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  • La réélection de Nétanyahou enterre définitivement le « processus de paix » (Orient 21)

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    Washington s’interroge sur sa politique palestinienne

     

    Le nouveau succès électoral de Benyamin Nétanyahou met un point final au « processus de paix » ouvert en 1993 avec les accords d’Oslo. Il a porté aussi à son paroxysme la crise entre Tel-Aviv et Washington, même si les Etats-Unis continueront à soutenir Israël. Et le recours aux Nations unies redevient une option envisageable pour les Palestiniens.

    Les élections législatives israéliennes ont accouché d’une surprise.

    Donné battu, Benyamin Nétanyahou les a emportées, et d’assez loin, sur son adversaire de centre gauche du Camp sioniste. Ce retournement, le premier ministre israélien l’a réalisé en flattant outra-geusement dans les derniers jours de sa campagne les deux propensions les plus répandues dans sa société : d’abord la peur et la conviction que toute «  concession aux Palestiniens  » constitue une «  menace existentielle  »  ; ensuite un racisme anti-arabe plus prégnant que jamais dans le pays.

    En appelant, le jour-même du scrutin, les électeurs à se mobiliser pour faire obstacle à «  la gauche et [aux] ONG en train d’amener massivement des hordes d’Arabes aux bureaux de vote  », et après avoir déclaré, la veille, que lui au pouvoir un État palestinien ne verrait jamais le jour, «  Nétanyahou a révélé son vrai visage, et les électeurs ont aimé ça  »1, a conclu le chroniqueur du quotidien Haaretz Aluf Benn. Le soir de l’élection, fêtant la victoire, le premier ministre est apparu aux côtés du chanteur Amir Benayoun, auteur d’une chanson si raciste envers les Arabes que le président de l’État, Reuven Rivlin, avait annulé une invitation qu’il lui avait envoyée.

    L’élection en dit long sur l’état de paranoïa et de déni dans laquelle vit la société juive israélienne. Celle dont l’État passe son temps à capturer toujours plus de terres palestiniennes, à limiter l’accès à l’eau des paysans palestiniens, à imposer des tracasseries administratives épuisantes et inépuisables à des humains privés de tous droits politiques depuis des décennies, celle qui terrorise l’autre société en usant d’une force militaire quasi sans contrepartie, qui enferme des civils sans jugement ni même inculpation pour des périodes infinies grâce à ses lois d’exception, cette société-là se perçoit elle-même comme la victime et vit dans une peur constante.

    Pour elle, la moindre concession serait «  le début de la fin  » – et l’égalité avec le Palestinien une impossibilité absolue. Une attitude qui rappelle l’enfermement mental et politique des sociétés coloniales, celle des dits «  Européens  » en Algérie, en Rhodésie et ailleurs, sociétés recroquevillées sur le maintien intégral de leur système de domination, ou encore celle des «  Blancs du Sud  » aux États-Unis, à l’époque de la ségrégation raciale.

    Cette société, par elle-même, n’est plus en mesure par ses propres moyens de s’ouvrir à l’Autre, de lui reconnaitre sa qualité d’humain égal en droits et en dignité. Elle porte en elle trop de culpabilité occultée, niée, accumulée depuis si longtemps. Elle est désormais prête à suivre Nétanyahou qui lui propose de transformer constitutionnellement l’identité de l’État d’Israël en un Etat ethnique (l’«  État du peuple juif  »), dont les citoyens ne disposeraient pas tous des mêmes droits, selon qu’ils sont juifs ou pas. Le 9 novembre 2014, Sheldon Adelson, le milliardaire propriétaire de casinos à Las Vegas et Macao qui est aussi le premier financier des campagnes de Nétanyahou, était interrogé à Washington sur les risques de dérive d’Israël vers un abandon formel de la démocratie.

    Réponse : «  Je ne crois pas que la Bible dise quoi que ce soit sur la démocratie. Dieu n’a pas dit un mot sur la préservation d’Israël comme État démocratique. [Vous me dites qu’]Israël ne sera plus un État démocratique. Et alors  ?  » On n’a pas connaissance que ces propos aient dérangé le récent vainqueur de l’élection israélienne. État non démocratique parce qu’occupant une population dénuée de droits, Israël l’est de facto depuis longtemps déjà. Mais inscrire dans la loi l’ethnicité comme fondement du droit ne serait pas une évolution anodine. C’est à cette possibilité-là qu’a adhéré dans sa majorité la société israélienne le 17 mars.

    La fin des accords d’Oslo

    Le «  processus de paix  » est définitivement décédé. Plus exactement, beaucoup, depuis des années, voulaient ou faisaient semblant de croire qu’il était toujours vivant. La fiction de ce «  processus  » perdurait. Sa longue agonie, engagée après l’échec des négociations de Camp David à l’été 2000 et le déclenchement subséquent de la seconde Intifada palestinienne, a pris fin avec l’affirmation sans fard de Nétanyahou, la veille du scrutin, de son opposition à la création d’un État palestinien. Lorsqu’il a, victoire acquise, tenté de laisser croire qu’il n’avait pas définitivement renoncé à l’idée des deux États, la Maison Blanche a refermé la porte de façon assez abrupte. De fait, ce n’est pas tant le «  processus  » que la paix elle-même qui est hors de propos. Et c’est, d’une certaine façon, un succès pour la stratégie de Mahmoud Abbas. Car si les Israéliens ne veulent pas la paix, les Palestiniens, après tant de massacres, d’oppression quotidienne, n’en font pas plus leur priorité. Ce qu’ils veulent c’est la liberté, la fin de l’occupation.

    Et tel est bien le sens de l’offensive diplomatique engagée par le chef de l’Autorité palestinienne devant les Nations unies pour obtenir du Conseil de sécurité la reconnaissance de son État dans les frontières de 1967. Jusqu’ici prévalait la logique des accords d’Oslo de reconnaissance mutuelle entre Israël et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), en 1993, qui se résumait à une idée : «  la terre contre la paix  ».

    Autrement dit : si une «  paix juste, durable et globale ainsi qu’une réconciliation historique  »2 est signée avec les Israéliens, les Palestiniens auront une terre – donc un Etat. Sur fond d’échec de la seconde Intifada, et avec l’enlisement de négociations intermittentes ne débouchant jamais sur rien d’autre que la poursuite ininterrompue de la colonisation israélienne et l’aggravation des conditions de vie de sa population, Abbas, en allant à l’ONU, a inversé cette logique. Ce n’est plus «  la terre contre la paix  », c’est désormais «  la paix pour la terre  ». Autrement dit : la terre d’abord, donc l’évacuation israélienne des territoires occupés, la paix viendra ensuite, une fois que l’État palestinien aura été érigé. Si elle survient, ce qui n’est pas certain…Mais «  la paix  » ne peut plus constituer un préalable à l’évacuation des territoires palestiniens.

    Avec la réélection de Nétanyahou, ce renversement de la logique d’Oslo commence lentement à faire son chemin dans les milieux diplomatiques.

    Comme l’a écrit l’analyste Peter Beinart, dans l’administration américaine, beaucoup pensent que l’option de «  la négociation menant à l’instauration de deux Etats côte à côte est vraiment morte  »3 Dès lors, si l’idée d’un État unitaire pour les deux peuples reste du domaine de la rêverie, tant les Israéliens dominent aujourd’hui les Palestiniens sur tous les plans (diplomatique, économique, technologique, universitaire, militaire, etc), et tant les Palestiniens aspirent à ériger leur État pour ne plus subir le joug israélien — et si l’idée d’un retrait des Israéliens de leur propre initiative sur la frontières de juin 1967 parait encore plus inenvisageable —, il ne reste qu’une solution : celle d’un retrait des Territoires occupés imposé à Israël de l’extérieur. Tel est le sens sous-jacent de l’annonce américaine d’une «  réévaluation de la position  » des États-Unis au lendemain du succès électoral de Nétanyahou. «  Israël ne peut maintenir indéfiniment son contrôle sur un autre peuple  ; l’occupation qui dure depuis près de 50 ans doit cesser  », a déclaré Denis McDonough, le chef de cabinet de Barack Obama, le 23 mars, devant le lobby pacifiste pro-israélien J Street à Washington.

    Vers une résolution de l’ONU  ?

    Un tournant dans la relation americano-israélienne  ? À quoi pourrait ressembler la «  réévaluation  » de sa relation à Israël que la Maison Blanche a annoncée  ? Le New York Times cite «  des officiels  » anonymes selon qui la présidence envisagerait la possibilité de soutenir désormais une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui validerait le principe d’une solution à deux États de part et d’autre de la frontière de juin 19674 (avec d’éventuels échanges mineurs de territoires). Ainsi, Israël serait placé devant une situation nouvelle – l’inscription dans le droit international de frontières qu’il récuse (l’État n’a jamais déterminé ses propres frontières et, en Cisjordanie, exige en tout état de cause, en cas d’accord, de préserver la partie orientale de Jérusalem, la vallée du Jourdain et les «  grands blocs  » de colonies érigés depuis 1967). Interrogé sur ce point, la porte-parole de la Maison Blanche, Jan Psaki, a déclaré : «  Nous ne préjugeons pas de ce que nous ferions en cas d’action à l’ONU  ».

    Le retour de la question palestinienne aux Nations unies, la possibilité de voir Washington abandonner son veto systématique au Conseil de sécurité, constituerait pour Israël un échec majeur. Car l’admission occidentale sans faille jusqu’ici de sa légitimité à mener des «  négociations bilatérales sans préalables  » avec les Palestiniens constituait un élément clé de sa capacité à maîtriser à sa guise ces négociations. Et l’assurance de bénéficier d’un veto américain en toutes circonstances a grandement contribué au sentiment d’impunité avec lequel Jérusalem a pu mener sa «  politique de la force  » sans se heurter à aucune restriction de la communauté internationale depuis des décennies. La poursuite ininterrompue de la colonisation comme les bombardements répétés et croissants sur Gaza en ont été des exemples criants.

    Déclarer illégale la poursuite de la colonisation  ?

    On n’en est pas encore à un soutien américain à une résolution onusienne sur un plan de partage territorial entre Israël et la Palestine. Mais le simple fait que cela puisse s’envisager est symptomatique d’un tournant majeur, dont il reste difficile de pressentir comment il pourrait évoluer. Pour Peter Beinart, qui a visiblement interrogé de nombreux officiels à la Maison Blanche, plutôt que de lever son veto à une résolution contraignante sur les frontières reconnues d’Israël — qui est la pire hantise des Israéliens, Likoud comme travaillistes —, Washington pourrait commencer par ne pas opposer son veto à une résolution onusienne moins grave, déclarant illégale la poursuite de la colonisation5.

    D’autres assurent que les États-Unis pourraient aussi lever leur prévention sur le dépôt par Abbas d’une plainte contre Israël pour «  crimes de guerre  » devant la Cour pénale internationale au sujet de la colonisation. De toute façon, aucune décision ne devrait être prise avant l’automne, c’est-à-dire avant de savoir si un accord est conclu avec l’Iran sur la question de son nucléaire militaire.

    S’il l’est, cet accord «  sera historique et montrera que l’administration américaine est disposée à résister à l’opposition d’un Congrès républicain et à négocier avec les membres de son propre parti qui doutent, et aussi à tenir bon face aux pressions israéliennes  »6, commente Aaron David Miller, vice-président du Centre d’études internationales Woodrow Wilson à Princeton, qui fut conseiller aux affaires proche-orientales sous Bill Clinton. Selon lui, quoi qu’il fasse, Nétanyahou sera «  en fin de compte dans l’incapacité d’empêcher  » la mise en œuvre d’un tel accord s’il est signé. Dès lors, bénéficiant d’un soutien international, le président américain serait en position de mieux imposer son point de vue aux dirigeants israéliens.

    Reste que, lors de son appel à Benyamin Nétanyahou pour le «  féliciter  » de son succès électoral, Barack Obama, s’il a réitéré ses critiques des propos de son interlocuteur sur la nécessité de contrer les «  masses d’Arabes  » allant voter et réaffirmé qu’il récusait son point de vue sur l’Iran, lui a également assuré qu’il n’entendait en aucune manière modifier la politique américaine de soutien militaire à Israël (3 milliards de dollars annuels). Pour le moment, l’heure des pressions autres que diplomatiques n’a pas sonné.

     

    Sylvain Cypel 25 mars 2015
     
  • Algérie: chemiserie de Larbâa Nath Irathen : « 9 mois Barakat ! » (Afriques en lutte + El Watan))

    Les travailleurs de la chemiserie de Larbâa Nath Irathen, pour la plupart des femmes, ont observé un sit-in, avant-hier, devant le siège de la wilaya de Tizi-Ouzou, pour dénoncer les agissements, qu’ils qualifient d’« injustifiés », de l’actuelle responsable de la chemiserie et demander une commission d’enquête et l’affectation d’un nouveau directeur.

    « 9 mois Barakat, nos enfants ont faim », « Pour sauvegarder l’entreprise, on demande un directeur » et « Non à la fermeture de l’entreprise », sont les slogans que l’on pouvait lire sur les banderoles brandies pas les protestataires.

    Dans une déclaration dont une copie nous a été remise sur place, les signataires dénoncent « la manipulation relancée par les dépôts de plaintes contre certains travailleurs sans qu’il y est aucun dépassement constaté par les services de police sur les lieux… ». Les signataires ajoutent : « N’étant pas satisfaite, la directrice a mobilisé un groupe de jeunes délinquants pour qu’ils provoquent des troubles devant l’entrée de la chemiserie ». Les rédacteurs du document se disent convaincus de « La complicité de certains cercles à vouloir faire traîner la situation actuelle pour éviter l’apparition de la face cachée de l’iceberg qui serait fatale pour beaucoup de responsables ». Ils poursuivent : « Nous ne comprenons pas à qui profite cette situation de confusion totale et le silence observé par les parties concernés par le conflit ? ».

    Ce conflit qui remonte au 21 juillet 2014 est dû, selon les grévistes, à la « Hogra » sévissant au sein de ladite entreprise 

    « L’entreprise compte 99% de femmes et la dernière d’entre-nous a dix ans d’ancienneté. Quand il s’agissait de problèmes socioprofessionnels, nous n’avons rien dit, mais quant un sous-directeur arrive au point d’insulter des travailleuses et à leur dire des mots indignes et que des mécaniciens de machines lèvent la main sur ces dernières nous avons dit non non et non et nous avons déclenché la grève… », nous déclarera Mme Messaouda Bouzid, membre de la section syndicale UGTA de la chemiserie qui fustigera l’actuelle responsable de la chemiserie et qui nous expliquera les origines du mal qui gangrène cette entreprise : « Cette intérimaire affectée à la chemiserie du centre le 12 mars dernier n’est pas compétente et n’a pas les diplômes requis pour gérer l’entreprise. Pis encore, elle est du clan de l’ancien directeur et c’est comme si celui-ci n’avait jamais quitté l’entreprise. Cette responsable est même allée jusqu’à utiliser la force publique contre les travailleurs, vous imaginez ? Nous ne voulons pas d’elle et demandons aux hauts responsables de nous affecter un nouveau directeur « neutre » cette fois sans parti-pris pour aucun des deux clans et ce le plus vite possible pour rouvrir l’entreprise car nous sommes dans le désarroi le plus total ».

    Dans leur missive, les grévistes interpellent le wali et le ministre de l’Industrie, leur demandant de « diligenter une commission d’enquête et trouver une solution à ce conflit qui n’a que trop duré ». Si rien n’est fait, « Nous passerons à la vitesse supérieure, nous enclencherons d’autres actions dont une grève de la faim… », menacent les grévistes. 25 mars 2015

    Source : La Dépêche de Kabylie

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/algerie/article/algerie-chemiserie-de-larbaa-nath

    Lire aussi:

    http://www.elwatan.com/regions/kabylie/tiziouzou/chemiserie-de-larbaa-nath-irathen-les-ouvrieres-se-mobilisent-21-03-2015-290330_144.php

  • A Tunis, la Coalition pour le climat prend de l’élan (Reporterre)

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    Plus d’une centaine d’associations, d’ONG et de mouvements internationaux se sont réunis à Tunis à la veille du Forum social mondial. Objectif : s’accorder sur les stratégies de pression pour peser sur le sommet de l’ONU sur le climat à Paris, fin 2015 et poursuivre le mouvement ensuite.

    En préambule du Forum social mondial qui se déroulera cette semaine à Tunis, la plateforme Coalition climat 21 s’est réunie lundi et continuera à travailler ce mardi. Elle regroupe plus d’une centaine d’organisations françaises issues de la société civile.

    L’objectif : définir avec des représentants des réseaux internationaux les orientations sur l’organisation de la mobilisation autour de la COP 21, la conférence des Nations Unies sur le climat qui se tiendra fin 2015 au Bourget, près de Paris. Poser les bases d’un mouvement pour la justice climatique sur le long terme. Et mettre en place un rapport de forces capable de peser sur cette négociation entre 193 Etats.

    Dans un amphithéâtre de la facuté de droit de Tunis, près de deux-cents personnes se lèvent comme une seule femme à la question « Qui est ici pour un mouvement sur la justice climatique ? ». Née il y a un an, la coalition climat entend dépasser d’anciens clivages entre les organisations considérées comme « modérées », et d’autres perçues comme plus « radicales. »

    « Entre Climate action network (le réseau historique d’ONG travaillant sur le climat, ndlr) et Climate justice now (réseau d’ONG issues du monde du développement), on peut travailler ensemble même si on n’a toujours les mêmes stratégies ni les mêmes tactiques, assure l’Indienne Payal Parekh. Il n’y a pas un seul chemin. »

    Des chemins qu’il s’agit d’élargir au maximum. « Sans mobilisation populaire, rien n’est possible, dit Christophe Aguitton, d’Attac. On a réussi à regrouper l’essentiel du mouvement environnementaliste. Il s’agit maintenant de trouver les moyens de son enracinement dans le temps, bien au-delà de la COP 21 ».

    Une échéance qui nourrit un scepticisme évident chez les militants échaudés par le fiasco de la conférence de Copenhague en 2009. « Comme les Etats ne veulent pas se coincer, les objectifs de réduction de gaz à effet de serre chiffrés, datés et contraignants, ne feront pas partie des négociations, alors que c’est un des points cruciaux », se désole-t-il.

    Même son de cloche pour Nicolas Haeringer, de l’association 350.org : « Peut-être la réponse n’est-elle pas dans la négociation entre des Etats prisonniers d’intérêts privés, mais plutôt dans ce que portent la société civile et les collectivités locales, qui ont la main sur des leviers permettant de favoriser la transition énergétique ».

    Un exemple ? « Les campagnes de désinvestissement, qui incitent les institutions à investir dans les énergies renouvelables plutôt que de mettre leurs billes dans l’une ou l’autres des 200 entreprises qui possèdent les plus grosses réserves de gaz, de pétrole et de charbon ». Selon lui, « la seule chose que l’on peut attendre des Etats, c’est qu’ils ne rajoutent pas de nouveaux obstacles à la transition énergétique ».

    Des obstacles dans le genre du Tafta, le traité transatlantique commercial en cours de négociation ? L’articulation entre la campagne anti-Tafta et la COP 21 est le Graal recherché par Amélie Canonne, spécialiste des accords de commerce et d’investissement pour le réseau Aitec : « Signer ce traité et mettre en oeuvre une politiques ambitieuse de lutte contre le changement climatique est incompatible. Le Tafta va notamment favoriser le commerce des énergies fossiles entre l’Europe et les Etats-Unis, comme c’est déjà le cas au Canada. Entre le Tafta et le climat, le gouvernement devra choisir. Et pour nous, c’ est une raison de plus pour s’unir. »

    Une forte délégation d’Alternatiba est présente

    Nicolas Haeringer en est persuadé : « On est à un tournant de la construction de mouvements de mobilisation, avec des exemples très concrets comme les ZAD. Il est nécessaire de connecter les mobilisations locales à des campagnes plus globales ».

    Soutenir les luttes contre les « grands projets climaticides » fait partie des ambitions de la coalition : tout comme aider aux constructions d’alternatives (type Alternatiba, Amap, villes en transition...), mener des actions contre les lobbies de l’énergie, organiser des rassemblements, et initier des actions massives de désobéissance civile.

    24 mars 2015 / Isabelle Rimbert (Reporterre)

    http://www.reporterre.net/A-Tunis-la-Coalition-pour-le

  • Les jeunes des quartiers populaires face à la police en Tunisie (Orient 21)

    Ce qui a changé

    Longtemps, en raison des entraves qui empêchaient toute recherche de terrain, les quartiers populaires de Douar Hicher et Ettadhamen de l’agglomération de Tunis, marqués par la relégation et la paupérisation, sont restés pour les sociologues une terra incognita. Mettant à profit la récente levée de ces entraves, les auteurs de cet ouvrage ont mené, neuf mois durant, une enquête quantitative et qualitative inédite sur les jeunes de ces deux quartiers trop souvent réduits à des foyers de « violence salafiste ». Plus qu’une étude détaillée, une mise en lumière d’une certaine Tunisie, largement méconnue.

    «  Le comportement de la police est toujours le même, la police ne changera jamais, la corruption est toujours là. Quand ils te voient en train de boire, avec dix dinars ils te laissent tranquille  », témoigne Zohra, 29 ans, chômeuse et mère célibataire). Mohamed Ali, 21 ans, élève en terminale, activiste dans une association culturelle d’Ettadhamen confirme : «  Le même comportement dur (qaswa), ils s’acharnent sur nous d’une façon terrible…On sent que la police, comme on dit, elle nous en veut. La moindre chose qui arrive dans le quartier et la police se déploie d’une manière très forte et réagit violemment. Dans les quartiers, les jeunes ont la haine envers la police.  »

    Au fil des entretiens, les jeunes hommes, en particulier les plus défavorisés, des quartiers de Douar Hicher et d’Ettadhamen, témoignent de leur ressentiment à l’égard des forces de l’ordre. Ils décrivent des interventions policières violentes, dépourvues de toute mission préventive, les assimilant souvent à des délinquants. Ils rapportent les brutalités et les humiliations lors des «  rafles  » et relatent les vexations ainsi que les discriminations à l’adresse dont ils sont victimes, au centre ville de Tunis et dans les quartiers aisés, à l’occasion des contrôles d’identité. À Douar Hicher plus particulièrement, les jeunes récriminent ce qu’ils appellent «  le couvre-feu  » du samedi soir, un déploiement policier intensif censé contenir une éventuelle recrudescence de la délinquance juvénile durant les fins de semaine. Au gré des récits, le divorce entre police et jeunes apparaît comme un fait prégnant dans l’histoire sociale des deux quartiers. Il génère un ressentiment qui marque la trajectoire de bon nombre de jeunes et façonne chez eux une conscience aiguë de l’injustice et de la relégation. L’image de l’autorité publique souffre d’un grand déficit aux yeux des jeunes.

    Un pauvre dispositif d’assistance sociale

    Ce constat conduit à une question essentielle : dans quelle mesure la révolution a-t-elle provoqué une rupture dans la manière de «  gouverner  » les jeunes habitants de ces territoires en butte à la précarité et au chômage de masse  ? Nos entretiens avec les autorités locales ainsi que la lecture des différentes décisions du conseil local de développement d’Ettadhamen éclairent le volet social de la gouvernance post-14 janvier. Ils révèlent l’absence persistante de toute politique de jeunesse, tant du point de vue des ressorts de l’intervention publique que de celui des structures chargées de sa mise en œuvre. Malgré un discours officiel reconnaissant la «  marginalisation politique et sociale des jeunes  », les actions spécifiques en faveur de leur intégration sont quasi inexistantes. La seule mesure prise a consisté à réactiver, sous le gouvernement de Ghannouchi (17 janvier 2011-27 février 2011), la loi sur les «  chantiers  » dont l’impératif premier était de désamorcer la conflictualité sociale. Ainsi, en 2011, les municipalités de Douar Hicher et Ettadhamen avaient recruté sans contrat des jeunes chômeurs sans qualification. À l’été 2014, sous l’effet de la mobilisation, une dizaine d’entre eux ont obtenu des CDI. Force est donc de constater que presque quatre années après la révolution, une majorité de jeunes dans les deux quartiers demeurent exclus de tous les attributs de la citoyenneté sociale (assurance maladie, protection sociale, équipements collectifs) et privés de tout accès à des infrastructures cultuelles ou de loisirs…

    Faute d’une stratégie politique d’inclusion sociale et économique en faveur des jeunes, le dispositif de l’assistance publique demeure le seul outil de l’agir social du pouvoir auprès de ceux-ci. L’aide sociale, loin de colmater les brèches du chômage juvénile de masse, ne représente qu’une très faible prestation facultative attribuée aux personnes les plus démunies. À Ettadhamen, par exemple, le nombre des bénéficiaires de la gratuité des soins ne dépasse pas les 976 personnes tous âges confondus, tandis que seuls 750 ménages profitent des aides réservées aux familles nécessiteuses.

    À Douar Hicher, l’action sociale publique en direction des jeunes en situation de grande difficulté s’adosse au Centre de défense et d’intégration sociale (CDIS), une structure de proximité aux moyens très limités, mise en place en 1991 et affilée au ministère des affaires sociales. Or, malgré le grand dévouement de ses éducateurs sociaux, le CDIS est loin de pouvoir faire face tout seul.

    Il convient, néanmoins, de souligner deux changements dans le dispositif institutionnel local. Le premier concerne les prérogatives du délégué (mou’tamad). Fonctionnaire civil attaché au ministère de l’intérieur, celui-ci incarnait naguère l’ordre autoritaire et la corruption institutionnalisée. Fin 2011, une nouvelle loi a limité ses pouvoirs et lui a retiré le contrôle de l’aide sociale, qui relève désormais de la compétence du ministère des affaires sociales. Le deuxième changement renvoie à l’ouverture, en 2012, des délégations spéciales et du Conseil de développement local à la société civile et politique. En dépit de son importance, cette démarche s’apparente davantage à une volonté d’implication sélective de partenaires locaux cooptés. Sans nul doute, ces deux changements témoignent d’une évolution dans le rapport entre citoyen et État. Ils sont pourtant loin de provoquer une rupture avec les modes de gouvernance antérieurs, dans la mesure où ils ne traduisent pas une vision stratégique des manières et des procédés inclusifs permettant de prendre en compte les besoins des jeunes.

    La fonction économique de l’appareil sécuritaire

    Quid du volet sécuritaire de la gouvernance  ? Sous Ben Ali, le dispositif sécuritaire remplissait trois fonctions. Une fonction politique, en assurant la pérennité de l’ordre autoritaire par l’endiguement de toute forme de contestation. À Douar Hicher et Ettadhamen, celle-ci s’est déployée prioritairement, plus de vingt ans durant, à l’encontre de l’opposition islamiste, nahdhaoui dans les années 1990 puis parallèlement salafiste au lendemain de l’attentat de Djerba (attentat-suicide contre la synagogue de la Griba en avril 2002 ayant fait 19 morts).

    À partir des années 1990, la «  privatisation de l’État  », entendue ici comme l’accaparement des ressources économiques publiques et privées par Ben Ali et son entourage, confère à l’appareil sécuritaire une fonction économique. Celui-ci est en effet impliqué dans la régulation des activités en marge de la légalité et autres formes de ponction et de racket. Plusieurs récits que nous avons recueillis rapportent la participation de la police à diverses activités illicites à Douar Hicher et Ettadhamen. La dernière fonction est sociale. Elle se renforce dans le sillage de l’application des politiques d’ajustement structurel. Le dispositif sécuritaire veille au maintien de l’ordre social en jetant un filet policier étroit sur ces deux quartiers de relégation. Des rafles, et plus tard la loi 52-1192 — qui prévoit une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 1 000 à 3 000 dinars (472 à 1 418 euros) pour les consommateurs de cannabis — permettront, sous couvert de lutte contre la délinquance juvénile et la consommation des drogues, de renforcer la contention des «  classes dangereuses  » et l’encadrement de leur mobilité.

    À l’évidence, si la révolution a bousculé les fonctions prédatrice et politique de l’appareil sécuritaire, elle est loin d’avoir altéré son rôle social. En témoigne Thameur, un jeune rappeur de Douar Hicher : «  Vous voyez comment on est devenus au quartier. Il y a des jeunes qui passent une année sans descendre en ville, car la police peut arrêter le bus numéro 56, juste avant le tunnel ou au terminus de Bab al-Khadra, pour contrôle de papiers, et au hasard elle classe les individus : "Toi viens par ici  ! Toi par là  !" Même un étudiant, on lui trouve un prétexte pour l’envoyer faire son service militaire  !  »


    Orient XXI  Olfa Lamloum > 20 mars 2015
     
  • Qatar: La CGT et Sherpa portent plainte contre Vinci pour travail forcé (Bastamag)

     

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    Une plainte déposée par Sherpa et la Fédération nationale des salariés de la construction de la CGT (FNSCBA) vise les activités du groupe de BTP français Vinci au Qatar, dont une filiale commune à Vinci et à l’émirat [1]. « Les enquêtes menées sur place concluent à l’utilisation par ces entreprises de menaces diverses pour contraindre une population vulnérable à des conditions de travail et d’hébergement indignes et à une rémunération dérisoire », dénoncent Sherpa et la CGT. En clair, il s’agit de travail forcé et de servitude.

    Les conditions de travail sur les chantiers qataris du Mondial 2022 défraient la chronique depuis que plusieurs médias, dont Batsa !, et associations humanitaires ont tiré la sonnette d’alarme sur le nombre d’accidents mortels sur les chantiers. On estime qu’au rythme actuel des accidents de travail, près de 4000 ouvriers pourraient trouver la mort d’ici 2022. Les ouvriers sont souvent maintenus dans une situation de servitude, contraints de vivre et travailler dans des conditions terribles sans possibilité de protester ni de partir puisque leurs passeports sont confisqués d’entrée par les employeurs.

    Comme le rappelle une enquête à ce sujet publiée il y a quelques mois par l’Observatoire des multinationales et Basta ! (lire Conditions de travail sur les chantiers du Qatar : quel est le rôle de Bouygues et Vinci ?), Vinci a profité de ses relations étroites avec les dirigeants qataris pour décocher plusieurs contrats dans le pays. Le groupe de BTP emploie plusieurs milliers d’ouvriers pakistanais ou népalais sur ses chantiers, directement ou par le biais de ses sous-traitants.

    Responsabilité des multinationales

    La direction de Vinci a toujours assuré – comme Bouygues également présent dans l’émirat – que ses filiales n’étaient pas concernées par ces accusations et que le groupe assurait à ses ouvriers des conditions décentes de vie et de travail. Vinci avait même organisé une visite de journalistes français pour le démontrer... sans toutefois laisser entrer les syndicats !

    Sherpa et la CGT ont mené l’enquête sur le terrain et déclarent aujourd’hui avoir réuni suffisamment d’« éléments accablants » pour porter plainte contre les filiales de Vinci concernées. Une enquête difficile, selon Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux à Sherpa : « Les migrants sont terrorisés à l’idée des représailles qu’ils pourraient subir. Nous avons pu néanmoins collecter sur place des preuves formelles de conditions de travail et de logement indignes, pour une rémunération sans rapport avec le travail fourni, et effectué sous la contrainte de menaces. »

    Cette plainte est déposée quelques jours avant l’examen à l’Assemblée, le 30 mars, de la nouvelle mouture de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales vis-à-vis des activités de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger. Cette loi a été considérablement édulcorée comparée à la première version, rejetée il y a quelques semaines (lire notre article). Le nouveau projet ne prévoit plus de sanction pénale, mais seulement une amende relativement modeste. Et rend l’imputation de la responsabilité beaucoup plus difficile. Même allégé, ce projet de loi n’en suscite pas moins une étonnante levée de boucliers de la part des milieux patronaux français. Selon Sherpa, « pour éviter des morts au Qatar comme au Bangladesh, le texte devra être impérativement amendé lors du vote ». Laetitia Liebert, directrice de Sherpa, espère « que cette plainte obligera Vinci à respecter scrupuleusement le droit des travailleurs migrants dans les années à venir et sera un exemple pour le secteur du BTP dans son ensemble. »

    - Une pétition en ligne a été mise en place pour appuyer la plainte de Sherpa et de la CGT.

    - Lire notre enquête « Conditions de travail sur les chantiers du Qatar : quel est le rôle de Bouygues et Vinci ? »

    Olivier Petitjean 24 mars 2015

    Notes

    [1Sont visées par la plainte a filiale Vinci Construction Grands Projets (VCGP) et les dirigeants français de QDVC, la filiale mise en place par Vinci (49%) avec l’émirat (51%). Le fonds souverain du Qatar détient aussi 5,5% des actions de Vinci et a un représentant à son conseil d’administration.

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    http://www.bastamag.net/Qatar-plainte-Vinci-esclavage-Mondial-2022

  • Les hydrocarbures non-conventionnels au Maghreb : un écocide annoncé (Attac)

     


    Alors que beaucoup a été écrit sur la fracturation hydraulique en Amérique du Nord et en Europe, ce document donne un aperçu de la situation et des perspectives de développement de l’exploitation des gaz et pétroles de schiste dans le sud saharien au Maghreb et de la mobilisation des populations locales, souhaitant lever le voile sur l’impunité des entreprises pétrolières et gazières dans ces trois pays.

    Commencées il y a quelques années, les explorations ont été faites sans aucune information de la population. Les opérateurs, quant à eux, n’ont pas attendus pour se présenter, souhaitant être les premiers à pouvoir profiter de cette richesse potentielle, avec la complicité des gouvernements qui, ous des formes différentes mais dans les trois pays, ont modifié leurs législations (mesures fiscales incitatives, exemptions de droits de douane, réduction de la participation de l’État) afin de faciliter la venue des investisseurs

    La situation de stress hydrique des pays, ainsi que l’existence d’une unique nappe fossile transfrontalière (Algérie, Tunisie, Lybie) rend de telles exploitations particulièrement lourdes de conséquences sanitaires, sociales et environnementales.

    Le document a été écrit alors que les populations du sud algérien maintenaient une pression très forte face aux autorités en place en exigeant un moratoire sur les projets d’exploration et d’exploitation, décidés dans l’opacité la plus totale. L’issue de cette lutte sera essentielle à suivre car elle pourra porter ses fruits pour l’ensemble de la région du Maghreb. mardi 24 mars 2015

    Télécharger la brochure

    https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports-37/article/les-hydrocarbures-non

     

  • Programme du CADTM au FSM de Tunis 2015

     *

    Le Forum Social Mondial se tiendra cette année à Tunis, en Tunisie, du 24 au 28 mars. Le CADTM, partie prenante du processus depuis ses débuts, sera présent au FSM avec une délégation de plus de quarante personnes venant de Belgique, de France, de Suisse, de RDC, du Bénin, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Togo, du Niger, du Mali, du Sénégal, de Tunisie, du Burkina Faso, de République du Congo, du Maroc, d’Haïti, d’Argentine, d’Inde et du Pakistan. 


    Le CADTM organisera ou co-organisera une douzaine d’ateliers sur différents thèmes. Il participera également à plusieurs ’assemblées de convergence’. Vous trouverez le programme détaillé en dessous et nous publierons au fur et à mesure les différentes nouvelles en direct de Tunis.

     *

    March 24th 11h

    Assemblée des femmes
    Women’s assembly

    Assemblée des jeunes
    Youth assembly


    March 24th 15h

    Marche d’ouverture du FSM
    Opening march of the WSF


    March 25th 8h30-11h
    - Mini Amphi 146

    • Grèce sur le fil du rasoir : quels enjeux pour les mouvements sociaux ?
    • Greece on a razor’s edge : what is at stake for social movements ?
    • Grecia sobre el filo de la navaja : ¿qué retos para los movimientos sociales ?
      Co-Organizer : ARCI, CADTM, Transform !, ATTAC France
      With Eric Toussaint (CADTM International)


    March 25th 8h30-11h
    - Mini Amphi N

    • Les mauvaises conditions de travail nuisent gravement à la santé
    • Bad working conditions seriously damage health
    • ES Las malas condiciones de trabajo perjudican seriamente la salud
      Co-organizer : SUD Santé Sociaux (France), CNE (Belgique), RNND (Niger), CUT (Brésil), Action Aid India
      With Sanoussi Malam Saidou (RNDD Niger)


    March 25th 15h-17h30
    - Amphi B B

    • Dette, extractivisme et crise climatique
    • Debt, extractivism and climate crisis
    • Deuda, extractivismo y la crisis climática
      Co-organizer : CADTM AYNA, Les Amis de la Terre France, Attac, ELA, E-CHANGER/COMUNDO, GUE, CADTM
      With Maria Elena Saludas (ATTAC Argentine/ CADTM AYNA), Nicolas Sersiron (CADTM France/CADTM Europe), Issa Aboubacar (RNDD Niger/CADTM Afrique), Juliette Renaud (Les Amis de la terre France), Sol Sanchez (ATTAC Espagne), Ainhara Plazaola et Txext de BIZI (ELA), Claude Desimoni (E-Changer )


    March 25th 15h-17h30
    - Salle I105 - I104

    • Du Sud au Nord, l’audit citoyen : outil de mobilisation populaire en vue de l’annulation de la dette
    • From South to North, the citizen debt audit : instrument for the popular mobilisation in view of the debt cancellation
    • Del Sur al Norte, la auditoría ciudadana : herramienta de movilización popular con vistas a la anulación de la deuda
      Co-Organizer : CGSP, CETIM, ATTAC France, GUE
      With Issa Kamissoko (CAD-Mali/CADTM Afrique), Syed Abdul Khaliq (CADTM Pakistan), Thomas Coutrot (ATTAC France/ CAC), Gilbert Lieben (CGSP), Florian Rochat (CETIM)Issa Kamissoko (CAD-Mali/CADTM Afrique), Maria Elena Saludas (ATTAC Argentine/CADTM AYNA), Syed Abdul Khaliq (CADTM Pakistan), Thomas Coutrot (ATTAC France/ CAC), Gilbert Lieben (CGSP), Florian Rochat (CETIM)


    March 25th 15h-17h30
    - Salle SP 14

    • La coopération solidaire Nord-Sud-Nord pour renforcer les mouvements sociaux du Sud
    • North-South-North solidarity cooperation in order to strengthen social movements of the South
    • La cooperación solidaria Norte-Sur-Norte con el fin de fortalecer los movimientos sociales del Sur
      Co-Organizer : CADTM, SOLIFONDS, World March of Women - Marche Mondiale des femmes - Marcha Mundial de las Mujeres, Unité, La Via Campesina, E-CHANGER/COMUNDO
      With Mimoun Rhamani (ATTAC CADTM Maroc)


    March 26th 8h30-11h - Salle I208 - I 207

    • Dette et libre-échange
    • Debt and free exchange
    • Deuda y libre comercio
      Co-Organizer : CADTM Afrique, Egyptian Center for Economic and Social Rights, FGTB Liège-Huy-Waremme, GUE, CADTM
      With Brahim Oubaha (ATTAC CADTM Maroc/CADTM Afrique), Anouk Renaud (CADTM Belgique/CADTM Europe), Maria Elena Saludas (ATTAC Argentine/CADTM AYNA), Abdoulaye Sene (UNSAS/CADTM Sénégal/CADTM Afrique), Sushovan Dhar (CADTM Inde), Heba Khalil (Egyptian Center for Economic and Social Rights)


    March 26th 8h30-11h
    - Mini Amphi O

    • Les nouveaux outils des multinationales pour privatiser la santé et la protection sociale : investissement à impact social, PPP, M-Santé, E-santé
      Co-Organizer : UGTT : Union Générale Tunisienne du Travail, Federation SUD santé sociaux, RAID, Centrale Nationale des Employés CNE, Théâtre du Copion, People’s Health Movement (PHM), Global Social Justice, Réseau Européen contre la Privatisation et la Commercialisation de la Santé et de la protection sociale-European Health Network, Syndicat national des médecins, des pharmaciens et des médecins dentistes de la santé publique
      With Salaheddine Lemaizi (ATTAC/CADTM Maroc/CADTM Afrique)


    March 26th 11h30-14h
    - Salle de conférence

    • Dégage, microcrédit, dégage ! Les femmes unissent leurs luttes, résistances et alternatives
    • Go away, microcredit, go away ! Women unite their struggles, resistances and alternatives
    • Fuera, microcrédito, fuera ! Las mujeres unen sus luchas, resistencias y alternativas
      Co-Organizer : CADTM Afrique, Attac, Genre en Action, Association Tunisienne des Femmes Démocrates ATFD, AFTURD, GUE, CADTM
      With Samira Elaloui (ATTAC/CADTM Maroc/ CADTM Afrique), Emilie Achtaka (CADD Bénin/CADTM Afrique), Sushovan Dhar (CADTM Inde)
      Sékou Diara (CAD Mali/CADTM Afrique)


    March 26th 15h-17h30
    - Amphi ASN

    • Pourquoi et comment désobéir aux créanciers ?
    • Why and how to disobey the creditors ?
    • ¿Por qué y cómo desobedecer a los acreedores ?
      Co-Organizer : CADTM AYNA, Transnational Institute, Observatoire Tunisien de l’Economie, ATTAC France, CADTM
      With Camille Chalmers (PAPDA/CADTM AYNA), Sékou Diara (CAD Mali/CADTM Afrique), Najib Akesbi (économiste, professeur de l’enseignement supérieur), Chiara Filoni (ICAN/CADTM Belgique), Trumbo Vila (TNI), Thomas Coutrot (ATTAC France/CAC ), Chafik Ben Rouine (Observatoire Tunisien de l’Economie)


    March 26th 15h-17h30
    - Salle I208 - I207

    • Accords de partenariats économique Union européenne-Afrique : une menace pour les peuples
    • Economic Partnership Agreements EU-Africa : a threat to people
    • Acuerdos de Asociación Económica entre la UE y África : una amenaza para los pueblos
      Co-Organizer : Enda CACID, CADTM Afrique, Brot für die Welt - Evangelischer Entwicklungsdienst, ATTAC France, CGT, Aitec-IPAM
      With Broulaye Bagayoko (CAD Mali/CADTM Afrique)


    Assemblée de convergence


    March 27th 11h30-14h
    - Salle I106

    • Les nouvelles politiques des IFI, l’UE et les USA dans la région arabe après les soulèvements populaires
    • The new policies by the IFIs, the EU and the USA in the Arab region after the popular uprisings
    • Las nuevas políticas de las IFI, la UE y Estados Unidos en la región árabe tras los levantamientos populares
      Co-organizer : CADTM Afrique, CLA, CNCD-11.11.11
      Salaheddine Lemaizi (ATTAC/CADTM Maroc/CADTM Afrique), Fathi Chamkhi (RAID-ATTAC-CADTM Tunisie/CADTM Afrique), Achour Idir (CLA)


    March 27th 11h30-14h
    - Salle TD 3

    • L’austérité requiert une résistance
    • Austerity needs resistance
    • Austeridad necesita resistencia - De Atenas a Madrid
      Co-organizer : ATTAC Deutschland
      With Renaud Vivien (CADTM Europe)


    March 27th 15h-17h30
    - Salle I105 - I104

    • Casser la spirale de l’impôt injuste et de la dette odieuse
    • Break down the vicious circle of unjust taxation and odious debt
    • Romper la espiral de impuesto injusto y de la deuda odiosa
      Co-Organizer : CADTM Afrique, Egyptian Center for Economic and Social Rights, CNCD-11.11.11, CADTM
      With Najib Akesbi (économiste, professeur de l’enseignement supérieur), Fathi Chamkhi (RAID-ATTAC-CADTM Tunisie/CADTM Afrique), Camille Chalmers (PAPDA/CADTM AYNA), Antonio Gambini (CNCD-11.11.11.), Heba Khalil (Egyptian Center for Economic and Social Rights)


    March 28th 8h30-11h
    - Salle I105 - I104

    • Syriza, Podemos, … Restructuration ou annulation de la dette illégitime ?
    • Syriza, Podemos… Restructuration or annulation of the illegitimate debt ?
    • Syriza, Podemos… ¿Reestructuración o anulación de la deuda ilegítima ?
      Organizer : CADTM
      With Eric Toussaint (CADTM Europe), Miguel Urban (Podemos), Marie-Christine Vergiat (Front de gauche/France), M.Kolouglou (Syriza/Grèce), Gabi Zimmer (Die Linke)


    March 28th 16h 
    Marche de clôture

    19 mars par CADTM

    http://cadtm.org/Programme-du-CADTM-au-FSM-de-Tunis

  • Nouveautés gaz de schiste sur Algéria Watch

     

    Dossier Gaz de Schiste:

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/gaz_schiste/non_au_gaz_de_schiste.htm

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

    *

     LDH (France), CRLDHT, FTCR, ATF, Front populaire IdF, REF, ADTF, DTCE, AIDDA, Collectif 3 C, Al Massar, Al Joumhouri - 20 mars 2015

     

     WSF - 19 March 2015

     

     FSM - 19 mars 2015

     

     SIVAN Eyal, SIBONY Michèle - 18 mars 2015

     

    Laïcité UJFP - 19 mars 2015

     

     SIBONY Michèle - 6 mars 2015

     

     Collectif- - 19 mars 2015
  • Tunisie, la « normalisation » est lancée (Npa)

    Le 5 février, le Parlement issu des élections du 26 octobre 2014 a voté la confiance au nouveau gouvernement à une écrasante majorité de 81,5 %.

    Un gouvernement pour tenter d’enterrer la révolution

    Le profil des principaux membres du gouvernement résume à lui seul sa fonction : tenter de « refermer la parenthèse révolutionnaire ouverte le 14 janvier 2011 ».
    Au-dessus de l’édifice trône le président de la République Beji Caïd Essebsi, fondateur en 2012 de Nidaa Tounes : sorte de monarque républicain, c’est sur lui que reposent toutes les décisions importantes. Ministre de la Défense puis de l’Intérieur sous Bourguiba (1), il incarne avant tout la volonté de maintenir l’ordre bourgeois. Fonction qu’il a notamment remplie en 2011 comme Premier ministre, du 27 février à la fin décembre (2).


    Sous ses ordres directs, se trouve le Premier ministre Habib Essid qui a participé au pouvoir sous Ben Ali, Essebsi, puis sous les islamistes (3). Ancien magistrat, le ministre de l’Intérieur a également été un serviteur zélé des régimes de Ben Ali et d’Ennahdha (4).
    Symbolisant le « compromis historique » réalisé entre les néolibéraux « modernistes » de Nidaa et les islamistes d’Ennahdha, un ministère (5) a été accordé à Zied Laâdhari, le porte-parole d’Ennahdha. Il est flanqué de trois secrétaires d’État de son parti.
    Incarnant une certaine continuité avec le régime de Ben Ali, on trouve également dans ce gouvernement trois ministres du parti UPL de l’affairiste douteux Slim Riahi (6) et trois ministres du parti ultra-libéral Afek Tounes.

     

    Ce gouvernement comporte au total 42 membres, dont un peu moins de la moitié représentent officiellement des partis politiques : Nidaa (19 %), Ennahdha (9,5 %), UPL (7,1 %), Afek Tounes (7,1 %) et FSN (2,4 %). Les autres ministres sont répertoriés comme « indépendants ».

    À propos du nouveau gouvernement, quelques commentaires de la gauche tunisienne :

    Ligue de la gauche ouvrière (7) communiqué du 28 décembre 2014 : « La Ligue de la gauche ouvrière (LGO) refuse de participer au gouvernement de la majorité parlementaire, non seulement à cause de l’alliance prévue entre Ennahdha et Nidaa Tounes avec la participation des islamistes au gouvernement, mais surtout en termes de rejet du programme économique et social hostile aux intérêts des larges masses comme il a été constaté dans le budget désastreux dernièrement adopté par l’Assemblée. La Ligue de la gauche ouvrière refuse d’accorder sa confiance à la composition gouvernementale attendue parce que son programme et ses composantes ne travailleront que pour restaurer l’ancien régime dans ses grands choix et orientations. La LGO appelle les députés du Front populaire à la nécessité de s’éloigner de la logique des polarisations politiques imaginaires entre Nidaa Tounes et Ennahdha au sein et en dehors du Parlement ».

    Hamma Hammami (Parti des travailleurs et porte-parole du Front populaire) (8) : « Certaines personnes accusées dans des affaires de terrorisme et d’assassinats, font partie du gouvernement Essid. Le militantisme se poursuit afin de révéler la vérité autour de l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, ainsi que la vérité concernant les affaires du terrorisme et des martyrs de la révolution. »

    Zied Lakhdhar (PPDU et Front populaire) (9) : « Dans le partage des ministères, là où il n’y a pas un représentant de Nidaa Tounes, il y a un représentant d’Ennahdha ou d’une formation politique proche de ce parti, comme si on voulait bien se garder d’ouvrir certains dossiers pas très catholiques de la troïka dans les domaines de l’agriculture, de l’équipement, de l’industrie, de la santé et des domaines de l’État. Pour cela, chaque ministre de Nidaa Tounes a été flanqué d’un secrétaire d’État d’Ennahdha ou proche de ce parti, tels la santé, l’agriculture, etc. »

    Mbarka Brahmi (Courant populaire et Front populaire) (10) : « Sur le fond et la forme, ce gouvernement représente une alliance entre les forces libérales, des personnalités de l’ancien régime et des restes de la troïka ».

    Zouhaier Maghzaoui (Mouvement du peuple) (11), les Tunisiens sont victimes d’une tromperie de la part d’Ennahdha et de Nidaa : « Tout au long de leurs campagnes électorales, ils se présentaient aux électeurs comme ennemis alors qu’aujourd’hui ils se retrouvent côte à côte au sein du même gouvernement ».

    Fathi Chamkhi (LGO et Front populaire) : « Qu’ils se réclament du ‘modernisme’, de l’islamisme ou franchement du libéralisme, ils n’ont en fait que des divergences de façade. Ils le savent très bien ! Aucun n’a véritablement de programme, encore moins un projet pour cette Tunisie qui a rejeté l’austérité et les restructurations néolibérales, et qui continue de refuser d’en supporter les frais. Ce qui compte pour eux, c’est de convaincre les vrais maîtres de la Tunisie, à savoir le capital étranger, qu’ils représentent une alternative viable à l’ancien pouvoir dictatorial. Il va de soi qu’ils poursuivent sa politique néolibérale, sans se soucier du droit des Tunisiens à disposer librement d’eux-mêmes. Leurs divergences de façade sont en train de passer à la trappe. Fini pour Nidaa les appels à l’alliance large des démocrates pour la défense de la ‘société civile’ contre ‘la menace islamiste’, qui lui ont permis de se construire puis de gagner les élections. Fini aussi, les discours du parti islamiste sur la nécessité de défendre la révolution contre les représentants de l’ancien pouvoir de Ben Ali. Une fois les élections passées, les masques sont tombés. L’heure est à ‘l’union sacrée’. Il est clair que les différentes expressions de la contre-révolution se préparent, en s’unissant, à passer à la contre-offensive contre les classes laborieuses et la jeunesse qui revendiquent une vie meilleure et un avenir ». (12)

    A propos du nouveau ministre de l’Intérieur

    Le nouveau ministre de l’Intérieur est considéré comme le symbole de la volonté de « normalisation » du nouveau gouvernement.

    * Kalthoum Kannou (Association des magistrats de Tunisie) : la nomination de Najem Gharsalli comme ministre de l’Intérieur « est le pire choix que pouvait faire Habib Essid », car il « a joué un rôle sous la dictature dans le harcèlement des juges honnêtes » (13).

    * Ahmed Seddik (Mouvement Baath et Front populaire) (14), « Le nouveau ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Habib Essid, Najem Gharsalli n’est pas habilité à se voir confier le dossier des assassinats politiques. Najem Gharsalli est impliqué, sous l’ancien régime, dans de graves violations des droits de l’homme, s’agissant notamment de la transgression des droits des magistrats au rassemblement et à l’expression ainsi que sa tentative de renverser les structures légitimes de l’Association des magistrats de Tunisie. »

    * Mbarka Brahmi (Courant populaire et Front populaire) : « Najem Gharsalli a été désigné pour assurer la sécurité des Tunisiens, mais on ne peut lui confier la sécurité des Tunisiens sachant qu’il sera difficile pour lui de dévoiler les assassins des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ».

    À propos de la politique économique et sociale du gouvernement.

    Fathi Chamkhi (LGO et Front populaire) met les points sur les « i » : « Le train est déjà lancé ! Il poursuit dans la même voie sans issue, tout en essayant d’aller plus vite. Concrètement, le gouvernement veut poursuivre la mise en œuvre du second Plan d’ajustement structurel dicté par le FMI et la Banque mondiale, ainsi que des nouveaux accords de libre-échange avec l’Union européenne. L’holocauste social va se poursuivre, ce qui risque fort de rendre, de nouveau, la situation explosive ».

    Le « compromis historique »

    Après avoir passé leur temps à se diaboliser mutuellement pendant près de trois ans, Essebsi et Ghannouchi (respectivement présidents de Nidaa et d’Ennahdha) sont passés aux choses sérieuses dès les lendemains du deuxième tour des élections présidentielles (15). Les prémisses d’une alliance finale entre Nidaa et Ennahdha étaient en fait visibles depuis l’été 2013 : aux lendemains de l’assassinat de Mohamed Brahmi les présidents de Nidaa et d’Ennahdha avaient en effet fait le voyage à Paris pour une rencontre dont il avait été dit qu’elle était censée demeurer secrète. Par la suite, d’autres rencontres avaient suivi. Un deuxième indice de cette orientation avait consisté pour Ennahdha à ne pas présenter de candidat aux élections présidentielles contre Essebsi, et à prêcher la « neutralité » lors du vote. En agissant ainsi, la direction d’Ennahdha ouvrait la porte à une participation au futur gouvernement.

    Certes, Nidaa Tounes et Ennahdha se sont longtemps opposés sur certains sujets comme les rapports entre la religion et l’État, ou sur les droits des femmes et leur place dans la société. Mais chacun des deux partis a fait le constat qu’il était dans l’incapacité d’éliminer l’autre comme le prouvent les résultats des élections législatives : malgré son impopularité suite aux deux années passées au pouvoir, Ennahdha n’a obtenu que 7,8 % de députés de moins que Nidaa.
    Par contre, sur le plan économique et social rien de fondamental ne les différencie. Et visiblement, ce qui les unit a été plus important que ce qui a pu les diviser. Un tel rapprochement entre les deux frères ennemis s’est naturellement fait sous l’œil bienveillant, voire les pressions plus ou moins amicales, des grandes puissances et des institutions internationales.

    La seule chose qui avait empêché les deux vieux renards de mettre en œuvre trop rapidement ce projet de « compromis historique » était les remous qu’une telle politique était susceptible d’entraîner dans leurs partis respectifs. L’un comme l’autre avaient besoin de temps pour y limiter la casse. Simultanément, les dirigeants des deux partis chauffaient à blanc leurs bases respectives pour les rassurer et améliorer avant les législatives leur rapport de forces électoral réciproque.

    Le choix du roi

    Une grande partie de celles et ceux qui avaient voté pour Nidaa Tounes aux législatives, puis pour Beji Caïd Essebsi aux présidentielles y présentaient ce choix comme un moyen efficace de « se débarrasser une bonne fois pour toutes d’Ennahdha et de son allié Marzouki ». Ils en ont été pour leurs frais.
    Du côté de Nidaa, la participation d’Ennahdha au gouvernement a été difficile à faire avaler, notamment parmi les femmes. Fathi Chamkhi explique : « Beaucoup, surtout parmi celles et ceux qui ont voté pour Nidaa, se sentent trahis par cette alliance qui réinstalle au gouvernement les islamistes qu’ils voulaient écarter, en votant pour Nidaa. L’argument du “vote utile” contre le “danger islamiste” avait permis à Nidaa de siphonner les voix de plusieurs partis, ainsi que d’une partie de celles du Front populaire » (16).


    D’après un responsable de Nidaa, près de 80 % des députés de ce parti étaient à la mi-janvier opposés à la participation d’Ennahdha au gouvernement (17). Il en allait de même pour 90 % du Bureau exécutif (18). Mais Essebsi a décidé le contraire et en final, le 5 février, un seul député de Nidaa a voté contre la confiance au gouvernement incluant des islamistes (19).


    En agissant ainsi, Essebsi voulait pouvoir disposer des voix d’Ennahdha qui, avec 69 députés, représentent 32 % de l’Assemblée. Il espère ainsi mettre la majorité parlementaire à l’abri des sautes d’humeur de ses différentes composantes, et cela d’autant plus que :


    • La majorité des deux tiers lui sera nécessaire pour faire adopter certaines lois devant être mises en conformité avec la Constitution votée en janvier 2014 ;
    • Le gouvernement devra être suffisamment solide pour affronter les mobilisations sociales suscitées par la mise en œuvre des mesures néo-libérales dictées par le FMI et la Banque mondiale.

    Les raisons de la direction d’Ennahdha

    Si les dirigeants d’Ennahdha ont décidé de prêter allégeance à Essebsi qu’ils avaient auparavant farouchement combattu (20), c’est avant tout parce que les islamistes voulaient absolument garder une place, même modeste, au sein de l’exécutif. En agissant ainsi, ils entendent se prémunir contre le sort qu’ont subi leurs cousins égyptiens. Ils espèrent également pérenniser les nombreux emplois dans les administrations qu’ils ont procurés à leur clientèle pendant les deux années où ils ont été au pouvoir.
    Être au gouvernement devrait également faciliter l’étouffement d’une partie au moins des exactions auxquelles ils sont liés : multiples voies de fait des milices islamistes, répression à la chevrotine du soulèvement de Siliana, attaque du siège national de l’UGTT, assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, etc.

    Le prix à payer pour un tel retournement est élevé dans les rangs d’Ennahdha. Une grande partie de ses membres et de son électorat voulait voter pour un candidat d’Ennahdha aux présidentielles. Ils ont refusé la consigne de « neutralité » et ont activement fait campagne pour Marzouki.
    Fathi Chamkhi commente : « Ennahdha assiste impuissante au rétrécissement de sa base électorale. Son discours idéologique, qui lui avait permis de gagner les élections de 2011, est en train de tomber en lambeaux. Après son échec au pouvoir, son alliance avec Nidaa lui ôte toute crédibilité aux yeux de larges couches des classes populaires qui étaient tombées, il y a trois ans, sous le charme de l’idéologie islamiste. »


    Certaines figures historiques, comme l’ancien secrétaire général et ancien Premier ministre Hamadi Jebali, ont claqué la porte. Mais, finalement, aucun député d’Ennahdha n’a voté contre la confiance au gouvernement (21).

    Lors du vote de confiance du 5 février, l’opposition parlementaire a regroupé 18,6 % députés (22) :
    • 9,3 % représentent l’opposition de gauche au gouvernement : essentiellement le Front populaire, plus le Mouvement du peuple (nassérien), le député du MDS et le député indépendant Adnen Hajji. Tous ont voté contre la confiance au gouvernement,
    • 4,9 % sont issus de la « troïka » au pouvoir en 2012-2013 : d’une part le CPR de Marzouki et le Courant démocratique (scission de 2013 du CPR) qui ont voté contre la confiance ; d’autre part les dissidents d’Ennahdha qui se sont abstenus.
    • 2,5 % sont des dissidents de Nidaa : l’un d’entre eux a voté contre la confiance, les autres se sont abstenus.

    Le positionnement du Front populaire

    Cette coalition, qui fonctionne au consensus, regroupe la plupart des forces de gauche et nationalistes arabes. Elle s’était constituée à l’automne 2012 sur la base du double refus des politiques d’Ennahdha et de Nidaa (23). Au lendemain de l’assassinat de Mohamed Brahmi (un des dirigeants nationaux du Front populaire), le 25 juillet 2013, le Front populaire avait néanmoins participé à un éphémère Front de salut national aux côtés de Nidaa Tounes, ce qui l’avait momentanément affaibli (24).

    Le Front a néanmoins réussi par la suite à franchir successivement plusieurs épreuves :


    • Refuser en janvier 2014 de voter la confiance au gouvernement qui a succédé à celui des islamistes du CPR et des sociaux-démocrates d’Ettakatol (25) ;
    • Parvenir à un consensus sur les têtes de liste aux élections législatives du 26 octobre ;
    • Multiplier par 2,5 le nombre de ses députés à l’Assemblée (26) ;
    • Multiplier ensuite au premier tour des présidentielles par 2,4 le pourcentage de voix obtenu aux législatives ;
    • Affirmer la nécessité de combattre à la fois Nidaa et le duo Ennahdha-Marzouki (au pouvoir en en 2012 et 2013), contrairement à ce que voulaient les partisans du « tout sauf Ennahdha et son allié Marzouki » (27) ;
    • Combattre le budget d’austérité et refuser de le voter à l’Assemblée (28) ;
    • Refuser de voter la confiance au nouveau gouvernement, et à plus forte raison d’y participer.

    Parvenir à un consensus sur ces différents points n’était pas joué d’avance étant donné l’hétérogénéité du Front, les différentes trajectoires politiques de ses composantes, certaines méfiances héritées du passé et le souvenir de l’explosion de la première expérience de regroupement intervenu dans la foulée du 14 janvier 2011.

    Politiquement, le défi posé au Front était simultanément de :


    • Ne pas se laisser satelliser par Nidaa ;
    • Mettre en échec les manœuvres de Nidaa qui voulait pouvoir justifier son revirement en affirmant fallacieusement que c’était le refus du Front populaire de s’allier à eux qui les aurait contraints à se tourner vers les islamistes pour constituer une majorité au Parlement (29) ;
    • Tenir un discours compréhensible par une partie de l’électorat et des militants du Front qui penchait pour un appel à voter Essebsi au deuxième tour des présidentielles, ainsi que pour l’abstention – voire même le vote favorable – lors du vote de confiance au futur gouvernement.

    Après de longs débats internes, le refus du Front populaire de participer au gouvernement et de voter la confiance a reposé sur trois arguments complémentaires :


    • Le refus de la présence de représentants d’Ennahdha ;
    • Le refus de la présence de symboles marquants de l’ancien régime ;
    • L’incompatibilité entre le programme du Front et celui du nouveau gouvernement.

    Jeudi 5 février en votant à l’unanimité contre la confiance au nouveau gouvernement, le Front populaire s’est affirmé comme le pivot de l’opposition politique de gauche au gouvernement.

    Un bilan d’étape du Front populaire

    Dans une interview du 8 février, Fathi Chamkhi explique notamment (30) :

    « Dans une situation de crise sociale grave, avoir 15 députés sur 217 (soit moins de 7 %), ce n’est pas assez. Je considère cela comme une défaite. Nous sommes largement derrière Nidaa (86 députés) et Ennahdha (69 députés). Le Front populaire s’est même laissé distancer par l’UPL (16 députés), un parti créé de toutes pièces par un homme d’affaires douteux, qui a longtemps séjourné en Libye et en est revenu après la chute de Kadhafi.


    Certes, le score du Front populaire aurait pu être pire vu ses défaillances organisationnelles, ses faiblesses d’analyse de la situation concrète, ses flottements politiques et ses hésitations à répétition. Le fait de s’être laissé piéger par Nidaa, après l’assassinat de Mohamed Brahmi en juillet 2013, dans le Front de salut national (FSN) a été une erreur. Cela est très clair aujourd’hui. Nidaa en a tiré un grand bénéfice politique, grâce à ses manœuvres au sein du FSN, puis la façon dont a eu lieu, en janvier 2014, l’éviction d’Ennahdha du pouvoir.


    Les répercussions fâcheuses des erreurs tactiques du Front populaire et de son manque de clarté stratégique, ont été atténuées par l’attitude de ses adversaires politiques. D’une certaine manière, le Front populaire a été tiré d’affaire par eux à plusieurs reprises. Il y a eu, par exemple, un débat intense au sein du Front populaire, autour de la question des alliances électorales : une partie du Front populaire se situait dans la vague du “vote utile” et était favorable à une alliance électorale large anti-Ennahdha. Nidaa a finalement aidé à trancher ce débat en décidant de se présenter seul aux élections. La même chose a eu lieu concernant le vote de confiance au nouveau gouvernement où le Front populaire donnait l’impression d’hésiter à propos de sa participation au gouvernement au côté de Nidaa (31). Dans le même temps, Nidaa était beaucoup plus tenté par une alliance avec Ennahdha. Il est vrai qu’un courant minoritaire, au sein de Nidaa, était opposé à cette alliance avec les islamistes et voulait renforcer sa position en cherchant un rapprochement avec le Front populaire. Mais, au final, Nidaa a opté pour l’alliance avec Ennahdha.


    Ce qui est positif c’est que, même si le Front populaire a fait des erreurs, il est parvenu à les surmonter. Maintenant, toutes les forces ayant voté la confiance au gouvernement vont essayer d’isoler le FP. Mais le FP a les ressorts suffisants pour serrer les rangs, améliorer son organisation, approfondir ses idées et avancer ses propres solutions. Je reste optimiste sur son avenir, même si ce n’est pas gagné d’avance. La situation est difficile, mais le FP a montré qu’il était en capacité de gérer ses tensions et de corriger ses erreurs. Il a gagné en maturité, même si des faiblesses demeurent au niveau de ses analyses. Le Front populaire compte en effet dans ses rangs des militant-e-s ayant les capacités et l’expérience nécessaires pour formuler un projet cohérent et compréhensible. Il lui reste à ne pas se limiter à agir au niveau du Parlement, mais à prendre toute sa place dans les mobilisations face à la crise économique et sociale que traverse le pays. »

    Faire face aux projets du nouveau gouvernement

    Le gouvernement dirigé par Nidaa Tounes a pour projet que la Tunisie reprenne pleinement sa place dans la politique voulue par les investisseurs étrangers et tunisiens, l’Union européenne, les États-Unis, la Banque mondiale, le FMI, etc.

    Dans la continuité des gouvernements précédents, le nouveau pouvoir veut notamment :


    • Continuer le remboursement de la dette extérieure, qui s’accompagne de coupes drastiques dans les dépenses sociales (par exemple dans la santé, l’éducation etc.) ;
    • Développer le libre-échange dans le secteur agricole, les services et les marchés publics, qui contribue à jeter dans la misère des millions de Tunisienn-e-s en particulier dans les régions déshéritées de l’intérieur ;
    • Abaisser les impôts sur les bénéfices des sociétés, ce qui creusera un trou béant dans les recettes de l’État ;
    • Privatiser des sociétés confisquées au clan Ben Ali ;
    • Poursuivre la compression des dépenses sociales en réduisant notamment les subventions aux produits de première nécessité ;
    • Imposer « l’ordre social » dans les grands centres ouvriers, en particulier le bassin minier ainsi que dans les entreprises du secteur privé où des structures syndicales s’étaient créées dans la foulée de la révolution (32).

    Nouveau cycle des luttes

    Après avoir été en partie parasitée pendant longtemps par la bipolarisation entre néolibéraux « modernistes » et néolibéraux islamistes, la question sociale est revenue au premier plan.

    * Les salariés ayant un emploi stable « sont aujourd’hui très touchés par la détérioration de leur pouvoir d’achat. Ils sont vraiment en train de s’appauvrir. Leur priorité est le pouvoir d’achat, le coût de la scolarisation des enfants puis de l’aide à leur apporter ensuite lorsqu’ils sont diplômés-chômeurs, etc. », explique par exemple Abderrahmane Hedhili (33). Il poursuit : « Cela est manifeste au niveau du taux de participation aux grèves. Auparavant, on atteignait des chiffres entre de 60 % et 90 %. Maintenant, c’est souvent 100 %, comme par exemple chez les enseignants ou dans les transports. Jamais les taux de grévistes n’ont été aussi élevés. »
    Pour 2014, fin octobre, le nombre total de jours de grèves avait déjà dépassé le chiffre record de toute l’année 2011. Depuis, de nombreuses grèves ont eu lieu, le niveau de mobilisation est tel que certaines se sont déclenchées sans respecter l’obligation de dépôt de préavis prévu par la législation. Cela a par exemple été le cas dans les transports en commun à Tunis et dans certaines régions.

    * Il y a par ailleurs « les plus précaires comme ceux qui travaillent sur les chantiers et dont beaucoup gagnent moins que le SMIC, ou encore les diplômés chômeurs, et les chômeurs non diplômés dont on parle peu mais qui sont beaucoup plus nombreux. Cette catégorie ne va pas rester les bras croisés. Ils ont attendu depuis quatre ans dans l’espoir d’une feuille de route prenant en considération leur situation. Mais il n’y a rien eu ».
    Preuve en est la vigueur des grèves de salariés précaires dans le bassin minier.

    * Symbolisant la convergence entre ces deux secteurs de la population, d’importantes mobilisations ont lieu, en particulier dans les zones déshéritées du sud du pays, incluant des grèves générales locales.

    En ce domaine, l’attitude de l’UGTT va jouer un rôle déterminant. En 2012 et 2013, sa direction nationale avait été essentiellement absorbée par sa volonté de faire partir en douceur le gouvernement Ennahdha. D’où son rôle moteur dans la mise en place du cadre consensuel ayant débouché en janvier 2014 sur l’adoption de la Constitution et la mise en place du gouvernement provisoire « de technocrates », chargé notamment de préparer les élections. Cette politique s’est accompagnée de relations de bon voisinage entre l’UGTT et le syndicat patronal UTICA.


    Maintenant que les objectifs politiques que la direction de l’UGTT s’était fixés ont été pour l’essentiel atteints, reste à savoir comment évolueront en son sein les rapports de forces entre ceux qui ne voudront pas « gêner » le nouveau gouvernement au nom de « l’intérêt national » et ceux qui considèrent que la défense résolue des intérêts des travailleurs reste le fondement de l’action syndicale.

    Reste à savoir également comment la gauche politique, associative et syndicale saura s’insérer dans les luttes et répondre aux attentes de celles et ceux qui ont été parmi les principaux moteurs de la révolution : la jeunesse, les chômeurs, les salariés, les femmes et les populations déshéritées de l’intérieur du pays (34). Il en va de même concernant la défense des libertés (qui sont à ce jour le seul véritable acquis de la révolution) et de l’environnement (35).
    L’essentiel reste aujourd’hui à faire parmi les masses pour stimuler leur organisation et leur conscientisation, afin de répondre aux besoins du nouveau cycle de luttes qui se joueront avant tout sur le terrain social.

    LEROUGE Dominique11 février 2015

    * Dominique Lerouge est militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA, France) et de la IVe internationale

    AVERTISSEMENT : cet article qui n’est disponible en version imprimee et en ligne que depuis le 21 mars a ete boucle le 11 fevrier, soit plus d’un mois avant l’attentat du Bardo.