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Droits humains - Page 18

  • La France devrait rejeter le nouvel accord avec le Maroc (Afriques en lutte)

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    Communiqué de presse commun: Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), Amnesty International France, Fédération internationale des Ligue des droits de l’Homme (FIDH), Human Rights Watch, Ligue des droits de l’Homme (LDH)

    France-Maroc : la réconciliation au prix de l’impunité ?

    La France devrait rejeter le nouvel accord avec le Maroc Le projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord de coopération judiciaire franco-marocain doit être examiné à l’Assemblée nationale le 2 juin.

    A la veille de la rencontre à haut-niveau franco-marocain l’ACAT, Amnesty International France, la FIDH, Human Rights Watch et la LDH appellent les parlementaires à rejeter ce projet de loi qui, au prétexte du rétablissement de la coopération entre les deux pays, favoriserait l’impunité pour les présumés responsables marocains de graves violations des droits humains. « Ce Protocole oblige le juge français à informer le Maroc de l’ouverture de toute procédure relative à des crimes commis au Maroc qui pourrait mettre en cause la responsabilité d’un Marocain.

    Cette mesure sonne le glas du secret de l’enquête et de l’instruction indispensable à l’efficacité et à la sérénité des enquêtes », estime Françoise Dumont, présidente de la LDH. « Cet accord enjoint le juge français à se dessaisir au profit du juge marocain. Cela constitue un déni de justice en particulier pour les victimes de torture qui ont saisi, en dernier recours, les juridictions françaises précisément car elles n’avaient pas obtenu justice et réparation au Maroc », déclare Stéphane Oberreit, directeur général d’Amnesty International France.

    « Cet accord va à l’encontre de l’engagement de la France à traduire en justice les personnes accusées des crimes les plus graves qui sont sur son sol sur la base de la compétence universelle. Ainsi l’accord risque de mettre la France en violation de ces obligations internationales en vertu des traités internationaux qu’elle a ratifiés », ajoute Leslie Haskell, conseillère juridique au programme de Justice internationale de Human Rights Watch.

    Selon Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb / Moyen-Orient à l’ACAT, « ce texte contrevient à la Constitution française à bien des égards. Il est indispensable qu’au moins soixante députés saisissent le Conseil constitutionnel pour que ce dernier s’assure que nos principes fondamentaux seront sauvegardés ».

    « L’adoption de ce protocole créerait un dangereux précédent.

    D’autres pays ne manqueront pas de réclamer le même traitement de faveur. En effet, ce protocole aura pour conséquence de priver les personnes victimes de crimes et délits perpétrés au Maroc, y compris les victimes françaises, du droit de saisir la justice française, puisque celle-ci sera fortement incitée à renvoyer les affaires à la justice marocaine », regrette Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH.

    4 juin 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/la-france-devrait-rejeter-le

  • Maroc: un nouveau Code pénal rétrograde et répressif (Lutte Ouvrière)

    Un projet de réforme du Code pénal marocain est actuellement en cours de discussion.

    Le ministre de la Justice Mustapha Ramid, qui appartient au parti islamiste Justice et Développement (PJD) dirigeant actuellement le gouvernement, le présente comme permettant une « évolution significative en termes de liberté et de respect des droits humains ».

    Mais dans le domaine des mœurs, c’est tout le contraire. Des peines aussi lourdes, voire plus sévères encore, sont prévues contre les « dé-jeuneurs », qui mangent en public pendant le ramadan, ou contre ceux qui ont des relations sexuelles hors mariage.

    Dans ce pays où l’islam est religion d’État, les Marocains sont considérés a priori comme des musulmans.

    Le non-respect des interdictions religieuses est puni par la loi. Si le projet de réforme concocté par le ministre de la Justice est adopté, les « dé-jeuneurs » pourront toujours être condamnés à six mois de prison. La seule « avancée », si l’on peut dire, sera la substitution à cette peine de prison d’une amende de 10 000 dirhams (environ 1 000 euros, dans un pays où le salaire d’un ouvrier varie entre 150 et 200 euros par mois).

    Le projet de réforme introduit aussi la notion de « mépris des religions », puni de six mois à deux ans de prison. L’adultère et les relations hors mariage restent interdits. Le projet du ministre de la Justice se contente de réduire la peine de prison encourue à trois mois, contre un an auparavant. En revanche, il augmente l’amende prévue, qui pourra atteindre près de 2 000 euros.

    Ces lois rétrogrades sont évidemment une atteinte grave aux libertés de la personne.

    Elles sont aussi utilisées par le gouvernement marocain pour réprimer les opposants au régime en les accusant de pseudo-affaires de mœurs. En mars 2015, Hicham Mansouri, un militant pour la liberté d’expression et pour la promotion du journalisme d’investigation, a été condamné à dix mois de prison ferme et à 4 000 euros d’amende pour une telle affaire de mœurs. Ayant une relation avec une femme mariée, il a été accusé de « flagrant délit de préparation d’un local pour la prostitution et participation à un adultère avec une femme mariée », la police ayant enfoncé la porte de son appartement pour y surprendre le couple. La femme qui était chez lui a écopé de la même peine. Un exemple significatif de la manière dont le pouvoir marocain conçoit le « respect des droits humains » !

    Valérie FONTAINE 3 Juin 2015
     
  • Solidarité avec les prisonniers politiques égyptiens 20 et 21 juin (Essf)

    Protest against regime crackdown in 2012

    20 et 21 juin 2015
    Appel international à la solidarité avec les prisonniers politiques égyptiens.

    * Arrêt de la répression des manifestations
    * Libération des prisonniers politiques
    * Procès équitables pour tous
    * Arrêts des mauvais traitements et de la torture


    Interdiction des condamnations à mort.

    Le 21 juin 2014, un petit groupe de manifestants s’est approché du palais présidentiel égyptien. Cette manifestation était la première qui défiait les lois réprimant les manifestations depuis l’investissement de Sissi suite à sa victoire aux élections présidentielles.


    Des hommes de main armés et des policiers ont attaqué leur manifestation pacifique, et 23 personnes ont été arrêtées puis ont écopé d’années de prison, simplement pour avoir exercé leur droit à se rassembler et à s’exprimer librement. Sissi, dont l’élection avait été saluée par les dirigeants occidentaux comme un pas en avant dans la « transition » de l’Egypte avait écrasé leur mouvement de protestation.

    Un an plus tard, nous appelons à la solidarité internationale avec tous les prisonniers politiques égyptiens, dans l’espoir que mettre le projecteur sur ce cas aidera à construire un mouvement faisant campagne pour la justice envers les dizaines de milliers de personnes emprisonnées par le régime militaire.

    En janvier 2011, les manifestants d’Egypte ont inspiré le monde entier par leur courage et leur détermination dans le combat pour la démocratie et une vie meilleure.

    Aujourd’hui, nombre de ces courageux manifestants ont été tués ou jetés en prison.
    Dans le même temps, Moubarak et ses supporters, dont le généraux de la police responsables d’avoir tué des manifestants et impliqués dans la corruption, ont été laissés en liberté.

    En juillet 2013, l’armée a renversé le Frère musulman Mohamed Morsi, qui avait été élu président l’année précédente. Depuis, plus de 3 000 citoyens égyptiens ont été tués, et personne n’a été tenu pour responsable. Plus de 40 000 ont été arrêtés pendant la seule première année du régime militaire. Ceux-ci n’ont pas fait d’un procès équitable et beaucoup n’ont même pas eu accès à la moindre procédure.

    Des sentences de mort ont été prononcées par les tribunaux militaires et civils égyptiens contre certains des dirigeants et des centaines de partisans supposés des Frères musulmans, dont le président déchu Mohamed Morsi. Les organisation de défense des droits humains ont condamné ces procès comme totalement inéquitables.

    Des militants révolutionnaires qui s’étaient opposés au régime de Morsi, et avaient manifesté contre les Frères musulmans, ont également fait l’objet d’arrestations, de mauvais traitements et ont été mis en prison. Des militants, comme par exemple Ahmed Douma, qui ont joué un rôle dirigeant dans la révolution de 2011 ont été condamné à mort.

    Beaucoup de jeunes ont été jetés en prison en application de la draconienne loi anti-manifestations.

    Tout ce qui se rattache à la révolution de janvier 2011 est pris en cible.
    Dans le même temps, les actions terroristes se multiplient et le régime en place a utilisé le discours de la guerre contre le terrorisme pour justifier une offensive contre tout ce qui est lié aux libertés civiles et aux droits humains.

    L’Egypte n’a pas de Parlement. Le président cumule le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Les élections législatives ont été à nouveau reportées. Le président a utilisé le pouvoir dont il dispose pour promulguer un nombre énorme de loi permettant d’étendre la capacité répressive de l’Etat.

    En 2014, environ 90 citoyens égyptiens ont été torturés à mort dans les locaux de la police, sans que quiconque n’ait été tenu pour responsable ou ait même fait l’objet d’enquêtes judiciaires adéquates.
    D’après le réseau arabe des droits de l’Homme, 61 journalistes ont été emprisonnés pour leurs écrits ou leurs activités dans les deux dernières années.
    Utiliser des munitions pouvant entraîner la mort est devenu courant.

    Le régime de Sissi est financé par l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et d’autre pays du Golfe.
    Les pays occidentaux qui sont récemment intervenus du bout des lèvres en faveur des droits humains et la démocratie envoient maintenant des milliards de dollars en aide économique et militaire. Ils vendent également des armes et des technologies de surveillance au régime répressif égyptien.

    Face à cette situation, nous appelons à une campagne internationale de solidarité les 20 et 21 juin 2015.

    Voici quelques exemples de ce qu’il est possible de faire les 20 et 21 juin :

    * Participer sur les réseaux sociaux à la campagne de solidarité avec les prisonniers politiques égyptiens, en utilisant le hashtag #EgyPrisoners pour écrire des tweets, ainsi qu’en écrivant et partageant des posts.

    * Contacter des journalistes et les inciter à écrire des brèves sur les prisonniers politiques égyptiens.

    * Ecrire et proposer la publication d’une tribune à votre media local.

    * Envoyer une lettre collective ou un message de protestation à l’ambassade égyptienne de votre pays, et faisant mention dans cette déclaration des revendications de votre syndicat, organisation étudiante ou parti politique.

    * Vous coordonner avec d’autres pour manifester les 20 et 21 juin dans le monde entier devant les ambassades, consulats et office de tourisme égyptiens.

    * Ecrire à vos parlementaires pour leur demander d’arrêter de vendre des armes au régime égyptien et de lui apporter un soutien financier.

    Egypt Solidarity a rédigé cette déclaration en collaboration avec des militant-e-s égyptien-ne-s profondément impliqué-e-s dans des campagnes de solidarité avec les prisonnier-e-s politiques. Ces militant-e-s, résidant soit en Egypte, soit à l’extérieur du pays, incluent des parents et des amis des détenu-e-s.

    Afin de ne pas exposer des personnes ou leur famille aux risques de représailles ou de persécutions par le régime, nous publions cet appel en leur nom.
    http://egyptsolidarityinitiative.org/prisonersolidarity/

    Des informations, notamment sur les actions de solidarité, seront disponibles sur le site Web d’Egypt Solidarity, ainsi que sur la page Facebook. https://www.facebook.com/egypt.solidarity.initiative

    * Egypt Solidarity est un collectif international lancé en février 2014 par des intellectuels, des syndicalistes et des responsables politiques.


    http://egyptsolidarityinitiative.org/2014/02/10/founding-statement/
    Traduit de l’anglais par Alain Baron.

    20 mai 2015

    Plus d'informations sur ce site : Egypt Solidarity
     
  • L'Arabie saoudite doit agir afin de protéger la minorité chiite au lendemain d’attentats contre des mosquées (Amnesty)

    Les autorités saoudiennes doivent immédiatement prendre des mesures pour protéger la minorité chiite du pays contre les violences motivées par l’intolérance religieuse et mettre fin à des décennies de discriminations systématiques, a déclaré Amnesty International vendredi 29 mai après le deuxième attentat meurtrier contre une mosquée chiite en une semaine.

    L’attaque de vendredi 29 mai à Dammam, dans la province de l’Est, a fait au moins trois morts et un nombre inconnu de blessés pendant la prière du vendredi. Elle est survenue exactement une semaine après que 22 personnes ont été tuées lors d’un attentat contre une autre mosquée chiite à Qudaih, non loin, le 22 mai.

    Si les autorités saoudiennes ne font pas preuve de transparence quant aux enquêtes qu’elles mènent sur ces atrocités, cela alimentera la perception selon laquelle elles restent indifférentes face à l’intensification des tensions et violences contre les chiites.

    Said Boumedouha, Amnesty International

    Selon la télévision d’État, le groupe armé connu sous le nom d’État islamique a revendiqué les deux attentats.

    « Des membres de la communauté chiite d’Arabie saoudite ont été victimes d’attaques cruelles durant la prière du vendredi pour la deuxième semaine d’affilée. Attaquer des fidèles dans une mosquée est absolument injustifiable », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

    « Si les autorités saoudiennes ne font pas preuve de transparence quant aux enquêtes qu’elles mènent sur ces atrocités, et ne prennent pas de mesures sérieuses et efficaces pour mettre fin aux discriminations et appels à la haine contre les chiites, cela alimentera la perception selon laquelle elles restent indifférentes face à l’intensification des tensions et violences contre les chiites.

    « Les autorités ont dénoncé les appels à la haine contre les musulmans chiites, mais elles doivent traduire ces paroles en actes et en faire davantage pour protéger les membres de cette communauté contre de nouvelles attaques violentes. »

    D’après des témoins, l’explosion de vendredi 29 mai a eu lieu dans le parking de la mosquée d’al Imam Hussein, dans le quartier d’al Anoud, à Dammam, environ un quart d’heure après le début de la prière du vendredi.

    Un témoin a déclaré à Amnesty International : « C’est arrivé presque sous mes yeux. Une personne vêtue comme une femme marchait vers l’entrée réservée aux hommes parce que l’entrée des femmes était fermée. Quand il a vu que les organisateurs fouillaient les personnes qui entraient dans la mosquée, il a hésité et s’est éloigné. C’est là qu’un des [organisateurs] l’a vu, et quand il a essayé de l’arrêter, [l’agresseur] a fait détonner les explosifs. »

    Ce témoignage contredit la déclaration officielle du ministère saoudien de l’Intérieur à ce propos, selon laquelle ce sont les forces de sécurité qui ont tenté de déjouer l’attaque.

    Des photos et séquences vidéos macabres circulent sur Internet, et montrent semble-t-il des parties du corps des victimes dispersées dans la mosquée. L’hôpital central de Dammam a indiqué avoir reçu les restes de plusieurs victimes recueillis sur le site de l’attaque. L’intolérance religieuse - en particulier les appels à la haine envers les chiites - est en hausse en Arabie saoudite depuis le début de l’intervention lancée par les autorités saoudiennes et leurs alliés contre les forces houthies au Yémen voisin, qui observent les préceptes de l’islam chiite zaïdite. 29 mai 2015, 17:02

    https://www.amnesty.org/fr/articles/news/2015/05/saudi-arabia-must-protect-shia-minority-in-wake-of-horrific-mosque-attacks/

  • Qatar:«J’avais 12 ans lorsqu’ils ont arrêté mon père, nous ne l’avons jamais revu.» (Amnesty)

    Le ressortissant philippin Ronaldo Lopez Ulep a été arrêté devant trois de ses enfants à son domicile, à Doha, la capitale qatarienne, le 7 avril 2010.

    Après avoir été torturé à maintes reprises en détention et avoir passé quatre ans à l’isolement, il a été condamné à une peine de détention à perpétuité en 2014 pour avoir vendu des informations sur son employeur, l’Armée de l'Air de l'Émir du Qatar (QEAF). Il a été déclaré coupable sur la base d’« aveux » qu’il avait été contraint de signer, alors qu’ils étaient rédigés en arabe, langue qu’il ne peut pas lire. Deux autres Philippins ont été condamnés dans le cadre de la même affaire, et l’un d’entre eux risque d’être exécuté.

    Alors que la Cour d’appel doit rendre son jugement concernant Ronaldo ce week-end, sa fille aînée, aujourd’hui âgée de 17 ans, a raconté à Amnesty International la nuit traumatisante où son père a été enlevé et le long combat de leur famille pour la justice.

    « Tout a commencé par des appels d’un numéro inconnu – mon père m’a dit qu’il recevait cinq ou six appels par jour, mais qu’il ne répondait jamais.

    Ensuite, un soir, notre colocataire a remarqué un homme qui prenait des photos de nous, depuis l’extérieur de la maison. Mon frère a vérifié et a vu deux hommes dans des voitures qui surveillaient la maison. Mon père nous a demandé d’emballer quelques affaires et de sortir – nous avons passé la nuit dans nos voitures, tentant de dormir un peu ou conduisant au hasard.

    Lorsque nous sommes rentrés, les hommes qui nous harcelaient étaient partis, mais les appels téléphoniques ont continué. Même alors, nous étions très loin d’imaginer ce qui allait se produire.

    Le lendemain soir, nous étions tous réunis dans le salon pour regarder un film, tout en grignotant, lorsque la sonnette a retenti – sans relâche. Nous avons prié, et notre colocataire est sorti ouvrir le portail. Ensuite, tout est allé très vite.

    Une femme portant l’habit traditionnel qatarien est entrée et a dit « CID » (Division des enquêtes criminelles). Elle était accompagnée de deux policiers et de trois autres hommes portant l’habit traditionnel qatarien.

    Ils ont demandé où était mon père, tandis que la femme a emmené les femmes et les filles dans une autre pièce de la maison. Avant de sortir, j’ai jeté un rapide coup d’œil en arrière et la dernière chose que j’ai vue, c’est un homme qui serrait la main de mon père et lui demandait comment il allait, avant de le menotter soudainement. Depuis notre chambre, nous avons entendu des portes claquer et des choses lourdes tomber par terre.

    Lorsque la femme nous a finalement laissés sortir, mes mains étaient si froides que je ne sentais plus rien. La maison était sens dessus-dessous. J’ai cherché mon père, il n’était plus là. Ils l’ont emmené sans raison, sans explication, sans mandat.

    Nous sommes montés à l’étage pour nous apercevoir que son ordinateur portable et ses téléphones avaient disparu ; les photos de famille étaient éparpillées sur le sol. Ils ont également pris les économies cachées dans notre coffre-fort – de l’argent que ma famille avait économisé depuis que nous étions petits. Ils ont affirmé qu’ils ramèneraient notre père dans deux jours, après l’avoir interrogé. Ils ont menti. Nous ne l’avons jamais revu.

    J’ai commencé à pleurer et pleurer. Papa était parti et nous n’avions personne pour s’occuper de nous. Ma maman se trouvait en vacances aux Philippines avec notre jeune frère de deux ans. Nous lui avons téléphoné pour lui apprendre ce qui était arrivé à papa. Elle a dit que nous devions prendre l’avion pour les Philippines dès que possible.

    Je n’accepte pas la condamnation de mon père à la détention à perpétuité. C’est un homme innocent, qui ne mérite pas cette sentence. Il faut condamner les vrais responsables de cette mauvaise action. Nous n’abandonnerons jamais notre combat pour la vérité.

    Mon papa est un homme bon et un père dévoué. Il nous conduit où nous voulons, nous dépose à l’école et revient nous chercher. Il part travailler tôt le matin et rentre tôt à la maison. Il est grand, beau, il a la peau sombre. C’est notre papa. C’est le souvenir que nous avons de notre père, aujourd’hui encore. Maman nous montre des photos de lui tous les jours et nous raconte ce qu’a été sa vie.

    Le Qatar et tous ces souvenirs me manquent. C’est là que je suis née et que j’ai grandi, et c’était un beau pays. Je ne comprends pas ce qui s’est passé. Nous n’avons pas revu mon père depuis cinq ans et il nous manque de plus en plus. Ma maman tente d’être forte, pour que nous continuions d’avancer, mais elle ne peut pas être à la fois notre mère et notre père. Personne ne le peut.

    Mon jeune frère a sept ans aujourd’hui. Il demande souvent quand il pourra voir papa – pas en photo, mais en vrai. Nous lui expliquons qu’il travaille toujours au Qatar. Tout ce que nous pouvons lui donner, c’est de l’espoir, en lui disant que demain, papa sera ici. Mon frère attend dehors et regarde les avions passer. Il crie « Papa ! » et ça me fend le cœur. Lorsqu’il aperçoit un avion, il me voit pleurer. Je lui dis simplement que j’ai de la poussière dans les yeux.

    Mon seul espoir est que le 31 mai 2015, les autorités qatariennes libèrent mon père. Je leur demande de le remettre enfin en liberté, et de nous rendre ce qu’ils nous ont pris depuis cinq ans. Ceux qui sont responsables de l’avoir emmené, torturé et emprisonné peuvent corriger leur erreur aujourd’hui, avant qu’il ne soit trop tard. » 29 mai 2015, 16:30

    Cet article a tout d’abord été publié par le Huffington Post ici.

    LIRE : Qatar. Condamné à la réclusion à perpétuité après avoir « avoué » sous la torture (Action Urgente, 23 avril 2015)

    https://www.amnesty.org/fr/articles/news/2015/05/i-was-12-years-old-when-they-took-my-dad-away-we-never-saw-him-again/

  • Mauritanie Magta-Lahjar : la police « kidnappe » un membre du parti l’UFP (Afriques en lutte)

    http://rimweb.net/wp-content/uploads/2015/05/police-nationale-de-la-mauritanie-300x200.jpg

    La police de Magta-Lahjar « a kidnappé vendredi » le membre du Conseil national du parti d’opposition UFP et premier vice-président de la commune de Sangrava, Ahmed Salem Ould Abeïd, selon un communiqué de l’UFP reçu à Alakhbar.

    Selon la parti, Ould Abeïd a été « humilié et torturé par la police » alors qu’il tentait de remettre un lettre à président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz au nom des populations d’Adwabat Gawaat.

    L’UFP a dénoncé par cette occasion « les méthodes barbares utilisées contre des citoyens qui militent pour les causes des populations d’Adwabat Gawaat » lesquels vivent « un isolement total, car privées d’eau, de routes, d’écoles, de centres de santé et même du réseau téléphonique ». 2 juin 2015 

    Source : http://fr.alakhbar.info

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/mauritanie-55/article/mauritanie-magta-lahjar-la-police

     

  • Gaz de schiste Algérie (Basta)

    « Quelles que soient les provocations du pouvoir, notre mobilisation restera pacifique »

    Peu médiatisée, la mobilisation citoyenne se poursuit en Algérie contre l’exploitation des gaz de schiste. Entre arrestation de caricaturiste engagé et convocation policière d’opposants à la fracturation hydraulique, les autorités tentent de freiner le mouvement. Basta ! a rencontré l’un des piliers de cette lutte, Mouhad Gasmi. « Il va y avoir tôt ou tard une convergence des luttes, prédit-il, et je suis convaincu que cela peut faire vaciller le régime si le gouvernement continue à camper sur ses positions. » Rencontre.

    « Une fois rentré en Algérie, je crains qu’on m’arrête ». Les craintes de Mouhad Gasmi, opposant farouche à l’exploitation de gaz de schiste, étaient fondées. Le 13 mai, il a été convoqué avec trente autres militants, par la police d’Adrar, la ville algérienne où il vit, suite à une plainte déposée cinq mois plus tôt par le directeur d’un hôpital pour « insulte et saccages de biens » [1]. Des accusations réfutées par Mouhad. « Nous avons organisé un sit-in devant l’hôpital pour revendiquer de meilleures conditions d’accueil et nous avons exprimé notre soutien aux médecins qui travaillent dans des conditions pénibles », indique t-il au site d’informations Impact 24. Nous n’avons insulté personne et nous n’avons jamais cassé le moindre objet. » Le militant a pour l’instant été relâché, mais sera traduit en justice.

    Cette pression policière est-elle en lien avec les activités militantes connexes de Mouhad ? Cet activiste infatigable pour le droit au travail et les chômeurs algériens est pleinement engagé depuis fin décembre dans une mobilisation citoyenne inédite contre l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. C’est à Tunis, à l’occasion du Forum social mondial fin mars, que Basta ! a pu le rencontrer. Sa famille habite à In Salah, une ville de 50 000 habitants au cœur du Sahara, proche des sites de forage qui menacent de précieuses ressources en eau [2]. Dès 2013, son implication dans la ligue de défense de droits des chômeurs l’amène à participer à des conférences sur les risques liés à l’exploitation des gaz de schiste. D’emblée, les préoccupations liées à la préservation de l’eau et l’impact sur la santé des populations l’interpellent. Adepte des réseaux sociaux et réalisateur amateur de petites vidéos, il commence à diffuser des informations à ce sujet sur le web. 

    Un mouvement social venu du désert

    Mouhad refuse d’être qualifié de leader de la contestation. « Le mouvement est de la base, comme moi, insiste t-il. Je ne fais que contribuer à l’organisation d’une contestation. » Durant des mois, il parcourt les villes et oasis du Sud de l’Algérie pour informer et aider à la constitution de groupes de citoyens. Une tâche compliquée quand il s’agit de populations très éloignées des unes des autres, ne disposant pas forcément d’un accès aux technologies modernes d’informations et de communication. L’annonce officielle en décembre 2014 par le gouvernement algérien du forage d’un premier puits près d’In Salah va donner un coup d’accélérateur à la mobilisation.

    Pour passer à la vitesse supérieure, rien de mieux qu’un campus universitaire, où étudiants et enseignants commencent à rallier la lutte. Des cadres de la compagnie pétrolière publique Sonatrach apportent même leur expertise. Les premières assemblées générales s’organisent. Les femmes vont alors jouer un rôle déterminant dans la prise de conscience : elles font du porte-à-porte pour exposer les dangers des gaz de schiste. Le 29 décembre, un premier rassemblement attire plusieurs milliers de personnes dans une ville qui compte 50 000 habitants.

    Combat contre l’impunité des multinationales

    Le manque de transparence entourant les opérations pétrolières et gazières renforce la ténacité des opposants. « Il y a une grande opacité dans les produits chimiques utilisés, c’est le secret gardé des multinationales, affirme Mouhad. Ce dont on est sûr c’est que les produits toxiques utilisés pour la fracturation hydraulique sont toxiques et déversés ensuite dans la nature. » Si la pollution remonte à l’exploitation du gaz et du pétrole conventionnel débutée il y a plus d’un demi siècle, l’absence de réglementation en la matière a soulevé la colère. Dans la région saharienne, les dégâts environnementaux sont déjà perceptibles (lire notre enquête, notamment l’absence de traitement des eaux et boues de forage). « Les multinationales polluent depuis des décennies en toute impunité », fustige l’activiste.

    Des mobilisations émergent dans d’autres régions du Sahara. « Nous demandons l’arrêt immédiat du fracking, la réparation immédiate des dégâts dans les eaux usées, et un rapport qui justifie l’exploitation du gaz de schiste. » La demande officielle de moratoire sur le gaz de schiste, envoyée le 21 février par le collectif d’In Salah et cosignée par des experts algériens, n’a reçu pour l’heure aucune réponse du président Abdelaziz Bouteflika et du Premier ministre. Le président algérien a en revanche réaffirmé fin février sa volonté de faire « fructifier » et de « tirer profit » de tous les hydrocarbures, dont les gaz de schiste qualifiés de « dons de Dieu »...

    Le régime algérien sous pression citoyenne

    « Les citoyens d’In Salah prennent de plus en plus conscience que ce problème de gaz de schiste est intimement lié à la nature du pouvoir algérien. Soit cette question sera enterrée et l’on ne gagnera pas, soit elle peut faire vaciller le régime », analyse Mouhad. Son rôle dans le mouvement d’opposition aux gaz de schiste en Algérie est incontestable. Et connu des autorités algériennes qui n’hésitent pas à l’occasion d’un débat à Tunis où Mouhad intervient, à le qualifier publiquement d’ « agent du Mossad », le service secret israélien honni... Tous les moyens sont bons semble t-il, pour tenter de disqualifier le mouvement.

    Mouhad est très attaché à l’autonomie du mouvement et à son caractère non partisan. « Il va y avoir tôt ou tard une convergence des luttes, prédit-il, et je suis convaincu que, si le gouvernement continue à camper sur ses positions, cela le mettra en grandes difficultés. » A ses yeux, la médiatisation de la lutte peut contribuer à faire pression sur le pouvoir. Pour lui comme pour ses camarades, elle peut aussi permettre « d’éviter une répression violente et sanglante dans la région. »

    Le 20 avril, relève Mediapart, le caricaturiste Tahar Djehiche a été convoqué par la police, accusé d’avoir partagé des dessins sur Facebook autour de la problématique de l’exploitation du gaz de schiste [3]. La récente convocation de Mouhad par la police à Adrar devrait, elle, déboucher sur un procès. Le militant l’assure : « Quelles que soient les provocations du pouvoir, notre mobilisation restera pacifique ».

    Pour aller plus loin : le rapport de Basta ! et l’Observatoire des multinationales sur Total et les gaz de schiste en Algérie (à télécharger ici)

    par Sophie Chapelle 20 mai 2015

    Notes

    [1Lire l’article d’Impact 24

    [3L’un de ses dessins a été jugé insultant pour le président Bouteflika par les policiers car il le campait à l’intérieur d’un sablier croulant sous le sable d’In Salah. Lire à ce sujet sur Mediapart Algérie : l’opposition au gaz de schiste souligne les impasses du régime (lien payant).

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  • Maroc, la torture (Amnesty)

    Endémique, est utilisée pour arracher des «aveux» et étouffer les voix dissidentes

    Les coups, le maintien dans des positions douloureuses, l’asphyxie, les simulacres de noyade, ainsi que les violences psychologiques ou sexuelles font partie des méthodes de torture employées par les forces marocaines de sécurité afin d’extorquer des « aveux », de réduire des militants au silence et d’étouffer la dissidence, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public mardi 19 mai.

    Ce document, intitulé LOmbre de limpunité. La torture au Maroc et au Sahara occidental, révèle une réalité plus sombre que l’image d’ouverture présentée par les dirigeants marocains lorsqu’ils ont réagi aux soulèvements populaires de 2011 dans la région en promettant d’adopter tout un ensemble de mesures progressistes et une nouvelle constitution prohibant la torture.

    « Les responsables marocains renvoient l’image d’un pays ouvert, respectueux des droits humains.

    Mais tant que la menace de la torture planera sur les détenus et les voix dissidentes, cette image ne sera qu’un mirage », a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.

    « Sous des apparences trompeuses, la torture est utilisée pour étouffer la contestation et entache certaines condamnations prononcées par la justice. Que vous remettiez les inégalités en question ou exprimiez vos convictions, vous courez le risque d’être victime de violences et d’actes de torture. »

    Le rapport se fonde sur 173 cas de torture et autres mauvais traitements infligés à des hommes, des femmes et des mineurs par des policiers et des membres des forces de sécurité entre 2010 et 2014.

    Figurent parmi les victimes de la torture des étudiants, des militants politiques de tendance de gauche ou islamiste, des partisans de l’auto-détermination du Sahara occidental, ainsi que des personnes soupçonnées de terrorisme ou d’infractions de droit commun.

    Le rapport montre que certaines personnes risquent la torture dès leur arrestation et tout au long de leur garde à vue. Trop souvent, les tribunaux ignorent les plaintes et continuent à s’appuyer sur des éléments de preuve obtenus sous la torture pour prononcer des jugements.

    Certaines personnes qui osent porter plainte et demander justice sont même poursuivies pour « dénonciation calomnieuse » et « fausse dénonciation d’une infraction ». L’impunité perdure malgré la promesse des autorités de respecter les droits humains.

    Torturés en détention - contraints à « avouer »

    Le rapport fait état de techniques de torture brutales employées par les forces de sécurité sur des détenus, telles que le maintien dans des positions douloureuses, notamment celle dite du « poulet rôti », où la victime est suspendue à une barre métallique par les poignets et les genoux.

    Mohamed Ali Saidi, 27 ans, est un des Sahraouis disant avoir été torturés par des policiers en détention, après leur arrestation en relation avec des manifestations qui avaient eu lieu à Laayoune, au Sahara occidental, quelques jours auparavant en mai 2013. Il a déclaré à Amnesty International :

    « Ils ont menacé de me violer avec une bouteille - ils ont amené la bouteille devant moi. C’était une bouteille de Pom’s [boisson non alcoolisée très populaire au Maroc] en verre [...] Ils m’ont fouetté la plante des pieds avec des cordes, tandis que j’étais suspendu dans la position du poulet rôti, et ils ont aussi trempé nos pieds dans de l’eau glacée [...] Alors que j’étais suspendu, ils m’ont mis une serviette dans la bouche et m’ont versé de l’eau dans le nez pour me faire étouffer. Ils ont ensuite versé de l’urine. Puis ils m’ont [...] déshabillé, me laissant en sous-vêtements, et m’ont fouetté les cuisses à l’aide de ceintures. »

    Abdelaziz Redaouia, un Franco-Algérien de 34 ans, a déclaré que des officiers l’ont torturé parce qu’il avait refusé de signer un rapport d’interrogatoire l’accusant d’infractions en relation avec les stupéfiants, après son arrestation en décembre 2013 :

    « J’ai pas voulu signer le procès-verbal et ils m’ont tapé. Ils m’ont rentré une menotte dans la joue et l’ont tirée comme s’ils allaient me la trouer. »

    Il a ajouté que les officiers lui ont enfoncé la tête sous l’eau, ont utilisé une batterie de voiture pour lui infliger des décharges électriques sur les parties génitales, et l’ont frappé sur la plante des pieds alors qu’il était suspendu.

    Manifestants et passants brutalisés

    Le rapport affirme que les forces de sécurité démontrent un sentiment d’impunité éhonté, frappant des manifestants en public afin d’adresser un avertissement au reste de la population. Ce document revient sur des dizaines de cas de violences policières contre des manifestants et des passants, au grand jour et à bord de véhicules.

    Abderrazak Jkaou, manifestant étudiant, a affirmé que des policiers l’ont frappé jusqu’à ce qu’il perde connaissance sur le campus la veille d’une manifestation à Kenitra :

    « Certains étaient armés de longs bâtons. Ils m’ont roué de coups sur tout le corps, de la tête aux pieds. Puis un policier en civil a serré des menottes dans sa main et m’a frappé entre les yeux. Je suis tombé, assommé.

    Ensuite, les autres sont arrivés et ont écrasé du pied ma vessie jusqu’à ce que j’urine. Ils m’ont frappé jusqu’à ce que je perde connaissance, puis m’ont jeté devant le campus à titre d’avertissement aux autres étudiants. Les étudiants pensaient que j’étais mort. »

    Si certains de ceux qui ont dit avoir été arrêtés et torturés étaient des militants connus, d’autres n’étaient que des passants. Khadija, dont le nom a été changé pour sa protection, a expliqué que des policiers l’ont agressée alors qu’elle marchait à proximité d’une action de protestation sur un campus à Fès en 2014 :

    « Des policiers antiémeutes sont arrivés derrière moi et m’ont fait trébucher. Je suis tombée et ils ont déchiré mon foulard et m’ont frappée. Puis ils m’ont traînée par les jambes, face contre terre, jusqu’à leur camionnette. Dedans, une dizaine d’autres attendaient. C’est à ce moment-là qu’ils m’ont frappée le plus fort. »

    Un système qui protège les tortionnaires, pas les victimes

    Le rapport évoque par ailleurs une nouvelle pratique alarmante : le fait d’invoquer la législation sur les « fausses dénonciations » ou la « dénonciation calomnieuse » afin de poursuivre des victimes de torture présumées qui s’expriment haut et fort sur ce qu’elles ont subi. En s’appuyant sur ces lois, les autorités marocaines ont ouvert des poursuites contre huit personnes ayant porté plainte pour torture au cours des 12 derniers mois.

    Aux termes du droit marocain, la « fausse dénonciation » est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison et d’une amende d’environ 440 euros, et la « dénonciation calomnieuse » d’une peine maximum de cinq ans d’emprisonnement. Les tribunaux peuvent en outre ordonner aux accusés de verser de larges sommes à titre d’indemnisation pour « dénonciation calomnieuse» ou « diffamation ».

    En 2014, deux jeunes militants, Wafae Charaf et Oussama Housne, ont été déclarés coupables et condamnés à deux et trois ans de prison respectivement pour « allégations mensongères » et « diffamation » après qu’ils ont porté plainte pour torture. Ils n’avaient même pas révélé l’identité de leurs tortionnaires présumés.

    Quatre des personnes poursuivies par les autorités marocaines ont porté plainte devant des tribunaux français du fait de leur double nationalité ou de leur statut de conjoint d’un ressortissant français. Il pourrait devenir impossible d’intenter ce type d’action en justice si l’Assemblée nationale française approuve un accord visant à faire en sorte que les tribunaux français ne soient plus compétents pour se prononcer sur des violations commises au Maroc.

    « Le Maroc est à la croisée des chemins : il peut opter pour un système judiciaire suffisamment robuste afin de s’attaquer aux auteurs de violations des droits humains, ou pour une justice qui protège ces derniers. Le gouvernement parle de réforme, mais les autorités semblent plus intéressées par l’application des lois luttant contre la diffamation que contre la torture. Si l’on veut que cela change, ce sont les tortionnaires qui doivent être traduits en justice, pas les victimes de la torture. Ceux qui dénoncent ces actes doivent être protégés, et non pas poursuivis », a déclaré Salil Shetty.

    Réaction du gouvernement

    Après qu’Amnesty International a présenté au gouvernement marocain une évaluation préliminaire des résultats de ses recherches, le gouvernement a catégoriquement rejeté ceux-ci dans une longue réponse. Il a mis en avant les efforts déployés par les autorités afin de combattre la torture, notamment les réformes juridiques prévues. Il n’a cependant pas abordé les questions essentielles soulevées par l’organisation en relation avec des allégations de torture spécifiques, telles que l’absence criante d’enquêtes dignes de ce nom.

    « Le gouvernement affirme que la torture appartient au passé. S’il a effectivement pris certaines mesures, même un seul cas de torture représente un grave échec. Nous en avons recensé 173 à travers le Maroc et le Sahara occidental, concernant des personnes de tous les horizons », a déclaré Salil Shetty.

    « Le droit marocain interdit la torture, mais pour que cela signifie véritablement quelque chose dans la pratique, les autorités doivent mener des enquêtes adéquates sur les allégations de torture plutôt que rejeter ces dernières d’emblée. »

    Stop Torture

    Ce document s’inscrit dans le cadre de la campagne mondiale Stop Torture d’Amnesty International, lancée en mai 2014 pour lutter contre la crise mondiale liée à la torture, et fait suite à d’autres rapports consacrés à cette pratique au Mexique, au Nigeria, aux Philippines et en Ouzbékistan.

    Le Rapport annuel 2014 d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans 160 pays fait état d’un recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements dans 82 % des États examinés (soit 131 sur 160).

    La torture en chiffres

    173 - nombre de cas de torture et d’autres formes de mauvais traitements étudiés dans le cadre du nouveau rapport d’Amnesty International

    21 - années écoulées depuis que le Maroc a ratifié la Convention des Nations unies contre la tortureet autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

    8 - nombre de personnes poursuivies pour « dénonciation calomnieuse », « fausse dénonciation », « outrage » ou « diffamation » après avoir porté plainte pour torture ou signalé avoir été torturées au Maroc depuis mai 2014

    5 - nombre d’années d’emprisonnement auxquelles il est possible d’être condamné pour « dénonciation calomnieuse »

    1 - nombre de cas, parmi ceux étudiés par Amnesty International, dans lesquels un tribunal a annulé une condamnation après avoir reconnu qu'elle avait été prononcée sur la base d'« aveux » arrachés sous la torture en détention, et a libéré de prison la victime de torture

    1 - parmi les cas étudiés par Amnesty International, nombre de victimes de torture ayant bénéficié, dans le cadre de l’examen médical, d’une évaluation des séquelles psychologiques ou traumatismes dus à la torture

    0 - nombre de représentants de l’État marocain déclarés coupables de torture pendant les « années de plomb » (1956-1999)

    19 mai 2015, 09:53 UTC

    https://www.amnesty.org/fr/articles/news/2015/05/morocco-endemic-torture/

  • Libye, les violations des droits humains systématiques (amnesty)

    Poussent les migrants à risquer leur vie en traversant la Méditerranée

    À travers la Libye, les réfugiés et les migrants sont victimes de viols, de torture et d’enlèvements aux mains des trafiquants d’êtres humains et des passeurs, d’exploitation systématique de la part de leurs employeurs, de persécutions religieuses et d’autres violations des droits humains imputables aux groupes armés et aux bandes criminelles, écrit Amnesty International dans son nouveau rapport publié lundi 11 mai 2015. Ce document, intitulé ‘Libya is full of cruelty’: Stories of abduction, sexual violence and abuse from migrants and refugees, dénonce la détresse et le calvaire des réfugiés et des migrants en Libye, qui incitent beaucoup d’entre eux à risquer leur vie dans des traversées périlleuses, tentatives désespérées de se mettre en sécurité en Europe.

    « Les conditions épouvantables infligées aux migrants, alliées à l’anarchie croissante et aux conflits armés qui déchirent le pays, montrent à quel point il est dangereux de vivre en Libye aujourd’hui. Sans aucun recours juridique pour partir en quête de sécurité, ils sont contraints de remettre leurs vies entre les mains de passeurs ou de trafiquants qui leur extorquent de l’argent, les agressent et leur infligent des violences, a déclaré Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

    « La communauté internationale a regardé la Libye s’enfoncer dans le chaos depuis la fin de l’intervention militaire menée par l’OTAN en 2011, ce qui a permis aux milices et aux groupes armés d’échapper à tout contrôle. Les dirigeants du monde doivent assumer leurs responsabilités et les conséquences, notamment le flux de réfugiés et de migrants fuyant le conflit et les atteintes aux droits humains endémiques en Libye. Les demandeurs d’asile et les migrants comptent parmi les personnes les plus vulnérables et le monde ne saurait fermer les yeux sur leurs souffrances. »

    Les conditions épouvantables infligées aux migrants, alliées à l’anarchie croissante et aux conflits armés qui déchirent le pays, montrent à quel point il est dangereux de vivre en Libye aujourd’hui. Sans aucun recours juridique pour partir en quête de sécurité, ils sont contraints de remettre leurs vies entre les mains de passeurs ou de trafiquants qui leur extorquent de l’argent, les agressent et leur infligent des violences. Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

    Depuis des années, la Libye est un pays de transit et de destination pour les réfugiés et les migrants fuyant la pauvreté, les conflits et les persécutions en Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient. Beaucoup viennent en Libye dans l’espoir d’atteindre l’Europe. Mais l’anarchie grandissante et la menace que représentent les groupes armés ont fait exploser les risques, poussant même des communautés de migrants installés et travaillant en Libye depuis des années à fuir vers l’Europe par voie de mer. Les atteintes aux droits humains commises dans les centres de détention pour migrants, où des milliers de migrants et de réfugiés, dont des enfants, sont détenus pour une durée indéterminée dans des conditions déplorables, expliquent aussi pourquoi ils sont si nombreux à tenter de partir.

    Les itinéraires viables par voie de terre à destination de l’Europe se font rares, et les réfugiés syriens passent eux aussi par la Libye pour tenter la dangereuse traversée vers les côtes européennes. Lors d’un sommet extraordinaire organisé à Bruxelles au mois d’avril, le Conseil européen a annoncé qu’il allait augmenter les ressources allouées aux opérations de recherche et de secours en mer Méditerranée. « Nous saluons l’engagement souscrit par les dirigeants de l’Union européenne (UE) de dédier des ressources supplémentaires aux opérations de recherche et de sauvetage. Toutefois, des migrants continueront de se noyer en Méditerranée si les navires de sauvetage ne sont pas mis à disposition rapidement et déployés là où le besoin est le plus criant – dans les zones d’où sont lancés le plus grand nombre de SOS – et  ce tant qu’un grand nombre de réfugiés et de migrants partiront de Libye », a déclaré Philip Luther.

    Le Conseil européen a également annoncé son intention d’intensifier son programme visant à  identifier, capturer et détruire les bateaux avant que les passeurs ne s’en servent. Ces mesures seront sans doute débattues lors de la rencontre, lundi 11 mai, entre la ministre des Affaires étrangères de l’UE Federica Mogherini et le Conseil de sécurité de l’ONU. Si elles sont mises en œuvre, elles pourraient en fait prendre au piège des milliers de migrants et de réfugiés dans une zone de conflit. Mener des actions contre les passeurs, sans offrir d’itinéraire sûr de remplacement aux migrants et réfugiés qui veulent désespérément fuir le conflit en Libye ne résoudra pas le problème. Philip Luther

    « Mener des actions contre les passeurs, sans offrir d’itinéraire sûr de remplacement aux migrants et réfugiés  qui veulent désespérément fuir le conflit en Libye ne résoudra pas le problème », a déclaré Philip Luther.

    Par ailleurs, l’Égypte et la Tunisie ont durci les contrôles aux frontières, craignant un débordement du conflit libyen. Les migrants et les réfugiés, dont les passeports sont souvent volés ou confisqués par les passeurs, les bandes criminelles ou leurs employeurs libyens, n’ont d’autre possibilité pour sortir du pays que d’embarquer pour une traversée périlleuse vers l’Europe. « Le monde doit assumer l’obligation qui lui incombe d’accorder refuge à toute personne  fuyant de telles atteintes aux droits humains. Les pays voisins, notamment la Tunisie et l’Égypte, doivent maintenir leurs frontières ouvertes, afin que les personnes fuyant les violences et les persécutions en Libye puissent y trouver refuge », a déclaré Philip Luther.

    Amnesty International demande aux pays riches d’augmenter le nombre de places d’accueil pour les réfugiés vulnérables et à la communauté internationale de prendre des mesures efficaces afin de mettre un terme aux graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains commises par tous les belligérants en Libye.

    Les persécutions religieuses

    En Libye, les migrants et les réfugiés chrétiens sont particulièrement exposés aux violences des groupes armés qui cherchent à imposer leur propre interprétation de la loi islamique. Venus du Nigeria, d’Érythrée, d’Éthiopie ou d’Égypte, ils sont enlevés, torturés, tués illégalement et harcelés en raison de leur religion. Récemment, au moins 49 chrétiens, Égyptiens et Éthiopiens pour la plupart, ont été décapités et abattus lors de trois massacres revendiqués par le groupe qui se fait appeler État islamique (EI).

    Par ailleurs, des bandes criminelles et des trafiquants d’êtres humains enlèvent, torturent, dépouillent et agressent les migrants et les réfugiés aux frontières sud de la Libye et le long des itinéraires de passage vers les côtes libyennes. Charles, un Nigérian de 30 ans, a raconté à Amnesty International qu’il avait décidé de tenter la traversée vers l’Europe le mois dernier, après avoir été enlevé et agressé plusieurs fois par des membres d’une bande criminelle, dans la ville côtière de Zuwara. Il s’y était rendu pour échapper aux bombardements aveugles et aux combats à Tripoli.

    « Ils venaient nous voler notre argent, et nous fouettaient. Je ne peux pas porter plainte auprès de la police en expliquant que je suis chrétien, parce qu’ils ne nous aiment pas… En octobre 2014, quatre hommes m’ont kidnappé, parce qu’ils ont vu que je portais une Bible », a-t-il expliqué. Ils ont pris son argent, son téléphone, et l’ont retenu pendant deux jours ; ils l’ont torturé et battu jusqu’à ce qu’il parvienne finalement à s’échapper, une nuit, par la fenêtre.

    « Ces récits glaçants sur les périls qui poussent les migrants et les réfugiés à fuir la Libye mettent en lumière la nécessité incontournable de sauver des vies en Méditerranée. Les dirigeants européens doivent garantir que ceux qui fuient ces violences ne seront jamais renvoyés en Libye », a déclaré Philip Luther. Ces récits glaçants sur les périls qui poussent les migrants et les réfugiés à fuir la Libye mettent en lumière la nécessité incontournable de sauver des vies en Méditerranée. Les dirigeants européens doivent garantir que ceux qui fuient ces violences ne seront jamais renvoyés en Libye. Philip Luther

    Les violations des droits humains le long des itinéraires des passeurs : enlèvements, vols et violences sexuelles

    Les réfugiés et les migrants subissent des violations des droits humains à toutes les étapes des itinéraires sur lesquels les conduisent les passeurs, menant d’Afrique de l’Ouest et de l’Est jusqu’aux côtes libyennes. Ceux qui sont originaires d’Afrique subsaharienne, notamment les mineurs non accompagnés, sont enlevés contre rançon le long des itinéraires à destination des côtes libyennes. Au cours de leur captivité, ils sont torturés et subissent des mauvais traitements pour les obliger, eux et leurs familles, à payer la rançon. Ceux qui ne peuvent pas payer sont exploités et bien souvent détenus comme esclaves – ils travaillent sans être payés, sont agressés physiquement et dépouillés.

    Parfois, les passeurs remettent les migrants et réfugiés à des groupes criminels lorsqu’ils franchissent la frontière, dans les zones désertiques ou dans les grandes villes de transit le long des itinéraires de migration, comme Sabha, dans le sud-ouest de la Libye, ou la ville côtière d’Ajdabiya, dans l’est. Des migrants et réfugiés interrogés par Amnesty International ont déclaré que les passeurs les considéraient « comme des esclaves » et les traitaient « comme des animaux ». L’un d’entre eux a raconté qu’ils étaient gardés dans une pièce surpeuplée et sale, sans toilette, sans couvertures ni matelas, et nourris uniquement de morceaux de pain sec.

    « En fait, ils gèrent un business. Ils vous retiennent, pour que vous leur versiez de l’argent… Si vous ne répondez pas à leurs questions, ils vous frappent à coups de tuyaux en plastique », a raconté un homme. Les femmes, particulièrement si elles font le voyage seules ou sans hommes, sont exposées au risque de subir des viols et des violences sexuelles, aux mains des passeurs et des bandes criminelles. Les femmes kidnappées, si elles ne peuvent pas payer la rançon, sont parfois contraintes d’avoir des rapports sexuels en échange de leur libération ou de la possibilité de poursuivre leur périple.

    « Je sais que [le passeur] s’est servi de trois femmes érythréennes. Il les a violées et elles pleuraient. C’est arrivé au moins deux fois », a raconté un témoin à Amnesty International. Une autre femme originaire du Nigeria a raconté qu’elle avait été violée par 11 hommes, membres d’une bande armée, dès son arrivée à Sabha.

    « Ils nous ont emmenés quelque part en dehors de la ville, dans le désert, ils ont attaché les mains et les pieds de mon époux à un poteau, et m’ont tous violée sous ses yeux. Ils étaient 11 hommes au total », a-t-elle raconté. Ils nous ont emmenés quelque part en dehors de la ville, dans le désert, ils ont attaché les mains et les pieds de mon époux à un poteau, et m’ont tous violée sous ses yeux. Ils étaient 11 hommes au total.

    Les violations des droits humains commises par les passeurs avant le départ des bateaux

    Certains migrants et réfugiés ont raconté avoir subi des mauvais traitements aux mains des passeurs durant la période, pouvant aller jusqu’à trois mois, pendant laquelle ils étaient retenus dans des maisons en cours de construction, en attendant qu’un nombre suffisant de passagers soit réuni. Les passeurs gardaient la nourriture et l’eau, les frappaient à coups de bâtons ou leur volaient leurs biens. D’autres réfugiées syriennes ont raconté qu’elles avaient été transportées dans des camions réfrigérés très mal aérés. « Deux enfants ont commencé à étouffer et ont cessé de respirer. Leurs parents leur ont donné des gifles sur le visage, pour les réveiller. Nous donnions des coups sur les parois pour avertir le chauffeur, mais il ne s’est pas arrêté », ont-ils raconté. Les enfants ont ensuite été réanimés.

    Les violations des droits humains commises dans les centres de détention pour migrants en Libye

    Les migrants et les réfugiés en Libye sont détenus pour une durée indéterminée dans les centres de détention pour migrants, dans des conditions épouvantables, où ils sont régulièrement victimes de torture et de mauvais traitements. La plupart sont détenus pour entrée illégale sur le territoire et autres infractions similaires. Ceux qui sont capturés sur des bateaux interceptés par les garde-côtes libyens alors qu’ils tentent la traversée vers l’Europe sont également placés dans ces centres.

    Les femmes qui y sont détenues ont dénoncé des actes de harcèlement sexuel et des violences sexuelles. L’une d’entre elles a raconté à Amnesty International que des employés de l’un de ces centres d’immigration avaient battu à mort une femme enceinte. « Ils nous frappaient à l’aide de tuyaux derrière les cuisses. Ils frappaient même les femmes enceintes. La nuit, ils venaient dans nos chambres et essayaient de coucher avec nous. Certaines femmes ont été violées. L’une d’elles est tombée enceinte… C’est pour ces raisons que j’ai décidé de partir en Europe. J’ai trop souffert en prison », a déclaré l’une de ces femmes.

    « Les autorités libyennes doivent immédiatement mettre un terme à leur politique de détention systématique des réfugiés et des migrants en raison de leur statut migratoire, et faire en sorte de les placer en détention uniquement en cas d’absolue nécessité, pendant la période la plus courte possible », a déclaré Philip Luther. 11 mai 2015, 00:01

    https://www.amnesty.org/fr/articles/news/2015/05/libya-horrific-abuse-driving-migrants-to-risk-lives-in-mediterranean-crossings/

  • Tunisie: Appel contre le projet de loi sur la répression des atteintes aux forces armées (Afriques en lutte)

    http://www.jeuneafrique.com/photos/009072011131147000000tunisierevolution.jpg

    Le gouvernement tunisien a adopté le projet de loi sur la répression des atteintes aux agents des forces armées qu’il a soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

    Dans son exposé des motifs, le projet de loi vise à protéger les agents des forces de l’ordre et les soldats contre les menaces qui pèsent sur leurs vie et leur sécurité et, partant, sur celle de la société tout entière.

    Nous, associations et organisations signataires de cet appel tenons à souligner la nécessité de protéger nos forces armées, de les doter des ressources matérielles et morales nécessaires afin qu’elles puissent faire face au danger terroriste qui menace notre société, de protéger et de soutenir leurs familles, en cas de détresse. Mais nous considérons, en même temps, que le projet en question constitue une menace contre la liberté d’expression et d’opinion.

    Ce projet de loi est de nature à réinstaurer le climat de défiance, de suspicion, de peur et de rupture, qui a marqué les rapports entre les forces de sécurité et les citoyens tout au long des décennies de despotisme que l’on croyait révolues, malgré la persistance de certaines pratiques.

    Le texte prévoit des peines très lourdes allant jusqu’à la peine de mort, et exempte, en retour, les forces de l’ordre de toutes poursuites pénales, consacrant ainsi leur impunité. Il est contraire à la Constitution tunisienne à toutes les conventions internationales pertinentes. Nous, associations et organisations signataires, affirmons solennellement que le projet de loi :


    - · Contredit clairement les principes de liberté d’expression et d’édition garantis par la Constitution ainsi que le droit d’accès à l’information, la divulgation de certaines informations étant considérée comme un crime dont le châtiment peut aller jusqu’à dix ans de prison ;
    - · Il introduit des notions équivoques comme « l’outrage aux forces de la sécurité intérieure », passible de deux ans de prison. Outre l’atteinte à la liberté d’expression, ce type d’infraction met les institutions militaires et de sécurité au dessus de toute critique et de toute réforme ;
    - · Alors que la Constitution garantit le droit à la vie, et charge l’État de protéger la dignité de la personne et son intégrité physique, le projet de loi bafoue ce droit en exonérant les forces de sécurité de toute responsabilité pénale, en cas de blessures causées à des citoyens, même mortelles, lors de la « répression d’agressions ».
    - · Le texte est si obscur qu’il permet de légaliser les atteintes contre les citoyens, les violations des droits de l’Homme et assure l’impunité des forces de l’ordre ;
    - · Le projet contredit des droits de l’homme et les principes fondamentaux du droit international consacrés par des conventions que l’État tunisien est tenu de respecter, et en en particulier : La Déclaration universelle des droits de l’Homme, Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, -inhumains ou dégradants Le Statut de la Cour pénale internationale dont l’État tunisien est partie.
    - · Il contrevient également aux principes et normes internationaux relatifs aux forces armées dont notamment les Principes de la Havane de 1990 qui réglementent l’usage de la force et des armes à feu par les fonctionnaires chargés de l’exécution des lois.
    - · Le projet de loi cite le préambule de ce document international appelant à la protection des forces de sécurité, mais ignore délibérément d’autresrecommandations essentielles dans le même document contre la dérive sécuritaire, comme l’élaboration de lois encadrant avec précision le recours à la force et prévoyant un contrôle strict de son usage, la pénalisation des violences non justifiées contre les citoyens…
    - · Il comporte une acception élargie de la notion de « protection » des familles et des personnes dépendant légalement de membres des forces armées : incluant même celles impliquées dans des affaires de droit commun.
    - · Le texte, s’il vient à être adopté, assurera l’impunité pour ceux parmi les agents des forces armées compromis dans les affaires des blessés et des martyrs de la Révolution non encore traitées par la Justice. Et ce en application de la règle du texte « le plus clément » pour l’accusé. Nous, associations et organisations signataires, Appelons toutes les composantes de la société civile et de la scène politique à s’opposer à ce projet et à le faire échouer. Parce qu’il constitue une menace contre la liberté et la démocratie ; parce qu’il balise le terrain au retour de l’État sécuritaire contre lequel le peuple s’est insurgé Affirmons que le dispositif pénal existant, relatif à la protection des forces de sécurité est amplement suffisant pour réprimer les atteintes à leur encontre ; Appelons l’ARP à ne pas adopter ce projet de loi.

    15 mai 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/tunisie/article/tunisie-appel-contre-le-projet-de

    Les Associations et organisations signataires :

    - Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT)
    - Ordre National des Avocats Tunisiens (ONAT)
    - Association des Magistrats Tunisiens (AMT)
    - Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH)
    - Union des Magistrats Administratifs(AMA)
    - Coordination Nationale Indépendante pour la Justice Transitionnelle (CNIJT)
    - Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH)
    - Association des Femmes Démocrates (ATFD)
    - Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement (AFTURD)
    - Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT)
    - Ordre des Huissiers de Justice (OHJ)
    - -Institut Arabe des Droits del’Homme (IADH)
    - -Fondation Chokri Belaid contre la Violence (FCBCV)
    - Association Vigilance pour la Démocratie et l’Etat Civique (AVDEC)
    - Association « Doustourna » (AD)
    - Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)
    - -Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES)
    - Section Régionale des Avocats de Tunis (SRAT)
    - Fédération des Tunisiens Pour une Citoyenneté des deux rives (FTCR)
    - Association des Tunisiens en France (ATF)
    - Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens(UTIT)
    - Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF)
    - Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie (CVDT Belgique)
    - Réseau Euro-maghrébin Culture et Citoyenneté (REMCC)
    - Association des Travailleurs Maghrébins en France (ATMF)
    - Association des Travailleurs Tunisiens en Suisse (ATTS)