La grande majorité des émissions de télévisions, des articles et des soi disant experts parlant sur les millions de réfugiés en provenance de Syrie ont le même discours :
le problème c’est l’Etat Islamique (EI). Certains vont même jusqu’à dire qu’il faut coordonner avec le régime Assad et ses alliés de la Russie et de la République Islamique de l’Iran pour régler et mettre un terme au problème de l’EI et dès lors des réfugiés. Sans être surpris par ces déclarations, je suis un peu quand même désabusé.
Pour être clair, l’EI est une organisation ultra réactionnaire et barbare, qui tue et terrorise des populations entières de toutes les religions et ethnies. Cette organisation ultra réactionnaire a poussé à l’exil des centaines des milliers de personnes, et même sûrement plus d’un million, entre l’Iraq et la Syrie. [1] Ce mouvement doit être combattu sans relâche, comme les autres organisations fondamentalistes religieuses de la région comme Al Qaida et d’autres forces djihadistes et salafistes soutenues par les monarchies du Golfe ou réseaux privés de ces derniers, mais avant d’arriver à la solution contre ce genre d’organisations, je voudrai simplement rappeler quelques faits concernant les raisons de l’exil de millions de personnes de Syrie.
Tout d’abord, l’établissement de l’EI en Syrie date de l’automne 2013 et déjà avant cette date des millions de syriens et syriennes étaient déplacés à l’extérieur et à l’intérieur du pays.
Le 3 septembre 2013, le HCR déclarait que le nombre de syriens et syriennes forcés à fuir en quête de refuge dans un pays étranger depuis le début du soulèvement populaire en Syrie en mars 2011 avait dépassé le seuil des deux millions. Cela signifiait environ 5 000 Syriens en moyenne qui fuyaient chaque jour vers les pays voisins. Plus de 97% des réfugiés syriens étaient hébergés dans des pays situés dans la région avoisinante. Par ailleurs, quelque 4,25 millions de personnes étaient déplacées à l’intérieur de la Syrie, selon les statistiques datant du 27 août 2013 publiées par OCHA, le Bureau de Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires. Considérés dans leur ensemble, ces chiffres totalisaient plus de six millions de personnes déracinées.
Les raisons qui avaient poussé ces millions de personnes à fuir leurs foyers étaient le régime Assad qui tuait, bombardait et réprimait des grandes parties de la population syrienne qui s’était soulevé contre sa tyrannie et sa barbarie. Voici quelques exemples.
En octobre 2012, l’ensemble du quartier de Masaa Al Arbaeen dans la ville de Hama, dont les habitants étaient perçus comme favorables à l’opposition du régime de Damas, a été détruit. 3256 bâtiments au total ont été réduits à néant.
En mai 2013, Le pont piétonnier historique qui enjambait l’Euphrate à Deir ez-Zor a été bombardé par le régime syrien. Il permettait de desservir la ville d’Hasakeh. Sa destruction a privé d’accès plusieurs dizaines de milliers de personnes.
En juillet 2013, dans la ville Homs, surnommé la capitale de la révolution au début du soulèvement populaire, et où vivaient quelque 900’000 personnes au début de l’année 2011, 60 à 70% du quartier de Khaldiyé était détruit, la plupart des maisons étaient inhabitables, les quartiers du vieux Homs étaient en ruine et la destruction des quartiers assiégés de Homs se faisait d’une manière systématique, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme. La ville était sous le siège et les bombardements des forces du régime depuis février 2012.
A partir de la fin de l’été 2012, le régime commençait à bombarder certains quartiers d’Alep. Le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk à Damas a subi un état de siège strict imposé dès l’été 2013, avec l’interdiction de circulation des personnes et des denrées alimentaires, aux quartiers insurgés au sud de Damas par le régime Assad et les organisations palestiniennes liés à ce dernier, en particulier le Front populaire de libération populaire- commandement général (FPLP-CG), commandé par Ahmad Jibril. Il ne restait qu’entre 15 000 et 20 000 personnes dans le camp en novembre 2014, avant 2011, Yarmouk comptait une population totale de 250 000 personnes.
C’est sans oublier l’usage massif du viol par les forces et milices du régime contre les opposantes, femmes civiles et autres ou les attaques à l’arme chimique du régime contre certaines régions comme dans la région de Damas campagne, la Ghouta, en aout 2013.
Mais que dire après l’établissement de l’EI en octobre 2013 en Syrie ? Cela était toujours le cas ? Oui bien évidemment, regardons les faits pour les six premiers mois de l’année 2015. Les hélicoptères du régime Assad ont largué 10,423 des barils explosifs sur différentes régions du pays, tandis que ce sont les forces du régime qui ont tué presque 90% des civils sur cette même période, 7 fois plus que l’Etat Islamique.
En mars 2015, des ONG de défense de droits de l’Homme ont enquêté sur les terribles exactions du régime : près de 13 000 Syriens sont morts sous la torture dans ses geôles depuis le début du soulèvement. Des dizaines de milliers d’autres croupissent toujours dans les prisons gouvernementales, et beaucoup sont portés disparus.
En mai 2015, une centaine de personnes, en majorité des civils, ont été tuées dans un raid de l’aviation syrienne sur un marché dans la ville de Douma.
La barbarie a plusieurs visages en Syrie, et celle du régime Assad est bien la pire. Le régime Assad et ses alliés (Iran, Russie et Hezbollah) sont responsables dans sa très grande majorité des plus de 200 000 tués en Syrie et des environs 10 millions de réfugiés externes et internes depuis le début du soulèvement en mars 2011.
Conclusion
Quelle est donc la solution ? La solution ne réside pas avec la collaboration avec des régimes autoritaires comme celui du régime Assad. La solution est bien sûr de s’opposer à l’EI et aux autres forces réactionnaires et djihadistes, qui pour rappel le régime Assad a favorisé leurs développement au début du soulèvement populaire en Syrie tout en tuant et réprimant les forces démocratiques et progressistes, mais également et surtout au régime barbare, criminel et autoritaires du régime Assad qui est la source de la catastrophe en Syrie et de l’exil de millions de syriens et syriennes. Ces deux acteurs barbares se nourrissent et sont donc à abattre pour espérer construire une société démocratique, laique et sociale en Syrie et ailleurs aussi.
Pour cela il faut soutenir les mouvements populaires démocratiques et sociaux qui s’opposent à ses deux forces contre révolutionnaires et aux différentes formes d’impérialismes (Etats Unis et Russie) et sous impérialismes régionaux (Iran, Arabie Saoudite, Qatar, et Turquie) qui combattent contre les intérêts des peuples en lutte de la région. Ces activistes existent encore en Syrie en luttant quotidiennement malgré les difficultés contre le régime Assad et les forces islamiques fondamentalistes [2]. Prenons par exemple aussi le cas de l’Iraq, pays dans lequel l’EI trouve son origine.
Ces dernières semaines un mouvement populaire s’est développé qui remettait en cause le régime de Bagdad soutenu par l’Iran. On pouvait en effet entendre dans ces manifestations des appels pour un Etat laic et non confessionnel, contre la division entre population sunnites et chiites, pour les droits des femmes et l’égalité, et une dénonciation claire des partis politiques confessionnelles. Les manifestant-es accusaient aussi le régime irakien confessionnel d’être aussi en partie responsable par ces politiques du développement de l’EI comme des pancartes le montraient sur lesquelles on pouvait notamment lire « le parlement et l’Etat Islamique (ou Daech) sont les deux faces d’une même pièce », « Daech est né des entrailles de votre corruption ».
Au delà de la situation au Moyen Orient et en Afrique du Nord, nous n’oublions pas le rôle des Etats occidentaux impérialistes dans cette situation. Les politiques racistes et sécuritaires de l’Union Européenne (UE) en matière de migration sont également responsables des drames quotidiens des réfugiés sur les routes, terre et mer, vers l’Europe. La politique de fermeture des frontières pousse des centaines de milliers de personnes fuyant la guerre et la misère à utiliser des moyens illégaux et dangereux pour tenter de rejoindre les pays européens. De même il faut condamner les politiques impérialistes et les guerres provoqués par ces états, qui sont responsables aussi des problèmes politiques et économiques qui sont à l’origine de la fuite des migrants et réfugiés.
C’est dans cette compréhension que l’on pourra sortir du cauchemar des dictatures et des fondamentalismes de tout genre et surtout permettra à des millions de personnes d’avoir une vie digne et libre.9 septembre 2015