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  • Au Kef : d’un sit-in ouvrier à l’union contre la discrimination régionale (Nawaat.tn)

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    Mahrane Khelifi

    Depuis 13 jours, le Kef vit au rythme de protestations sociales sous embargo médiatique et menace sécuritaire.

    Après les menaces de fermeture de l’une des dernières usines de la ville, l’usine de câblage Coroplast, un sit-in a été entamé par ses ouvriers et une coalition entre l’UGTT, la société civile et d’autres mouvements sociaux pour élargir les demandes et maintenir la pression. Devant l’impossibilité de trouver un compromis, le secrétaire général du syndicat de base de Coroplast, Mahrane Khelifi, menace, vendredi 7 avril, d’entamer une grève de la faim. Pour le bureau régional de l’UGTT, l’idée d’une grève générale fait son chemin.

    Quatre cent quarante ouvriers et ouvrières sont menacés de licenciement. Cette goutte qui fait déborder le vase selon les Keffois ne semble pas intéresser les médias et le gouvernement. Mercredi 5 avril, L’UGTT a appelé à une marche dans la ville du Kef pour dénoncer le laxisme du gouvernement, non seulement par rapport à la fermeture de l’usine de câblage mais aussi vis-à-vis de toutes les demandes sociales qui traînent depuis des années. Près de quatre mille personnes, selon les organisateurs, ont défilé dans les rues, avant de se rassembler devant le gouvernorat, exprimant leur ras-le-bol. La marche a réuni les chômeurs, les diplômés chômeurs, les ouvriers agricoles, les ouvriers des chantiers, les familles des prisonniers de Tajerouine et de Djerissa, les ouvriers d’usines, la société civile et les habitants du Kef, sous des slogans unificateurs appelant le gouvernement et le gouverneur à démissionner.

    Sur les épaules de ses camarades, Mahrane Khelifi, tient son mégaphone et crie « La délégation de Youssef Chahed qui est venue hier déclare à la télévision que les problèmes sont réglés ! Je leur dis d’ici, entouré des miens : vous êtes des menteurs ! Ni les lobbys de Wided Bouchamaoui, ni les ministres de Chahed ne réussiront à mettre la pression sur les ouvriers et ouvrières du Kef et les faire taire ! Nous sommes forts grâce à votre soutien ! La fermeture de notre usine n’est qu’une goutte dans la mer d’injustices dont souffrent les Keffois ! ».

    Nous sommes devant le gouvernorat, où des milliers de manifestants se rassemblent après une marche dans la ville. Mahrane, 29 ans, est secrétaire général du syndicat de base de l’usine du câblage depuis six ans. En 2015, il a entamé des négociations avec la direction de l’usine après le licenciement de 120 contractuelssous prétexte de dimintution des commandes. Mardi 4 avril, le chef du gouvernement a dépêché pour des pourparlers Majdouline Cherni, ministre de la Jeunesse et originaire du Kef, et Mahdi Ben Gharbi, ministre des Relations avec la société civile et les instances constitutionnelles. Des pourparlers soldés par un boycott de la part de l’UGTT, le syndicat de l’usine et des différentes composantes de la société civile.

    Histoire d’une surexploitation à plusieurs niveaux

    En 2008, la société allemande « Coroplast Harness Systems Tunisie » a ouvert une usine au Kef. En contre-partie des avantages fiscaux et de la location d’un local au dinar symbolique, les allemands se sont engagés à employer plus de 2000 personne à l’horizon 2014. Cependant, au lieu d’augmenter le nombre des ouvriers à l’usine du Kef, Coroplast a lancé, en 2012, une deuxième usine à Nabeulqui compte 24 entreprises et emploie plus de 2940 personnes. En 2014, Aymen Zouari, directeur général de Coroplast, commence à menacer les ouvriers de fermeture. « Nous avons donc entamé des négociations avec la direction et nous avons informé les anciens gouverneurs et chefs de gouvernement de ces menaces de fermeture. En vain ! » se rappelle Sameh Brini, 37 ans,ouvrière à Coroplast. Avec son mari, elle travaille dans l’usine depuis six ans pour nourrir trois enfants et payer le crédit de son logement.

    À Coroplast, les salaires varient entre 380 dinars pour les femmes et 600 dinars pour les hommes. Chaque ouvrier produit près de 50 câbles par jour. Le câble est vendu à 5,9 euros, soit une fois et demi le salaire d’une ouvrière. « Et pourtant, nous n’avons jamais demandé une augmentation de salaire. Nous demandons juste de garder notre usine ouverte et d’intégrer les ouvriers contractuels licenciés en 2015, ainsi que de garder les 50 autres contractuels que la direction compte licencier d’ici fin 2017 ». Au cours des négociations avec le gouvernement, le syndicat de base a proposé à la direction de l’usine et au gouvernement de maintenir les ouvriers contractuels pour les six prochains mois en s’engageant à contribuer à leur rémunération à l’aide du ministère des Affaires sociales. « Jeudi 6 avril, l’investisseur allemand et la direction de l’usine ont refusé cette proposition sans donner une alternative », nous apprend Mahrane.

    En plus de l’usine Coroplast, une dizaine d’usines abandonnées ont transformé la zone industrielle en quartier fantomatique. Depuis 2011, les usines du gouvernorat du Kef ont commencé à fermer, comme la cimenterie de Djerissa, la briquèterie de Kessour et quelques usines textiles au Kef. Fin août 2012, l’usine de fabrication de gants médicaux à Kalaat Senane a été délocalisée dans la zone de Ben Arous, quelques mois après son lancement, sous prétexte que la situation sécuritaire n’est pas stable au Kef. « La militarisation de la région, qui s’est renforcée depuis 2011, nous a coûté cher. Le Kef est classé zone rouge alors que nous n’avons vécu aucune attaque terroriste grave », proteste Mahrane.

    En février 2011, la région était sous quarantaine militaire suite à de grandes manifestations demandant la justice sociale. Pour calmer la colère de la région, un conseil ministériel présidé par Béji Caid Essebsi a annoncé une série de réformes en faveur du Kef. Parmi ces promesses, BCE a annoncé le lancement du projet de mine de phosphate à Sra Ouertane, censé générer entre 2000 et 7000 emplois.

    L’union fait la force : les mouvements sociaux reviennent à la rue

    Sous les applaudissements des manifestants, Mahrane quitte le rassemblement devant le gouvernorat. Interpellé discrètement par un des hauts cadres de l’UGTT, il part en direction de la centrale syndicale pour une réunion préparatoire aux prochaines négociations et à une possible grève générale au Kef. « Mahrane est un jeune syndicaliste qui n’a pas le poids politique nécessaire pour tenir tête à la grande machine syndicale. Il doit absolument trouver des compromis entre les exigences de l’UGTT et les ambitions de radicalisation des ouvriers et des autres mouvements sociaux », affirme Boulbeba Makhlouf, médecin et militant de l’Organisation du travail communiste. Avec d’autres jeunes indépendants, il propose de radicaliser les méthodes de résistance avec une campagne nationale de boycott des produits de  Volkswagen, premier client de Coroplast ainsi qu’une grève à l’usine de Nabeul en signe de solidarité avec les ouvriers du Kef.

    Autour de trois grandes tentes où les sit-ineurs ont accroché des banderoles avec leurs revendications, une centaine de femmes éparpillées en petits groupes attendent des nouvelles de la réunion de l’UGTT. « Nous ne comptons pas rentrer chez nous avant la réalisation de nos objectifs. Le premier jour du sit-in, les policiers nous ont attaquées. Ils nous ont tabassées et insultées pour nous persuader de rentrer chez nous. Mais nous avons réussi à résister et rien ne nous empêchera de poursuivre le sit-in », affirme Hana Chebihi, 26 ans, enceinte de neuf mois et ouvrière à Coroplast depuis 5 ans.

    En plus des mouvements des chômeurs et des diplômés chômeurs, déjà actifs entre Dahmani, Sers, Kaalet Senane et d’autres délégations du Kef, les mères des prisonniers de Tajerouine et de Djerissa, en détention depuis 15 mois suite aux manifestations de janvier 2016, soutiennent en masse les ouvriers de Coroplast. « L’union aidera certainement à faire entendre notre voix ! Les familles qui ont vu leurs fils libéré, il y a quelques semaines nous ont abandonnées. Mais la société civile est encore là ! Donc nous venons tous les jours manifester contre l’injustice que subit tout le Kef y compris nos enfants ! », s’indigne Fatiha Cherni, mère de Walid Cherni, 22 ans, arrêté en janvier 2016 pour avoir manifesté à Tajerouine pour le travail.

    Le gouvernement et les investisseurs privés avancent l’argument sécuritaire comme principale cause de blocage de développement régional au Kef. De leur côté, les Keffois expliquent que le danger sécuritaire n’est qu’une illusion. « Ni le gouverneur, ni le gouvernement actuel ne sont capables d’écouter et de comprendre les besoins de la région. Nous n’avons pas besoin de plus de barricades mais de réformes administratives, d’investissements dans l’infrastructure et d’une audace politique pour lutter contre la corruption et le népotisme », affirme Fadhel Bedhiafi, vice-président de la section de la Ligue unisienne des droits de l’Homme du Kef.

    Henda Chennaoui

    Journaliste indépendante, spécialiste en mouvements sociaux et nouvelles formes de résistance civile. Je m'intéresse à l'observation et l'explication de l'actualité sociale et économique qui passe inaperçue.
     
  • Syrie : la tache de Mélenchon (Libération)

    Le candidat de La France insoumise fait fausse route sur la question de la crise syrienne, et son passage au JT de France 2, vendredi, l'a encore prouvé.

    «M. Trump intervient, que croyez-vous qu’il va résulter de cette intervention ? Rien, sinon une escalade de nouveau, alors que là, on croyait qu’on s’acheminait vers…» (Vendredi, sur le plateau du 20 heures de France 2). Vers quoi ? Dommage que Jean-Luc Mélenchon n’ait achevé sa phrase.

    Vers un écrasement des poches de rébellions au nord, dans la province d’Idlib, la reconquête totale du territoire, par ailleurs impossible sans l’appui décisif indispensable de la Russie, de l’Iran et des milices chiites financées et armées par celui-ci ainsi que du Hezbollah, comme le prônait encore Bachar al-Assad dans un entretien accordé à un journal croate, où il déclarait ne pas croire aux négociations ni de Genève ni d’Astana. C’est vers cela, donc, que Jean-Luc Mélenchon souhaitait qu’on s’achemine : des négociations le couteau sous la gorge avec une opposition de l’extérieur divisée et réduite à l’impuissance, des milices armées au nord dans l’attente d’offensives et bombardées, et un front sud redoutant le même sort ?

    Il faut rappeler que le candidat de la France insoumise n’était pas à son coup d’essai, lui qui déclarait en  février 2016 qu’il était favorable à l’intervention russe en Syrie, car, selon lui, Vladimir Poutine allait «régler le problème» en élimant Daech. Au passage, il remettait en cause le fait que les frappes russes se concentrent davantage sur les rebelles que sur l’Etat islamique. La preuve de son erreur : Alep est tombé, mais Raqqa  non. L’unilatéralité des Etats-Unis qu’il condamne ne le gêne pas quand il s’agit de celle des Russes.

    Obstruction

    De même, le droit international qu’il brandit comme un étendard («que les Nations unies s’en mêlent, c’est la seule autorité légitime mondiale») alors qu’il ne l’a pas défendu lorsque le secrétaire général de l’ONU de l’époque, Ban Ki-moon, dénonçait en septembre 2016 les crimes de guerre commis à Alep par le régime syrien bombardant délibérément des hôpitaux avec l’appui de son parrain russe.

    De même que l’obstruction systématique menée par la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU, les deux derniers blocages de résolutions datant du 8 octobre 2016 et du 28 février 2017, ne semble pas perturber celui qui se drape dans la légitimité internationale. Il préfère se complaire dans des «pudeurs de gazelle» quand il déclare, donnant du grain à moudre aux conspirationnistes de tous bords, que le responsable de l’attaque chimique doit être condamné qu’il s’agisse «du gouvernement de Bachar al-Assad, des Russes, des Américains, d’Al-Nosra, d’Al-Qaeda», alors que selon la représentante de la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, Carla Del Ponte, la responsabilité du régime est certaine. En outre, l’indéfectible soutien iranien du régime ne l’a pas exonéré de toute responsabilité, en ne niant pas l’implication des forces armées de Bachar al-Assad.

    Révolution

    Mais le plus grave, c’est que Jean-Luc Mélenchon n’ait jamais eu un mot pour les Syriens, et ce depuis des années. Certes, pour justifier les bombardements sur Alep au prétexte qu’Al-Nosra était affilié à Al-Qaeda qui avait revendiqué les attentats de Charlie Hebdo. 

    Mélenchon nous avait habitués à plus de subtilité qu’un pauvre syllogisme qui ne résume pas la complexité et la plasticité des alliances entre milices armées pour se maintenir sur le terrain. Il fait l’impasse sur les civils qui composent avec ces groupes armés. Le candidat devrait lire les travaux de Gilles Dorronsoro et son équipe (Syrie, anatomie d’une guerre civile) ou de Thomas Pierret, et voir le documentaire 300 Miles du jeune réalisateur syrien Oroa al-Moqdad, tourné à Alep entre 2013 et 2015, pour comprendre cette complexité.

    Il n’a pas eu non plus un seul mot pour la répression terrible qui s’est abattue d’emblée sur un soulèvement populaire, pas plus d’ailleurs pour les conseils locaux menant des expériences de démocratie réduites à néant par la répression, se contentant de dire que «des crimes, là-bas [en Syrie, ndlr], beaucoup de gens en commettent», sans revenir sur la responsabilité du régime dans la militarisation et de la confessionnalisation de la crise. Que des Syriens parlent encore aujourd’hui de révolution, le candidat de La France insoumise s’en moque et ne la conçoit pas pour eux. Inquiétant.

     
     Nicolas Appelt, doctorant à l'université de Genève
     
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    La Syrie resurgit dans la campagne
     
     
    http://www.liberation.fr/
  • Maroc : les couches populaires sous le double joug du microcrédit et du despotisme (CADTM)

    Photo : Souad Guennon
     
    Lorsqu’en 2011 est apparu au Maroc un vaste mouvement de lutte des victimes du microcrédit, composé majoritairement de femmes, plus particulièrement dans la région de Ouarzazate, l’association ATTAC CADTM Maroc a soutenu et accompagné ce combat.

    Elle a organisé plusieurs actions concrètes de soutien dont la caravane internationale de solidarité en avril 2014 qui a connu une large participation des organisations membres du réseau international du CADTM |1|, et publié des brochures et des dizaines d’articles afin de sensibiliser aux méfaits sociaux du système de microcrédit et de les dénoncer. L’Assemblée mondiale du réseau CADTM tenu à Tunis en avril 2016 a largement discuté le système du microcrédit, analysé ses causes et les ravages qu’il provoque à l’échelle des trois continents du Sud (l’Afrique, l’Asie et l’Amérique Latine), et a proposé des éléments d’alternatives. C’est une thématique qui est désormais l’une des priorités du réseau et de ses organisations, plus particulièrement dans ces trois continents. C’est dans cette optique que l’Assemblée a décidé d’organiser un séminaire international sur les femmes et la lutte contre le microcrédit et les dettes illégitimes à Bamako au Mali du 16 au 19 novembre 2017.

    ATTAC CADTM Maroc a également réalisé une étude dont la version en arabe a été publiée fin 2016 et la version en français sera publiée au courant du mois d’avril 2017. Intitulée « Le système de microcrédit au Maroc, quand les pauvres financent les riches », cette étude a été largement médiatisée à l’occasion du 8 mars 2017 et plus d’une trentaine de sites l’ont relayée, y compris celui du parti islamiste à la tête du gouvernement, ainsi qu’une chaine de télévision officielle. Les établissements de microcrédit y sont mis sur le banc des accusés pour leur voracité à réaliser les bénéfices sur le dos des victimes appauvries par les politiques néolibérales, en particulier des femmes.


    La Banque mondiale aggrave la pauvreté et offre les pauvres en pâture au capital financier

    Le Capital cherche à accumuler des bénéfices partout où il le peut y compris sur le dos des pauvres, qui, s’ils n’ont pas beaucoup d’argent, sont en revanche très nombreux. Le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour est estimé à 1,2 milliard, selon les données du PNUD pour 2014, et le nombre de personnes vivant dans une pauvreté multidimensionnelle (qui identifie les multiples privations subies par un individu ou un ménage en matière de santé, d’éducation et de niveau de vie) est de 2,2 milliards. Les institutions financières mondiales, la Banque mondiale à leur tête, essayaient d’inventer des outils pour jeter ce grand nombre de personnes dans le moulin à produire du profit. Elles mettent alors en avant « l’inclusion financière », qui consiste à offrir des services financiers pour les pauvres notamment par le biais du microcrédit |2|. Ainsi, au début des années 1980, et avec la généralisation des programmes d’ajustement structurel qui ont approfondi la crise économique et sociale dans la majorité des pays du Sud, Muhammad Yunus a officiellement créé la Grameen Bank au Bangladesh en tant qu’institution bancaire fournissant des microcrédits aux pauvres exclus du système bancaire et contribuant ainsi à les intégrer dans le cercle du capital |3|. Depuis lors, les institutions de microcrédit se sont rapidement multipliées dans les pays sous-développés. Leur nombre atteignaient 1 045 en 2014 avec 112 millions de clients à faible revenu, dont 70 % de femmes, et un portefeuille de crédit de 87 milliards de dollars |4|.

    Année 2014 Prêts en milliards de dollars Millions de clients % femmes
    Amérique Latine et Caraïbes 40,6 21,6 65 %
    Asie de l’Est et pacifique 12,9 15,1 75 %
    Asie du Sud 12,8 64,1 92 %
    Europe de l’Est et Asie Centrale 11,3 3,5 44 %
    Afrique 8,2 5,3 75 %
    Moyen-Orient et Afrique du Nord 1,2 2,1 60 %
    TOTAL 87,0 111,7 69 %

    Les banques et les grandes sociétés financières internationales ont également accompagné cet essor pour obtenir leur part du gâteau, soit en accordant des prêts directs aux institutions de microcrédit, soit en créant leurs propres divisions de microcrédit. Le secteur du microcrédit est alors devenu une partie intégrante des marchés financiers. Les institutions de microcrédit accumulent des bénéfices, diversifient leurs activités de microfinance, et nombre d’entre elles se transforment en banques. Ainsi, le capital financier domine l’ensemble de l’activité du secteur de la microfinance. La Banque mondiale poursuit sa stratégie de bancarisation de nouveaux secteurs de la population |5| pour permettre au capital financier d’accélérer l’intégration des 2 milliards d’adultes dans le monde qui ne sont pas encore couverts par le système bancaire, dont la plupart sont des pauvres et des femmes, en élargissant le panier de services financiers aux transferts d’argent, assurances, factures de services publics (consommation d’eau, électricité, téléphone, etc.). Dans le même temps, elle préconise de réduire drastiquement le rôle de l’État dans la garantie des services publics en les déléguant au secteur privé capitaliste qui les transforme en marchandise. Les pauvres ont alors davantage de besoins monétaires, en particulier les femmes qui sont responsables de leurs foyers. Elles trouvent alors sur leur chemin les institutions de microcrédit qui avancent masquées sous couvert de lutte contre la pauvreté. La Banque mondiale, par ses politiques, crée des pauvres et les offre au capital financier qui leur sucent jusqu’au dernier sou.


    L’État marocain sauve le secteur du microcrédit de la crise et lui permet des taux d’intérêtabusifs pour garantir ses bénéfices

    Il est certain que la diffusion de l’étude de l’association ATTAC CADTM Maroc dérangera beaucoup les institutions de microcrédit dans notre pays. Jusqu’à présent, aucune d’elles n’a pu nier ou infirmer ce que la presse a publié. Les institutions de microcrédit ont commencé à émerger au milieu des années 1990, après dix ans de mise en œuvre du programme d’ajustement structurel, qui a provoqué des tragédies sociales profondes parmi les couches populaires. L’État a contribué à ce qu’elle se déclinent en tant qu’associations sans but lucratif, qui se limitent à la distribution de petites sommes ne pouvant excéder cinquante mille dirhams (5 000 euros) dont « l’objet est de permettre à des personnes économiquement faibles de créer ou de développer leur propre activité de production ou de service en vue d’assurer leur insertion économique » |6|. On compte actuellement 13 associations autorisées à exercer une activité de microcrédit au Maroc |7|, regroupées au sein d’une Fédération nationale des associations de micro-crédit (FNAM) |8|. Le nombre de leurs clients est estimé à 906 000 clients avec un portefeuille de prêts de 6 milliards de dirhams |9|. La Fondation al Amana Microfinance est à l’avant-garde du secteur marocain du microcrédit, suivie d’Atawfiq (liée à la Banque Populaire) et de l’association FONDEP (aujourd’hui appelée Albaraka). Ces trois institutions représentent à elles seules 82 % du nombre total des victimes du microcrédit au Maroc et 89 % du nombre total de prêts distribués.


    Tableau montrant les données des trois principales institutions de microcrédit au Maroc pour l’année 2015 |10|

    Institution Nbre de clients actifs % du Nbre total des clients Encours des prêts (Milliers de Dirhams) % du total des prêts
    AMANA 328 361 36 % 2 235 048 37 %
    ATAWFIQ 265 000 29 % 2 000 000 33 %
    ALBARAKA 144 000 16 % 1 127 000 19 %

    Depuis sa création, le secteur du microcrédit au Maroc a bénéficié du soutien d’institutions internationales telles que l’Agence des États-Unis pour le développement (USAID), l’Agence française de développement (AFD). Le Fonds Hassan II de microfinance, créé en 2000 a subventionné le secteur à hauteur de 100 Millions de DH (environ 10 millions d’euros). Cependant, dans le contexte de la crise financière mondiale de 2007 à 2008, le secteur connaitra une crise qui s’est manifestée principalement par la faillite de la seconde plus grande institution de microcrédit au Maroc, la fondation Zakoura. Cette faillite est comparée, dans un élan de compétitivité agressive, à celle de Corposol en Colombie en 1996 |11|.

    En effet, dans de nombreux pays, les défauts de paiement ont augmenté tandis que la taille des portefeuilles des institutions de microfinances a diminué. Certains pays comme le Nicaragua, la Bosnie-Herzégovine et l’Inde ont subi des crises bien plus profondes. Le Maroc a été intégré à ce dernier groupe. C’est ce qu’a révélé une étude publiée en 2014 par la Société financière internationale (SFI), l’organisation du Groupe de la Banque mondiale dédiée au secteur privé |12|. Ce rapport a mis l’accent sur l’évolution de la crise du secteur de la microfinance au Maroc en se focalisant sur les trois principales institutions de microcrédit (al Amana Microfinance, Atawfiq et FONDEP (Albaraka) qui représentent, nous l’avons dit, près de 90 % du portefeuille de microfinance dans le pays. Voici deux graphiques qui illustrent clairement cette crise (page 13 du rapport) :


    Graphique 1 : portefeuille à risque supérieur à 30 jours et les radiations de créances

    Sans la fondation Zakoura, les trois plus importantes institutions de microfinance marocaines convergent vers les moyennes mondiales par rapport au portefeuille à risque supérieur à 30 jours et les radiations de créances.

    Graphique 2 : Rendement des actifs

    On voit bien que le rendement des actifs des principales institutions marocaines de microfinance est supérieur à ceux du Nicaragua et de la Bosnie (très élevés par rapport à la moyenne mondiale), et que leur chute, à l’exception de Zakoura, n’a pas atteint les niveaux moyens mondiaux, sauf épisodiquement en 2009 suivi d’une forte reprise en 2010.

    Cette crise, tout de même pas dramatique, était liée à l’exacerbation de la concurrence entre les grandes institutions de microcrédit, qui bénéficiaient au départ d’un fort soutien financier international et marocain, pour atteindre un maximum de pauvres qui, très affectés par la crise économique et sociale, ont commencé à faillir à leurs engagements de remboursement. Des défauts de paiement en ont entraîné d’autres. Les clients titulaires de plusieurs prêts représentaient près de la moitié de tous les défauts de paiement selon le rapport de la SFI.

    On peut constater que cette crise s’insère dans le même contexte des défauts de paiement des ménages à bas revenus qui ont commencé à se multiplier dès le début de l’année 2007 après l’éclatement de la crise des crédits hypothécaires (subprimes) aux États-Unis, suivis par d’autres en Irlande, au Royaume-Uni, en Espagne, à Chypre, dans plusieurs pays d’Europe centrale et de l’Est et, depuis 2011-2012, aux Pays-Bas. Les gouvernements se sont alors précipités pour sauver le système bancaire par des aides publiques directes et des garanties publiques aux banques entre les années 2008 et 2012, ce qui a fortement augmenté la dette publique |13|.

    Les gouvernants au Maroc vont aussi se précipiter pour sauver le secteur du microcrédit, d’autant plus que les rapports de la Banque mondiale ont salué la grande réussite de l’expérience marocaine dans la région MENA. L’étude de la SFI mentionnait que « la crise de la microfinance au Maroc se distingue également des autres pays du « panthéon de la crise » par le niveau de soutien apporté au secteur par le gouvernement marocain, les institutions de financement du développement, et d’autres acteurs. Ainsi, à la différence de l’Inde, où les banques ont supprimé le financement aux IMF pour faire face à la crise en Andhra Pradesh, les IMF marocaines n’ont pas été confrontées à un étranglement de la liquidité susceptible de prolonger et d’aggraver la crise. Plusieurs ont abordé la crise, dotées de financement à long terme et ont même été davantage soutenues par la création de JAIDA, un fonds dédié à la microfinance lancé en 2009 et bien positionné pour jouer le rôle essentiel de bailleur de fonds « de dernier ressort » (page 7).

    En effet, conformément à la coutume du système politique marocain, où la gestion des grandes questions délicates revient à la plus haute autorité du pays qui intervient directement pour donner un caractère effectif aux décisions et mobiliser tout le monde pour mettre en œuvre les Hautes Instructions, le Centre Mohammed VI de soutien au microcrédit |14| a été créé en 2007 pour superviser directement le processus de sauvetage du secteur de microcrédit. Des négociations en coulisses ont abouti à l’intégration de la fondation Zakoura à la bien plus solide Fondation Banque Populaire en 2008-2009. Ce qui a « aidé à éviter une catastrophe potentiellement plus grande » (SFI) dans le secteur, à couvrir sa faillite réelle et la présenter comme une fusion tranquille et ordinaire. Des fonds étrangers et locaux ont été mobilisés dans le fonds dit JAIDA |15|, qui a été fondé en 2007. La majeure partie de son capital (59 %) appartient à des organismes français et allemands, tandis que deux institutions publiques marocaines, la Caisse de dépôt et de gestion et Barid Al Maghrib (la Poste marocaine), détiennent les 41 % restants. Ses principales fonctions ont été de fournir un soutien financier et technique aux institutions de microcrédit, formant une plateforme pour attirer de nouveaux capitaux privés dans le secteur du microcrédit et améliorer la coordination des financiers. Par ailleurs, un programme de développement a été tracé conjointement entre les gouvernements américain et marocain et a réussi à assurer 15 millions de dollars d’assistance technique au secteur sur la période 2011–2013. Les banques commerciales privées ont également été encouragées à fournir des fonds et à créer leurs subdivisions de microcrédit et à partir de 2012, elles deviennent le bailleur majeur du secteur à raison de 80 %. Évidemment, elles recevront également leur part des bénéfices élevés générés par les pauvres en bas du processus.

    Depuis le début de la crise en 2006-07, la Banque centrale (Bank Al-Maghrib) est intervenue pour renforcer les mécanismes de contrôle des établissements de microcrédit et les procédures de recouvrement des prêts en défaillance. L’étude d’ATTAC CADTM Maroc a résumé ainsi cet accompagnement de la Banque Centrale aux institutions de microcrédit :

    « Alors que l’activité de ces institutions était limitée au cours des cinq premières années (1999 – 2004) à l’offre de microcrédits pour la création de petits projets, les catégories de crédits ont été diversifiées à partir d’avril 2004 afin d’inclure des crédits immobiliers (achat, construction ou rénovation de logements) et des crédits pour la fourniture d’eau et d’électricité. A partir de novembre 2007, il est devenu possible aux IMF d’agir en tant qu’intermédiaires entre les compagnies d’assurance et leurs clients les plus pauvres par la souscription de contrats d’assurance et de réassurance. En outre, il leur est devenu possible d’étendre les prêts aux microcrédits orientés vers la consommation et d’étendre leurs services financiers au transfert d’argent. En décembre 2012, un amendement significatif à la loi régissant le secteur de la microfinance au Maroc, a été introduit pour permettre aux associations de microcrédits de créer des banques ou de participer au capital de banques. Ces banques affiliées peuvent procéder à la distribution de microcrédits. Enfin, en janvier 2015, suite à un amendement à la loi bancaire, les associations de microcrédits sont devenues des établissements de crédit soumis aux procédures de contrôle régissant les établissements bancaires ».

    Ainsi, l’État marocain s’est mobilisé directement pour sauver le secteur du microcrédit. Celui-ci semble avoir dépassé sa crise. Cela révèle clairement le rôle de l’État dans l’acceptation de taux d’intérêt usuraires dans ce secteur. Les trois institutions – Amana, Albaraka et Al Tawfiq – font partie des 15 premières institutions de microfinance au monde, selon le rapport de la SFI. Mais ce dernier considère la formule juridique des institutions de microcrédit Maroc comme « un cas unique dans le monde », et « tant que les principales IMF restent organisées sous la forme d’ONG et non d’institutions détenues par des actionnaires, le secteur de microfinance marocain demeurera une anomalie mondiale, limitée dans sa capacité d’étendre sa portée ou son offre de services » (page 6 du rapport). Il insiste sur une « nouvelle dynamique de transformation institutionnelle » au bénéfice des institutions ou des sociétés par actions et afin que le capital financier puisse atteindre toutes les couches profondes de la société marocaine et ponctionner leurs maigres avoirs.


    Les couches populaires sous le double joug des dettes privées et publiques et du despotisme politique

    Le microcrédit destiné à des couches de populations appauvries et à faible revenu ou même sans revenu relève du système-dette qui broie toutes les catégories de la population pour accroitre les gains du capital financier. Comme nous l’avons déjà dit, les politiques néolibérales de la Banque mondiale mises en œuvre par nos gouvernants détruisent les services publics, le tissu productif, les possibilités d’emploi, réduisent le rôle de l’État et encouragent les investisseurs privés. Elles créent ainsi un large potentiel de clients de microcrédit, qui est estimé pour les cinq prochaines années à 3,2 millions de clients et 25 milliards dirhams de prêts (1,8 % du PIB).

    Plus généralement, les ménages marocains souffrent de la pression de dettes privées qui ne cessent d’augmenter, et qui atteignaient 282 milliards de dirhams (31 % du PIB) à fin décembre 2014 à raison de 38 600 dirhams par ménage. La part importante de la dette bancaire privée des ménages est composée de prêts au logement pour 64 % (181 milliards de dirhams) et 36 % (101 milliards de dirhams) de prêts à la consommation. À la fin de 2014, les banques avaient réalisé, en revanche, un bénéfice net de plus de 10 milliards de dirhams |16|.

    L’État poursuit son endettement public interne et externe, qui a considérablement augmenté, atteignant 810 milliards de dirhams (plus de 90 milliards dollar) qui constituent 82 % du PIB en fin 2015. Le paiement du service de la dette implique des programmes d’austérité qui approfondissent la pauvreté et les conditions de vie instables.

    Ainsi, les couches populaires et les salarié-e-s vivent sous un double joug : la tyrannie des institutions de microcrédit, des établissements de crédit à la consommation et des banques, qualifiée par Éric Toussaint de bancocratie |17|, et le despotisme politique spécifique à notre pays ou autocratie.

    En effet, et alors que l’État s’est mobilisé pour sauver les institutions de microcrédit, il a bafoué les droits des victimes de microcrédits (principalement des femmes) à créer leur association (son existence légale a été refusée par les autorités et ses deux leaders ont été poursuivis en justice), lutter contre les harcèlements des institutions de microcrédit, recourir aux tribunaux pour contester juridiquement la validité des contrats, etc. L’État a également utilisé ses serviteurs idéologiques pour mener une campagne contre les mobilisations des victimes et toutes les actions de solidarité pour les criminaliser.

    L’enquête d’ATTAC CADTM Maroc démontre dans sa partie dédiée à l’examen juridique des contrats de microcrédit que ceux-ci comportent de nombreux vices, tant dans la forme que dans le fond et sont donc illégaux et illégitimes. Ils sont donc susceptibles d’annulation devant les tribunaux. Les ménages clients des établissements de crédit de consommation souffrent certainement des mêmes conditions injustes imposées par ces institutions. Les tragédies des clients de ce secteur révèlent également qu’une partie importante des prêts à la consommation sont aussi illégaux et illégitimes. Ce qui nécessite une grande campagne de sensibilisation pour les dévoiler et les dénoncer.

    La Banque mondiale et l’État comptent poursuivre leur stratégie d’encouragement et de développement des institutions de microcrédit dans les cinq prochaines années pour atteindre 3 millions de clients. C’est pourquoi il est urgent de sensibiliser ces victimes potentielles qui risquent d’être broyées par ces institutions seulement animées de l’appétit du lucre, et de les aider à s’organiser.


    Quelques pistes d’alternatives

    Le microcrédit est une partie intégrante du système-dette mis en place par le capital mondial. « Le système de la dette publique tel qu’il fonctionne dans le capitalisme constitue un mécanisme permanent de transfert de richesses produites par le peuple vers la classe capitaliste, ainsi qu’un puissant outil de domination politique au Nord comme au Sud puisque la dette sert de prétexte à la mise en œuvre de politiques d’austérité » |18|. Aussi, la lutte contre le microcrédit doit être liée à la grande bataille contre la dette publique. Nous demandons de suspendre le remboursement de cette dernière jusqu’à la réalisation d’un audit citoyen qui en déterminera les parties odieuses, illégitimes, illégales et insoutenables. Nous soutenons les revendications des victimes du microcrédit et leur mobilisation pour cesser de payer leurs dettes jusqu’à ce que la légitimité des contrats, les taux d’intérêt usuraires imposés par les institutions de microcrédit et la soutenabilité des prêts soient réexaminés par un collectif citoyen. Différentes expériences internationales, impliquant notamment les femmes, peuvent être sources d’inspiration. L’exemple du CADD (Cercle d’auto-promotion pour un développement durable) au Bénin en Afrique de l’Ouest, organisation membre du réseau CADTM depuis 2006, constitue une expérience à méditer. L’originalité du CADD tient à sa finalité de permettre aux femmes de vivre dans la dignité, et c’est dans l’organisation autogérée et solidaire de leur financement et des projets qu’elles ont mis sur pied qu’elles ont compris la nécessité de lutter pour l’émancipation et le changement radical. « Parmi les revendications de ces femmes, on trouve l’annulation de la dette du Tiers Monde, la fin des conditionnalités imposées par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), le droit à la souveraineté alimentaire, l’instauration de nouvelles règles du commerce international équitables pour un développement durable » |19|.

    Globalement, nous militons pour l’instauration d’un service public du crédit structuré en un réseau de petites implantations proches des citoyens. « Le métier de la banque est trop essentiel à l’économie pour être laissé entre les mains du secteur privé, il est donc nécessaire de socialiser le secteur bancaire (ce qui implique son expropriation) et de le placer sous contrôle citoyen (des salariés des banques, des clients, des associations et des représentants des acteurs publics locaux), car il doit être soumis aux règles d’un service public et les revenus que son activité génère doivent être utilisés pour le bien commun… La socialisation des banques et l’annulation/répudiation des dettes illégitimes doivent s’inscrire dans un programme plus large » |20| d’émancipation sociale. Et la priorité absolue est de résister aux mesures antisociales d’austérité, de privatisation et de démantèlement des services publics par des mobilisations, des initiatives de rassemblements et de collectifs, des campagnes de solidarité avec toutes les contestations et résistances populaires.

     

    Notes

    |1| Souad Guennoun. Vidéo de la caravane internationale de Ouarzazate 2014. http://www.cadtm.org/Caravane-inter…

    |2| Pauline Imbach. Le microcrédit, un outil pour insérer les plus pauvres dans le système bancaire. Août 2014. http://www.cadtm.org/Le-microcredit…

    |3| Denise Comanne. Muhammad Yunus : prix Nobel de l’ambiguïté ou du cynisme ? mars 2009. http://www.cadtm.org/Muhammad-Yunus…

    |4| http://www.convergences.org/wp-cont…

    |5| Lucile Daumas. Micro-crédit, macro-arnaque. Novembre 2013. http://www.cadtm.org/spip.php?page=…

    |6| Loi n° 18-97 relative au microcrédit. Avril 1999. http://www.sgg.gov.ma/BO/Fr/1999/BO…

    |7| Ce nombre est divisé en :
    - 4 grandes associations nationales : Association AL Amana pour la Promotion des Microentreprises (ALAMANA), ATTAWFIQ MICRO FINANCE (liée au groupe de la Banque populaire), Fondation pour le Développement Local et le Partenariat (FONDEP) devenue AL BARAKA, et Fondation « ARDI » (liée à la banque Crédit agricole).
    - 3 associations à dimensions régionales : Al Karama pour le Micro-Crédit (AL KARAMA), Institution Marocaine d’Appui à la Micro-Entreprise (INMAA), et Association Marocaine de Solidarité Sans Frontière (AMSSF).
    - 5 associations locales : Association Ismailia pour le Micro-Crédit (AIMC), Association Marocaine Oued Serou pour le Micro-Crédit (AMOS), Association Tétouanaise des Initiatives Sociaux- Professionnelles (ATIL), Fondation Micro Crédits du Nord, et association TAWADA.
    - 1 association (BAB RIZK JAMEEL) filière de BAB RIZK JAMEEL internationale.

    |8| Laila Bennis. Les Institutions De La Microfinance Entre La Responsabilité Sociale Et La Performance Financière : Cas Des Associations De Micro-Crédits. Janvier 2016. Ibn Tofail University. http://eujournal.org/index.php/esj/…

    |9| Les données de l’institution Amana pour l’année 2015. http://www.alamana.org.ma/medias/ra…

    |10| Sources : site d’Amana http://www.alamana.org.ma/, site d’Atawfiq http://www.fbpmc.ma, et site Al Barakahttp://www.albaraka.ma/.

    |11| Cette institution de microfinance avait atteint, de 1988 (date de sa création) à 1994, un nombre considérable de clients à un rythme surpassant celui de bon nombre de ses pairs d’Amérique Latine et a été liquidée en 1996. https://www.microfinancegateway.org…

    |12| « Sortie de la crise du secteur de la microfinance au Maroc : des interventions opportunes et efficaces ». http://www.ifc.org/wps/wcm/connect/…

    |13| Eric Toussaint. 2007-2017 : Les causes d’une crise financière qui a déjà 10 ans. Mars 2017. http://www.cadtm.org/2007-2017-Les-…

    |14| Centre Mohamed VI de soutien à la microfinance solidaire. http://www.cm6-microfinance.ma/fr/d…

    |15| « Le fonds JAIDA est né de la volonté de grandes institutions de soutenir efficacement et durablement le secteur de la microfinance. Jaida traduit ainsi l’engagement de contribuer à la structuration du secteur de la microfinance grâce au soutien de la CDG fondateur et actionnaire de référence, et de développer des synergies entre les institutionnels grâce à l’appui des actionnaires fondateur, la KfW, la CDC et l’AFD. Ce tour de table prestigieux a été élargi en 2010 à un partenaire stratégique, le groupe Barid Al Maghrib, acteur de référence du low income banking ». JAÏDA a obtenu son agrément en tant que société de financement et a commencé ses activités en Avril 2007. http://www.microfinance.ma/wp-conte….

    |16| Banque centrale marocaine. RAPPORT ANNUEL SUR LA SUPERVISION BANCAIRE. – Evolution de l’endettement bancaire des ménages. Page 81. http://www.bkam.ma/Supervision-banc… .

    |17| Éric Toussaint. Bancocratie. Juin 2014. http://www.cadtm.org/Bancocratie

    |18| Éric Toussaint. Bancrocratie. Éditions Aden. Page 21.

    |19| Renaud Vivien. Le CADD : micro-crédit et lutte politique. Mars 2007. Page 64. http://www.cetim.ch/legacy/fr/docum…

    |20| Éric Toussaint, op.cit. Page 21

    Auteur.e

     
    Omar Azikisecrétaire général d’ATTAC/CADTM
    CADTM le 5 avril par Omar Aziki
     

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  • Nouveautés Palestine

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    BDS Maroc célèbre la semaine contre l’apartheid israélien

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    Israël refuse l’accès de Gaza aux défenseurs des droits de l’homme

    Le parlement israélien adopte une loi pour accélérer les démolitions : 50.000 maisons palestiniennes potentiellement menacées

  • Programme du PST (Algérie)

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    Election législative du 04 mai 2017
    Programme Electoral

    Le PST ne se fait aucune illusion sur les élections législatives du 04 mai 2017. Loin d’être libres et transparentes, ces élections n’apporteront pas les changements qu’attendent les travailleurs et les masses populaires. Comment peut-il en être autrement quand nos libertés démocratiques sont bâillonnées, quand l’autoritarisme et la répression sont érigés en mode de gouvernance et quand la corruption et le pouvoir de l’argent décident du résultat des élections ?

    Face à cette situation, il aurait été plus aisé de ne pas participer à cette mascarade et appeler au boycott de ces élections déloyales. Mais, dans les conditions actuelles, cette attitude ne constitue pas une alternative pour les travailleurs et les masses populaires. Si les rapports de forces d’aujourd’hui ne permettent pas la mobilisation d’un boycott actif et massif capable d’imposer une autre solution, ne pas participer aux élections et se limiter à dénoncer la mascarade ne constituent pas un programme politique conséquent.
    Dans ces conditions, notre parti a décidé de se saisir de la tribune électorale, là où cela est possible, et ne pas déserter cette bataille politique. Pour le PST, il s’agit de proclamer à cette occasion qu’un autre choix est possible face au désespoir et la résignation à l’ordre désastreux du libéralisme. Aussi, il s’agit de rappeler que la lutte est le seul moyen efficace pour imposer le changement du rapport de forces dans la société et ressusciter l’espoir en un avenir meilleur. Pour le PST, seules nos luttes peuvent imposer les espaces de libertés, le respect des droits démocratiques, associatifs et syndicaux. Seules nos mobilisations peuvent arracher la satisfaction de nos besoins sociaux et économiques. Seuls nos résistances sociales et nos combats politiques au quotidien peuvent imposer un développement plus juste, plus égalitaire et en harmonie avec notre culture et notre environnement.
    C’est dans cette vision que le PST vous propose une liste électorale composée de militants et de militantes connus pour leur engagement dans les luttes sociales, syndicales et démocratiques aux côté des travailleurs, des jeunes, des chômeurs, des femmes et de tous les démunis dans la perspective d’unir les énergies et les luttes dans une convergence démocratique antilibéral et anti impérialiste.

    DEFENSE DU SECTEUR PUBLIC, NATIONALISATIONS ET RELANCE ECONOMIQUE !

    Le capitalisme appauvrit l’humanité, détruit la nature et empoisonne l’environnement.
    La politique néolibérale en vigueur tue notre économie et offre aux firmes mondiales et impérialistes le contrôle de nos richesses minières. Les contrats offerts aux entreprises internationales, avec nos réserves de change, aggravent le chômage et la précarité. Le travail temporaire et informel se répand, le pouvoir d’achat s’amenuise, et le SNMG reste gelé depuis 2011. La précarité qui s’est généralisée à des pans entiers de la société, a atteint aujourd’hui même les diplômés de nos universités. Pour y remédier, il faut agir :
    * Pour la défense du secteur public et la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie (l’eau, le gaz, le pétrole, l’agriculture, les banques …) ;
    * Pour la protection de notre patrimoine agricole et de son environnement ; Pour le développement d’une agriculture assurant la satisfaction des besoins alimentaires et orientée vers des cultures vivrières ;
    * Pour une augmentation du SNMG à 45.000 DA ; Pour Une échelle mobile des salaires ;
    * Pour une politique d’industrialisation basée sur le secteur étatique et créatrice d’emploi ;

    Les scandales de corruption montrent que le pillage du patrimoine national est à l’origine des nouvelles fortunes des oligarques nationaux et internationaux.
    * pour un contrôle populaire et une gestion démocratique des affaires publiques ; Pour la levée du secret bancaire et l’ouverture des livres de comptes ;
    *Pour un impôt sur les fortunes ;
    * Pour l’interdiction du travail informel et la titularisation des contractuels et ceux du pré-emploi ;
    * Pour une allocation de chômage à 50% du SNMG.

    DEFENSE DES DROITS SOCIAUX ET D’UN ENVIRONNEMENT SAIN !

    * Pour un système de santé public de qualité et une médecine gratuite accessible à tous et basée sur la prévention ;
    * Pour la défense du système de la protection sociale et sa généralisation ;
    * Pour la défense de nos droits aux retraites sans conditions d’âge ;
    * Pour une école publique gratuite et ouverte aux enfants du peuple ; Pour un enseignement ouvert sur le progrès et le développement scientifique,
    Notre environnement se dégrade, la crise du logement persiste, la distribution de l’eau potable reste aléatoire et le transport collectif est insuffisant.
    * Pour un environnement propre dans le respect des normes écologiques ;
    * Pour un droit au logement dans un espace urbain et rural de qualité ;
    * Pour un transport urbain collectif et moins consommateur d’espace ;

    POUR LA DEFENSE DES LIBERTES DEMOCRATIQUES !
    POUR L’ELECTION D’UNE ASSEMBLEE CONSTITUANTE SOUVERAINE !

    Les droits et les libertés démocratiques et syndicaux imposés par nos luttes sont remis en cause. L’arsenal répressif juridique et judiciaire est mobilisé pour mater nos protestations. Des travailleurs et des syndicalistes sont réprimés et emprisonnés. La souveraineté du peuple est confisquée à l’image des élus du peuple qui n’ont pas de prérogatives face au pouvoir de l’exécutif (local et national)

    * Contre les lois antidémocratiques, Pour les libertés d’expression, d’organisation, de manifestation et de grève ;
    * Pour le respect de la liberté de conscience, les libertés culturelles et la séparation entre le politique le religieux ;
    * Pour mettre un terme aux violences faites aux femmes, Pour l’abrogation du code de la famille et l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ;
    * Pour une politique de promotion de Tamazight et des langues populaires ;
    * Pour l’élection d’une assemblée constituante souveraine, représentative des intérêts des travailleurs et des masses populaires ;
    * Tous les pouvoirs aux élus, avec pouvoir de révocation par le peuple ;

    SOLIDARITE ANTI IMPERIALISTE AVEC LES TRAVAILLEURS ET LES PEUPLES EN LUTTE !

    L’impérialisme s’attaque à tous les acquis sociaux de l’humanité, à la souveraineté des peuples et pille nos richesses.
     
    Construisons la solidarité avec :

    * La lutte des peuples palestinien et sahraoui ;
    * Les combats des peuples pour leur émancipation, leur souveraineté et contre toute ingérence étrangère et impérialiste ;
    * les migrants et les réfugiés ;
    * Les luttes des travailleurs et tous les indignés du monde contre l’austérité et l’exploitation capitaliste
     
     
     
  • Nouveautés "Syrie" (NPA + Souria Houria)

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    Déclaration de Philippe Poutou «Après le bombardement états-unien en Syrie»

    Déclaration Philippe Poutou : Remis en selle par les grandes puissances, Assad gaze le peuple syrien Assez d’impunité et de bombardements ! (NPA)

    Syrie : Assez de massacres !(NPA et divers)

    Dossier Alencontre: Syrie. L’arme chimique sème la mort

    Après le massacre de Khan Cheikhoun, rassemblements jeudi 6 avril en solidarité avec le peuple syrien

    Que cherche Poutine en Syrie?(Souria Houria)

    Pourquoi l’Armée Syrienne Libre n’a-t-elle pas vaincu ? Partie I

    Pourquoi l’Armée Syrienne Libre n’a t’elle pas vaincu ? Partie II

    «Never again» et ce tralala ne semble qu’être des foutaises qui ont aveuglé la conscience internationale (Souria Houria)

    De Damas à Paris, itinéraire d’un enfant de la révolution (Orient 21)

  • Nouveautés PST (Algérie)

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    Béjaia : Le PST explique l’objectif de sa participation aux législatives

     

    “Le boycott n’est pas une alternative”

     

  • Tension au Kef et à Tataouine : Le FTDES prône un nouveau modèle de développement (Tunisia in red)

    Le Kef.

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    Publié le Mercredi 05 Avril 2017 à 10:31
    Dans un communiqué rendu public mercredi matin, le FTDES a exprimé son soutien au mouvement de protestation populaire des habitants de Tataouine et du Kef et estime que c'est une réaction normale face à l'impuissance du gouvernement qui s'est contenté d'envoyer deux délégations ministérielles pour apaiser la tension.

    Après avoir appelé à la coordination des mouvemenets de protesations, le forum a tenu à rappeler qu'il est convaincu qu'adopter un nouveau modèle de développement qui rompt avec les choix libéraux impopulaires et coûteux serait le dénominateur commun qui rassemblerait toutes les forces civiles, syndicales et démocrates ainsi que les mouvements sociaux.

    Rappelons que les habitants de la ville de Tataouine et des villages limitrophes observent des mouvements de protestation pour réclamer emploi et développement depuis deux semaines.

    Un sit-in est observé, depuis jeudi au Kef, par les ouvrier de la câblerie « Coroplast » afin de pousser l’administration de cette usine de câbles pour automobiles d’annuler la fermeture provisoire de l’usine.

    http://www.gnet.tn/

    Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux

    http://ftdes.net/

  • FCP 2017

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    L'équipe est fière de vous présenter l'affiche de la 3ème édition!
    Conçue par l'artiste Walid Bouchouchi, elle s’inspire des identités graphiques empruntées dans les années 70 et 80 par les mouvements artistiques liés à la résistance palestinienne.
     
    Le #FCP2017 vous plonge au cœur de cette époque en vous proposant une programmation autour du Focus "Regards croisés sur 1967".
     
    Au centre du visuel, une femme vêtue d'un habit traditionnel palestinien pointe sa caméra.
     
    Nous voulions souligner l'importance du rôle des femmes à cette époque ; un rôle qu'elles continuent de tenir à travers les mouvements politiques et artistiques d'aujourd'hui.
     
    Le cinéma palestinien en est la parfaite illustration, avec une majorité de femmes qui réalisent chaque année de nombreux films!
     
  • Dans l’Egypte de Sissi, une révolte face à une tentative de réduction des quotas de pain (A l'Encontre.ch)

    Manifestation pour le pain à Alexandrie, le 7 mars 2017,
    avec les «cartes en papier» bien visibles

    Le 6 mars 2017, des centaines d’habitant·e·s sont descendus dans les rues de diverses localités et villes en Haute-Egypte et dans le delta du Nil, après que le ministère de l’Approvisionnement a réduit leur ration subventionnée de pain baladi (connu sous le nom de pita, base de l’alimentation en Egypte).

    Le lendemain, des milliers de personnes protestaient dans 17 districts dans tout le pays. A Alexandrie, des manifestant·e·s ont bloqué pendant plus de quatre heures une route principale à l’entrée d’un port important, alors que les résidents populaires de la banlieue d’Imbaba à Gizeh [sur la rive gauche du Nil, face à la vieille ville du Caire] bloquaient la route de l’aéroport. Ailleurs, des femmes de la ville de Dissouk, dans le delta du Nil, ont organisé un sit-in bruyant sur les rails de la gare local, en scandant «Un, deux, où est le pain?» et en appelant au renversement du gouvernement du président [ex-maréchal] Abdel Fattah El-Sissi. [1] Le hashtag arabe #Supply_Intifada n’a pas tardé à se répandre sur le Twitter égyptien. Pour tenter de couper court à d’autres mobilisations, le gouvernement égyptien – qui prend appui sur l’armée – s’est dépêché de rétablir l’accès au pain des habitants. Il a promis d’augmenter la ration dans les régions où il y avait eu des protestations.

    Les émeutes contre la pénurie alimentaire

    La récente série de protestations contre la pénurie alimentaire a eu lieu dans le contexte de l’ébranlement des prix provoqué par la décision, le 3 novembre 2016, de la Banque centrale d’Egypte de la flotter la livre égyptienne [autrement de la «libération» du taux de change]. La dévaluation de la livre fait partie d’une série de mesures – dont des coupes dans les dépenses publiques et l’introduction d’une TVA – exigées par le Fonds monétaire international (FMI), en échange d’un prêt de 12 milliards de dollars pour soutenir l’économie égyptienne défaillante. [2] En février 2017, l’inflation des prix alimentaires atteignait 42%. [3] Les principales denrées de base ont été particulièrement frappées: au cours de l’année passée, les Egyptiens ont vu le prix du pain et de l’huile de cuisine augmenter de presque 60%. [4] Pour mettre ces données en perspective, il faut savoir que durant l’année qui a précédé de Printemps arabe de 2011, les prix des denrées alimentaires en Egypte ont subi des hausses annuelles de près de 15%. [5] Sur la base de ces données et de développements comparables, des chercheurs ont estimé que les protestations suscitées par l’insécurité alimentaire ont été un facteur clé dans l’éclatement de la Révolution égyptienne du 25 janvier.[6]

    Il existe un précédent historique. En Egypte, le prix du pain a été considéré comme une question potentiellement explosive depuis l’«Intifada du pain» de 1977, lorsque le président Anwar Sadate [Président de la République de 1970 au 6 octobre 1981; issu de la hiérarchie militaire, Sadate, assis sur la tribune présidentielle, a été tué lors d’une parade militaire] a annoncé qu’il allait abroger les subsides pour plusieurs denrées alimentaires de base. Dans la foulée, des protestations incontrôlables ont éclaté dans tout le pays, manifestations qui ont été durement réprimées. Deux jours plus tard, l’Etat était revenu en arrière et a promis de laisser intacte le système des subventions.

    Ailleurs, dans la région, des tentatives pour couper les subsides étatiques ont eu des conséquences similaires: dans les années récentes, des mesures d’austérité ont été entravées par des mobilisations de rue au Maroc, en Tunisie, en Jordanie, au Yémen et en Mauritanie. [7] En 2017 les contours d’une future rébellion sont, peut-être, en train de prendre forme en Egypte, alors qu’une inflation galopante s’ajoute à des niveaux élevés de chômage. [8] Et si les explications qui voient un lien entre les protestations contre la pénurie alimentaire et le Printemps arabe de 2011 sont correctes, il semble possible que les conditions et les modalités pour un nouveau soulèvement de masse soient en train de prendre forme.

    Au vu de ce contexte historique, un examen approfondi des récentes protestations contre la pénurie alimentaire en Egypte peut apporter de nouveaux renseignements sur les dynamiques qui se développent dans le pays et en particulier sur la fermeté dont fera preuve le gouvernement soutenu par les militaires dans l’application des nouvelles réformes dictées par le FMI et sur ses réactions face aux nouvelles mobilisations de la rue, si la situation économique continue à se détériorer.

    Pour effectuer notre analyse, nous avons effectué un inventaire des récentes protestations liées à la pénurie alimentaire en Egypte à partir de rapports en langue arabe et de vidéos des protestations téléchargées sur les médias sociaux. On a enregistré les localités où ont eu lieu les protestations, le nombre de participants, leurs tactiques, si les forces de sécurité égyptiennes les avaient réprimées, ainsi que tout nouvel élément ou slogan. Au total nous avons identifié 24 mobilisations entre le 6 et le 7 mars 2017, réparties dans 17 districts de 5 gouvernorats.

    Intifada de l’approvisionnement

    Les différentes manières dont les Egyptiens accèdent au système de subventions sont une clé pour comprendre la configuration des récentes protestations alimentaires. La miche de pain subventionné coûte 5 piastres [une livre: 100 piastres, il s’agit donc de 5 Pt]. Suites aux récentes augmentations des prix des denrées alimentaires, ce prix est jusqu’à dix fois meilleur marché que celui d’une miche de pain vendue non subventionnée sur le marché libre. Comme d’autres denrées alimentaires subventionnées, le pain subventionné ne peut être acheté que dans des points de vente enregistrés auprès du ministère de l’Approvisionnement. Certains de ces points de vente sont gérés comme des coopératives, mais la plupart opèrent comme des entreprises privées. Depuis 2014, l’achat de biens subventionnés était nominalement régulé par l’utilisation d’une carte à puce, cette mesure faisant partie du programme d’austérité du gouvernement. Ce système permet aux détenteurs de cartes à puce qui ne réclament pas leur allocation de pain de recevoir des crédits qui peuvent être utilisés pour acheter d’autres biens subventionnés. Mais la distribution de cartes à puce individuelles n’a été que partielle.

    Dans le budget 2016-2017, le ministère des Finances a prévu que 82 millions d’Egyptiens (soit 92% de la population) demanderaient du pain subventionné. [9] Or, selon les chiffres les plus récents, publiés par le ministère de l’Approvisionnement, seuls 69 millions d’Egyptiens ont accès aux cartes à puce, ce qui fait que 13 millions d’Egyptiens (16%) doivent continuer à utiliser des cartes en papier pour toucher leurs denrées subventionnées. [10] Comme solution de dépannage, le ministère de l’Approvisionnement a distribué aux commerçants des «gold card». Avec ce système parallèle, les commerçants reçoivent un quota quotidien qui se situe entre 1000 et 4000 miches de pain, selon le nombre de détenteurs de cartes en papier de leur région. Chaque fois qu’un commerçant vend du pain subventionné à un client muni d’une ancienne carte en papier, il est supposé enregistrer la vente sur leur gold card, déduisant ainsi le produit vendu de leur quota quotidien. Ce processus est coordonné au niveau des sous-districts par les bureaux locaux d’approvisionnement. [11]

    Le 6 mars, le ministère de l’Approvisionnement a annoncé que le quota de pain journalier à disposition pour les gold cards allait être réduit à 500 miches. Incapables de répondre à la demande, des boulangeries enregistrées auprès l’Etat, partout dans le pays, ont réduit la ration quotidienne de pain disponible pour les détenteurs de cartes en papier de cinq à trois miches, ce qui a suscité des manifestations devant les bureaux d’approvisionnement dans plusieurs districts.

    Par exemple, à Assiout [ville importante de Haute-Egypte sur la rive occidentale du Nil|, un des gouvernorats les plus pauvres de l’Egypte, plus de 870’000 cartes à puce subventionnées sont en circulation, pour soutenir 3,2 millions d’individus (75% de la population). [12] Cela laisse bon nombre de résidents qui continuent à dépendre de l’ancien système de cartes en papier. Des denrées subventionnées sont disponibles à l’achat dans plus de mille points de vente enregistrés, qui à leur tour sont chapeautés par 65 bureaux d’approvisionnement. En réaction à la réduction du quota de la gold card, des détenteurs de la carte en papier ont participé à des protestations spontanées devant les bureaux d’approvisionnement des districts de Abnoub, Abou Tig, al-Fath et Sidfa [voir carte ci-dessus].

    Au cours de la même après-midi, des protestataires se sont mobilisés devant le bureau d’approvisionnement à Abou Qurqas dans le gouvernorat voisin de Minya [à 250 km au sud du Caire]. [13]. Dans le même temps, à plusieurs de centaines de kilomètres au Nord, dans la ville de Dissouq dans le gouvernorat de Kafr el-Cheik [gouvernorat du même nom que sa capitale] dans le delta du Nil, des manifestants ont bloqué la rue principale bordant le bâtiment du conseil municipal de la ville, réclamant que le quota soit rétabli. Même s’ils sont situés dans différentes localités, ces bureaux partagent quelques caractéristiques communes: en termes de taux d’illettrisme (un indicateur de privation) et d’étendue de l’économie agraire, ils servent certains des districts les plus ruraux d’Egypte – à l’exception de Dissouq [voir carte ci-dessous].

    Le lendemain, alors que les habitants continuaient à se mobiliser à Assiout, Kafr el-Cheik et Minya, les mobilisations se sont étendues à des régions plus urbaines. A Alexandrie, plusieurs centaines de résidents se sont mobilisés devant les bureaux d’approvisionnement d’al-Dukhaylah et al-Manshiyah, alors des foules importantes bloquaient les routes et les lignes de tram à Asafra, al-‘Atarin et al-Amriyah et scandant: «Nous voulons du pain» et «Vous nous prenez la nourriture, vous essayez de nous tuer». A al-Warraq et Imbaba à Gizeh, des résidents ont également bloqué les entrées de leur bureau local d’approvisionnement en exigeant que la ration complète de pain soit rétablie. En même temps, de nouvelles protestations ont éclaté dans les gouvernorats d’Asyut, de Minya et du Sud Sinaï dans des districts qui étaient restés calmes auparavant. Dans tous ces cas, il semble que les résidents locaux suivent une manière de procéder qui date d’avant le modèle de mobilisation qui a été inauguré lors du soulèvement du 25 janvier. [14] En effet, plutôt que d’essayer d’occuper des places et des espaces urbains politiquement symboliques, les protestataires ont agi localement, sur leurs lieux de résidence, en infligeant un coût immédiat aux autorités en bloquant le flux du trafic et en perturbant le fonctionnement du gouvernement local.

    La réponse du régime

    Depuis le coup de 2013 [3 juillet 2013] qui a évincé le président islamiste Mohamed Morsi, le gouvernement soutenu par les militaires a utilisé une loi anti-protestation drastique pour arrêter des milliers de manifestants. Il est donc frappant que sur les 24 protestations ayant trait aux rations de pain subventionné que nous avons pu identifier, seules quatre d’entre elles ont suscité une quelconque répression. Toutes les actions réprimées se sont déroulées dans les grands centres urbains d’Alexandrie et de Gizeh. Et même là, il semble que seule une force minimale a été employée. Dans l’épisode le plus sérieux, à al-Warraq à Gizeh, les forces de police ont finalement dispersé les protestataires qui bloquaient le bureau d’approvisionnement local en arrêtant plusieurs d’entre eux.

    La police a aussi brisé la protestation alimentaire à Imbala [quartier résidentiel du Caire], après que des résidents aient bloqué la route de l’aéroport. Mais ce sont là des exceptions. A Dissouq, où ont éclaté les premières mobilisations, le directeur du Conseil municipal a rencontré les protestataires en tentant de les persuader de mettre un terme à leur blocus. [15] Lorsqu’ils ont refusé, on a téléphoné au gouverneur, qui à son tour s’est engagé à faire pression auprès du ministre de l’Approvisionnement pour faire rétablir les quotas. Plus tard, le lendemain soir, il a été annoncé que le quota des gold cards dans les boulangeries à Kafr el-Cheik avait été augmenté, poussant les protestataires à démobiliser. [16]

    A Alexandrie les choses se sont passées de manière analogue: les forces de police se contentaient de monter la garde alors que les résidents locaux bloquaient la ligne de tram dans plusieurs districts. A Asafra [quartier d’Alexandrie], au lieu de dégager le sit-in, les officiers de police ont initialement rassuré les protestataires en déclarant que la décision de réduire les quotas allait être annulée; même si plus tard il a été indiqué que la police antiémeute avait été déployée pour sécuriser les lieux. [17] Ce même après-midi, des officiers de police ont été photographiés alors qu’ils faisaient des tournées dans les quartiers ouvriers, en distribuant du pain aux résidents. [18] Ailleurs, on a laissé les protestataires s’engager dans de petits blocus de bureaux d’approvisionnement locaux et poursuivre leurs sit-in avec seulement une ingérence minimale de la part des forces de sécurité.

    Le soir du 7 mars, le média d’Etat égyptien rapportait que le ministre de l’Approvisionnement avait présenté des excuses et réaffirmé: «Chaque citoyen a droit à du pain subventionné». [19] Le lendemain, le ministère de l’Approvisionnement s’est dépêché de distribuer 100’000 nouvelles cartes à puce pour remplacer les cartes en papier existantes dans six des gouvernorats, dont quatre des cinq gouvernorats où il y avait eu des protestations. [20]

    Dans une tentative pour détourner des critiques au sujet des réductions, le ministère de l’Intérieur et celui de l’Approvisionnement ont annoncé qu’ils allaient lancer une campagne d’inspection dans les boulangeries et points de vente enregistrés auprès de l’Etat et sévir contre la corruption. [21] En attendant, craignant que les protestations ne montent à nouveau après la prière du vendredi, le ministère du Patrimoine et des Affaires religieuses a diffusé un sermon appelant les Egyptiens à réfléchir aux circonstances économiques difficiles et à se préparer à faire des sacrifices pour la patrie. [22] Ensuite c’est le président Sissi lui-même qui a fait une déclaration publique en s’engageant à ce que le quota du pain ne soit pas à nouveau limité. [23]

    Dans la file d’attente du pain

    Que peut nous apprendre cet épisode? L’Intifada de l’approvisionnement souligne de multiples manières le potentiel de la politique gouvernementale en Egypte à générer des protestations. Ici, la décision de couper le quota disponible sur les gold cards a entraîné presque immédiatement une mobilisation déstabilisante.

    En même temps, les développements de la mobilisation suggèrent que les seuls griefs économiques ne prédisent pas l’ampleur des protestations. Entre le 6 et le 7 mars, des millions d’Egyptiens ont trouvé leur sécurité alimentaire immédiatement menacée. Toutefois, seule une petite minorité des personnes touchées est descendue dans la rue dans des mobilisations très locales. Pourtant, le contexte des premières protestations alimentaires est révélateur.

    Dans les cercles politiques (et en particulier ceux des institutions financières internationales) on pense généralement que la «classe moyenne» urbaine a de plus fortes chances de se mobiliser en réaction à des coupes dans leurs subventions. [24] Il faut souligner que le système qui consiste à récompenser des titulaires de cartes à puce lorsqu’ils ne demandent pas leur pain subventionné de manière disproportionnée bénéficie aux familles de la classe moyenne, qui ont davantage de chances de consommer des aliments de base autres que le pain (par exemple le riz) ou d’acheter du pain de meilleure qualité, pas subventionné. De manière révélatrice, la réduction du quota de pain des gold cards s’est accompagnée du projet d’augmenter la quantité de crédit que recevraient les détenteurs de cartes à puce. [25] Mais comme le montrent clairement les protestations de mars, les pauvres, aussi bien dans les zones rurales que dans les villes, sont également disposés à se mobiliser contre la réduction des subventions. Les pauvres d’Egypte ont également compris la dynamique de classe des subventions du pain. A Alexandrie, des femmes protestaient en scandant «Ils mangent du fino [pain de meilleure qualité] alors que nous ne trouvons pas notre pain.»

    Plusieurs protestataires interviewés par les médias se sont plaints de la qualité du pain baladi subventionné, et une femme affirmait qu’il devrait plutôt servir à nourrir les poules. «Le ministre de l’Approvisionnement mangerait-il ceci?», demanda-t-elle devant la caméra, alors qu’un groupe d’enfants qui se bousculaient autour d’elle répondaient en criant à l’unisson: «Non!». Le comportement du régime face à ces mobilisations montre non seulement que les autorités ne sont pas préparées à cette réaction, mais aussi que le régime craint de provoquer davantage ces électeurs. C’est ce que montrent clairement la volte-face immédiate du ministre de l’Approvisionnement et la réticence de la police à réprimer les habitants. Cela suggère que même des petites protestations localisées peuvent être un outil efficace pour arracher des concessions du régime de Sissi.(Article publié dans Middle East Research and Information en date du 29 mars 2017; traduction A l’Encontre; titre A l’Encontre)

     

    Post-scriptum

    Le 27 mars 2017, sur le site NPA2009, Hoda Ahmed indiquait que la campagne: «Nous voulons vivre» – dont le congrès inaugural a eu lieu à la mi-janvier – a pour l’objectif de lutter pour les droits sociaux des Egyptiens et Egyptiennes, particulièrement les travailleurs. Cette initiative regroupe des partis politiques comme les Socialistes Révolutionnaires ou Pain et Liberté, des ONG et des organisations syndicales comme l’Union égyptienne des travailleurs du pétrole ou le Front de défense des journalistes. Ces forces dénoncent le prêt du FMI accordé à l’Egypte et le programme de contre-réformes qui l’accompagne. Elles pointent la responsabilité du gouvernement qui a fait «le choix politique» de «l’appauvrissement de la population.»

    La campagne «Nous voulons vivre» – qui doit être conduite dans un climat répressif sévère – traduit la prise en compte d’un mécontentement social grandissant dont l’expression la plus ample, pour l’heure, s’est traduite dans la bataille pour le pain pita en ce début mars.

    Le lundi 3 avril 2017 est prévue une rencontre entre le président Al-Sissi et le président Donald Trump. En marge de l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre 2016, un «contact» avait déjà été établi entre les deux chefs. Trump n’avait-il pas qualifié, lors de sa campagne électorale, Al-Sissi de «gars fantastique»? Et ce dernier avait renvoyé le compliment par une formule sonnante: Trump «a l’étoffe d’un grand leader». A coup sûr la «lutte contre le terrorisme» sera au centre des échanges. Quant à la détermination des montants de «l’aide militaire» et financière, les interrogations vont persister. Par contre, le silence planera sur le régime de répression. (Réd. A l’Encontre)

     Neil Ketchley et Thoraya El-Rayyes

    Alencontre le 2 - avril - 2017

    http://alencontre.org/