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Révolutions Arabes - Page 27

  • «Le contrôle du nouveau Parlement constituera un avantage dans la bataille pour la succession» (El Watan)

    «Le contrôle du nouveau Parlement constituera un avantage dans la bataille pour la succession»

    Mahmoud Rachidi. Secrétaire général du Parti socialiste des travailleurs (PST)

    Quelle analyse faites-vous de la situation politique du pays, à trois mois des législatives ?

    La situation politique est avant tout marquée par l’impasse économique et sociale du libéralisme dans notre pays, par la dérive autoritaire du régime qui se traduit par un véritable musellement des libertés démocratiques, et par la crise de succession de Bouteflika qui suscite, en dépit de l’accalmie de façade de ces derniers mois, une guerre larvée entre les différentes factions au pouvoir.

    D’ailleurs, dès la chute des prix des hydrocarbures, le pouvoir s’est empressé de nous administrer, avec la bénédiction du FMI et de la Banque mondiale, une nouvelle «thérapie de choc» libérale et antisociale, caractérisée par une baisse du coût réel du travail à travers une diminution drastique des salaires, et la baisse des déficits publics, notamment par la suppression future des transferts sociaux. Passant à l’acte, le pouvoir n’a produit, sous l’appellation de loi de finances 2017, qu’un ramassis de mesures d’austérité, de réduction des dépenses publiques et d’abandon des projets de développement.

    Ce qui était présenté pompeusement comme un nouveau modèle économique pourrait se réduire à une nouvelle entreprise de bradage de ce qui reste de nos ressources financières, comme le suggère l’analyse de certains projets faramineux de «partenariat» dans l’agriculture et dans d’autres domaines. Et comme cette offensive libérale ne s’accommode plus des petites brèches de liberté et de droits démocratiques indispensables pour l’expression des revendications politiques et sociales des travailleurs, des jeunes et des démunis, elle se traduira par des explosions sociales qui ne pourront être que violentes et radicales, comme ce fut le cas lors des émeutes du 2 janvier à Béjaïa.

    Le PST va-t-il présenter des candidats aux législatives ?

    Comme pour les élections passées, le PST ne se fait aucune illusion sur les législatives du 4 mai prochain. Pour nous, loin d’être libres et transparentes, ces élections n’apporteront ni les changements démocratiques qui mettent un terme à l’autoritarisme du pouvoir et le musellement des libertés, ni l’amélioration de la situation sociale de la majorité des masses populaires écrasées par l’austérité, le chômage et les dures conditions de vie.

    En plus, la nouvelle loi électorale, qui impose le seuil des 4% de voix en 2012, est conçue de façon à éliminer de la participation des partis, comme le PST, qui ne sont pas proches du pouvoir et ou financés par les affairistes et l’argent sale de tous les trafics. Mais ,quand bien même il aurait été plus aisé de ne pas participer à ces élections déloyales et appeler à les «boycotter», cette attitude ne constitue pas une alternative pour les travailleurs et les masses populaires. Aujourd’hui, les rapports de force ne permettent pas la mobilisation à un boycott actif et massif capable d’imposer une autre solution. Pis, ne pas participer et se limiter à dénoncer la mascarade ne constitue pas un programme politique conséquent.

    Pour le PST, il est plus constructif de se saisir de la tribune électorale et d’aller proposer nos idées politiques aux travailleurs et aux masses populaires, comme on vient de le faire dans une dizaine de wilayas, même si nous n’avons pas réussi à collecter le nombre exigé des signatures. Mais, à Béjaïa qui demeure un bastion des luttes sociales et démocratiques dans notre pays, nos camarades ont réussi à relever le défi des 3000 signatures exigées. Dans cette expérience, nous avons constaté une mobilisation populaire inédite autour de nos propositions politiques et notre liste militante. Ainsi, on a décidé d’accompagner cette dynamique et ne pas déserter une bataille politique qu’il va falloir amplifier et fructifier. C’est notre camarade Kamel Aïssat qui a été proposé comme tête de liste par la base militante de notre parti à Béjaïa.

    La commission de surveillance des élections installée par le Président vous paraît-elle en mesure d’empêcher la fraude ?

    Il n’y a que le contrôle populaire de toute l’opération électorale qui peut empêcher la fraude et garantir le respect du choix des électeurs. On l’a déjà constaté dans le passé, les commissions de surveillance ne sont qu’une caution pour la fraude. Lorsque le président de l’une d’elles, en l’occurrence M. Bouchaïr, avait osé, en 2007, accuser le FLN d’une toute petite fraude dans un bureau de vote à Rouiba, c’est M. Zerhouni alors ministre de l’Intérieur qui est venu le contredire à la télévision et le rappeler à l’ordre. Depuis, on n’a plus entendu parler de ce brave M. Bouchaïr.

    Quant à l’actuelle commission, d’emblée il faut rappeler qu’il s’agit bien d’une régression démocratique. Alors qu’il était élu auparavant parmi ses membres, le président de la commission actuelle, lui-même ancien ministre et ex- ambassadeur, est nommé par Bouteflika et pour plusieurs années. Cela renseigne de façon éclatante sur l’indépendance de ladite commission. Par contre, ceux qui réclamaient naïvement une telle commission à partir de Zéralda, mais sans se référer à la nécessaire mobilisation populaire, ils sont «bien servis».

    Les partis politiques accusent le gouvernement d’un manque de transparence dans la gestion du fichier électoral. Partagez-vous leurs accusations ?

    Bien sûr, l’absence de transparence commence par la gestion du fichier électoral, notamment en ce qui concerne sa mise à jour. Sinon, comme l’illustrait à l’époque de façon magistrale une scène de la pièce théâtrale  Babour Ghraq, alors qu’il n’y avait que trois votants, l’urne s’est retrouvée bourrée de centaines de bulletins de vote au moment du dépouillement.
    Le fichier électoral appartient au peuple algérien et il doit être public. A tout moment chaque citoyen ou citoyenne doit avoir le droit d’y accéder et de le consulter. De même, chaque parti, syndicat ou association de citoyens doit être destinataire d’une copie actualisée du fichier électoral national. Toute entrave à l’accès au fichier électoral est une atteinte à la transparence de tout le processus électoral. Par ailleurs, il faut rappeler aussi l’opacité qui caractérise encore le vote des corps constitués, dont le nombre de votants, le lieu de vote, le dépouillement des suffrages... restent loin de tout contrôle démocratique.

    Comment jugez-vous la fusion ou les alliances opérées par les partis islamistes avant les législatives ?

    Je pense que les mouvements islamistes, à l’échelle internationale, sont entrés dans un cycle de recul et de déclin. A l’instar de ce qui s’est produit en Algérie, les plus radicaux ont subi des défaites militaires majeures, comme en Irak et en Syrie, alors que les «modérés» sont relativement discrédités et leur image ternie par l’exercice du pouvoir, comme au Maroc et en Tunisie. Mais la religiosité, qui constitue un terreau indéniable pour ces mouvements, est encore hégémonique sur le plan culturel dans nos sociétés.

    Quant aux alliances électorales des partis islamistes algériens en vue des législatives du 4 mai, je ne pense pas que cela constitue un événement politique majeur. Déjà en 2012, après les longues années d’alliance présidentielle, le MSP et ses amis de l’Alliance verte, notamment Ennahda et El Islah, n’ont pas pu constituer un poids significatif dans les rapports de force politique de ces dernières années. Cependant, leur alliance avec certains secteurs du patronat privé et les forces de l’argent, comme c’est la règle pour le FLN, le RND et d’autres partis, dévoile leur vraie nature de représentants d’une partie conservatrice de la nouvelle bourgeoisie algérienne. Leur alliance vise la réalisation d’un score qui leur permettra de négocier un strapontin dans le futur gouvernement. Quant au mouvement de M. Djaballah, qui a été affaibli depuis longtemps par des scissions récurrentes, il a perdu sa bataille de leadership avec le MSP depuis longtemps.

    Ces législatives vont-elles dessiner l’après-Bouteflika ?

    Je pense que le verrouillage sans précédent de ces législatives leur confère une importance particulière dans la cristallisation des rapports de force au sein du régime. Le contrôle du nouveau Parlement et des futures assemblées locales constituera un avantage assez important dans la bataille de succession qui s’annonce dans un futur très proche.

    L’ICSO a volé en éclats. L’opposition algérienne est-elle abonnée aux divisions ?

    L’opposition à laquelle vous faites référence n’est pas issue des luttes démocratiques et sociales qui ont secoué notre pays ces dernières années. Elle ne constituait pas un véritable pôle indépendant du pouvoir, conséquent et capable de mobiliser les masses populaires pour imposer un changement démocratique. Elle est composée, à une exception près, d’anciens chefs de gouvernement, de ministres et de partis qui ont participé à un moment ou à un autre au pouvoir sous la présidence de M. Bouteflika. Par ailleurs, la plateforme ultralibérale qu’elle a adoptée s’attaque de façon explicite aux travailleurs coupables, à ses yeux, de multiplier les «grèves sauvages». Loin d’être un bloc de principes, cette expérience n’a pas résisté à l’épreuve des élections.

    Qui gère aujourd’hui le pays ? La Présidence ? L’armée ? Ou les oligarques ?

    Je pense que ces trois entités sont parties prenantes au pouvoir. Ce qui est vraisemblable, c’est que le pouvoir politique n’est plus entre les mains exclusives de l’armée. Les affairistes et autres prédateurs, que vous appelez oligarques, ont leur mot à dire aujourd’hui dans la prise de décision. La Présidence, incarnée par M. Bouteflika, devrait garder une prédominance dans certaines sphères de la gestion de l’Etat et dans le jeu d’arbitrage entre les intérêts des uns et des autres. Il s’agit d’assurer un équilibre permettant une cohabitation entre les différentes factions et de garantir les intérêts des puissances et des multinationales qui soutiennent le régime.

    Le PST a lancé un appel pour une «convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste». Où en est cette initiative ?

    Notre appel pour «une convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste» est toujours en vigueur. Le PST continue à agir dans le cadre de cette orientation. Des contacts politiques et syndicaux avec des mouvements sociaux sont toujours en cours. Des expériences de luttes communes, à l’instar de l’intersyndicale, des mobilisations estudiantines, du forum social, des luttes féministes, etc., participent à la construction de cette perspective unitaire. Pour le PST, il s’agit notamment d’une convergence dans les luttes réelles et non pas une proclamation solennelle d’une unité d’appareils. Mais, il est vrai que la cristallisation d’une telle convergence et l’édification d’un cadre commun nécessitent plus d’efforts pour que les résistances actuelles se renforcent et se développent dans un grand mouvement unitaire de progrès et d’espoir. Dans cette perspective, on est pour l’unité des partis de gauche dans les luttes et dans les batailles électorales.

    L’Algérie doit créer près d’un million d’emplois par an pour stabiliser et résorber progressivement le chômage. Cela vous semble-t-il possible ?

    Cet objectif est possible, si on met un terme au libéralisme économique qui ne sert que les intérêts d’une infime minorité et si on impose un autre choix tourné résolument vers la satisfaction des besoins sociaux de tous. Cette perspective exigera de grands projets de développement générateurs d’emplois dans l’industrie, l’agriculture et les services. Mais, à terme, la création d’emplois passera aussi par la réduction du temps de travail et l’âge de départ à la retraite par exemple.

    On reproche aux formations politiques classées à gauche de continuer à militer à contre-courant face à la globalisation de l’économie…

    Il s’agit de la globalisation capitaliste et ses ravages sociaux, son désastre écologique et ses guerres destructrices. Militer à contre- courant de ces calamités mobilise, certes, les organisations de gauche, mais dans la réalité on voit bien que cet impératif mobilise aussi des peuples entiers pour leur émancipation, ou la défense de leur environnement. La crise actuelle est celle de ce système capitaliste néolibéral qui ne produit plus que la barbarie et la régression. Oui, il faut militer à contre-courant de ce système pour imposer un monde meilleur, un monde d’espoir, de liberté et de fraternité à l’échelle de l’humanité.

    Bio express

    Né à Alger en 1961, Mahmoud Rachidi s’engage en politique dès le lycée, comme animateur de la Coordination des lycéens d’Alger. Une fois étudiant il adhère à la troupe de gauche Debza et au GCR clandestin (Groupe  Communiste Révolutionnaire). En 1989, il est l’un des membres fondateur du PST. Il remplace Chawki Salhi à la tête du parti en 2012.

    13.03.17

    http://www.elwatan.com/

  • Nouveautés sur Algeria Watch

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  • CONCERT EVENEMENT ! KARHOUB à LANNION

     

     Création Bretagne/Palestine
    Jeudi 30 mars à 20h30
    Ouvert à tous - Amphi du lycée Le Dantec

     

    Dans le cadre du 14ème concours Interlycées de Musique Bretonne, le Lycée Félix Le Dantec, l'association Digor an Nor, Ti ar Vro et l'AFPS Trégor s'associent pour accueillir à Lannion la création Bretagne-Palestine du Quintet Hamon-Martin et de Basel Zayed. Un concert unique à ne pas manquer pour son passage dans le Trégor !

     

    Kharoub ou la rencontre du Quintet Hamon-Martin, l'un des groupes les plus créatifs de la musique bretonne d'aujourd'hui avec le chanteur palestinien Basel Zayed et son frère percussionniste Yousef. Ils se sont rencontrés en 2014 à Jérusalem et ont souhaité croiser leurs expressions. Musique populaire du pays de Redon et de Cisjordanie, reprises de Fairouz, Oum Kalthoum, textes originaux écrits par Sylvain GirO et Denis Flageul. Ici se racontent en français et en arabe la résistance, la lutte, le partage et le vol. Ici se dit aussi en tissage les émotions universelles, les joies et les peines, l'amour et la mort. Et les rondes bretonnes deviennent un miroir de la dabké arabe…
    Plus d'infos sur : http://alazim-muzik.com

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    http://www.tiarvro22.com/

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

    Agir face aux menaces des fascistes pro-israéliens

    Communiqué de l’AFPS, lundi 13 mars 2017
     
    L’Association France Palestine Solidarité (AFPS) vient d’être une nouvelle fois l’objet d’attaques et de menaces graves de la part d’un groupuscule se proclamant « Brigade juive ». Ces menaces ont été notamment relayées par les sites de la Ligue de Défense Juive (LDJ) et de Coolamnews, site qui se vante de la mise à sa disposition de moyens de (...)
     

  • À Toulouse, les 16 et 17 mars 2017 : comment agir en soutien aux Palestiniens dans son syndicat ? (Solidaires)

    http://www.ujfp.org/local/cache-vignettes/L160xH160/arton5472-756b1.png

    Formation BDS syndical, organisée par Solidaires 31.

    Intervenant-e-s : Pierre Stambul (FSU, UJFP) (le 16 mars), Jean-Pierre Bouché (BDS France Toulouse), Patrick Loubet (Sud PTT), Nara Cladera (Commission internationale Solidaires, Sud Education), Thibault Defrance (Sud Education, BDS France Toulouse).

    Thématiques :

    - Historique sur la situation des Palestinien-ne-s, les revendications historiques et la colonisation israélienne,
    - Qu’est-ce que la campagne Boycott – Désinvestissement – Sanctions ? Revendications, succès et défis ; les organisations dans la campagne et la place dans la campagne,
    - L’implication de Solidaires dans le BDS, le rôle du réseau syndical international de solidarité et de luttes,
    - Point sur le paysage syndical en Palestine et la situation des travailleurs-euses sur place.

    Ce stage est ouvert à tou-t-es les militant-es syndicaux, toutes organisations confondues. Il peut être l’occasion de faire se rencontrer les syndicalistes qui veulent faire avancer la cause du peuple palestinien, notamment par le biais de la solidarité avec les travailleurs-euses palestinien-ne-s, sans distinction ; et pourquoi pas d’initier un réseau syndical local de solidarité avec les travailleurs-euses palestinien-ne-s.


    Jeudi 16 mars

    9h : accueil des participant-es

    9h30 : tour de table, présentation des intervenant-es, participant-es et du contenu de la formation syndicale. Demandes des stagiaires par rapport au contenu, aux thématiques à aborder.

    10h : le BDS ou rien : pour un boycott total. Éléments pour contrer la répression contre la campagne BDS (Pierre Stambul).

    11h : Échanges et questionnements avec les participants.

    12h : Pause / déjeuner

    13h30 : Un exemple de lutte syndicale de solidarité internationale : la campagne contre Orange (Patrick Loubet).

    15h : Atelier boycott syndical : comment mener syndicalement la campagne contre Hewlett-Packard ; autres propositions d’atelier

    16h : Fin de la journée

    Vendredi 17 mars

    9h : accueil des participant-es

    9h30 : Historique sur la situation des Palestinien-nes, la colonisation et la politique d’apartheid israéliennes. (Jean-Pierre Bouché).

    10h30 : Qu’est-ce que la campagne BDS ? Revendications, succès et défis. (JP Bouché).

    11h : Échanges et questionnements avec les participants.

    12h : Pause déjeuner

    13h30 : Point sur le paysage syndical palestinien et la situation des travailleurs-euses sur place (Thibault Defrance).

    14h30 : Solidaires dans BDS et le réseau syndical international (Nara Cladera).

    15h30 : Fin de la journée.

     

    Rendez-vous

    • À Toulouse : comment agir en soutien aux palestiniens dans son syndicat (...) 
      Le jeudi 16 mars 2017 de 09h00 à 16h00
      Locaux de Solidaires 31

      52, rue Jacques Babinet 31000 Toulouse.


      http://www.ujfp.org/
  • Violences faites aux femmes en Egypte : quand un régime se dit féministe et persécute les féministes (TV 5 Monde)

    "Ne te tais pas", un mot d'ordre répété au Caire, comme ce 14 juin 2014, par des manifestantes, lors d'un sitting organisé par des organisations féministes, demandent le respect du corps des femmes et de leurs droits.

    "Ne te tais pas", un mot d'ordre répété au Caire, comme ce 14 juin 2014, par des manifestantes, lors d'un sitting organisé par des organisations féministes, demandent le respect du corps des femmes et de leurs droits.(c) Vinciane Jacquet
     

    En Égypte, en ce début 2017, il devient de plus en plus difficile de critiquer le gouvernement, singulièrement quand on est féministe. Les autorités égyptiennes semblent déterminées à éliminer non pas les violences faites aux femmes dans les espaces publics et privés mais les activistes qui les dénoncent. Rencontre avec des résistantes

    En Egypte, en ce début d’année 2017, c’est toute la société civile qui est durement malmenée. Et les féministes telles que Mozn Hassan, et son organisation Nazra (regard en arabe), ainsi qu’Azza Soliman, pivot du CEWLA (Center for Egyptian Women’s Legal Assistance - centre pour une assistance juridique aux Egyptiennes), goûtent à ce feu répressif. Malgré le travail essentiel qu’elles mènent pour combattre les violences faites aux femmes, et le soutien qu’elles apportent aux victimes depuis des années, ces militantes sont décrites comme des “espionnes”, des personnes qui “mettent en danger la sécurité du pays”, et incitent à la “libération irresponsable” des femmes.

    Le régime de Sissi et son féminisme à géométrie variable

    Azza Soliman est avocate, et membre actif du conseil d’administration du CEWLA. La police égyptienne la connaît bien. Activiste pour le droit des femmes depuis 1994, elle se fait arrêter dès 1995 pour être venue en aide à des femmes torturées par des officiers car elles étaient les épouses d’islamistes. “Ici, nous aidons toutes les femmes, peu importe leur religion, leur appartenance politique, leur origine”, assène-t-elle. La même année, après sa libération, elle fonde le Centre d’assistance légale pour les femmes égyptiennes (CEWLA). Puis en 1995, Azza Soliman est accusée de salir l’image de l’Égypte - un prétexte présent parmi les chefs d’accusation visant les journalistes -, pour avoir parlé lors de conférences internationales, des viols et agressions envers les femmes.

    Rien n’a changé aujourd’hui. Si ce n’est que le régime de Sissi est encore plus conservateur que les précédents
    Azza Soliman, avocate

    Cette femme, née dans une "fratrie" de cinq soeurs, a été poussée par sa famille à faire des études. Son combat pour les femmes l'a menée à témoigner dans une affaire qui a bouleversé l'Egypte et au delà, le monde entier : le 24 janvier 2015, la jeune poétesse Shaimaa al-Sabbagh était abattue par la police lors d'une manifestation alors qu’elle voulait simplement déposer une couronne de fleurs en mémoire des victimes de la révolution égyptienne du 25 janvier 2011. Son agonie avait été filmée.

    Pour tous ces combats, Azza Soliman est systématiquement harcelée par les autorités, entravée dans sa liberté de mouvement, empêchée de voyager, de sortir du pays par exemple. 

     

    Rien n’a changé aujourd’hui. Si ce n’est que le régime de Sissi est encore plus conservateur que les précédents”, se lamente l’avocate. “Ils utilisent le discours religieux, le même que celui des salafistes, à des fins politiques, dans le but de séduire et rassurer les démocraties occidentales”.

    Volontaires contre les agressions sexuelles

    Mozn Hassan est une activiste féministe à l’origine de "Nazra for Feminist Studies", organisation qu’elle a créée en 2005 et dirige toujours. La militante a étudié à l'université du Caire où elle a reçu un master en droit international des droits de l'Homme en 2002, puis un second en 2005, délivré par l'université américaine du Caire, dans le même domaine. Féministe bien avant la révolution, elle avait soutenu  une thèse sur "les interprétations légales du droit au divorce, de la polygamie et des mouvements féministes égyptiens". Nazra est donc davantage un accomplissement, plutôt qu'une vocation brutale née de la place Tahrir et de ses émeutes. Mozn avait en effet été très active au sein de plusieurs organisations en Égypte des années durant. Elle a également été une chercheuse engagée à l'Université américaine au Caire sur des projets portant sur la Shari’a (ensemble de règles dicté par l'Islam), la justice pénale et les droits humains dans la région Moyen-Orient/Afrique du Nord.

    Nazra a documenté et dénoncé depuis sa création un nombre effarant d’agressions physiques et sexuelles, et soutenu des milliers de femmes. En 2011, elle recrute des volontaires pour protéger les manifestantes pendant les rassemblements populaires qui accompagnent la révolution. L’organisation propose soutien psychologique et légal, ainsi que des soins médicaux. Elle encourage les Egyptiennes à prendre part à la vie politique, et mène une coalition pour inclure les droits des femmes dans la constitution de 2014 ainsi que les violences sexuelles dans le code pénal.

    Le 11 janvier 2017, un tribunal a ordonné le gel des avoirs personnels de Mozn, ainsi que ceux de Nazra, dans le cadre de l’affaire dite des “ONGs financées par l’étranger”, suspectées de comploter contre le gouvernement. Le gel de leurs avoirs personnels les empêche de subvenir à leurs besoins quotidiens en interdisant l’utilisation de l’argent en banque. “Je ne suis pas surprise du verdict”, avoue Mozn Hassan. “Mais c’est la première fois qu’une organisation enregistrée au Ministère de la solidarité sociale et approuvée par lui fait les frais d’une condamnation et d’un gel de ses avoirs”.

    Ils savent mieux que les femmes, ce qui est bon pour les femmes
    Mozn Hassan, féministe égyptienne

    Azza Soliman, accusée dans la même affaire, a vu ses avoirs personnels gelés, ainsi que ceux de son cabinet. Mais CEWLA, son organisation, est sauve. Personne n’arrive à décrypter le pourquoi de cette différence. Cette nouvelle étape dans l’escalade répressive est inédite, mais suit la rhétorique du gouvernement contre les mouvements indépendants. L’Etat veut s’arroger le monopole de la protection des femmes. Les protéger à leur manière, sans interférence des membres de la société civile, car “ils savent mieux que les femmes, ce qui est bon pour les femmes”, se moque Mozn. Sans surprise, les dictateurs sont des patriarches aux valeurs abusives et rétrogrades, et au discours féministe lorsque cela les arrange.

    Les attaques contre Mozn Hassan et Azza Soliman visent à effrayer les autres féministes qui luttent contre le système patriarcal, à les décourager, à anéantir leurs rêves d’une société juste et égalitaire. Un appel est possible, trois mois après le verdict. Les deux femmes ont décidé de se pourvoir, sans grand espoir cependant. “Ils veulent nous voir fermer de nous-mêmes”, assure Azza. “Cela n’arrivera pas. Ils devront m’arrêter d’abord”, ajoute Mozn.

    Aux yeux de l’Etat, Azza Soliman et Mozn Hassan ont franchi une ligne rouge, celle qui impose aux femmes de se taire et de se soumettre. Parce qu’elles haussent clairement le ton contre les violences cachées derrière les murs des foyers, celles perpétrées par les forces de l’ordre ou dans la rue.

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • Egypte (Arte)