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  • Tragédie d’Alep, attentat de Berlin, un monde capitaliste en décomposition (Anti-k)

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    Perspectives révolutionnaires et campagne présidentielle

    La tragédie d’Alep suscite, à travers le monde, émotion et révolte non seulement contre les bourreaux du peuple syrien mais aussi contre leurs complices qui s’indignent, cyniques et impuissants, pour mieux faire oublier tant leur abandon du peuple syrien que leurs propres crimes en Irak, à Mossoul, en Afghanistan ou au Yémen. L’odieux attentat terroriste de Berlin revendiqué par l’Etat islamique ne fait que souligner le terrible enchaînement de violences barbares qu’engendre l’offensive libérale et impérialiste des classes dominantes de par le monde.

    Cette tragédie s’inscrit au centre des négociations entre les grandes puissances alors que se dessine une nouvelle politique des USA sous la houlette de la réaction alliant milliardaires et généraux.

    « Je pense qu’avec la libération d’Alep, on dira que la situation a changé, pas seulement pour la Syrie, pas seulement pour la région, mais pour le monde entier, il y aura un avant et un après la libération d’Alep » a pu déclarer avec cynisme le dictateur sanglant de Syrie. Avec brutalité, il exprime une réalité politique tant dans la situation au Moyen-Orient que dans les rapports internationaux.

    Les USA devenus incapables d’assumer leur prétention à maintenir l’ordre mondial sont contraints de composer avec les ambitions impérialistes de la Russie, de l’Iran et autres Turquie ou Arabie saoudite…

    Ils encouragent la montée des forces réactionnaires comme ils l’ont fait dans le passé en portant une lourde responsabilité dans la formation d’Al Qaïda. Trump sera l’homme de cette politique des USA concentrés sur la défense de leurs propres intérêts, de ceux de Goldman Sachs and Co.

    La mondialisation libérale et impérialiste rentre dans une nouvelle phase où la lutte pour le maintien des profits et éviter un nouveau krach, une faillite généralisée, s’exacerbe tant au niveau national qu’international.

    Les bourgeoisies n’ont pas d’autre réponse à leur faillite qu’une fuite en avant qui ne peut qu’aggraver les tensions tant économiques et sociales que militaires et internationales.

    Cette offensive provoque à travers le monde de multiples réactions et révoltes, de nouveaux affrontements se préparent à travers lesquels le mouvement ouvrier est appelé à connaître un nouvel essor. Nous n’en connaissons ni les rythmes ni les étapes, mais cette possibilité est inscrite dans le développement des luttes de classes. Elle porte la seule réponse à la banqueroute des classes capitalistes. Nous voulons nous donner les moyens d’y être acteurs en faisant vivre une perspective pour ces mobilisations et ces luttes qui permette d’inverser le cours des choses.

    Sur ce chemin, il n’y a pas de raccourcis ni de voie détournée. Ce qui est à l’ordre du jour est de rassembler les forces en vue de ces affrontements qui posent la question de leur issue révolutionnaire pour en finir avec la domination des classes capitalistes.

    « Crise de la représentation politique » ou nécessité d’un parti des travailleurs ?

    Un nouveau discours politique se développe jusqu’à la caricature, contre « la caste », la corruption des dites élites, antisystème… Ni droite ni gauche, ni bourgeoisie ni prolétariat, ce nouveau populisme serait porté par les classes populaires.

    « Ils ne nous représentent pas » devient y compris au sein de la gauche radicale le mot d’ordre du jour. La « crise de la représentation politique » serait un des facteurs déterminants de la situation actuelle y compris du point de vue des luttes des travailleurs. Cette formule, même si elle peut exprimer une part du mécontentement, est fourre-tout et mélange la censure de la démocratie qu’impose la finance en se soumettant les Etats par le biais de la dette publique et le rejet de la mondialisation et des partis institutionnels voués à la défense des intérêts des classes dominantes, leur corruption comme leurs mensonges ou le recours à la violence d’Etat pour imposer leur politique. S’interrogeant sur cette question, notre camarade Ugo Paletha écrit dans un article intitulé Vers l’autoritarisme ? Crise de la démocratie libérale et politique d’émancipation : « Malheureusement, cette crise d’hégémonie est trop souvent ramenée par les commentateurs politiques, et par certains segments de la gauche radicale, à une disjonction entre l’offre et la demande électorales, autrement dit à la version simpliste d’une crise de représentation politique. Il arrive même qu’elle soit perçue comme le symptôme d’une corruption des élites politiques, recodant ainsi sur un plan moral – donc dépolitisant – la crise politique à laquelle nous faisons face.

    Ces interprétations sommaires mais répandues de la crise de la démocratie libérale ont donné une force certaine au récit populiste (au sens de Laclau, diffusé notamment par Podemos et ses principales figures politiques et intellectuelles, Pablo Iglesias et Iñigo Errejon. Ces derniers, comme le Parti de gauche (PG) et Jean-Luc Mélenchon en France, ont bâti leur discours politique dans la période récente sur l’idée simple – et juste à un tel niveau de généralité – qu’ « ils [les membres de l’élite politique] ne nous représentent pas ».

    Mais ce slogan – et l’imaginaire qui lui est associé – charrient trop souvent une solution illusoire : l’émergence de nouveaux leaders, plus moraux, et de figures charismatiques mieux capables, non simplement d’incarner le peuple, mais à travers eux de le construire comme acteur politique en s’érigeant au-dessus des mouvements sociaux et des organisations politiques […] L’un des défauts essentiels de la démarche défendue par ces courants, dans leur diversité, est qu’elle repose sur une fausse évidence : l’exercice du pouvoir politique permettant seul d’impulser un changement social d’ampleur, les institutions politiques – et partant les élections – constitueraient le champ de bataille central pour la gauche radicale, et plus profondément l’unique locus de la politique d’émancipation. Pablo Iglesias a d’ailleurs affirmé dans un discours récent : « Nous avons appris à Madrid et à Valence que les choses se changent à partir des institutions. Cette idiotie que nous disions quand nous étions d’extrême gauche, que les choses changent dans la rue et non dans les institutions, c’est un mensonge ».[…] Cette conception relève de ce que Marx nommait l’« illusion politique », reposant sur une série de fausses équivalences entre le pouvoir politique, le pouvoir d’État et le pouvoir tout court. » Oui, et c’est bien cette question qu’il nous faut discuter. Pour le mouvement ouvrier, la question n’est pas celle d’être mieux représenté dans le cadre des institutions mais bien de se donner un instrument politique pour préparer l’affrontement avec les classes dominantes, la conquête du pouvoir par les travailleurs eux-mêmes, la population.

    L’écume et la vague de fond

    Nous avons besoin de nous dégager des effets de mode, analyses superficielles, qui confondent l’écume avec le mouvement de fond. Une première remarque s’impose, du point de vue des classes exploitées, du mouvement ouvrier, cette dite « crise de la représentation » n’est pas vraiment une nouveauté. Elle a commencé avec la faillite de la social-démocratie en 1914 puis la soumission des partis communistes à la bureaucratie stalinienne avant que les partis communistes ne réintègrent après la deuxième guerre mondiale le giron des institutions bourgeoises. Faire semblant de redécouvrir le monde n’est pas une bonne façon de faire sauf si on cherche à être une nouvelle représentation politique dans le cadre de ces institutions, la politique de Podemos ou de Mélenchon, c’est à dire recommencer une histoire qui s’est avérée une impasse dramatique.

    La montée des forces réactionnaires n’est pas liée à une simple question de représentation mais bien à la crise globale du capitalisme mondialisé, à l’impuissance du système politique institutionnel dit démocratique dans les pays riches à contenir le mécontentement, les inquiétudes, les souffrances qui touchent des fractions de plus en plus larges de la population.

    La globalité de la crise condamne à l’impuissance, au mieux, des forces politiques qui ne s’attaquent pas à la racine des problèmes, la politique des classes dominantes et de leurs Etats, la logique capitaliste du profit et de la concurrence.

    A la fin de cette année 2016, le basculement du monde dans l’instabilité et dans des tensions exacerbées exige des réponses démocratiques et révolutionnaires. Encore moins que par le passé, il n’est possible de replâtrer le système. Une vision stratégique claire seule permet d’avoir une boussole à travers les différents moments de l’actualité ou les mille aspects des luttes de classes.

    Le lien entre nos tâches quotidiennes et la perspective du pouvoir ne peut se faire que si nous disons clairement et sans ambiguïté l’enjeu de notre combat, non seulement dans notre programme mais y compris dans notre agitation en trouvant les formules pour populariser l’idée d’un pouvoir démocratique des travailleurs.

    La tragédie d’une révolution écrasée n’est pas la fin du processus ouvert en 2011

    La montée des idées réactionnaires loin de nous pousser à chercher des positions de replis, des formules qui permettraient d’éventuelles alliances avec des forces réformistes sous couvert de faire face au recul, nous encourage au contraire à travailler collectivement à élaborer nos analyses et explications qui fondent notre démarche révolutionnaire. Les forces réactionnaires ont le terrain libre non pas parce que les travailleurs ne seraient pas « représentés » mais bien parce qu’il n’y a pas de mouvement significatif capable de formuler une politique pour les mobilisations en vue de luttes politiques, d’affrontements pour en finir avec le pouvoir des classes dominantes.

    A partir de 2011, dans les premières années du NPA fondé au tout début de la crise qui s’est développée depuis, notre compréhension de la période s’articulait autour d’une idée essentielle : la vague révolutionnaire qui balaye le monde arabe souligne le fait que les conditions objectives d’une nouvelle période révolutionnaire mûrissent.

    Ces révolutions s’inscrivent dans une évolution globale du monde qui fonde et légitime une stratégie révolutionnaire.

    Les bouleversements opérés par la mondialisation libérale et impérialiste ont mûri les conditions objectives pour une transformation révolutionnaire de la société en mettant en concurrence les travailleurs à l’échelle de la planète, en prolétarisant des millions de paysans, en ouvrant les frontières, en développant comme jamais les relations internationales, les transports, les nouvelles technologies. En portant les contradictions mêmes du capitalisme à un niveau d’exacerbation jamais atteint au point que le décalage entre les progrès scientifiques, techniques et la dégradation sociale pour le plus grand nombre, le creusement des inégalités, la paupérisation sont devenus insoutenables.

    Ce sont ces contradictions qui ont engendré la première vague révolutionnaire de la nouvelle période.

    Un mouvement irréversible a été engagé, il connaîtra des hauts et des bas, des victoires et des défaites, de lentes accumulations de forces puis de brusques accélérations, des explosions mais notre stratégie doit toute entière s’inscrire dans cette nouvelle période de guerres et de révolution.

    La catastrophe financière est imminente, la discussion sur les moyens de la conjurer est au cœur du débat à l’échelle nationale et internationale. L’étape que vient de franchir la crise économique et financière a des influences politiques qui créent une période d’instabilité politique, d’usure, de discrédit des partis institutionnels qui entraîne une évolution rapide des consciences.

    La question de la dette n’a pas de solution dans le cadre des rapports de classe du capitalisme, la dette publique s’inscrit dans le fonctionnement à crédit du capitalisme qui doit anticiper en permanence les profits non encore réalisés ou qui ne se réaliseront… pas. Le gonflement de la bulle financière accroît sans limite cette logique de l’économie d’endettement tant public que privé. Tous les partis sont confrontés à ce problème qui les ruine à court terme.

    La question sociale s’impose comme la question politique clé en lien avec la question de la démocratie.

    « Non à l’austérité », « annulation de la dette », « aux peuples de décider », deviennent des mots d’ordre quasi universels.

    La crise écologique, par sa globalité, remet en cause l’ensemble du système et fait de la circulation des capitaux un facteur écologique de première importance. Elle donne au besoin d’une gouvernance mondiale, à celui d’une planification démocratique un contenu évident autant il est vrai qu’il n’y a pas de réponse locale ou partielle à la crise écologique planétaire.

    Le principal facteur de stabilité des vieilles bourgeoisies impérialistes, les surprofits impérialistes, est sapé par une terrible concurrence internationale avec son corollaire, la mise en concurrence des travailleurs à l’échelle internationale : crise de la domination de la bourgeoisie qui nourrit le populisme mais aussi émergence d’une nouvelle classe ouvrière internationale porteuse de la transformation révolutionnaire de la société.

    La réponse des classes dominantes et des grandes puissances à l’émergence encore incertaine de ces exigences dans le monde arabe a été la répression dont la tragédie d’Alep marque le sinistre et sanglant apogée alors que le djihadisme poursuit ses exactions barbares.

    Les forces réactionnaires ont pu briser cette première vague de la révolution, elles n’en sont pas pour autant venues à bout. Les exigences de la révolution ne sont pas, elles, brisées, elles gagnent du terrain, se répandent.

    A l’opposé des confusions sur « la nouvelle représentation », la nécessité d’une démocratie révolutionnaire

    La déferlante réactionnaire ne doit pas nous enfermer dans l’instant. Elle est la seule politique d’une classe en faillite incapable d’offrir d’autres perspectives aux peuples que l’égoïsme national, l’obscurantisme religieux, la mystique nationale et la haine de l’autre pour leur imposer la régression sociale, démocratique, la guerre en permanence.

    Toute notre politique doit être fondée sur l’idée qu’à l’opposé, les travailleur-e-s, et la jeunesse, les classes exploitées vont chercher les moyens de se défendre, les armes pour se battre.

    La perspective révolutionnaire va progressivement, à travers les expériences quotidiennes, gagner les consciences.

    C’est cette expérience qui construit le lien concret et pratique entre notre activité quotidienne, les luttes d’aujourd’hui et la lutte pour le pouvoir demain.

    La révolution n’est pas un saut qualitatif à partir de rien mais bien un bouleversement, une rupture, conséquence de l’accumulation de contre-pouvoirs locaux gagnés dans les syndicats, les associations, les institutions elles-mêmes. L’agitation, l’activité révolutionnaire n’est pas une simple dénonciation ou incantation mais la lutte pied à pied pour gagner des positions, la lutte pour des micropouvoirs démocratiques et révolutionnaires, accumulation primitive de forces révolutionnaires, de matériels explosifs en vue de la conquête du pouvoir. La révolution est bien un processus, celui de la révolution en permanence.

    La bataille pour la candidature de Philippe Poutou, vers un parti des travailleurs…

    Ces dernières années, le NPA a connu des doutes, des hésitations à assumer une politique de parti pour la transformation révolutionnaire de la société s’adressant à l’ensemble de la classe ouvrière, de la jeunesse. Il en a été fortement affaibli.

    Nous donner maintenant les moyens d’être présents dans la campagne présidentielle autour de Philippe Poutou, ouvrier candidat, est une étape importante pour surmonter nos difficultés en défendant une politique et un vote de classe, contre leur système, en rupture avec lui. En rupture aussi avec celles et ceux qui dénoncent les élites pour mieux rester dans le cadre institutionnel et y enfermer le mécontentement.

    C’est une bataille importante pour contribuer à ce que l’ensemble du mouvement révolutionnaire sorte des politiques d’auto affirmation pour rassembler, unir ses forces pour faire face aux tempêtes à venir.

    Le mouvement anticapitaliste et révolutionnaire est devant une nouvelle étape. Depuis l’effondrement de l’ex-URSS, il y a près de 30 ans, l’extrême gauche, pour l’essentiel le mouvement trotskyste, n’a pas réussi à répondre aux nouvelles possibilités ni aux nouveaux besoins nés de la fin du stalinisme et de la transformation de la social-démocratie en social-libéralisme. Aujourd’hui ces évolutions laissent un champ de ruines, des militantEs désemparés, démoralisés pour beaucoup. Nous n’avons pas encore réussi à opérer notre révolution culturelle, un saut qualitatif de groupes opposants à la social-démocratie et au stalinisme en un petit parti ouvrier et populaire, que ce soit Lutte ouvrière et l’appel à un parti des travailleurs après 1995, Voix des travailleurs et la politique d’unité des révolutionnaires de 1997 à 2000, la LCR avec la fondation du NPA, aujourd’hui le NPA lui-même.

    Lutte ouvrière s’enferre dans un repli sur soi contraire à l’orientation qui avait permis à LO de jouer un rôle essentiel dans le développement du mouvement révolutionnaire au sein de la classe ouvrière. Ce repli s’exprime de façon caricaturale dans l’analyse de La Russie de Poutine que fait LO. Dans un article intitulé Décembre 1991 : la fin de l’URSS, pas des idées communistes, publié le 14 décembre dernier, Lutte ouvrière revient sur l’effondrement de l’URSS et sur le régime de Poutine. « Arrivé à la tête de la Russie en 2000, Poutine se donna pour tâche de rétablir la «verticale du pouvoir», dans l’intérêt de la bureaucratie dans son ensemble. Il imposa que les affairistes se soumettent à l’État et paient leurs impôts, tout en permettant leurs pillages, avec comme perspective la réintégration de la Russie dans le marché mondial.

    Mais le capitalisme en crise n’est plus capable de progrès depuis longtemps déjà. Il est incapable de se substituer efficacement à l’économie et aux rapports sociaux hérités des soixante-dix ans d’existence de l’URSS, si ce n’est pour permettre à une minorité de s’enrichir.

    La fin de l’URSS a marqué une étape décisive dans le processus réactionnaire dont le stalinisme avait été l’incarnation sanglante, et il n’y a pas lieu de se réjouir de l’évolution en cours. La perspective d’une future Union socialiste mondiale des travailleurs reste la seule qui permettra à l’humanité de reprendre sa marche en avant. » Quelle est la place de la Russie aujourd’hui dans le monde libéral et impérialiste ? Continuité de la bureaucratie ? Continuité de l’Etat ? De l’Etat ouvrier ? Le lecteur ne saura pas. Cette analyse fermée et métaphysique est l’expression de la fermeture de LO elle-même.

    Pourtant, la nouvelle époque dans laquelle nous entrons demande un dépassement de l’extrême-gauche, rendu nécessaire mais aussi possible par le basculement du monde dans une crise globale sans précédent qui crée les conditions objectives de cette mue, l’exige et la rend possible.

    Cette question s’était déjà posée après la fin de l’URSS, à partir de 1995 après qu’Arlette Laguiller a rassemblé plus de 5 % des voix à l’élection présidentielle et le mouvement de novembre-décembre 95 puis quand, ensemble la LCR et LO ont obtenu 5 députés au Parlement européen. En 2002, l’extrême gauche réalisait plus de 10 % des voix à l’élection présidentielle.

    Rien de significatif n’est sorti de cette période. Conditions objectives ?

    Non, ou du moins pas seulement, mais l’incapacité de l’extrême-gauche à surmonter ses divisions. Il ne s’agit pas d’une question psychologique, ou morale, de sectarisme, mais bien d’une question politique de fond : les conceptions de construction par en haut, d’auto construction dans laquelle le programme est plus un instrument de délimitation, de clivage qu’un instrument d’intervention et de regroupement.

    Rompre avec ces conceptions n’est pas abdiquer d’une fermeté stratégique, bien au contraire. Les idées ne servent pas à cliver sinon ce sont des formules dogmatiques, elles servent à agir, à unir pour agir.

    Nous rééditons en annexe de cet article un texte de 1997 rédigé par Voix des travailleurs, groupe constitué par les militantEs excluEs de LO à ce moment-là, qui illustre notre propos en revenant sur l’histoire de la façon dont la construction d’un parti s’est posé pour le mouvement ouvrier. Nous voulions opposer la réalité aux mythes.

    Un parti de la classe ouvrière participe d’un processus d’auto-organisation dans lequel sont acteurs groupes, tendances, militantEs, un processus créateur qui suscite initiatives, cimenté par une même conscience révolutionnaire, socialiste et de classe.

    Le parti est une sorte de melting-pot à travers lequel il se transforme lui-même, évolue, se renforce, élabore sa politique à travers une confrontation permanente tant entre les différents courants qui s’y retrouvent qu’avec les autres forces du mouvement ouvrier.

    C’est notre capacité à rassembler toutes nos forces qui peut nous permettre de surmonter nos actuelles difficultés. Cette capacité ne renvoie pas à des qualités morales, individuelles mais bien à une question de stratégie, la compréhension de la nouvelle période, les tâches qui en résultent, les changements qu’elle implique et la volonté de construire un parti révolutionnaire et démocratique sur des bases de classe.

    Démocratie Révolutionnaire, Par Yvan Lemaitre

    http://www.anti-k.org/

  • Dossier: Révolutions et contre-révolutions dans la région arabe 2011-2016 (NPA)

     

    Il y a six ans débutait en Tunisie un processus révolutionnaire secouant la plupart des États d’Afrique du Nord, du Proche et du Moyen-Orient.

    Dans un mouvement cumulatif début 2011, des soulèvements de masse remettaient en cause des régimes politiques d’origine très diverses (républiques nationalistes pro ou anti-occidentales, monarchies absolues ouvertement réactionnaires ou se voulant modernistes). Un dictateur après l’autre était conspué avec une haine commune, contre la confiscation de l’État et l’arbitraire, contre la corruption et le chômage généralisés. Et dans plusieurs d’entre eux, face à la répression sanglante, des manifestations immenses scandaient le slogan « Ash-shab yurid isqat an-Nizam ! » « Le peuple veut la chute du régime ! »… D’hier à aujourd’hui, ce dossier revient sur quelques éléments d’un processus essentiel.

    1. Flux et reflux de la vague révolutionnaire
    2. Les jeux des grandes et moyennes puissances
    3. Le rôle de l’Iran dans la tragédie syrienne
    4. La dimension kurde du conflit syrien

     Hebdo L’Anticapitaliste – 364 (24/12/2016)

    http://www.anti-k.org/2016/12/23/dossier-n-04-presentation-revolutions-et-contre-revolutions-dans-la-region-arabe-2011-2016/

  • La chute d’Alep Est : nos destins sont liés… par J. Daher (Anti-k)

    Pour rappel, Alep-Est subissait un siège depuis juillet 2016 et les populations civiles manquaient de nourriture, d’eau, de médicaments et d’autres produits de première nécessité. Avant la conquête totale des quartiers libérés d’Alep Est, environ 50 000 personnes avaient fui, en majorité vers les zones contrôlées par le régime et une minorité, plusieurs milliers, vers les quartiers de Sheikh Maqsoud, sous la direction des forces kurdes du PYD. Selon certaines sources, le régime aurait d’ailleurs ordonné aux forces armées kurdes du PYD, les YPG, de quitter son bastion de Sheikh Maqsoud avant la fin de l’année[1]. Les hommes âgés entre 18 et 45 ans fuyant vers les zones sous le contrôle du régime étaient séparés du reste des civiles pour être interrogé par les services sécurités d’Assad. Pour certains, leurs sorts sont encore inconnus ; beaucoup craignent des exécutions sommaires ou des incarcérations arbitraires dans les geôles du régime, tandis qu’une majorité des nouveaux jeunes arrivants étaient mobilisés par l’armée du régime pour combattre contre l’opposition armée, pour certains contre leurs anciens camarades…

    La victoire des forces pro-régime provoque un nouveau déplacement forcé de populations, entre 50 000 et 80 000 personnes, en grande majorité des civils, suite à un accord entre l’opposition armée et le régime. Le transfert forcé de population se finissait, à l’heure où nous écrivons, et avait été retardé par des milices pro-iraniennes qui ont attaqué les premiers convois, tandis que d’autres milices pro-régime attaquaient et volaient des civils fuyant les régions Est de la ville. Des combattants liés au groupe jihadiste de Jund Al-Aqsa,[2] allié de Fateh al-Sham (ex Jabhat al-Nusra), ont aussi brulé les bus devant évacuer les blessés de deux villes habités par des populations syriennes, Kefraya et Fuaa, de confessions chiites dans la province d’Alep, bloquant temporairement le départ des civils d’Alep Est, qui pour nombre d’entre eux ont condamné cet acte sur les réseaux sociaux.

    Les forces armées de l’opposition étaient composées d’entre 7 000 et 10 000 combattants, dont environ quelques centaines de djihadistes (de Jabhat Fateh al-Sham), les estimations allant de 250 à 700[3], et non la majorité comme certains journalistes l’ont affirmé.

    Les groupes d’oppositions armées principales étaient composés de brigades locales, en grande majorité liés à l’Armée Syrienne Libre et de quelques groupes à dénominations islamiques mais qui ne sont ni salafistes ni djihadistes. Les différents groupes avaient formé un commandement unifié sous le nom de « l’armée d’Alep »  pour défendre les quartiers sous leurs contrôles, tout en continuant à être minés par des divisions. Cela ne signifie nullement que ces groupes n’ont pas commis de crimes. Pour ma part, j’ai condamné systématiquement leurs bombardements contre les civils des régions sous le contrôle des forces du régime et des quartiers kurdes de Sheikh Maqsoud, et autres exactions.

    D’ailleurs certaines brigades islamiques et de l’ASL affilié au gouvernement turc, dépendant de son assistance politique et militaire, avaient quitté le front d’Alep, assiégé depuis juillet, pour participer à l’intervention turque en Syrie depuis l’été contre Daech, mais surtout contre les forces kurdes du PYD.

    Des milliers de soldats des forces armées d’opposition syrienne ont dès lors été détournés du front d’Alep pour les intérêts du gouvernement turc au détriment des syriens.

    Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est en effet resté silencieux sur les événements d’Alep, tandis que son premier ministre déclarait qu’il ne voyait pas d’objection à la présence d’Assad dans une période de transition. Erdogan, a en en fait conclu un accord avec les dirigeants russes et iraniens qui peut être résumé de la manière suivante : Alep pour ces derniers et Jarablus et autres régions frontalières pour le premier.

    La priorité sur le terrain est en effet donnée à la lutte contre l’autonomie et à la prévention de toute expansion des forces kurdes du PYD au nord-est de la Syrie.

    La Turquie a d’ailleurs émis le 22 novembre un mandat d’arrêt contre le leader du PYD, Saleh Muslim, tout en continuant la répression tout azimut menée contre les représentants et membres du HDP en Turquie. L’intervention militaire turque a d’ailleurs causé la mort de nombreux civils, arabes et kurdes, en Syrie, notamment à la suite de bombardements de son aviation. Ces derniers jours, la ville d’al-Bab, proche de la frontière turque et occupée par Daech, a par exemple été bombardé par l’aviation militaire turque, provoquant la mort d’au moins 47 civils (bilan qui risque de s’alourdir car des personnes sont toujours portées disparus[4]).

    Les ministres des affaires étrangères et de la défense de l’Iran, de la Turquie et de la Russie se sont d’ailleurs rencontrés le 20 décembre pour discuter du futur de la Syrie.

    À l’issue de cette conférence, les trois puissances ont adopté une déclaration commune visant à mettre fin au conflit en Syrie, par laquelle ils s’engagent à œuvrer à la mise en place d’un cessez-le-feu dans l’ensemble du pays, et que la priorité aujourd’hui en Syrie doit être de lutter contre le terrorisme et non d’aller vers un changement de régime à Damas. Dans les nombreuses manifestations populaires ces dernières semaines en solidarité avec Alep à travers les zones libérées en Syrie, les populations locales exprimaient également leur ras-le-bol des divisions entre les groupes de l’opposition armée et exigeaient leur unification sous un seul leadership.

    Alep Est, un symbole d’une alternative démocratique et inclusive… 

    Revenons sur la chute d’Alep Est et sur l’alternative démocratique que la ville a pu représenter. Les quartiers d’Alep Est ont été libérés par des forces de l’opposition armée venant de la province d’Alep à la fin de l’été 2012. En mars 2013, le conseil local d’Alep, constitué de civils élus démocratiquement par les populations locales, a vu le jour, remplaçant le conseil révolutionnaire transitoire qui avait été mis en place à l’automne 2012 par les groupes de l’opposition armée et certains groupes civils.

    À cette époque, plus d’1,5 millions de personnes vivaient dans ces régions.

    Ce conseil était renouvelé tous les ans et comptait vingt-cinq élus. Les élections étaient organisées via des listes parmi lesquelles votaient des assemblées regroupant soixante-trois conseils de quartiers de la zone libérée. La dernière élection a eu lieu en novembre 2015. Le Conseil local administrait le territoire et était responsable de la gestion des besoins de base des habitants : éducation, infrastructures civiles, hôpitaux, entretien de la voirie, etc. Les représentants du conseil organisaient des rencontres avec les conseils de quartiers pour prendre connaissance des besoins des habitants. Il y avait six cents employés qui travaillaient au sein des conseils de quartiers[5]. Là encore, cela ne signifie en rien que tout était parfait ; il y avait par exemple un déficit de participation des femmes aux hautes responsabilités du conseil local.

    De nombreuses organisations populaires ont vu le jour également, organisant de nombreuses activités démocratiques, sociales, éducatives et culturelles (théâtres, concerts, festivals), tandis que des médias locaux – radios et journaux particulièrement – furent créés. De nombreuses campagnes populaires et démocratiques s’opposant au régime et aux forces islamiques fondamentalistes étaient organisés. Dans le même temps, les activistes et organisations populaires s’acharnaient à délivrer un message inclusif contre le confessionnalisme et le racisme. Ce sont ces activistes qui ont défié au début les pratiques autoritaires de certains groupes armés, mais surtout – en lien avec les populations locales – se sont opposés aux mouvements fondamentalistes islamiques.

    Installé dans la ville en 2013, Daech en a ainsi été chassé début 2014 à la suite de mobilisations massives populaires, et de l’offensive de groupes de l’opposition armée liés à l’ASL.

    Ce fut ensuite au tour de Jabhat al-Nusra à l’époque de subir l’opposition du mouvement populaire dans la ville pour ses pratiques réactionnaires et autoritaires, d’où d’ailleurs sa faible présence dans ces régions.

    Ces exemples d’Alep Est peuvent être retrouvés dans d’autres régions libérées de Syrie, encore aujourd’hui, et c’est pour cette raison qu’elles sont et ont été la cible première du régime Assad et de ses alliés. Alep a subi un déluge de feu depuis l’été 2013, d’abord par les forces du régime puis accompagné par les forces aériennes russes à partir d’octobre 2015. Ces bombardements sont symptomatiques de la barbarie employée pour mettre fin à toute forme de résistance populaire dans le pays. La population des quartiers libérés de la ville d’Alep est passé d’environ 1,5 million d’habitant·e·s au début l’été 2013, avec une riche société civile d’organisations populaires, à 250 000 personnes manquant de tout à l’été 2016.

    Toutes les villes et les quartiers dans lesquels existait une alternative populaire, démocratique et inclusive, ont été visés comme dans le cas de la ville de Daraya, dans la province de Damas, il y a quelque mois par exemple, et continuent à être visés, de même que les infrastructures civiles sur lesquelles se fondent ces expériences. Par exemple, 382 attaques ont eu lieu contre des installations médicales en Syrie entre mars 2011 et juin 2016, dont 90% des bombardements ont été menés par les forces de Damas et de Moscou.[6] Elles ont ainsi tué plus de 700 travailleurs·euses du personnel médical en Syrie. Cela sans oublier les multiples bombardements d’institutions civiles, comme celles des défenses civiles, connus sous le nom de « casques blancs », des boulangeries, écoles, usines, etc.

    Ce sont ces exemples d’auto-organisations populaires et démocratiques, y compris avec leurs imperfections, qui sont craints par dessus tout par le régime depuis 2011. Non pas l’opposition officielle – en exil, corrompue et liée à des États autoritaires de la région –, ni les forces fondamentalistes islamiques qui constituent de fait un allié objectif du régime, dont ce dernier a d’ailleurs favorisé le développement, par ses pratiques autoritaires et confessionnelles.

    Pour preuve, la reconquête par Daech de la ville de Palmyre est intervenue le 11 décembre, malgré la présence des forces russes, et n’a pas inquiété outre mesure le régime, qui concentrait ses forces et celle de ses alliés sur Alep Est. Ces dernières ont dû évacuer Palmyre juste avant l’entrée des combattants de Daech. Ces derniers ont trouvé dans la ville des réserves d’armes lourdes, dont des armes anti-aériennes. Les dirigeants officiels du régime ont déclaré à plusieurs reprises que Daech ne constituait pas une priorité, tandis que l’aviation russe a concentré ses frappes dans sa grande majorité sur les zones dans lesquelles les forces de Daech n’étaient pas présentes.

    Le peuple syrien en lutte sans alliés au niveau international et régional…

    Les puissances occidentales se bornent à exprimer leurs regrets, mais n’agissent même pas sur un plan humanitaire. Le 19 décembre dernier, le Conseil de sécurité a certes voté à l’unanimité, y compris la Russie, de déployer des observateurs de l’ONU et d’autres organisations à Alep pour y superviser les évacuations et garantir la sécurité des civils. Cela ne change néanmoins pas l’orientation politique générale des États-Unis et des États européens qui, loin de prôner un processus démocratique en Syrie, ne s’opposent pas au dictateur Assad et à sa clique malgré leurs crimes. En outre, la coalition internationale sous la direction des États-Unis, qui bombarde des positions de Daech en Syrie et en Irak depuis août 2014 a causé la mort de plus de 1 900 civils dans les deux pays depuis le début des frappes.

    Il existe une tendance générale, au niveau mondial, qui vise à « liquider » la révolution syrienne et ses aspirations démocratiques au nom de la « guerre contre le terrorisme ».

    La victoire de Donald Trump aux États-Unis renforce cette tendance, lui qui a en effet déclaré à plusieurs reprises qu’il souhaite conclure des accords avec Poutine sur la Syrie. Malgré le manque de continuité et la volatilité des positions de Trump en matières de politique internationale, la nomination récente de Rex Tillerson, patron du géant pétrolier ExxonMobil, au poste de Secrétaire d’État (équivalent du ministre des Affaires Etrangères), confirme la tendance évoquée. C’est une personnalité en effet connue pour ses positions pro-russes, qui a d’ailleurs reçu en 2013 des mains de Poutine la plus haute distinction russe pour un civil (l’ordre de l’Amitié).

    Dans ce contexte, la conquête d’Alep s’inscrit dans la volonté du régime d’Assad et de ses alliés, russe et iranien, de bénéficier d’un fait accompli lors de l’entrée en fonction du nouveau président à Washington le 20 janvier 2017. Le problème des États occidentaux, voire de certaines forces de gauche, dans leur politique dite « réaliste », est de penser qu’on peut réussir à se débarrasser de Daech et de ses semblables, considérés comme ennemis principaux en Syrie et ailleurs, avec les mêmes éléments qui ont nourri leur développement : soit l’appui au maintien de régimes ou de groupes autoritaires et confessionnels, soit le soutien apporté à des politiques néolibérales et des interventions militaires…

    Or il ne suffit pas de mettre fin militairement aux capacités de nuisance de Daech et consorts, au risque de les voir réapparaître à l’avenir comme ce fut le cas dans le passé ; il s’agit de s’attaquer aux conditions politiques et socio-économiques qui ont permis leur développement. Il faut se rappeler que Daech, élément fondamental de la contre-révolution, a connu une progression sans précédent à la suite de l’écrasement des mouvements populaires, en se nourrissant de la répression massive perpétrée par les régimes autoritaires d’Assad et consorts, et en attisant les haines religieuses.

    L’interventionnisme des États de la région ou au-delà, conjugué aux politiques néolibérales – qui n’ont cessé d’appauvrir les classes populaires – et à la répression des forces démocratiques et syndicales, ont grandement contribué, et contribuent toujours, au développement de Daech. Il s’agit de lutter contre ces éléments, tout en soutenant les mouvements populaires démocratiques et non confessionnels qui, malgré des reculs importants, persistent dans la région, défiant à la fois les régimes autoritaires et les organisations fondamentalistes religieuses.

    Nos destins sont liés

    Face à la guerre et aux crimes sans fin du régime d’Assad et de ses alliés contre le peuple syrien, face à la volonté croissante des puissants de liquider les aspirations démocratiques de la révolution syrienne, il nous faut réaffirmer notre soutien à la lutte du peuple syrien pour la démocratie, la justice sociale et l’égalité, contre toutes les formes de confessionnalisme et de racisme.

    Dans cette perspective, il est aussi crucial de ne pas séparer la lutte pour l’autodétermination des Kurdes de la dynamique de la révolution syrienne. C’est la mobilisation populaire massive de toutes les composantes du peuple syrien qui a contraint le régime d’Assad, durant l’été 2012, à se retirer de certains régions à majorité kurde du nord de la Syrie et à conclure un accord pragmatique et temporaire de non confrontation avec les forces du PYD, n’empêchant néanmoins pas des combats sporadiques entre les deux acteurs, pour concentrer sa répression criminelle sur d’autres régions en révolte. La défaite de la révolution syrienne marquera le retour de l’oppression des populations kurdes sous un régime chauvin et autoritaire qui a toujours affirmé son opposition à toute forme de reconnaissance des droits du peuple kurde en Syrie.

    Pour cela, l’urgence absolue est d’arrêter la guerre, qui ne cesse de créer des souffrances terribles, empêche le retour des réfugié·e·s et des déplacé·e·s internes, et ne profite qu’aux forces contre-­révolutionnaires issues des deux bords. Il importe également de dénoncer toutes les interventions étrangères qui s’opposent aux aspirations à des changements démocratiques en Syrie, que ce soit sous la forme d’un soutien au régime (Russie, Iran, Hezbollah) ou en se proclamant « amis du peuple syrien» (Arabie Saoudite, Qatar et Turquie). Une nouvelle fois, comme nous l’avons vu, le peuple syrien en lutte pour la liberté et la dignité n’a pas d’amis dans son combat…

    De même, nous devons refuser toutes les tentatives, qui se multiplient actuellement, de légitimer à nouveau le régime d’Assad au niveau international, visant à permettre à ce dernier de jouer un rôle dans le futur du pays. En outre, un blanc-seing donné aujourd’hui à Assad et à ses crimes accroîtrait immanquablement le sentiment d’impunité des États autoritaires, de la région et d’ailleurs, leur permettant d’écraser à leur tour leurs populations si celles-ci venaient à se révolter.

    Il nous faut donc réaffirmer notre solidarité avec les forces démocratiques et progressistes qui luttent contre le régime criminel d’Assad et les forces fondamentalistes religieuses, tout en exigeant des protections pour les civils.

    Dans cette perspective, il est urgent de renforcer toutes les mobilisations qui, à travers le monde, visent à recréer une véritable solidarité internationaliste et progressiste, dénoncent toutes les puissances impérialistes internationales et régionales sans exception, ennemies des peuples en luttes, tout en s’opposant aux politiques néolibérales, sécuritaires et racistes, en particulier les politiques criminelles de fermeture des frontières des États européens qui ont transformé la Méditerranée en vaste cimetière pour les personnes fuyant les guerres, les dictatures et la misère.

    Ici, là-bas : inexorablement, nos destins sont liés…

    Illustration : photo by Haleem Kawa. Source: Haleem Kawa Facebook page. Link: bit.ly/2hTlXzc. Traduction : « Aime moi, loin de la terre d’oppression et de frustration … loin de notre ville qui a eu assez de mort » Alep assiégé, dernier jour, 15/12/2016″. 

    Notes:

    [1] Voir : http://rudaw.net/english/middleeast/syria/221220161.

    [2] Voir : http://www.almodon.com/arabworld/2016/12/19/إحراق-حافلات-الفوعة-وكفريا-الفاعلون-جند-الأقصى.

    [3] Voir https://godottoldus.wordpress.com/2016/12/15/quick-notes-on-the-doomsday-of-aleppo/#more-248http://www.mei.edu/content/at/under-pressure-syrias-rebels-face-al-nusra-quandaryhttp://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-syria-combatants-factb-idUSKBN14124R ; https://syriafreedomforever.wordpress.com/2016/12/12/conference-debat-avec-brita-hagi-hasan-president-du-conseil-local-dalep-est/ http://syriadirect.org/news/rebels-surrender-east-aleppo-evacuations-begin/ http://www.noria-research.com/wp-content/uploads/2016/10/pdf-Noria-Legrand-sept-2016_FR.pdf

    [4] Voir : http://www.syriahr.com/en/?p=57538.

    [5] Voir http://orientxxi.info/magazine/comment-s-organise-la-population-d-alep,1607http://carnegieendowment.org/files/syrian_state1.pdf ; https://www.facebook.com/TheLocalCouncilOfAleppoCity/.

    [6] Voir : http://www.vox.com/world/2016/9/22/13000276/assad-putin-bombing-syrian-hospitals-aleppo.

    http://www.anti-k.org/

  • L’Egypte de Sissi se plie devant Israel, cette fois sur ordre de Trump (Anti-k)

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    Titre original, peu explicite: « Le Caire accepte le report d’un vote à l’ONU ».

    L’Egypte plie après une intervention de Donald Trump auprès d’Abdel Fattah al-Sissi. Israël a eu des contacts avec l’équipe de transition du président étasunien élu.

    Le gouvernement israélien a demandé à Donald Trump d’intervenir: Washington semblait jeudi sur le point de s’abstenir sur le projet de résolution qui réclame l’arrêt des implantations juives présenté par l’Egypte au Conseil de sécurité de l’ONU.Selon un haut responsable israélien, les autorités israéliennes ont contacté l’équipe de transition mise en place par le futur président des Etats-Unis lorsqu’il est apparu qu’elles ne pourraient pas convaincre l’administration Obama de poser son veto au projet égyptien.

    Lors de ce contact «à haut niveau», les Israéliens ont demandé l’intervention de Donald Trump, qui succédera à Barack Obama à la Maison Blanche le 20 janvier prochain.D’après deux diplomates occidentaux, Obama, qui avait opté pour un veto en février 2011 sur un projet de résolution similaire, était cette fois décidé à s’abstenir. Dans les faits, Washington aurait ainsi permis l’adoption du texte par les 14 autres Etats membres du Conseil. Pour les Israéliens, a poursuivi ce haut responsable israélien, cette abstention américaine aurait constitué une «violation de son engagement fondamental à protéger Israël à l’ONU».Le gouvernement israélien, a ajouté cette source, est convaincu que l’administration Obama, qui entretient des relations difficiles avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, avait programmé de longue date cette abstention et s’est coordonnée avec la partie palestinienne.

    Affaire pas terminée

    L’Egypte a finalement décidé de repousser la mise aux voix de son projet. Elle a indiqué vendredi avoir accepté que le vote d’un projet de résolution à l’ONU soit reporté après une intervention du président américain élu Donald Trump auprès d’Abdel Fattah al-Sissi.La présidence égyptienne a parallèlement fait savoir que Donald Trump et Abdel Fattah al Sissi s’étaient entretenus par téléphone. «Les présidents sont convenus de l’importance de donner à la nouvelle administration américaine toutes les chances de traiter toutes les dimensions du dossier palestinien dans l’optique de parvenir à un accord total et définitif», a dit un porte-parole du président égyptien.

    Le retournement du président égyptien a surpris mais il fait suite à de nombreuses preuves d’admiration pour M. Trump de la part de M. Sissi. Cet ancien officier de l’armée avait renversé son prédécesseur islamiste en 2013, un acte condamné par l’actuel président Barack Obama.Pour autant, l’affaire n’est peut-être pas terminée: quatre autres membres du Conseil de sécurité se sont dits prêts à déposer eux-mêmes le projet de résolution en cas de refus de l’Egypte. Les ambassadeurs arabes se sont eux réunis en urgence à l’ONU. L’ambassadeur palestinien, Riyad Mansour, a estimé que M. Trump «agissait au nom de Netanyahu».

    Vendredi 23 décembre 2016 Le Courrier/ATS

    http://www.anti-k.org/

  • « La chute d’Alep, c’est la victoire de la propagande complotiste » par Marie Peltier (Souria Houria)

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    A l’heure où le régime d’Assad et son allié russe sont en train de liquider l’opposition syrienne, c’est un récit des événements falsifié qui est en train de l’emporter, estime l’historienne Marie Peltier.

    L’un des enjeux principaux du débat public actuel réside dans la capacité à offrir un récit porteur à la fois de sens, d’éthique et d’un rapport aux faits ajusté. Dans un contexte où les marqueurs symboliques et géopolitiques qui avaient structuré l’imaginaire collectif depuis plusieurs décennies sont en train de basculer, nous observons l’offensive d’une narration de substitution portée par des acteurs politiques identifiés à travers la scène internationale. Ce récit prétendument alternatif est au service de nouveaux rapports d’oppression et met en danger nos libertés.

    La modification des rapports de force à la faveur d’un récit falsifié peut s’observer à l’aune de récents événements lourdement chargés symboliquement. Il en est ainsi de la chute d’Alep, fait politique dont on n’a sans doute pas encore pris la mesure du caractère majeur et fondateur, tant dans le débat public, ici, que sur le plan de la reconfiguration politique dont il est à l’origine, au Proche-Orient et à l’échelle internationale.

    Symbole d’une débâcle sur un plan éthique – l’Europe et les Etats-Unis ayant, par leur désengagement, accordé de facto un blanc-seing au régime Assad et à ses alliés. Triomphe aussi sur le plan de la propagande et de la confusion. Au moment où les civils d’Alep-Est, massacrés à grande échelle par les pouvoirs de Damas et Moscou, tentent de fuir les bombardements aveugles, une narration d’inversion des réalités semble à certains égards l’emporter.

    L’ère du désaveu

    Depuis plusieurs décennies, ce qui avait structuré le débat public trouvait ses racines profondes dans la mémoire de la seconde guerre mondiale. Le rapport à l’oppression, aux faits, aux valeurs restait calqué sur ce qui avait permis de mettre fin à la barbarie nazie. Nos imaginaires restaient cernés par les contours historiques et politiques de ce conflit auquel nous étions décidés à ne « plus jamais » revenir. La guerre froide avait même « réussi » à consolider ce socle commun. Le maintien d’un ennemi identifié dans l’imaginaire collectif, s’il n’était pas sans dévoiements et sans compromissions, avait en un sens permis de protéger un positionnement presque « naturellement » antifasciste.

    La rupture originelle ayant ouvert la phase que nous traversons actuellement s’ancre dans le traumatisme qu’a suscité dans nos imaginaires le 11 septembre 2001. Cet événement mis en avant politiquement et médiatiquement pour scénariser à l’échelle internationale une confrontation à tournure « civilisationnelle » a progressivement modifié la structuration du débat public. Les interventions américaines en Irak et en Afghanistan, les politiques sécuritaires au sein même de nos sociétés, la focalisation à la fois sur le « problème musulman » et en miroir sur les dérives de l’Occident, tout cela a progressivement ouvert une nouvelle ère : celle du désaveu.

    Un désaveu citoyen de plus en plus grand à l’égard de la parole publique, perçue comme mensongère et mise au service de l’oppression. A l’échelle historique, un des cristallisateurs de cette rupture de confiance est sans conteste la vague de manifestations massives de mars 2003 contre la volonté de l’administration Bush de mener l’offensive en Irak. Une interpellation citoyenne qui non seulement a été vouée au mépris mais qui, de surcroît, n’a pas suffi à contrer le mensonge du président américain et la fable des armes de destruction massive. Double trahison : les citoyens n’ont pas été entendus et ont pu avoir la preuve tangible qu’« on » les avait dupés.

    Une double haine a été réactivée : celle du musulman, celle du juif

    C’est sur cette défiance, devenue pour beaucoup de nos concitoyens véritable « horizon », que certains acteurs politiques ont réussi à surfer pour offrir un narratif de la revanche : Vladimir Poutine en tête, Bachar Al-Assad aussi de manière centrale au Proche-Orient. Pourfendant en bloc « médias » et « politiques » occidentaux, les rendant symboliquement responsables de ce discrédit, surfant parallèlement sur l’obsession désormais centrale en Occident à l’égard de l’islam et de l’islamisme, c’est en fait une narration sous-tendue par une double haine qui a progressivement gagné du terrain, à travers une nébuleuse de sites Internet prétendument « alternatifs » et disant vouloir « révéler la vérité cachée ».

    Car c’est bien une double haine, ancienne et profonde dans nos sociétés, qui a été réactivée : la haine du musulman, venant elle-même se calquer sur l’histoire du colonialisme et sur sa mémoire non réglée. La haine du juif, venant épouser une position « anti-impérialiste » rendue paradigmatique, régulièrement « obsessionnalisée » à travers la haine d’Israël.

    C’est sur ces deux éléments narratifs et sémantiques que la propagande de Vladimir Poutine et de Bachar Al-Assad ont pu faire mouche, rendant possible la débâcle morale et politique que constitue la chute d’Alep.

    Présentant les opposants politiques syriens tantôt comme des « islamistes », tantôt comme des « agents de l’Occident », épousant cet imaginaire antisystème qui a désormais le vent en poupe, depuis les Etats-Unis de Donald Trump jusqu’en Europe et en France, où chaque candidat à la présidentielle cherche à se présenter comme candidat antisystème, privilégiant par ailleurs une lecture exclusivement géopolitique des conflits, gommant les humains et leurs luttes à la faveur d’un discours dépolitisant qui ne voit plus que « gaz » et « pétrole » – même là où il n’y en a pas –, des régimes autoritaires et liberticides ont pu imposer leur propre récit. Un récit se nourrissant de la terreur, de la confusion, de l’inversion des réalités et d’une lâcheté désormais largement partagée.

    La chute de notre propre récit

    A cette lumière, la chute d’Alep est aussi la chute d’un héritage : celui du narratif des libertés. Elle est la chute de notre propre récit, que nous avons laissé gagner par la propagande d’acteurs extra-occidentaux dont les porte-voix sont désormais de plus en plus nombreux à l’intérieur même de nos sociétés, qu’ils prétendent pourfendre ou « restaurer ». A l’ère du désaveu a désormais succédé celle de la falsification des faits. Celle de la réactivation de haines et de douleurs anciennes. Celle de l’évacuation de la question morale face à l’oppression.

    Si nous voulons barrer la route à cette ère de la propagande et de la confusion, nous devons appréhender la chute d’Alep comme un marqueur. Central, inexorable, implacable. Saurons-nous remobiliser la lutte pour les droits humains – ceux-là même que nous brandissons comme un ADN depuis plusieurs décennies ? Saurons-nous quitter cette posture du « doute systématique » qui a substitué l’hypercritique déshumanisante à un sain questionnement sur les faits et les sources ? Saurons-nous relever Alep ?

    Car c’est de nos libertés qu’il est question. Et de nos droits. Et de nos vies. De manière tangible, concrète, imminente. Et pour plusieurs générations.

    Marie Peltier est l’auteure de L’Ere du complotisme. La maladie d’une société fracturée (Editions Les Petits Matins, 144 p., 16 euros)

    LE MONDE 14.12.2016   Marie Peltier (Historienne, chercheuse et enseignante à l’Institut de pédagogie de Bruxelles)

     Souria Houria le 22 décembre 2016

    http://souriahouria.com/

     

  • Paris Alep

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  • Lyon : Alep On T’oublie Pas, Syrie On T’abandonnera Pas

     

    ALEP ON NE T’OUBLIE PAS, SYRIE ON NE T’ABANDONNERA PAS

    RASSEMBLEMENT
    Samedi 24 décembre
    14h30
    Place de Terreaux, 69 Lyon


    Nous sommes en période de Fêtes. Raison de plus pour exprimer notre solidarité avec une population arrachée à sa terre en plein hiver livrée à elle-même pour fatalement grossir les rangs de déplacés et de réfugiés! Mais pour le moment, femmes et enfants sont dehors en attendant un toit (tente!) qui ne vient pas pour s’abriter de la neige qui s’abat sur eux!

     
  • Irak (Amnesty International)

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    Des mineurs pris dans les feux croisés de la bataille de Mossoul ont été grièvement blessés et traumatisés

    La situation désespérée d’une génération d’enfants est dans la balance, alors que la bataille sanglante pour la ville de Mossoul menace de déboucher sur une catastrophe humanitaire, a déclaré Amnesty International jeudi 22 décembre après une enquête sur le terrain. 

    Lors d’une mission dans la région ce mois-ci, l’organisation a rencontré des mineurs de tous âges qui présentait de terribles blessures après s’être trouvés dans la ligne de mire entre le groupe armé se faisant appeler État islamique (EI) et les forces gouvernementales, qui sont soutenues par une coalition dirigée par les États-Unis.

    J’ai rencontré des enfants qui non seulement sont très grièvement blessés mais ont également vu des parents et des voisins être décapités lors de frappes de mortier, déchiquetés par des voitures piégées ou des explosions de mines, ou écrasés sous les décombres de leur logement
    Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International

    « Les enfants pris entre deux feux dans la bataille de Mossoul ont vu des choses qu’aucune personne, quel que soit son âge, ne devrait jamais voir. J’ai rencontré des enfants qui non seulement sont très grièvement blessés mais ont également vu des parents et des voisins être décapités lors de frappes de mortier, déchiquetés par des voitures piégées ou des explosions de mines, ou écrasés sous les décombres de leur logement », a déclaré Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International, qui rentre d’une mission de 17 jours dans le nord de l’Irak.

    « Des enfants blessés de guerre se retrouvent ensuite dans des hôpitaux débordant de patients, ou dans des camps pour personnes déplacées, où les conditions humanitaires très dures rendent leur rétablissement sur le plan physique comme psychologique encore plus difficile. Beaucoup d’autres restent bloqués dans des zones où les combats font rage. Les autorités irakiennes et leurs partenaires internationaux dans la bataille de Mossoul doivent mettre en place de toute urgence de meilleurs systèmes de soins, de rééducation et de protection pour les civils touchés. Prendre soin des victimes civiles, en particulier des plus fragiles, doit être une priorité absolue - pas une décision prise après coup. » 

    « Nos maisons sont devenues les tombeaux de nos enfants » 

    Dans un hôpital d’Arbil, Amnesty International a parlé à Umm Ashraf, qui a expliqué qu’elle et ses sept enfants ont été blessés lorsqu’une voiture piégée a explosé devant la maison où ils s’étaient réfugiés, dans l’est de Mossoul, le 13 décembre, enterrant des dizaines de personnes sous les décombres de plusieurs maisons détruites par le souffle. Sa fille aînée, Shahad, 17 ans, a perdu les deux yeux dans cette attaque.

    J’ai tiré mes enfants blessés des décombres un par un
    Umm Ashraf, dont les enfants ont été blessés lorsqu’une voiture piégée a explosé

    « Nos maisons sont devenues les tombeaux de nos enfants », a déclaré Umm Ashraf à Amnesty International. « Mes voisins sont toujours ensevelis sous les gravats ; personne n’a pu les en sortir. J’ai tiré mes enfants blessés des décombres un par un. Mais ma sœur a été tuée, je n’ai pas pu l’aider. Mon voisin a été décapité pendant l’explosion, et beaucoup d’autres ont été tués. » 

    Teiba, 8 ans, et Taghreed, sa sœur âgée de 14 mois, ont été tuées et leurs parents grièvement blessés lorsqu’un mortier a atterri dans la cour de leur maison dans l’est de Mossoul le 12 novembre. Mouna, la mère des enfants, a déclaré à Amnesty International :

    « Je disais aux filles de rentrer à la maison. Il y avait des bombardements et des tirs 24 heures sur 24 dans notre zone. Et puis un mortier s’est écrasé à côté de chez nous. Je me suis écroulée sur place, ma fille Teiba est tombée la tête contre le portail, et la petite a rampé, rampé jusqu’à ce qu’elle m’atteigne, puis s’est effondrée sur mes genoux. »

    Des établissements médicaux arrivés au point de rupture 

    Étant donné que les hôpitaux encore en fonctionnement ou accessibles dans les zones touchées par le conflit sont rares, voire inexistants, dans l’est de Mossoul, l’épicentre des combats, Arbil, la capitale du Gouvernement régional du Kurdistan semi-autonome, constitue le meilleur espoir pour les blessés de recevoir des soins médicaux.

    Si cette ville n’est située qu’à 80 kilomètres, se rendre à Arbil est presque impossible pour les résidents de Mossoul. Les rares personnes arrivant à obtenir un permis spécial peuvent pénétrer sur le territoire contrôlé par le Gouvernement régional du Kurdistan, et il est difficile même pour leur famille de les rejoindre ou de leur rendre visite. 

    Certaines familles fuyant les combats se trouvent bloquées entre les lignes de front, incapables de se rendre dans les territoires contrôlés par le Gouvernement régional du Kurdistan et forcées à attendre dans des no man’s lands pendant des jours. 

    Parmi ceux qui sont parvenus à atteindre Arbil figure Ali, deux ans, blessé lors d’une frappe ayant visé le quartier d’Hay al Falah, à Mossoul, le 14 décembre. Lorsque nous l’avons rencontré, il respirait à peine, et son visage n'était qu'un amas de chair déchiquetée et sanglante. Les médecins ont dit à sa grand-mère, Dokha, qu’ils n’étaient pas sûrs qu’il survivrait. 

    Dokha a déjà perdu deux petites-filles, Zaira, 14 ans, et Wadha, 16 ans, tuées lors de la même frappe, et elle était folle de chagrin à l’idée de perdre Ali aussi.

    « Protège-le, mon dieu, ne me l’enlève pas », implorait-elle.

    « Mes petits-enfants avaient fui leur maison et trouvé refuge dans le sous-sol de voisins ces 30 derniers jours », a-t-elle expliqué. « Ils n’avaient plus d’eau ni de nourriture. La zone a été reprise par l’armée il y a deux jours, alors ils pensaient qu’ils n’était plus dangereux de sortir, mais ils ont été bombardés alors qu’ils arrivaient au portail de la cour. »

    S’il y a des ressources pour la guerre, il faut aussi en prévoir pour les conséquences de la guerre
    Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International

    Bien que seule une partie des blessés de la bataille de Mossoul aient été évacués vers Arbil, les hôpitaux sur place sont submergés par le grand nombre de blessés.

    « La préparation de la campagne militaire visant à reprendre Mossoul a duré longtemps, et les autorités irakiennes - notamment le gouvernorat de Ninive - et leurs partenaires internationaux dans la bataille de Mossoul pourraient et devraient avoir mieux anticipé les inévitables blessures causées aux civils, en particulier alors qu’ils savaient que les hôpitaux du Gouvernement régional du Kurdistan seraient certainement mis à rude épreuve par le fort afflux de blessés de guerre », a déclaré Donatella Rovera.

    « S’il y a des ressources pour la guerre, il faut aussi en prévoir pour les conséquences de la guerre. »

    Des enfants traumatisés et marqués

     Au-delà des blessures physiques dont ils souffrent, les enfants restent marqués et profondément traumatisés par l’extrême violence dont ils ont été victimes et témoins. Sur les milliers d’enfants exposés à des violences durables, seule une infime partie a accès aux soins et au soutien psychologiques dont ils ont désespérément besoin.

     « Ma sœur a été tuée sous les yeux de mes enfants ; ils ont vu un voisin être décapité par la frappe ; ils ont vu des morceaux de corps humain par terre. Comment pourront-ils un jour s’en remettre ? », a demandé Umm Ashraf à Amnesty International.

    Dans un camp pour personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, Mohammed, quatre ans, se balance d’avant en arrière, se donne des gifles et se cogne la tête contre le sol. Il est inconsolable à chaque fois qu’il ne parvient pas à se retenir de faire ses besoins, ce qui lui arrive plusieurs fois par jour. 

    Sa mère, Mouna, explique qu’il se comporte ainsi depuis le tir de mortier du 12 novembre qui a tué deux de ses sœurs. 

    « Mohammed et sa petite sœur Taghreed étaient inséparables. Il la portait tout le temps. Il ne comprend pas que ses sœurs sont mortes. Il pense que nous les avons abandonnées, et il devient triste et se fâche. Je pense qu’il a besoin d’une psychothérapie mais il n’y a rien ici dans le camp », dit Mouna, qui est immobilisée par une jambe cassée et ne peut se lever d’un matelas fin posé à même le sol depuis son arrivée au camp.

    Les deux filles de la famille qui ont survécu, âgées de 10 et 12 ans, doivent se charger de toutes les corvées - aller chercher de l’eau, faire la cuisine, laver le linge et panser les blessures de leurs proches. Elles n’ont pas le temps de jouer ni d’étudier. 

    Depuis leur arrivée au camp pour personnes déplacées, ces enfants n’ont reçu aucun soutien psychologique pour les aider à surmonter le traumatisme de la disparition de leurs sœurs, mortes sous leurs yeux. Si l’intervention humanitaire prend notamment la forme d’activités limitées de soutien psychosocial dans certains camps de personnes déplacées, elles ne permettent pas de faire face au nombre d’enfants qui ont été affectés par le conflit et sont dans de nombreux cas des victimes directes de la violence.

    « Les séquelles laissées par ces expériences incroyablement traumatisantes sont aussi bien psychologiques que physiques, mais ces blessures qui changent le cours d’une vie sont négligées par le gouvernement irakien et ses alliés, qui n’ont pour l’instant rien fait pour garantir que des services médicaux adaptés soient proposés », a déclaré Donatella Rovera.

    « La communauté internationale doit accorder un degré de priorité élevé au financement d’un système robuste de protection de l’enfance dans le cadre de la réaction humanitaire à la crise irakienne, notamment d’un soutien en matière de santé mentale à ceux qui ont été exposés à des violences extrêmes. »

    Vous attrapez le gars par les cheveux pour lui redresser la tête et pouvoir lui trancher la gorge, et s’il n’a pas de cheveux, vous lui mettez deux doigts dans le nez pour lui relever la tête. Ils m’ont appris ça et ils m’ont appris à tuer de beaucoup d’autres manières
    Jordo, un adolescent de 13 ans ayant passé deux ans en captivité sous le contrôle de l’EI

    Parallèlement, les enfants yézidis ayant connu la captivité aux mains de l’EI ont enduré des souffrances sans nom. Des filles d’à peine 11 ans ont été violées, tandis que des garçons ont été forcés à subir un entraînement militaire, ont appris à décapiter des personnes, et ont été contraints à regarder des exécutions. 

    Jordo, un adolescent de 13 ans ayant passé deux ans en captivité sous le contrôle de l’EI, a raconté ce qu’on lui a appris ; son récit fait froid dans le dos.

    « Vous attrapez le gars par les cheveux pour lui redresser la tête et pouvoir lui trancher la gorge, et s’il n’a pas de cheveux, vous lui mettez deux doigts dans le nez pour lui relever la tête. Ils m’ont appris ça et ils m’ont appris à tuer de beaucoup d’autres manières », a-t-il déclaré à Amnesty International.

    AK, 10 ans, se trouvait aux mains de l’EI jusqu’en novembre, plus de deux ans après avoir été enlevé avec ses parents et ses sept frères et sœurs. Seuls deux d’entre eux, âgés de six et sept ans, en ont réchappé. Le reste de la famille est toujours retenue par l’EI.

    Deux cousins éloignés, qui subviennent déjà aux besoins de 23 femmes et enfants, s’occupent d’eux. L’un d'eux a expliqué à Amnesty International que le comportement imprévisible de ces enfants traumatisés était difficile à supporter.

    « AK est très difficile à contrôler », a-t-il dit. « Il brise des objets et y met le feu, et l’autre jour il est sorti dans le froid en sous-vêtements et est tombé malade. Tous les trois se font pipi dessus tout le temps, alors nous les faisons dormir dans une tente séparée à cause de l’odeur. Ces enfants sont vraiment traumatisés et ont besoin de l’aide de professionnels, mais nous n’avons trouvé personne pour nous assister jusqu’à présent. »

    Des promesses sans lendemain

    Des travailleurs humanitaires ont déclaré à Amnesty International que les enfants déplacés par la bataille de Mossoul et venus d’autres zones touchées par le conflit présentent des signes de traumatisme, comme par exemple le fait de pleurer de manière excessive, d’être mutiques, de se montrer violents et d’éprouver de la difficulté à s’éloigner de leurs parents ou des personnes qui s’occupent d’eux.

    Cependant, en raison semble-t-il d’une absence de ressources, ces enfants ne bénéficient pas de soins de santé mentale adéquats, ni du soutien qui les aideraient à composer avec des événements aussi traumatisants et à commencer à retrouver une certaine normalité dans leur vie.

    Si les autorités irakiennes et leurs alliés ne font pas d’efforts pour fournir aux civils des voies sûres pour quitter les zones de la ville affectées par le conflit, et pour proposer des services essentiels aux résidents bloqués sous les tirs à l’intérieur de Mossoul, une catastrophe humanitaire pourrait se développer
    Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International

    Des gouvernements donateurs se sont engagés en septembre à garantir l’« accès à une assistance susceptible de sauver des vies » et à « faciliter le passage rapide et sans entrave de secours humanitaires ayant un caractère impartial ». Il est impératif qu’une protection et des soins destinés aux enfants ayant connu le conflit armé deviennent des priorités dans les interventions humanitaires.

    Le coût croissant des articles de première nécessité, ainsi que la pénurie de nourriture, de carburant, de médicaments et d’eau propre à Mossoul exposent les enfants à un risque très élevé de malnutrition, de déshydratation et de maladies hydriques et autres.

    « Malgré les assurances des forces irakiennes et de la coalition selon lesquelles elles font tout leur possible pour protéger les civils, des enfants meurent ou sont blessés chaque jour - à leur domicile ou alors qu’ils risquent leur vie en fuyant afin de se mettre en sécurité. Les parties impliquées dans la bataille de Mossoul doivent prendre toutes les précautions envisageables pour épargner les vies civiles, notamment en évitant d’utiliser des pièces d’artillerie et d’autres armes indirectes contre des zones densément peuplées », a déclaré Donatella Rovera.

    « Si les autorités irakiennes et leurs alliés ne font pas d’efforts pour fournir aux civils des voies sûres pour quitter les zones de la ville affectées par le conflit, et pour proposer des services essentiels aux résidents bloqués sous les tirs à l’intérieur de Mossoul, une catastrophe humanitaire pourrait se développer. »

    Pour en savoir plus

  • Répression en Egypte : courrier au Président Sissi (ESSF)

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    Paris, le 21 décembre 2016

    A Monsieur le Président de la République arabe d’Egypte
    Office of the President, Al Ittihadia Palace
    Cairo, Arab Republic of Egypt

    Monsieur le Président,

    Objet : Demande de levée des poursuites contre Mahmoud Abu Zeid dit « Shawkan » et les responsables du Syndicat égyptien des journalistes.

    Arrêté le 14 août 2013, alors qu’il effectuait son travail de photojournaliste, Mahmoud Abu Zeid (Shawkan) est resté emprisonné plus de deux ans sans jugement, en violation de la législation égyptienne. Entamé en décembre 2015, son procès est depuis régulièrement ajourné.
    Shawkan est accusé, entre autres, d’homicide, de tentative d’homicide et de possession d’armes, charges pour lesquelles il encourt la peine de mort.
    Nous sommes persuadés que ces accusations sont sans fondements. Un témoin oculaire, le photographe français Louis Jammes, affirme par exemple : « Il ne portait pas d’arme et n’avait rien d’autre sur lui qu’un appareil photo ».
    Shawkan partage une cellule de 3 mètres sur 4 avec douze autres prisonniers, et son état de santé de ne cesse de se dégrader. Et cela d’autant plus qu’il souffre d’une hépatite C, et que l’accès à un traitement médical lui a été refusé.

    Nous voudrions également évoquer le cas des responsables du Syndicat égyptien des journalistes, Yahia Qallash, son Président, ainsi que Khaled El Balshy et Gamal Abdel Rahim, membres de son Conseil d’administration, dont le procès en appel est prévu pour le 25 décembre. Ils ont en effet été condamnés le 19 novembre à deux ans de prison.
    Ces trois syndicalistes n’avaient pourtant fait qu’agir en conformité avec leur mission syndicale, à savoir protéger deux reporters confrontés à des harcèlements et des menaces.
    Nous estimons que ces condamnations sont contraires au respect des libertés syndicales prônées par l’Organisation internationale du travail (OIT) ainsi qu’au respect de la liberté d’expression.

    Pour toutes ces raisons, nous vous demandons instamment, Monsieur le Président, de faire en sorte que soient levées les charges pesant sur Mahmoud Abu Zeid dit « Shawkan » et sur les responsables du Syndicat égyptien des journalistes.
    En ce qui concerne Shawkan son état de santé nécessite une libération immédiate avant qu’il ne soit trop tard.

    Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de notre entière considération.

    Pour l’Union syndicale Solidaires (France), Eric Beynel et Cécile Gondard-Lalanne

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article39828

    باريس في ٢١ ديسمبر ٢٠١٦،

    إلي السيد رئيس جمهورية مصر العربية
    مكتب الرئيس، قصر الإتحادية
    القاهرة، جمهورية مصر العربية

    الموضوع : طلب وقف ملاحقة محمود أبو زيد الشهير ب« شوكان » و المسئولين عن نقابة الصحفيين المصرية.

    السيد الرئيس،

    تحية طيبة و بعد،

    نتشرف بإفادتكم بالمعلومات التالية :
    لقد تم القبض علي محمود أبو زيد الشهير ب« شوكان » في ١٤ أغسطس ٢٠١٣ أثناء قيامه بعمله كمصور صحفي. و ما زال معتقلاً منذ أكثر من سنتين بلا محاكمة بما يخالف القانون المصري، إذ يتم تأجيل هذه المحاكمة التي بدأت في ديسمبر ٢٠١٥ بصورة مستمرة منذ هذا الوقت.
    و جدير بالذكر أن شوكان متهم بإتهامات شنيعة من بينها القتل و الشروع في القتل و حيازة سلاح و هي إتهامات عقوبتها الإعدام.
    بيد أن هذه الإتهامات في إعتقادنا ليست لها أي أساس من الصحة. و علي سبيل المثال لا الحصر، يؤكد شاهد عيان ألا و هو المصور الفرنسي لويس جامس أن شوكان « لم يكن يحمل أي سلاح و لم يكن بحوزته أي شئ غير جهاز تصوير فوتوغرافي ».
    و يشارك شوكان اثني عشر مسجوناً آخراً في زنزانة مساحتها ٣م × ٤م و حالته الصحية في تدهور مستمر إذ أنه مصاب بإلتهاب الكبد الوبائي و يتم رفض علاجه من هذا الداء.

    كما نود أن نذكر قضية يحيي قلاش نقيب الصحفيين المصريين و عضوي مجلس النقابة خالد البلشي و جمال عبد الرحيم، المزمع محاكمتهم في ٢٥ ديسمبر المقبل. و قد تم الحكم عليهم في ١٩ نوفمبر الماضي حكماً إبتدائياً بالسجن سنتين بالرغم أن هؤلاء النقابيين الثلاثة لم يضطلعوا بأي فعل خارج عن المهمة النقابية المنوطة بهم ألا و هي حماية صحفيين من المضايقات و التهديدات التي كانوا يعانون منها.
    و نعتبر أن هذه الأحكام تخالف الحريات التقابية التي توصي منظمة العمل الدولية بإحترامها كما تخالف حرية التعبير.

    لذا، نلتمس من سيادتكم إتخاذ ما يلزم من تدابير عاجلة لرفع الإتهامات عن محمود أبو زيد الشهير ب« شوكان » و عن المسئولين عن نقابة الصحفيين المصرية.
    أما فيما يخص شوكان، فتقتضي حالته الصحية الحرجة و المتدهورة، الإقراج الفوري عنه قبل فوات الأوان.

    و تفضلوا يا سيادة الرئيس بقبول خالص شكرنا و فائق تقديرنا.

    نيابة عن إتحاد النقابات الفرنسية « سوليدير »

    إريك بينيل و سيسيل جوندار-لالان