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IVè Internationale - Page 10

  • Syrie. La conférence des donateurs: garder les Syriens loin des rives européennes (A l'Encontre)

    Maarat al-Numan (Syrie), lundi 15 février. Un hôpital soutenu par Médecins sans frontières a été la cible de bombardements dans la province d'Idleb.

    Maarat al-Numan (Syrie), lundi 15 février. Un hôpital soutenu
    par Médecins sans frontières a été la cible de bombardements
    dans la province d’Idleb.

    Par Razan Ghazzawi

    Le mercredi 17 février, les grands médias – dans le cadre de la campagne d’intoxication sur la «mise en attente» d’une Conférence de Genève 3 qui n’a jamais eu lieu – tambourinent sur les «convois humanitaires» organisés par le Croissant-Rouge syrien en direction des villes «assiégées», une réalité connue, mais camouflée par l’ONU, qui ne mit l’accent, après un certain temps, que sur Madaya, où les enfants crèvent de faim, au sens littéral du terme, ou, pour les dénutris durant des mois, porteront le poids de très graves séquelles pour toute leur vie.

    A grands frais d’annonce, le 17 février, il est diffusé que: «Un premier convoi, composé de 35 camions, chargés de milliers de sacs de farine, de rations alimentaires, et de médicaments, est entré dans la ville de Moadamiyyat al-Cham, tenue par les rebelles au sud de Damas.» Car, semble-t-il, sur les 46 villes encerclées (officiellement), il n’y en a qu’une par «les rebelles»? Celles bombardées par l’aviation russe, encerclées par l’armée syrienne de Bachar, ses groupes mafieux, les mercenaires d’Iran et d’Irak, du Hezbollah n’existeraient pas. En outre, le Croissant-Rouge syrien n’est pas exactement une structure indépendante du régime! 

    Dans l’histoire, «on» a connu 75 médecins, infirmières et auxiliaires de la Croix-Rouge suisse – selon des modalités négociées avec le Conseil fédéral et le général Guisan – être placés sous les ordres du colonel-divisionnaire Eugen Bircher pour porter secours aux troupes allemandes du Troisième Reich sur le front russe. L’ambassadeur suisse à Berlin, Hans Frölicher, avait conseillé cet appui et reçu le soutien de Johannes von Muralt, colonel-divisionnaire et président de la Croix-Rouge suisse! Ces secouristes-humanitaires – dont une presse helvétique presque officielle (Neue Zücher Zeitung) vantait les mérites dans la «lutte contre le bolchevisme» – furent intégrés, de facto, dans l’armée allemande, car soumis au code pénal militaire nazi.

    Une analogie avec le statut du Croissant-Rouge syrien ne relève pas de l’ordre de la spéculation. En outre, l’acheminement des convois est totalement soumis à l’armée syrienne et à ses supplétifs. Or, la trêve est loin d’être assurée, comme le promettait l’envoyé de l’ONU Staffan de Mistura à ne pas confondre avec S. de Mystification. Donc l’avance des convois est conditionnée à des «strictes règles de sécurité». Lesquelles sont appliquées – et pour qui en Syrie? – par le régime.

    En outre, cet «effort humanitaire», non seulement permet de détourner les regards des massacres divers commis – qui s’ajoutent à ceux de Daech (gaz moutarde, entre autres) –, mais aussi de donner à la filouterie de Genève 3 un semblant de réalité, alors qu’il s’agit de laisser le régime d’Assad en place. Il n’est pas trop nécessaire d’insister sur l’aspect médiocre de cette «aide», alors qu’un tout récent rapport de l’ONU indique que plus d’un million de personnes manquent de nourriture, d’électricité et d’eau courante, dans les 46 localités encerclées par les belligérants. Dans l’article de Razan Ghazzawi, publié ci-dessous, est abordée une autre facette de la «politique des pays donateurs». (Rédaction A l’Encontre)

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    Razan Ghazzawi lors de l'Autre Davos 2016 à Zurich)

     

     

     

     

     

     

     

    Razan Ghazzawi lors de l’Autre Davos 2016 à Zurich

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    Un peu plus tôt ce mois-ci [le 4 février], 30 dirigeants du monde entier se sont retrouvés à Londres pour la quatrième conférence internationale afin de réunir les promesses de dons destinés à l’aide humanitaire des victimes de la guerre civile syrienne.

    NOW News a parlé avec des représentant·e·s de la société civile syrienne qui étaient présents à la conférence afin de connaître leur appréciation de cet événement. Cet article tente de dévoiler la logique derrière les priorités et les préoccupations exprimées lors de la réunion des donateurs. La conférence Supporting Syria est, d’une manière ou d’une autre, un exemple capital des politiques menées en ce qui concerne l’aide étrangère destinée aux Syriens affectés par la guerre civile

    [Voir aussi l’article publié sur ce site en date du 7 février, intitulé: «Quelle aide au peuple syrien?»].

    Pour la première fois des Syriens ont été invités
    à la conférence des donateurs

    La conférence des donateurs de Londres est la quatrième de ce type. Les trois premières conférences se sont tenues au Koweït en 2013 (elles ont collecté 1,5 milliard de dollars), 2014 (2,4 milliards) et 2015 (3,8 milliards). La conférence de cette année était significative non seulement parce que les pays donateurs ont fait des promesses de dons s’élevant à 10 milliards de dollars en aide humanitaire sur quatre ans, mais parce que, pour la première fois, des Syriens y ont été invités – bien que cela ait été «à la toute dernière minute», a déclaré à NOW un représentant de la société civile syrienne. Le premier ministre britannique, David Cameron, a indiqué lors d’une conférence de presse que les donateurs s’étaient engagés à verser 6 milliards de dollars pour cette année, auxquels s’ajoutent 5 milliards jusqu’en 2020.

    Les quatre représentants de la société civile syrienne avec lesquels NOW s’est entretenu ont formulé des éloges quant au succès de la rencontre des organisations de la société civile (CSO), qui s’est tenue un jour avant la conférence des donateurs. Les organisations de la société civile syrienne «s’accordaient» sur les priorités pressantes en Syrie, auxquelles devaient répondre, ainsi que l’expliquait un travailleur humanitaire, les dons. «Il y avait une déclaration rédigée par les organisateurs afin que nous la lisions et l’approuvions. Nous ne l’avons même pas lue, nous avons écrit et fait circuler notre propre déclaration», affirma le représentant de la société civile.

    Malgré le pas notable qu’a représenté l’invitation de Syriens à la réunion de cette année, certaines préoccupations concernant les capacités organisationnelles ont été soulevées: «Bien que la rencontre des CSO ait été décidée en septembre 2015, nous n’en avons été avertis qu’en janvier!» s’est plaint un travailleur humanitaire. Lors d’une réunion séparée, un autre agent humanitaire expliquait dans quelle mesure un tel retard a pu affecter la participation de Syriens: «Tout le monde sait à quel point il est difficile d’assurer un visa pour un délai aussi bref, en particulier pour les Syriens en ce moment», a-t-il déclaré alors qu’il parlait de la mission impossible que représentait l’obtention de son visa pour le Royaume-Uni. En outre, «dès lors que tout a été fait à la dernière minute», a-t-il remarqué, «nous avons dû réserver nous-mêmes les hôtels et acheter nos propres billets», laissant entendre que certains Syriens n’ont pas même pu venir en raison du manque de fonds.

    De telles limitations dans l’organisation de l’événement ont conduit à des «nominations croisées» par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) et d’autres organisations internationales dans la sélection de représentants de la société civile syrienne. «Aucun Syrien de l’intérieur à l’exception d’une personne, nous parlons tous anglais, nous sommes tous connus des partenaires internationaux, pour résumer, nous sommes tous des privilégiés, comme le dit l’un de nos collègues», a conclu le travailleur humanitaire.

    Néanmoins, malgré la «présence symbolique» de Syriens à cette conférence, les quatre travailleurs humanitaires ont apprécié les efforts visant à inclure des voies syriennes dans le processus. Ils ont aussi souligné l’importance de la présence de personnes non privilégiées, en particulier celles venant de l’intérieur du pays.

    Plus de 10 milliards de dollars promis pour faire face
    à la «crise des réfugiés»s et pour éviter «la radicalisation»

    Ceux qui suivent étroitement les développements et comprennent les raisons derrière la grande différence entre les promesses de dons de cette année et les promesses des années précédentes savent que la crise des réfugiés est une préoccupation sérieuse pour les nations européennes. La conférence des donateurs de 2016 reflétait cette inquiétude. Ainsi que la doctoresse Rouba Mhaissen l’a décrite, la conférence des donateurs était une «stratégie de rétention afin de garder les réfugiés éloignés des frontières européennes». Elle a été façonnée en fonction des besoins des puissances. Ce sentiment était évident dans la plupart des discours européens. Par exemple, le premier ministre du Royaume-Uni, David Cameron, dans son article publié dans le quotidien The Guardian un jour avant la conférence des donateurs, n’aurait pu être plus clair: «La conférence de Londres est une tentative radicale de recentrer les efforts de la communauté internationale sur le sauvetage des vies en Syrie et pour empêcher les réfugiés de risquer leurs vies par désespoir. Alors que nous aspirons toujours à une Syrie pacifique, nous devons apporter l’espérance que seules la stabilité sociale et des perspectives économiques sur le long terme peuvent apporter.»   

    «Empêcher les réfugiés de risquer leurs vies» sort ici de son contexte. Monsieur D. Cameron pourrait facilement ouvrir les frontières de son pays et sauver les vies de réfugiés. Mais la logique humanitaire l’emporta sur une approche politique lors de la rencontre des donateurs. Les discours ont accordé peu d’attention aux causes de la guerre, aussi bien qu’à l’ensemble de la crise humanitaire qui, en premier lieu, a rassemblé 30 dirigeants du monde entier à Londres: le régime Assad.

    L’urgence de la crise des réfugiés en Europe a pavé la voie à ces promesses de dons élevées qui seront utilisés afin d’assister les pays hôtes des réfugiés de la région: la Turquie, le Liban et la Jordanie, qui ont demandé des possibilités d’emplois pour leurs citoyens parallèlement aux réfugiés. En outre, les promesses assureront que tous les enfants ont accès à l’éducation «à compter de la fin de la prochaine année scolaire», ainsi que l’espère Cameron. Après tout, «fournir cette éducation est un acte humanitaire et juste», ainsi que nous le rappelle une fois de plus Cameron dans son article, mais il s’agit aussi d’une stratégie contre le radicalisme. Il poursuit: «C’est aussi une chose essentielle pour la stabilité à long terme. Une génération de réfugiés écartée de l’école signifie une génération de jeunes adultes non seulement inaptes au travail mais aussi plus vulnérables à l’extrémisme et à la radicalisation. Empêcher cela correspond à tous nos intérêts.»   

    En d’autres termes, l’éducation est et a toujours été un droit, mais suite aux attentats de Paris, l’éducation pour les enfants réfugiés est nécessaire pour la «stabilité à long terme», parce que l’on craint désormais qu’une génération sans éducation soit vulnérable à la radicalisation. En effet, le motif des priorités de la rencontre et leur logique reflètent celles de l’Europe plus que celles des Syriens eux-mêmes. Laila Alodaat, responsable du Programme de réponse aux crises auprès de la Women’s International League for Peace and Freedom, décrit ainsi ses préoccupations envers une telle approche: «La protection était absente [de la conférence]. Ils parlaient de secours, insensibles au fait qu’il ne s’agit pas d’une catastrophe naturelle, il s’agit d’un ensemble de crimes réalisé par des êtres humains et il est plus simple de les arrêter que de trouver des manières de secourir les victimes et les survivants.»   

    La conférence Supporting Syria est un autre véhicule utilisé pour attirer l’argent des donateurs au nom de la lutte d’un peuple pour sa survie afin de le garder loin de leur continent (l’Europe) et aider les Etats (Liban, Jordanie et Turquie) qui rendent l’obtention des permis de résidence et les visas plus difficile, d’un côté, ainsi que, de l’autre, des institutions comme l’ONU qui a été accusée de paver la route de la famine pour les habitants de Madaya. Alodaat ajoute: «Aucun argent n’a été collecté lors de la conférence des CSO, tout a été collecté lors de la conférence des donateurs et sera géré par l’ONU (ce qui est, en soi, problématique car l’ONU a une histoire et des pratiques horribles, en particulier en Syrie). En ce moment, il n’y a pas de mécanisme de contrôle au niveau des communautés et nous ne sommes pas en mesure d’exercer une surveillance.» 

    Plutôt que d’utiliser les ressources mondiales pour assister les victimes des guerres qui ont besoin de nourriture, de sécurité et d’un abri, la conférence Supporting Syria 2016 est une démarche collaborative des dirigeants du monde afin d’aider les puissants contre les démunis sous le nom d’aide [humanitaire]. Il est évident que cette logique d’institutionnalisation reflète le sentiment contre les réfugiés qui monte en Europe et, plus largement, dans les pays occidentaux. Ce qui signifie que seul un mouvement d’activistes de base en faveur de l’accueil des réfugiés, antiraciste et anti-impérialiste pourrait répondre avec un discours suffisamment fort pour contrer le discours fascistoïde. Ce qu’un tel mouvement favorable à l’accueil des réfugié·e·s pourrait enseigner aux 30 dirigeants du monde entier, c’est en quoi une politique de solidarité est ce dont les réfugié·e·s ont le plus besoin. (Article publié le 16 février 2016 sur le site now.mmedia.me, traduction A l’Encontre.

    Publié par Alencontre le 18 - février - 2016

    Razan Ghazzawi a participé à L’Autre Davos de janvier 2016 qui s’est tenu à Zurich. Son intervention, en anglais, peut être écoutée ici: http://sozialismus.ch/das-war-das-andere-davos-2016/

    http://alencontre.org/syrie-la-conference-des-donateurs-garder-les-syriens-loin-des-rives-europeennes

  • Le problème du PKK, comme d’Erdogan, c’est la Syrie (Révolution Permanente)

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    Syrie, Turquie, Mouvement kurde, Daech : interview de Masis Kürkçügil

    Alors que les négociations de Genève pour l’avenir de la Syrie sont au cœur des préoccupations internationales, nous publions l’interview que nous a accordée Masis Kürkçügil à Istanbul fin décembre. Il y revient sur la situation en Syrie et en Turquie et apporte des éléments pour comprendre le mouvement kurde aujourd’hui. Masis Kürkçügil est écrivain, éditeur et dirigeant de Yeniyol, la section turque de la Quatrième internationale - Secrétariat unifié. Il a fondé en 1978 la première revue trotskiste de Turquie, « Sürekli Devrim » (Révolution Permanente).

    Propos recueillis par Pierre Reip

    LA SYRIE ET DAECH

    Révolution Permanente : Quel avenir se dessine pour la Syrie ?

    Masis Kürkçügil : Un accord a été trouvé entre les Etats-Unis, la Russie et l’Iran, mais la Turquie n’est pas sur la même ligne, notamment du fait de la question kurde. C’est pourquoi Erdogan continue à mener la politique internationale qu’il souhaite.

    Selon moi, dans quelques mois, le régime devrait reprendre le contrôle de Damas et Alep. Assad risque de rester au pouvoir encore deux ans au moins et les Kurdes vont surement négocier avec lui pour gagner une certaine autonomie au Rojava.

    La Turquie est en dehors du jeu. Le projet de zone tampon d’Erdogan n’est pas plausible. Les Etats-Unis n’en veulent pas. Pour maintenir une zone tampon, il faut contrôler l’espace aérien. Avant le 30 septembre, c’était déjà difficile, et maintenant c’est impossible, du fait de l’intervention militaire russe. La Turquie est très isolée géopolitiquement. L’armée turque n’a pas les moyens militaires de passer de l’autre côté de la frontière. Elle serait directement écrasée par l’armée russe.

    RP : L’Union Européenne, avec Merkel et les Etats-Unis continuent pourtant de soutenir Erdogan, même après l’abattage de l’avion russe.

    M.K. : Ils étaient obligés de se montrer solidaires d’Erdogan, mais il ne faut pas oublier que les Etats-Unis et Merkel ont insisté auprès du gouvernement turc pour qu’il négocie avec les Kurdes. L’un ne va pas sans l’autre.

    RP : On parle beaucoup de Daech en France, mais vu l’évolution de la situation en Syrie, est-ce que cette organisation peut perdurer ?

    M.K. : C’est toujours discutable, mais il ne faut pas oublier qu’en Turquie les sympathisants de Daech représentent entre 4 et 7% de la population. C’est énorme. Ce n’est pas un parti organisé, ni un parti-mouvement, mais grâce à leurs médias, ils ont des sympathisants, des gens organisés.

    En 2016, Daech va probablement perdre Raqqa. Ils vont rester en Irak et dans l’Ambar, à l’Ouest de Bagdad, « leur région », entièrement sunnite. C’est une grande région, mais majoritairement désertique et peu peuplée en dehors de Raqqa.

    RP : Quel est le degré de contrôle qu’a Daech sur les populations majoritairement sunnites des territoires qu’il contrôle ?

    M.K. : Tout dépend de la situation en Irak. On sait très bien que sous Maliki [premier ministre chiite d’Irak entre 2006 et 2014], les Sunnites étaient totalement mis à l’écart du gouvernement. C’est pour cela que des anciens officiers du parti Baas participent à Daech. Si les Sunnites arabes en Irak sont intégrés au gouvernement, la situation peut changer. Sinon, le mouvement perdurera comme une forme de nationalisme arabe sunnite intégré dans une région séparée du reste de l’Irak.

    RP : On peut donc définir Daech comme une expression dégénérée d’un nationalisme arabe sunnite ?

    M. K. : Bien sûr, mais il faut bien comprendre que pour l’instant il n’y a aucune alternative politique. Après la destruction de l’Irak, les Chiites n’ont pas trouvé de solution pour unifier tous les peuples d’Irak. Il ne faut pas oublier en outre qu’il y a eu plus de 300 000 morts en Syrie, la plupart tués par l’Etat d’Assad. Dans une situation comme celle-ci, il est très compréhensible qu’un mouvement de ce type se développe.

    LE MOUVEMENT KURDE

    RP : Au sein d’un Moyen-Orient toujours plus morcelé, le mouvement Kurde suscite beaucoup d’espoir en Europe, voire même un certain romantisme. S’agit-il toujours d’un mouvement de libération nationale classique ?

    M. K. : Le PKK est défini comme une « organisation terroriste » en Europe et aux Etats-Unis : qu’est-ce que cela signifie ? Le mouvement kurde est un grand mouvement national, qui milite au moins dans 4 pays : Syrie, Irak, Iran, Turquie. Le PKK est une organisation politique, armée. Quand on utilise des armes, on peut toujours être taxé de terroriste. Cependant le terme de terrorisme désigne normalement une petite organisation qui ne fait de la politique que par la terreur. Ici nous avons un grand parti qui obtient 6 millions de votes [le HDP]. Ce n’est pas comme Baader-Meinhof [Fraction armée rouge (RAF) en Allemagne dans les années 1970]. Il faut bien distinguer les choses.

    RP : À l’extrême gauche, d’aucuns pensent qu’il faudrait organiser une campagne de solidarité internationale pour envoyer des armes et de l’argent au PKK, sur l’exemple de ce qui s’est fait avec le Vietnam et la guerre d’Algérie.

    M.K. : Contre Daech, le PKK a besoin d’avions, pas des armes que pourraient envoyer l’extrême-gauche européenne. Lors de la Guerre d’Algérie, la Quatrième internationale avait créé une petite usine à la frontière pour fabriquer des armes. Mais là, la Russie a déjà fourni des armes au PKK. Les Etats Unis ont donné cinquante tonnes de matériel militaire. Et dès que les forces armées Kurdes gagnent du terrain, elles obtiennent aussi des armes, des véhicules et des moyens financiers. C’est la même chose pour Daech. Mais, par rapport aux autres conflits au Moyen-Orient, la résistance kurde, à Kobané notamment, la participation des femmes et du peuple à la guerre, c’est important politiquement. Il ne faut pas minimiser cela. En même temps, les relations avec les autres groupes politiques peuvent être problématiques, au Rojava, par exemple. Récemment des Assyriens ont protesté contre les forces armées Kurdes. Ces derniers temps le mouvement Kurde utilise le terme de « forces démocratiques de Syrie », dans la volonté d’intégrer les Arabes, les Assyriens et les Turkmènes. C’est un fait, mais il s’agit essentiellement d’un mouvement national qui négocie avec Assad, avec Hollande, avec les Etats-Unis, les Russes.

    RP : Quels rapports entretiennent la gauche turque et le mouvement Kurde ?

    M.K. : La gauche turque n’a pas une force suffisante pour soutenir militairement, matériellement et politiquement le mouvement kurde. Des petites organisations soutiennent totalement le PKK. C’est leur choix. À Yeniyol, au lieu d’opter pour un soutien inconditionnel, nous avons appelé à voter HDP aux élections du 7 juin et du 1er novembre, tout en menant une campagne indépendante. Malheureusement, pour le 1er novembre, après l’attentat d’Ankara du 10 octobre, il était impossible de mener une campagne politique, pour nous, comme pour le HDP.

    Mais il ne faut pas oublier que le PKK est une organisation du Moyen-Orient. Pour eux la priorité n’est pas la Turquie, mais la Syrie. En Syrie, le PKK a trouvé un espace pour gagner une légitimité internationale.

    RP : Est-ce que le PKK veut reproduire l’exemple nord-irakien ?

    M.K. : Barzani [PDK, Irak] est un conservateur. Le PKK est un mouvement marxiste, à l’origine. Il s’agit de deux courants différents qui sont en concurrence pour diriger la nation kurde. C’est pourquoi la Syrie est très importante pour le PKK, mais l’Irak, c’est une toute autre affaire. Avec le Rojava, le PKK peut gagner une légitimité, au niveau national et international. S’ils obtiennent une région autonome en Syrie, ils pourraient représenter directement une partie de la nation kurde, alors que maintenant ils ne sont, aux yeux du monde, qu’une organisation armée.

    LA SITUATION EN TURQUIE

    RP : Après les élections du 1er novembre en Turquie, certains analystes ont parlé d’un retour de la stabilité, qu’en penses-tu ?

    M.K. : On a toujours combattu cette vision. On a clairement dit qu’Erdogan avait gagné avec un discours très droitier, nationaliste et autoritaire. Comme c’est avec ce discours qu’il a gagné les élections, il est logique qu’il continue sur cette voie. C’est sûr que maintenant, la situation politique en Turquie est pire qu’au 1er novembre, mais ça va continuer.

    RP : Est-ce qu’on retourne au niveau de violence qu’il y avait dans les années 1990 contre le mouvement kurde ?

    M. K. On ne peut pas comparer la période actuelle avec celle d’il y a 25 ans. La situation a totalement changé. Primo, un parti a gagné entre 5 et 6 millions de votes [le HDP]. Secundo, le monde a changé. La Russie ne joue pas le même rôle sur le plan international. Aujourd’hui le PKK est plus fort. Avant il était dans la montagne. Maintenant il est dans la vie. Cela fait trente-cinq ans que le mouvement existe. Certes, beaucoup de Kurdes critiquent le PKK, ne soutiennent pas ses positions, mais ils sont contre l’Etat turc. Ils ont bien compris que même si le PKK commet des erreurs, les exactions de l’Etat turc sont terribles.

    Aujourd’hui le rapport de force est différent, au niveau national et international, mais malgré tout, même si c’est difficile à comprendre peut-être, dans deux mois, une négociation pourrait commencer. En 2012, le PKK a déclaré la guerre révolutionnaire du peuple. Ils ont eu des centaines de morts, peut-être mille personnes, et quelque mois après, Abdullah Öcalan a appelé à des négociations. Avec l’Etat turc il peut arriver que les négociations soient mis au « congélateur », mais elles ne sont jamais jetées à la poubelle, elles peuvent toujours reprendre.

    RP : De quel point de vue est-ce que les Kurdes critiquent le PKK ?

    M.K. : Ils critiquent essentiellement le gouvernement turc, mais il y avait une négociation l’année dernière et tout le monde était content. Désormais, beaucoup ne comprennent pas. Le HDP a passé deux fois le barrage, au fond c’est une grande réussite. Le HDP a obtenu plus de sièges que le parti fasciste, le MHP, le HDP est le troisième parti de Turquie, un des vice-présidents de l’Assemblée nationale est du HDP, et puis le PKK veut continuer la lutte armée… Pourquoi ? Le HDP a 59 députés, le 7 juin, il en avait obtenu 80. Est-ce qu’il faudra attendre d’avoir 500 députés ? C’est impossible. Même l’AKP n’a pas 500 députés. Lors des élections du 7 juin, un des dirigeants du PKK s’était exprimé en disant que 13%, ce n’était pas un succès et que si le HDP avait eu une tactique juste, ils auraient pu obtenir 20%. Alors que chacun sait que c’est impossible ! 20% c’est énorme, c’est Podemos. Mais ce discours signifie que le succès de Selahattin Demirtas et du HDP, n’était pas une bonne nouvelle pour la direction du PKK.

    Le problème du PKK, comme d’Erdogan, c’est la Syrie. Le HDP, de son côté, lors de ses discours pendant les élections, déclarait vouloir être un parti de Turquie à part entière et avoir une politique pour toute la Turquie. Cette position a eu un certain écho, même s’ils l’ont abandonnée depuis.

    RP : Il y a donc des contradictions importantes dans le mouvement kurde ?

    M.K. : C’est normal, vous avez deux pôles différents : l’un qui fait de la politique parlementaire et intervient dans les mouvements sociaux, et l’autre qui mène la lutte armée et intervient dans la géopolitique du Moyen-Orient, il est difficile de combiner les deux. On sait bien que les directions militaires du mouvement méprisent un peu la politique civile.

    RP : Ces derniers temps, le HDP a un peu changé son profil et a commencé à mener une politique plus nationale, plus centrée sur la question kurde. Est-ce que la gauche turque va continuer à être derrière le HDP ?

    M.K. : Erdogan a une position très claire. La gauche est contre Erdogan et donc ils continueront malgré tout à soutenir le mouvement kurde. Il ne faut pas oublier que la répression est terrible. Ce n’est pas un conflit dans la montagne entre l’armée et la guérilla. Beaucoup d’enfants, de vieillards sont morts. C’est terrible. Le gouvernement n’a pas de véritable raison pour écraser des villes, des quartiers avec une telle violence et bombarder les gens comme cela. Le PKK a certes commis des erreurs, mais ce n’est rien à côté de ce que fait Erdogan.

    RP : Quel avenir pour le mouvement social en Turquie ? Il y a des morts presque tous les jours. Le niveau de violence est extrême, mais à Istanbul et dans les grandes villes, il n’y a pas de mobilisation massive.

    M.K. : On a essayé de mobiliser, mais c’est très difficile. Avant, lors des rassemblements, on avait le temps de faire un discours avant d’être violemment dispersés par la Police. Mais aujourd’hui, même les rassemblements sont interdis.

    C’est un véritable état d’exception. Les droits démocratiques les plus élémentaires n’ont pas cours ici. C’est Erdogan qui décide tout. Par exemple, les deux journalistes qui sont en prison, ne sont pas des journalistes de la presse d’extrême gauche. Cumhuriyet, c’est « Le Monde » de Turquie. C’est incroyable, ils sont accusés d’être des agents secrets, pas en tant que journalistes. La question demeure, mais de quel Etat ? Parce que si vous êtes agents secrets, vous travaillez pour un Etat !

    RP : De France, que pourrait-on faire en termes de solidarité internationaliste avec la gauche de Turquie et le mouvement Kurde contre la répression ?

    M.K. : En principe, s’il n’y a pas de mouvement réel, c’est difficile de mener des actions de solidarité.
    Bien sûr, il faut faire quelque chose contre la répression du mouvement Kurde, et contre l’Etat islamique, mais politiquement. Chercher à envoyer des armes est inutile. J’ai travaillé sur la guerre d’Algérie. L’usine d’armes de la Quatrième internationale, c’était bien, mais les faux papiers c’était mieux. L’armée de la frontière n’a pas pris part aux combats. La France a gagné la guerre du point de vue militaire, mais c’est politiquement qu’elle l’a perdu.

    Envoyer des médicaments c’est plus utile, parce que c’est difficile d’en trouver au Moyen-Orient. Les armes, on a du mal à en trouver en France, mais il n’en manque pas là-bas.
    Agiter la perspective du soutien militaire peut être un moyen de se défausser lorsqu’on n’a pas mené la bonne politique auparavant…

    http://www.revolutionpermanente.fr/Syrie-Turquie-Mouvement-kurde-Daech-interview-de-Masis-Kurkcugil

    Pour en savoir plus:

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?auteur10253

     

     

  • Tunisie: Les six jours qui ont de nouveau fait trembler l’ordre néocolonial (NPA)

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    Un calme relatif règne sur la Tunisie, après 6 jours de colère qui ont replongé le pays dans l’atmosphère insurrectionnelle de janvier 2011...

    C’est la crise de l’emploi qui a mis, de nouveau, le feu aux poudres ! Et ce sont encore des jeunes, notamment des « diplômés-chômeurs» qui se sont soulevés contre un gouvernement soumis aux ordres du capital mondial. Celui-ci poursuit la même politique économique et sociale qui ne cesse  d’alimenter la ruine économique et le chaos social.

    La nouvelle explosion de colère des sans-emploi a débuté le 17 janvier à Kasserine1, à la suite du décès du jeune diplômé-chômeur Ridha Yahyaoui lors d’une action de protestation. Très rapidement, la contestation a embrasé l’ensemble du pays. L’ampleur et la rapidité d’extension du mouvement, mais aussi les violences qu’il a déchaînées, ont poussé le pouvoir à décréter un couvre-feu sur l’ensemble du territoire2. Ce dernier a permis un retour au calme après des affrontements et des heurts violents entre manifestants et forces de l’ordre.

    Les dégâts sont importants : un policier est décédé et on dénombre plusieurs centaines de blessés des deux côtés. Le couvre-feu s’est traduit par l’arrestation de plus de 500 personnes, tous des malfaiteurs et des casseurs selon le ministère de l’Intérieur.

    Un mouvement discrédité, voire criminalisé

    Les crimes du système économique et social, qui ont poussé les classes populaires et la jeunesse à l’insurrection révolutionnaire il y a cinq ans, à savoir le chômage des diplômés du supérieur, le sous-emploi de masse et la misère généralisée, ont connu une extension phénoménale après la révolution. Le taux de chômage se situe officiellement à 15,3 %. Le sous-emploi touche deux actifs occupés sur trois. Le nombre de familles répertoriées comme étant extrêmement pauvres et bénéficiant des programmes d’aides de l’État, s’élève à 834 000 familles, soit environ 42 % de la population. Dans le même temps, beaucoup d’autres familles pauvres sont exclues de ce statut qui garantit un minimum vital3.

    Le chômage des diplômés du supérieur a augmenté de 71 % depuis 2010 : leur nombre est passé de 139 000 à 242 000 en 20154. Parmi eux, 34 000 médecins, pharmaciens et ingénieurs. Dans le même temps, plus de 100 000 sont en situation de chômage déguisé, insérés dans des programmes créés à cet effet.
    Le gouvernement, les quatre partis de la coalition gouvernementale, ainsi qu’une bonne partie de la presse ont tenté de discréditer, voire de criminaliser, la révolte des jeunes sans emploi. Le Front populaire, quant à lui, n’a pas hésité à soutenir le mouvement, reconnaissant même qu’il y est impliqué.

    Cette nouvelle révolte a remis à l’ordre du jour la grave crise sociale dans laquelle ne cesse de s’enliser la Tunisie. Elle a démontré aussi que le processus révolutionnaire conserve toute sa vigueur, malgré un bilan largement négatif. Plusieurs sit-in se poursuivent et réclament des réponses claires et rapides à un gouvernement très affaibli et aux abois. Des appels ont été lancés pour la reprise des manifestations.

    De Tunis, Fathi Chamkhi
    Député Front populaire

    • 1. Kasserine est une ville du sud-ouest, située à environ 280 km de Tunis.
    • 2. Le couvre-feu de 20h à 5h a été mis en place le 22 janvier. Il renforce ainsi l’état d’urgence en vigueur jusqu’au 21 février 2016.
    • 3. Une pension mensuelle d’environ 68 euros par famille (150 000 familles), plus un carnet de soins médicaux gratuits (232 000 familles) ou bien à demi-tarif (602 000 familles), des aides à la scolarité : 13 euros par élève (333 000 élèves) à chaque rentrée scolaire, et 45 euros par étudiant (40 000) à l’occasion de la rentrée universitaire.
    • 4. http ://www.ins.nat.tn/indexfr.php

    https://npa2009.org/tunisie-les-six-jours-qui-ont-de-nouveau-fait-trembler-lordre-neocolonial

     
  • Tunisie. Cinq ans après le 14 janvier 2011 (Al'Encontre.ch)

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    Entretien avec Fathi Chamkhi conduit par Dominique Lerouge

    Janvier 2011 avait vu se lever un immense espoir dans la région arabe. Cinq ans plus tard, la contre-révolution y a incontestablement marqué des points dans nombre de pays. C’est dans ce cadre que se situe l’entretien de Fathi Chamkhi dont des extraits sont présentés ci-dessous. Militant de la LGO (Ligue de la Gauche ouvrière), Fathi est un des dirigeants et députés du Front populaire qui regroupe l’essentiel des partis de gauche, d’extrême gauche et nationalistes arabes [1].

    Quel est à ton avis le changement le plus important depuis 2011?

    Le changement le plus important, ce sont les Tunisiens et Tunisiennes eux-mêmes et elles-mêmes. Aujourd’hui, la peur existant pendant plus de 50 ans de pouvoir despotique a en grande partie disparu. Les Tunisiens ont cessé de se taire. Ils n’hésitent pas à faire grève et à descendre dans la rue. Pas un jour ne se passe sans qu’on enregistre une mobilisation sociale ou politique.

    Même si des reculs ont lieu, il n’y a pas de restauration de «l’ordre» ancien. La situation politique demeure instable.

    Qu’est-ce qui a changé dans les conditions de l’action politique?

    Le pouvoir n’arrive toujours pas à dominer la société. Il n’arrive pas à mettre en application les diktats du FMI, de la Banque mondiale et de la Commission européenne, parce qu’une résistance diffuse existe partout.

    Même s’il a beaucoup régressé depuis son échec au pouvoir en 2012-2013, Ennahdha demeure le deuxième parti. Il participe à nouveau au gouvernement depuis le début 2015.
    [Nidaa Tounes a placé Beji Caïd Essebsi (BCE) à la place de président, en décembre 2014. Toutefois, les nouvelles démissions de deux parlementaires de Nidaa Tounes – Houda Slim et Rabha Belhassine – aboutissent à un total de démission de 21 membres au cours des derniers mois. D’autres semblent devoir suivre, en réaction à la «politique d’exclusion» qui impose la «politique du fait accompli». La question de la «stabilité gouvernementale» ou de réorganisation des relations conjointes entre Nidaa Tounes et Ennahdha, qui est en lien avec l’annonce des contre-réformes par BCE, laisse profiler des réactions sociales, aussi bien par les travailleurs que les jeunes chômeurs et chômeuses. A cela s’ajoute le rôle de l’aile islamiste radicale qui recrute dans un secteur de jeunes laissés à la dérive sociale et politique, entre autres dans les régions périphériques dans lesquelles les attentes de 2011 (et d’avant 2011) sont déçues. En outre, des alliances «croisées» s’effectuent dans ce champ politique. – Réd. A l’Encontre]

    Autour d’Ennahdha gravite une nébuleuse salafiste souvent liée au terrorisme.

    Les organisations de gauche, d’extrême-gauche, ainsi que les nationalistes arabes, ont maintenant une existence légale. L’essentiel d’entre elles sont organisées dans un front et sont présentes au Parlement.

    Qu’est-ce qui a changé dans la structuration du champ politique?

    Dans la période post-coloniale, la Tunisie a été gouvernée par un seul parti politique, avec des évolutions dans sa gestion sous Ben Ali. La révolution a mis fin à cette situation. Aujourd’hui aucun parti ne peut gouverner à lui seul le pays, comme l’ont démontré les élections de 2011 et 2014. Aucun parti n’a en effet la majorité pour gouverner. Je pense que l’on est définitivement débarrassé d’un système avec un parti unique pouvant gouverner seul, et c’est un changement important.

    Sur les cinq dernières années, deux ténors importants ont émergé :
    •Rached Ghannoucchi, leader du parti islamiste Ennahdha,
    •Béji Caïd Essebsi (BCE), fondateur de Nidaa Tounes, et président de la République depuis fin 2014.

    Ces cinq dernières années ont été placées sous le signe de ce binôme, et on s’est acheminé vers une forme de pouvoir reposant sur ces deux partis, l’un se réclamant de l’islamisme et l’autre du «modernisme». La fraction majoritaire de Nidaa, menée par Essebsi, a très clairement fait alliance avec Ennahdha.

    Mais même en s’unissant, les deux premiers partis ne parviennent pas à gouverner. Et il en va de même pour les quatre partis [le CPR de Marzouki à qui avait été accordée la présidence de la République, Ettakatol – section tunisienne de l’Internationale socialiste –, dirigé par Ben Jafaar, à qui avait été attribuée la présidence de l’Assemblée constituante] composant le gouvernement actuel, alors qu’ils ont ensemble plus de 80% des députés.

    Simultanément, le mouvement «progressiste», la gauche, et plus particulièrement l’extrême-gauche, apparaissent comme désarmés face à la situation. Désarmés politiquement, incapables de convaincre et de gagner la confiance des classes populaires, comme on l’a vu au niveau électoral. Et cela aussi pendant les journées révolutionnaires que par la suite.

    Qu’est-ce qui a changé au cœur de l’appareil d’Etat?

    Du temps de Ben Ali, le rôle de l’armée était faible, et elle n’avait pas de rôle politique. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. L’armée reste toujours en dehors du jeu politique, et c’est très bien ainsi. C’est très différent de l’Egypte et de l’Algérie.

    Début 2011, elle n’a pas été utilisée pour mâter la révolution, mais pour garder les bâtiments, les banques, etc. Ensuite, elle a été largement utilisée contre les groupes terroristes, surtout dans les zones montagneuses. Les militaires n’ont jamais autant travaillé.

    En ce qui concerne la police, il y a plusieurs choses nouvelles:

    • Du temps de Ben Ali, c’était l’outil de surveillance de l’opposition et d’encadrement de toute la société. Ce rôle a été beaucoup réduit.
    • La seconde chose digne d’intérêt est l’infiltration des islamistes qui ont profité de leur passage au pouvoir en 2012-2013 pour s’implanter, et disposer de leurs propres hommes.
    • La troisième est qu’avec la dissolution du RCD (le parti de Ben Ali), nombre de ses anciens membres et cadres ont adhéré à Ennahdha, ou peuvent être considérés comme faisant partie de leurs réseaux.

    Une rupture a-t-elle eu lieu avec la politique néolibérale de Ben Ali?

    Ce cap dicté par le FMI, la Banque mondiale et la Commission européenne a été conservé. Il a même été aggravé avec «l’Accord de libre-échange complet et élargi» (ALECA).

    Le FMI dit et redit qu’il faut geler les salaires, mais la combativité syndicale impose de façon continuelle des réajustements salariaux à la hausse, à la grande fureur de Christine Lagarde.

    Que sont devenus les corrompus de l’ère Ben Ali ?

    Tout d’abord, il existe plusieurs catégories de corrompus :

    • Tout en haut, ceux du clan Ben Ali-Trabelsi qui ont pris la fuite et vivent en exil.
    • En dessous, on trouve 400 à 500 «hommes d’affaires» qui sont allés en prison ou ont été interdits de quitter le territoire national. Mais leur nombre a été réduit à une centaine par la suite, puis à presque rien aujourd’hui. Beaucoup d’avoirs et de biens restent confisqués, mais leur nombre est en régression.
    • Pire encore, avec son projet de loi de «réconciliation», le président de la République (ECB) voulait parvenir à une amnistie générale. Mais les mobilisations l’ont contraint à faire marche arrière

    Néanmoins, les tenants de la réconciliation totale avec les corrompus de l’ancien régime ne désarment pas.

    Comment a évolué la situation économique et sociale pour la majorité de la population?

    Il est difficile, voire impossible de constater la moindre amélioration dans le domaine économique, social et écologique. Au contraire, c’est le recul à tous les niveaux.

    Celui-ci a été particulièrement marqué en 2015 où la croissance attendue est aux alentours de zéro.

    Tous les principaux indicateurs économiques sont en net recul :
    • l’épargne est à son plus bas niveau historique;
    • l’investissement local (privé et public) est en net recul;
    • le déficit budgétaire atteint des records;
    • les exportations sont en berne;
    • l’inflation se maintient à niveau élevé d’environ 5 % (bien plus élevé sur les biens de premières nécessité).

    La dette publique était de 25 milliards de dinars en 2010, elle est de 50,3 milliards actuellement. Le remboursement de la dette est la ligne budgétaire la plus importante. Il représente 18% du budget de l’Etat.

    Le 6 janvier 2016, la Commission des finances de l’Assemblé a débattu de deux nouveaux emprunts :

    • Le premier d’entre eux est un emprunt obligataire sur le marché financier américain pour un milliard de dollars à un taux de 5,75%, remboursable d’un seul coup au bout de dix ans, à un taux cumulé très élevé (59%).
    • Le second emprunt est de 50 milliards de yens sur le marché japonais, remboursable aussi au bout de dix ans, et dont le coût total s’élève 35%.

    A cela, il faut ajouter que le budget de l’Etat en 2016 continue sur la lancée de ceux de l’ancien pouvoir, avec le gel des embauches dans la fonction publique, la compression maximum des investissements directs publics, la surtaxation des salariés (61% des impôts directs contre 39% pour les profits) et des classes populaires en général. La TVA est la principale source fiscale du budget (environ 28% des recettes fiscales).

    Rien n’est prévu par ailleurs pour stopper la dégradation continuelle de la situation dans les régions de l’intérieur. Elles continuent à être laissées pour compte tout en étant un foyer de tension sociale.

    La situation économique et sociale de la grande majorité des classes populaires s’est dégradée, et la pauvreté s’étend davantage.

    Le volume du chômage est supérieur à celui de 2010. Il y avait 14’000 diplômés-chômeurs en 2010, ils sont 250’000 actuellement selon les chiffres officiels.

    Le nombre de Tunisiens pris en charge par les différents programmes sociaux de l’Etat est de 4,7 millions de personnes pour une population totale d’environ 11 millions. Il s’agit des «pauvres», ou des «extrêmement pauvres» («indigents» selon la BM).

    Le bilan économique et social des cinq dernières années est globalement négatif: entre 2010 et 2015, la Tunisie a reculé de 15 places dans l’Indice de développement humain (IDH) du PNUD, passant de la 81e place à la 96e.

    Nous sommes face à une véritable catastrophe sociale, une détresse sociale. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le mécontentement soit important. On comprend la colère des travailleurs et des classes populaires en général.

    Qu’est-ce qui empêche le changement?

    La première raison est que les acteurs politiques nécessaires au changement font très largement défaut. Le mouvement progressiste en général et la gauche en particulier se sont trouvés désarmés aux niveaux théorique et organisationnel face à l’accélération du processus qui a abouti à janvier 2011 et sans implantation véritable au sein de la jeunesse et des quartiers populaires.

    C’est en grande partie une des conséquences de dizaines d’années de dictature, mais aussi parce que la gauche n’a pas su réagir comme il faut assez tôt. Elle a perdu un temps très précieux dans des querelles intestines. Cela a, par exemple, été le cas lors des élections d’octobre 2011 où la gauche était très éparpillée et ses diverses composantes se tiraient dans les pattes.

    Les forces qui auraient pu aider ce mouvement spontané à trouver ses repères, à concentrer ses forces et ne pas se tromper d’ennemi ont vraiment fait défaut.

    Il y avait également le manque évident d’expérience politique au niveau des masses, une absence de tradition de luttes politiques (et non pas au sens strictement syndical), si l’on excepte des soulèvements de temps à autre.

    L’autre question importante est l’absence de perspectives, l’absence d’alternative socio-économique, politique et régionale convaincante. La gauche n’a pas réussi à formuler une feuille de route pour une rupture avec l’ordre dominant.

    Simultanément a joué l’importance déterminante du facteur islamiste, un acteur très dynamique bénéficiant d’atouts très importants:

    • avant 2012, la Tunisie n’avait jamais connu de gouvernement islamiste;
    • l’islamisme avait un poids important, car il était en partie perçu comme une idéologie de résistance à la dictature car le pouvoir avait réprimé tout ce qui pouvait faire penser à l’islam politique.

    Tout cela explique pourquoi les perspectives n’étaient pas claires. Aujourd’hui encore, le potentiel de lutte et la combativité sont là, mais les forces accumulées ne savent pas où frapper, dans quelle direction agir. La vapeur existe, mais il n’y a pas de piston et de tuyau pour la canaliser. En tout cas, le Front populaire n’est pas le «piston et tuyau» qui convient, même si de temps en temps il fait du bon travail.

    Du temps supplémentaire est-il nécessaire?

    Peut-être, mais vu la dégradation rapide de la situation, il y a urgence face à, d’un côté, la pression de plus en plus importante du FMI, de la Banque mondiale et de la Commission européenne pour tout restructurer en profondeur; et, de l’autre, l’aggravation d’une situation de plus en plus pénible qui alimente le mécontentement et la colère, mais fait également le jeu de l’extrémisme religieux, du terrorisme.

    Lorsque les revendications sont claires et précises on voit de très fortes mobilisations, au-delà des clivages idéologiques, avec par exemple des grèves à près de 100%.

    Un des problèmes est de savoir comment engager la rupture avec l’ordre dominant. Le mouvement progressiste en reste à la contestation et à la dénonciation.

    Où en est la campagne contre la dette?

    Celle-ci a pris un nouveau départ le 17 décembre 2015, avec notamment une campagne d’affichage et de diffusion d’un livre. Une tournée dans l’intérieur du pays a été décidée.

    Le fait d’avoir 15 député·e·s aide-t-il le Front à mener des campagnes?

    A plusieurs reprises, les député·e·s du Front populaire ont manifesté dans la rue et sont intervenus à l’Assemblée contre le projet de loi de blanchiment des corrompus de l’ère Ben Ali.

    Ils sont récemment parvenus à bloquer la tentative de passage en force de certaines dispositions à ce sujet à l’occasion de la discussion de la loi de finances. A l’initiative du Front populaire, un recours a en effet été introduit auprès de la Haute Cour constitutionnelle provisoire, et cinq articles de la loi de finances ont été déclarés contraires à la Constitution. Cela a eu un impact politique positif sur la mobilisation.

    En ce qui concerne la dette, une proposition de loi sur l’audit de la dette est en préparation.

    Une bataille a lieu à l’Assemblée contre la normalisation des relations avec l’entité sioniste.

    Il en va de même au sujet de la lutte pour la dépénalisation de la consommation de cannabis (répression qui touche la jeunesse marquée par une certaine désespérance). (Propos recueillis par Dominique Lerouge le 10 janvier 2016)

    Publié par Alencontre le 15 - janvier - 2016

    [1] Les principales organisations constituant le Front populaire sont:

    • le Parti des travailleurs, anciennement PCOT, de tradition marxiste-léniniste,
    • le Parti des patriotes démocrates unifiés (PPDU) – ou Parti Watad unifié – également de tradition marxiste-léniniste (maoïste)
    • la Ligue de la gauche ouvrière (LGO), organisation trotskyste affiliée à la IVe Internationale,
    • le Courant populaire (nationaliste arabe nassérien),
    • le Mouvement Baath (nationaliste arabe),
    • Kotb (social-démocrate),
    • RAID (Attac et Cadtm en Tunisie).

    Ont notamment quitté le Front populaire: Tunisie verte, le Parti Watad révolutionnaire (marxiste-léniniste), le MDS, social-démocrate (D.L.)

    http://alencontre.org/moyenorient/tunisie/tunisie-cinq-ans-apres-le-14-janvier-2011.html

  • Royaume des Saoud. L’effet baril explosif d’une exécution (A l'Encontre.ch)

     Cheikh Nimr al-Nimr, dignitaire chiite et opposant à la dynastie sunnite des Saoud

    Cheikh Nimr al-Nimr, dignitaire chiite et opposant à la dynastie sunnite des Saoud

    Le Royaume des Saoud – client militaire des Etats-Unis, de la France, du Canada, de Grande-Bretagne et soutien de la dictature Sissi en Eygpte – bombarde le Yémen, depuis le 26 mars 2015, sous un logo militaire que l’on dirait cousu au Pentagone: «Tempête décisive». Plus exactement, les bombes royales – aux prix somptueux – devaient viser les positions des tribus Houthis, assimilés très rapidement au pouvoir de Téhéran [1]. Un Iran concurrent du Royaume dans cette région où les livres sacrés sentent le pétrole. Et une aire constituant une articulation géopolitique de première importance au même titre, dans les temps présents, qu’un champ de guerres agies par de nombreuses puissances impérialistes et sous-puissances impérialiste régionales dans un Moyen-Orient où les Etats-Unis ont perdu la main.

    Le type de coalition formée pour la «Tempête décisive» ­– qui a fait des milliers de morts civils, détruit des villes historiques et provoqué une des dites crises humanitaires les plus terribles, pour reprendre le langage orwellien de l’ONU – parle d’elle-même: 30 avions de combat fournis (initialement) par les Emirats Unis; 15 par le Bahreïn, où la majorité chiite est réprimée fermement; 15 par le Koweït et 10 par le Qatar. Des bombardiers gérés par les firmes les ayant vendues qui assurent le service dit «technique».

    Dans la foulée, les «combattants» de cette coalition sous-traitent «leur» guerre sur le terrain yéménite – qui est à la jonction d’une nappe pétrolière ne respectant pas les limites des cartes de géographie – à des mercenaires colombiens qui ont fait leur apprentissage dans une armée ayant combattu les FARC (Forces armées révolutionnaire de Colombie) et l’ELN (Armée de libération nationale) et aussi ayant servi de tueurs pour permettre aux grands propriétaires de Colombie – parmi lesquels de nombreux militaires haut gradés – d’étendre leur propriété en expulsant des paysans pauvres. Le New York Times du 25 novembre 2015 en donnait une bonne description.

    La firme organisant cette sous-traitance militaire pour des princes «guérilleros» était dirigée par un ancien de Blackwater, rebaptisée depuis les scandales trop médiatisés Academi (sic), Erik Pirince. Depuis lors, cette firme privée de mercenaires est passée sous la direction de l’armée émiratie. Les salaires sont à hauteur de 3000 dollars. Pour ce qui est du personnel inclus dans les «contrats d’assistance» garantis par les vendeurs d’armes et l’appareil militaire des pays livreurs, les salaires ne sont pas mentionnés dans les comptes du Royaume des Saoud. Il est vrai qu’ils sont aussi transparents que ceux de Nestlé ou d’Amazon. Car, sur la voie de la démocratie, le Royaume des Saoud a pris le risque de permettre aux femmes de conduire et même de voter pour des élus: des mercenaires galonnés d’un pouvoir qui leur échappe). Sans oublier d’infliger, en 2014, des peines capitales, exécutées proprement, à la hauteur de tête de 135 personnes (Les Echos, 15 octobre 2015).

    Ce pouvoir des Saoud a annoncé, le samedi 2 janvier 2016, l’exécution de 47 personnes condamnées pour «terrorisme». En dehors du caractère massif de ces exécutions, c’est un nom parmi tous les suppliciés qui fait l’effet d’un «baril d’huile enflammé» sur une région en feu: celui du cheikh al-Nimr. Un chef religieux chiite, opposant acharné et non-violent au régime saoudien incarné par la dynastie sunnite des Al-Saoud. Aussitôt rendue publique, son exécution a provoqué des manifestations à Bahreïn, des condamnations au Liban ainsi qu’en Irak. La réaction de Téhéran ne s’est pas fait attendre: «Le gouvernement saoudien soutient d’un côté les mouvements terroristes et extrémistes [allusion à la Syrie et au Yémen, ici Al-Qaida au sud Yémen] et dans le même temps utilise le langage de la répression et la peine de mort contre ses opposants intérieurs (…) il paiera un prix élevé pour ces politiques.» Ces paroles ont été prononcées par le ministre des Affaires étrangères Hossein Jaber Ansari; un diirigeant qui ne prononce pas de tels termes sans l’accord de plus hautes instances de la mollarchie.

    Une exécution strictement politique

    Agé de 56 ans, al-Nimr était un ardent défenseur de la minorité chiite dans ce pays où la population est à 90 % sunnite. Le dignitaire avait notamment mené, en 2011, la contestation populaire qui avait éclaté dans l’est du royaume, dans la foulée des «printemps arabes». «Cheikh al-Nimr était l’une des responsabilités religieuses les plus respectées de la communauté chiite. Il était un opposant assez déterminé. Contrairement à d’autres dirigeants qui avaient à partir de 1993 ouvert un dialogue avec les autorités, il était hostile à ce dialogue. Mais autant que l’on sache, il n’était pas impliqué dans des actions violentes contre le régime», décrit Alain Gresh, directeur du journal en ligne Orient XXI et journaliste du Monde diplomatique.

    Lors de son arrestation Cheikh al-Nimr – non-violent reconnu – avait été accusé d’avoir ouvert le feu sur les forces de l’ordre, sans que ces assertions soient vérifiées. Lui-même avait été blessé par balle entraînant plusieurs mois d’hospitalisation. Les autorités saoudiennes lui reprochaient «essentiellement de provoquer la division entre les musulmans et de mettre en cause l’unité nationale [..] on lui reprochait évidemment d’avoir des relations avec l’Iran, ce qui était sans doute le cas, mais au sens où de nombreux religieux chiites ont des relations avec ce pays», ajoute A. Gresh.

    Ce chef religieux avait ensuite été condamné en 2014 à la décapitation suivie de crucifixion pour «terrorisme», «sédition», «désobéissance au souverain» et «port d’armes» par un tribunal de Riyad spécialisé dans les affaires de terrorisme. «Lors de son procès, l’accusation s’est essentiellement appuyée sur ses prêches. Donc, il a surtout été condamné pour ses sermons», fait remarquer Adam Coogle, spécialiste du Moyen-Orient auprès Human Rights Watch (HRW).

    Selon HRW: «Son procès a été entaché de nombreuses irrégularités. En outre, il n’a pas eu de représentation légale lors de ses interrogatoires et les autorités ne lui ont pas donné l’opportunité de bénéficier d’une défense digne de ce nom. On ne peut pas considérer qu’il ait eu droit à un procès équitable.»

    Faire taire toute opposition

    L’exécution du cheikh al-Nimr exprime les prétentions régionales du nouveau roi Salman. Une décision propre à ceux, selon Gresh, qui ont «pris le pouvoir depuis la mort du roi Abdallah, avec notamment le roi Salman et surtout son fils et le ministre de l’Intérieur Mohammed Ben Nayef. Donc on a deux des trois principaux dirigeants qui sont très jeunes et qui ont fait preuve d’une agressivité sur le plan régional qui n’était pas habituelle chez les Saoudiens. On l’a vu lorsqu’ils ont déclenché la guerre contre le Yémen (…). Beaucoup s’interrogent, y compris parmi les alliés de l’Arabie saoudite, comme les Etats-Unis, sur la sagesse de cette équipe.»

    Washington marche sur un tapis de verres, sans être exactement un fakir. John Kirby, ancien contre-amiral de la marine des Etats-Unis et porte-parole du Pentagone, fait savoir: «Nous avons maintes fois fait connaître au plus haut niveau des autorités saoudiennes nos inquiétudes, et appelons à nouveau le gouvernement à respecter les droits de l’homme et à garantir des procès honnêtes.» Comme à Guantanamo? Salman a appris la leçon. Au-delà de la déclaration, le Département militaire comprend que le Royaume des Saoud est englué au Yémen, «mal pris» en Syrie et que Daech appelle la population à se soulever contre le pouvoir. Cela dans un contexte où la chute drastique des cours du pétrole a poussé les nouveaux dirigeants à imposer une politique d’austérité à laquelle la population saoudienne n’est pas accoutumée, pour utiliser un euphémisme. La crise régionale, redoublée de guerres, frappe à la porte du dit Occident.

    Publié par Alencontre le 3  janvier 2016

    [1] Nous reviendrons sur les traits et l’évolution de ce conflit. (Réd. A l’Encontre)

    http://alencontre.org/arabie-saoudite/royaume-des-saoud-leffet-baril-explosif-d'une-execution

  • PST (Algérie) : transferts sociaux, loi de finance, code de l’investissement à l’heure du libéralisme sauvage (Essf)

    Mohamed Rachedi SG du PST

    Les arguments du gouvernement battus en brèche

    NOUREDDINE BOUDERBA ET MAHMOUD RECHIDI, PORTE-PAROLE PST, ANIMENT UN DÉBAT SUR LE PLF 2016

    Invité d’un débat organisé par le PST, Noureddine Bouderba, syndicaliste et spécialiste des questions sociales, s’est employé, hier, une heure durant, à démonter les arguments utilisés par le gouvernement pour la suppression des transferts sociaux. Autant d’éléments, sur lesquels le Parti socialiste des travailleurs (pst) escompte construire le contre-discours ou le projet d’alternative politique.

    Lors de son intervention préliminaire, Mahmoud Rechidi, SG du PST, a estimé d’abord que la nouvelle orientation libérale du pays n’a pas commencé avec l’actuel gouvernement mais avec la politique de l’infitah qui remonte aux années 1990. Selon lui, la LF 2016 vise à liquider le secteur public, en procédant à l’ouverture du capital des grandes entreprises et remet en cause, même partiellement, les transferts sociaux. Et ce, d’une façon légale, à travers la loi de finances qui fait partie de tout un dispositif qui inclut le code du travail, la loi sur la santé et le code des investissements. Aussi, dit-il, “la révision de la Constitution annoncée est le couronnement de ces mutations”. il a argué que l’enjeu n’est pas tant dans la révision des mandats présidentiels mais dans la “constitutionnalisation de cette orientation, c’est-à-dire le basculement économique libéral qui est porteur d’un grand danger, en ce qu’elle porte atteinte à l’espoir sur lequel étaient bâti le mouvement national et l’Indépendance nationale qui étaient aussi contre l’exploitation sociale et pour l’égalité”.

    Pour l’orateur la loi de finances intervient dans un processus d’événements qui date depuis des années. Un constat largement partagé par Noureddine Bouderba, qui en a voulu pour preuve, l’annonce d’un texte plus grave encore, à savoir le code des investissements qui entre dans le perspective de tout privatiser en Algérie. Déjà que la LF 2016 n’est pas encore promulguée que l’on nous annonce la décision du gouvernement de remettre en cause progressivement les transferts sociaux dans le cadre de la protection sociale en Algérie, qu’il s’agit de remplacer par des transferts ciblés, parce que, d’après eux, ces transferts généralistes ou universalistes ne sont pas efficaces, affirme l’orateur. Plus grave encore, il pense que la déclaration du FCE, selon laquelle “les transferts sociaux tels qu’ils sont pratiqués en Algérie ne profitent qu’aux riches”, émanerait réellement des institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale et le fmi.

    L’expert devait battre en brèche les arguments selon lesquels, la suppression des transferts sociaux était nécessaire pour endiguer la surconsommation et la contrebande, en estimant, études à l’appui, que les mesures universalistes réduisent davantage la pauvreté que les programmes ciblant directement les pauvres. Il proposera à la place une stratégie de mobilisation des ressources.

    A. R.

    * Liberté. 20-12-2015 10:00 :
    http://www.liberte-algerie.com/actualite/les-arguments-du-gouvernement-battus-en-breche-238626#.VnZ9t2b

     

    Loi de Finance, code de l’investissement : un « libéralisme sauvage »

    Adoption de la loi de finances pour 2016 : Le PST accuse le gouvernement et le FCE de faire basculer le pays dans un « libéralisme sauvage »

    Etre de gauche aujourd’hui, « c’est faire barrage à la politique d’austérité annoncée par le gouvernement à travers l’adoption de la loi de finances pour 2016. Et le plus dangereux est le contenu du projet de code de l’investissement qui sera présenté à l’APN pour son adoption ».

    C’est ce qu’a déclaré hier le secrétaire général du Parti socialiste des travailleurs (PST), Mohamed Rachedi, lors d’une conférence de presse animée au siège de son parti conjointement avec l’expert Noredine Bouderba, également ancien membre de la Fédération des travailleurs des hydrocarbures, et consacrée au texte de loi de finances pour 2016 et ses répercussions sur la vie des citoyens.

    Pour le PST, l’adoption de la loi de finances pour 2016 « n’est pas le commencement de la privatisation des entreprises publiques en Algérie, mais elle s’inscrit dans le cadre d’un processus annoncé durant les années 1990 imposé par le Fonds monétaire international (FMI) et les multinationales dont les gouvernements successifs ont suivi à la lettre ses orientations économiques ».

    Pour Rachedi, il s’agit de dénoncer le danger de la loi de finances pour 2016 et son atteinte à la souveraineté nationale, et également cette « austérité imposée aux masses populaires ainsi que les cadeaux fiscaux décernés aux patrons et aux riches ». Pour ce qui est du projet de la nouvelle mouture de la Constitution, le secrétaire général du PST s’attend « à la constitutionnalisation de ce basculement vers le libéralisme sauvage » prôné par le Forum des chefs d’entreprises (FCE) et le gouvernement.

    Pour faire face à cette situation, Rachedi insiste sur la nécessité de relancer la lutte si on veut stopper net le glissement vers la privatisation des biens publics qui appartiennent à tous les citoyens et de barrer le chemin à cette nouvelle classe d’exploiteurs composée par une infime minorité de la population. « Il s’agit de s’opposer au projet libéral de privatisation du secteur public et de bradage du foncier et des terres agricoles. Aujourd’hui, il est question de faire le bilan de la politique de privatisation adoptée par le gouvernement avant de la relancer. » Selon lui, ce qui n’a pas été dit par le gouvernement, c’est son « abandon de l’idéal du combat du peuple algérien et son contrat social, dont le FMI exige sa révision pour faire des travailleurs de simples marchandises ».

    Pour l’expert Noredine Bouderba, « la situation d’aujourd’hui n’est pas similaire à celle des années 1980 et 1990. Aujourd’hui, on assiste à une privatisation sauvage des biens publics qui appartiennent à tout le peuple algérien ». Selon lui, « la crise de la chute des prix du pétrole sur le marché international n’est qu’un choc psychologique utilisé par le gouvernement pour faire passer son programme de privatisation en adoptant un discours alarmiste pour faire peur aux citoyens ». « Le gouvernement, au lieu de tourner son regard vers les chefs d’entreprise qui ont bénéficié de réductions et d’exonérations fiscales, s’est tourné vers la poche du citoyen épuisé par la cherté de la vie », a-t-il regretté.

    Pour ce qui est des subventions du gouvernement, ce dernier, chiffres à l’appui, explique « le grand mensonge médiatisé par le gouvernement et le FCE » portant sur la surconsommation des Algériens. Selon lui, le taux de subvention du gouvernement est le taux le plus faible, en comparaison avec les pays voisins, notamment la Tunisie qui consacre 1,85% de son PIB, contre 1,2% pour l’Algérie. Pour ce qui est du gaspillage dont parle le gouvernement, les études et les rapports des organisations internationales démontrent que « 80% des Algériens consacrent 55% de leur salaire à l’achat des produits alimentaires ». Selon l’étude de la FAO, l’Algérien gaspille 16% de ses produits, contrairement à l’Européen qui gaspille plus de 40% par an. Pour ce qui est des céréales, le taux de gaspillage est de 30%, dont 20% lors des opérations de stockage et de récolte. Pour ce qui est de la consommation des hydrocarbures, Bouderba estime que l’Algérien consomme moins de 1 200 kg pétrole par an, alors que la moyenne est de 8 000 kg pétrole/an au niveau mondial, avant d’ajouter : « Donc, la levée des subventions de l’Etat sur ces produits n’a aucune relation avec la surconsommation des citoyens, c’est exigence du FMI. »

    Abdellah Bourim

    * Reporters. 20 décembre 2015 06:00


    « Il faut dresser le bilan de la privatisation »

    L’ancien syndicaliste Noureddine Bouderba à une rencontre du PST

    « Il faut dresser le bilan de la privatisation », déclarait hier l’ancien syndicaliste et spécialiste des questions sociales, Noureddine Bouderba.

    Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - Invité à une rencontre-débats du Parti socialiste des travailleurs (PST), cet expert en relations sociales a estimé que le processus de privatisation qui a été enclenché voilà presque une vingtaine d’années poursuivi jusqu’à la moitié de la décade 2000, sera relancé.

    Une relance qui sera concrétisée dans le cadre du projet de Code de l’investissement dont une mouture devra être examinée prochainement par le Parlement. Or, ce projet aura des répercussions aussi importantes que le projet de loi de finances pour 2016, adopté récemment par les deux Chambres du Parlement, considérera Noureddine Bouderba.

    Et cela dans le contexte où l’économie nationale est dans une situation difficile au regard de la diminution des revenus du pays, compliquée et complexe, en prenant en compte la prégnance du discours ultralibéral, l’« offensive » de l’argent et du capital ainsi que les divergences « politiciennes » et dangereuse au regard de la remise en question et des transferts sociaux, voire du contrat social existant en Algérie.

    Selon cet expert, il s’agit certes de cerner le bilan de la privatisation, ses résultats et ses effets sociaux, mais aussi de remettre en cause certaines idées reçues. Ainsi, il relèvera que si les partisans de la privatisation arguent qu’une enveloppe de l’ordre de 60 milliards de dollars a été injectée pour le développement du secteur public durant les quatre dernières décades, mais en vain, il faudra également prendre en compte les 10 milliards de dollars dont bénéficie annuellement le secteur privé depuis quelques années (sous forme d’avantages fiscaux et autres). Comme Noureddine Bouderba considère que les arguments avancés pour remettre en cause la politique des transferts sociaux ne sont pas pertinents, les subventions alimentaires n’ayant jamais dépassé selon cet ancien syndicaliste les 2 milliards de dollars (quelque 2% de la richesse nationale).

    Il estimera ainsi que la démarche de « ciblage » des subventions sociales sera inopérante et que toute remise en cause des transferts sociaux ne fera qu’aggraver les inégalités.

    C. B.

    * Le Soir Algérie :
    http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2015/12/20/article.php?sid=188860&cid=2

     

    PLF 2016 : Le PST s’attaque au gouvernement

    Les critiques des partis politiques pour le Gouvernement ne cessent plus. Hier encore, le Parti socialiste des travailleurs (PST), a fortement critiqué, dans un communiqué rendu public, les textes de la Loi de Finances 2016.

    Selon le communiqué, « depuis plus de trois ans, l’offensive li bérale n’a pas cessé de rogner les mesures inconséquentes et insuffisantes, appelées pompeusement patriotisme économique, introduites par la LFC 2009 ». Pour ce parti socialiste, les attaques quasiquotidiennes contre les subventions et les transferts sociaux, contre l’augmentation des salaires et les pensions, contre les acquis et les droits sociaux, meublaient le discours d’une partie du pouvoir, de l’opposition libérale, du FMI et de la BM ainsi que les médias.

    Aujourd’hui, explique-t-on, la loi de finances 2016, dont le passage en force au Parlement renseigne sur les « réformes démocratiques » promises, vient renforcer ce processus libéral dans le but de démanteler le secteur public, d’abolir ce qui reste du caractère social de l’Etat algérien et soumettre notre économie et nos richesses nationales au secteur privé et aux multinationales. Alors que le pays dispose d’une marge de manœuvre financière consistante, indique-t-on, la promotion d’un discours alarmiste, instaurant la peur au sein de la population, vise « à profiter de la chute du prix des hydrocarbures pour accélérer le processus libéral et imposer l’austérité et la précarité sociale pour la majorité des travailleurs et des masses populaires ».

    « Cette accélération est confortée par le nouveau rapport de forces au sein du régime en faveur du patronat et des affairistes privés, par la bienveillance des puissances impérialistes qui se frottent les mains et par la lente et difficile cristallisation politique du front social » indique-t-on. Pour le PST, la bataille ne se limite pas à « la dénonciation de la LF 2016 au sein du parlement » ou à la défense du droit de préemption, il s’agit de « s’opposer au projet libéral, à la privatisation du secteur public et le bradage du foncier et des terres agricoles ».

    Il s’agit aussi, ajoute-t-il, de « dénoncer l’austérité imposée aux masses populaires et les cadeaux fiscaux décernés aux patrons et aux riches. Il faut se positionner contre les projets de lois libérales et anti sociales tels que le code du travail, la loi sanitaire et le code d’investissements. Il faut, enfin, exiger l’annulation de l’accord injuste avec l’UE et s’opposer au projet d’adhésion de notre pays à l’OMC ». Mais, le PST reste disposé à mener la bataille avec tous ceux qui se mobilisent contre la LF 2016, pour son retrait et pour l’ouverture d’un débat démocratique et sans exclusif sur les choix économiques et sociaux. Avec tous ceux qui luttent pour la levée de toutes les entraves à l’exercice effectif des libertés démocratiques dans notre pays.

    Wahida Oumessaoud

    * Ouest Tribune, 19 décembre 2015 :
    http://www.ouestribune-dz.com/fr/le-pst-sattaque-au-gouvernement/

    dimanche 20 décembre 2015

  • Parti Socialiste des Travailleurs (Algérie) et A Manca (Corse)

    Principaux dirigeants du FLN (de gauche à droite : Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf et Ahmed Ben Bella) après leur arrestation à la suite du détournement, le 22 octobre 1956 par l'armée française, de leur avion civil marocain, entre Rabat et Tunis, en direction du Caire (Égypte).



    بيان حزب العمال الاشتراكي

    بعد وفاة حسين آيت أحمد, أحد القيادات التاريخية للنضال من أجل الاستقلال الوطني لبلادنا, ينحني مناضلو و مناضلات حزب العمال الاشتراكي لذكراه و يقدمون تعازيهم الخالصة لعائلته و كل مناضلات و مناضلي جبهة القوى الاشتراكية.
    مع موت حسين آيت أحمد, فهي رقعة من تاريخنا التي تختفي .جزء من تاريخ الحركة الوطنية وحرب التحرير الوطني, قطعة من النضال من أجل الحريات الديمقراطية, من أجل جمعية تأسيسية, من أجل ترسيم الأمازيغية, من أجل المساواة في الحقوق بين الرجل و المرأة, الفصل بين الدولة و الدين, وضد الدكتاتورية و الاضطهاد.

    سيظل آيت أحمد في تاريخ الجزائر, ليس فقط باعتباره فاعلا رئيسيا في الكفاح من أجل إنعتاق الشعب الجزائري من نير الاستعمار, ولكن أيضا كمعلم في النضالات الديمقراطية والاجتماعية بعد الاستقلال.

    ع / حزب العمال الاشتراكي (PST)
    الأمين العام
    محمود رشيدي


    Déclaration du PST:

    Suite au décès de Hocine Ait Ahmed, l'un des chefs historique du combat pour l'indépendance nationale de notre pays , les militants et les militantes du PST s'inclinent à sa mémoire et présentent leurs sincères condoléances à sa famille et au militants et militantes du FFS.

    Avec la disparition de Hocine Ait Ahmed, c'est un pan de notre histoire qui s'en va . Un pan de l'histoire du mouvement national et de la guerre de libération nationale. Un pan du combat pour les libertés démocratiques , pour une assemblée constituante , pour l'officialisation de Tamazight , pour l'égalité des droits entre les hommes et les femmes , pour la séparation entre la religion et l'état et contre la dictature et l'oppression .

    Ait Ahmed restera dans l'histoire de l'Algérie , non seulement comme un acteur majeur du combat pour l'émancipation du peuple algérien du joug colonial, mais aussi comme repère dans les luttes démocratiques et sociales après l'indépendance.

    P/ Le Parti Socialiste des Travailleurs (PST)
    le Secrétaire Général
    Mahmoud Rechidi

    Source : Facebook

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    Nos camarades corses:

    Si n’hè andatu Hocine Aït-Ahmed (A Manca-La gauche)

    Les militants de la Manca tiennent à saluer la mémoire d’un combattant de la liberté. La disparition de Hocine Aït-Ahmed, dirigeant du Front des forces Socialistes, est une perte, à la fois pour sa famille, son entourage et les militants de son mouvement.

    Elle est également, nous le croyons, une perte pour tous les anticolonialistes, pour le peuple Amazigh, et au delà pour les masses populaires de l’Algérie.

    L’héritage politique d’un des fondateurs de la résistance patriotique Algérienne est un bien précieux pour tous les combattants de la liberté au sein des peuples encore sous tutelle coloniale. Nous retiendrons que la tâche des anticolonialistes ne s’arrête pas avec le départ des occupants.

    La lutte pour un véritable processus de désaliénation, exige de dépasser le caractère purement nationaliste des mobilisations, afin de prolonger la marche vers une société débarrassée de toutes les formes de domination.

    Cet apport, décisif à nos yeux, doit irriguer les luttes encore en œuvre.

    Le témoignage de notre profond respect et de notre gratitude accompagne toutes celles et ceux qui pleurent la disparition d’un de ces hommes insoumis, dont les combats participent d’une véritable humanité.

     

    http://www.a-manca.net/si-nhe-andatu-hocine-ait-ahmed/

  • Algérie. Contre l’austérité, les atteintes aux acquis sociaux! Non à la loi de finances 2016! (Al'Encontre.ch)

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    Déclaration du Parti socialiste des travailleurs

    Depuis plus de trois ans, l’offensive libérale n’a pas cessé de rogner les mesures inconséquentes et insuffisantes, appelées pompeusement «patriotisme économique», introduites par la LFC 2009 [Loi de finances complémentaire]. Bien avant la chute du prix des hydrocarbures, les attaques quasi quotidiennes contre les subventions et les transferts sociaux, contre l’augmentation des salaires et les pensions, contre les acquis et les droits sociaux meublaient le discours d’une partie du pouvoir, de l’opposition libérale, du FMI et de la BM (Banque mondiale), ainsi que les médias. Aujourd’hui, la Loi de finances 2016, dont le passage en force au Parlement renseigne sur les «réformes démocratiques» promises, vient renforcer ce processus libéral dans le but de démanteler le secteur public, d’abolir ce qui reste du caractère social de l’Etat algérien et soumettre notre économie et nos richesses nationales au secteur privé et aux transnationales. Le futur amendement de la Constitution couronnera sans doute ce dispositif. Il s’agit d’un processus d’abandon de l’idéal du combat du peuple algérien pour l’indépendance et son caractère social et égalitaire.

    Alors que le pays dispose d’une marge de manœuvre financière consistante, la promotion d’un discours alarmiste, instaurant la peur au sein de la population, vise à profiter de la chute du prix des hydrocarbures [1] pour accélérer le processus libéral et imposer l’austérité et la précarité sociale pour la majorité des travailleurs, des travailleuses et des masses populaires. Cette accélération est confortée par le nouveau rapport de forces au sein du régime en faveur du patronat et des affairistes privés, par la bienveillance des puissances impérialistes qui se frottent les mains et par la lente et difficile cristallisation politique du front social.

    Ceux qui faisaient partie de la campagne ultralibérale il y a peu, dénoncent aujourd’hui le danger de la LF 2016 et son atteinte à la souveraineté nationale, ils ont compris enfin que le pouvoir ne leur concédera ni «transition démocratique» ni «consensus national». Aussi, ceux qui faisaient partie des hautes sphères de la hiérarchie politique et militaire du régime et dénoncent aujourd’hui l’épuration au sein du DRS (Département du renseignement et de la sécurité) et l’emprisonnement de hauts officiers de l’armée ont compris que le rapport de forces est en train de changer profondément et qu’ils sont exclus du centre de décision politique et économique.

    Pour le PST la bataille ne se limite pas à la dénonciation de la LF 2016 au sein du parlement [le débat a été assez vif et traduit les divisions devant des mesures accentuées depuis l’arrivée à la présidence d’Abdelaziz Bouteflika] ou à la défense du droit de préemption [droit de l’Etat d’avoir une priorité d’acquisition lors d’une cession d’une entreprise: par exemple, droit invoqué lors de la vente de filiale de Michelin au groupe privé Cevital]. Il s’agit pour nous de s’opposer au projet libéral, à la privatisation du secteur public et au bradage du foncier et des terres agricoles. Il s’agit aussi de dénoncer l’austérité imposée aux masses populaires et les cadeaux fiscaux décernés aux patrons et aux riches. Il faut se positionner contre les projets de lois libérales et anti-sociales, tels que les contre-réformes du Code du travail, de la loi sanitaire et du Code d’investissements. Il faut, enfin, exiger l’annulation de l’accord injuste avec l’UE (Union européenne) et s’opposer au projet d’adhésion de notre pays à l’OMC (Organisation mondiale du commerce).

    Néanmoins, le PST est disposé à mener la bataille avec tous ceux qui se mobilisent contre la LF 2016, pour son retrait et pour l’ouverture d’un débat démocratique et sans exclusive sur les choix économiques et sociaux. Avec tous ceux qui luttent pour la levée de toutes les entraves à l’exercice effectif des libertés démocratiques dans notre pays.

    L’expérience des luttes a démontré que les travailleurs, comme ceux de la SNVI (Entreprise nationale des véhicules industriels), de l’ETUSA (Transport autobus) d’El Hadjar, des enseignants et bien d’autres secteurs, comme le mouvement des chômeurs, des étudiant·e·s et des jeunes, des femmes et des opprimé·e·s, constituent un rempart contre le projet libéral et peuvent transformer le rapport de forces.

    Le PST appelle les militant·e·s de la classe ouvrière et les syndicalistes, les animateurs du mouvement des chômeurs et de la jeunesse, les militants des mouvements sociaux et du combat des femmes et de tous les opprimés à unir nos forces pour se solidariser avec les luttes et réaliser ensemble une convergence démocratique anti-libérale et anti-impérialiste. (Secrétariat national du PST, 17 décembre 2015)

    Notes:

    [1] Officiellement, en 2014, des exportations algériennes d’hydrocarbures (gaz et pétrole) représentaient 93,53% du total des exportations, ce qui illustre l’échec du pouvoir et du capital d’utiliser des ressources pour avoir une politique de diversification sectorielle répondant aux exigences des besoins de la majorité de la société. Elles totalisaient la somme de 27,25 milliards de dollars.

    Lors des cinq premiers mois de l’année 2015, le recul des revenus d’exportations d’hydrocarbures se situe à hauteur de 45,47%. Cette chute est liée à la dégringolade, sur 12 mois (juin à juin), du cours du pétrole qui a passé de plus 100 dollars (en juin 2014) à 60 dollars en juin 2015. Et ce cours a continué à chuter. En même temps, le volume des exportations s’est contracté étant donné la situation de faible croissance, pour ne pas dire de stagnation, des principaux importateurs: l’Espagne, l’Italie, la France et la Grande-Bretagne.

    Les hydrocarbures contribuent à hauteur de 60% des recettes de l’Etat. Pour ce qui est des recettes fiscales internes, la TVA payée de manière massive par les salariés-consomnateurs représente, pour l’année 2014, 49% des recettes fiscales. Or, la hausse de la TVA sur le carburant, l’électricité et le gaz, de 7% à 17%, va avoir un effet sur les prix et frapper le pouvoir d’achat de la majorité populaire. En outre, la dévaluation du dinar va se répercuter sur les prix des produits importés en masse. Avec un langage «technocratique», Abderrahmane Benkhalfa, ministre des Finances depuis mai 2015, a déclaré «Nous avons une stratégie pour sortir, d’ici deux à trois ans, des subventions généralisées des prix pour aller vers un ciblage des subventions», lors du débat sur le projet de Loi de finances pour 2016 au Conseil de la nation (le système législatif est formellement bicaméral: Conseil de la nation et Assemblée populaire de la nation. Le ministre des Finances est docteur en «Science de gestion» de l’Université de Grenoble et était, avant son poste ministériel, Délégué général de l’ABEF, soit l’Association des banques et des établissements financiers d’Algérie. (Rédaction A l’Encontre)

    Publié par Alencontre le 24 - décembre - 2015
     
  • Algérie (PST Algérie)

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    Contre l’austérité, contre les atteintes aux acquis sociaux, non à la loi de finance 2016

    Depuis plus de trois ans, l’offensive libérale n’a pas cessé de rogner les mesures inconséquentes et insuffisantes, appelées pompeusement « patriotisme économique », introduites par la LFC 2009. Bien avant la chute du prix des hydrocarbures, les attaques quasi quotidiennes contre les subventions et les transferts sociaux, contre l’augmentation des salaires et les pensions, contre les acquis et les droits sociaux meublaient le discours d’une partie du pouvoir, de l’opposition libérale, du FMI et de la BM ainsi que les médias. Aujourd’hui, la loi de finances 2016, dont le passage en force au Parlement renseigne sur les « réformes démocratiques » promises, vient renforcer ce processus libéral dans le but de démanteler le secteur public, d’abolir ce qui reste du caractère social de l’Etat algérien et soumettre notre économie et nos richesses nationales au secteur privé et aux multinationales. Le futur amendement de la Constitution couronnera sans doute ce dispositif. Il s’agit d’un processus d’abandon de l’idéal du combat du peuple algérien pour l’indépendance et son caractère social et égalitaire.

    Alors que le pays dispose d’une marge de manœuvre financière consistante, la promotion d’un discours alarmiste, instaurant la peur au sein de la population, vise à profiter de la chute du prix des hydrocarbures pour accélérer le processus libéral et imposer l’austérité et la précarité sociale pour la majorité des travailleurs et des masses populaires. Cette accélération est confortée par le nouveau rapport de forces au sein du régime en faveur du patronat et des affairistes privés, par la bienveillance des puissances impérialistes qui se frottent les mains et par la lente et difficile cristallisation politique du front social.

    Ceux qui faisaient partie de la campagne ultra libérale il y a peu, dénoncent aujourd’hui le danger de la LF 2016 et son atteinte à la souveraineté nationale, ils ont compris enfin que le pouvoir ne leur concédera ni « transition démocratique » ni « consensus national ». Aussi, ceux qui faisaient partie des hautes sphères de la hiérarchie politique et militaire du régime et dénoncent aujourd’hui l’épuration au sein du DRS et l’emprisonnement de hauts officiers de l’armée ont compris que le rapport de forces est en train de changer profondément et qu’ils sont exclus du centre de décision politique et économique.
    Pour le PST la bataille ne se limite pas à la dénonciation de la LF 2016 au sein du parlement ou à la défense du droit de préemption, il s’agit de s’opposer au projet libéral, à la privatisation du secteur public et le bradage du foncier et des terres agricoles. Il s’agit aussi de dénoncer l’austérité imposée aux masses populaires et les cadeaux fiscaux décernés aux patrons et aux riches. Il faut se positionner contre les projets de lois libérales et anti sociales tels que le code du travail, la loi sanitaire et le code d’investissements. Il faut, enfin, exiger l’annulation de l’accord injuste avec l’UE et s’opposer au projet d’adhésion de notre pays à l’OMC.

    Mais, le PST reste disposé à mener la bataille avec tous ceux qui se mobilisent contre la LF 2016, pour son retrait et pour l’ouverture d’un débat démocratique et sans exclusif sur les choix économiques et sociaux. Avec tous ceux qui luttent pour la levée de toutes les entraves à l’exercice effectif des libertés démocratiques dans notre pays.

    L’expérience des luttes a démontré que les travailleurs, comme ceux de la SNVI, de l’ETUSA, d’El Hadjar, des enseignants et bien d’autres secteurs, comme le mouvement des chômeurs, des étudiants et des jeunes, des femmes et des opprimés, constituent un rempart contre le projet libéral et peuvent transformer le rapport de forces. Le PST appelle les militants de la classe ouvrière et les syndicalistes, les animateurs du mouvement des chômeurs et de la jeunesse, les militants des mouvements sociaux et du combat des femmes et de tous les opprimés à unir nos forces pour se solidariser avec les luttes et réaliser ensemble Une convergence démocratique anti libérale et anti impérialiste.

    Secrétariat National du PST, le 17 Décembre 2015

    npa2009.org  Lundi 21 décembre 2015

    http://www.anti-k.org/2015/12/21/algerie-contre-lausterite-contre-les-atteintes-aux-acquis-sociaux-non-a-la-loi-de-finance-2016/