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Israël - Page 4

  • Israël. Le nettoyage ethnique en 1948, l’histoire se conjugue au présent (A l'Encontre.be)

    «Les clés de la ferme de Shaher Alkhateb,  âgé de 76 ans» sur le blog de Ray Elsa

    «Les clés de la ferme de Shaher Alkhateb,
    âgé de 76 ans» sur le blog de Ray Elsa

    Un bon historien examine toujours ses conclusions.

    S’il vient à la conclusion que les choses qu’il a écrites précédemment exigent une réévaluation, il est obligé de faire face à cela. Mais un historien qui soutient au début de sa carrière qu’Israël est responsable de la fuite massive de Palestiniens en 1948 [la Nakba: «la catastrophe»] et qui change plus tard ses positions jusqu’à en devenir le chouchou du droit des colons, cela est un phénomène pathétique. Benny Morris a suivi ce chemin [1].

    Il a trahi deux devoirs clés de l’historien: être ouvert d’esprit et connaître la littérature très étendue qui touche à son propre domaine de recherche; et ne pas déformer ses propres conclusions antérieures en raison de considérations politiques actuelles. [L’article «Israël n’a pas conduit de nettoyage ethnique en 1948», paru dans Haaretz le 10 octobre 2016, était une réponse à l’article de Daniel Blatman «Netanyahou, c’est ce à quoi ressemble véritablement le nettoyage ethnique», paru dans le même quotidien le 3 octobre 2016.]

    Le 10 mars 1948, les instances dirigeantes de la Haganah nationale [2] ont approuvé le Plan Dalet [3], qui visait à expulser autant d’Arabes que possible du territoire du futur Etat juif. Morris en a parlé dans son livre: 1948: A History of the First Arab-Israeli War (Yale University Press, 2008). Il a écrit que ce plan suscitait une dispute historiographique, avec des historiens pro-palestiniens qui soutenaient que c’était un plan magistral pour expulser les Arabes vivant en Israël, mais qu’un examen approfondi des mots eux-mêmes du plan conduisait à une conclusion différente.

    Une conclusion différente de qui? Des érudits experts en nettoyage ethnique? Des experts juridiques examinant le problème? Non, différente de celle de Morris, bien sûr. Il n’accepte pas la définition du nettoyage ethnique qui a été commis par les Juifs en 1948, même s’il admet qu’il y a peut-être bien eu un «mini» nettoyage ethnique à Lod et à Ramle ou des massacres marginaux (Deir Yassin) qui ont causé la fuite paniquée de Palestiniens.

    Le problème est que ce sont là précisément les circonstances qui ont conduit au nettoyage ethnique. Si Benny Morris avait bien voulu étudier correctement les documents du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, il comprendrait pourquoi ses déclarations seraient considérées comme absurdes par n’importe quelle conférence scientifique sérieuse.

    Ce qui suit a été déclaré par le procureur lors du procès de Radovan Karadzic, le leader bosno-serbe qui a été reconnu coupable du nettoyage ethnique des Musulmans de Bosnie: «Dans le nettoyage ethnique… vous agissez de telle manière que sur un territoire donné, les membres d’un groupe ethnique donné sont éliminés. … Vous avez des massacres. Pas tout le monde n’est massacré, mais vous commettez des massacres en vue de faire peur à ces populations. … Naturellement, les autres personnes sont poussées à partir. Elles ont peur… et, bien sûr, à la fin ces personnes veulent tout simplement partir. … Elles quittent leurs maisons de leur propre initiative, ou alors elles sont déportées. … Certaines femmes sont violées et, de plus, si le temps le permet, il y a la destruction de monuments qui ont marqué la présence d’une population donnée… par exemple, des églises catholiques ou des mosquées sont détruites.»

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    Exactement comme en 1948: il y a des instructions implicites et des accords tacites qui sèment la peur parmi la population dont on veut qu’elle fuie; la destruction de la présence physique n’apparaît pas au premier plan. Dans son premier livre sur le sujet, The Birth of the Palestinian Refugee Problem Revisited (hb: 1988; pb: 1989), Morris a écrit: «Les attaques de la Haganah et des forces de défense d’Israël, des ordres d’expulsion, la crainte d’attaques et d’actes de cruauté de la part des Juifs, l’absence d’assistance de la part du monde arabe et du Haut Comité arabe, le sentiment d’être impuissant et abandonné à son propre sort, des ordres donnés par des institutions arabes de quitter et d’évacuer, tout cela (attaque de la part des organisations Haganah, Irgun, Lehi ou IDF ou crainte des habitants d’une telle attaque) constituait dans la plupart des cas la raison directe et décisive de la fuite.»

    Il y a environ 15 ans cependant, Morris a changé d’opinion. Dans son livre Correcting a Mistake: Jews and Arabs in Palestine/Israel, 1936-1956 (paru en 2000), il a écrit: «La majorité des abandons [par les Palestiniens] de la plupart des endroits, je les ai le plus souvent attribués aux attaques par les forces juives. Mais parfois un historien doit corriger une erreur.» Chapeau bas à un historien qui admet une erreur.

    Mais l’intégrité professionnelle de Morris est mise à l’épreuve de ce qu’il a dit à Ari Shavit (Haaretz, janvier 2004): «Je ne pense pas que les expulsions de 1948 étaient des crimes de guerre. … Je pense qu’il [Ben Gourion] a commis une erreur historique sérieuse en 1948… il a été frileux pendant la guerre. Puis à la fin, il a hésité. … S’il était déjà engagé dans l’expulsion, peut-être aurait-il dû faire le job complet.» Au même moment, Morris argumente que Ben-Gourion «n’a jamais donné l’ordre d’expulser les Arabes».

    En effet, de tels ordres écrits n’ont pas été trouvés. Et les lecteurs se demanderont: alors y a-t-il eu un ordre d’expulser, ou bien y a-t-il eu une expulsion sans ordre? Ou peut-être y a-t-il eu une expulsion de masse, mais qu’elle a été incomplète et que cela ne constitue donc pas une épuration ethnique?

    Et est-ce que Morris regrette le fait qu’aucun ordre n’ait été donné d’aller jusqu’au bout du nettoyage ethnique? Heureusement que Morris ne se lance pas dans de la recherche sur l’Holocauste. Il serait encore capable de prétendre que ce n’est pas Hitler qui a ordonné la «Solution finale» puisque, comme on le sait, on n’a jamais trouvé d’ordre d’assassiner les Juifs d’Europe écrit de sa main.

    Les expulsions n’ont pas constitué des crimes de guerre, dit Morris, parce que ce sont les Arabes qui ont commencé la guerre. En d’autres termes, des centaines de milliers de civils innocents qui se trouvaient du côté de ceux qui avaient commencé la guerre devaient être expulsés. Peut-être que Morris serait d’accord que le génocide commis par les Allemands contre les Herero en 1904-1908 était justifié puisque, après tout, les Herero avait commencé la rébellion contre le colonialisme allemand en Namibie?

    Morris a raison sur un point: les projets selon lesquels les Arabes devaient être expulsés n’ont pas été menés jusqu’à leur terme. Il y a eu des commandants qui obéissaient à la lettre; il y en avait d’autres qui ne le faisaient pas. C’est exactement pour cette raison que 160’000 Arabes sont restés dans l’Etat d’Israël en 1949. Comme des dizaines de milliers d’Arméniens sont restés en Turquie après la Première Guerre mondiale, parce qu’il y a eu des fonctionnaires du gouvernement qui n’ont pas exécuté à la lettre les ordres de les tuer. Par chance, en 1948, il y a eu des chefs de l’IDF qui se sont abstenus de faire ce qu’ils savaient pouvoir être fait sans qu’on puisse les en tenir pour responsables. Si ces gens n’avaient pas agi ainsi, l’ampleur du crime de guerre commis par Israël aurait été plus grande encore.

    (Publié dans le quotidien Haaretz le 14 octobre 2016, traduction A l’Encontre; titre de la rédaction de A l’Encontre).

    Alencontre le 27 - octobre - 2016

    Daniel Blatman est historien.

    http://alencontre.org/

    [1] En 1988, Benny Morris publie aux Presses Universitaires de Cambridge un ouvrage intitulé: The Birth of the Palestinian Refugee Problem Revisited. Cet ouvrage, comme l’annonçait l’éditeur, éclairait la désintégration des «communautés rurales palestiniennes» et «l’effondrement de la Palestine urbaine», ce qui provoqua, initialement, 700’000 réfugié·e·s. Ils sont quelque 5 millions actuellement. L’ouvrage suscita un fort débat en Israël. Benny Morris, parmi ceux qu’il qualifia lui-même de «nouveaux historiens» (Ilan Pappé, Avi Shlaim, etc.), changea nettement de position. Le débat historique et politique continue en Israël, car son actualité est mise en lumière par les multiples facettes de la brutale politique colonisation de peuplement de l’Etat sioniste. (Réd. A l’Encontre)

    [2] L’Haganah – «Défense» en hébreu – est une organisation paramilitaire sioniste qui se constitua sous le mandat britannique dans les années 1920. Elle passera sous le contrôle de l’Agence juive dans les années 1930, comme organisation clandestine. Elle jouera un rôle de relief dans «l’exode forcé» des populations palestiniennes en 1948. Elle sera une des composantes de la création de Tsahal, «ladite Armée de Défense d’Israël-IDF), aux côtés du groupe Stern et de l’Irgoun. (Réd. A l’Encontre)

    [3] Le Plan Dalet, établi en mars 1948, indique les lignes de force de la politique militaire à venir de l’Haganah. Il est interprété, de manière fort documentée, par des historiens comme Ilan Pappé en tant que plan d’expulsion des Palestiniens et de «nettoyage ethnique» (voir Le nettoyage ethnique de la Palestine, Fayard 2008). Son interprétation est l’objet de débats historico-politiques en Israël, car l’histoire se conjugue au présent. (Réd. A l’Encontre)

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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  • Nouveautés sur A l'Encontre.ch

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    16 - octobre - 2016 Publié par: Alencontre
     
     

    Entretien avec Françoise Bouchet-Saulnier conduit par René Backman Le jeudi 15 octobre 2015, au palace Beau-Rivage, à Lausanne, se réunissaient, «pour rien», Kerry, Lavrov ainsi que des représentants de la Turquie, de l’Arabie saoudite et du Qatar, ces derniers «soutiennent» la rébellion. L’Iran, engagé militairement auprès de Damas, était aussi représenté. S’y ajoutent, pour les bienfaits […]

     

    Syrie-Yémen. Contre les bombardements en Syrie et au Yémen!

    16 - octobre - 2016 Publié par: Alencontre
     
     

    Par Gilbert Achcar L’opinion politique arabe se divise en deux catégories principales. Il y a, d’un côté, ceux qui condamnent les bombardements destructeurs et meurtriers des villes et des campagnes de Syrie par le régime et son maître russe tout en restant silencieux au sujet des bombardements destructeurs et meurtriers des villes et des campagnes […]

    Israël: Shimon Peres a «défini la poussée coloniale comme étant un processus de paix»

    13 - octobre - 2016 Publié par: Alencontre
     
     

    Par Amira Hass Les Juifs israéliens doivent une dette considérable à Shimon Peres, récemment décédé [dans la nuit du 28 au 29 septembre 2016 ; voir de même sur le rôle de Peres l’article publié sur ce site en date du 30 septembre 2016]. Et, malheureusement pour lui, seulement une partie d’entre eux l’a compris, assez tard d’ailleurs. […]

     

    Yémen.«Nous étions dans une catastrophe humanitaire l’année dernière, aujourd’hui c’est hors échelle»

    10 - octobre - 2016 Publié par: Alencontre
     
     

    Entretien avec Hassan Boucenine de MSF conduit par Florian Reynaud Fin août 2016, l’Organisation des Nations unies a revu à la hausse son bilan humain de la guerre qui oppose, au Yémen, le président en exil, Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenu par une coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite, aux rebelles houthistes, p

  • Israël: Shimon Peres a «défini la poussée coloniale comme étant un processus de paix» (A l'Encontre.ch)

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    Les Juifs israéliens doivent une dette considérable à Shimon Peres, récemment décédé [dans la nuit du 28 au 29 septembre 2016 ; voir de même sur le rôle de Peres l’article publié sur ce site en date du 30 septembre 2016]. Et, malheureusement pour lui, seulement une partie d’entre eux l’a compris, assez tard d’ailleurs. Peres était en effet un homme d’idées, mais uniquement quand il s’agissait de détails sans importance.

    Le discernement et la débrouillardise de Peres ont beaucoup contribué à ce qu’Israël puisse asseoir et élargir son entreprise coloniale profitable: en définissant la poussée coloniale comme étant un processus de paix, il a même réussi à obtenir des subsides internationaux pour la mener à bien.

    La réalité des enclaves palestiniennes – séparées au milieu des colonies israéliennes en plein développement et résultat inébranlable des négociations d’Oslo – ne constitue pas un malencontreux accident historique. La «solution» des enclaves palestiniennes a pris forme, sous différentes tournures, depuis l’occupation de 1967: c’était une manière d’harmoniser la version israélienne des colonies de peuplement dans une ère post-coloniale.

    Cette réalité des enclaves palestiniennes a été en partie créée par des idées exprimées publiquement, mais surtout en les imposant sur le terrain: les colonies, les routes, l’annulation des statuts de résidants de milliers de Palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est), le manque d’entretien de l’infrastructure et les obstacles mis au développement des zones où vivent les Palestiniens. Lorsque cela nous convenait, nous avons accordé aux Palestiniens une liberté de mouvement. Lorsque cela leur donnait trop de moyens (notamment lors de la première Intifada – qui a commencé en décembre 1987), nous l’avons révoquée. Et Peres était présent à chacun de ces différents moments.

    Dans les années 1970, Peres et Moshe Dayan [1915-1981] ont promu l’idée du «compromis fonctionnel» – il s’agissait non pas d’une partition des terres, mais plutôt d’une partition de l’autorité gouvernementale. Nous, les Israéliens, devions contrôler le territoire. Les colons continueraient à s’y multiplier et à être des citoyens israéliens, alors que la Jordanie contrôlerait les Palestiniens. Le plan d’autonomie issue des Accords de Camp David avec l’Egypte au cours du mandat de Menachem Begin en tant que Premier ministre [1977-1983] était une variante de ce «compromis fonctionnel».

    Peres, qui a donné sa bénédiction pour l’établissement d’un partenariat confidentiel lors des négociations d’Oslo, a été très clair à l’époque sur le fait qu’il était opposé à la constitution d’un Etat palestinien.

    Cette opposition a entravé les négociations, et lorsqu’il a finalement été décidé d’accepter l’accord et de l’appliquer graduellement, il n’y avait plus d’objectif final. Mais dans quelle direction pouvaient aller un accord si l’objectif n’avait pas été défini? La réponse est évidente: ils iraient là où le déciderait le pouvoir souverain – le côté ayant la suprématie militaire, économique et diplomatique. C’est ainsi qu’on est arrivé aux enclaves. Et ce n’est pas par hasard si l’avocat Joel Singer [conseiller légal du ministère des Affaires étrangères] a participé aux négociations et aux rédactions des accords aussi bien à Camp David ]1978] qu’à «Oslo» [«finalisé» en 1993].

    Lorsqu’il a brièvement été Premier ministre après l’assassinat de Yitzak Rabin [en novembre 1995], Peres a proposé à Yasser Arafat que la bande de Gaza soit déclarée un Etat. Il y avait là une variation mineure de la conception de base de Peres selon laquelle Israël continuerait sa domination de la Cisjordanie indéfiniment. Arafat a poliment rejeté la suggestion. Cela n’a rien changé. Ariel Sharon a suivi la même ligne que ses prédécesseurs et a détaché l’enclave de Gaza des multiples autres enclaves, plus petites, de la Cisjordanie.

    Et voilà: la terre est désormais à nous, Israéliens. Les colons sont des citoyens israéliens.

    En fait, les poches densément peuplées où vivent les Palestiniens ne sont pas contrôlées par la Jordanie, mais plutôt par l’Autorité palestinienne et le Hamas. Mais la vision d’un compromis fonctionnel a été concrétisée. L’entreprise de dépossession coloniale israélienne n’a pas été conçue par quelques individus. Les balivernes de la presse selon laquelle une seule personnalité (Benjamin Netanyahou) serait responsable de tous nos problèmes et de toutes nos réussites et qu’un général (Ehoud Barak, Gabi Ashkenazi, etc.) serait capable de nous sauver, sous-évaluent le rôle de la société israélienne, soit celui des puissantes institutions militaires et civiles de la gouvernance, dont la longévité et l’importance dépassent de loin celui de n’importe quel leader.

    Ce sont ces institutions qui proposent, planifient et réalisent des politiques dont la substance reste inchangée, contrecarrant l’établissement d’un Etat palestinien souverain, qui soit en accord avec les résolutions internationales et l’assentiment palestinien. Un tel Etat aurait freiné la poussée colonialiste et souligné le droit historique des Palestiniens à leur terre. Il aurait également pu ouvrir la voie à la raison et à des relations au-delà de deux Etats nations.

    Peres n’est pas le seul responsable de la réalité coloniale des enclaves palestiniennes noyées dans une mer de colonies. Mais personne ne lui arrivait à la cheville en ce qui concerne son talent pour mentir au monde en déclarant qu’Israël souhaite la paix.

    (Article publié dans la rubrique «opinion» de Haaretz, en date du 7 octobre 2016; traduction A l’Encontre)

    Alencontre le 13 octobre 2016
  • Le criminel de guerre Shimon Peres échappe à la justice humaine (Info Palestine)

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    Massacre de Qana, Liban 1997 - Photo : Archives

     

    Shimon Peres, décédé mercredi à l’age de 93 ans après avoir subi un accident vasculaire cérébral le 13 septembre, incarne la disparité entre l’image d’Israël en Occident et la réalité de ses sanglantes politiques coloniales en Palestine et dans la région.

    Un acteur de la purification ethnique de la Palestine lors de la Nakba

    Peres est né en Biélorussie en 1923, et sa famille a déménagé en Palestine dans les années 1930. Encore jeune, Peres a rejoint la Haganah, la milice première responsable de l’épuration ethnique des villages palestiniens en 1947-1949, au cours de la Nakba.

    Alors que le déplacement violent des Palestiniens atteignait un record historique, Peres a toujours insisté sur le fait que les forces sionistes « ont confirmé la pureté des armes » lors de la création de l’État d’Israël. Il a été jusqu’à affirmer qu’avant l’existence d’Israël, « il n’y avait rien ici. »


    Une vie au service du colonialisme et de l’apartheid

    Dans les décennies qui ont suivi, Peres a servi comme Premier ministre (deux fois) et président, mais il n’a jamais gagné une élection nationale. Il était membre de 12 cabinets et a eu comme mandats la Défense, les Affaires étrangères et les Finances.

    Il est peut-être mieux connu en Occident pour son rôle dans les négociations qui ont abouti aux Accords d’Oslo de 1993 et qui lui ont valu, avec Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, le Prix Nobel de la Paix.

    Pourtant, pour les Palestiniens et leurs voisins du Moyen-Orient, les antécédents de Peres sont très différents de sa réputation en Occident comme « colombe » infatigable, et ce qui suit est loin d’être un résumé complet du dossier Peres au service du colonialisme et de l’apartheid.

    Bombes atomiques

    Entre 1953 et 1965, Peres a servi d’abord comme directeur général du ministère de la Défense d’Israël, puis comme vice-ministre de la Défense. En raison de ses responsabilités à l’époque, Peres a été décrit comme « l’architecte du programme d’armement nucléaire d’Israël », qui à ce jour, « reste en dehors du contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). »

    Selon des procès-verbaux restés secrets et révélés depuis, Peres a rencontré en 1975 le ministre de la Défense sud-africain PW Botha et a « offert de vendre des ogives nucléaires au régime de l’apartheid. » En 1986, Peres a autorisé l’opération du Mossad où le technicien nucléaire Mordechai Vanunu a été enlevé en Rome.

    Cibler les citoyens palestiniens

    Peres a joué un rôle clé dans le régime militaire imposé aux citoyens palestiniens jusqu’en 1966, en vertu duquel les autorités volaient massivement les terres et déplaçaient les habitants.

    Un des outils [de la dépossession] était l’article 125 qui a permis que la terre palestinienne soit déclarée zone militaire fermée. Ses propriétaires étaient interdits d’accès, les terres devant ensuite être confisquées comme « incultes ». Peres s’est félicité de l’article 125 comme un moyen de « poursuivre directement la lutte pour la colonisation juive et l’immigration juive. »

    Une autre des responsabilités de Peres en sa qualité de directeur général du ministère de la Défense était de « judaïser » la Galilée, c’est-à-dire, de poursuivre les politiques visant à réduire la taille de la région où vivaient des citoyens palestiniens et d’étendre celle où vivaient les juifs.

    En 2005, comme vice-Premier ministre dans le cabinet d’Ariel Sharon, Peres a renouvelé ses attaques contre les citoyens palestiniens avec des plans pour encourager les Israéliens juifs à s’installer en Galilée. Son plan de « développement » couvre 104 communautés – 100 d’entre elles exclusivement juives.

    Dans des conversations secrètes avec les responsables américains la même année, Peres prétendait Israël avait « perdu un million de dunams [1000 kilomètres carrés] de terres du Néguev pour les Bédouins », ajoutant que le « développement » du Néguev et de la Galilée pouvait « soulager ce [qu’il] appelait une menace démographique ».

    Soutenir les colonies illégales en Cisjordanie

    Alors que le projet de colonisation d’Israël en Cisjordanie est vu comme principalement associé au Likoud et d’autres partis nationalistes de droite, c’est en fait le parti Travailliste qui commencé la colonisation du territoire palestinien nouvellement conquis. Et Peres y a participé avec enthousiasme.

    Durant le mandat de Peres comme ministre de la Défense, de 1974 à 1977, le gouvernement Rabin a établi un certain nombre de colonies clés en Cisjordanie, dont celle d’Ofra pour laquelle de grandes sections ont été construites sur des terres palestiniennes volées.

    Après avoir joué un rôle de premier plan dans les premiers jours de l’entreprise de colonisation, Peres est intervenu ces dernières années pour contrecarrer toute mesure, aussi modeste soit-elle, pouvant sanctionner les colonies illégales – toujours, bien sûr, au nom de la protection des « négociations de paix ».

    Le massacre de Qana

    En tant que Premier ministre en 1996, Peres a ordonné et supervisé l’agression militaire « Raisins de la colère », au cours de laquelle les forces armées israéliennes ont massacré quelque 154 civils au Liban et en ont blessé 351 autres. L’opération, largement soupçonnée d’avoir été un spectacle pré-électorale de démonstration de force, a délibérément transformé les civils libanais en cibles.

    Selon le site officiel israélien Air Force, l’opération a impliqué « le bombardement massif des villages chiites dans le sud du Liban, afin de provoquer un flux de civils au nord, vers Beyrouth, appliquant ainsi la pression sur la Syrie et le Liban pour qu’ils bloquent le Hezbollah. »

    L’incident le plus notoire de la campagne a été le massacre de Qana, quand Israël a bombardé un camp des Nations Unies et tué 106 civils qui s’y abritaient. Un rapport de l’ONU a déclaré que, contrairement aux affirmations israéliennes, il était « peu probable » que le bombardement « ait été le résultat d’erreurs techniques et/ou de procédure. »

    Plus tard, les artilleurs israéliens ont dit à la télévision israélienne qu’ils n’avaient aucun regret pour le massacre, puisque les morts étaient « juste un groupe d’Arabes. » Quant à Peres, sa conscience était tout aussi propre : « Tout a été fait selon une logique claire et d’une manière responsable, » a-t-il dit. « Je suis en paix. »

    Gaza – défendre le blocus, la brutalité, la violence

    Peres a décidé de lui-même d’être un des ambassadeurs mondiaux les plus importants d’Israël au cours des dix dernières années, tandis que la bande de Gaza était soumise à un blocus dévastateur et à trois grandes offensives militaires israéliennes. Malgré l’indignation mondiale devant ces politiques, Peres a toujours soutenu la politique de punition collective et la brutalité militaire.

    En janvier 2009, par exemple, malgré les appels lancés par les « organisations israéliennes de défense des droits humains … pour que l’opération ‘Plomb durci’ soit arrêtée », Peres a décrit « la solidarité nationale derrière l’opération militaire » comme « une heure de gloire d’Israël. » Selon Peres, le but de l’agression « était de donner un coup puissant à la population de Gaza afin qu’elle perde son envie de tirer vers Israël. »

    Au cours de l’opération militaire « pilier de défense » en novembre 2012, Peres « a pris la tâche de contribuer à l’effort de relations publiques d’Israël, transmettant le récit israélien aux dirigeants de la planète », selon la citation d’Ynetnews. A la veille de l’offensive israélienne, « Peres a averti le Hamas que s’il veut une vie normale pour les habitants de Gaza, alors il doit cesser de tirer des roquettes sur Israël. »

    En 2014, lors du bombardement sans précédent de Gaza, Peres s’est escrimé encore une fois pour blanchir les crimes de guerre. Après que les forces israéliennes aient massacré quatre petits enfants jouant sur une plage, Peres savait qui blâmer – les Palestiniens : « C’est une zone où nous avions prévenu qu’elle serait bombardée, » a-t-il affirmé. « Et malheureusement, ils n’ont pas écarté les enfants. »

    Le blocus étouffant, condamné internationalement comme une forme de punition collective tout à fait illégale, a également été défendu par Peres – précisément parce qu’il est une forme de punition collective. Comme Peres l’a dit en 2014 : « Si Gaza cesse le feu, il n’y aura pas besoin d’un blocus. »

    Le soutien de Peres pour la politique de punition collective s’est également étendu à l’Iran. Commentant en 2012 les rapports selon lesquels six millions d’Iraniens souffrant de cancer ont été incapables d’obtenir le traitement médical nécessaire en raison des sanctions, Peres a déclaré : « S’ils veulent revenir à une vie normale, qu’ils deviennent normaux. »

    Fier de ses crimes jusqu’à la fin

    Peres a toujours été clair sur l’objectif d’un accord de paix avec les Palestiniens. Comme il l’a dit en 2014 : « La première priorité est de préserver Israël comme un État juif. Tel est notre objectif central, ce pour quoi nous nous battons ». L’année dernière, il a réitéré ces sentiments dans une interview avec l’Associated Press, en disant : « Israël doit mettre en œuvre la solution de deux États dans son propre intérêt, » afin de ne pas « perdre sa majorité [juive]. »

    Ce rappel révèle le fond du soutien des Travaillistes pour les Accords d’Oslo. Rabin, parlant à la Knesset peu de temps avant son assassinat en 1995, était clair sur le fait que ce que voulait Israël des Accords d’Oslo était une « entité » palestinienne qui serait « moins qu’un État ». Jérusalem serait la capitale indivisible d’Israël, les colonies clés seraient annexées et Israël resterait dans la vallée du Jourdain.

    Il y a quelques années, Peres a calomnié les Palestiniens comme pratiquant « l’auto-victimisation » et il déclara : « Ils se victimisent. Ils sont inutilement victimes de leurs propres erreurs. » Une condescendance aussi cruelle était caractéristique d’un homme pour qui la « paix » a toujours signifié la pacification coloniale.


    *


    Ben White est journaliste indépendant, écrivain et militant, spécialiste Palestine/Israël. Il est diplômé de l’université de Cambridge.

    http://www.info-palestine.eu/

  • Israël/Territoires palestiniens occupés. (Amnesty)

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    Hadeel al-Hashlamoun, âgée de 18 ans va mourir...

    Une série d'homicides illégaux démontre un mépris flagrant pour la vie humaine

    Près d'un an s'est écoulé depuis la vague de violence meurtrière qui s'est abattue sur Israël et les territoires palestiniens occupés (TPO), et les forces israéliennes  continuent de faire preuve d'un mépris flagrant pour la vie humaine en utilisant de façon illégale et irresponsable la force meurtrière contre des Palestiniens, a déclaré Amnesty International le 28 septembre.

    Dans un mémoire adressé aux autorités israéliennes le 14 septembre, l'organisation expose en détail 20 cas manifestes d'homicide illégal de Palestiniens commis par les forces israéliennes, et demande des éclaircissements sur les enquêtes. Dans au moins 15 de ces cas, des Palestiniens ont été délibérément abattus alors qu'ils ne représentaient aucun risque imminent pour la vie d'autrui, et il s'agit manifestement d'exécutions extrajudiciaires. Les autorités israéliennes n'ont pas répondu aux préoccupations exprimées par Amnesty International.

    « Depuis le début de l'escalade de la violence en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, l'an dernier, on assiste à une multiplication des homicides commis par les forces israéliennes, favorisée par une culture de l'impunité, a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

    « Les cas d'homicide illégal présentés dans le mémoire démontrent un mépris flagrant pour la vie humaine, et posent de graves questions pour les autorités israéliennes. Les responsables présumés doivent être déférés à la justice pour que cesse cette vague d'homicides illégaux. »


    Depuis le 1er octobre 2015, Israël et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, ont connu la plus grave vague de violences recensée depuis la fin de la deuxième intifada, en 2005. Plus de 225 Palestiniens et trois ressortissants étrangers ont été tués par les forces israéliennes l'an dernier, dans la plupart des cas lors d'une attaque présumée ou réelle ou d'une tentative d'attaque contre des soldats, des policiers ou des civils israéliens. Au moins 35 Israéliens et deux ressortissants étrangers ont été tués au cours de la même période par des Palestiniens.

    Dans certains cas, la force meurtrière a peut-être été le seul moyen de protéger la vie de civils ou de membres des forces de sécurité. Toutefois, ainsi que le montrent les cas exposés dans le mémoire, dans de nombreux cas, les personnes tuées ne représentaient aucune menace imminente pour la vie d'autrui. Cela inclut notamment les cas où les forces israéliennes ont tiré sur des personnes qui étaient blessées ou qui s'enfuyaient ou sur des manifestants non armés.

    Les homicides illégaux commis par les forces israéliennes ne sont pas une nouveauté. Dans un rapport datant de 2014 intitulé La gâchette facile. L’usage d’une force excessive par Israël dans les territoires palestiniens occupés, Amnesty International a exposé 19 cas d'homicides illégaux manifestes, dont trois cas pour lesquels il existe des éléments prouvant qu'il y a eu une intention de tuer, ce qui constitue un crime de guerre.

    Alors que les violences se poursuivent en Israël et dans les TPO, les familles des personnes tuées de façon illégale l'an dernier n'ont toujours pas obtenu justice. Sur les 20 cas exposés dans le mémoire, une condamnation a été prononcée contre un soldat dans un seul cas. Dans de nombreux cas, alors qu'il existe des éléments prouvant qu'il s'agit d'une exécution extrajudiciaire, aucune enquête pénale n'a été ouverte.

    Hadeel al Hashlamoun était âgée de 18 ans quand elle a été abattue par les forces israéliennes à Hébron, le 22 septembre 2015. Selon des témoins, elle tenait un couteau, mais était séparée des soldats par des clôtures métalliques. Un examen de ce cas mené par l'armée israélienne a abouti à la conclusion qu'elle aurait pu être arrêtée vivante. Amnesty International n'a connaissance d'aucune enquête pénale sur sa mort.

    Le père d'Hadeel, Salah Hashlamoun, a déclaré : « Je passe par une phase de grave dépression et de désespoir. Cela fait maintenant un an que ma fille a été tuée, et le problème ce n'est pas seulement que nous n'avons pas obtenu la moindre miette de justice, mais qu'Israël continue de tuer nos jeunes, et que les homicides se multiplient.

    « Je veux faire toute la lumière sur le cas de ma fille, de nouveau maintenant du fait de cet anniversaire ; pas seulement pour obtenir justice, mais aussi pour tenter de ralentir le rythme des meurtres qui augmente à nouveau. »

    Le neveu de Salman Shaalan, Mahmoud Muhammad Ali Shaalan, avait 16 ans quand il a été tué, le 26 février 2016, au poste de contrôle de Beit El, près de Ramallah. Selon les témoignages recueillis par Amnesty International, il a été abattu à distance par des soldats israéliens après avoir été refoulé au point de contrôle. Une autopsie a confirmé cette version des faits, mais aucune enquête pénale n'a encore été ouverte sur cet homicide. La famille n'a pas été autorisée à avoir accès à la vidéo montrant l'homicide.

    Salman Shaalan a déclaré : « Nous vivons un cauchemar. Tout indique qu'il a été tué sans aucune raison, alors personne ne dit rien, dans l'espoir que ça passera. Ils n'ont ouvert aucune enquête, et ne découvriront pas ce qui s'est passé.

    « Nous sommes aujourd'hui confrontés à une réalité qui est qu'Israël peut faire tout ce qu'elle veut sans que personne ne l'oblige à rendre des comptes. J'espère que l'heure de la justice va bientôt sonner. »

    Les recherches menées par Amnesty International montrent que la justice militaire est systématiquement incapable de rendre justice pour les victimes palestiniennes d'homicides illégaux et pour leurs proches. L'attitude du département de la police chargé des enquêtes internes, en cas d'allégations d'homicides illégaux commis par la police israélienne, incite également à douter de sa capacité à mener des enquêtes impartiales et indépendantes.

    « Les proches d'Israéliens tués par des Palestiniens peuvent compter sur un État qui va activement mener des poursuites contre les agresseurs, en outrepassant parfois même les limites de la légalité. Par contre, les Palestiniens n'ont personne pour protéger leurs droits », a déclaré Philip Luther.

    « La seule façon d'empêcher d'autres homicides illégaux est de mettre fin à l'impunité dont bénéficient ceux qui ont commis de tels actes par le passé. Israël a l'obligation de diligenter des enquêtes exhaustives et impartiales sur tous les homicides commis par ses forces de sécurité, et de tenir les familles pleinement informées de l'avancée des investigations. Le gouvernement israélien doit réformer de toute urgence son système d'enquête afin de pouvoir remplir ses obligations et déférer à la justice les responsables présumés d'exécutions extrajudiciaires. »

    28 septembre 2016

    https://www.amnesty.org/

    Lire aussi:

    Hadeel al-Hashlamoun

  • Israël : Netanyahou passe à la caisse, Obama encaisse (NPA)

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    Il y a quelques jours, le conseiller de Benjamin Netanyahou pour les questions de sécurité, Jacob Neguel, est allé à Washington pour signer un accord stratégique pour dix ans avec les États-Unis. Une mince affaire de 38 milliards de dollars [sic].

    Après avoir traité Barack Obama et son administration de tous les noms d’oiseaux, le Premier ministre israélien n’est pas gêné pour passer à la caisse, et j’imagine qu’il dira même merci du bout des lèvres. Obama, qui n’aime ni Netanyahou ni sa politique, fera certainement un discours sur l’amitié éternelle entre les États-Unis et Israël, d’autant qu’il veut aider Hillary Clinton dans sa campagne électorale, et comme tous les candidats à la présidence, elle a besoin du soutien des amis d’Israël.

    Netanyahou lui aussi présente cet accord comme une grande victoire personnelle.

    En fait, ce n’est pas un « big deal », comme disent les Américains : depuis plusieurs décennies déjà, Israël reçoit chaque année du Trésor américain plus de trois milliards de dollars en aide militaire, et il n’y a donc pas de changement substantiel, malgré les vantardises d’un Premier ministre qui a besoin de renforcer son soutien populaire, alors que le parquet semble décidé à aller jusqu’au bout dans son enquête sur des affaires de corruption de la famille Netanyahou.

    Pourquoi, malgré les inimitiés flagrantes et des divergences politiques importantes, l’administration états­unienne renouvelle-t-elle son soutien massif à l’État d’Israël ? Certains mentionneront l’influence du lobby pro-israélien (juif et surtout évangéliste) comme raison première de cette aide militaire sans précédent. En fait, si son influence est réelle sur les élus, elle reste relative au niveau de l’administration étatsunienne, qu’elle soit démocrate ou républicaine.

    La bonne affaire étatsunienne

    Ce qui sous-tend l’alliance stratégique pérenne entre Washington et Tel Aviv, c’est d’abord et avant tout le rôle d’Israël au Moyen-Orient et sa place dans le système de défense de l’Empire. En échange de 3,8 milliards de dollars annuels pendant dix ans et du bouclier diplomatique que Washington lui fournit, Israël protège les intérêts globaux des États-Unis dans la région… et parfois au-delà.

    Finalement, tout compte fait, il s’agit d’une bonne affaire pour les États-Unis :

    l’État hébreu remplace une 9e flotte dans la région, qui aurait coûté beaucoup plus… De plus, s’il devait y avoir des morts, ce seraient des soldats israéliens et pas des GIs. Israël est un immense porte-avion des forces armées américaines pour une somme relativement modeste.

    Le problème auquel ont parfois été confrontées les administrations américaines, c’est qu’il arrive à l’allié israélien de prendre des initiatives qui ne sont pas toujours en accord avec les priorités de la Maison-Blanche et du Département d’État. C’est la queue qui essaie de bouger le chien… Mais dès lors que des intérêts stratégiques étatsuniens sont en jeu, la queue doit se soumettre à la volonté du chien, comme vient de le confirmer l’accord entre Washington et l’Iran, ces derniers étant toujours considérés par les néoconservateurs israéliens comme une menace globale contre le monde libre [sic], qui ne peut être désamorcée que par la force.

    Avec le chèque, les États-Unis auraient bien fait d’expliquer à Benjamin Netanyahou les nouvelles réalités géostratégiques et la nécessité pour Israël de changer de disque dur.

  • Avant de tirer sur un Palestinien, le sniper israélien lui demande : « où veux-tu être touché ? » (AURDIP)

    Quatre balles tirées par un sniper ont touché Mohammed Amassi, un jeune boulanger palestinien qui se trouvait sur la terrasse de sa maison dans le camp de réfugiés d’Al-Fawwar.

    Alors qu’aujourd’hui, il essaie de se remettre de ses blessures, il se souvient des mots provocateurs du soldat avant que celui-ci tire sur lui.

    Pourquoi gaspiller les mots quand la vidéo de l’agence d’information palestinienne Ma’an montre pratiquement tout ? Les soldats israéliens sont sur la terrasse de l’immeuble d’à côté : l’un se trouve sur la terrasse du dessous, deux sur le balcon de l’appartement au-dessus de la terrasse, et deux autres sont à l’affût derrière une fenêtre de l’appartement. Quelques adolescentes et des enfants les observent depuis la terrasse voisine. Silence total. Soudain, les deux soldats sur le balcon lèvent les mains, comme pour un signal, et l’un d’eux, le sniper, se met à viser et à tirer. Sur la terrasse de l’immeuble, Mohammed Amassi est touché. Il tombe à terre et commence à ramper pour sauver sa vie, il se penche pour descendre de la terrasse. Enfin, une équipe médicale parvient à le faire descendre par une échelle. La seule chose que tient Amassi, c’est son téléphone portable. Rien sur lui n’a pu apparaître comme menaçant les soldats sur la terrasse d’en face, à environ 80 mètres de là. Le sniper l’a visé et il a tiré, l’atteignant, balle après balle. La paume de l’une de ses mains est couverte de sang ; il se tord de douleur, sidéré.

    Quelques semaines plus tard, Amassi, 22 ans, est dans sa salle de séjour, étendu sur un nouveau lit réglable qui lui a été prêté par une organisation caritative palestinienne. C’est un beau jeune homme, souriant et calme. Sa maison familiale est bien tenue, comparée à d’autres à Al-Fawwar – un camp de réfugiés pauvres, le plus au sud de la Cisjordanie et l’un de ceux qui ressemblent le plus aux camps de réfugiés de la bande de Gaza, qui n’en est pas très éloignée.

    Le 16 août, un très important détachement des Forces de défense israéliennes, composé de centaines de soldats, a fondu sur Al-Fawwar au milieu de la nuit.

    En moins de 24 heures, ils ont tué une personne et en ont blessé des dizaines d’autres. Ce qu’ils ont saisi : deux vieux pistolets. (Amira Hass a écrit sur cette incroyable opération, « Un tué et des dizaines de blessés dans un camp de réfugiés palestiniens, tout cela pour deux pistolets », dans le Haaretz du 21 août). Les résidents du camp étaient convaincus que le raid n’était rien d’autre qu’un exercice d’entraînement de plus effectué à leurs dépens.

    Nous sommes arrivés à Al-Fawwar la veille de l’Aïd al-Adha (la fête du sacrifice). Dans la boucherie, une vache est découpée pour la fête. Ceux qui peuvent se permettre d’acheter de la viande se sont rassemblés autour de la bête, attendant leur part. Les FDI effectuent rarement des raids sur ce camp surpeuplé, où vivent environ 10 000 personnes sur une zone d’un kilomètre carré. Les troupes n’y sont pas revenues depuis ce raid.

    Amassi est le fils du boulanger du camp, Ibrahim Amassi, et l’aîné de six frères et sœurs. Leur boulangerie familiale est la plus ancienne d’Al-Fawwar, elle date de la fondation du camp de réfugiés au début des années 1950. Au cours des dernières années, elle a fabriqué principalement des bretzels, des biscuits et des pâtes spéciales pour les plats traditionnels. Mohammed a étudié l’aménagement intérieur de maison, mais plus tard il s’est fait boulanger, pour répondre aux besoins de sa famille. Il travaille en deux équipes chaque jour, le matin et l’après-midi, sept jours par semaine. Il n’a jamais été arrêté ni même interrogé par les autorités israéliennes. Au-dessus de la salle de séjour, où il est actuellement en convalescence, un autre appartement a été construit : c’est là qu’il vivra quand il sera marié et qu’il aura sa propre famille.

    Il a une main bandée, et ses deux jambes sont marquées par les blessures et les cicatrices des tirs et des opérations qui ont suivi. Cloué sur son lit, Amassi continue de souffrir d’une douleur intense. On ne sait pas s’il sera capable de remarcher et de se resservir de sa main. À l’heure actuelle, il peut seulement boitiller tout autour en s’aidant de béquilles. Le jour de ce gros raid le mois dernier, ses jeunes frères et sœurs l’ont réveillé à 6 h 30 du matin, trois heures après que les soldats étaient entrés dans le camp. Les troupes parcouraient les ruelles et avaient pris le contrôle des immeubles. Dans un premier temps, les habitants du camp ont pensé que les soldats étaient venus pour démolir la maison de Mohammed al-Shobaki, qui a attaqué au poignard un soldat des FDI en novembre dernier et qui avait été tué ensuite. Cependant, il est vite apparu que les troupes avaient d’autres intentions, mais ils ne savaient pas lesquelles.

    En observant la scène

    Ce jour-là, tout le camp est monté sur les terrasses, observant la scène, et Amassi ne fait pas exception. Sa maison a deux terrasses : une, avec un garde-corps pas très haut, où les gens s’installent les chaudes nuits d’été ; et au-dessus, une terrasse non fermée, pour la citerne à eau et l’antenne parabolique. Amassi est monté sur la terrasse supérieure pour avoir une meilleure vue. C’est dangereux à cet endroit : pas de clôture, ni rien pour se mettre à couvert. Les équipes de Ma’an et de la chaîne de télévision, Palestine Aujourd’hui, se sont placées sur la terrasse de l’immeuble adjacent, qui offre une meilleure protection contre les soldats. Les affrontements ont lieu entre les soldats et des lanceurs de pierres dans la rue principale du camp, le calme prévaut ici, sur cette colline élevée où se situe ce quartier.

    Les troupes investissent quelques maisons – une trentaine selon Musa Abu Hashhash, chercheur de terrain de l’organisation israélienne des droits de l’homme B’Tselem – et ils fouillent quelque 200 maisons, creusant des trous dans des murs pour y embusquer des tireurs. Vers 9 h du matin, Amassi est en train de parler aux journalistes sur la terrasse d’à côté. Soudain, il entend un soldat qui s’est déployé sur le balcon de l’immeuble du dessous l’interpeller en arabe : « Où veux-tu la recevoir ? ». Amassi est pétrifié. Il sait ce que cela veut dire : dans quelle partie de ton corps veux-tu être touché par ma balle ?

    Amassi estime que rien ne justifie la question effrayante du soldat.

    La rue est calme, et Mohammed n’a rien fait qui puisse être interprété comme une menace pour les troupes qui se trouvent à 80 mètres de là à vol d’oiseau. Son père, Ibrahim, pense que les soldats ont tiré sur son fils pour montrer leur pouvoir devant les équipes des cameramen sur la terrasse d’à côté.

    « Qu’est-ce que le soldat t’a dit ? » lui demande Ismail Najar, un ami d’Amassi, depuis la terrasse voisine. Mais avant qu’Amassi puisse lui répondre, il voit le soldat le viser et commencer à tirer sur lui. Trois balles vont le frapper, à un rythme rapide. La première le touche à la jambe gauche, près du genou, la deuxième entre la hanche et sa cuisse gauche, et la troisième lui fracasse la jambe droite. Quand il lève les mains et crie au soldat : « Assez, assez », le sniper tire une fois encore, comme pour un « encore, encore ». La dernière balle le touche dans la paume de la main. Ce sont des balles Ruger de calibre 22, ou Toto, et qui ne le tuent pas.

    Amassi tente alors de se trouver un abri sur cette terrasse exposée, qui n’a pas d’abri. Il aurait pu tomber. Dans la vidéo publiée par Ma’an, on le voit ramper désespérément. Une échelle métallique légère, improvisée – sur laquelle j’avais peur de grimper – est le seul moyen d’accéder à la terrasse du dessus. Sans que l’on sache bien comment, les ambulanciers vont réussir à le redescendre. Ils l’emmènent à pied sur environ 150 mètres par une étroite ruelle jusqu’à leur ambulance, qui prend un chemin de déviation des soldats pour le conduire à l’hôpital Al-Ahli, dans la ville voisine d’Hébron. Amassi est à peine conscient. Il a subi des dommages au niveau des vaisseaux sanguins. Pour éviter d’avoir à l’amputer de sa jambe, il est transféré dans un autre hôpital d’Hébron, celui d’Alia. Mais là aussi, ils n’ont pas le spécialiste nécessaire. Le soir, il est alors transféré à l’hôpital gouvernemental de Ramallah, où il subit une intervention chirurgicale.

    En réponse à une question de Haaretz, le porte-parole de l’unité des FDI a répondu cette semaine : « Le 16 août, une opération militaire a été conduite dans le camp de réfugiés d’Al-Fawwar, avec l’objectif de contrecarrer et de frapper les infrastructures terroristes qui existent dans tout le camp. L’opération a compris des fouilles approfondies afin de s’emparer des moyens de combat, et aussi l’arrestation de cinq individus recherchés. Durant l’opération, les forces armées se sont trouvées sous des tirs réels et des troubles violents se sont développés avec des jets de pierres et de blocs de béton et des dizaines d’engins explosifs et cocktails Molotov, auxquels les forces ont répondu avec toute une série de moyens de dispersion et des tirs. La vidéo citée est tendancieuse et ne reflète pas la situation violente qui s’est développée dans le camp des réfugiés. »

    Amassi va passer dix jours à l’hôpital de Ramallah. Une balle reste logée profondément tout au fond de lui, quelque part entre sa taille, sa hanche et sa cuisse gauche, et les médecins ne sont pas sûrs de pouvoir l’extraire. Si tel n’est pas le cas, il devra probablement subir une nouvelle intervention chirurgicale, en Jordanie. Près de son lit, un bocal en plastique contient des fragments des deux balles qui furent avec succès extraites de son corps. Il prend cinq types différents d’analgésiques pour tenter de soulager la souffrance.

    Nous le laissons, et nous montons sur la terrasse. Il y a des tiges de fer enchevêtrées là où il est tombé. Quelques heures après qu’il a été touché, les troupes tuent Mohammed Abu Hashhash, 19 ans, qui est abattu au moment où il sort de sa maison, à quelques centaines de mètres de là, dans une autre rue. Les soldats ouvrent le feu à travers une brèche qu’ils ont ouverte dans le mur d’une maison voisine. Cette brèche, avec un portrait de l’adolescent tué peint sur le mur, constituent un monument à la mémoire de ce jeune homme dont le meurtre fut probablement inutile, comme le fut le tir sur le jeune boulanger d’Al-Fawwar.

    http://www.aurdip.fr/

    | Gideon Levy et Alex Levac pour Haaretz 
  • Critiquer Israël, est-ce antisémite ? (UJFP)

    critiquer_israel_est-ce_antisemite.png

    Conférence-débat avec Pierre Stambul, coprésident de l’Union juive française pour la paix (UJFP), qui présentera également son dernier ouvrage "Chroniques de Gaza".

    Organisée par l’Association Agir pour la Palestine.

    C’est désormais un refrain connu, dont les ardents défenseurs de la politique du gouvernement Netanyahu usent et abusent : émettre la moindre critique sur Israël, c’est forcément être antisémite.

    Une antienne vieille de plusieurs décennies, qui s’accentue à mesure que le gouvernement israélien glisse vers l’extrême-droite et annihile toute amorce de débat sur la situation en Palestine.

    Les militants pacifistes qui n’ont de cesse, en France ou à travers le monde, de dénoncer le sort réservé au peuple palestinien, ceux qui appellent au boycott des produits israéliens à travers le mouvement BDS, seraient donc avant tout guidés par la « haine des juifs » ?

    Mais que se passe-t-il lorsque les juifs eux-mêmes montent au créneau pour dénoncer les dérives de la société israélienne, les exactions commises dans les territoires occupés, soumis à un régime d’Apartheid ? C’est l’essence même du combat mené par Pierre Stambul au sein de l’UJFP (Union juive française pour la paix).

    A l’image des engagements de l’humanitaire Rony Brauman (ex-président de Médecins sans frontières), du journaliste Michel Warchawski ou encore de l’historien Shlomo Sand, cette prise de position permet de nuancer le tableau et de garder la tête froide au moment de définir des termes trop souvent employés à tort et à travers : qu’est-ce que le sionisme ? L’antisionisme ? A quoi renvoie le terme « sémite » ? Quelle différences entre antisionisme et antisémitisme ? Peut-on être critique de la politique israélienne sans être antisioniste ?

    Autant d’interrogations, parmi une foule d’autres, qu’une rencontre avec Pierre Stambul, invité par l’association Agir pour la Palestine, le 5 octobre à Montargis, permettront d’éclaircir.

    Le militant ne manquera pas non plus d’évoquer la situation à Gaza, où il s’est rendu récemment. Ce territoire surpeuplé, enclavé, pris à la gorge par Tsahal, l’armée israélienne, vit dans la crainte de la prochaine attaque. La dernière, hâtivement qualifiée de « guerre », a fait plus de 2.000 victimes palestiniennes (1.500 civils, dont plusieurs centaines d’enfants). Ce dramatique épisode, durant l’été 2014, ne doit pas faire oublier, en période d’accalmie, la tragédie humanitaire quotidienne de près de deux millions de Gazaouis : la majorité d’entre eux n’a ni accès à l’eau potable, ni à des soins décents. Le taux de chômage à Gaza était le plus élevé au monde en 2015, selon la Banque mondiale.

    http://www.ujfp.org/