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La cour d’appel de Mauritanie doit annuler les peines d’emprisonnement allant jusqu’à 15 années qui ont été prononcées contre 13 militants antiesclavagistes et les libérer de prison immédiatement, a déclaré Amnesty International avant leur audience prévue lundi 14 novembre.
« Les autorités se servent de cette affaire dont la solution est évidente pour tenter de faire taire les militants antiesclavagistes en Mauritanie, a déclaré Kiné Fatim Diop, chargée de campagne pour l'Afrique de l'ouest à Amnesty International.
« Depuis le début, ce procès est entaché d’irrégularités et d’allégations de torture qui n’ont pas donné lieu à une enquête. Les autorités n’ont pas réussi à prouver la moindre responsabilité pénale pour les actes de violence dont ces personnes sont accusées. La cour d’appel doit mettre un terme à cette mascarade. »
Amnesty International considère ces 13 militants comme des prisonniers d’opinion.
Ils ont été condamnés le 3 août à des peines allant de trois à 15 ans d’emprisonnement pour des faits de rébellion, de recours à la violence, d’agressions contre des policiers et des représentants de la justice et d’appartenance à une organisation non reconnue.
Ces accusations, forgées de toutes pièces, faisaient suite à une manifestation contre l’évacuation d’un bidonville qui a eu lieu dans la capitale, Nouakchott, en juillet. Pourtant, aucun des 13 militants n’était présent à cette manifestation et l’organisation dont ils sont membres, l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste, n’y a pas apporté son soutien.
L’un d’entre eux, Mohamed Jarroulah, se trouvait à 1 200 kilomètres de Nouakchott le jour de la manifestation. Malgré cela, il a été condamné à trois ans d’emprisonnement.
Un autre militant, Moussa Biram, affirme avoir été torturé en détention par des policiers le 16 août. Le tribunal a refusé d’examiner sa plainte, en prétendant ne pas avoir compétence pour la traiter, alors que la législation mauritanienne en matière de torture oblige les juridictions nationales à statuer immédiatement sur toutes les plaintes pour torture et à invalider tout élément obtenu sous la torture.
« La répression visant actuellement les militants antiesclavagistes et les défenseurs des droits humains en Mauritanie n’a aucune justification légale. Si la cour d’appel n’annule pas ces condamnations injustifiées, ce sera un affront aux centaines de milliers de personnes dans le monde qui militent pour l’abolition réelle de l’esclavage », a déclaré Kiné Fatim Diop.
Ici pas d’images d’affrontements ou de répression : ce documentaire adopte le regard d’un paysan pour devenir une chronique d’une culture politique à venir. A l’occasion du Festival des Etoiles organisé par la Scam les 5 et 6 novembre prochains, Télérama.fr diffuse le documentaire d’Anna Roussillon.
Rencontre avec la réalisatrice.
Comment vit-on les soubresauts de la révolution égyptienne lorsque l’on passe le plus clair de son temps courbé sur les rigoles d’irrigation de son champ, à des encablures de la place Tahrir ? Somptueux premier long métrage d’Anna Roussillon, Je suis le peupleadopte le point de vue de Farraj, paysan de la vallée de Louxor, propose un éclairant contre-champ aux images habituelles d’affrontements, de chars, de répression. Tourné sur la longueur, son film se révèle la chronique d’une culture politique naissante, scandée de doutes, d’enthousiasmes, de revirements et de désillusions… Deux ans et demi après la fin du tournage, et la chute de Mohammed Morsi, entretien avec sa réalisatrice.
Comment est née l’idée de ce documentaire ?
Il est le fruit de multiples bifurcations. En 2009, j’ai rencontré Farraj un peu par hasard, dans un champ où il venait de creuser des rigoles d’irrigation. J’étais en repérage à Louxor pour un projet de film sur le tourisme de masse et je ne parvenais pas à trouver la porte d’entrée pour mettre en images mon sujet. Farraj m’a présenté sa famille, quelques voisins. Sans idée précise, j’ai commencé à filmer son quotidien. Puis je suis revenue le voir à l’été 2010, et début janvier 2011, quelques jours avant la révolution. Je lui ai annoncé que je voulais faire un film avec lui sur la façon dont on vit à la campagne en Egypte. Les contours étaient flous. Le 27 janvier, veille du « Vendredi de la colère » où la révolution a démarré, j’ai repris l’avion pour Paris. L’idée était de préciser le projet, de déposer les dossiers pour les subventions et de revenir…
L’irruption de la révolution modifie votre projet. Vous décidez de la saisir par le prisme du quotidien de Ferraj, à des centaines de kilomètres des événements. Un sacré pari ?
Le lendemain de mon retour en France, la révolution a commencé. Il était impossible de faire comme s’il ne s’était rien passé. Plusieurs possibilités s’offraient à moi : rallier le Caire et documenter ce qui s’y déroulait, ou faire tout autre chose. Il était plus intéressant de tenter de saisir le processus depuis un endroit où il n’y avait personne, pas de caméra. Le sud du pays est resté assez calme par rapport au Delta où sont implantées les grandes usines textiles et où la tradition militante est forte.
Je voulais voir comment les gens que je connaissais allaient se sentir reliés –ou pas- à ce qui se passait, à l’effervescence révolutionnaire. Cela m’a décidée à rester au village et à regarder, à partir de là, comment Farraj allait construire sa compréhension des événements qui se déroulaient à des centaines de kilomètres et qu’il suivait à la télévision.
Il y avait, c’est vrai, une part de pari. Avant la révolution, nous n’avions jamais parlé politique avec Farraj. Mais, instinctivement, j’ai senti que quelque chose était possible. La forme précise du film s’est imposée au fur et à mesure.
Vous avez passé votre enfance au Caire. Sans la maîtrise de l’arabe et la connaissance du pays, un tel film aurait-il été possible ?
Je ne pense pas. La conversation politique avec Farraj, qui structure le documentaire, les échanges relatifs à la vie quotidienne auraient été impossibles. Mais au-delà de la langue, il y a cette espèce de rapport « entre-deux » que j’ai avec l’Egypte. Je ne suis ni complètement égyptienne ni complètement étrangère. Je connais bien le pays, je parle arabe… cela a permis de construire un espace intime.
Farraj s’avère un observateur boulimique et plutôt fin de la chose politique, un débatteur ardent.
C’est un moment très particulier que celui où un édifice politique est en train de craquer. Farraj comme beaucoup de gens rencontrés au village passait ses nuits devant la télé pour tenter de comprendre cet immense ébranlement et pouvoir en parler. Cela devenait l’un des attributs nécessaires à un homme de mettre des mots sur les événements. Une façon de se construire une image de responsable en étant capable d’élaborer un discours. En cela, Farraj est représentatif de cette vague qui a emporté tous les Egyptiens. Pour une fois, chacun était concerné par quelque chose qui excédait la famille, le village.
L’intrusion de la révolution a modifié son rapport au politique ?
Leur village est dans une zone très touristique. Le monde extérieur arrive par les touristes, la télé. Les habitants ne sont donc pas déconnectés. Mais c’était la première fois que Farraj faisait l’expérience de projeter ses espoirs dans un processus politique. Comme nombre d’Egyptiens.
Pendant deux ans et demi, de la chute de Moubarak à celle de Morsi, j’ai cheminé avec lui. Moi aussi, j’ai beaucoup bougé. C’était important pour moi que cela prenne la forme d’une conversation. Pas plus que lui, je ne savais ce qui allait se passer. On a avancé ensemble, y compris de façon conflictuelle. Nous n’étions pas toujours d’accord. J’ai essayé de rendre compte d’une autre réalité que celle des activistes de Tahrir habituellement filmés. Loin des images d’affrontements avec la police, de chars dans les rues… J’ai fait le choix de chroniquer la construction d’une nouvelle culture politique. Je voulais voir comment se transmet une onde de choc à des kilomètres de son épicentre.
Vos échanges avec Farraj et la voisine sont d’une grande liberté, empreints de profondeur, d’humour, de complicité joyeuse.
Ma relation avec Farraj est de l’ordre de l’amitié. A chacun de mes séjours, j’ai habité chez lui et sa femme Harajiyyé. Cette intimité a rendu les choses naturelles. Quant à Bata’a, la voisine, elle est la seule femme du village à avoir accepté de jouer le jeu, de discuter politique, à sa façon, avec moi. J’ai un statut un peu particulier. Je n’ai pas d’enfants, je ne suis pas mariée, je ne corresponds pas du tout à la trajectoire des femmes au village. Quand elle me taquine, c’est sa manière à elle de me dire que ce n’est pas évident pour elle d’être filmée, d’avoir une parole publique autour des questions politiques. A chaque fois avec elle, il y avait une espèce de négociation, un truc sourd.
Le film oscille entre deux temporalités : l’étirement d’un quotidien immuable fait de rituels, de tâches au village qui s’oppose à la frénésie révolutionnaire de la capitale vécue à travers le poste de télévision. Mais les deux mondes ne sont pas étanches, l’onde de choc se propage.
Mon intention était d’entremêler ces deux temporalités à l’origine très hétérogènes que sont la chronique politique depuis le village et la vie quotidienne. La vie quotidienne sans la politique est devenue impossible avec la révolution. Mais la politique sans la vie quotidienne ne me semblait pas très intéressante. Ce qui donne beaucoup de profondeur au discours de Farraj est qu’on sait d’où il parle. On voit son travail, sa famille, ses rythmes, ses responsabilités. C’est dans ce cadre que s’inscrit sa réflexion politique..
D’abord pro puis anti-Morsi… Farraj épouse les mêmes interrogations, les mêmes doutes, les mêmes désillusions, les mêmes revirements que des millions d’Egyptiens.
C’est vrai. Mais les positions de Farraj différaient de celles des autres habitants du village. La zone est très touristique, et la rumeur voulait que les Frères musulmans interdisent le tourisme, l’alcool. Alors, lors de la présidentielle, les gens n’ont pas voté Morsi. Mais, en dépit de ce positionnement différent, Farraj est représentatif de ce qui a mû les Egyptiens : le fait de se sentir enfin concerné par ce qui se passe, de détenir un vrai pouvoir entre les mains en allant voter.
Au fil du film, on assiste à un lent murissement, à l’émergence d’une nouvelle conscience politique, à une réflexion globale sur ce qui fait une société.
Ce qui m’intéresse, c’est là où ça frotte entre les deux consciences politiques : l’ancienne et la nouvelle. Les nouveaux idéaux qui fleurissent, à ce moment-là, n’effacent pas le rapport qu’avaient, avant, les gens à l’Etat. On le voit dans le film au moment de la contestation du projet de réforme de la Constitution voulu par Morsi –NDLR, qui prévoyait de renforcer ses prérogatives–, la peur revient très vite. Cela fait partie de l’ancienne culture d’avoir peur de la chose politique, de s’en tenir le plus loin possible pour vivre tranquillement.
Le film se termine avec la reprise en mains du pouvoir par Sissi. La malédiction qu’est la confiscation du pouvoir par les militaires depuis l’Indépendance se poursuit…
Quand le tournage se finit, je ne sais pas ce qui va se passer. A ce stade, la tournure que vont prendre les événements n’est pas claire. Même si le retour des militaires au pouvoir n’est jamais une bonne nouvelle. Et la situation actuelle n’est pas rieuse.
Mais, comme pour la Tunisie, je suis persuadée que ce qui s’est passé a profondément modifié le rapport des Egyptiens à l’autorité, à l’Etat. A l’heure actuelle, cette mue est un peu en sommeil tant il est redevenu dangereux de s’intéresser à la politique. J’ai pu le constater lorsque Farraj est venu, en janvier dernier, à Paris pour la sortie du film. Dans la salle, de nombreux spectateurs voulaient l’interroger sur la situation. Il s’y est refusé. Une réaction très significative du retour de la peur. Pourtant, j’en suis persuadée, les ferments de la révolution sont là, qui ne demandent qu’à être réactivés.
Votre film est dédié à votre père et aux révolutionnaires égyptiens.
Les deux ne sont pas liés. Mon père est décédé il y a une dizaine d’années. Il travaillait sur l’Egypte, il était politologue. La dédicace est une façon de le rendre un peu présent. J’aurais aimé qu’il voit le film.
Les révolutionnaires ? Ce film est ma façon de prendre part au grand récit de cette période. Plus il y aura de récits, plus cela rendra compte de la profondeur, de la complexité des dynamiques à l’œuvre à ce moment-là. Le film est aussi la trace de mon enthousiasme.
Crédit Photo: Contre la hogra, le peuple est dans la rue ! DR
Mouhcine Fikri, jeune vendeur de poissons, a été broyé par une benne à ordure après avoir cherché à récupérersa marchandise confisquée par la police. La scène filmée a provoqué une indignation majeure.
Des dizaines de manifestations massives ont eu lieu, faisant craindre une relance de la contestation populaire à la veille de l’ouverture de la COP22. L’événement a renvoyé au sentiment général d’une société qui broie les individus, enlève leur dignité, ne reconnaît pas leurs droits élémentaires et les prive même de leur gagne-pain.
Il faut dire qu’après le recul du M20 (mouvement du 20 février 2011) et la restauration de « l’autorité de l’État », les politiques antipopulaires se sont accélérées.
Privatisation du service public de l’enseignement et de la santé, asphyxie budgétaire des (maigres) services sociaux, démantèlement de la caisse de compensation des prix avec un effet direct sur les produits de première nécessité, réforme ultralibérale du système de retraite, licenciements de masse, aggravation du chômage des diplôméEs, démantèlement en cours du CDI dans la fonction publique, sans oublier la régression majeure des droits démocratiques et le retour sans fard des politiques répressives. Cinq ans après la lancée du Printemps arabe, les illusions sur une possible autoréforme du pouvoir se sont évanouies.
Les élections parlementaires récentes montrent une coupure sans précédent du pays légal et du pays réel, avec un boycott de la part de 80 % de la population. Ce divorce et le ras-le-bol social accumulé ont constitué le terreau des mobilisations actuelles. Sans aucune illusion sur la classe politique institutionnelle, les secteurs populaires cherchent à porter directement leurs aspirations dans la rue. La question sociale, l’exigence de la dignité, forment la colonne vertébrale de ce nouveau cycle de lutte.
Un pouvoir inquiet incapable de résoudre la question sociale
Largement spontané, le soulèvement actuel exprime massivement le rejet de la hogra (l’arbitraire lié aux injustices) et d’une société où la mafia prédatrice au pouvoir mène une guerre sociale extrêmement violente contre les classes populaires.
Le pouvoir a multiplié les gestes d’apaisement, évitant un déploiement visible des appareils répressifs et cherchant à dépolitiser l’événement pour le ramener à un simple fait divers donnant lieu à une enquête judiciaire. Reste que devant la persistance des mobilisations, des parlementaires ont notamment qualifié les manifestantEs du Rif d’« apaches » – expression naguère utilisée par Hassan II en 1984 pour mater une insurrection populaire dans cette région du « Maroc inutile » – ou à accréditer l’idée qu’il s’agit d’une sédition anarchique (« fitna ») visant un scénario à la libyenne, ou bien encore que ses promoteurs sont des « agents biens connus »...
Ce qui inquiète le pouvoir est la persistance de l’« esprit du 20 février ».
Le peuple qui ne vote pas n’est pas un peuple indifférent à son sort ou soumis. Le pouvoir s’aperçoit qu’il est exposé, plus fragile que l’image qu’il donne, et incapable d’anticiper ou de contrôler les mouvements qui naissent au cœur de la société. Les mobilisations actuelles traduisent une radicalisation par rapport à la séquence de 2011, car ce qui est mis aujourd’hui en avant, ce sont les questions sociales insolubles pour le pouvoir. Indépendamment de l’issue immédiate, il s’agit bien d’un signe avant-coureur d’une possible explosion sociale. Une raison suffisante pour dès maintenant préparer les convergences et solidarités nécessaires.
Novembre: deux dates de triste mémoire pour les Palestiniens
Le groupe du Pays de Cornouaille de l’Association France-Palestine Solidarité rappelle que le mois de novembre est marqué par deux dates de triste mémoire pour les Palestiniens.
Le 2 novembre est celui de la Déclaration Balfour en 1917, par laquelle le ministre britannique des Affaires étrangères s’engageait à soutenir la création en d’un « foyer national juif» en Palestine, bientôt administrée par la Grande-Bretagne et doublement colonisée. Les résistances palestiniennes ont été brisées par la force par les Britanniques et les colons juifs.
Avec le développement de l’immigration juive au moment de la seconde Guerre Mondiale, les tensions se sont accrues entre Juifs et Arabes palestiniens, puis aussi entre Britanniques et Juifs.
Devant une situation qu’il ne contrôle plus, le gouvernement britannique transmet le dossier à l’ONU qui, le 29 novembre 1947, décide le partage de la Palestine malgré l’opposition de la population arabe largement majoritaire, ouvrant ainsi la voie à la création de l’Etat d’Israël.
Celui-ci contrôle aujourd’hui l’ensemble de la Palestine. L’Etat Palestinien n’a toujours pas été créé. C’est à ces deux événements que le groupe de l’AFPS consacrera son
Piquet de la solidarité avec le peuple palestinien, jeudi 10 novembre, 17 h 30, Rue Kéréon, à Quimper.
Ma’an News – Des dizaines d’enfants palestiniens ont manifesté mardi devant le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), dans la bande de…
Charlotte Silver – Le gouvernement israélien s’oriente vers une plus large utilisation de la détention administrative, sans inculpation ni jugement, à un moment où au…
Sur le thème « Palestine, jeunesse en résistance face à l’occupation israélienne, entre révoltes et espoirs ».
Avec débats, exposition, concert, rafraîchissements, repas convivial palestinien et tables de presse, dont celle de l’UJFP.
Avec la participation de Saeed Amireh (Comité populaire de Nil’in en Cisjordanie), Reem Abu Jaber (Directrice de l’association Nawa à Gaza en faveur des enfants), Christiane Hessel-Chabry (écrivain et militante du mouvement de solidarité) et Edo Ramon (réfusnik israélien du collectif « Mesarvot contre l’occupation et la colonisation »).
Rendez-vous
À Evry (91), « 8 heures pour la Palestine » Le samedi 3 décembre 2016 à 14h30 Maison des Syndicats
2 place des Terrasses 94000 Evry (M° Evry Courcouronnes)
A 15h, projection des 18 Fugitives, A 17h30, débat : peut-on critiquer Israël aujourd’hui en France ?, animé par Bernard Ravenel et Pierre Stambul A 20h30, repas convivial (participation 10 €).
Bernard Ravenel est historien et militant politique français, président de l’Association France-Palestine Solidarité de 2001 à 2009 collaborateur de la revue Confluences Méditerranée, auteur d’ouvrages portant notamment sur le Moyen-Orient.
Pierre Stambul, co-président l’Union Juive Française pour la Paix jusqu’en novembre 2016 actuellement porte-parole de cette association, auteur d’ouvrages dont Chroniques de Gaza écrites au jour le jour, lors d’une mission à Gaza en mai-juin 2016.
Rendez-vous
À Gentilly, 8 heures de solidarité avec la Palestine Le samedi 26 novembre 2016 à 14h45 CMAC
2 rue Jules-Ferry 94250 GENTILLY au fond de l’impasse perpendiculaire à l’avenue Jean-Jaurès. Bus 125, arrêt Raspail-Jaurès (direction Maison Alfort) RER B Gentilly (sortie en queue de train, quand on vient de Pris) puis prendre le bus 125.
Alors que l’athéisme est pourfendu par bien des religieux, et la religion par de nombreux laïcs, des combats émancipateurs ont rassemblé ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas, notamment en Amérique latine grâce à la théologie de la libération. Mais ce type d’alliance paraît inconcevable avec les partisans ultraorthodoxes de l’islam politique. Pourquoi ?
Que la religion survive encore à l’aube du cinquième siècle après la révolution scientifique représente a priori une énigme pour quiconque adhère à une vision positiviste du monde. Mais si elle a perduré jusqu’à notre époque en tant que partie de l’idéologie dominante, elle produit également des idéologies combatives, qui contestent les conditions sociales ou politiques en vigueur. Avec un succès indéniable. Deux de ces idéologies ont défrayé la chronique au cours des dernières décennies : la théologie de la libération chrétienne et l’intégrisme islamique.
La corrélation entre la montée en puissance de chacun de ces mouvements et le destin de la gauche laïque dans leurs régions respectives constitue un indice révélateur de leurs natures propres.
Alors que le destin de la théologie de la libération épouse celui de la gauche laïque en Amérique latine — où elle agit de fait comme une composante de la gauche en général, et est perçue comme telle —, l’intégrisme islamique s’est développé dans la plupart des pays à majorité musulmane comme un concurrent. Il a remplacé la gauche dans la tentative de canaliser la protestation contre ce que Karl Marx appelait la « misère réelle », et contre l’Etat et la société qui en sont jugés responsables. Ces corrélations contraires — positive dans le premier cas, négative dans le second — témoignent d’une différence profonde entre les deux mouvements historiques.
La théologie de la libération offre la principale manifestation moderne de ce que Michael Löwy appelle, en empruntant un concept forgé par Max Weber, l’« affinité élective » entre christianisme et socialisme (1).
Plus précisément, l’affinité élective dont il est question ici rapproche l’héritage du christianisme primitif — dont l’extinction permit au christianisme de devenir l’idéologie institutionnalisée de la domination sociale existante — et l’utopisme « communistique (2) ». En 1524-1525, le théologien Thomas Müntzer put ainsi formuler en termes chrétiens un programme pour la révolte des paysans germaniques, que Friedrich Engels décrivit en 1850 comme une « anticipation en imagination du communisme (3) ».
Cette même affinité élective explique pourquoi la vague mondiale de radicalisation politique à gauche qui débuta dans les années 1960 put en partie adopter une dimension chrétienne — en particulier dans les pays « périphériques », où la majorité de la population était chrétienne, pauvre et opprimée. On l’observa en Amérique latine, où la radicalisation fut impulsée, à partir du début des années 1960, par la révolution cubaine. La différence majeure entre cette vague moderne de radicalisation et le mouvement des paysans germaniques analysé par Engels réside dans le fait que, dans le cas latino-américain, le courant chrétien de l’utopisme « communistique » se combinait non pas tant avec une nostalgie pour des formes de vie communautaires du passé (même s’il était possible de trouver pareille dimension chez les peuples indigènes) qu’avec des aspirations socialistes modernes, du type de celles entretenues par les révolutionnaires marxistes latino-américains.
Sur les décombres de la gauche
L’intégrisme islamique, en revanche, a crû sur le cadavre en décomposition du mouvement progressiste. Le début des années 1970 vit le déclin du nationalisme radical porté par les classes moyennes ; un déclin symbolisé par la mort de Gamal Abdel Nasser, en 1970, trois ans après sa défaite face à Israël lors de la guerre des six jours. Parallèlement, des forces réactionnaires utilisant l’islam comme étendard idéologique se répandirent dans la plupart des pays à majorité musulmane, attisant les flammes de l’intégrisme afin d’incinérer les restes de la gauche. Comblant le vide créé par l’effondrement de celle-ci, l’intégrisme ne tarda pas à devenir également le vecteur principal de l’opposition la plus vive à la domination occidentale — une dimension qu’il avait intégrée depuis le début, mais qui s’était estompée au cours de l’ère nationaliste laïque.
Une intense opposition à la domination occidentale prévalut à nouveau au sein de l’islam chiite après la révolution islamique de 1979 en Iran, et revint sur le devant de la scène au sein de l’islam sunnite au début des années 1990, lorsque des détachements armés d’intégristes passèrent du combat contre l’Union soviétique au combat contre les Etats-Unis. Ce retournement succéda à la défaite et à la désintégration de la première, et au retour militaire consécutif des seconds au Proche-Orient.
C’est ainsi que deux types majeurs d’intégrisme en vinrent à coexister à travers la vaste étendue géographique des pays à majorité musulmane, caractérisés l’un par sa collaboration avec les intérêts occidentaux et l’autre par son hostilité à leur égard. Le bastion du premier type est le royaume saoudien, le plus obscurantiste de tous les Etats islamiques. Le bastion du type anti-occidental au sein du chiisme est la République islamique d’Iran, tandis qu’Al-Qaida et l’Organisation de l’Etat islamique représentent son fer de lance actuel chez les sunnites.
Tous les courants de l’intégrisme islamique se dédient pareillement à ce que l’on peut décrire comme une utopie médiévale réactionnaire, c’est-à-dire un projet de société imaginaire et mythique qui n’est pas tourné vers le futur, mais vers le passé. Tous cherchent à réinstaurer la société et l’Etat mythifiés de l’islam des premiers temps. En cela, ils partagent une prémisse formelle avec la théologie de la libération chrétienne, qui se réfère au christianisme primitif. Cependant, le programme des intégristes islamiques ne consiste pas en un ensemble de principes idéalistes visant à un « communisme d’amour » et émanant d’une communauté opprimée de pauvres vivant aux marges de leur société, communauté dont le fondateur devait être atrocement mis à mort par les pouvoirs en place. Ce programme n’invoque pas non plus quelque forme ancienne de propriété communale, comme ce fut en partie le cas pour le soulèvement des paysans germaniques au XVIe siècle.
Les intégristes islamiques ont plutôt en commun la détermination à instaurer un modèle médiéval de domination de classe, jadis « réellement existant » bien que mythologisé ; un modèle né il y a un peu moins de quatorze siècles, et dont le fondateur — un marchand devenu prophète, seigneur de guerre et bâtisseur d’Etat et d’empire — mourut au faîte de son pouvoir politique. Comme toute tentative de restaurer une structure sociale et politique vieille de plusieurs siècles, le projet de l’intégrisme islamique équivaut nécessairement à une utopie réactionnaire.
Ce projet est en affinité élective avec l’islam ultraorthodoxe, devenu avec l’appui du royaume saoudien le courant dominant au sein de la religion musulmane (4). Cet islam-là encourage une approche littéraliste de la religion par son culte inégalé du Coran, considéré comme parole divine définitive. Ce qui, de nos jours, dans la plupart des autres religions, est l’apanage de l’intégrisme en tant que courant minoritaire — c’est-à-dire, fondamentalement, une doctrine préconisant la mise en œuvre d’une interprétation littérale des écritures religieuses — joue un rôle essentiel dans l’islam institutionnel dominant. En raison de la teneur historique spécifique des écritures auxquelles il tente d’être fidèle, l’islam ultraorthodoxe encourage en particulier des doctrines pour lesquelles une mise en œuvre de la religion conforme à la foi suppose un gouvernement fondé sur l’islam, dans la mesure où le Prophète s’est battu âprement pour instaurer un tel Etat. Pour la même raison, il favorise tout particulièrement la lutte armée contre toute domination non islamique, en se référant à l’histoire et à la guerre que l’islam mena contre les autres croyances au moment de son expansion.
Admettre cette affinité élective entre islam ultraorthodoxe et utopisme médiéval réactionnaire, après avoir souligné celle unissant christianisme primitif et utopisme « communistique », ne relève pas d’un jugement de valeur, mais d’une sociologie historique comparative des deux religions. Au demeurant, reconnaître leurs affinités électives ne signifie nullement qu’il n’existe pas des tendances contraires dans chacune des deux. Le christianisme a ainsi intégré, dès sa fondation, des tendances nourrissant divers types de doctrine réactionnaire et d’intégrisme. Inversement, les écritures islamiques comprennent quelques vestiges égalitaires du temps où les premiers musulmans constituaient une communauté opprimée, lesquels ont servi à formuler des versions « socialistes » de l’islam.
En outre, qu’il y ait des affinités électives différentes dans le christianisme et dans l’islam ne signifie pas que l’évolution historique réelle de chaque religion ait suivi naturellement la pente de son affinité élective spécifique. Cette évolution s’est bien sûr adaptée à la configuration réelle de la société de classes avec laquelle chacune s’est imbriquée — une configuration extrêmement différente de la condition sociale originelle dans le cas du christianisme, moins dans le cas de l’islam. Plusieurs siècles durant, le christianisme historique « réellement existant » fut moins progressiste que l’islam historique « réellement existant ». Au sein de la même Eglise catholique, un âpre combat se déroule de nos jours entre, d’un côté, une version dominante réactionnaire représentée par Joseph Ratzinger (l’ancien pape Benoît XVI) et ses semblables et, de l’autre, les tenants de la théologie de la libération, auxquels la radicalisation de gauche en Amérique latine a donné une nouvelle impulsion.
Reconnaître une affinité élective entre christianisme et socialisme ne saurait conduire à penser que le christianisme historique ait été fondamentalement socialiste.
Une telle proposition essentialiste serait absurde. De même, reconnaître l’affinité élective entre le corpus islamique et l’utopisme médiéval réactionnaire de notre époque, qui prend la forme de l’intégrisme islamique, ne revient nullement à penser que l’islam historique était essentiellement intégriste — il ne l’était certainement pas !— ou que les musulmans sont condamnés à tomber sous la coupe de l’intégrisme, quelles que soient les conditions historiques. Mais dans le cas du christianisme (originel) comme dans celui de l’islam (littéraliste), cette connaissance est l’une des clés de compréhension des différents usages historiques de chaque religion en tant qu’étendard de protestation.
Elle nous permet de comprendre pourquoi la théologie de la libération chrétienne a pu devenir une composante si importante de la gauche en Amérique latine, alors que toutes les tentatives de produire une version islamique de cette même théologie sont restées marginales. Elle nous aide également à percevoir pourquoi l’intégrisme islamique a pu gagner l’énorme importance qui est la sienne de nos jours au sein des communautés musulmanes, et pourquoi il a si aisément supplanté la gauche dans l’incarnation du rejet de la domination occidentale, bien qu’en des termes socialement réactionnaires.
L’idée orientaliste superficielle, largement répandue aujourd’hui, selon laquelle l’intégrisme islamique est le penchant « naturel » et anhistorique des peuples musulmans est néanmoins totalement aberrante.
Car elle ignore des faits élémentaires. Ainsi, il y a quelques décennies, par exemple, l’un des plus importants partis communistes du monde, un parti qui s’appuyait donc officiellement sur une doctrine athée, exerçait ses activités dans le pays comptant le plus grand nombre de musulmans : l’Indonésie. Ce parti fut noyé dans le sang, à partir de 1965, par des militaires indonésiens soutenus par les Etats-Unis. Autre exemple : à la fin des années 1950 et au début des années 1960, la principale organisation politique en Irak, surtout parmi les chiites du sud du pays, n’était pas un mouvement dirigé par un religieux quelconque, mais, là aussi, le Parti communiste. Par ailleurs, Nasser, qui présida au tournant « socialiste » de l’Egypte en 1961, était un croyant sincère et un musulman pratiquant, quand bien même il devait devenir le pire ennemi des intégristes. L’influence qu’il atteignit à l’apogée de son prestige dans les pays arabes et au-delà reste inégalée.
Il convient donc de situer tout usage de l’islam, comme de n’importe quelle autre religion, dans ses conditions sociales et politiques concrètes, de même qu’il importe d’opérer une distinction claire entre l’islam quand il devient un instrument idéologique de la domination de classe et de genre, et l’islam en tant que marqueur d’identité d’une minorité opprimée, dans les pays occidentaux par exemple.
Pour autant, le combat idéologique contre l’intégrisme islamique — contre ses idées sociales, morales et politiques, pas contre les principes spirituels de base de l’islam en tant que religion — devrait rester l’une des priorités des progressistes au sein des communautés musulmanes. Il y a, en revanche, très peu à objecter aux idées sociales, morales et politiques propres à la théologie de la libération chrétienne — hormis son adhésion au tabou chrétien général de l’interruption volontaire de grossesse —, y compris pour les athées endurcis de la gauche radicale.
Gilbert Achcar
Auteur de Marxisme, orientalisme, cosmopolitisme, Actes Sud, Arles, 2015, dont ce texte est adapté.
En matière de politique étrangère en général, et envers le Moyen-Orient en particulier, Donald Trump, en tant que nouveau président des Etats-Unis, se détachera comme l’un des hommes les plus imprévisibles à avoir occupé cette position depuis que son pays a commencé à déployer une politique impériale outremer à la fin du XIXe siècle.
Au cours de la campagne électorale, Trump s’est en permanence contredit et a changé de position ou de ton sur de nombreuses questions. Si l’on juge cependant certains thèmes clés qu’il a souvent répétés au cours de la dernière année, voici ce que l’on peut deviner en ce moment sur la manière dont sa présidence affectera le Moyen-Orient.
Le peuple syrien sera le premier à souffrir de cette élection.
Les portes des Etats-Unis seront claquées devant les réfugié·e·s syriens qui voudront tenter de s’y installer, à l’exception peut-être des chrétiens dans la mesure où l’agitation de Trump contre les réfugié·e·s syriens s’est centrée autour de l’islamophobie.
Afin de mettre un terme au flux de réfugié·e·s en provenance de Syrie, Trump a prôné la création de « zone de sécurité » dans les frontières du pays, où les déplacés syriens seraient concentrés plutôt que d’être autorisé de se rendre à l’étranger en tant que réfugiés. Il s’est vanté de faire payer les Etats du Golfe pour cette opération de la même manière qu’il prétend que le Mexique payera le mur qu’il a l’intention de construire sur la frontière entre les deux pays.
Ensuite, Trump inaugurera une nouvelle politique d’amitié et de collaboration avec le président russe Vladimir Poutine, fondée sur un accord avec les intérêts russes.
Au Moyen-Orient, cela comprend une reconnaissance du rôle de la Russie en Syrie comme étant positif et soutenant le régime de Baschar al-Assad comme représentant le moindre mal.
Logiquement, cela implique que les Etats-Unis exigent de leurs alliés traditionnels dans la région qu’ils cessent de soutenir l’opposition armée syrienne. Washington soutiendra avec Moscou un « gouvernement de coalition » syrien qui comprendra des membres conciliateurs de « l’opposition ». Cela pourra ouvrir la voie à une collaboration des Etats-Unis avec le régie Assad au nom de la « guerre contre la terreur ».
Poursuivant une politique favorisant des « hommes forts » au pouvoir, qu’il partage avec Poutine, Trump voudra améliorer les relations que Washington entretient autant avec le président égyptien Abdel-Fattah el-Sissi qu’avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Il pourrait tenter de réparer les pots cassés entre les deux hommes et les persuader de joindre leurs efforts contre un « terrorisme » qui acceptera la définition de chaque président selon ce qu’il considère comme étant le terrorisme dans son propre pays.
Dans la mesure où Trump est prêt à se mettre à dos l’Iran en révoquant l’accord sur le nucléaire négocié par l’administration Obama, il pourrait même tenter séduire l’Arabie Saoudite de rejoindre ce qui pourrait apparaître comme le triangle sunnite d’Ankara, du Caire et de Riyad, soutenu par Washington.
C’est là que réside la principale contradiction de la vision de Trump pour le Moyen-Orient (alors que sa position hostile à la Chine est la principale incohérence de sa vision globale) : surmonter celle-ci implique d’entraîner autant Moscou que le régime Assad à une rupture avec Téhéran.
Enfin, un autre « homme fort » de la région dont les relations avec Washington s’amélioreront grandement sous une présidence Trump, est Benjamin Netanyahou.
Une autre victime directe de l’élection de Trump sera ainsi le peuple palestinien dans la mesure où Netanyahou aura plus les mains libres pour « traiter » avec eux que tout autre premier ministre israélien depuis Ariel Sharon à la suite des attentats du 11 septembre 2001.
Gilbert Achcar
Article publié le 9 novembre sur le site d’Al-Jazeera, anglais, disponible en version originale sur ESSF.