accordent plus d'importance à l'idéologie politique, aux conflits des idées, l'union des deux anciens adversaires tend à confirmer le préjugé selon lequel le politique est devenu une simple affaire d'administration et de gouvernance du social, dénuée de toute vision et de tout idéal. La contre-révolution de velours passe donc par cette transformation du politique en management à la petite semaine. Elle repose aussi sur une opération historiographique et sémantique qui réinscrit la rupture de 2011 dans la continuité du récit mythique du réformisme tunisien

    La négation de la dimension innovante de 2011 est-elle une stratégie consciente ?
    Oui : affirmer que les émeutes étaient de simples soulèvements passagers par lesquels un petit groupe de mécontents auraient demandé à l'élite de se reprendre en main, c'est un discours conscient qui s'inscrit dans la logique contre-révolutionnaire. Celle-ci consiste à nier la radicalité des revendications des mouvements de 2011 et permet de justifier la politique conservatrice du gouvernement actuel. Nier toute positivité de l'idée de conflit politique et social régulé, cela est devenu l'assise normative du discours de la coalition de Nidaa-Nahda. Celle-ci s'efforce de reconceptualiser la révolution comme un simple épisode dans l'histoire du réformisme tunisien. Ce faisant, elle réécrit l'histoire de la Tunisie, comme une histoire dans laquelle la violence n'aurait eu aucune place, alors qu'elle a été un élément structurant de l'histoire de la formation de l'État postcolonial. Le gouvernement actuel promeut une vision irénique, développementaliste, unidirectionnelle de l'histoire tunisienne, celle de la marche continue et pacifique vers la modernité et le progrès. Dans cette histoire, le Sud, les pauvres, les révolutionnaires n'ont presque aucune place. En cherchant ainsi à réinscrire les soulèvements de 2011 dans ce grand récit mythique du réformisme pacifique, ce discours aspire à faire oublier que ce qui s'est passé en 2011, c'était une révolution inédite.

    Quels sont les facteurs de résistance aujourd'hui face à cette contre-révolution ?
    Cette contre-révolution est toxique mais elle est fragile. Les réseaux mafieux de l'ancien régime sont en train de s'autodétruire sous les effets conjugués de leur compétition interne et de leur incompétence. Si le projet de la contre-révolution cherche à trouver une rationalisation intellectuelle par la référence au réformisme, il n'est toutefois pas porté par une véritable idéologie ou un projet intellectuel. Ceux qui ont voté pour l'ancien régime en 2014 l'ont fait soit par réflexe de défense de leurs intérêts, soit par peur de l'islamisme ou par lassitude. De plus, on assiste aujourd'hui à l'implosion annoncée de Nidaa Tounes. Des mouvements fragiles émergent, au mépris certes d'une grande partie de la population, mais ils ont le mérite d'exister. Il y a également une vivacité et une créativité très importantes de la société tunisienne qui par le biais d'associations diverses et variées tente de recréer du politique. Malheureusement, on reste dans une vision du politique qui est purement horizontale et sectorielle avec une fragmentation des engagements et des causes, et une réticence par rapport à l'idée d'organisation partisane. Là encore, il ne s'agit pas d'un défi propre à la Tunisie. La sectorisation des luttes s'inscrit dans une logique globale de gouvernance néolibérale qui produit cette fragmentation du politique. La lassitude par rapport aux modes d'organisations partisans et hiérarchisés se retrouve dans toutes les mobilisations contemporaines, de Tunis à New York, du Caire à Madrid. Mais dans le monde arabe, et en Tunisie en particulier, l'enjeu est beaucoup plus urgent. Or pour venir à bout de la contre-révolution et des réseaux de l'ancien régime, les mobilisations sectorielles, même si elles sont récurrentes, ne suffisent pas. Ces processus sont, bien sûr, lents et imprévisibles. En attendant, il importe de réhabiliter l'idée du conflit politique régulé comme une idée positive et de rejeter l'équation simpliste entre révolution et violence, afin de résister au discours lénifiant et dépolitisant du réformisme et de l'unité.

    Nadia Marzouki met en lumière la réforme de la révolution et la contre-révolution en Tunisie.

     Lina KENNOUCHE 20/04/2016