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Droits humains - Page 16

  • Tunisie : Poursuite des mobilisations contre le blanchiment des corrompus de l’ère Ben Ali (Essf)

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    Les opposants au gouvernement Nidaa Tounes - Ennahdha maintiennent la manifestation prévue samedi 12 septembre à Tunis, malgré son interdiction dans le cadre de la proclamation de « l’état d’urgence ».

    Manifestations en Tunisie contre un projet de loi de « Réconciliation économique »

    http://www.maghrebemergent.com/actualite/maghrebine/51030-manifestations-en-tunisie-contre-un-projet-de-loi-de-reconciliation-economique.html

    Le projet de loi portant réconciliation économique en Tunisie, notamment pour les grosses fortunes amassées durant le régime Benali, ne semble pas passer devant l’opinion publique. Plusieurs manifestations de protestation contre ce projet de loi, déposé au parlement fin juillet, ont été organisées lundi à travers plusieurs villes du pays.

    Lundi 7 septembre à Sidi Bouzid, d’où est parti l’étincelle de la Révolution de Jasmin qui a fait ‘’dégager’’ Benali et son régime corrompu, la police a empêché une manifestation de dénonciation de ce projet de loi, voté en conseil des ministres en juillet dernier. Selon l’agence ‘’TAP’’, ‘’les forces de sécurité ont interdit lundi l’organisation d’une manifestation contre la loi de réconciliation économique à l’avenue principale de la ville de Sidi Bouzid’’. ‘’Des composantes de la société civile et des représentants des organisations régionales se sont réunis devant le siège de l’Union régionale du travail (URT), répondant à l’appel de l’Union régionale des diplômés sans emploi, pour exprimer leur refus de la loi de réconciliation économique’’, ajoute TAP. Les manifestants ont notamment dénoncé ce projet de loi présenté par la présidence tunisienne, et appelé à plus de ‘’justice sociale’’, comme ils ont revendiqué ‘’le droit au travail’’. Appelant ‘’à la chute du gouvernement’’, les manifestants ont par ailleurs estimé que ‘’l’état d’urgence (imposé depuis la recrudescence des actes terroristes en Tunisie, NDLR), sert de prétexte pour la répression des mouvements de protestation’’.
    A Sfax, les forces de sécurité ‘’ont fait usage d’une violence disproportionnée les manifestants qui observaient un sit-in’’ de protestation contre ce projet de loi, ont dénoncé les partis Al Massar et l’Union Populaire Républicaine (UPR).
    Même mobilisation à Tozeur (sud) de partis et de la société civile, qui ont organisé lundi un sit-in contre ce projet de loi.

    Tous contre l’amnistie des grosses fortunes
    Au sein de la société civile tunisienne, le projet fait débat, et est rejeté en bloc car étant incompatible avec la nouvelle Constitution du pays. Le constitutionaliste Jawhar Ben Mbarek, qui estime que ‘’c’est une sorte d’amnistie spéciale pour certaines personnes’’, n’es pas loin de s’interroger sur l’efficacité de cette loi qui, selon lui, ne sera d’aucun apport financier dans la mesure où la majorité des biens appartenant aux personnes accusés de corruption sont confisqués. ‘’ Il s’agit juste d’une amnistie au profit d’un groupe de corrompus qui fera perdre à l’Etat l’occasion de les poursuivre fiscalement’’, a-t-il ajouté.
    Dans une contribution au site ‘’Contrepoints.org’’, Amir Mastari relève de son côté que ‘’ les auteurs de ce projet de loi (pour la réconciliation économique) semblent négliger le fait que l’on est dans un contexte post-révolution’’, relevant que ‘’c’est peut être politiquement correct, pour le parti de Nida Tounes, de tenter de préserver les intérêts des plus riches pour que ceux-ci servent le parti au moment des élections’’.

    Nida Tounes mal barré
    Mais, cela renvoie également un signal fort du désintérêt du parti du Président aux ‘’revendications (des Tunisiens) quant à la lutte contre l’impunité, la rente et le clientélisme’’. Et puis, ‘’cela risque de remettre en cause la transition démocratique dans le pays et exacerber les tensions radicales dans la société tunisienne’’, affirme t-il encore. Pour de nombreux activistes tunisiens, la proposition du parti Nida Tounes de BCE est anticonstitutionnelle. L’article 148 de la Constitution stipule en fait que ‘’l’État s’engage à mettre en application le système de la justice transitionnelle dans tous ses domaines et dans les délais prescrits par la législation qui s’y rapporte. Dans ce contexte, l’évocation de la non-rétroactivité des lois, de l’existence d’une amnistie ou d’une grâce antérieure, de l’autorité de la chose jugée ou de la prescription du délit ou de la peine, n’est pas recevable’’.

    Algérie, Maroc, même combat
    La proposition des dirigeants Tunisiens de réconciliation économique, une sorte d’amnistie, pour les grosses fortunes amassées du temps de Benali, a été déjà appliquée en Algérie et au Maroc pour légaliser les fonds non déclarés et bancarisés. La LFC2015 a introduit en Algérie la possibilité pour les détenteurs de fonds non déclarés de les bancariser complètement en payant une taxe forfaitaire de 7%. L’opération est en cours, aucun bilan n’a été donné pour le moment.
    Par contre, au Maroc, l’opération ‘’Contribution libératoire’’, semble connaître quelques ‘’couacs’’, les déclarants n’ayant pas, selon l’Office des changes, tout déclaré de leur patrimoine à l’étranger. L’opération clôturée le 31 janvier dernier, avait été marquée par la déclaration de 8,41 milliards de dirhams, et rapporté 315 millions de dirhams pour le Fonds de Cohésion Sociale.

    6 septembre

    Sfax : altercation entre forces de sécurité et manifestants opposés à la loi sur la « réconciliation économique »

    http://www.lapresse.tn/article/sfax-altercation-entre-forces-de-securite-et-manifestants-opposes-a-la-loi-sur-la-reconciliation-economique/94/5125

    Une altercation a eu lieu, dimanche à Sfax, entre forces de l’ordre et des manifestants opposés à la loi sur la réconciliation économique, a-t-on appris de sources concordantes. Sous le slogan « Manech Msamheen » (pas de pardon), la manifestation était organisée par des jeunes sfaxiens et nombre de composantes de la société civile devant le siège de la banque centrale à Sfax pour protester contre la loi sur la réconciliation économique.
    « Les forces de l’ordre ont fait usage d’une violence disproportionnée pour disperser les manifestants qui participaient pacifiquement au sit-in », a déclaré Chafik Ayadi, représentant du Front Populaire à l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP). « Près de 16 blessés ont été transférés à l’hôpital pour y recevoir des soins », a encore précisé M. Ayadi qui était présent sur les lieux. L’usage de violences disproportionnées a été démenti de sources sécuritaires dans la région. « Seule une grenade lacrymogène a été utilisée pour disperser la manifestation », a confirmé un responsable sécuritaire qui précise que la manifestation n’avait pas d’autorisation des autorités locales.

    8 septembre

    Des associations dénoncent l’interdiction des manifestations sous couvert de l’état d’urgence

    http://www.maghrebemergent.com/actualite/breves/fil-maghreb/51027-tunisie-des-associations-denoncent-l-interdiction-des-manifestations-sous-couvert-de-l-etat-d-urgence.html

    Des associations de défense des droits de l’Homme ont dénoncé, lundi, la décision du ministère de l’Intérieur d’interdire les manifestations, appelant à respecter le droit de manifester garanti par la Constitution.
    Ils ont, également, appelé à interdire l’usage de la force et de la violence et à poursuivre les auteurs de ces actes.
    La liberté de pensée, d’expression, de manifestation et de réunion sont des droits garantis par la Constitution sans lesquelles l’exercice de la citoyenneté et la réalisation de la transition démocratique ne peuvent pas être concrétisés, a déclaré, lundi à l’agence TAP, Abdelbasset Ben Hassen, président de l’Institut arabe des droits de l’Homme (IADH).
    S’agissant de l’état d’urgence, Ben Hassen a rappelé que les principes mentionnés dans la Constitution ainsi que dans la loi internationale des droits de l’Homme, particulièrement l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ne sont pas en contradiction avec l’état d’urgence. La loi stipule que la déclaration de l’état d’urgence « ne doit pas servir de prétexte pour violer ces droits », a-t-il ajouté.
    De son côté, la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH) a dénoncé, dans un communiqué, « les abus à répétition commis contre des manifestants sous couvert de l’état d’urgence », estimant que ces pratiques constituent une violation manifeste des droits mentionnés dans la Constitution et des Pactes ratifiés par l’Etat tunisien.
    La Ligue a, par ailleurs, exigé l’ouverture d’une enquête « sérieuse et indépendante » sur ces agressions « complètement inadmissibles » dans une société démocratique.
    L’Organisation tunisienne de lutte contre la torture a, pour sa part, appelé, dans un communiqué, les autorités au respect du droit de manifester et à mettre un terme à l’état d’urgence.
    L’Organisation a noté la recrudescence de la répression contre les rassemblements et les manifestations pendant l’état d’urgence, relevant plusieurs abus, notamment l’usage de la violence, le 1er septembre courant Place Mohamed Ali et à l’Avenue Habib Bourguiba, lors d’un rassemblement de jeunes dénonçant le projet de loi relatif à la réconciliation économique.

    8 septembre

    L’opposition décidée à manifester malgré l’interdiction

    http://directinfo.webmanagercenter.com/2015/09/08/tunisie-des-partis-politiques-attaches-a-la-marche-contre-le-projet-de-loi-sur-la-reconciliation/

    Les partis et associations ayant pris part à la rencontre nationale politique et civile, tenue les 7 et 8 septembre 2015, réaffirment leur attachement à l’organisation d’une marche populaire pacifique, le 12 septembre prochain, pour revendiquer le retrait du projet de loi sur la réconciliation économique, a déclaré Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire.
    Les forces politiques et civiles participant à cette réunion ont qualifié ledit projet de loi de « soulèvement contre la constitution, d’atteinte flagrante à ses dispositions et de main-mise sur le processus de justice transitionnelle », a-t-il dit, dans une déclaration à la presse mardi.
    Hammami a expliqué que la marche prévue vise à défendre les droits et libertés, dont le droit de manifester.
    Il a lancé un appel à participation à l’adresse de l’ensemble des forces politiques, sociales et civiles opposés au projet de loi sur la réconciliation économique et financière. 8 septembre

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35827

  • Mauritanie : L’UFP condamne des rafles au faciès et des violences contre les noirs (Afriques en lutte)

    L’Union des Forces de Progrès (UFP)-opposition, dénonce des rafles au faciès et des violences aveugles, touchant des individus originaires d’Afrique de l’Ouest et même des nationaux de couleur noire, dans une déclaration rendue publique vendredi soir.

    Le parti de l’opposition « dénonce avec force l’exercice de la violence aveugle de la part de certains membres des forces de l’ordre encouragés par leur impunité et exige que justice soit faite en faveur des victimes ». L’UFP évoque une situation « d’une extrême gravité et les risques qu’elle fait peser sur l’unité nationale, de plus en plus fragilisée par les pratiques inacceptables et discriminatoires d’un régime et ses manœuvres visant à diviser les mauritaniens ».

    Décrivant les rafles de Nouakchott, la déclaration fait état « de patrouille lancées aux trousses « de suspects dont le seul tort apparent est la couleur noire de leur peau ».

    Depuis plusieurs mois, signale-t-on, des rafles touchent de nombreux ressortissants d’Afrique de l’Ouest vivant en Mauritanie, notamment des sénégalais pour « défaut de cartes de séjour ». 4 septembre 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/mauritanie-55/article/mauritanie-l-ufp-condamne-des

  • Tunisie : Mettre fin aux abus sécuritaires (Essf)

     

    Après la diffusion de la vidéo « Tfarjou Fina TORTURE * » produite par l’association Forza Tounes qui donne la parole à des jeunes racontant par le menu les provocations, la torture, les arrestations arbitraire, le chantage… qu’ils ont subis.

    Face à la persistance des abus et des séances de tortures dans les lieux de détention en l’absence de sanctions effectives de la part de l’autorité de tutelle…
    Les associations et organisations de défense des droits de l’Homme signataires de ce communiqué exigent :

    · L’ouverture immédiate d’une enquête sérieuse tenant compte des témoignages recueillis dans la vidéo, des plaintes contre des pratiques de torture et des mauvais traitements et violations des droits de l’Homme.
    · Des sanctions contre tous ceux qui se sont adonnés à ces pratiques humiliantes et le dédommagement des victimes pour en finir avec le fait accompli de l’impunité.

    Les associations et organisations signataires :


    · Considèrent que la persistance de ces pratiques traduit le manque de sérieux dans la lutte contre ce lourd héritage d’ancien régime et l’absence d’une vision globale pour l’éradication de cette « culture » qui institutionnalise la torture, l’extorsion des aveux par la force et la violation de la loi par les représentants de la loi.
    · Elles rappellent au gouvernement que l’État tunisien est tenu, de par ses engagements nationaux et internationaux, de combattre la pratique de la torture et toutes les formes d’humiliation et d’en punir les auteurs.
    Les associations et organisations signataires tiennent à affirmer avec force que le tout répressif en lieu et place d’une stratégie de dialogue et d’un projet national d’intégration de la jeunesse marginalisée, c’est la porte ouverte à toutes les aventures : l’extrémisme, la violence et les barques de la mort, comme en témoigne la vidéo.

    Signataires :
    Syndicat Nationale des Journalistes Tunisiens - SNJT
    Réseau Euro-Med des Droits de l’Homme – REMDH 
    Association Tunisienne des Femmes Démocrates – ATFD 
    Association Vigilance pour la Démocratie et l’Etat Civil – Yaquadha 
    Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie – CRLDHT 
    Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux – FTDES 
    Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives – FTCR 
    Organisation 10-23 de Soutien au Processus de la Transition Démocratique 

    Tunis, le 1er septembre 2015 Collectif

    Note :
    https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=WR09AYVgixY

    Contact : Messaoud Romdhani – 00 216 97 322 921 – mah.talbi@gmail.com

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35770

     

  • Insurrection citoyenne en Irak (Orient21)

    Contre la corruption et la mainmise iranienne

    Malgré la guerre qui s’enlise contre l’organisation de l’État islamique (OEI), malgré les tensions attisées pour diviser sunnites, chiites et Kurdes, un mouvement citoyen voit le jour en Irak pour en finir avec un pouvoir corrompu et confessionnel. Il exprime, de manière fragile, une volonté de reconstruire une nation irakienne indépendante, loin des ingérences étrangères, y compris celles de l’Iran.

    «  Cette révolution, on pourrait l’appeler la révolution du thermomètre  », ironise Faysal, 38 ans, l’un des tout premiers manifestants de la place Tahrir à Bagdad. Faysal aime se présenter comme laïc et libéral, un courant selon lui majoritaire chez les manifestants de la place Tahrir. «  Ici, il n’y a que des jeunes qui ne veulent pas du mélange entre la religion et la politique et des personnes plus âgées qui ont milité à gauche durant des années  », explique-t-il. «  Dans le sud à Nadjaf et à Bassora, c’est différent, ils sont plus à l’écoute des partis religieux, mais ce qui nous rassemble tous, laïcs, religieux, apolitiques, c’est non seulement la lutte contre la corruption et contre les défaillances des services publics mais surtout un besoin de changement de système  ». «  La chaleur a eu du bon en Irak, elle a montré que la société civile irakienne est encore là. On ne parle plus de l’organisation de l’État islamique mais du peuple irakien  » se réjouit Mazen, 25 ans, lui aussi venu manifester sur la place Tahrir.

    Le rassemblement, spontané, a été provoqué par une vague de chaleur insupportable, sans l’électricité que les gouvernements irakiens successifs depuis 2003 avaient promis de rétablir. Or, 12 ans après l’invasion américaine, il n’y a en moyenne que trois heures d’électricité par jour, «  sauf chez les ministres  », note Mazen. Commerçant dans le quartier central de Karrada, il a fermé boutique pour aller scander des slogans comme «  Non aux voleurs, non au gouvernement, oui à l’Irak  ».

    Sous la pression de la rue, le premier ministre actuel Haïder Al-Abadi a proposé des réformes sans précédent. À commencer par la suppression des postes inutiles et de la gabegie de l’État. Il s’attelle ainsi à remplacer de hauts fonctionnaires de l’administration centrale et des provinces, tout en «  oubliant  » volontairement les quotas confessionnels et partisans usuels. La compétence sera désormais mise en avant.

    Le «  nouvel empereur  »

    «  Pourquoi avoir attendu 12 ans pour donner la priorité aux compétences et non au clientélisme  ? Les Irakiens ont été trompés durant des années, ils veulent que cela cesse  », s’exclame le journaliste et écrivain Sarmad Al-Taïe à Bagdad. Pour lui, cette crise est beaucoup plus profonde qu’un soulèvement contre l’incompétence des services publics. Il affirme que ce qui se joue actuellement relève d’une lutte interne entre deux courants contradictoires au sein des mouvements chiites : les nationalistes et les partisans de l’Iran. Si les manifestants sont volontairement descendus dans les rues, certaines organisations en ont profité pour tenter de les instrumentaliser. À l’instar du hachd al-chaabi  unités de mobilisation populaire  »), la milice soutenue militairement par l’Iran en la personne du général Ghassem Souleimani pour lutter contre l’organisation de l’État islamique. «  Cette milice est montée en puissance et se sent aujourd’hui beaucoup plus légitime et probante que les dirigeants actuels. Elle vise désormais une représentation politique et a cherché à utiliser ces manifestations pour renverser le pouvoir représenté par son rival, le premier ministre Haïder Al-Abadi  », analyse-t-il. Le journaliste va encore plus loin. Selon lui, cette lutte se mène directement entre le pouvoir iranien et le clergé chiite irakien. «  D’un côté le premier ministre Abadi a réussi à rallier la plus haute autorité chiite, Ali Al-Sistani, de l’autre le général Soleimani est soutenu par les courants islamistes et par Nouri Al-Maliki. Un changement de cap sans précédent est en train de s’opérer  », affirme le journaliste spécialiste des mouvements chiites.

    L’analyste politique Wathak Al-Kader abonde dans le même sens. «  Abadi a fait des concessions. Il a réussi un coup politique, celui de transformer ces manifestations en combat patriotique et non sectaire. Cela a augmenté sa popularité. La question se pose désormais de la réponse de l’Iran et du courant islamiste de son parti qui voit d’un mauvais œil son approche patriotique  », s’inquiète-t-il. De hauts gradés de l’armée irakienne, joints par téléphone et souhaitant rester anonymes, confirment l’implication non seulement militaire mais politique de celui qu’ils surnomment «  le nouvel empereur d’Irak  » : Ghassem Souleimani. Ce dernier se sentirait directement menacé par Haïder Al-Abadi qui, au détriment de son prédécesseur Nouri Al-Maliki, est en train de gagner la rue.

    Est-ce la fin de l’Irak tel qu’on l’a connu depuis 2003  ? Pour la première fois depuis le changement de gouvernement, les Irakiens contestent directement ce qu’ils considèrent comme étant l’obstacle majeur au développement : le système politique mis en place par les Américains, avec son paradigme arbitraire de quotas, de séparation des pouvoirs en fonction des confessions, encourageant ainsi un sectarisme perpétuel et sans autre alternative à long terme. Et la mainmise de l’Iran sur les affaires intérieures de l’Irak depuis le départ des GI. Même à Kerbala, fief chiite, les manifestants scandent désormais ce slogan : «  L’Iran dehors, Bagdad est désormais libre  !  »

    Rivalité entre Maliki et Abadi

    Mais une autre menace est à prendre au sérieux. Nouri Al-Maliki, ex-premier ministre, avait réagi aux manifestations dans un discours tenu le 9 août dernier. Il les avait comparées au soulèvement de Fallouja et de Ramadi dans le département d’Al-Anbar. «  Ces manifestations ne doivent pas se transformer en sit-in prolongé comme ce fut le cas dans la région d’Al-Anbar. Ces manifestations ne doivent pas demander la chute du gouvernement. Il faut réconcilier ce gouvernement, non pas le faire tomber. Si ce gouvernement tombe, rien n’empêchera de faire tomber le prochain, et que gagnera l’Irak  ? On regrettera ensuite l’époque d’aujourd’hui et on regrettera le bain de sang causé par cette chute  » a-t-il déclaré devant des centaines de militants. Un discours perçu comme un ultimatum envers les manifestants de Tahrir. «  Nous devons faire sortir le hachd al-chaabi du terrain politique  », a ainsi répondu le premier ministre actuel, fort de sa nouvelle popularité. «  Il faut qu’il y ait une barrière de séparation. Nous ne pouvons pas impliquer des combattants dans une rivalité politique  », a-t-il insisté.

    C’est justement en réaction au discours d’Al-Maliki que l’ayatollah Ali Al-Sistani, la principale figure religieuse du pays, a officiellement demandé à Abadi «  d’avoir le courage d’évincer les hommes qui participent à la corruption et à la gabegie de l’État  ». Le Parlement a ensuite soutenu Abadi en votant les réformes qu’il proposait. Le lendemain, les manifestants ne demandaient plus la chute du gouvernement, mais le maintien du premier ministre actuel. Maliki a ainsi perdu la bataille politique. Reste que sur le plan militaire, Haïder Al-Abadi est désavantagé par rapport à Nouri Al-Maliki qui bénéficie du soutien de l’armée et de forces paramilitaires comme le hachd al-chaabi et qui vient de se rendre à Téhéran, sans aucun doute pour chercher des appuis. S’il a officiellement soutenu Abadi dans ses réformes, dont la première est de supprimer son poste de vice-président, rien ne dit qu’il soutiendra son rival sur le terrain militaire. En parallèle, une commission parlementaire a désigné l’ancien premier ministre Nouri Al-Maliki et 35 autres personnes comme les responsables de la chute de Mossoul, la deuxième ville du pays, tombée aux mains de l’organisation de l’État islamique en juin 2014. Un outil de plus pour écarter l’ex-premier ministre.

    La fin d’un système  ?

    Et qu’en sera-t-il des Kurdes et des sunnites  ? Si ces derniers soutiennent de facto les réformes, c’est également pour revenir au rang d’acteurs à Bagdad et pour contrer l’influence de l’Iran. Quant aux Kurdes, comme à l’accoutumée, ils resteront les faiseurs de roi et choisiront le camp qui protègera leurs intérêts. Pour Sarmad Al-Taïe, c’est probablement la fin d’un système. «  Il se dit dans les couloirs du Parlement qu’un comité du parti Daawa va être organisé pour soutenir Abadi et éloigner le courant pro-Maliki et ainsi prendre un peu de distance avec l’Iran. On parle même de modifier la Constitution  », s’étonne le journaliste.

    Certes, les manifestations actuelles cachent une lutte interne entre les factions chiites, mais elles détermineront aussi la place des autres confessions et des ethnies sur l’échiquier politique. À moins qu’on ne les désigne désormais que par ce qu’elles ont en commun : la citoyenneté irakienne. Reste une question en suspens : quelle sera la réaction du «  nouvel empereur  », Ghassem Souleimani  ?

    Orient XXI  Feurat Alani 24 août 2015
    Journaliste et producteur chez Baozi production, il a vécu quatre ans à Bagdad, où il était notamment correspondant de I>Télé, Ouest France, La Croix et Le Point. Il collabore avec les émissions L’Effet Papillon et Spécial investigation (Canal +) ainsi que Arte Reportage (Arte).
    Site : Baozi prod
     

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  • Bahreïn, un militant politique déféré à la justice pour avoir appelé à une réforme (Amnesty)

    Les poursuites judiciaires engagées contre Ebrahim Sharif, un militant politique placé en détention pour avoir dans un discours appelé à une réforme à Bahreïn, montrent que les autorités sont fermement déterminées à réprimer la dissidence et museler la liberté dexpression dans le pays, a déclaré Amnesty International à la veille de louverture de son procès le 24 août.

    Ebrahim Sharif, qui est l’ancien secrétaire général dune formation politique laïque dopposition, la Société nationale pour laction démocratique (Waad), a été arrêté en juillet 2015 après quil eut prononcé un discours lors dun rassemblement public organisé pour commémorer la mort de Hussam al Haddad, un garçon de 16 ans abattu par la police antiémeute en 2012.

    « Sexprimer librement nest pas un crime ; le fait quEbrahim Sharif soit déféré devant un tribunal pour avoir prononcé un discours appelant à une réforme est absurde. Il est clair que les autorités bahreïnites le sanctionnent uniquement parce quil a exercé pacifiquement son droit à la liberté dexpression », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient dAmnesty International.

    « Cela montre une fois de plus que le gouvernement bahreïnite tente décraser le plus petit signe de dissidence politique. Toutes les charges retenues contre lui doivent être abandonnées. »

    Dans son discours du 10 juillet, Ebrahim Sharif a parlé de la nécessité dun changement à Bahreïn, souligné lattachement de lopposition politique à la non-violence et exhorté le gouvernement à adopter des réformes économiques essentielles. Il a été inculpé d« incitation à la haine et au mépris à légard du régime » et d« incitation à renverser le régime par la force et par des moyens illégaux ».

    « Les allégations selon lesquelles les appels lancés par Ebrahim Sharif en faveur dune réforme politique et économique pacifique constituent un appel à la haine ou une incitation à renverser le régime sont absurdes. Tout procès fondé sur de telles accusations forgées de toutes pièces ne devrait pas pouvoir avoir lieu », a déclaré Said Boumedouha.

    Larrestation et le placement en détention dEbrahim Sharif sont intervenus moins dun mois après sa libération le 19 juin à la faveur dune grâce royale. Il purgeait une peine de cinq ans demprisonnement prononcée à lissue dun procès inique. Lui-même et 12 autres militants de premier plan de lopposition politique avaient été condamnés pour avoir mené des mouvements de protestation de grande ampleur contre le gouvernement en février et mars 2011.

    Ebrahim Sharif nest pas le premier militant politique à Bahreïn à être déféré à la justice sur la base daccusations fallacieuses. En juin 2015, Sheikh Ali Salman, le secrétaire général de la principale formation dopposition à Bahreïn, lAssociation islamique nationale Al Wefaq (Al Wefaq), a été condamné à une peine de quatre ans demprisonnement pour des charges similaires : il était accusé dincitation à la haine, davoir incité dautres personnes à désobéir à la loi et davoir insulté publiquement le ministère de lIntérieur. Son procès en appel débutera le 15 septembre.

    Le 18 août, les autorités ont arrêté un autre dirigeant dAl Wefaq ancien membre du Parlement, Sheikh Hasan Isa, à laéroport international de Bahreïn alors quil rentrait de voyage. Al Wefaq a déclaré dans un communiqué ne pas disposer dinformations sur les charges retenues contre lui et elle a ajouté que son avocat navait pas été autorisé à lassister lors de son interrogatoire à la Direction des enquêtes criminelles au ministère de lIntérieur.

    Amnesty International et dautres ONG ont appelé le Conseil des droits de lhomme de lONU à adopter une résolution sur la situation en matière de droits humains à Bahreïn. Il devrait demander la libération de tous les prisonniers dopinion, y compris les défenseurs et militants des droits humains condamnés alors quils nont fait quexercer leurs droits à la liberté de réunion pacifique, dassociation ou dexpression. 21 août 2015, 13:02

    https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2015/08/bahraini-political-activist-goes-on-trial-after-calling-for-reform-2/

  • Il faut mettre un terme à la répression (Algeria Watch)

    Contre les manifestants anti-chômage et anti-gaz de schiste

    Durant le premier semestre de cette année, les autorités algériennes ont accru la répression à l'égard des personnes mobilisées contre le chômage et contre l'exploration du gaz de schiste par fracturation hydraulique, a déclaré Amnesty International le 27 juillet 2015.

    Ces six derniers mois, 17 personnes, notamment des membres du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC, une organisation qui proteste depuis de nombreuses années contre la pénurie d'emplois dont souffrent les habitants du centre et du sud de l'Algérie, des régions riches en ressources gazières et pétrolières), ont été poursuivies en justice pour avoir participé à des manifestations. Seize ont été condamnées à des peines allant de quatre mois à deux ans d'emprisonnement. Trois hommes, deux membres du CNDDC et un caricaturiste, ont en outre été traduits en justice après avoir publié en ligne des commentaires sur des manifestations contre l'exploration par fracturation et sur d'autres questions, et dénoncé l'arrestation de militants. L'un d'eux a été condamné à quatre mois d'emprisonnement. Amnesty International craint que ces poursuites n'aient été déclenchées pour des raisons politiques, pour punir les intéressés de s'être mobilisés et d'avoir critiqué les autorités.

    Bafouant leurs obligations internationales en matière de droits humains, les autorités algériennes ont recours à une série de lois répressives utilisées de manière plus générale pour étouffer les voix dissidentes et la contestation pacifique.

    Derrière les barreaux pour avoir manifesté pacifiquement

    Le 30 décembre 2014, des habitants de la ville d'In Salah, près du bassin de l'Ahnet, à 1 200 kilomètres environ au sud d'Alger, ont manifesté pour dénoncer l'absence de consultation concernant un projet d'exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique, et le manque d'information sur les risques environnementaux en découlant. En janvier, les manifestations anti-gaz de schiste se sont étendues à d'autres villes algériennes, notamment Ouargla, Laghouat et El Oued.

    En janvier 2015, la police a arrêté neuf militants du CNDDC. Ces habitants de Laghouat, une ville située à 400 kilomètres au sud d'Alger, sont connus localement pour leur implication dans les manifestations contre le chômage et les difficultés économiques. Ils avaient pris part le 17 janvier à un rassemblement organisé à Laghouat en solidarité avec les manifestants anti-gaz de schiste de la ville d'In Salah.

    Cinq jours plus tard, des policiers ont arrêté à Laghouat Mohamed Rag, 31 ans, et son voisin. Les deux hommes ont déclaré ultérieurement au tribunal qu'ils avaient trouvé des policiers devant chez eux, qui les avaient emmenés au poste pour les interroger à propos d'un suspect recherché pour un vol de voiture. Les policiers ont affirmé par la suite que Mohamed Rag et son voisin bloquaient la route et leur avaient jeté des pierres, faisant obstacle à leur opération de recherche et d'arrestation du voleur présumé.

    Les deux hommes ont été placés en détention et inculpés de « violences envers un agent de la force publique dans l'exercice de ses fonctions », sur la base de l'article 148 du Code pénal. Tous deux ont rejeté cette accusation, également contredite par deux témoins cités par la défense, qui ont déclaré s'être trouvés avec Mohamed Rag et son voisin au moment des faits qui leur étaient reprochés. Malgré cela, le tribunal de Laghouat a retenu la version de la police concernant l'arrestation et condamné les deux hommes, le 11 février 2015, à 18 mois d'emprisonnement et une amende de 20 000 dinars algériens (175 euros environ). Ces sanctions ont été confirmées en appel. Des dommages et intérêts et des frais de justice leur ont en outre été imputés.

    Des amis et soutiens de Mohamed Rag qui étaient venus l'appuyer lors de son procès le 28 janvier 2015 ont eux aussi été arrêtés et emprisonnés. Ce jour-là, la police a interpellé devant le palais de justice huit membres du CNDDC : Belkacem Khencha, 42 ans, Belelmi Brahimi, 41 ans, Benallal Mazouzi, 38 ans, Boubakeur Azzouzi, 34 ans, Belkacem Korini, 32 ans, Faouzi Benkouider, 35 ans, Tahar Bensarkha, 33 ans, et Abdelkader Djaballah, 26 ans. Ces militants ont été placés en détention et inculpés d'avoir participé à un « attroupement non armé » et de ne pas avoir obtempéré aux ordres de dispersion (articles 97 et 98 du Code pénal). Des poursuites ont également été engagées pour outrage à magistrat et « pression sur les décisions des magistrats » (articles 144 et 147 du Code pénal) – en référence à des pancartes réclamant la libération de Mohamed Rag et la fin de l'humiliation (hogra), et à des slogans similaires qu'ils auraient entonnés.

    Certains prévenus ont déclaré au tribunal que leur objectif était de manifester pacifiquement devant le palais de justice, mais que la police les avait arrêtés avant même qu'ils aient pu le faire. Certains ont indiqué qu'ils étaient venus assister au procès, mais qu'on ne les avait pas laissés entrer. D'autres ont déclaré qu'ils s'étaient rendus au tribunal pour des raisons n'ayant pas lien avec le procès de Mohamed Rag. Des sources locales ont également indiqué à Amnesty International que les hommes avaient été interpellés avant le début prévu de la manifestation pacifique.

    Le 11 février 2015, le tribunal de Laghouat a déclaré les huit militants coupables de tous les chefs et les a condamnés à 12 mois d'emprisonnement, dont six avec sursis. Ils se sont vus en outre imputer les frais de justice et des dommages et intérêts. Toutes les condamnations ont été confirmées en appel.

    Une nouvelle fois, les amis et soutiens venus sur place n'ont pas été autorisés à assister à l'audience ni à exprimer pacifiquement leur solidarité. Selon les informations recueillies, des policiers ont été déployés le 11 mars, date prévue pour les procès en appel de Mohamed Rag, de son voisin et des huit militants, et ont interdit l'accès de la salle d'audience au public, en violation du droit à un procès public. La police a par ailleurs interpellé une cinquantaine de personnes rassemblées pour exprimer leur solidarité avec les prévenus. Elles ont été remises en liberté un peu plus tard.

    Plusieurs des militants du CNDDC poursuivis ces derniers mois avaient déjà été arrêtés dans le passé et traduits en justice pour participation à des manifestations. En 2013, après une manifestation pour le droit au travail tenue à Laghouat, Mohamed Rag avait été jugé pour participation à un attroupement illégal, provocation à un attroupement non armé et destruction de biens publics. Il avait été acquitté. Il avait également été poursuivi – et acquitté – dans le cadre d'une autre affaire liée à sa participation à une manifestation en juin 2014. Mohamed Rag, Belkacem Khencha, Belelmi Brahimi et Boubakeur Azzouzi ont en outre été jugés pour leur participation à une autre manifestation organisée à Laghouat, et acquittés en novembre 2014.

    Amnesty International a recueilli le témoignage de Mouhad Gasmi, membre éminent du CNDDC à Adrar (ville du sud du pays proche d’In Salah) et militant de la lutte anti-gaz de schiste. Il nous a relaté les faits suivants. Le 12 mai 2015, une trentaine de militants, dont Mouhad Gasmi, ont été convoqués pour interrogatoire le lendemain par la police d'Adrar. On reprochait à Mouhad Gasmi d'avoir incité des jeunes à participer à un rassemblement non armé plusieurs mois auparavant. Il a expliqué à Amnesty International qu'il avait participé à une manifestation pacifique organisée pour réclamer une augmentation des moyens alloués à l'hôpital de la ville, où un jeune homme avait trouvé la mort faute de médicaments, mais qu'il pensait que ses camarades et lui étaient pris pour cible pour des raisons plus larges tenant à leur engagement citoyen pacifique depuis 2011.

    Emprisonné pour un post sur Facebook

    Le 1er mars 2015, le militant anticorruption Rachid Aouine, lui aussi membre du CNDDC, a accompagné un autre militant, Ferhat Missa, qui se rendait au poste de police d'El Oued (ville située à 620 kilomètres au sud-est d'Alger) pour y déposer une plainte. Mais Rachid Aouine a été arrêté pour un commentaire publié sur Facebook concernant une annonce des autorités algériennes selon laquelle les policiers qui manifestaient feraient l'objet de sanctions disciplinaires. Son commentaire était le suivant : « Policiers, pourquoi ne pas sortir manifester aujourd'hui contre les décisions arbitraires visant vos collègues en dépit de la promesse du ministre de l'Intérieur de ne pas poursuivre les manifestants en justice ? Vous ne faites que surveiller les militants libres et les manifestants anti-gaz de schiste. » Rachid Aouine a déclaré à Amnesty International que les policiers, après l'avoir interrogé, avaient perquisitionné à son domicile et saisi son ordinateur et des unités de mémoire.

    Le 9 mars, il a été condamné par le tribunal de première instance d'El Oued à six mois d'emprisonnement et une amende de 20 000 dinars algériens (environ 175 euros) pour provocation à un attroupement non armé, sur la base de l'article 100 du Code pénal algérien. Le 15 avril, sa peine a été réduite en appel à quatre mois d'emprisonnement et une amende de 200 dinars algériens (175 euros environ). Il a purgé la totalité de sa peine et a été remis en liberté. Il a expliqué à Amnesty International que le ministère public avait uniquement invoqué le commentaire publié sur Facebook, qu'il jugeait ironique, et n'avait présenté aucun élément probant montrant que Rachid Aouine avait pris des initiatives concrètes pour inciter les policiers à manifester.

    Lui aussi arrêté et interrogé par la police, Fehrat Missa a été inculpé de provocation à un attroupement non armé, semble-t-il uniquement en raison de sa participation à une manifestation de protestation contre l'inaction des autorités locales lors d'une inondation dans la région en janvier 2015. Il a été remis en liberté sous caution dans l'attente de son procès, qui s'est soldé par son acquittement le 16 mars. La décision a été confirmée en appel.

    Des méthodes similaires à celles utilisées contre les manifestants du CNDDC à Laghouat ont été mises en œuvre pour punir les personnes qui protestaient contre les poursuites entamées contre Rachid Aouine à El Oued. Lors d'une audience le 3 mars, des proches et des amis de Rachid Aouine rassemblés devant le tribunal pour protester pacifiquement contre son arrestation ont été interpellés par la police. L'un d'eux a expliqué à Amnesty International que le rassemblement n'avait pas commencé depuis plus de quelques minutes lorsque la police est intervenue pour disperser les manifestants, distribuant coups et injures. Quelque 24 personnes ont été arrêtées. Les policiers, a précisé ce témoin, ont continué à injurier et frapper certains militants au moment de l'arrestation et lors du transfert au poste de police.

    Si de nombreuses personnes interpellées, parmi lesquelles la mère et l'épouse de Rachid Aouine, ont été remises en liberté sans inculpation au bout de quelques heures, 12 ont été retenues pour interrogatoire, selon les informations disponibles. Six, dont Youssef Soltane, un membre du CNDDC, ont été inculpées de chefs divers, dont la provocation à un attroupement non armé et l'outrage à un corps constitué. Le 30 avril, les six personnes ont été déclarées coupables. Youssef Soltane et un autre prévenu ont été condamnés à une peine de quatre mois d'emprisonnement et une amende de 50 000 dinars algériens (environ 435 euros), les quatre autres à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis. Toutes ont été laissées en liberté dans l'attente du jugement en appel.

    D'autres personnes ont été arrêtées après avoir publié sur Facebook des commentaires concernant les manifestations et la répression dont font l'objet les manifestants, mais n'ont pas été emprisonnées. Abdelhamid Brahimi, un autre membre du CNDDC habitant à El Oued, a été interpellé le 3 mars 2015 à la suite de commentaires sur Facebook dans lesquels il dénonçait l'arrestation des proches et des sympathisants de Rachid Aouine. Inculpé de provocation à un attroupement non armé, il a été jugé et acquitté le 9 mars. La décision a été confirmée en appel.

    Un caricaturiste poursuivi pour « offense au président de la République »

    Le 20 avril, le caricaturiste Tahar Djehiche, qui vit à El Meghaïer, dans la wilaya (préfecture) d'El Oued, a été convoqué au poste de police. Son avocat a déclaré à Amnesty International qu'il avait été interrogé à propos d'un dessin mis en ligne sur son compte Facebook. Il représentait un sablier à l'intérieur duquel le président Abdelaziz Bouteflika était peu à peu enseveli sous le sable s'écoulant – une référence aux manifestations anti-gaz de schiste tenues dans la région d'In Salah depuis décembre 2014. Il a également été interrogé, a précisé son avocat, sur un commentaire posté sur Facebook juste avant une manifestation anti-gaz de schiste organisée à In Salah le 24 février 2015, lequel disait : « Ne laissez pas tomber In Salah le 24 février ».

    Le caricaturiste a été remis en liberté et convoqué devant le procureur de la République du tribunal d'El Meghaïer cinq jours plus tard. Le procureur l'a interrogé sur le dessin et le commentaire, l'a inculpé d'« offense au président de la République » (article 144 bis du Code pénal) et de provocation à un attroupement non armé, et l'a remis en liberté dans l'attente du procès. Le 26 mai, le tribunal l'a acquitté de tous les chefs. Le ministère public a fait appel. La date de l'audience n'a pas encore été fixée.

    Un arsenal de lois répressives

    Les autorités algériennes utilisent un éventail de lois répressives pour étouffer l'opposition. Bien que le droit de réunion pacifique soit garanti dans la Constitution algérienne et les traités internationaux ratifiés par l'Algérie, le Code pénal contient plusieurs dispositions permettant de sanctionner pénalement les rassemblements pacifiques dans certaines circonstances. L'article 97 du Code pénal interdit les rassemblements non armés dans les lieux publics lorsque l'on estime qu'ils sont de nature à troubler l'ordre public. L'article 98 prévoit des peines allant jusqu'à trois ans d'emprisonnement lorsque les participants n'obéissent pas à un ordre de dispersion. Aux termes de l'article 100, la provocation à un attroupement non armé par des discours, des écrits ou des imprimés publics est passible d'un an d'emprisonnement. Ces dispositions ont été utilisées pour traduire en justice des membres du CNDDC de Laghouat et El Oued qui ne faisaient qu'exercer leur droit légitime à la liberté d'expression et de réunion pacifique.

    En outre, la loi 91-19 relative aux réunions et manifestations publiques interdit les réunions sur la voie publique. Celles-ci sont autorisées lorsqu'elles se tiennent hors de la voie publique et si l'on estime qu'elles ne constituent pas une menace de trouble à l'ordre public ou aux « bonnes mœurs ». Il faut toutefois effectuer une déclaration préalable auprès des autorités, qui doivent délivrer immédiatement un récépissé. Dans la pratique, le ministère de l'Intérieur s'abstient souvent de fournir ce récépissé lorsque le rassemblement prévu est susceptible d'être hostile aux autorités.

    De ce fait, l'obligation de déclaration équivaut dans la pratique à une obligation d'obtenir une autorisation préalable pour toute réunion de ce type. Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d’association a souligné que l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique ne devait être soumis à aucune autorisation préalable des autorités, mais, tout au plus, à une procédure de notification préalable qui ne doit pas être lourde. Lorsque des restrictions sont imposées, les autorités doivent fournir par écrit une explication détaillée en temps voulu, qui doit pouvoir faire l'objet d'un recours devant un tribunal impartial et indépendant.

    La législation algérienne contient des dispositions, essentiellement dans le Code pénal, per-mettant de punir l'exercice légitime du droit à la liberté d'expression. Ainsi l'article 144 bis punit-il l'offense au président de la République par voie d'écrit, de dessin ou de déclaration d'une amende pouvant s'élever à 500 000 dinars algériens (plus de 4 300 euros), une somme exorbitante en Algérie. Les autorités algériennes ont fait un petit pas dans la bonne direction avec l'adoption de la loi 11-14 du 2 août 2011, qui a modifié les articles 144 bis et 146 du Code pénal – les peines d'emprisonnement pour outrage, injure ou diffamation envers le président de la République ou d'autres corps ou responsables publics ont été supprimées. Parallèlement, le montant des peines d'amende prévues a été augmenté et peut désormais atteindre 500 000 dinars algériens (plus de 4 300 euros), une somme doublée en cas de récidive.

    L'année suivante, le législateur a adopté un nouveau Code de l'information, qui a supprimé les peines d'emprisonnement pour les infractions en matière de diffamation mais a instauré des amendes plus élevées que celles prévues dans la précédente version de la loi. Par exemple l'article 123 du nouveau Code de l'information dispose que l'outrage envers les diplomates et les chefs d'État étrangers est puni d'une amende pouvant aller jusqu'à 100 000 dinars algériens (environ 870 euros), contre 30 000 dinars algériens et une peine d'emprisonnement d'un ans auparavant (article 98 du précédent Code de l'information).

    Aux termes de l'article 144 du Code pénal, quiconque considéré comme ayant commis un outrage à un agent de la force publique dans l'exercice de ses fonctions, dans l'intention de porter atteinte au respect dû à son autorité, risque deux ans d'emprisonnement et une amende pouvant s'élever à 500 000 dinars algériens (plus de 4 300 euros). Quant à l'article 147, il prévoit que les actes, paroles ou écrits critiquant des affaires n'ayant pas encore été jugées ou pouvant porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance constituent également des infractions telles que définies à l'article 144.

    Le montant très élevé des amendes prévues dans la législation en vigueur, et les dispositions prévoyant des peines d'emprisonnement, même si elles ne sont pas appliquées dans la pratique, ont un effet dissuasif sur ceux qui veulent exercer leur droit à la liberté d'expression en Algérie. À la suite de sa visite en Algérie en avril 2011, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Frank La Rue, a exprimé en 2012 ses préoccupations concernant le montant excessif des amendes imposées pour les infractions en matière de diffamation, relevant que ce montant avait un effet dissuasif sur l'exercice du droit à la liberté d'expression en général parce qu'il générait une tendance à l'autocensure. Il a préconisé que la diffamation relève de l'action civile et non pénale, et que le montant des amendes soit considérablement réduit pour ne pas avoir un effet dissuasif sur la liberté d'expression. Il a recommandé également que les actions en diffamation ne soient jamais utilisées pour étouffer les critiques envers les institutions ou les politiques de l'État.

    Sur un plan général, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a exprimé l'importance de l'expression sans entraves dans le cadre du débat public concernant des personnalités publiques du domaine politique et des institutions publiques. Il a souligné que le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale. Il s'est spécifiquement dit inquiet des lois qui régissent des questions telles que l'outrage à une personne investie de l'autorité, la diffamation du chef de l'État et la protection de l’honneur des fonctionnaires et personnalités publiques. Il a souligné que les États ne doivent pas interdire la critique à l’égard d’institutions telles que l’armée ou l’administration, et que la loi ne doit pas prévoir des peines plus sévères uniquement en raison de l’identité de la personne qui peut avoir été visée.

    Écrit par Amnesty international Algerie, 30 juillet 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/mrv/mrvrepr/ai_mettre_terme_repression.htm

  • Tunisie. Serrage de vis et peine de mort (CCR)

    Beji Caïd Essebsi fait voter une nouvelle loi antiterroriste

    Quelques semaines après avoir annoncé l’instauration de l’état d’urgence à la suite des attentats de Sousse, en mai, et contre le musée du Bardo, en mars, le président Beji Caïd Essebsi vient de faire adopter par une écrasante majorité de députés une nouvelle loi antiterroriste.

    L’enfant chéri de la presse occidentale, symbole d’une « transition réussie » après le renversement de Zine El Abdidine, ne se contente pas simplement de rétablir la peine de mort, après un moratoire de vingt-cinq ans. Il aggrave la loi antiterroriste voulue par l’ancien dictateur, en 2003, abrogée depuis, et qui avait servi, à l’époque, pour museler toute contestation.

    A la veille de la Fête de la République, le gouvernement a fait ratifier une loi antiterroriste censée « rassurer les citoyens », selon le porte-parole du Parlement Mohamed Ennaceur. Pour la gauche tunisienne et les organisations de défense des Droits de l’Homme, qui appellent à la mobilisation, le caractère extrêmement flou du texte « pourrait ouvrir la voie à de graves violations des droits ».

    Le nouveau texte de loi remplace l’ancienne loi benaliste de 2003 en l’aggravant.

    Il rétablit la peine de mort, absente du texte précédent, pour des crimes de « terrorisme », catégorie fourre-tout englobant également les personnes qui auraient pu se rendre coupables de « dégradations de biens publics dans le cadre de manifestations ». Par ailleurs, les services de sécurité se verront dans la possibilité de multiplier les écoutes, mais également de détenir, sans assistance d’un avocat, tout suspect de terrorisme pendant un délai de quinze jours.

    Ennahda, le parti islamo-conservateur qui a perdu les dernières élections, a fait savoir par la voix de Sahbi Atig craindre pour « les droits de la religion, la liberté d’expression et les conquêtes de la révolution ». Mais si le gouvernement tunisien doit faire face à une intensification des attaques djihadistes, avec encore un attentat à Sousse contre les forces de sécurité, le 25 juillet, ou encore la rafle visant seize membres présumés de cellules islamistes à Sfax, Kasserine et Sousse, la loi est avant tout un instrument de contrôle préventif contre tour retour de flamme réellement révolutionnaire. Le pays continue à vivre au rythme des grèves et des mouvements sociaux, et c’est bien contre le mouvement ouvrier et de la jeunesse que la loi est tournée.

    D’un simple point de vue de son efficacité politique, l’International Crisis Group a publié un rapport, quelques heures seulement avant l’adoption du texte, faisant état d’un manque d’entraînement des forces de sécurité contre les groupes armés, à l’origine, selon l’ICG, de leur prolifération. Les causes profondes sont, bien entendu, plus complexes, mais c‘est la conclusion de l’ICG qui est intéressante : dans le cadre d’une « aggravation du climat régional », avec une Libye voisine qui s’enfonce dans la guerre civile, le think-tank indique que le texte pourrait accélérer le passage de la Tunisie « d’une crise à une autre (…), avec le risque de plonger à son tour dans le chaos, ouvrant la voie à un retour de la dictature ».

    C’est, dans un sens, ce qui est advenu en Egypte, depuis juillet 2013. Le Maréchal al Sissi est incapable de faire cesser les attaques djihadistes, qui se multiplient, mais a rétabli un régime qui n’a rien à envier à celui de Moubarak, pourchassant de façon impitoyable l’opposition ainsi que la gauche. Sans un retour puissant sur le devant de la scène du mouvement ouvrier et de la jeunesse du Tunisie, Essebsi pourrait, en effet, suivre le chemin frayé par al Sissi pour faire tomber un froid sibérien sur ce qu’il subsistait encore des « printemps arabes ».

    Publié le 29 juillet 2015 Ciro Tappeste

    http://www.revolutionpermanente.fr/Tunisie-Serrage-de-vis-et-peine-de-mort

    Commentaire: CCR est un courant du NPA

  • Le pouvoir n’a fait que trouver un bouc émissaire (Algeria-Watch)

    Solidarité au Canada

    *

    Les détenus des événements de Ghardaïa seront présentés une deuxième fois ce dimanche devant le juge d’instruction. Ils sont accusés de «terrorisme», d’«atteinte à la sûreté de l’Etat» et d’«incitation au meurtre». Me Noureddine Ahmine livre les détails du dossier.

    Combien de personnes sont interpellées jusqu’à aujourd’hui et quelles sont leurs conditions en détention ?

    Je n’ai aucune connaissance s’il y a eu des interpellations du côté malékite, même si je ne suis pas d’accord avec cette terminologie. Je dirai même que nous pensons qu’il n’y en a eu aucune. Côté Mozabites, 25 personnes ont été interpellées et seules 21 sont détenues, car les autres, qui sont vieux ou mineurs, ont été relâchés. Six personnes demeurent en état de fuite.

    Mais il y a autre chose. Apparemment, les autorités font beaucoup plus de publicité concernant l’arrestation des Mozabites par rapport à l’arrestation des Malékites qui, si elle existe, elle s’est faite dans la discrétion la plus totale. La communauté mozabite est celle qui subit d’une manière ou d’une autre toute cette violence.

    C’est un aspect très important à relever. Il ne faut pas oublier que nous ne cessons de recevoir des vidéos dans lesquelles on voit clairement les éléments de la gendarmerie et de la police se mettre du côté des émeutiers de la partie malékite, et ce, depuis le début du conflit. Pour les conditions de leur détention, nous n’en savons rien, dans la mesure où nous n’avons pas encore eu de contact direct avec les détenus.

    Maintenant, vu que l’affaire est en instruction, nous avons le droit de leur rendre visite en prison pour discuter avec eux sur les conditions de leur détention. Nous avons entendu dire qu’elles sont difficiles.

    Le parquet, par le biais du procureur de la République, a nié tout en affirmant le contraire. Nous prenons acte de ses déclarations jusqu’à preuve du contraire. J’ai été le 14 juillet à Ghardaïa pour me renseigner personnellement de leur situation. Des collègues rencontrés sur place m’ont affirmé que les parents étaient autorisés à voir leurs proches en prison.

    Sur quelle base ces activistes ont-ils été interpellés ?

    Sur la base du chef d’inculpation que nous connaissons aujourd’hui. Les accusations sont très lourdes et d’une extrême gravité. Kameleddine Fekhar et son groupe sont carrément accusés de terrorisme selon l’article 87 du code pénal, d’atteinte à la sûreté de l’Etat et d’incitation au meurtre.

    Nous nous sommes constitués en collectif qui commence à grandir, car d’autres collègues ont exprimé le désir de nous rejoindre. Cette affaire dépasse l’entendement. J’ai l’impression qu’on veut les présenter comme les maux de Ghardaïa pour cacher l’échec de l’Etat dans son traitement de cette affaire.

    L’Etat n’a jamais tenu ses promesses. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, alors chef de campagne du président-candidat durant la dernière élection présidentielle, avait promis aux habitants de Ghardaïa le retour de la sécurité, une fois que Bouteflika est réélu. Où sont ces promesses ? Nos responsables n’ont fait que trouver un bouc émissaire pour justifier leur impuissance.

    Vous n’avez pas peur d’être accusé aujourd’hui de parti pris dans cette affaire en ne défendant que les Mozabites ? Car le défenseur des droits de l’homme que vous êtes est aussi censé chercher à savoir s’il y a des détenus malékites ou non…

    Absolument. Personnellement, je ne suis pas contre. Mais jusqu’à présent et depuis les affrontements entre les deux communautés - à Berriane en 2008, à Guerrara ou à Ghardaïa, aucun Malékite n’a fait appel à nous pour le défendre. Sinon, nous l’aurions fait. Si nous défendons que les Mozabites aujourd’hui, c’est parce qu’ils sont les seuls à nous contacter. Je le précise pour que les choses soient bien claires.

    Selon vous, pourquoi ce deux poids, deux mesures que vous dénoncez ?

    L’objectif est clair. L’Etat veut faire croire aux Algériens qu’il a mis hors d’état de nuire le groupe qui serait, selon lui, derrière les événements de Ghardaïa. Il se trouve que ce groupe en question n’est composé que de Mozabites ! Ce sont des activistes.

    Que nous soyons d’accord ou non avec leurs idées, cela est une autre paire de manches. La question qui se pose actuellement est comment se comporter avec les citoyens algériens dans des situations pareilles. L’Etat doit être impartial, ce qui n’est pas le cas malheureusement.

    Qu’entendez-vous par l’échec de la politique de l’Etat ?

    Comment un Etat comme l’Algérie puisse être incapable d’assurer la sécurité de ses citoyens et de leurs biens. La sauvegarde des biens et des personnes relève de sa responsabilité, car il a tous les moyens aujourd’hui pour réussir cette mission.

    Donc, l’insécurité qui règne à Ghardaïa est aussi la résultante du laisser-aller de l’Etat qui n’assume toujours pas ses responsabilités.

    A croire qu’il ne veut pas régler ce problème d’une manière radicale. Nos responsables sont en train de le gérer.

    Déployer un dispositif sécuritaire à Ghardaïa ne réglera pas le problème. Les mesures prises par la justice ne doivent être que conservatoires en parallèle aux solutions objectives et adéquates, telles que l’ouverture d’enquêtes pour comprendre d’abord ce qui s’est passé. Ce sont des événements qui remontent à la fin 2013.

    Ce qui est anormal c’est de constater que les affrontements perdurent encore deux ans après. Ce n’est pas Fekhar qui est dernière le début des événements.

    Lui et son groupe ont peut-être quelque chose à se reprocher, mais ils ne sont pas responsables de ce massacre. J’ai lu dans El Watan, qu’un notable malékite de Ouargla, ayant réuni précédemment les deux communautés dans sa wilaya pour contribuer à ramener la paix à Berriane, avait proposé cette fois-ci une solution pour Guerrara, que le wali de Ghardaïa a refusée.

    C’est grave. Autre chose : la proposition faite par une délégation parlementaire du FFS avait connu la même réponse de la part de ce wali. C’est la raison pour laquelle je vous dis que les autorités ne veulent pas de solution mais ne font que gérer le problème.

    Comment qualifiez-vous l’affaire ?

    A travers ces poursuites, le pouvoir veut réaliser deux choses : la première est de dire à l’opinion publique que le problème est pris en charge après la détention de ces activistes.

    Deuxièmement, ce qui s’est passé à Guerrara est une occasion en or pour lui afin de régler les comptes à Kameleddine Fekhar et son groupe qui seront pour lui, très mal vu politiquement. Je pense que cet acte va dans le sens de la politique du pouvoir. Il veut créer un climat de peur pour masquer son échec. Il faut dire aussi qu’il est dans une impasse. Pour dépasser cette crise, il lui a fallu créer des diversions du genre.

    C’est aussi un message adressé au peuple afin de lui dire que vous demandez le changement alors que nous n’avons pas encore réglé le problème du terrorisme et des séparatistes. Enfin, ce ne sont que des lectures et des suppositions sur la base de ce que nous avons comme éléments d’analyse.

    Que risquent-ils ?

    Nous ne sommes qu’au début de l’affaire. Si vraiment, ils seront condamnés sur la base des chefs d’accusation soulevés, ils écoperont certainement de peines très lourdes. Nous ne sommes qu’au début de l’instruction et donc nous aurons assez de temps devant nous avant que le dossier ne soit remis à la chambre d’accusation pour parvenir au stade du jugement. Et pendant toute cette période là, nous aurons forcément notre mot à dire en tant qu’avocats.

    Noureddine Ahmine

    Né le 11 janvier 1952 à Issoumar, dans la commune de Guenzet, à Sétif, père de deux enfants, Noureddine Ahmine est avocat près la cour de Laghouat relevant du bâtonnat de Médéa. Il est connu pour être le défenseur de tous les opprimés, notamment au Sud algérien.

    Cet avocat sillonne tout le territoire algérien afin d’aider les gens sans défense. Membre fondateur de la LADDH en 1989, il est aussi membre fondateur et le président du Réseau des avocats pour la défense des droits de l’homme, créé en 2012. Noureddine Ahmine Membre du collectif des avocats pour la défense des Mozabites détenus à Ghardaïa

    Meziane Abane El Watan, 24 juillet 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/ghardaia/bouc_emissaire.htm

  • Tunisie: Vers une législation liberticide et répressive (Cetri)

     Au nom de la « guerre » contre le terrorisme

    Le projet de loi antiterroriste en cours d’examen à l’Assemblée des représentants du peuple pourrait ouvrir la voie à de nombreux abus, ont mis en garde neuf ONG internationales, dont Human Rights Watch et Amnesty International, mardi dans une lettre ouverte adressée aux députés.

    Une définition trop large des actes de terrorisme, de l’incitation ou de l’apologie du terrorisme permettant les abus, peu de garanties pour un procès équitable, un recours fréquent à la peine de mort, une violation du secret professionnel et une limitation du droit d’informer... Certaines dispositions liberticides inscrites dans le projet de loi représentent un danger et ne sont pas conformes aux standards internationaux, selon ces organisations.

    Manifester, un acte de terrorisme ?

    Le projet de loi définit notamment comme des infractions terroristes le fait de « porter préjudice aux biens privés et publics, aux ressources vitales, aux infrastructures, aux moyens de transport et de communication, aux systèmes informatiques ou aux services publics ».

    « De simples manifestations pacifistes accompagnées de certains troubles pourraient être qualifiées d’actes de terrorisme », préviennent les ONG.

    Après l’attaque sanglante du 26 juin et dans son discours annonçant l’état d"urgence, une semaine plus tard, le Président Béji Caïd Essebsi avait déjà mis en garde contre la multiplication des grèves et des mouvements de protestation qui participeraient, selon lui, à une situation d’instabilité favorable aux terroristes.

    En ce sens, le décret daté de 1978 et réglementant l’état d’urgence permet aux autorités d’interdire toute grève ou rassemblement, et donne des pouvoirs élargis au ministère de l’Intérieur. Ce décret est jugé contraire à la Constitution tunisienne, par ses détracteurs.

    Liberté d’expression en danger

    Par des formulations « vagues » et « imprécises », certaines dispositions du projet de loi sont préoccupantes « en matière de liberté d’expression et (ouvrent) la voie à de possibles dérives arbitraires », mettent en garde les neuf ONG, évoquant la notion « d’apologie du terrorisme ».

    « Tout individu, par de simples déclarations touchant de près ou de loin au sujet du terrorisme, pourrait se voir accuser d’une telle infraction », déplorent-elles.

    Ministres et président de la République ont tenté de rassurer, répétant aux médias qu’il n’était pas question de porter atteinte aux droits et libertés acquis depuis la révolution et inscrits dans la Constitution.

    Pour autant, le gouvernement a élaboré et transmis à l’Assemblée le très controversé projet de loi portant sur la répression des agressions contre les forces de l’ordre, qui avait été largement critiqué pour ces dispositions liberticides, y compris dans les rangs de la majorité.

    Opacité

    Dans le projet de loi antiterroriste, le gouvernement a prévu de prolonger la durée de garde à vue des prévenus suspectés d’infractions en lien avec le terrorisme, sans droit à un avocat, « ce qui risque d’accroître les violations des droits humains » et est contraire à la Constitution, s’inquiètent les organisations dans la lettre ouverte aux députés.

    De plus, le projet prévoit également la tenue d’audiences à huis clos, sans justification claire, et permet la violation du secret professionnel.

    D’un autre côté, le gouvernement a décidé de retirer le projet de loi relatif au droit d’accès à l’information, après que la commission de l’Assemblée en charge de son examen y a apporté de nombreuses modifications visant à consolider ce droit.

    « Le retrait du projet de loi après son examen par la commission est à considérer comme du gaspillage de l’effort et du temps qui lui ont été alloués », a déploré l’organisation Al Bawsala dans un communiqué publié lundi.

    Malgré les messages rassurants, ces décisions et propositions gouvernementales feraient ainsi douter des bonnes intentions annoncées par les autorités tunisiennes.

    La Tunisie a été frappée par deux attentats sanglants en mars et juin 2015 et fait face à une montée des violences liées à la mouvance jihadiste depuis la révolution.

    Une semaine après l’attaque contre un hôtel le 26 juin dernier, le Président de la République a décrété l’état d’urgence. Une partie de l’opinion publique et de la société civile s’inquiète des menaces sur les droits et libertés qu’une « guerre » contre le terrorisme pourrait engendrer, en l’absence d’un cadre juridique clair et garant des libertés individuelles.

    • Monia Ben Hamadi 13 juillet 2015

    http://www.cetri.be/Tunisie-Vers-une-legislation

  • Égypte. Projet de loi antiterroriste (Amnesty)

     

    Un nouvel outil pour museler les militants pacifiques et écraser la dissidence

     

    Une loi antiterroriste resserrant la poigne de fer des autorités égyptiennes sur le pouvoir porterait un coup terrible aux libertés fondamentales et aux principes relatifs aux droits humains et doit être abandonnée sans délai ou révisée en profondeur, a déclaré Amnesty International.

    Le projet de loi, actuellement débattu par le gouvernement, constitue une attaque flagrante contre les droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association. Il fragilise les garanties relatives à l'équité des procès et étend le recours à la peine capitale. Si elle est approuvée, la loi pourrait être promulguée par le président et ratifiée dans les jours qui viennent.

    « Ce projet de loi antiterroriste renforce considérablement les pouvoirs des autorités égyptiennes et menace des droits aussi fondamentaux que la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association. S'il est approuvé, il deviendra un nouvel outil au service des autorités pour réprimer toute forme de contestation, a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty International.

    « Le gouvernement égyptien doit abandonner ce projet de loi répressif ou le modifier en profondeur afin de le rendre conforme à la Constitution égyptienne, au droit international relatif aux droits humains et aux normes en la matière. »

    S'il est approuvé, il deviendra un nouvel outil au service des autorités pour réprimer toute forme de contestation
    Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d'Amnesty International

    Sous sa forme actuelle, le texte de loi accorde des pouvoirs très étendus au président égyptien, pouvoirs qui, en l'absence d'un Parlement, ne sont pas contrôlés. Le président jouirait alors d'une autorité quasi absolue. En outre, il permet aux autorités de prendre des mesures extrêmes qui ne seraient généralement mises en place que dans le cadre de l'état d'urgence, et ne prend pas en compte les conditions rigoureuses qui président à l'instauration de telles mesures dans le droit international et les normes internationales.

    « L'une des raisons pour lesquelles le peuple égyptien est descendu dans la rue en 2011, c'était pour en finir avec l'état d'urgence imposé pendant 30 ans par Hosni Moubarak. Conférer au président actuel des pouvoirs quasi absolus porterait un coup fatal aux droits humains en Égypte », a déclaré Said Boumedouha.

    Le projet de loi antiterroriste a été présenté par le Conseil d'État peu après le meurtre du procureur général d'Égypte, le 29 juin, et la vague d'attentats meurtriers dans le nord du Sinaï qui ont fait au moins 17 morts parmi les membres des forces de sécurité.

    « La loi antiterroriste est une réaction instinctive visant à consolider la poigne de fer des autorités afin de contrer les menaces à la sûreté de l'État. Si les autorités égyptiennes sont tenues de maintenir l'ordre, elles ne doivent pas le faire en piétinant les droits humains », a déclaré Said Boumedouha.

    La loi antiterroriste est une réaction instinctive visant à consolider la poigne de fer des autorités afin de contrer les menaces à la sûreté de l'État. Si les autorités égyptiennes sont tenues de maintenir l'ordre, elles ne doivent pas le faire en piétinant les droits humains
    Said Boumedouha

    Le texte impose également de fortes restrictions aux journalistes et aux personnes qui publient sur les attentats « terroristes » des informations ou des statistiques qui contredisent les communiqués officiels. Ils encourent au moins deux ans de prison. Les journalistes ne seraient pas autorisés à recueillir des informations de sources diverses, y compris de témoins oculaires et de familles de victimes, pour remettre en cause la version du gouvernement. Au moins 18 journalistes se trouvent actuellement en détention, entre autres pour « diffusion de fausses informations », infraction non reconnue par le droit international.

    « Ces nouvelles mesures reviendraient à bâillonner les journalistes indépendants qui souhaitent rendre compte des faits tels qu'ils les perçoivent. Il s'agit d'une tentative des autorités de faire pression et d'intimider les journalistes qui contestent la version officielle », a déclaré Said Boumedouha.

    Ces nouvelles mesures reviendraient à bâillonner les journalistes indépendants qui souhaitent rendre compte des faits tels qu'ils les perçoivent. Il s'agit d'une tentative des autorités de faire pression et d'intimider les journalistes qui contestent la version officielle
    Said Boumedouha

    Le projet de loi élargit la définition d'un « acte terroriste », en utilisant des paramètres vagues tels que « trouble à l'ordre public et à la paix sociale », « atteinte à l'unité nationale et à l'économie nationale » et « entrave à l'application des dispositions de la Constitution et des lois de la nation ».

    « Si la loi est adoptée sous sa forme actuelle, elle pourrait criminaliser l'exercice légitime des droits humains, notamment du droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique, ce qui fait planer une menace particulière sur les journalistes, les blogueurs et les défenseurs des droits humains », a déclaré Said Boumedouha.

    Des milliers de personnes, notamment des manifestants pacifiques, des défenseurs des droits humains et des journalistes croupissent déjà dans les geôles égyptiennes pour des accusations de « trouble à l'ordre public et à la paix sociale » et « entrave à l'application de la loi ».

    La loi prévoit également la création de tribunaux spéciaux pour juger des infractions liées au « terrorisme » et allonge la liste des crimes passibles de la peine de mort. Or, en vertu des normes internationales, les juridictions militaires ou autres juridictions spéciales ne doivent pas être habilitées à prononcer la peine de mort et son champ d'application ne doit pas être étendu.

    Le projet de loi prévoit que les tribunaux traitant d'affaires de terrorisme rendent des verdicts hâtifs et limite les recours devant la Cour de cassation. La procédure d'appel comportait jusqu'à présent deux recours, et le nouveau texte supprime une garantie majeure en matière d'équité des procès pour les personnes condamnées par ces tribunaux spéciaux. Des centaines de personnes risquent ainsi d'être exécutées à l'issue de procédures expéditives et entachées de graves irrégularités.

    « Des centaines d'Égyptiens ont déjà été condamnés à mort en Égypte à l'issue de procès ne respectant pas les normes d'équité. Avec la loi antiterroriste, beaucoup d'autres risqueraient d'être exécutés au terme de procédures tout aussi iniques. Les autorités ne doivent pas chercher à élargir le champ d'application de la peine de mort, mais prendre des mesures en vue de son abolition », a déclaré Said Boumedouha.

    Sept hommes ont été exécutés en Égypte en 2015 à l'issue de procès manifestement iniques, y compris devant des tribunaux militaires spéciaux. 15 juillet 2015, 14:30

    https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2015/07/egypt-draconian-counterterrorism-law/