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  • Nouveautés sur "Afriques en Lutte"

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    Le Maroc condamné par le Comité de l’ONU contre la torture dans l’affaire Naâma Asfari

    Le Maroc a été condamné [1] lundi 12 décembre par le Comité de l’ONU contre la torture dans le cadre de la plainte déposée par l’ACAT et le cabinet Ancile-avocats au nom du militant sahraoui Naâma Asfari. Les auteurs de la plainte appellent le Maroc à (...)

    Algérie : Un journaliste emprisonné pour avoir enquêté sur la corruption

    En cause, une vidéo d’un entretien mené par Hassan Bouras dans laquelle des allégations étaient portées contre la police et la magistrature Le 28 novembre 2016, un tribunal algérien a condamné un journaliste indépendant qui est par ailleurs un (...)

    Messieurs Bouteflika et Sellal : un jeune blogueur vient de mourir dans votre prison !

    Voilà, votre oeuvre est enfin réalisée : Mohamed Tamalt est mort ! Mort en prison, là où vous l'aviez condamné pour un dessin sur Facebook. Mohamed Tamalt est mort : il sera allé jusqu'au bout de sa résistance, jusqu'au bout de votre intransigeance de potentat, M. Bouteflika. Qui ignorait qu'il était en grève de la faim ? Vous et vos juges ripoux, vous et vos hommes du déshonneur, avez laissé un homme périr pour votre orgueil. Retenez bien la photo deMohamed Tamalt, c'est celle que l'on gardera de vous

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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  • Israël. «La douce illusion» de la résolution 2334 de l’ONU (A l'Encontre.ch)

    Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution pour établir un Etat juif (à côté d’un Etat arabe) dans la terre d’Israël.

    Soixante-neuf ans plus tard, le vendredi 23 décembre 2016, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté une résolution pour tenter de sauver celle votée en 1947. La résolution 2334, approuvée vendredi, a constitué un souffle de bonnes nouvelles, d’espoir, dans la mer d’obscurité et de désespoir des récentes années.

    Alors même que tout allait à vau-l’eau – approfondissement de l’occupation, de plus en plus soutenue par les Etats-Unis sans compter une Europe qui se précipite à droite de l’échiquier politique – voilà une résolution de Hanouka [«Fête des Lumières» du 24 décembre 2016 au 1er janvier 2017] qui allume une mince bougie d’espoir. Alors qu’il semblait que les méchants allaient l’emporter, la Nouvelle Zélande et trois autres pays sont venus donner un cadeau de Noël au monde.

    Donc, un grand merci à la Nouvelle Zélande, au Venezuela et à la Malaisie.

    Il est vrai que l’arbre de Noël qu’ils ont apporté, avec ses lumières étincelantes, sera bientôt enlevé. Donald Trump attend déjà à la porte. Mais l’empreinte restera. D’ici-là, réjouissons-nous, même si nous savons qu’on aura une gueule de bois le lendemain.

    Il nous faut bien sûr interpeller rageusement le président Barack Obama:

    «Pourquoi n’est-ce n’est que maintenant que vous faites quelque chose?» Et frustrés nous devons demander au monde: «Et qu’en est-il des actions?». Mais il est impossible d’ignorer la décision du Conseil de sécurité selon laquelle toutes les colonies sont illégales, par nature.

    Le Premier ministre Benjamin Netanyahou peut bien rappeler ses ambassadeurs, tandis que son bras droit, le ministre Yuval Steinitz hurle que la résolution est «injuste» (il a visiblement un sens de l’humour!). Isaac Herzog [Parti travailliste], le leader de l’opposition, peut aussi bafouiller : «Nous devons lutter contre cette décision par tous les moyens». Mais toute personne ayant une conscience ne manquera pas de se réjouir de cette résolution.

    En outre, aucun Israélien respectable ne devrait se laisser berner par la propagande qui prétend que la résolution est «anti-israélienne» – une définition que les médias israéliens se sont évidemment empressés d’adopter avec leur servilité caractéristique.

    Cette décision a ramené Israël sur le sol solide de la réalité.

    Toutes les colonies, y compris celles dans les territoires qui ont été annexés, dont évidemment Jérusalem Est, constituent une violation de la loi internationale. Le monde entier est unanime pour le penser, aussi bien les soi-disant amis d’Israël que ses soi-disant ennemis.

    Il est probable que les dispositifs de lavage de cerveau en Israël, de pair avec les mécanismes de répression et de déni, essaieront d’ébranler la décision. Mais lorsque les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Chine et la Russie sont d’accord pour une déclaration aussi claire, cela sera difficile. Alors vous pouvez bien vous plaindre: «Tout le monde est contre nous», hurler à l’«antisémitisme», vous pouvez demander: «Qu’en est-il de la Syrie?». En fin de compte cette vérité limpide restera: le monde entier pense que les colonies sont un crime. Toutes les colonies.

    Il est vrai que le monde ne lève pas un petit doigt pour éliminer les colonies, mais peut-être cela arrivera-t-il un jour. Mais à ce moment-là il sera trop tard.

    La résolution 2334 établit une distinction artificielle entre Israël et les colonies en ce sens qu’elle vise les colonies et non l’occupation. Comme si c’étaient les colons d’Amona [1] qui étaient coupables et non pas tous les Israéliens.

    Cette duperie prouve à quel point le monde continue à traiter Israël avec indulgence et hésite à prendre des mesures contre ce pays, comme il l’a fait contre la Russie après sa conquête de la Crimée.

    Mais les Israéliens qui ne vivent pas à Amona, qui n’y sont jamais allés, doivent se poser la question: cela vaut-il vraiment la peine? Tout cela pour quelques colons qu’ils ne connaissent pas et qu’ils n’ont pas vraiment envie de connaître?

    La résolution 2334 est destinée surtout aux oreilles israéliennes, comme le réveille-matin qui vous réveille juste à temps, comme une sirène qui vous incite à aller vous réfugier dans un abri antiaérien. Il est vrai que la résolution n’a aucune valeur concrète; il est vrai que la nouvelle administration états-unienne promet de l’effacer. Mais deux questions resteront. Pourquoi les Palestiniens ne méritent-ils pas exactement la même chose que les Israéliens? Et à quel point un pays avec sa puissance de lobbying, son armement et sa haute technologie peut-il continuer à ignorer le monde entier? Ce premier jour aussi bien de Hanouka que de Noël nous pouvons apprécier, ne serait-ce qu’un moment, la douce illusion [2] que la Résolution 2334 va soulever ces questions en Israël. (Article publié dans le quotidien Haaretz en date du 26 décembre 2016; traduction et titre de la rédaction de A l’Encontre)

    Notes:

    [1] «Amona, avant-poste situé près de Ramallah, devrait être détruit d’ici au 25 décembre 2016, en exécution du jugement prononcé par la Cour suprême israélienne. L’affaire a cependant permis l’adoption en première lecture au Parlement, le 5 décembre, d’une loi qui annexerait de fait la centaine d’outposts encore jugés illégaux par le droit israélien. Avec, en perspective, la légalisation de toutes les colonies en Cisjordanie.» C’est ainsi que, le 22 décembre 2016, Dominique Vidal, sur le site Orient XXI, présente cette «opération en trompe-l’œil» qui consiste à déplacer quarante familles pour les réinstaller sur une autre terre palestinienne. Un article complémentaire de celui de Gideon Levy. (Rédaction A l’Encontre)

    [2] The Times of Israël – porte-parole de la politique sioniste – annonce en date du 26 décembre 2016: «La mairie de Jérusalem est sur le point d’approuver la construction de centaines de logements à Jérusalem Est cette semaine, à peine quelques jours après l’adoption de la résolution par le Conseil de Sécurité – qui a excédé Israël – qualifiant les constructions de «violation flagrante du droit international».

    Durant la réunion, le Comité de planification et de construction du district de Jérusalem devrait donner son feu vert pour la construction de 618 unités de logements. 140 seront à Pisgat Zeev, 262 à Ramat Schlomo, et 216 à Ramot, selon un article dans le quotidien Haaretz.

    Cette réunion, destinée à l’approbation de la construction de ces logements initialement prévue pour vendredi, a été reportée suite au vote de la résolution 2334 par le Conseil de Sécurité de l’ONU, qui a qualité toutes les constructions au-delà de la Ligne verte – les terres situées au-delà des frontières de 1949 qu’Israël a annexées durant la guerre des Six Jours, en 1967 – comme illégales, y compris dans Jérusalem.

    Bien que Jérusalem soit la capitale d’Israël, la construction au sein de la ville est depuis longtemps condamnée par la communauté internationale, qui ne reconnaît pas l’annexion de la moitié de la ville par Israël. Israël maintient que la ville est unifiée et qu’il jouit du droit de construire dans tous les quartiers de la capitale.

    La Commission de zonage du district de Jérusalem doit également se réunir mercredi pour délibérer sur la construction de 5 600 logements à Jérusalem Est, donc 2 600 à Gilo, 2 600 à Givat Hamatos et 400 à Ramot, selon Israel Hayom.

    La construction à Givat Hamatos, un flanc de colline faiblement peuplé au sud de Jérusalem n’a pas pu se faire à cause d’une ferme opposition de la communauté internationale. Les détracteurs d’Israël avaient déclaré que l’ajout de maisons israéliennes séparerait le quartier palestinien de Beit Safaa des autres quartiers palestiniens de Cisjordanie, ce qui compliquerait la division de portions de Jérusalem Est du reste de la ville.

    La mairie de Jérusalem voit en l’investiture du président élu Donald Trump une opportunité pour une reprise des constructions à Jérusalem Est, qui a été ralentie à cause de la pression exercée par l’administration Obama.» (Rédaction A l’Encontre)

    Alencontre le 26 - décembre - 2016

    Gideon Levy

    http://alencontre.org/

    La colonie d’Elon Moreh: «Un manuel de l’occupation»

    Piotr Smolnar, dans Le Monde daté du 27 septembre (page 3), décrit les méthodes «classiques» utilisées par les colons de la colonie d’Elon Moreh, appuyés par l’Etat d’Israël, afin d’exproprier de leurs terres les paysans palestiniens. Une illustration, parmi d’autres, de la politique coloniale de l’Etat d’Israël à l’œuvre depuis fort longtemps:

    «Azmut, Deir Al-Hatab et Salem, là où vit la famille Marouf, sont trois villages palestiniens situés sur des collines à l’ouest de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. De génération en génération, leurs habitants se sont consacrés à l’agriculture et à l’élevage. Leur rythme de vie, leur organisation collective et leurs revenus dépendaient de ces deux activités. Oliviers, figuiers et citronniers coloraient le paysage. Des réserves d’eau naturelle servaient à étancher la soif des bêtes. On vivait modestement, mais l’autosuffisance était assurée.

    Tout cela, c’était avant que la colonie d’Elon Moreh ne soit établie, en 1980. Depuis trente-six ans, cette communauté a grignoté les terres palestiniennes, privé les villageois de l’accès à leurs terres cultivées – à partir de la première Intifada (1987) – et à leurs pâturages.

    L’histoire de ces trois villages est un véritable manuel de l’occupation, de ses expropriations et de la négation des droits palestiniens.«Les villageois ont été laissés dans un état d’insécurité à de multiples niveaux: financier, alimentaire et social, souligne l’ONG israélienne B’Tselem dans un rapport accablant sur la situation locale, publié début décembre. L’Etat d’Israël et 1800 colons agissant avec son soutien et ses encouragements ont pris les terres des villages, en y faisant ce qu’ils voulaient, pendant que près de 10’000 résidents palestiniens ne pouvaient s’approcher de ces terres.»

    Dans cette expropriation graduelle, l’administration civile israélienne – qui gère entièrement la zone C, soit 60 % de la Cisjordanie – a procédé par des techniques classiques. Elle a élargi la zone dite de sécurité autour de la colonie; elle a enregistré de nouveaux lots de terrains comme propriétés d’Etat; elle a construit une route de contournement de 15 kilomètres, pour relier Elon Moreh à la colonie d’Itamar.

    Cette route est devenue, dans les faits, une frontière pour les villageois, les empêchant de se rendre sur leurs terres situées de l’autre côté. Sauf à deux moments de l’année, et sous haute surveillance: lors de la semence printanière et de la récolte des oliviers en octobre. Quelques jours amers.

    Enfin, deux avant-postes («outposts») – illégaux même au regard du droit israélien – sont apparus en 1998 et en 2009 au milieu de la réserve naturelle voisine de Har Kabir, créée par l’administration civile. L’armée n’a jamais démantelé ces deux colonies sauvages, qui ont étendu les zones inaccessibles pour les paysans palestiniens.

    Tandis que l’attention médiatique est focalisée, depuis de longs mois, sur l’avant-poste d’Amona, auquel le gouvernement a consacré des moyens démesurés pour déménager sans heurts quarante familles avant le 25 décembre, la Cisjordanie compte des dizaines de communautés juives similaires. Protégées par l’armée et bénéficiant de services des conseils régionaux de colons, elles sont au cœur d’un projet de loi à la Knesset visant à les légaliser.»

  • Création du Comité Syrie-Europe, après Alep Et invitation à nous rassembler (Anti-k)

     

    Depuis 2011, l’espoir d’une avancée de la démocratie en Syrie, porté par ces grandes manifestations d’occupation des places urbaines (dans tout le monde arabe, mais aussi en Europe de l’Est), est écrasé petit à petit sous l’action d’une guerre féroce contre des populations civiles taxées de « terroristes » ; et, d’autre part, des vétos russes (ou chinois) bloquant toute action internationale de l’ONU, assortis des reculs navrants des autres nations au premier rang desquelles les Etats-Unis – comme en cette fin août 2013, où plus de 1 400 civils ont été assassinés sous le bombardement de gaz interdits – fait que nulle désinformation ne peut récuser – et où le refus américain d’intervenir, malgré toutes les menaces antécédentes, a ouvert la voie aux interventions russe et iranienne des années suivantes.

    Depuis l’été 2016, Poutine a envoyé ses bombardiers appliquer à Alep la tactique dite de Grozny : terre brûlée dans l’anéantissement de toute possibilité de survie, avec l’attaque ciblée des lieux symboliques de la vie la plus quotidienne et fondamentale (marchés, écoles, hôpitaux, cimetières, etc.). En une dizaine de jours, fin décembre 2016, la ville tombe dans un cauchemar sous les yeux du monde, encore inachevé au moment où nous écrivons ces lignes : les bus verts doivent en principe encore quitter la ville avec les populations coincées dans leurs propres rues, aux pieds de leur habitat en ruine. Combien de villages, de villes, jusqu’à Idlib, qui ne sont pas encore tombés sous le talon de fer ? Tout n’est pas fini…

    Alors, en cas de maintien en Syrie de la famille dictatoriale en place depuis deux générations, annoncé par le triangle Russie-Iran-Turquie qui prend en main le pays, que faire ?

    Que penser ? En Syrie, que faire d’une victoire destructrice, accompagnée d’un partage du territoire avec l’Etat Islamique – ce pire cauchemar des femmes et des hommes épris de liberté –, sous l’égide d’une Russie confortée par la nouvelle présidence américaine ? En France, comment influer sur une année électorale hystérisée par une extrême droite légitimée par un étrange glissement d’ensemble, régressif et sapant la confiance dans le fonctionnement démocratique, alors que les outils classiques de la société civile (manifestations, pétitions)  semblent aussi irremplaçables qu’usés et dérisoires. Et en Europe ?

    C’est au retour de manifestations éclatées dans Paris, le 17 décembre 2016, que nous avons souhaité la création d’un lieu de convergence de nos forces, pour ne pas se résigner à la situation désespérée en Syrie et au recul démocratique qui l’accompagne dans le monde et dans notre pays. Il est tard, mais il n’est pas trop tard. Le comité Syrie-Europe, après Alep voudrait lier l’urgence morale et politique à la liberté de penser en apportant son soutien aux forces œuvrant en faveur de la démocratie, en suivant l’évolution de la situation sur le terrain, en proposant des réflexions et analyses qui éclairent les liens entre les défis auxquels font face les Syriens et nos propres démocraties, et réfléchir aux conditions de possibilité de l’exercice d’une justice face à l’ampleur des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés.

    Plusieurs axes de travail sont envisagés : constitution d’un tribunal d’opinion sur les crimes commis en Syrie, mise en place d’un site internet permettant de rassembler et de relayer les textes pertinents ; mise en place d’un groupe de travail visant à interroger la remise en cause du droit international et les nouvelles catégories politiques de notre présent ; interventions intempestives dans la campagne présidentielle ; aide à la création d’autres comités Syrie, etc.

    Les réunions auraient lieu un vendredi sur deux dans les locaux de la revue Esprit.

    La première aura lieu le vendredi 6 janvier à 18h, au 212 rue Saint-Martin, 75003 Paris (code porte : 36A63).

    Les premiers signataires : Jonathan Chalier, Catherine Coquio, Joël Hubrecht, Lucas Mongin, Véronique Nahoum-Grappe, Pierre Zaoui.

    http://www.anti-k.org/

  • Après Alep, le désarroi de l’opposition syrienne (Anti-k)


    Déluge de critiques, bagarres sur les réseaux sociaux, claquements de portes : au lendemain de la chute d’Alep – l’armée syrienne a annoncé jeudi avoir repris le contrôle total de la ville –, l’opposition syrienne semble plus que jamais en proie aux doutes et aux divisions. « On est totalement dépassés par les événements. Tout le monde est frustré, démoralisé, révolté », confie Abdel Ahad Steifo, le vice-président de la Coalition nationale syrienne (CNS), le principal rassemblement anti-Assad, basé à Istanbul, qui fut longtemps l’interlocuteur privilégié des capitales arabes et occidentales.

    Spectateurs impuissants de la déroute des rebelles, les dissidents s’écharpent sur les causes de ce qui est à ce jour leur plus grand revers, politique et militaire. Dans une « lettre d’excuses au peuple syrien », publiée par le site d’informations Al-Arabi Al-Jedid, Samar Massalmeh, une dirigeante de la CNS, stigmatise une organisation « statique, sans âme, manquant d’initiative », qui a été « incapable de s’implanter dans les territoires libérés ». « La réalité de la Coalition est qu’elle est faible, que sa représentativité est limitée (…) et qu’une partie de ses membres se sont transformés en employés de tel ou tel Etat », écrit l’opposante, en référence au poids de certains Etats arabes, comme le Qatar et l’Arabie saoudite, dans son fonctionnement.

    « INVENTAIRE »

    « On a beaucoup trop laissé de champ sur le terrain aux salafistes et aux djihadistes, alors que, on le voit, ces gens qui ont kidnappé la révolution sont aussi incapables de mener une guerre, renchérit M. Steifo, dans une allusion aux groupes armés radicaux, dominants au sein de l’insurrection. On s’est trop reposés aussi sur nos alliés, qui n’ont rien fait, au moment où l’on avait le plus besoin d’eux, ajoute l’opposant, incriminant à mots couverts les Etats-Unis et les puissances européennes, qui ont multiplié les déclarations outragées mais vaines, et les monarchies du Golfe, notoirement silencieuses durant l’écrasement final des quartiers rebelles. On essaie de dresser un inventaire, pour présenter une nouvelle stratégie. »

    Le fiasco d’Alep affecte aussi le Haut Comité des négociations (HCN), le bras diplomatique de l’opposition, impliqué dans les négociations qui se sont tenues en début d’année à Genève, sous l’égide des Nations unies, et dont la CNS est l’une des composantes, aux côtés d’autres courants de l’opposition et de représentants des groupes armés. « Tous ces corps ont perdu beaucoup de crédit, l’impression se répand qu’ils ne servent à rien, avance Samir Aita, un indépendant. Il y a beaucoup d’expectative, d’appels à former quelque chose de nouveau. »

    Le besoin d’introspection et de restructuration se fait d’autant plus sentir que la montée en puissance de la Russie, le grand vainqueur de la bataille d’Alep, et la volonté affichée de Donald Trump, le futur locataire de la Maison Blanche, de se rapprocher du président russe Vladimir Poutine font peser sur le HCN et la CNS un risque croissant de marginalisation. Décidé à transformer sa victoire militaire en percée politique, le Kremlin s’est mis en tête d’organiser des négociations intersyriennes à Astana, la capitale du Kazakhstan. Sans en référer ni au HCN, ni à Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU sur la Syrie, maître de cérémonie des précédents pourparlers.

    Selon l’opposant Qadri Jamil, un ancien vice-premier ministre, en exil à Moscou, qui incarne un courant beaucoup moins critique du régime syrien que la CNS, ces discussions pourraient se tenir durant la seconde moitié du mois de janvier. A Moscou, mardi 20 décembre, sous le regard de ses homologues turcs et iraniens, avec lesquels il entend former une troïka, le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov s’était efforcé de dresser l’acte de décès du processus de Genève et de se poser en nouveau faiseur de paix. Sans un mot pour les textes de référence des précédentes négociations, comme la résolution 2254, qui élabore les contours d’une transition politique.

    En vue des discussions d’Astana, les émissaires de Moscou multiplient les contacts au sein de tous les courants anti-Assad. « Les Russes ne sont pas comme les Iraniens, ils ne croient pas que Bachar Al-Assad puisse redevenir un jour le président de tous les Syriens, expose Sinan Hatahet, un analyste proche de l’opposition, régulièrement consulté par des envoyés du Kremlin. Aux opposants, ils disent la chose suivante : “Si vous reconnaissez la souveraineté de l’Etat et la légitimité de Bachar, alors nous vous aiderons à vous constituer en alternative et à gagner les élections.” Ils cherchent des gens susceptibles de cautionner un tel processus, un profil à la Qadri Jamil, mais avec plus de légitimité. »

    « BEAUCOUP DE BLUFF »

    Inquiet de perdre son monopole sur les négociations et persuadé que le président Assad n’acceptera jamais de céder le pouvoir de lui-même, le HCN tente de faire barrage aux manœuvres de Moscou. « La Russie et l’Iran s’efforcent de minimiser le rôle des Nations unies et de prolonger la souffrance du peuple syrien », a accusé Salem Al-Meslet, un porte-parole du HCN. Ses membres ont été rassurés par la rapide réaction de Staffan de Mistura, qui en fixant la reprise de négociations de ­Genève au 8 février s’est efforcé de préempter le résultat d’une éventuelle réunion à Astana.

    « Il y a beaucoup de bluff dans la position russe, estime l’opposante Bassma Kodmani, qui a participé aux pourparlers du mois de mars. La déclaration du sommet tripartite de Moscou est très vague. Cela atteste de désaccords entre les trois pays. Sans référence à la résolution 2254, ils ne pourront pas faire venir l’opposition à Astana. »

    Le succès de l’initiative russe dépendra en grande partie de l’attitude de la Turquie, qui entretient des relations étroites avec l’opposition, tant politique que militaire. « On a vu pendant l’évacuation d’Alep qu’Ankara a fait pression sur les rebelles, notamment le groupe Ahrar Al-Cham [salafiste], pour éviter que ça déborde trop, dit Samir Aita. Les Turcs pourraient recommencer avec les responsables politiques en leur disant : soit vous jouez le jeu, soit vous êtes “out”. »

    LE MONDE |

     Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)

    http://www.anti-k.org/

  • Révolution syrienne et martyre d’Alep face à la trahison et aux erreurs de secteurs de gauche (Anti-k)

     


    Avec la chute d’Alep aux mains du régime de Bachar Al-Assad et de ses alliés, la révolution syrienne est arrivée à un tournant.

    Il semble ne plus y avoir aucun obstacle à l’écrasement de celles et ceux qui ont osé se soulever contre un régime dictatorial, pour la liberté, la dignité et la justice sociale. Alors que les lambeaux de l’armée syrienne, l’aviation russe, le Hezbollah libanais et d’autres milices chiites sous commandement iranien annihilent toute résistance au régime, la « communauté internationale » et les États soi-disant « amis du peuple syrien » ont révélé leur impuissance au grand jour, qui trahit en réalité l’absence totale de soutien au processus révolutionnaire.

    Malgré les différences majeures entre le mode d’organisation libéral du capitalisme des pays occidentaux et celui, autoritaire, du capitalisme de copinage des États de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, on pouvait difficilement espérer que les puissances capitalistes d’Europe et d’Amérique du Nord apportent leur soutien à un processus d’émancipation populaire dirigé directement contre l’exploitation et l’oppression.

    Ces puissances sont au cœur du système impérialiste mettant à genoux les peuples des pays dits du Sud. Rappelons-nous d’ailleurs qu’en décembre 2010, la France avait offert son soutien au despote tunisien Ben Ali dans la répression du soulèvement, et que ces puissances sont aujourd’hui ravies de collaborer avec la contre-révolution menée en Tunisie conjointement par l’ancien régime et Ennahdha (Frères musulmans), ou avec celle dirigée par Al-Sissi et les militaires en Égypte. En l’absence d’expression de solidarité internationale par le bas, de mobilisations de masse en soutien à la révolution syrienne, il était vain de penser que des pays comme la France ou les Etats-Unis apporteraient leur soutien aux révolutionnaires syrien-ne-s (les gesticulations de façade devant les Nations unies ne pouvant être sérieusement assimilées à un soutien au processus révolutionnaire).

    En ce sens, les forces progressistes se revendiquant de l’internationalisme et de l’anti-impérialisme portent une lourde responsabilité dans le drame qui continue à se jouer en Syrie.

    Si une majorité de la gauche a fermé les yeux ces dernières années sur les crimes du boucher de Damas (Bachar Al-Assad) et de ses alliés, au nom d’une prétendue lutte contre l’obscurantisme islamiste, on aurait pu penser que cette gauche se réveillerait face aux massacres mis en lumière avec la chute d’Alep. Il n’en est rien. Au contraire, la fraction de la gauche qui s’était empêtrée dans différentes variations plus ou moins affirmées d’un campisme pro-régime et pro-russe s’enfonce plus encore dans une fuite en avant justifiant, relativisant ou niant les massacres de masse et les déplacements forcés de populations qui sont en cours. Une autre partie de la gauche, qui ne verse pas directement dans le campisme, a rapidement estimé que la révolution avait été entièrement pervertie par des forces réactionnaires, et s’est contentée d’adopter une orientation se limitant au soutien au mouvement d’autodétermination kurde qui a gagné en puissance durant la révolution syrienne. Le résultat final est que cette gauche a également abandonné les révolutionnaires de Syrie, voire participe d’une relativisation des crimes du régime.

    Une vision géopolitique manichéenne au service de l’aveuglement campiste.

    L’orientation dominante dans la gauche à l’échelle mondiale consiste à expliquer qu’il n’existe pas de processus révolutionnaire en Syrie. Le conflit opposerait uniquement des milices caractérisées par leur seul « islamisme » au régime de Bachar Al-Assad, considéré au mieux comme un moindre mal face à l’obscurantisme fondamentaliste, au pire comme le gouvernement légitime de l’État syrien. La caractérisation des groupes d’opposition par leur seule idéologie « islamiste » permet de ne faire aucune distinction entre les différents groupes armés de l’opposition à Al-Assad. Qu’importe de savoir si l’on parle de Jabhat Fatah Al-Sham (anciennement Jabhat Al-Nosra – ce groupe a changé de nom pour marquer sa rupture de façade avec Al-Qaida) ou d’un des multiples groupes armés présents en Syrie auxquels on peut attribuer de près ou de loin une idéologie islamiste : tous ces groupes sont rangés sous la même étiquette (qui est également celle de Daesh) et doivent ainsi être combattus de la même façon.

    Dans cette lecture dominante à gauche, nombreux sont ceux qui nous martèlent que ces groupes ont pu apparaître et gagner en puissance grâce au soutien actif des Etats-Unis et de l’OTAN.

    Et de rentrer dans des considérations réductrices uniquement basées sur des facteurs géopolitiques au mieux largement exagérés, au pire totalement inventés. Le conflit serait entièrement dû à la volonté des Etats-Unis de déstabiliser l’ensemble du Moyen-Orient pour y imposer des régimes qui leur seraient favorables (« regime change » en anglais). Dans cette logique, la Syrie est supposément une cible de choix car elle serait un carrefour géostratégique en termes d’acheminement d’hydrocarbures (oléoducs et gazoducs). Pour résumer, cette gauche calque sur la situation actuelle en Syrie les principaux points d’analyse de l’invasion de l’Iraq en 2003 par les Etats-Unis, qui y avaient imposé un changement de régime et sécurisé un accès important au pétrole du Moyen-Orient.

    Les différents groupes armés rangés sous l’étiquette « islamiste » ont en effet été parrainés par la Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite, trois pays alliés aux Etats-Unis.

    Cela suffit pour que cette fraction de la gauche en conclue qu’il y a là une manœuvre des Etats-Unis et de l’OTAN. Cette vision ignore totalement les agendas propres à chacun de ces États. Si la réalité était si simple, comment expliquer le soutien des Etats-Unis au PYD (organisation « sœur » du PKK en Syrie) dans sa lutte contre Daesh, alors même que la Turquie y est opposée puisque cela renforce logiquement la position des Kurdes dans leur lutte pour l’autodétermination contre l’État turc ?

    Comment expliquer le rapprochement entre la Turquie et la Russie ?

    Quelle serait la logique pour les Etats-Unis de chercher à mettre au pouvoir en Syrie Jabhat Fatah Al-Sham, c’est-à-dire un groupe takfiriste affilié à Al-Qaida qui chercherait certainement à commettre des attentats en Europe et en Amérique du Nord s’il en avait les moyens ? Si les Etats-Unis étaient réellement à la manœuvre en Syrie pour renverser le régime, pourquoi ne sont-ils pas intervenus en août ou septembre 2013, lorsque la fameuse « ligne rouge » a été franchie par Bachar Al-Assad, c’est-à-dire lorsque le régime a utilisé des armes chimiques contre les habitant-e-s de la Ghouta ? Les Etats-Unis avaient alors une fenêtre rêvée pour intervenir, mais ne l’ont pas fait. En 2003, l’annonce d’un veto de la France, de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité de l’ONU n’avait pas empêché les Etats-Unis d’intervenir en Iraq. Et puisque les pro-Assad n’hésiteront pas à caractériser de mensonge cette utilisation d’armes chimiques par le régime, rappelons que c’est pourtant sur la base du mensonge des armes de destruction massive que les Etats-Unis sont intervenus en Iraq en 2003.

    La gauche qui fait cette analyse adopte finalement la lecture du conflit proposée par le régime de Bachar Al-Assad :

    celle d’une guerre opposant un gouvernement légitime à des groupes terroristes dirigés par des puissances étrangères occidentales. Cette gauche ignore totalement le rôle joué par le régime dans le développement de cette prophétie auto-réalisatrice. C’est le régime qui a libéré de ses prisons des centaines de jihadistes emprisonnés depuis leur retour d’Iraq où ils s’étaient battus contre l’invasion américaine. Le but de cette manœuvre était de nourrir les rangs de Daesh, de l’organisation qui s’appelait alors encore Jabhat Al-Nosra, et d’autres groupes salafistes. Par la suite, le régime et ses alliés ont constamment privilégié la lutte contre les groupes non-confessionnels et pro-démocratiques plutôt que d’attaquer Al-Nosra / Jabhat Fatah Al-Sham et Daesh. Le régime a également favorisé la confessionnalisation du conflit en faisant appel aux forces militaires fondamentalistes chiites que sont la République islamique d’Iran, le Hezbollah libanais et d’autres milices sous commandement iranien. Il est pour le moins paradoxal que cette gauche, qui soutient le régime dans sa lutte contre des « terroristes » caractérisés par leur idéologie islamiste, acclame par ailleurs ces alliés fondamentalistes d’Al-Assad.

    Cette fraction de la gauche nous dit que ces forces étrangères, sans lesquelles le régime serait déjà tombé vu l’état de décomposition avancé de son armée « régulière », ne peuvent pas être des forces impérialistes puisqu’elles interviennent sur demande expresse d’un gouvernement « légitime ». D’une part, il faut avoir une acception pour le moins étrange de la légitimité pour oser affirmer que le gouvernement de Bachar Al-Assad rentre dans cette catégorie. Son père Hafez Al-Assad, général de l’armée de l’air, a participé à trois coups d’État, le dernier d’entre eux le portant au pouvoir en 1970. Lors de sa mort après trente ans d’exercice du pouvoir, Bachar Al-Assad lui succède en remportant une élection pour laquelle il est le seul candidat. Il est réélu dans les mêmes conditions en 2007. Il est enfin réélu en 2014 à travers une élection fantoche, alors que cela fait trois ans qu’il massacre ses opposants ou les pousse à l’exil.

    Voilà la « légitimité » du régime.

    D’autre part, cette gauche qui affirme que l’intervention étrangère des alliés du régime n’est pas une intervention impérialiste devrait savoir, pour s’être mobilisée à raison contre l’invasion de l’Iraq par les Etats-Unis, que Daesh trouve sa base sociale dans la désintégration de la société iraqienne après des décennies de guerres et d’interventions impérialistes. La dernière d’entre elles, l’invasion par les Etats-Unis en 2003, ayant abouti à la mise en place d’un régime sectaire dominé par les chiites et excluant la minorité sunnite de la société iraqienne. En somme, la base sociale de Daesh est née de la guerre, de l’autoritarisme et du sectarisme confessionnel. Trois caractéristiques reproduites par le régime de Bachar Al-Assad et ses alliés en Syrie.

    En adoptant la vision du régime, cette gauche verse dans le conspirationnisme le plus abject, se rapprochant en cela de l’extrême-droite.

    Les puissances occidentales, les nombreux médias bourgeois occidentaux, Al-Jazeera, les ONG sur le terrain, et tous les acteurs qui ne partagent pas cette vision du conflit, s’accorderaient pour nous vendre le plus gros mensonge du 21e siècle. Cette gauche ne voit aucun souci, en revanche, à reprendre les informations diffusées par Russia Today (RT) et Sputnik News, agences de presse du Kremlin, ou celles de SANA, agence de presse du régime syrien. Pire encore, alors que les réseaux sociaux nous permettent de manière inédite d’avoir accès à une multitude de témoignages de celles et ceux qui vivent directement la conflit, cette gauche n’accorde aucune importance à la parole des Syrien-ne-s sur place, et va même jusqu’à la balayer d’un revers de la main en la qualifiant de mensongère, niant ainsi le droit à l’auto-détermination du peuple syrien (nous y reviendrons plus loin).

    Aujourd’hui, cette gauche a fait le choix de soutenir l’impérialisme russe sous prétexte de refuser l’impérialisme étatsunien.

    Elle a fait le choix de soutenir un régime qui avait, dans les années précédant la guerre, ouvert son économie au néolibéralisme grâce à la participation active du Fonds monétaire international (FMI), demandé l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et signé un accord de libre-échange avec la Turquie. Voilà la réalité du prétendu « anti-impérialisme » de Bachar Al-Assad : des politiques au service de la mondialisation néolibérale, au bénéfice d’un clan familial possédant le pouvoir politique et le pouvoir économique, et augmentant considérablement le chômage, la pauvreté et la précarité au sein de la population. En soutenant ce régime et ses alliés, cette gauche a fait le choix de soutenir les massacres de masse pratiqués à travers les sièges systématiques des villes échappant au contrôle du régime, les bombardements aériens, les barils d’explosifs lâchés par hélicoptères, les attaques à l’arme chimique, les viols, les actes de torture et les exécutions sommaires. Cette gauche a fait le choix de soutenir le déplacement et l’exil forcés de millions de Syriens et de Syriennes. Cette gauche a trahi l’internationalisme comme l’Internationale ouvrière l’avait trahi en s’engouffrant dans la Première Guerre mondiale.

    La révolution syrienne abandonnée au profit du seul soutien aux Kurdes.

    Si cette orientation est dominante au sein de la gauche, elle n’est pas pour autant unanime. Heureusement, une autre partie importante de la gauche a bel et bien identifié Bachar Al-Assad comme un ennemi, et ses alliés russe et iranien comme des acteurs impérialistes. Pourtant, au sein de cette fraction, une partie importante des camarades reste incapable d’identifier et de soutenir la révolution syrienne, au motif que ses composantes armées sont aujourd’hui dominées par des forces islamistes réactionnaires. Ces camarades en concluent que la seule force que la gauche internationaliste peut soutenir dans la situation actuelle en Syrie et en Iraq est le mouvement d’autodétermination kurde, et notamment sa composante administrant le Rojava, à savoir le PYD et ses composantes armées, les YPG/YPJ.

    En affirmant cette position comme unique orientation sur la Syrie, ces camarades passent en grande partie à côté du problème.

    Bien sûr, le soutien aux Kurdes dans leur lutte pour l’autodétermination contre l’État turc et contre Daesh est une tâche essentielle de la gauche internationaliste. Cette lutte pour l’autodétermination du peuple kurde sur des bases progressistes est un élément de réponse à la situation régionale caractérisée par des appareils d’État autoritaires, confessionnels, sectaires, et tout à fait capables d’appliquer un mode de production capitaliste. Mais les camarades qui voient ce soutien aux Kurdes comme l’unique réponse à apporter à la situation en Syrie abandonnent de fait la question du pouvoir et de la révolution en Syrie.

    Cela est d’autant plus paradoxal que, là où ces camarades mettent l’accent sur les caractéristiques réactionnaires de la majorité actuelle des composantes armées de l’opposition à Bachar Al-Assad, ils et elles semblent incapables d’adopter une analyse critique du PYD et de ses forces armées YPG/YPJ (notons qu’une analyse critique n’empêche pas un soutien, lui aussi critique). Il y aurait pourtant des choses à dire sur la verticalité du pouvoir, sur l’anti-pluralisme pratiqué par le PYD dans les régions qu’il administre, sur les nettoyages ethniques et les déplacements de populations arabes dans les zones dont il prend le contrôle au fur et à mesure de sa progression militaire contre Daesh. Ces camarades, dont une composante importante vient pourtant de la gauche libertaire et autogestionnaire, semblent incapables de mentionner l’existence de manifestations de populations kurdes et arabes contre la politique du PYD dans les régions qu’il administre, et donc de les soutenir.

    Avec la chute d’Alep, ces camarades se sont contentés de mettre en avant la résistance kurde dans le quartier de Sheikh Maqsoud et de souligner que les groupes armés d’opposition à Al-Assad avaient attaqué ce quartier plusieurs fois au cours des dernières années. Mais, en ne mentionnant pas le rôle pro-actif joué par la Turquie dans ces attaques, ces camarades semblent finalement expliquer que les groupes d’opposition à Al-Assad sont par nature réactionnaires et confessionnels. De plus, ces camarades ne semblent pas se poser de question sur le fait que les Kurdes aient gardé le contrôle de ce quartier – à l’heure où ces lignes sont écrites – malgré la chute de la ville aux mains des alliés du régime. Si ces camarades ne mentionnent pas cela, c’est peut-être qu’ils savent que l’attitude du PYD vis-à-vis du régime et de la révolution a été problématique.

    Dès juillet 2012, le PYD a passé un accord tacite de non-agression avec le régime, qui a pu retirer la plupart de ses troupes dans les régions contrôlées par le parti kurde afin de les envoyer combattre la révolution dans le reste du pays. Cet accord a été confirmé par la proclamation de l’administration autonome du Rojava en novembre 2013. Bien évidemment, il n’existe pas d’alliance directe entre le mouvement kurde de Syrie et le régime d’Al-Assad, et les affrontements peuvent exister. Mais en refusant de s’affronter au régime, le PYD a affaibli la révolution. Au cours du premier semestre 2016, l’attitude du mouvement armé kurde a été particulièrement problématique : la conquête de territoires bombardés par la Russie dans la région d’Alep, tenus jusque-là par des groupes d’opposition à Bachar Al-Assad, a accompagné la progression du régime dans sa reconquête de territoires tenus par l’opposition. Ce manque d’analyse critique est d’autant plus regrettable que l’orientation du PYD, dépourvue de vision à long terme, risque de se retourner contre le mouvement kurde lorsque le régime et ses alliés en auront fini d’écraser les bastions de l’opposition à Alep et Idlib.

    Bachar Al-Assad a toujours affirmé son opposition à la partition du pays, y compris à une forme d’autonomie des régions kurdes.

    Cette absence de vision à long terme du PKK / PYD s’est déjà retournée contre le mouvement kurde lorsque Hafez Al-Assad l’a abandonné à la fin des années 1990 après l’avoir soutenu, précédant la répression de « l’Intifada kurde » par Bachar Al-Assad en 2004. Ou plus récemment au mois d’août 2016 lorsque la Russie a donné son feu vert à l’intervention au sol de la Turquie contre les Kurdes dans la région de Djarabulus, ce à quoi les Etats-Unis n’ont rien trouvé à redire malgré leur coopération militaire avec les YPG/YPJ dans la lutte contre Daesh.

    Si les camarades qui sont sur cette position d’un soutien inconditionnel aux Kurdes uniquement ne cherchent pas à justifier ou à nier les crimes du régime et de ses alliés, ils participent cependant de leur relativisation. Ces camarades mettent sur un pied d’égalité la domination du régime et celle de milices inlassablement définies par leur « islamisme » quelle que soit leur disparité, et refusent ainsi de reconnaître que la reprise d’Alep (ou d’autres villes qui ont échappé au contrôle de Damas ces dernières années) par le régime de Bachar Al-Assad constitue indéniablement une défaite pour les révolutionnaires de Syrie. Ces camarades sont aveugles quant aux gigantesques capacités de coercition permises par la puissance militaire des alliés de Damas et par l’appareil d’État qui, malgré sa mauvaise condition actuelle, ne manquera pas d’être reconstruit. À travers leur orientation, ces camarades en arrivent à relativiser les conséquences dramatiques pour la population syrienne de la chute d’Alep et des autres villes jusque-là libérées du régime.

    Le peuple syrien oublié et son droit à l’auto-détermination nié.

    Il existe des points communs entre la trahison d’une partie de la gauche et les errements d’une autre. Le premier est la négation plus ou moins affirmée de la révolution syrienne, une partie de la gauche estimant qu’elle n’a jamais existé, une autre pensant qu’elle a été entièrement pervertie par des forces réactionnaires et que l’on ne peut dès lors plus parler de processus révolutionnaire. Ce travers est permis par une lecture essentiellement géopolitique et militaire du conflit. En raison de la généralisation du conflit à l’ensemble du territoire syrien, du nombre de brigades armées luttant contre le régime (plus d’un millier), du nombre d’acteurs étrangers impérialistes et sous-impérialistes intervenant directement ou indirectement dans le conflit, et du niveau extrêmement élevé de brutalité qui caractérise celui-ci, les observateurs extérieurs, y compris à gauche, ont parfois tendance à oublier qu’il existe, autour des groupes qui se battent, une société qui vit, composée de Syriens et de Syriennes dotés d’une capacité à penser, à agir, à interagir, et donc à s’organiser et à s’auto-déterminer, pour peu qu’ils et elles ne doivent pas faire face à un déluge de feu du régime et de ses alliés.

    S’il est vrai qu’il n’existait pas d’organisation forte du mouvement ouvrier en Syrie au début de la révolution, capable de prendre la direction du mouvement révolutionnaire comme l’a fait l’UGTT en Tunisie, il y a eu et il y a encore de très nombreuses expériences démocratiques d’auto-organisation de la société.

    Il semble évident que ces formes d’auto-organisation du processus révolutionnaire peuvent difficilement s’exprimer alors que les populations sont assiégées, bombardées et massacrées. Mais lorsque des cessez-le-feu ont pu être appliqués, comme cela a été le cas en février et mars 2016, puis pour une courte durée et de manière précaire en septembre 2016, les manifestations de masse orientées non seulement contre le régime mais aussi contre les milices réactionnaires (notamment Al-Nosra) ont repris.

    Dans un article écrit au printemps dernier, Ghayath Naisse, du Courant de la gauche révolutionnaire en Syrie, écrivait ainsi :

    « le mouvement populaire reste vivant : il renoue avec les mots d’ordre de la révolution de 2011, en particulier avec les manifestations quasi quotidiennes à Ma’arrat al-Numan [contre le front Al-Nusra, branche syrienne d’Al-Qaeda], Salqin, Kifr Nubil et Saraqib, contre le régime et les forces réactionnaires. Et à Hama, 800 prisonniers politiques démocrates ont pris le contrôle de la prison centrale depuis un mois. » Aujourd’hui encore, face à la chute d’Alep et à son évacuation chaotique par le régime et ses alliés, des manifestations populaires s’organisent partout dans le pays. S’il est finalement peu étonnant que la gauche campiste, majoritairement issue de courants historiquement marqués par le stalinisme et d’autres formes d’organisations aux structures verticales et rigides, soit incapable d’identifier ces formes d’auto-organisation, il est cependant surprenant qu’une partie importante de la gauche de tradition libertaire et autogestionnaire ne se soit pas penchée sur ces processus.

    En niant le processus révolutionnaire, ces fractions de la gauche se privent d’expliquer la montée en puissance des groupes armés islamistes et réactionnaires.

    Si les progressistes et les démocrates sont aujourd’hui minoritaires dans la composition des groupes armés s’opposant à Al-Assad, c’est notamment parce qu’ils n’ont jamais été soutenus politiquement, financièrement et matériellement par une aide extérieure (le soutien des États occidentaux s’étant limité à de belles paroles et à des armes délivrées au compte-goutte, essentiellement dans un objectif de lutte contre Daesh et non contre le régime syrien – par ailleurs, ces armes n’incluaient pas les armes défensives pourtant demandées par les révolutionnaires, refusées par les Etats-Unis). Comme cela a été indiqué en introduction, l’absence d’un mouvement de solidarité internationale est largement responsable de cette absence de soutien. Comme cela a déjà été indiqué également, au sein de l’opposition, ces groupes ont été visés en priorité par le régime afin que sa prophétie de lutte contre le terrorisme islamiste s’auto-réalise. Par ailleurs, ces groupes ont dû se battre sur plusieurs fronts – à la fois contre le régime, contre Daesh, et contre les groupes d’opposition islamistes et réactionnaires. Pour une majeure partie d’entre eux, ces groupes ont donc été progressivement marginalisés et décimés, ou bien captés par les groupes d’opposition islamistes qui, eux, étaient activement soutenus par le Qatar, l’Arabie saoudite, puis la Turquie.

    Il paraît cependant évident que les groupes réactionnaires du type Jabhat Fatah Al-Cham sont incapables de répondre aux exigences de liberté, de dignité et de justice sociale du peuple syrien et qu’ils participent de la contre-révolution (il n’est pas anodin que le régime ait favorisé le développement de cette opposition au détriment de l’opposition progressiste et démocratique). Leur base sociale s’effriterait rapidement si la guerre cessait et si les processus d’auto-organisation pouvaient de nouveau s’exprimer pleinement. En l’absence de moyens de coercition comparables à ceux de l’appareil d’État syrien et de la puissance militaire des alliés du régime, ces groupes réactionnaires seraient très certainement marginalisés par la population.

    En août 2013, suite aux mouvements de masse chassant Mohamed Morsi du pouvoir en Égypte, Alain Gresh écrivait très justement à propos des Frères musulmans, qui avaient été réprimés durant plus d’un demi-siècle avant d’accéder au gouvernement à la faveur du processus révolutionnaire : « Ce que la répression n’avait pas accompli, deux ans et demi de vie publique et d’un débat pluraliste, plus ouvert et souvent polémique, l’ont réussi : exposés à la lumière, les Frères ont inexorablement reculé. » Aucune raison n’aurait empêché cela de se produire contre les groupes réactionnaires syriens si la révolution avait pu s’exprimer librement (par contre, tant la brutalisation et la confessionnalisation de la guerre par le régime en Syrie, que la répression de masse dont sont – de nouveau depuis la prise de pouvoir d’Al-Sissi – victimes les Frères musulmans en Égypte, créent les conditions d’existence de ces mouvements fondamentalistes dans la région).

    Plus généralement, cette négation de la révolution syrienne et son assimilation à des groupes réactionnaires caractérisés uniquement par leur « islamisme » trahit un problème de fond particulièrement inquiétant : celui d’une condescendance, d’une islamophobie et d’un racisme envers les peuples de la région arabe.

    Si ces fractions de la gauche ne font aucune distinction entre Jabhat Fatah Al-Sham et autres groupes salafistes, les groupes affiliés aux Frères musulmans, Daesh, voire même, pour certains, les combattants – ou civils – scandant « Allahu Akbar » (qui n’a rien d’un slogan spécifiquement fondamentaliste), c’est sans doute parce que les discours sur le choc des civilisations et la guerre contre le terrorisme, qui trouvent pourtant leur origine aux Etats-Unis, ont fait leur effet. Pourquoi s’évertuer à comprendre les distinctions idéologiques entre ces différentes factions, la composition de leurs bases sociales, leurs différentes stratégies d’expansion, etc., quand on peut tout simplement les ranger sous l’étiquette « islamiste » ? Pourquoi chercher à identifier des formes d’auto-organisation dans des sociétés gangrénées par le fondamentalisme islamique, d’autant plus quand les pancartes sont écrites en arabe et que, pour l’œil européen, « Justice sociale » pourrait aussi bien s’apparenter à « Charia pour tous » ?

    La fraction de gauche soutenant uniquement – et de manière idéalisée – le PYD dans la région appuie sur le fait que celui-ci est multi-confessionnel et non-arabe – en somme, les Kurdes sont des gens civilisés, et non pas des barbus. La gauche campiste procède avec le même raisonnement en ce qui concerne le régime de Bachar Al-Assad, sensé représenter un compromis multi-confessionnel (comme nous l’avons écrit plus haut, cette représentation ne reflète pas la réalité de la confessionnalisation du conflit par le régime). Cette gauche en oublie d’ailleurs la discrimination pratiquée par le régime envers les populations non-arabes.

    Paradoxalement, ces fractions de la gauche tendent à reproduire le discours dominant visant à essentialiser les peuples arabes comme étant des peuples passifs, incapables de s’organiser afin de résister à l’exploitation et à l’oppression, entièrement soumis à la coupe de groupes violents, qu’il s’agisse de milices islamistes ou d’États autoritaires. Et dont la seule expression politique organisée de manière forte ne pourrait qu’être le fondamentalisme islamique.

    La solidarité internationale avec les exploité-e-s et les opprimé-e-s comme boussole.

    Les forces progressistes et démocratiques de la révolution syrienne sont aujourd’hui minoritaires dans l’opposition armée, et il est difficile de les identifier. Pour autant, les expériences démocratiques d’auto-organisation perdurent, et notre tâche est de les soutenir. Mais dans la guerre, les révolutionnaires ont peu de moyens de s’exprimer : s’ils et elles ne sont pas mort-e-s, ils et elles sont déplacé-e-s, réfugié-e-s, tentent de survivre. S’il était juste d’armer la révolution face à la répression impitoyable du régime, le conflit militarisé ne bénéficie plus aujourd’hui qu’aux forces de la contre-révolution, c’est-à-dire au régime et aux brigades réactionnaires. À travers les massacres de civils, ce sont les forces vives de la révolution qu’on assassine.

    Aujourd’hui, la tâche prioritaire pour les internationalistes est donc de revendiquer l’arrêt des combats, des bombardements et des sièges contre la population syrienne, le retrait des troupes étrangères soutenant Al-Assad (mais aussi l’arrêt des bombardements de la coalition contre Daesh qui tuent des civils et contribuent à la catastrophe humanitaire, et l’arrêt du soutien du Qatar, de l’Arabie saoudite et de la Turquie aux différents groupes réactionnaires), et l’accès de la population à une aide humanitaire sans ingérence étrangère. Bien sûr, on ne peut imaginer de paix sans justice, qu’il faut donc également revendiquer. Mais ce sont les Syriens et les Syriennes eux-mêmes qui pourront établir le rapport de forces nécessaire à son obtention. L’arrêt des combats et le retrait des forces impérialistes sans lesquelles le régime serait déjà tombé permettront au peuple syrien de reprendre son combat politique contre un mode d’exploitation et d’oppression féroce, et de reconstruire progressivement le rapport de forces nécessaire à l’éviction de Bachar Al-Assad et à l’établissement de la justice sociale.

    Les internationalistes doivent indispensablement exprimer leur soutien au processus révolutionnaire syrien, relayer sa parole et ses exigences.

    Afin de réaliser cela, nous devons continuer à construire des ponts avec les militant-e-s progressistes de Syrie, sur place, mais aussi dans les pays où ils et elles sont réfugié-e-s, y compris en Europe – ce qui implique de lutter contre la politique migratoire de l’Europe forteresse et d’ouvrir les frontières afin de garantir à toutes et tous la liberté de circulation et d’installation. Notre boussole ne doit pas être déterminée par les agendas des puissances impérialistes et sous-impérialistes, mais par le soutien indéfectible à l’auto-organisation des exploité-e-s et des opprimé-e-s partout dans le monde. Ainsi, au-delà du peuple syrien en lutte contre le régime de Bachar Al-Assad, notre solidarité va à tous les peuples en lutte dans la région, contre l’autoritarisme et le sectarisme des Al-Sissi, Erdogan, Khomeiny et des autres, contre l’Apartheid israélien, contre les bombardements au Yémen et en Iraq, et contre nos impérialismes complices de ces situations. En Syrie, dans l’ensemble des pays du Maghreb et du Machreq, et dans le monde entier, « le peuple veut la chute du régime ! »

    http://www.lcr-lagauche.org/

    20 décembre 2016  Nathan Legrand

    http://www.anti-k.org/

  • Syrie Debout : la pugnacité face à l’indifférence (Anti-k)

     

    Avoir du courage. De la détermination.

    Ne jamais baisser les bras, même face à l’indifférence. Les Syriens, les activistes, les réfugiés et leurs soutiens, qui se réunissent régulièrement sur la place de la République, tentent de rester « debout » pour dénoncer la guerre qui ravage le pays depuis 2011, mais surtout pour rappeler que leur révolution n’est pas encore enterrée.

    « Ni Bachar, Ni Daech en Syrie ». 

    Ils sont une petite trentaine à braver le froid hivernal un samedi après-midi sur la place de la République, scandant pendant près d’une heure divers slogans. Ce n’est pas première fois qu’ils se réunissent ici. Gazette Debout a déjà relayé certains de leurs précédents rassemblements au printemps dernier. Une commission Syrie Debout a même été créée par des militants de plusieurs associations syriennes et françaises vivant à Paris. Delphine, l’une des initiatrices de la commission, a vécu presqu’une décennie là-bas. Elle nous confie son sentiment d’urgence : « les Nuitsdeboutistes et la révolution syrienne devaient se rencontrer et travailler ensemble sur des questions de droits humains. Il fallait faire un lien. Ce qui les différencie, c’est la situation d’urgence et le degré de barbarie que subissent les insurgés Syriens aujourd’hui ». 

    Syrie Debout n’a pas eu la vie facile, régulièrement alpaguée par des militants pro-Bachar el Assad. « C’était des Français plus ou moins affiliés aux « Soraliens » mais aussi parfois des Maghrébins, souvent biberonnés au jus anti-impérialiste, qui cautionnent n’importe quelle dictature, pourvu qu’elle soit anti-américaine ou anti- occidentale. Certains ne supportaient pas de voir le drapeau de l’indépendance syrienne flotter sur la place. Leur argumentaire est toujours le même : « mieux vaut Bachar que Daech » ! Ils nient que ce sont les deux faces d’une même médaille», se désole Delphine.

    Elle croit également que beaucoup de Syriens craignaient la police, omniprésente sur la place de la République. Une appréhension qui n’est pas sans fondement, les CRS ayant tenté d’expulser la commission de la place début juillet, sous prétexte que leur lutte ne rejoignait pas celle contre la loi Travail…

    Ni Bachar, Ni Daesh en Syrie

    Les membres de Syrie Debout reviennent inlassablement manifester ici pour transmettre leur message : « ni Bachar, ni Daesh en Syrie ». Ils tentent de faire preuve de pédagogie envers les passants, afin de leur expliquer les enjeux à la fois simples et complexes de ce conflit.

    Ahmad Darkazanli, un Syrien militant très engagé qui a fuit son pays depuis de nombreuses années, estime que les Français sont désinformés. « Il y a beaucoup d’articles qui ne reflètent pas la réalité du terrain. Il s’agit d’une véritable dictature de la désinformation », regrette-t-il. « Entre Bachar, Daech, Al Nostra, l’armée libre, les gens se mélangent un peu les pinceaux ». Et on les comprend. Car les journaux ont beau multiplier les graphiques et articles explicatifs, le néophyte peine à s’y retrouver. Seules restent les images des populations civiles baignant dans leur sang, au beau milieu de villes en ruines.

    Ce soir là, rares sont les badauds qui s’arrêtent pour écouter les slogans ou échanger avec les militants. Malgré cette indifférence, les membres réussissent à garder le moral. « On n’a pas de choix . C’est une lutte qui s’annonce longue. Si nous arrivons à chaque fois à convaincre quelques personnes, c’est déjà ça », tente de se rassurer Delphine. Elle insiste également sur l’expérience d’Alep, véritable laboratoire d’une Syrie démocratique. « Il y a eu un processus d’élections libres avec un conseil municipal élu et renouvelé chaque année. Aujourd’hui, c’est Brita Hagi Hassan qui est le maire d’Alep Est et qui vient régulièrement à Paris pour sensibiliser sur ce qui se passe là-bas ».

    De son coté, Ahmad Darkazanli reste persuadé que plus personne en Syrie ne soutient Bachar el-Assad. « Si je compte 5% de sympathisants, je suis encore très large. Les populations qui fuient dans les zones contrôlées par le régime cherchent simplement à se mettre à l’abri. Elles n’ont pas le choix ». Mais face au soutien Russe dont bénéficie le « boucher de Damas » la vie humaine ne pèse pas bien lourd. « Bachar n’est pas un homme courageux, s’il sent que ses soutiens internationaux l’abandonnent, il partira de lui-même », assure Ahmad Darkazanli. D’autant que l’armée Syrienne Libre pourrait en venir à bout si elle était équipée correctement. « Nous ne demandons pas une intervention internationale dans notre pays. Nous demandons simplement que le véto sur les armes soit levé. L’armée syrienne libre doit avoir les moyens de se battre ».

    Quelques jours plus tard, le maire d’Alep Est, Brita Hagi Hassan, est de passage sur la place de la République. L’homme est épuisé : cela fait des mois qu’il ne trouve plus le sommeil. Mais par amitié pour Ahmad Darkazanli, il fait l’effort de venir prononcer un émouvant discours, dont on peut retrouver les principaux éléments dans une interview sur France Culture. Il rappelle la violence, égraine les chiffres des morts, des barils de TNT. « Sous prétexte de combattre le terrorisme, le régime commet encore plus d’actes terroristes ».Pour lui, la seule force apte à combattre Daesh, c’est l’armée libre syrienne.

    Il insiste aussi sur ces 30 000 d’enfants qui sont privés d’école depuis des années. 

    « Ils ne connaissent que la guerre, que les tueries, sans autre référence. Faute d’éducation, ils pourront se faire embrigader par les groupes terroristes. C’est un danger non seulement pour nous mais aussi pour vous en Europe ».

    Toutes ces paroles prennent une étrange résonance, alors que le régime de Bachar el Assad a annoncé vendredi 23 décembre avoir repris le contrôle total de la ville d’Alep après un vaste bain de sang. Face à tant d’horreur, il est facile de détourner les yeux. D’oublier le massacre qui se joue à des milliers de kilomètres de notre territoire. Et pourtant, certains refusent d’oublier et organisent dans toute la France des rassemblements pour soutenir les Syriens : devant la mairie de Paris le 10 décembre dernier à Limoges, à Fougère ( Bretagne) à Angers, La Rochelle, Dijon, Lyon, Lille, Marseille et Strasbourg. Parce que “vivre sans espoir, c’est cesser de vivre.” (Dostoïevski).

    L-A

    http://www.anti-k.org/

  • Jean-Pierre Filiu (Télérama)

    Professeur des universités, historien et spécialiste du monde arabo-musulman, Jean-Pierre Filiu est l'un des meilleurs experts de la Syrie. “Nous sommes à Alep dans une situation de surenchère milicienne”, estime-t-il. “Désormais, le dernier mot revient sur place à des milices qui n'obéissent à personne.”

    http://www.telerama.fr

  • Flux et reflux de la vague révolutionnaire (NPA)

    http://a403.idata.over-blog.com/0/07/76/29/International/solid.JPG

    L’explosion socio-politique qui a été appelée « Printemps arabe » a été une réaction en chaîne sur trois mois reprenant partout dans la région, les mots d’ordre de liberté, justice sociale et dignité.

    L’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid en Tunisie, et le soulèvement qui a suivi, ont obtenu la fuite du dictateur Ben Ali le 14 janvier 2011. Les manifestations qui ont commencé le 25 janvier en Égypte ont abouti au départ de Moubarak le 11 février . Des mouvements de masse se sont levés en Libye, au Yémen, à Bahreïn, au Maroc, en Jordanie. Le 15 mars 2011, le peuple syrien entrait à son tour en insurrection.

    Les dictateurs étaient chassés en Tunisie, en Égypte, bientôt en Libye (octobre 2011) et plus tard au Yémen (2013), mais dans ces deux derniers pays au prix de la transformation du soulèvement en insurrection armée et de l’installation du chaos, comme en Syrie où Bachar a réussi de justesse à sauver son régime. La répression sanglante avec l’aide de l’Arabie saoudite est venue à bout du soulèvement à Bahreïn, tandis qu’en Jordanie, au Maroc et à Oman, les pouvoirs ont pris le dessus en combinant répression, petites ouvertures et légitimité encore partielle de ces monarchies.

    L’ancien et le nouveau

    Ces soulèvements ont surpris le monde, pourtant leurs combustibles s’accumulaient les années précédentes : la grande vague néo­libérale mondiale qui détruit les tissus sociaux, combinée dans cette région au népotisme et à l’accaparement de tous les pouvoirs par des clans familiaux, quelle que soit la forme des régimes politiques. Cela alors qu’une jeunesse très nombreuse et massivement scolarisée est privée de toute perspective : ni emplois stables ni libertés.

    Des prémices s’étaient manifestées, en particulier en Tunisie et en Égypte : le soulèvement du bassin minier de Gafsa dans le sud tunisien en 2008 ; les grèves du textile (Mahalla 2006) et des impôts fonciers (2007) en Égypte. Particulièrement en Tunisie, des traditions de syndicalisme, d’actions communes entre courants politiques existaient, et ont pu servir de point d’appui à certains moments.
    Mais pour l’essentiel les soulèvements de la région ont inventé de nouvelles formes d’action et d’auto-organisation dans l’occupation des places publiques, qui ont ensuite été réinvesties par des mouvements sociaux dans le monde entier. Ces expériences n’ont cependant pas été jusqu’à créer des formes de double pouvoir durables pour la gestion de la société, sauf en Syrie.
    Ici, la dynamique des affrontements et la formation de zones libérées du régime s’est traduite par des expériences de comités locaux et coordinations régionales, qui ont concentré la haine de l’appareil totalitaire de Bachar el-Assad. Mais elles n’ont pas réussi à se centraliser, laissant la représentation à l’étranger de l’opposition syrienne à des coalitions de forces non légitimes sur le terrain.

    Résistance de la contre-révolution

    Les divers foyers de la contre-­révolution : régimes locaux, puissances régionales ou mondiales, mouvements politico-religieux, se sont rapidement réorganisés pour désorienter, récupérer ou écraser les soulèvements populaires, marquant des points très importants. En Tunisie, le nouveau pouvoir a d’abord été repris par des notables de l’ancien régime, qui, face aux coup de boutoir du mouvement de masse, a dû accorder des droits démocratiques importants. En Égypte, l’armée a également été forcée par les mobilisations populaires à se mettre provisoirement en retrait. Dans ces deux pays, les premières élections entre fin 2011 et juin 2012 ont donné la première place aux courants de l’islam politique déjà très implantés dans la population, s’appuyant sur la religiosité de la population et des réseaux d’entraide, et jouissant du prestige d’avoir été longtemps réprimés.

    Ces courants ont cependant commencé à accaparer les pouvoirs et tenté d’imposer des mesures réactionnaires, contre les droits des femmes, etc. tout en cherchant de bonnes relations avec les institutions internationales, et prétendant poursuivre une orientation néo­libérale. La répression des mouvements sociaux et partis politiques de gauche par la police et par les attentats (comme les assassinats des députés du Front Populaire Chokri Belaid et Mohamed Brahmi en Tunisie) a provoqué de nouveau d’immenses mouvements de colère sans alternative politique nouvelle.

    La réaction au pouvoir

    Les anciens régimes ont alors trouvé l’espace pour reprendre le pouvoir. En Égypte sous couvert de répudier le Président de la République Frères musulmans Mohamed Morsi à la demande du mouvement populaire, le maréchal Sissi a mené un véritable coup d’État, qui en quelques mois, a supprimé toutes les libertés et abouti maintenant à une situation pire que celle sous Moubarak. En Tunisie, les islamistes d’Ennahdha effrayés du sort réservé à leurs cousins égyptiens, ont passé un pacte avec les notables de l’ancien régime qui a débouché sur la mise en place de gouvernements réactionnaires et néolibéraux. Leur politique a été en partie freinée par un mouvement populaire plus fort qu’ailleurs, en particulier du fait de la puissance de l’UGTT, la seule centrale syndicale réellement existante en Tunisie.
    En Libye, en Syrie, au Yémen, les situations sont devenues de plus en plus chaotiques et les guerres dominent les mouvements sociaux avec la radicalisation des courants confessionnels des diverses tendances de l’islam, dans lesquels s’insèrent cyniquement les appareils d’État des dictatures.

    Une vague qui n’est pas terminée

    Mais la contestation des pouvoirs installés a continué de produire ses effets, jusqu’au Soudan, à Oman, en Irak, au Liban. Même l’Arabie saoudite n’a pas été épargnée. En revanche, l’Algérie, marquée par la terrible guerre civile entre État et islamistes dans les années 1990-2000, n’a pas suivi ce mouvement, même si les contestations ne sont pas absentes.

    Malgré l’importance des revers subis par les mouvements populaires, il est difficile de mettre fin à une vague de fond rassemblant la jeunesse, le prolétariat urbain mais aussi une bonne partie des classes moyennes, et surtout les couches populaires de régions marginalisées, surexploitées et polluées, qui convergent dans les revendications communes de la liberté, l’emploi, la dignité et la souveraineté nationale, qu’aucune répression ne peut totalement étouffer.

    Jacques Babel

     
  • Désunion arabe face aux changements climatiques (Anti-k)

    Le Maroc a abrité du 7 au 18 novembre 2016 la vingt-deuxième conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Pourquoi les pays arabes ont-ils été si peu nombreux à y participer ? Reportage dans les couloirs de la « zone bleue » du village de la COP22, réservée aux officiels.

    Le 15 novembre, à Marrakech, dix-huit chefs d’État arabes manquaient à l’appel lors de la photo de la cérémonie d’ouverture du sommet des chefs d’État et de gouvernement de la 22e Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP22) |1|. Seuls les émirs du Qatar et du Koweït accompagnaient le roi Mohammed VI lors de cette photo. L’infréquentable Omar Al-Bachir, président du Soudan, avait été placé bien loin des trois autres chefs d’État arabes. Si les présidents africains étaient présents en force, et Israël aussi — une partie de la société civile marocaine s’est indignée, mais cette présence a été passée sous silence par les représentants des vingt-deux pays arabes — les dignitaires de la région MENA (Moyen-Orient Afrique du Nord) avaient en effet préféré faire l’impasse sur cette COP en terre marocaine. Leur absence remarquée est le résultat de facteurs conjoncturels et structurels.

    Une COP plus africaine qu’arabe

    Tout d’abord, le Maroc avait choisi de faire de ce sommet une « COP africaine ». Le royaume chérifien paie donc en quelque sorte son désengagement continu de la scène arabe, même si le roi Mohammed VI s’est excusé de ne pas avoir voulu abriter le sommet ordinaire de la Ligue arabe en février dernier. Une décision surprenante, justifiée dans un communiqué fustigeant l’inertie des pays arabes : « Ce sommet ne sera qu’une occasion d’adopter des résolutions ordinaires et de prononcer des discours qui ne feront que donner une fausse impression d’unité et de solidarité entre les États du monde arabe », affirmait en février le ministère des affaires étrangères. Le sommet a été déplacé en catastrophe en Mauritanie, et ce désistement a laissé des traces.

    Les absences des pays arabes à la COP22 sont aussi emblématiques du peu d’intérêt accordé par les décideurs des pays de la région à la question des changements climatiques. Pourtant, la région MENA figure parmi les zones les plus menacées dans le monde par le réchauffement climatique, la désertification et le stress hydrique |2|. La région est même une illustration de l’injustice climatique, dans la mesure où les 22 pays de la région demeurent de faibles émetteurs de gaz à effet de serre (GES) dans le monde, avec seulement 4,2 % des émissions globales. Une inégalité régionale s’y ajoute : 85 % de ces émissions sont produites par les six pays membres du Conseil de coopération des pays du Golfe (CCG).

    À l’ombre de l’Arabie saoudite

    L’Arabie saoudite est pourtant chef de file et porte-parole du groupe arabe auprès de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCUCC) depuis deux décennies, mandatée par la Ligue arabe. « L’ironie c’est que le ministre du pétrole est toujours présent lors des sommets », regrette un délégué d’un pays arabe |3|.

    Le rôle de Riyad est décrié par les acteurs de la société civile régionale. À l’instar d’autres pays producteurs d’énergies fossiles, le royaume a en effet joué un rôle de blocage lors des négociations de l’accord de Paris sur le climat qui a suivi les conclusions de la COP21. Le royaume saoudien s’est longtemps opposé à la réduction de l’utilisation des énergies fossiles — une position partagée avec les grands producteurs de pétrole d’Amérique latine et d’Afrique — et a notamment bloqué la mention, dans l’accord de Paris, de l’objectif de limitation à 1,5 °C de la hausse des températures. Le groupe arabe avait porté une mention sur ce sujet, qui n’a pas été retenue dans l’accord final.

    La présidence du groupe arabe ne fait plus l’unanimité aujourd’hui. « La position arabe demeure peu visible dans les espaces de la COP. La coopération et les consultations entre les pays sont faibles durant les sommets », regrette un membre de la délégation jordanienne. Même sentiment dans la délégation libanaise : « Au sein du groupe, nous avons certes moins de divergences qu’auparavant. Par le passé, nous avions des différences sur les réponses majeures (la transition vers le renouvelable, le financement de la transition énergétique, l’objectif 1,5 C °), mais depuis l’accord de Paris ces questions ont été résolues. Maintenant, nous devons avoir une coordination de nos positions », exige Vahakn Kabakian, chef de la délégation libanaise.

    Le manque de consultation préalable inquiète également plusieurs délégations arabes. « L’Arabie saoudite ne doit pas se contenter de nous informer sur ce qui s’est passé lors des négociations. Nous devons nous concerter sur les propositions communes. La situation est inconcevable », déplore le responsable libanais.

    Sous influence climato-sceptique

    Ces divergences de points de vue et d’approches entre les pays arabes se sont manifestées lors des négociations pour l’accord de Paris en 2015. L’Arabie saoudite avait joué un rôle de blocage pour en retarder l’adoption par le groupe arabe. « Une bonne partie de ce groupe est composé de pays membres de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP). Cette année à Marrakech, les Saoudiens ont encore une fois bloqué des négociations, déjà très lentes », regrette Safa’Al-Jayoussi, coordinatrice de Climate Action Network (CAN) pour le monde arabe.

    Le manque de visibilité et d’actions de ces pays lors des sommets sur le climat est fréquemment expliqué par ce rôle joué par le royaume saoudien. « Depuis le démarrage du processus de négociation sur le climat, la délégation saoudienne était présidée par Dr Mohamed Al-Sabban. Ce climatosceptique avait la réputation d’être un acteur de blocage pour l’avancement des négociations », rappelle Wael Hmaidan, directeur de CAN-International |4|. Le remplacement de ce diplomate saoudien à partir de 2015 aura permis à l’Arabie saoudite de modifier légèrement ses positions au sujet des négociations climatiques.

    Dans les rangs de la délégation saoudienne présente à Marrakech, une lecture conservatrice de l’accord de Paris est toujours prédominante. Ayman Shasly est conseiller au ministère saoudien de l’énergie et membre de l’équipe des négociateurs : « L’accord de Paris permet une adaptation selon le niveau de développement de chaque pays. Les pays n’ont aucun engagement pour fournir des efforts en matière d’énergies fossiles. Tous les engagements restent volontaires », indique-t-il. D’autres pays arabes prennent leurs distances avec cette stratégie.

    Faible ratification de l’Accord de Paris

    À une journée de la fin du sommet, Safa’ Al-Jayoussi était déçue par la faible présence arabe lors de cette COP. « La participation arabe était plus importante lors de la COP21 », compare-t-elle. Pourtant son réseau a appelé durant des mois à « une présence forte pour soutenir la présidence marocaine », en vain : seuls quelques ministres de l’environnement ont fait le déplacement. « Le nouveau président libanais devait participer à ce sommet, mais il a été retenu par des engagements urgents liés à la formation du nouveau gouvernement », explique pour sa part le chef de la délégation libanaise.

    Cette présence plus que discrète est à l’image de la faible mobilisation pour la signature de l’accord de Paris parmi les pays membres de La Ligue arabe. Sur les vingt-deux pays, seuls trois – l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Maroc — ont déposé leur signature auprès de la CNUCUCC. Quatre pays ont lancé le processus de ratification au niveau national : l’Égypte, l’Algérie, la Tunisie et le Liban. « Nos pays sont venus à la COP22 peu préparés. Ils ont été surpris par le rythme rapide des ratifications. Au final, ils étaient frustrés de ne pas pouvoir participer à la négociation, car ils ne font pas encore partie de l’accord », observe Safa’Al-Jayoussi.

    En ordre dispersé

    À la « zone bleue » de la COP22, les pavillons des pays arabes n’avaient pas tous la même visibilité et le même positionnement. Le Maroc, pays hôte, confirmait son orientation africaine à la recherche d’opportunités d’affaires dans ce continent. La Tunisie, également présente dans le pavillon africain, s’est contentée d’une présence symbolique et d’un pavillon modeste. L’Algérie pour sa part avait choisi de ne pas avoir de pavillon, réduisant sa présence au strict minimum. Au final, c’est le pavillon du CCG qui aura été le lieu de rassemblement de ces délégations. Cet espace organisait quelques rares moments d’échanges entre les pays de la région sur leurs stratégies d’adaptation face aux changements climatiques. Très peu suivies par les délégués des pays, les présentations des programmes nationaux n’ont pas apporté une réponse régionale aux défis posés par le changement climatique.

    Tous ces facteurs mènent les pays arabes à des stratégies isolées. Comme le Maroc, l’Égypte se positionne comme un acteur-clé dans le groupe des pays africains. C’est d’ailleurs le ministre égyptien de l’environnement, Khaled Fahmy, qui en assure la présidence. Le Liban, le Maroc et la Tunisie font partie du Climate Vulnerable Forum, qui défend des positions davantage progressistes que le groupe arabe. Même les Émirats arabes unis (EAU), l’un des principaux alliés du royaume commence à s’émanciper -– légèrement — de la tutelle du grand frère saoudien. Sur le pavillon du CCG, les Émirats Arabes Unis ont choisi de faire cavalier seul, ayant choisi de disposer de leur propre pavillon. L’émirat exprimait ainsi sa forte mobilisation face aux changements climatiques. Ces réponses nationales rendent difficiles toutes coordinations régionales.

    L’endettement comme perspective

    Ces multiples positionnements n’ont pas été faciles à gérer pour des pays comme le Maroc. « Bien que le Maroc ait pris part aux COP depuis 1995, il est difficile d’identifier une stratégie autonome du pays ou une position politique claire sur le sujet. En absence de vision claire, ‘’nos ‘’ négociateurs sont perdus entre vingt groupes de négociations », explique Jawad Moustakbal, membre de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac) Maroc. Ces stratégies solitaires affaiblissent la position commune, laissant le champ libre à l’Arabie saoudite. « Notre principal handicap est que le groupe arabe est présidé par un pays pétrolier et climatosceptique, tranche Al-Jayoussi. « Nous aurions espéré une déclaration commune des pays arabes, une initiative de soutien à la présidence marocaine de cette année, or nos représentants brillent par leur discrétion ».

    L’unique initiative à dimension régionale a finalement été l’œuvre de la Banque mondiale. Le vaisseau amiral des politiques néolibérales dans les pays en développement promet aux pays de la région MENA des recettes déjà mises en œuvre pour d’autres problématiques, notamment la réduction de la pauvreté. Ainsi, cette institution annonce, entre autres, qu’elle portera de 18 à 30 % la part de ses prêts en appui à l’action climatique |5|. À défaut d’une réponse régionale des gouvernements arabes, les peuples du Maghreb et du Machrek ont pour perspective de devoir s’endetter dans les décennies à venir pour financer une difficile adaptation aux changements climatiques.

    Notes

    |1| Retrouvez notre dossier complet « COP22 Des paroles aux actes ».

    |2| Pour une radioscopie complète des conséquences des changements climatiques sur la région, voir Climate Projections and Extreme Climate Indices for the Arab Region, UN Economic and Social for Western Africa (ESCWA), 2015.

    |3| Plusieurs des interviewés ont requis l’anonymat.

    |4| Wael Hmaidan, « The Wind of Change Hitting the Arab Region ? », in A Region Heating Up : Climate Change Activism in the Middle East and North Africa, Perspectives n° 9 (août 2016), fondation Heinrich Böll.

    |5| Un nouveau plan d’appui à la lutte contre le changement climatique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 15 novembre 2016.

    CADTM – 19 décembre par Salaheddine Lemaizi

    Auteur.e

    Salaheddine Lemaizi membre d’ATTAC CADTM Maroc et Comité des études et de plaidoyer du CADTM Afrique.