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  • Nouveautés sur AFPS

  • En Tunisie, le phosphate a saccagé la nature du golfe de Gabès (Reporterre)

    POLLUTION GABS

    Située sur la côte est du pays, Gabès subit depuis trente ans une pollution rampante au phosphate. Oasis asséché, mer polluée, développement de maladies… En cause, l’activité industrielle du Groupe Chimique Tunisien (GCT), qui produit de l’acide phosphorique.

     

    Gabès, reportage

    Une plage de sable fin, des palmiers en abondance, une nature généreuse… Ce paysage de carte postale, la ville de Gabès, à 400 km au sud de Tunis, l’a connu jusque dans les années 1960. « Gabès n’avait pas son pareil, on pouvait trouver de l’ombre un peu partout, la ville était entourée par l’oasis », relate Sami Badrouchi, membre de l’Association de Sauvegarde de l’Oasis de Chenini, qui entoure Gabès.

    Une période glorieuse pour les habitants, « un paradis sur terre avant l’arrivée de l’industrie », se rappelle Abdallah Zrelli, président de la branche régionale de l’Association de Protection de la Nature et de l’Environnement. « C’était le seul oasis au monde situé directement en bord de mer ! Le territoire était d’une richesse extraordinaire », insiste-t-il. À cette époque, la région est très prisée des touristes, notamment libyens. Le gouvernement crée même un train touristique depuis Tunis pour rejoindre Gabès et son oasis.

    Le tournant dans l’histoire de la ville se situe au début des années 1970. En 1972 exactement, lorsque l’Etat, dirigé par Habib Bourguiba, crée le Groupe Chimique Tunisien (GCT). L’entreprise est chargée d’exploiter le phosphate, la principale ressource naturelle du pays. Le bassin minier se trouve autour de Gafsa (au nord-ouest de Gabès), où est récolté le minerai, avant d’être acheminé par train vers la région côtière. Trois pôles sont créés, à Gabès, Skhira et Sfax. Le pôle principal, à Ghannouche (banlieue de Gabès), vise notamment à transformer le phosphate pour produire de l’acide phosphorique. D’autres unités industrielles (cimenterie, agroalimentaire, manufacture) sont également implantées autour de la ville.

    Une manne financière

    Dans la Tunisie des années Bourguiba puis Ben Ali, l’exploitation du phosphate est un secteur clé de l’économie du pays. Aujourd’hui encore, cette activité génère plus de 4 300 emplois directs, repré- sentant 3 % du PIB et 10 % de l’exportation. Le GCT est un poids lourd contre lequel il est impossible de lutter.

    « Avant la Révolution, il n’y avait aucune association de protection de l’environnement. On n’avait aucun moyen d’agir, il n’y avait pas d’informations sur le sujet », déplore Sami Badrouchi. Une opacité favorisée par le régime autoritaire et corrompu de Ben Ali.

    Après la chute du dictateur, la société civile s’empare d’un certain nombre de sujets, dont l’environnement. « À partir de la Révolution, la pollution a cessé d’être un sujet tabou que l’on ne sortait qu’au moment des élections », explique Abdallah Zrelli. L’impact de l’activité industrielle est de toute façon trop visible pour cacher plus longtemps la réalité de la situation. Les associations locales se mobilisent pour informer la population sur le « problème du phosphate ». Ou plutôt les problèmes, tant les conséquences sont nombreuses.

    Autrefois verdoyant, l’oasis de Gabès n’est plus que l’ombre de lui-même. La faute à l’accaparement de l’eau par l’usine chimique, selon Sami Badrouchi. « Le groupe chimique pompe une très grande partie de l’eau présente dans les nappes, sans la renouveler. Sur la zone voisine de Ras el Oued, on comptait auparavant 400 sources naturelles. Aujourd’hui, on est obligé de pomper l’eau… À cause de cela, l’activité agricole n’est plus rentable ». En manque d’eau, le territoire souffre également d’une pollution considérable due à l’activité industrielle.

    Des boues radioactives

    La production d’acide phosphorique génère un déchet, nommé phosphogypse, composé notamment d’uranium, de plomb, de polonium et de radium. Pour une tonne d’acide phosphorique, 5,1 tonnes de phosphogypse sont rejetées. Ces déchets radioactifs sont stockés à l’air libre à Sfax et Skhira, sous forme de terrils plus ou moins bien protégés. A Gabès, en revanche, le phosphogypse est entièrement déversé dans le golfe par un canal à ciel ouvert. Mélangé à de l’eau de mer, il forme des « boues gypseuses ». La ville portuaire est touchée de plein fouet par ces rejets. Mohamed Ali Daymi, qui est ingénieur et suit de très près la question, décrit la situation : « La décharge est située précisément entre les ports de commerce et de pêche de Gabès… ».

    Le site de Shkira

    Les chiffres recensés jusqu’à présent donnent le vertige. L’usine de Ghannouche déverse chaque jour environ 42 000 m3 de ces boues dans la mer, soit 12 500 tonnes de phosphogypse sec. Selon Samir Jomaa, de l’Université de Carthage, « on estime que 135 millions de tonnes de phosphogypse sec ont été rejetées sur les côtes du Golfe durant les trente dernières années ». [1]

    La baignade est interdite et de nombreuses espèces de poissons ont disparu.

    On n’en compte plus que sept actuellement, contre plusieurs dizaines dans les années 1960. Les pêcheurs, inquiets de voir leur activité réduite à peau de chagrin, ont manifesté la semaine dernière dans les rues de la ville. Les autorités ont répondu par des tirs de gaz lacrymogène et plusieurs interpellations. Les habitants de Gabès ne sont évidemment pas épargnés par le fléau. Les consé- quences sur la santé sont préoccupantes. Ici, on ne compte plus les personnes atteintes d’un cancer, surnommé « la mauvaise maladie ».

    Pourtant, aucune étude précise n’a été menée jusqu’à présent. « Une association des agents de santé de l’hôpital a demandé un registre des maladies recensées sur Gabès, mais cela n’a pas encore été mis en œuvre », déplore Sami Badrouchi.

    La plupart des malades partent à Sfax ou à Tunis pour se faire soigner, ce qui rend difficile le lancement d’une telle étude. D’autres maladies, comme l’ostéofluorose, liée à l’importante concentration de fluor, ont également vu le jour dans la région. À cela s’ajoutent la pollution atmosphérique ou les mauvaises odeurs à proximité du site…

    Vers un arrêt des rejets en mer

    Après des années de silence, le Groupe Chimique Tunisien, qui fait face aux pressions de la société civile, semble réagir. Une cellule de veille, composée de responsables du GCT et de membres d’associations, est chargée d’étudier les projets du groupe. L’entreprise envisage notamment plusieurs mesures pour réduire son impact environnemental. La plus emblématique serait l’abandon des rejets de phosphogypse en pleine mer. À la place, une décharge implantée sur le continent pourrait voir le jour. Elle serait dotée d’une « géo-membrane destinée à protéger les eaux souterraines contre les infiltrations », selon le groupe.

    Trois sites sont pressentis pour accueillir ce futur terril, situés entre 20 et 40 km de l’usine. L’installation nécessiterait le transport des boues gypseuses sur plusieurs dizaines de kilomètres, via le plus long pipeline de phosphogypse du monde… Le montant serait de 400 millions d’euros. Pour l’un des sites proposés, à El Malah (à 20 km de Gabès), les habitants ont déjà clairement exprimé leur refus.

    Si l’arrêt de la production de phosphate est pour l’instant peu envisageable, le cœur du problème est d’ordre économique, selon Mohamed Ali Daymi. « Avec 23,7 % de chômage dans le gouvernorat de Gabès, dont 40,2 % pour les jeunes diplômés, il faut mettre en œuvre une économie alternative pour sortir de l’emprise du phosphate. Si l’on installe des systèmes de dépollution, d’ingénierie de l’eau, etc., on permettra à des gens qualifiés d’avoir du travail et de contribuer à éradiquer la pollution ». Le seul moyen, selon lui, de redonner de l’espoir à la population : « Le niveau de bien-être est négatif ici, les gens souffrent. Ils veulent juste vivre ».

    27 mars 2015 / Clément Barraud (Reporterre) [1Etude présentée lors du Forum social de l’environnement, le 7 février 2015, à Monastir

    Lire aussi : La menace du gaz de schiste plane sur la Tunisie

    http://www.reporterre.net/En-Tunisie-le-phosphate-a-saccage

  • Comment le Mossad a aidé le Maroc à tuer Ben Barka (Courrier International)

    Une grande enquête du quotidien israélien Yediot Aharonot publiée cette semaine met en lumière l’implication des services de renseignements israéliens dans l’enlèvement à Paris, le 29 octobre 1965, et l’assassinat de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka

    Un jour sombre et pluvieux dans une forêt des environs de Paris. Des hommes creusent un trou pour y jeter le corps d’un homme mort étranglé peu de temps auparavant. A cet instant, personne n’imagine que le fantôme de la victime va hanter le Mossad pendant de longues années.” L’enquête des deux journalistes israéliens Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon, publiée dans Yediot Aharonot, débute comme un polar. Paris. Une cible marocaine. Les services secrets israéliens. Tel est le décor de ce qui va devenir le dossier “Baba Batra”, une des affaires les plus délicates de l’histoire du renseignement israélien.

    La mort du célèbre opposant marocain, Mehdi Ben Barka, eut d’importantes conséquences notamment sur les relations entre le Mossad, le Premier ministre d’alors, Levi Eshkol, et Isser Harel, figure mythique des services israéliens, qui fut chargé d’enquêter sur cette affaire d’Etat, mais aussi sur les relations franco-marocaines. Comme le souligne Le Monde, qui a interviewé l'un des auteurs de l'enquête, l'article a été soumis à la relecture de la censure militaire avant publication, car la loi israélienne l’exige. Toutefois, fondé sur la retranscription d’une rencontre entre le chef du Mossad de l’époque, Meir Amit,  Levi Eshkol et Isser Harel, et sur les témoignages de nombreux acteurs de l’affaire, l'article du Yediot Aharonot révèle l’implication logistique du Mossad dans la mort de Ben Barka.

    Quels rapports de forces ?

    A l'entame des années 1960, le Mossad (chargé du renseignement extérieur et de l'antiterrorisme) a installé un siège à Paris pour organiser ses opérations dans toute l’Europe. En matière de sécurité, les relations entre Israël et la France sont alors très étroites. La France, empêtrée “dans le bourbier algérien” et aux prises avec le Front de libération nationale (FLN), a besoin de l’aide du Mossad. “Au début, cette coopération s’est traduite par le partage d’informations sur l’organisation clandestine. Puis le Mossad livra des armes qui serviront dans une série d’assassinats perpétrés par les services français contre le siège du FLN au Caire”, écrivent les journalistes de Yediot Aharonot.

    De son côté, le Mossad “utilise” Paris comme “voie d’accès à l’Afrique et à l’Asie”. Très actif, le service cherche alors à obtenir le plus possible d’informations sur les pays arabes et sur le bloc soviétique – pour les partager avec les Etats-Unis. Si le Mossad noue à l’époque des relations secrètes avec la Turquie, l’Iran et l’Ethiopie, “une cible lui manque cruellement : le Maroc”. Pays arabe modéré, le Maroc est un pays qui entretient des relations avec les principaux ennemis d'Israël. “Sans parler du fait qu’à la tête du royaume, Hassan II fait plutôt figure d’allié de l’Occident.”

    Echange de services

    “Dans le renseignement, il n’y a pas de cadeaux gratuits”, rappelle l’enquête de Yediot Aharonot. C’est en vertu de cet adage que, six semaines avant l’assassinat de Ben Barka, le Mossad s’est retrouvé débiteur d’une dette vis-à-vis du Maroc. D’après les documents utilisés par les journalistes, Israël considérait ses relations avec le Maroc comme “stratégiques” et les deux pays avaient réussi à se trouver des intérêts. Le roi Hassan II s’était laissé convaincre de “laisser des Juifs de son pays émigrer vers Israël”. En échange, l’Etat hébreu fournissait une aide logistique au Maroc, formait ses militaires. En 1965, la coopération entre les services de renseignements des deux pays prit une dimension autrement plus importante.

    En septembre 1965, expliquent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon, le renseignement marocain permet en effet à des agents du Mossad d’obtenir des informations cruciales. Du 13 au 18 septembre 1965, la Ligue arabe tint un sommet de la plus haute importance à Casablanca. Le roi Hassan II délivra à Meit Amir, le directeur du Mossad, tous les documents relatifs à cette rencontre ainsi que les enregistrements de la réunion, qui avait été mise sur écoute. “Ces informations très importantes donnèrent un aperçu des ambitions des plus grands ennemis d’Israël. [...] Lors de la réunion, les commandants des armées arabes avouèrent qu’elles n’étaient pas préparées pour une nouvelle guerre contre Israël”, rapporte Yediot Aharonot. C’est en partie sur ces informations que Tsahal recommanda au gouvernement de Levi Eshkol de lancer ce qui deviendra la guerre des Six-Jours en 1967. Conflit qui vit l’armée israélienne triompher des armées syrienne, égyptienne et jordanienne.

    Après cette coopération sans précédent, le Maroc voulut être dédommagé du service rendu le plus vite possible. Le nom de cette dette : Ben Barka, l’un des opposants les plus farouches du roi Hassan II. C’est ainsi que fut lancée l’opération Baba Batra – qui, en plus d’avoir les mêmes initiales que Ben Barka, désigne dans le Talmud un traité s’intéressant aux questions liées à la responsabilité individuelle.

    L’opération Baba Batra

    En échange de la coopération du Maroc lors du sommet de la Ligue arabe, le Mossad s’engagea à  suivre les déplacements de Ben Barka en Europe – l’homme était alors en exil. Mehdi Ben Barka était une figure influente au Maroc et dans le monde arabe. Homme de gauche, il soutint la révolution et le combat contre le colonialisme, et devint l’un des opposants les plus virulents au roi Hassan II.

    L’enquête révèle que le Mossad réussit à localiser Ben Barka à Genève, où l’opposant marocain relevait son courrier. “Le Mossad donna l’adresse du kiosque à Ahmed Dlimi, adjoint de Mohammed Oufkir, le ministre de l’Intérieur marocain. Les agents marocains n’avaient plus qu’à surveiller le kiosque vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pendant deux semaines, jusqu’à ce que leur cible se montre.”

    A ce stade de l’affaire, il n’est encore question pour le Mossad que de fournir une assistance technique, tout en gardant ses distances avec une opération qui, concrètement, sera menée par les agents maro- cains. Le Mossad fournit notamment de faux documents afin de louer des voitures et des passeports aux Marocains et Français impliqués dans l’affaire pour qu'ils puissent fuir rapidement après l’opération.

    Le piège du documentaire

    “Quel était le but de l’opération pour les Marocains ?" interrogent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon. "La réponse dépend de la personne à qui vous posez la question. Selon l'historien spécialiste des relations israélo-marocaines, Yigal Ben-Nun, l’idée au départ, était de kidnapper l’opposant avant de le soumettre à un choix : soit il devenait ministre de l’Education du gouvernement de Hassan II (ce qui sous-entend qu’il se soumet à sa loi), soit il comparaissait lors d’un procès public pour trahison. Selon d’autres preuves, notamment les enregistrements du Mossad et du Premier ministre israélien, l’intention a toujours été de mettre fin à sa vie.”

    Le Mossad met au point un piège en montant une histoire de documentaire sur Ben Barka pour l’attirer à Paris. La suite de l’histoire est connue. Le 29 octobre 1965 : Mehdi Ben Barka arrive à Paris. Il a rendez-vous chez Lipp – la fameuse brasserie du boulevard Saint-Germain – avec un jour- naliste français. A quelques pas du restaurant, deux policiers français demandent à Mehdi Ben Barka de les suivre. Le piège se referme.

    Les journalistes d’investigation racontent ensuite comment l’opposant a été amené dans un apparte- ment.  Il y sera longuement et sauvagement torturé par Ahmed Dlimi et ses acolytes à coups de brû- lures de cigarettes, d’électrochocs et de simulations de noyade. Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon précisent que “le Mossad n’était pas présent au moment des faits et n’a pas autorisé sa mise à mort”. D’après les témoignages de membres du Mossad à l’époque, au bout de plusieurs dizaines de minutes d'interrogatoire, Ahmed Dlimi aurait appelé ses homologues israéliens depuis l’appartement en disant : “Je ne voulais pas... il est mort.”

    Les Marocains demandent alors aux services de renseignements israéliens de faire disparaître le corps. Le cadavre de Ben Barka sera emmené, enterré en pleine nuit dans la forêt de Saint-Germain, puis “dissous à l’acide” avec des produits chimiques achetés dans plusieurs pharmacies.

    Les conséquences de l'affaire

    Yediot Aharonot explique que la mort de Ben Barka provoqua une grave crise politique en Israël. Isser Harel, figure des renseignements israéliens, chargé d’enquêter sur l’affaire, réclame la démission d'Amit, le chef du Mossad, puis carrément celle du Premier ministre, Levi Eshkol. L’enlèvement de Ben Barka en plein Paris et sa disparition avérée sur le sol français ont par ailleurs profondément marqué les relations entre la France et le Maroc, ainsi qu’entre la France et Israël.

    Des fuites bien orchestrées ont rapidement fait comprendre à l’entourage du général de Gaulle que les services marocains étaient impliqués dans la disparition de Mehdi Ben Barka. La réaction du président français fut immédiate : il décapita les services secrets français, intérieurs comme extérieurs, et ce fut la fin du SDECE (contre-espionnage). Il alla même jusqu’à demander au roi Hassan II de lui livrer Mohamed Oufkir et Ahmed Dlimi. Le refus du souverain chérifien marqua une dégradation brutale des relations diplomatiques entre Paris et Rabat, sur lesquelles plane encore aujourd’hui “l’ombre du fantôme de Ben Barka”, souligne le quotidien israélien.

    Le site d'information marocain Tel Quel rappelle se son côté qu'“à ce jour l'affaire Ben Barka n'a toujours pas été élucidée par la justice marocaine”.

    Avec Tel-Aviv, les choses furent différentes. Tout en soupçonnant le Mossad d’être mêlé d’une façon ou d’une autre à “l’affaire”, le soutien de la France à Israël a prévalu sur la nécessité de faire toute la lumière sur cette participation, soulignent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon. Pourtant, au moment de la guerre des Six-Jours, le général de Gaulle décida d’“un embargo absolu sur les armes”. Son discours devant l’Assemblée nationale en novembre 1967 est entré dans les livres d’histoire : “Les Juifs [sont] restés ce qu'ils [ont] été de tout temps, un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur.” Deux jours après avoir prononcé ces mots, il ordonna l’expulsion des représentants du Mossad en France et le démantèlement de son siège parisien. Publié le 26/03/2015 - 16:51

    http://www.courrierinternational.com/article/renseignement-comment-le-mossad-aide-le-maroc-tuer-ben-barka

    Sur l'affaire on peut lire le polar: L'affaire N'Gustro

  • Non au gaz de schiste

    Lotfi Dk / Desert Boys / Samidoune (Clip Officiel) HD

  • Des militants antigaz de schiste au Parlement européen le 3 juin (Liberté.dz)

     

    Une invitation leur a été adressée le 5 mars dernier

    Une militante, qui fait état de contacts établis avec pas moins de 80 ONG à travers le monde, estime qu’il n’y a aucun inconvénient à prendre part à cette journée que compte organiser le Parlement européen.

    Parallèlement à la reprise du mouvement de protestation antigaz de schiste, à In-Salah, des militants confirment avoir été officiellement invités par José Bové, député français du parti écologique au Parlement européen, pour participer à une journée qui sera consacrée exclusivement aux schistes.

    Sur initiative de ce militant altermondialiste farouchement opposé aux schistes, cette journée est prévue pour le 3 juin prochain au Parlement européen, à Bruxelles. “Effectivement, j’ai été personnellement contactée par le biais d’un collaborateur de M. Bové, et ce, depuis le 5 mars dernier. D’ailleurs, ce n’est pas nouveau, et pour moi et pour d’autres militants antigaz de schiste de la région, d’être contactés par ce militant. Nous avons déjà eu des contacts avec plusieurs militants étrangers”, a confirmé Mme Hassina Zegzeg, citoyenne et militante antigaz de schiste d’In-Salah, remettant en cause, du coup, ceux qui ont soutenu tout le contraire, comme nous l’avions rapporté dans l’une de nos précédentes éditions. D’après elle, si des citoyens d’In-Salah évitent de parler des contacts avec des étrangers, c’est parce qu’ils subissent “de fortes pressions”. La même militante précise que des contacts sont établis avec pas moins de 80 ONG à travers le monde.


    De ce fait, Mme Zegzeg ne trouve aucun inconvénient à prendre part à cette journée que compte organiser le Parlement européen. Bien au contraire, dit-elle, c’est une aubaine pour porter haut la revendication des citoyens d’In-Salah concernant la question du gaz de schiste qui, souligne-t-elle, ne concerne pas que l’Algérie, mais également plusieurs pays dans le monde.


    Selon elle, la personne la mieux indiquée pour participer à cette journée, à Bruxelles, est Ladjel Segni, professeur à l’université d’Ouargla, dont le soutien aux militants d’In-Salah est exprimé publiquement.
    Contacté par téléphone hier, M. Segni confirme, à son tour, le bien-fondé de l’invitation dont parlait M. Bové dans un récent entretien accordé au confrère El Khabar.

    “Oui, nous avons été contactés par M. Bové et comptons bien participer à la journée du Parlement européen sur les schistes prévue pour le 3 juin. J’irai sans aucune hésitation, car c’est un problème qui concerne tous les militants antischistes du monde entier”, a-t-il tranché. Pour M. Segni, “tous les moyens sont bons pour arrêter le projet du gaz de schiste que les pouvoirs publics s’entêtent à poursuivre, faisant fi de l’opinion publique”. En attendant Bruxelles, M. Segni indique, par ailleurs, qu’une série de regroupements des militants antigaz de schiste est programmée au niveau national.


    Il citera, entre autres, les rencontres prévues les 2 et 11 avril prochain, respectivement à Batna et à Tiaret, puis deux autres à Tizi Ouzou et à  Béjaïa dont les dates ne sont pas encore arrêtées.

    http://www.liberte-algerie.com/actualite/des-militants-antigaz-de-schiste-au-parlement-europeen-le-3-juin-222701

  • 2014, année la plus meutrière pour les civils Palestiniens depuis la Guerre des Six jours de 1967 (Le Vif.be)

     
     
    Le nombre de civils Palestiniens tués lors d'affrontements avec Israël a atteint en 2014 un niveau sans précédent depuis la guerre des six jours de juin 1967, selon un rapport de l'ONU rendu public jeudi.
     

    "2014 a connu le pire bilan pour les pertes civiles parmi les Palestiniens depuis 1967", en raison surtout du bilan des morts durant l'opération "Bordure protectrice" lancée l'été dernier par l'armée israélienne dans la bande de Gaza.

    Lors de cette opération, "plus de 1.500 civils ont été tués, 11.000 ont été blessés et 100.000 déplacés", des personnes qui n'avaient toujours pas retrouvé de domicile fin 2014, selon le rapport annuel de l'Office des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires dans les territoires palestiniens occupés (Ocha).

    Au total, 2.220 Palestiniens, dont des combattants, ont été tués dans la bande de Gaza. Parmi les victimes figurent 550 enfants, précise le document intitulé "Vies fragmentées". Côté israélien, 73 personnes ont été tuées, dont 67 soldats.

    Ocha a indiqué ne pas avoir été en mesure de vérifier lui-même le nombre de victimes fourni par des ONG, des sources palestiniennes et israéliennes.

    En Cisjordanie occupée et à Jérusalem, 58 Palestiniens ont été tués et 6.028 autres blessés en 2014, soit le niveau le plus élevé depuis des années, ajoute le rapport. Durant la même période, 12 Israéliens ont été tués. Le nombre de Palestiniens détenus "pour des raisons de sécurité" a pour sa part augmenté de 24% à 5.258 prisonniers en moyenne mensuelle l'an dernier.

    En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, 1.215 Palestiniens ont été expulsés de leur domicile détruit par les autorités israéliennes, soit le chiffre le plus élevé depuis qu'Ocha a commencé en 2008 à faire ce type de décompte.

    Le rapport dénonce également la poursuite de l'expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est contraire au droit international.

    "Au total, quelque 4 millions de Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza sont restés sous un régime d'occupation militaire israélienne", déplore l'Ocha
     
    26/03/15 à 08:39 - Mise à jour à 08:39
     
  • Isoler Israël (Afps Rennes)

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    Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a toutes les raisons de se réjouir.

    Il a provoqué la surprise en remportant une victoire décisive aux dernières élections législatives, s’assurant ainsi un troisième mandat consécutif. Son parti, le Likoud, a obtenu un avantage de cinq sièges à la Knesset sur son principal rival, l’Union sioniste de centre-gauche. Mais il faut s’attendre à ce que les célébrations soient de courte durée. La tactique employée par Netanyahu pour parvenir à ce résultat – en revenant sur son engagement en faveur d’une solution à deux États avec la Palestine et en promettant de poursuivre les implantations de colonies dans les territoires occupés – aura sans doute de graves conséquences politiques et diplomatiques pour Israël.

     

    Ces dernières années, la ligne dure suivie par le Premier ministre de l’État hébreu a sapé de manière croissante la crédibilité d’Israël tout en convainquant les Palestiniens vivant dans les territoires occupés qu’un véritable accord avec Israël était impossible. (En fait, les Palestiniens n’ont montré que peu d’intérêt pour le résultat de ces élections). Maintenant que Netanyahu a durci sa rhétorique, avec pour récompense un renouvellement de son mandat, il faut s’attendre à ce que le mouvement international visant à isoler Israël prenne de l’ampleur. En fait, il ne fait plus aucun sens de soutenir des négociations directes entre Israël et les Palestiniens parce que les hypothèses qui sous-tendaient cette approche ont volé en éclats.

    La première hypothèse était que les deux parties acceptaient la solution de deux États comme base d’un accord de compromis.

    Et Netanyahu avait de fait déclaré lors d’un discours à l’Université Bar Ilan en 2009 qu’il était prêt à accepter la création d’un État palestinien à condition qu’il soit démilitarisé et que les Palestiniens reconnaissent Israël comme la patrie du peuple juif. Ce n’est plus le cas : deux jours avant les élections, Netanyahu a explicitement promis que son gouvernement n’accepterait jamais la création d’un État palestinien.

    La seconde hypothèse implicite des négociations de paix était qu’Israël, étant un pays démocratique, ne souhaiterait pas imposer pour toujours sa loi à un autre peuple par le biais d’une occupation militaire, niant ainsi son droit humain fondamental à l’autodétermination. Mais Netanyahu a maintenant démontré qu’Israël n’est une démocratie que pour ses citoyens juifs, en rejetant les citoyens israéliens arabes, qui représentent 20 pour cent de la population du pays, en des termes racistes flagrants. Aux dernières heures des élections, Netanyahu a appelé les Israéliens juifs à aller voter parce que « les électeurs arabes se rendent en masse vers les bureaux de vote ».

    En réduisant à néant les deux hypothèses sans lesquelles toute négociation avec les Palestiniens est impossible, le gouvernement israélien et, indirectement, la majorité des Israéliens ont détruit le mince vernis de légitimité que la communauté internationale avait appliqué à un pays qui occupe un autre peuple depuis bientôt cinq décennies. Les raisons qui justifiaient de ne pas critiquer Israël de manière trop virulente au sein des institutions internationales ou de recourir au boycott pour punir Israël pour ses crimes de guerre ne sont plus valables.

    Certains groupes ont bien sûr reconnu depuis longtemps que des mesures plus draco- niennes  s’imposaient, notamment celui créé par des Palestiniens de la diaspora et des sympa- thisants en 2005, la campagne internationale Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), qui a pour objectif de faire en sorte qu’Israël cesse de violer le droit international, en particulier en ce qui concerne sa politique de colonies de peuplement. Le mouvement BDS a rencontré assez d’opposition dans plusieurs régions du monde, pour ses tactiques jugées inutiles et injustifiées. Cette situation va changer.

    De même, les États-Unis se sont opposés à l’adhésion de la Palestine – qui a le statut d’État observateur non membre à l’Onu – à la Cour pénale internationale (CPI). Malgré l’absence de progrès dans les négociations de paix, l’administration américaine continue à croire à la démocratie israélienne et à la volonté de l’État hébreu de poursuivre dans le sens d’une solution à deux États. Cela aussi va changer.

    Pour le dire simplement, alors que le gouvernement israélien est revenu sur son engage- ment à négocier la paix avec la Palestine, la communauté internationale ne peut plus justifier l’approche suivie jusqu’à présent. Elle doit maintenant se conformer à ses valeurs proclamées et isoler Israël, politiquement et économiquement. Les dirigeants à travers le monde doivent en outre soutenir les tentatives faites par la Palestine pour résoudre le conflit avec Israël par le biais d’agences internationales neutres comme la CPI. Et les forums internationaux, tel le Conseil de sécurité des Nations unies, doivent condamner le refus de l’État hébreu à mettre fin à une occupation de 47 ans et lui faire clairement comprendre qu’il ne bénéficiera plus d’une diplomatie de deux poids, deux mesures.

    En 1990, lorsque Saddam Hussein a envoyé les troupes irakiennes envahir le Koweït au prétexte de reprendre des territoires perdus, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté, en vertu du chapitre VII de la Charte de l’Onu, pour l’imposition d’un strict embargo financier et commercial contre l’Irak. De même, lorsque l’Afrique du Sud, sous le régime de l’apartheid, niait ses droits humains fondamentaux à la population noire, majoritaire dans le pays, la communauté internationale a appliqué une campagne de désinvestissement et de sanctions de grande ampleur.

    Aujourd’hui, Israël évoque des raisons historiques pour occuper un autre peuple. Son gouvernement, qui a révélé ses tendances racistes, nie à quatre millions de Palestiniens leurs droits fondamentaux et utilise même la force militaire à leur encontre. La communauté internationale se doit de répondre en conséquence en intensifiant les boycotts, les désinvestissements et les sanctions, jusqu’à ce que les Palestiniens puissent vivre librement dans un État réellement indépendant aux côtés d’Israël.

    Daoud Kuttab, L’Orient le Jour, lundi 23 mars 2015

    © Project Syndicate, 2015. Traduit de l’anglais par Julia Gallin

    Daoud Kuttab (@daoudkuttab), ancien professeur à l’Université de Princeton, et fondateur et ancien directeur de l’Institut des médias modernes de l’Université al-Qods à Ramallah, est un militant pour la liberté de la presse au Moyen-Orient.

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  • Michel Warschawski : Obama en a plein les bottes... (Afps Rennes)

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    ... Mais vont-ils vraiment réévaluer leur politique envers Israël ?

    La première visite officielle après la victoire de Netanyahou sera celle du Président de la Chambre des Représentants, John Beiner. C’était la moindre des choses : ce dernier avait invité le Premier Ministre israélien à parler devant le Congrès quelques jours avant les élections, sans même en informer la Maison Blanche. Un coup de pouce électoral plus une gifle au Président démocrate.

     

    "Les États-Unis vont devoir réévaluer leur politique au Moyen Orient" a annoncé la Maison Blanche dès l’annonce de la victoire du Likoud. Ce ne sont pas les raisons qui manquent, en particulier l’annonce par Netanyahou, quelques jours avant les élections, que les engagements annoncés dans le discours de Bar Ilan était révolus et qu’il n’y aurait pas d’État Palestinien. Ce n’était certes pas un scoop, mais le dire ouvertement était une gifle à Obama.

    Pourtant ce qui a choqué encore plus le Président états-unien a été l’appel hystérique de Netanyahou à aller voter "car les Arabes se mobilisent par milliers pour faire tomber la droite". Aux États-Unis de tels propos sont le comble du politiquement incorrect et pour Obama ils ont l’odeur pestilentielle des États du Sud avant la victoire du mouvement des droits civiques. Il n’a d’ailleurs pas caché son opinion sur ces propos.

    Qu’Obama en ait plein les bottes du néo-conservateur Netanyahou ne fait aucun doute et qu’il ait été à la fois surpris et déçu par sa nouvelle victoire, se voyait sur sa figure. Mais tout autre est la question : voudra-t-il ou pourra-t-il en tirer des conséquences pratiques ?

    Plus directement : l’administration américaine est-elle prête à utiliser l’arsenal de pressions qui est à sa disposition pour forcer la main du gouvernement israélien, ou plutôt lui casser les reins ? Rien n’est moins certain.


    Obama va sans doute demander – et obtenir –la tête de l’Ambassadeur israélien à Washington qui a ouvertement comploté contre lui, et, vraisemblablement aussi, remplacer certains des responsables du dossier israélien dans l’administration par des fonctionnaires moins inféodés à Tel Aviv et à l’AIPAC. Mais il ne touchera pas aux liens stratégiques entre les USA et Israël, qui sont l’intérêt des deux partenaires.

    Deux jours après les élections, le journaliste Peter Beinhard, a titré sa chronique dans le Haaretz (20 Mars 2015) : "Le processus de paix est fini, c’est maintenant le moment des pressions". S’il s’oppose au BDS, il écrit pourtant qu’il faut "soutenir toute forme de pression non-violente". Franchement, la différence me semble trop subtile.

    Dans le site du même journal le chercheur Avinoam Barel écrit : "Le grand vainqueur dans les élections israéliennes c’est le BDS". Nous l’espérons, mais surtout nous devons faire tout notre possible que la mise en place d’un gouvernement d’extrême-droite, ouvre les yeux de tous celles et ceux qui n’ont pas encore compris que seules des sanctions sévères peuvent mettre fin à l’occupation coloniale et au déni des droits du Peuple Palestinien.

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  • Révolte arabe 1916-1918 (Orient 21)

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    La grande révolte arabe de 1916 fait suite aux promesses britanniques visant à encourager la création d’un grand royaume arabe (correspondance Hussein-MacMahon, 1915).

    Dans l’esprit des décideurs britanniques, la formation d’un tel État, revanche arabe après des siècles de domination ottomane, s’entend comme une récompense à terme pour l’aide que les Arabes pourront accorder à Londres dans les opérations menées contre les Ottomans, entrés en guerre contre les puissances de l’Entente, à la fin de l’année 1914.

    Les Arabes, en particulier Hussein, chérif de la Mecque, sont approchés par des émissaires, en particulier le colonel Thomas Edward Lawrence, de l’Arab Bureau du Caire. De leur côté les Français les encouragent également, en leur envoyant le lieutenant-colonel Édouard Brémond, un officier colonial. Tandis que les Puissances centrales, Allemagne et Autriche-Hongrie, alliées de l’empire ottoman, tentent également d’attirer à elles les Arabes pour conserver leur neutralité, voire pour obtenir leur participation aux combats contre les Français et les Anglais, puissances coloniales.

    Séduits par la réalisation de ce vieux rêve de la restauration de la grandeur arabe, encouragés par des apports monétaires et militaires, Hussein et ses Bédouins passent à l’action en juin 1916. Le soulèvement contre les Turcs se traduit par le siège de places fortes (Médine) et par une progression en direction du nord, vers la Transjordanie puis la Syrie, en parallèle aux efforts britanniques (troupes australiennes et néo-zélandaises) à partir du Sinaï, vers la Palestine.

    Immortalisés par le film de David Lean Lawrence d’Arabie, les principaux faits d’armes des troupes arabes sont le sabotage du chemin de fer du Hedjaz et l’attaque de ses principales gares, la prise d’Aqaba (juin 1917), mais surtout celle de Damas en septembre 1918. Cette dernière est concédée par Londres, pour satisfaire symboliquement Hussein, avec une entrée triomphale de son fils Fayçal.

    Dans les faits, la contribution arabe aux opérations militaires britanniques et à la victoire sur l’empire ottoman ne conduit pas à la récompense attendue.

    Entretemps, les promesses britanniques (et françaises) sont concurrencées par un autre engagement, contradictoire : le 2 novembre 1917, par la déclaration Balfour, Londres appuie l’idée d’un «  foyer national juif  » en Palestine, privant d’emblée le royaume arabe unifié de ce territoire.

    Ayant avancé en vain l’idée d’un grand royaume arabe lors de la conférence de Versailles, Fayçal prend l’initiative de le proclamer lui-même, à partir de Damas, désormais sous contrôle français après l’évacuation des troupes britanniques. L’entité est éphémère : créée en janvier 1920, l’initiative arabe est réprimée dans le sang en juillet de la même année.

    Pour compensation, les hachémites sont placés à la tête des deux entités nouvellement créées. Le mandat britannique de Transjordanie se voit attribuer un émir : Abdallah, fils de Hussein, tandis que son frère Fayçal, défait à Damas, prend la tête du royaume d’Irak, qui succède au mandat de Mésopotamie.

    19 mars 2015

    http://orientxxi.info/documents/glossaire/grande-revolte-arabe,0838

  • Aux origines du nationalisme arabe (Orient 21)

    Révolte en temps de guerre contre l’empire ottoman

     

    Le Pain (Al-Raghîf) de Toufic Youssef Aouad, que les éditions Sindbad/Actes Sud viennent de rééditer, est paru pour la première fois en 1939.

    Considéré comme le premier roman moderne de la littérature libanaise, il est aussi devenu un classique littéraire de la première guerre mondiale, un témoignage rare de la grande famine qui a ravagé le Mont-Liban entre 1915 et 1918. Aouad fait de ces années noires le terreau d’une révolte qui entraînera ses personnages à combattre aux côtés des troupes de Fayçal, pour reconquérir Damas.

    — Dans le désert, loin, très loin d’ici, là où est né le Prophète béni, dans la plaine qui s’étend à perte de vue et où le soleil brûle comme un fer rougi sur les sables infinis… Là-bas a commencé une révolution contre les Turcs.
    — Et qui a gagné  ?
    — La victoire est entre les mains de Dieu. S’Il le veut, les Arabes l’emporteront, Tom.
    — Et la faim disparaîtra, n’est-ce-pas  ? Nous mangerons de nouveau du pain blanc.

    C’est à Tom, enfant famélique d’un village du Mont-Liban, qu’un résistant apprend qu’il est temps d’espérer un avenir meilleur.

    Meilleur, c’est-à-dire débarrassé en tout premier lieu du conquérant ottoman qui, en 1914, «  s’abattit sur le pays avec la brutalité de l’oppresseur  » et «  se permit tous les abus, toutes les injustices, toutes les exactions  », dit Toufic Youssef Aouad dans l’introduction à son roman historique, Le Pain (Al-Raghîf), paru pour la première fois en 1939.

    Nous sommes à la veille de la révolte arabe de 1916 contre la domination turque. La famine et la misère déciment des dizaines de milliers de Libanais. Un militant nationaliste, Sami Assem, se cache dans une grotte en haute montagne où son amoureuse, Zeina, lui apporte régulièrement de quoi se nourrir et les dernières nouvelles du pays. Lassé de son isolement, Sami quitte sa cachette, tue par erreur un soldat déserteur et finit par être arrêté. La rumeur de sa mort incite Zeina à fomenter l’assassinat du gouverneur turc de sa province. Mais Sami a en réalité échappé à l’exécution capitale et à la prison et poursuit son combat contre les convois ottomans dans le désert, avant la reconquête de Damas sous le commandement de l’émir Fayçal. Son sacrifice héroïque assombrira la belle Zeina, au cœur de la liesse populaire qui suit la libération de la capitale des Omeyyades.

    Le roman, social autant qu’historique, a pour théâtre la terrible famine qui a ravagé le Mont-Liban entre 1915 et 1918. Selon les chiffres, entre 120 000 et 200 000 Libanais, soit un tiers de la population, sont morts de faim au cours de cette période. Les causes en sont connues, explique l’historien libanais Youssef  Mouawad1 : d’abord une invasion de sauterelles en 1915 qui a ravagé les récoltes.

    Puis — et surtout —, pas moins de deux blocus : d’abord le blocus maritime des Alliés, qui avait pour but d’empêcher toute importation d’armes ou de munitions dont auraient pu profiter les Ottomans  ; ensuite, celui des voies de communication terrestres imposé par Jamal Pacha, gouverneur ottoman de Syrie et de Palestine. Selon les propos rapportés par le professeur Antoine Boustany, le chef des forces ottomanes, Enver Pacha, aurait déclaré : «  L’Empire ottoman ne recouvrera liberté et honneur que lorsqu’il aura été débarrassé des Arméniens et des Libanais. Nous avons supprimé les Arméniens par le fer, nous supprimerons les Libanais par la faim  »2.

    Cette «  arme de la famine  » — dont les Alliés espéraient également, pour leur part, qu’elle précipiterait la révolte arabe —, est à l’origine de la violence sociale dépeinte dans le roman de Aouad : trahisons, abandons, cruautés, corruption, prostitution, vols... La faim, ressort dramatique, hante les personnages, les rend fous, idiots et prêts à tout. Elle transforme la population en «  hordes affamées  » : «  des vieillards, des femmes, des enfants, certains pouvant encore marcher, la plupart étendus avec leurs gémissements pour seul bien.  » Les gens se ruent sur le crottin des chevaux de l’armée ottomane pour y récupérer quelques grains d’avoine. Ils grattent la terre, mangent des carcasses décomposées d’animaux. Et meurent, comme dans cette scène de référence souvent citée :

    Il y avait là une femme étendue sur le dos, envahie de poux. Un nourrisson aux yeux énormes pendait à son sein nu (…) La tête de la femme était renversée et ses cheveux épars. De sa poitrine émergeait un sein griffé et meurtri que l’enfant pétrissait de ses petites mains et pressait de ses lèvres puis abandonnait en pleurant.

    L’autre ferment de la révolte qui anime les héros est la répression aveugle et arbitraire qui s’abat sur une population misérable :

    «  Quant à la gare d’Aley, il y régnait une atmosphère terrifiante. Les soldats allaient et venaient avec leurs baïonnettes étincelantes. Ils bousculaient les prisonniers et tançaient les gens, et ceux-ci ressemblaient à des spectres dressés. Enfants et vieillards tendaient la main pour mendier. Les femmes et les jeunes filles en haillons, le regard désespéré, les yeux exorbités, proposaient leurs beauté pour une ration de pain.  » Dans la prison d’Aley, siège de la Cour martiale turque et antichambre de la mort par pendaison commandée par Jamal Pacha, un prisonnier raconte à Sami le genre de «  raisons  » pour lesquelles tant d’hommes sont incarcérés : «  Hanna Dahan (…) avait été trahie par un portrait de Napoléon trouvé dans sa maison  ; un autre par une lettre reçue d’un ami d’Amérique évoquant l’État turc en des termes qui n’étaient pas pour plaire aux autorités  ; un troisième était accusé d’avoir offensé le sultan…  ».

    L’héroïsme des résistants vient en contrepoint de la lutte pour la survie de ces années noires.

    La résistance prend les traits d’un nationalisme naissant, qu’une conversation entre Sami et son juge ottoman révèle aussi simplement que clairement :

    — «  Nous cherchions à faire valoir nos droits.
    — Vos droits  ! Attention à ne pas me mettre en colère  ! Depuis quand avez-vous des droits en dehors des grâces du sultan, dont jouissent équitablement tous les Ottomans  ?
    — Nous sommes des Arabes qui demandent leur liberté et leur indépendance.

    Et c’est dans une autre conversation, cette fois entre le maronite Sami et Kamel, un camarade de combat musulman, que va s’énoncer une fraternité baptisée dans le sang et dont le sens est d’emblée questionné :

    — Nous avons déclaré le djihad contre les Turcs.
    — Les Turcs aussi ont déclaré le djihad contre nous. Lequel des djihad te semble donc le plus juste  ?
    — (…) Le califat doit revenir aux Arabes. Les Arabes vaincront et renoueront avec leur gloire passée. Ils verront la renaissance de l’ère des califes (…). Nous y désignerons le roi Husayn commandeur des croyants, et il y élira demeure. Nous l’entourerons de nos poètes, de nos savants et de nos intellectuels.

    Mais Sami le nationaliste n’adhère pas au djihad.

    Pas plus qu’il ne considère que son combat s’inscrit dans une «  guerre de religion  ». Pour lui, «  il s’agit d’Arabes qui se battent contre les Turcs pour recouvrer leur liberté et de Turcs qui combattent les Arabes pour continuer à les soumettre. Aujourd’hui, nous assistons à la naissance du véritable nationalisme arabe, dont la mère est la révolution.  »

    La modernité de ce roman réside essentiellement dans sa composition où prédominent les parties dialoguées.

    Elles permettent une approche des personnages dans leur diversité et leurs contradictions, en évitant tout à la fois une «  psychologisation  » individualisante — que l’histoire d’amour entre Zeina et Sami pourrait induire — et la pesanteur du récit historique à message pédagogique. Et c’est de la même manière avec Dans les meules de Beyrouth, publié en 1973, que Toufic Youssef Aouad restituera plus tard, comme en écho, l’atmosphère de la fin des années 1960 et la radicalisation des luttes politiques et idéologiques, celles qui plongeront deux ans plus tard le Liban dans la guerre civile.

    Pour l’heure, nous sommes, à la fin du livre, en 1918. Damas libérée jubile  ; la faim et la souffrance sont oubliées, «  les fantômes de l’injustice et de l’ignorance  » ont disparu comme par enchantement et tous les espoirs de liberté sont permis. Le rêve d’unité arabe du roi Fayçal n’est pas encore brisé et les révolutionnaires survivants comme Zeina peuvent croire que leurs morts n’ont pas été sacrifiés en vain.

    Françoise Feugas 5 mars 2015