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Luttes ouvrières - Page 15

  • Qatar. Les mesures prises pour en finir avec l'exploitation des migrants (Amnesty)

    Sont «tout à fait insuffisantes»

    Les autorités qatariennes ont encore de très gros efforts à faire pour lutter contre les violations endémiques des droits des travailleurs migrants, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public six mois après la série de réformes annoncées par le gouvernement pour combattre l’exploitation à l’approche de la Coupe du monde de football de 2022.

    Dans son rapport No Extra Time: How Qatar is still failing on workers’ rights ahead of the World Cup, l’organisation montre que les autorités qatariennes n’ont pas modifié les systèmes favorisant les atteintes aux droits des travailleurs migrants et n’ont que peu progressé sur plusieurs projets annoncés en mai 2014.

    « Le temps presse. Quatre années se sont écoulées depuis que le Qatar a remporté l’organisation de la Coupe du monde, se plaçant ainsi sur le devant de la scène internationale. Pour le moment, les efforts déployés par le pays face aux problèmes que rencontre la main-d’œuvre migrante se sont limités à des promesses de mesures et quelques propositions de loi, a déclaré Sherif Elsayed Ali, responsable du programme Droits des réfugiés et des migrants d’Amnesty International.

    « Il faut agir de toute urgence si l’on ne veut pas que la Coupe du monde de 2022 repose sur le travail forcé et l’exploitation. »

    Le rapport analyse les mesures prises par les autorités pour s’employer à résoudre neuf problèmes graves qui portent atteinte aux droits des travailleurs migrants au Qatar. Aucun progrès n’a été accompli sur cinq problèmes, et seules des avancées limitées ou partielles ont été réalisées dans les quatre autres domaines.

    « Alors qu’il s’est engagé à plusieurs reprises à agir avant la Coupe du monde, le gouvernement qatarien semble toujours renâcler à faire des changements essentiels, comme supprimer le permis de sortie du territoire et réformer le système abusif de parrainage », a déclaré Sherif Elsayed Ali.

    Amnesty International a engagé à maintes reprises le Qatar à mettre fin à la délivrance de permis de sortie, violation flagrante des droits des migrants qui permet aux employeurs de restreindre les mouvements des travailleurs migrants, ceux-ci risquant alors de se retrouver piégés dans le pays, dans l’impossibilité d’en sortir.

    L’organisation n’a aussi cessé de demander la réforme du système de parrainage, ou kafala, qui lie le travailleur à son employé et favorise le travail forcé.

    Dans deux rapports rendus publics l’année dernière, Amnesty International a dénoncé plusieurs pratiques abusives, telles que les retards de paiement des salaires, des conditions de travail très difficiles et dangereuses et des conditions de vie déplorables, et relayé des informations choquantes sur le travail forcé et les violences physiques et sexuelles dont étaient victimes les employés de maison.

    En réponse au tollé international provoqué par les critiques des médias et les pressions exercées par Amnesty International et d’autres groupes de défense des droits, le gouvernement qatarien a demandé au cabinet d’avocats DLA Piper d’enquêter sur les allégations d’abus.

    En mai 2014, DLA Piper a formulé toute une série de recommandations à l’intention du gouvernement dans un rapport couvrant un champ très large et se montrant notamment critique envers le système de parrainage.

    Peu de temps après, le gouvernement qatarien a annoncé une série de réformes, y compris des propositions visant à modifier le système de parrainage et le régime de délivrance de permis de sortie, et à supprimer la règle empêchant les travailleurs de revenir au Qatar pendant deux années après la fin de leur contrat. Amnesty International avait alors considéré que les réformes annoncées constituaient une « occasion manquée », car elles ne résolvaient pas les problèmes fondamentaux contribuant à l’exploitation généralisée de la main-d’œuvre migrante. Même ces propositions de réformes limitées n’ont pas abouti.

    En outre, depuis le mois de mai, les initiatives prises par le gouvernement afin de supprimer les principaux obstacles auxquels se heurtent les travailleurs pour obtenir justice et de répondre aux vives inquiétudes quant à la santé et la sécurité des ouvriers du bâtiment sont insuffisantes.

    « Six mois après l’annonce de ces mesures limitées, seules quelques-unes ont été partiellement mises en œuvre. Globalement, les mesures prises par le Qatar sont tout à fait insuffisantes », a déclaré Sherif Elsayed Ali.

    « En n’agissant pas rapidement pour résoudre les graves problèmes de droits humains dans le pays, le Qatar risque de voir sa crédibilité gravement entamée et son engagement envers les droits humains remis en cause. »

    Dans le cadre des réformes globales qui sont nécessaires pour que le système de parrainage et le droit du travail soient conformes aux obligations relatives aux droits humains du Qatar, Amnesty International engage les autorités qatariennes à prendre de premières mesures concrètes, notamment à :

    •abolir clairement le régime de délivrance de permis de sortie du territoire ;

    •diligenter une enquête indépendante sur les circonstances des décès de travailleurs migrants ;

    •supprimer les frais de justice prohibitifs, qui empêchent les travailleurs de porter plainte contre leurs employeurs ;

    •rendre publics les noms des recruteurs et employeurs qui exploitent la main-d’œuvre ;

    •accorder aux employés de maison les mêmes protections juridiques du droit du travail que celles qui couvrent les autres travailleurs.

    L’organisation va continuer de suivre de près les efforts du Qatar pour remédier à ces problèmes et à d’autres encore au cours des six prochains mois.

    12 novembre 2014

    http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/qatar-steps-end-migrants-exploitation-ahead-world-cup-woefully-insufficient

  • Burkina Faso : Interview avec un camarade responsable du Parti Communiste Révolutionnaire Voltaïque 12 novembre 2014 par Voie Démocratique (Maroc)

    http://www.pcrv.net/squelettes/pcrv.jpg

     

    Cher camarade, bienvenu au site officiel de la Voie Démocratique(VD) du Maroc : www.annahjaddimocrati.org.

    Votre parti est un allié de la VD, ce dernier suit avec beaucoup d’intérêt l’évolution de la situation politique dans votre pays, le Burkina Faso, et a exprimé sa position et sa solidarité au peuple burkinabè et ses forces vives par un communiqué de sa direction le 3 novembre.

    Le Burkina Faso traverse en effet en ce moment une véritable crise révolutionnaire dont un premier fruit est la fuite de Blaise Compaoré. Mais aussi et contre la volonté et l’intérêt du peuple insurgé, la prise du pouvoir par l’armée suite à un coup d’état réactionnaire dirigé par Issac Zida de ce régiment sanguinaire dit régiment sécurité du président.

    L’impérialisme français qui a soutenu le coup d’état militaire contre le régime de Tomas Sankara il y a 27 ans vient de reconnaitre qu’elle a aidé à la fuite du président déchu vers le pays voisin, la Côte-d’Ivoire, où il siège à côté de l’autre traitre Alassane Ouattara.

    Nous avons remarqué que l’analyse de votre parti repose entre autres sur le concept de processus révolutionnaire, concept que nous partageons avec vous, que nous avons testé pour analyser les vagues révolutionnaires qui ont secoué les pays maghrébins et la région du monde arabe en général et trouvons que c’est un concept fécond.

    Les facteurs objectifs et les moments importants de ce processus ayant démarré de façon considérable en 2008. Les vagues révolutionnaires de notre région ont-elles réellement influencées ce processus.

    Tout d’abord nous remercions les camarades de la Voie Démocratique du Maroc pour la solidarité internationaliste qu’ils manifestent à l’égard des luttes de notre peuple en ces moments historiques où il vient de réaliser ce mouvement populaire insurrectionnel qui a chassé l’autocrate Blaise Compaoré du pouvoir. Nos deux partis membres de la Conférence Internationale des Partis et Organisations Ml entretiennent des relations fraternelles au service de la cause révolutionnaire pour la libération nationale et sociale dans nos pays

    Pour répondre à votre première question je lie la question des facteurs objectifs à la situation de grave crise qui frappe notre pays depuis les évènements tragiques liés à l’assassinat odieux du journaliste Norbert Zongo et ses compagnons en 1998.

    Cette crise s’est transformée en une crise révolutionnaire qui s’approfondit et s’étend avec une évolution par pallier. Après les émeutes de la faim de 2008, l’année 2011 avait été marquée par de puissants mouvements sociaux qui ont touché tous les secteurs de la vie et économique et sociale et même l’armée avec des mutineries dans plusieurs garnisons du pays. En 2013, la crise connaît de nouveaux développements qui partent des faits majeurs suivants :

    -  La prise de conscience de plus en plus grande au sein de la jeunesse populaire , de la classe ouvrière , de la paysannerie pauvre et des couches moyennes urbaines .Le pouvoir de la IVè République allié et serviteur des puissances impérialistes notamment l’impérialiste français a complètement failli et ne pouvait résoudre les problèmes de la faim, de l’éducation, de l’emploi, des libertés politiques et du progrès social.


    -  La classe ouvrière et le peuple de plus en plus convaincus que ce pouvoir ne représentait qu’un clan minoritaire de prédateurs qui avaient pris l’économie de notre pays en otage et qui avaient mis en place une dictature militaire constitutionnelle pour opprimer et exploiter le peuple pour leurs maîtres impérialistes et les membres de ce groupe mafieux constitués des familles et leurs associés.


    -  Le développement des luttes populaires qui touchent l’ensemble du territoire national, qui impliquent de plus en plus les couches profondes de la société et qui frappent l’ensemble des secteurs sociaux et de l’économie nationale.


    -  Le divorce, de plus en plus en profond entre le peuple c’est-à-dire les gouvernés et le pouvoir, c’est-à-dire les gouvernants, qui traduit la faillite de toutes les institutions de la IVè République frappées d’une crise profonde et d’un discrédit total.

    Des millions de gens du peuple exclus de l’accès au droit, font de plus en plus irruption dans des luttes insurrectionnelles pour se prendre en charge .Ils expriment ouvertement leurs besoin de changement en faveur du peuple.

    Toutes ces luttes multiformes ont débouché sur la situation révolutionnaire actuelle qui secoue notre société et sur le puissant mouvement insurrectionnel du jeudi 30 octobre.

    Dans ce mouvement le peuple déterminé lançait le mot d’ordre « Blaise Compaoré dégage ». L’influence de la révolution tunisienne est évidente. Notre parti dans ses analyses a exhorté le peuple et la jeunesse à s’inspirer des révolutions dans les pays comme la Tunisie et l’Egypte mais en tirant des leçons pour l’approfondissement du processus révolutionnaire.

    Quelles sont les principales forces motrices de ce processus. ?

    Dans le mouvement actuel qui a conduit au renversement du régime dictatorial de Blaise Compaoré nous pouvons citer les composantes suivantes : les partis politiques de l’opposition bourgeoise réactionnaire dont certains dirigeants ont dans un passé récent participé activement au régime de Blaise Compaoré et donc responsables de ses nombreux crimes .Il s’agit entre autres de l’Union pour le Changement (UPC) dont le Président Diabré Zéphirin ancien Directeur Afrique du groupe Areva , lié à l’impérialisme français se présente ouvertement comme un néolibéral. ; le Mouvement pour le Progrès (MPP) fondée en janvier 2014 par des dissidents du Parti CDP de Blaise Compaoré dont les principaux dirigeants ont participé jusqu’à cette date récente au plus haut niveau à tout la politique mafieuse et criminelle de la IVè République.

    IL y a aussi des partis sankaristes que nous nommons la petite bourgeoisie radicale réformiste.

    Nous pouvons citer le Mouvement Démocratique et Révolutionnaire dirigé par notre parti au rang duquel il faut citer : La Confédération Générale du Travail du Burkina (CGTB) centrale syndicale Révolutionnaire bien implantée et considérée comme la première en terme de représentation parmi les 5 centrales syndicales que comptent le pays. A cela il faut ajouter des syndicats autonomes dans différents secteurs qui ont également une orientation du syndicalisme révolutionnaire de lutte de classes.

    La Coalition Contre la Vie Chère (CCVC) qui regroupe près de 7O organisations démocratiques de travailleurs, de la jeunesse, des femmes, des droits de l’homme, etc …)

    Le Mouvement Burkinabe des Droits de l’Homme et des Peuples joue un grand rôle dans l’éducation aux droits de l’homme et contribue à la défense des libertés démocratiques.

    Toutes ces organisations ont une implantation nationale avec des sections dans les provinces. La paysannerie est faiblement organisée, mais elle participe de plus en plus aux luttes populaires.

    Dans le mouvement insurrectionnel, la jeunesse particulièrement a joué un rôle déterminant. En plus des étudiants, des élèves des lycées et collèges, les jeunes paysans, ouvriers, artisans et le secteur informel dont une masse importante est inorganisée. Nous dirigeons l’Organisation Démocratique de la Jeunesse (ODJ) bien implantée dans plusieurs provinces du pays. L’Union de la Jeunesse Communiste de Haute-Volta (UJCHV) porte les orientations du parti au sein des diverses couches de la jeunesse populaire dans ses luttes pour ses revendications démocratiques, économiques et sociales.

    Notre pays est caractérisé par une grande tradition de vie associative et par la présence depuis de nombreuses années d’une société civile organisée et dynamique.

    Quelles sont les perspectives ? Comment concrètement à votre avis faire face aux manœuvres de l’impérialisme et de l’impérialisme français en particulier.

    Nous saluons la victoire de cette insurrection populaire qui a renversé le régime dictatorial de l’IVè République en chassant l’autocrate Blaise Compaoré du pouvoir. Le peuple a consenti de durs sacrifices pendant le long règne de 27 ans de ce régime sanguinaire marqué par les tueries de nombreux fils et filles du peuple parmi lesquels des démocrates et des révolutionnaires et nos camarades du parti et de la jeunesse.

    Mais la chute du dictateur à peine entamée, les clans putschistes de l’armée néocoloniale se sont emparés du pouvoir néocolonial dans l’objectif d’étouffer le processus révolutionnaire.

    Les puissances impérialistes (France, Etats-Unis, Union européenne) , les régimes réactionnaires des pays d’Afrique à travers la CEDEAO et l’Union africaine interviennent dans ce processus pour soit disant aider le peuple burkinabè à résoudre la crise institutionnelle et à préserver la paix. Toutes ces tractations visent à stopper l’élan du mouvement insurrectionnel vers la destruction du système néocolonial par la révolution.

    Le Burkina Faso constitue pour l’impérialisme français principalement une plateforme stratégique pour ses interventions militaires dans la sous-région ouest africaine et dans l’ensemble saharasahélienne dans un contexte de rivalités entre les puissances impérialistes pour le repartage des territoires et le pillage des ressources minières du continent africain.

    L’impérialisme français a installé dans notre pays sous couvert de lutte contre le terrorisme et les groupes armés jihadistes des troupes militaires et un corps spécial d’intervention militaire.

    L’impérialisme américain dispose au Burkina Faso de sa principale station d’écoute et de surveillance dans cette vaste région d’Afrique de l’Ouest. Toutes ces installations militaires constituent des instruments d’agression contre le Mouvement démocratique et révolutionnaire dans notre pays et des peuples africains.

    Dans cette situation complexe notre parti sur la base de sa tactique offensive et ses plans stratégiques révolutionnaires travaille pour orienter les luttes en vue de l’approfondissement du processus révolutionnaire. Dans l’immédiat nous dénonçons le coup d’Etat militaire réactionnaire et exigeons le départ des militaires du pouvoir d’Etat. La transition politique doit être conduite par le peuple insurgé à travers l’unité de toutes les forces sociales et politiques parties prenantes de ce mouvement insurrectionnel.

    Au centre de la crise révolutionnaire aujourd’hui se pose la question fondamentale du changement. Mais de quel changement il s’agit ? De quel changement ont besoin la classe ouvrière et le peuple ? Pour quel changement la jeunesse populaire descend massivement dans les rues et manifeste ?

    Aujourd’hui deux visions du changement se font face :

    - Le changement préconisé par l’opposition bourgeoise qui consiste à réformer le pouvoir néocolonial tout en préservant et en renforçant la mainmise de l’impérialisme notamment français sur notre pays. On voit bien que ce type de changement ne touche pas aux causes de la misère et de l’oppression de notre peuple : le pillage des ressources de notre pays par l’impérialisme international et ses alliés de la bourgeoisie réactionnaire, le dictat du FMI, de la Banque Mondiale, et de l’OMC.


    - Le changement que propose le PCRV, Parti communiste marxiste-léniniste et état-major du prolétariat, consiste à renverser le pouvoir de la bourgeoisie et l’impérialisme notamment français par l’insurrection populaire, à le remplacer par un Gouvernement Révolutionnaire Provisoire (GRP) qui sera le pouvoir de la classe ouvrière alliée à la paysannerie et au peuple.

    Le Gouvernement Révolutionnaire Provisoire va convoquer une Assemblée Constituante , des représentants du peuple , et d’où seront exclus les criminels politiques , économiques et les alliés de l’impérialisme , Assemblée qui va élaborer une nouvelle constitution , sous le contrôle du peuple , en vue de construire une République Démocratique Moderne qui va sortir notre pays de l’arriération , assurer et garantir l’indépendance nationale véritable.

    Interview réalisé par Mouad El-johri le 06 nov.2014

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-ouest/burkina-faso/article/burkina-faso-interview-avec-un

     

    Voir aussi:

    http://www.pcrv.net/spip.php?page=pcrv-article&id_article=46

     

     

     

     

  • Les syndicats appellent à la grève au Maroc (Afriques en Lutte)

    Maroc: la classe ouvrière célèbre le 1er mai au lendemain de l'annonce d'une augmentation du SMIG

    Au Maroc, une grève nationale semble poindre à l’horizon alors que les leaders syndicalistes protestent contre le rythme lent des réformes.

    Miloudi Moukharik, secrétaire général de l’Union marocaine du travail (UMT) a ainsi annoncé lors d’un point de presse organisé le mardi 7 octobre que son groupe, aux côtés de la Confédération générale du travail (CDT) et de la Fédération démocratique du travail (FDT), se préparait à lancer un mouvement de grève nationale.

    « La grève est la seule arme dont dispose la classe ouvrière pour défendre ses intérêts et son pouvoir d’achat. Le gouvernement doit assumer la responsabilité de la détérioration des conditions sociales des citoyens », a-t-il souligné.

    Les syndicats menacent de paralyser le travail du gouvernement et des services publics et réclament la reprise du dialogue social, dont ils affirment qu’il a cessé depuis l’accession au pouvoir du gouvernement actuel. Ils revendiquent de meilleurs salaires et une amélioration du pouvoir d’achat des citoyens.

    Les réformes apportées au système de retraites sont l’un des sujets de désaccord majeurs persistant entre le gouvernement et les syndicats.

    Le secrétaire général de l’UMT a plaidé en faveur de l’adoption d’une « approche participative » dans ce dossier. Les divergences se concentrent sur deux points essentiels de la réforme : le relèvement de l’âge de la retraite et la hausse des cotisations des salariés.

    Selon Moukharik, l’UMT est favorable à la « prolongation volontaire » de l’âge de la retraire jusqu’à 65 ans, tout en prenant en compte le facteur de pénibilité dans le travail. « On ne peut pas, à titre d’exemple, exiger d’une enseignante qu’elle travaille jusqu’à l’âge de 65 ans », a-t-il relevé.

    Concernant l’augmentation des cotisations aux caisses de retraite, le secrétaire général de l’UMT a souligné que le changement devait s’effectuer sur la base de deux tiers de la part patronale (Etat) et d’un tiers de la part salariale.

    Les syndicats ont également rejeté l’idée de toute réduction des pensions de retraite.

    Source : Ici Lomé 10 octobre 2014

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/les-syndicats-appellent-a-la-greve

  • Algérie: le militant syndicaliste Hadj Moussa Aïssa n’est plus (Essf)

    Assemblée des mineurs au cours de leur magnifique lutte de novembre 1948

    Le militant syndicaliste Hadj Moussa Aïssa est mort hier, à l’hôpital Mustapha-Pacha, des suites d’une longue maladie. “Militant infatigable des luttes ouvrières et du combat syndical à Sider El-Hadjar puis à la SNVI de Rouiba (…), défenseur d’un syndicalisme combatif et démocratique au service de la classe des travailleurs et partisan du combat de la gauche anticapitaliste algérienne”, ont fait part, hier, ses amis et camarades.

    “Je l’avais rencontré, en 1978 à Annaba, pour son recrutement au GCR, et je l’ai revu dans les réunions clandestines avec ses camarades du complexe sidérurgique d’El-Hadjar où il était psychotechnicien. Plus tard, il rejoindra le complexe Sonacome de Rouiba où il fut l’acteur et le témoin des divers évènements de la lutte des classes. Il était au GCR, puis à l’ORT, il fait partie de ceux qui tentent un parti ouvrier large en 1989”, a tenu à témoigner, hier, Salhi Chawki, porte-parole de l’UTS.

    Pour Mahmoud Rechidi, porte-parole du PST, “Hadj est une figure incontournable de la classe ouvrière algérienne et de son avant-garde. C’est un être agréable, digne, humain et d’une grande sensibilité. Il connaissait mon frère Mhamed et ils avaient mené ensemble des campagnes d’alphabétisation dans les bidons-ville de Annaba dans les années 1970. Il a tout le temps été disponible, malgré son drame personnel, et était a tous les rendez-vous du combat ouvrier et démocratique”.

    Pour Adel Abderezak, membre fondateur du Cnes, “Hadj Moussa Aïssa a été pour nous, dans la période difficile du militantisme politique clandestin des années 1980 à Annaba puis à Alger, celui qui symbolisait le combat d’une classe ouvrière éveillée, politisée et syndiquée qui a construit le chemin d’une conscience de classe à El-Hadjar (…) et à Rouiba. (…)


    Nos RDV discrets un vendredi matin chaque semaine participaient à semer l’utopie révolutionnaire au moment où tout le monde était dans l’illusion du boumédiennisme socialiste. Nos chemins se sont éloignés, la vie quotidienne nous a enveloppés dans les soucis de l’existentiel, mais les convictions et cet humanisme profond sont toujours là.” “Nous irons une nuit au-delà des interdits et des connivences tacites tracer un chemin pour que nos petites douleurs à répétition trouvent un arbre distributeur d’ombre et de sérénité…”
    , écrivait-il le 11 août dernier sur sa page facebook. C’était l’un de ces derniers messages.

    Repose en paix l’ami, le frère, le camarade.

    28 septembre 2014

    Mourad Fenzi

    http://www.liberte-algerie.com/actu...

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article33149

  • Succès de la grève dans la fonction publique au Maroc (Afriques en lutte)

     

    "La grève nationale observée, ce mardi 23 septembre 2014, à l’appel de nos deux syndicats, a été largement suivie avec un taux de participation de plus de 80 % dans plusieurs secteurs, comme l’enseignement, la justice, la santé, les collectivités locales, la formation professionnelle, l’énergie et les mines et la culture », ont souligné mardi 23 septembre 2014 les dirigeants de l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) et de la Fédération démocratique du travail (FDT).

    Dans un communiqué conjoint des deux centrales syndicales, les responsables estime que le taux de participation à cette grève renseigne sur "le degré de mécontentement de la classe ouvrière vis-à-vis des politiques antipopulaires du gouvernement". 26 septembre 2014

    Source : Aujourd’hui le Maroc

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/succes-de-la-greve-dans-la

  • Egypte. Reprise progressive des luttes ouvrières, leur signification (1)

    Les accidents de travail, les usines arrêtées pour pièces manquantes, avec des ouvriers sans salaire… suscitent des luttes depuis fin août 2014, face à des syndicats officiels ne répondant pas aux revendications et demandes d’information de divers comités de travailleurs Par Jacques Chastaing

    La situation socio-politique en Egypte, pour des raisons effectives, est couverte par les médias essentiellement sous l’angle: soit du rôle de l’ex-maréchal président Al-Sissi dans les négociations indirectes entre Israël et la délégation plurielle palestinienne, soit à propos du vaste projet de deuxième canal de Suez censé rétablir la santé de l’économie (outre son effet de captation de l’épargne), soit de la sévère répression mise en œuvre par le régime du président Sissi. Jacques Chastaing, dans l’article ci-dessous, le souligne. Mais son objectif consiste à observer la situation sous un angle ignoré par la presse et, y compris, par des analystes dits spécialisés: la lente relance des mouvements sociaux, des luttes des salarié·e·s, des couches paupérisées, qui s’opère dans cette société soumise à des chocs socio-économiques brutaux et où la «mémoire» de 2011 n’a pas été effacée dans ses profondeurs.

    Dans la foulée, étant donné la faiblesse d’une «gauche sociale de combat», Jacques Chastaing s’interroge sur la place que pourraient chercher à occuper, dans le futur, les Frères musulmans. Par ailleurs, il peut être utile de rappeler que dans le contexte régional de «guerre contre l’Etat islamique» (EI) – et après des pressions plus anciennes du Conseil de coopération du Golfe (CGC) qui considère les Frères comme un danger – le Qatar s’est vu prier de ne plus accorder un exil trop complaisant à des dirigeants des Frères musulmans qui avaient trouvé un accueil dans l’émirat, après la chute de Morsi en juillet 2013. En termes explicites, comme le rapporte depuis Londres Ibrahim Mounir: «Les autorités qataries nous ont dit que les circonstances ne permettaient pas la présence de tous les membres de la confrérie sur le sol qatari.» Il ajoute néanmoins: «Ce départ ne signifie pas une rupture des relations entre le Qatar et les Frères.» D’ailleurs différents dirigeants moins médiatisés que les sept qui ont quitté Doha restent à Doha.

    Quant au Caire, le message passé au gouvernement des Etats-Unis (John Kerry) à ce propos est clair: «il est bien de vouloir “éradiquer” les forces de EI, mais les Frères musulmans sont aussi une organisation terroriste pour nous». Or, le Qatar les finance. Un communiqué de la présidence égyptienne souligne: «La coalition contre le terrorisme doit frapper tout genre de terrorisme et pas seulement l’Etat islamique.» Un spécialiste égyptien des mouvements dits islamistes, Sameh Eid, dessine la perspective suivante: «Doha veut ménager les Etats-Unis et apaiser ses relations tendues avec les autres pays du Golfe, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il a cessé de soutenir les Frères musulmans. Il est probable cependant que les Frères perdent leur tribune médiatique qu’est Al-Jazeera. La confrérie n’a d’autres choix que de chercher un compromis avec le pouvoir en Egypte. Mais elle doit d’abord trouver un moyen de convaincre ses bases populaires et cela nécessitera beaucoup de temps.» (Al Ahram, 17 septembre 2014). Dans un entretien avec la chaîne de TV états-unienne CBS, Abdel Fattah al-Sissi a déclaré qu’il était favorable «à la liberté d’expression» (sic), mais que les Frères devaient «cesser de mettre des bombes dans les rues, dans les trains et les centrales électriques» (Egypt Independent, 24 septembre 2014). Il est vrai que les accidents de train et les coupures d’électricité à répétition – peu liées à des explosions – suscitent un mécontentement populaire. Quant au ministre de la Justice, Saber Mafhouz, il a fait savoir – par l’intermédiaire de son porte-parole Hossam al-Qawwesh – qu’il n’avait aucunement l’intention de modifier ou d’abroger la loi de 2013 interdisant les manifestations. (Cairo Post, 18 septembre 2014 et Al Masry Al-Youm, 19 septembre 2014).

    Pour ce qui est de la répression du régime Sissi, Amnesty International, dans un communiqué du 19 septembre 2014, déclarait: «Les autorités égyptiennes mettent en danger la vie d’un militant incarcéré, dont la santé s’est gravement détériorée après plus de 230 jours de grève de la faim: elles refusent de lui prodiguer des soins médicaux et le maintiennent en détention à l’isolement. Mohamed Soltan, de nationalité égyptienne et américaine, compte parmi 86 militants incarcérés qui observent une grève de la faim dans les prisons et les postes de police à travers l’Egypte, pour protester contre leurs conditions de détention épouvantables, ou dans certains cas, leur détention provisoire prolongée et leurs procès iniques. Ils protestent également contre la loi répressive relative aux manifestations, beaucoup étant accusés de l’avoir enfreinte. […] Mohamed Soltan a été arrêté en août 2013 durant la répression contre les partisans pro-Morsi place Rabaa al Adawiya. Il travaillait avec un comité des médias qui dénonçait les violations des droits humains commises par les forces de sécurité contre les partisans du président déchu Mohamed Morsi. Mohamed Soltan est accusé d’avoir “financé le rassemblement de Rabaa al Adawiya” et “propagé de fausses informations”.»

    Amnesty conclut son communiqué ainsi: «Parmi les autres détenus de renom en grève de la faim figurent le blogueur Ahmed Douma, qui purge une peine de trois ans pour avoir contesté la loi draconienne relative aux manifestations, et Sanaa Seif, militante bien connue en grève de la faim depuis le 28 août 2014. Son père, l’infatigable avocat défenseur des droits humains Ahmed Seif al-Islam, est décédé au mois d’août. Elle a cessé de s’alimenter pour protester contre le refus des autorités de lui permettre de passer du temps auprès de son père pour ses derniers instants. De l’autre côté des murs de la prison, au moins 54 militants et défenseurs des droits humains ont entamé une grève de la faim, par solidarité avec les personnes détenues, notamment la sœur de Sanaa, Mona Seif, et également Aida Seif El Dawla, directrice exécutive du Centre Nadeem pour la réadaptation des victimes de violences.»

    Le nombre des grévistes de la faim, hors des murs, manifestant contre le régime d’oppression a dépassé les 300,  malgré la libération d’une figure médiatique de la lutte contre Moubarak et de la révolution: le blogueur Alaa Abdel Fattah. Il est courant de passer des mois en prison avant d’être jugé. En quelque sorte la détention préventive, sans limites, remplace l’état d’urgence, selon d’ailleurs les vœux  exprimés par Adly Mansour – président de la Haute Cour constitutionnelle et président de la République du 4 juillet 2013 au 8 juin 2014 – deux mois après la chute de Morsi (Egypt Indpendent, 21 septembre 2014).

    Enfin, un logiciel espion qui permet de détecter 30 secondes après sa publication sur un réseau social ou une messagerie instantanée n’importe quel message jugé «contraire aux lois et à l’ordre public» a été acquis, selon BuzzFeed, qui cite des sources internes au gouvernement du maréchal Al-Sissi, via une filiale égyptienne de l’entreprise américaine Blue Coat (Egypt Independent, 20 septembre 2014). Il est vrai que les réseaux sociaux ont joué et joue un rôle. Mais beaucoup de reportages, à la mode, ont systématiquement sous-estimé, avant 2011 et après, le rôle des structures organisées du mouvement social et des structures syndicales indépendantes. Des cibles que le régime a en point de mire, plus réaliste, sur ce point, que des journalistes spectateurs, à l’époque, de la seule Place Tahrir. (Rédaction A l’Encontre, 24 septembre 2014)

    http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-reprise-progressive-des-luttes-ouvrieres-leur-signification.html

  • Egypte. Reprise progressive des luttes ouvrières, leur signification (2)

    Depuis début d’août, après le mois de ramadan, les grèves ont repris lentement mais sûrement en Egypte. A cette occasion, il est primordial de souligner combien les luttes des ouvriers et exploités égyptiens ont été quasi permanentes depuis plus de trois ans en atteignant parfois des niveaux de mobilisation rarement vus dans l’histoire et jouant un rôle politique central dans la vie politique du pays… Et il est important, en leur donnant leur juste place, de dire aussi combien elles ont été occultées.

    Depuis août, des protestations sociales qui montent lentement mais sûrement

    Pour le mois d’août, malgré la chaleur de l’été, une ONG relevait 253 mouvements, grèves ou manifestations, hors les manifestations organisées par les Frères musulmans.

    Sur 121 grèves recensées, 35 d’entre elles concernaient le secteur ouvrier privé, 26 les employés de l’Etat, 9 le secteur social, 9 les transports, 8 les vendeurs de rue, 7 les enseignants et 7 les journalistes. 43 d’entre elles touchaient aux salaires, 10 l’emploi, 8 la flexibilité, 8 les conditions de travail , 6 l’embauche de précaires, 4 les horaires, et 4 des licenciements. Parmi les manifestations, on en recensait 34 contre les coupures d’électricité, 10 contre la hausse des prix, 5 contre le manque de logements, 3 pour l’accès à l’eau potable et 3 contre le manque d’assainissement.

    Parmi les grèves pour les salaires, on peut noter fin août, celles des salariés de l’entreprise Samanoud à Gharbiya, de Céramica à Six Octobre [capitale du gouvernorat du 6 octobre par référence à la guerre du Kippour du 6 octobre 1973], de la Compagnie de Métaux de Helwan, du Holding des Industries Métallurgiques de Nasr City, des 6 usines de Misr-Iran Textile, de la Nahr al-Khaled Garments Company à Port-Saïd. A ces grèves il faut ajouter une manifestation des travailleurs de la Tanta Flex and Oil Company pour le redémarrage de leur entreprise; une manifestation des petits commerçants de Port-Saïd contre les taxes; les manifestations des petits vendeurs de rue (ils sont 5 millions) contre leur expulsion des centres-villes et celles des supporters Ultra, notamment des Chevaliers Blancs de Zamalek [club omnisports basé au Caire, depuis 1911], contre la menace de leur dissolution. Mais surtout, il faut relever le succès des travailleurs de 250 fabriques de briques de la région d’Afteeh concernant 40’000 salariés qui, commençant à protester contre le passage de leurs horaires de travail de 13 ou 14 heures à 15 heures journalières, ont obtenu après trois semaines de grève diverses améliorations de leurs conditions de travail et surtout le relèvement de leurs salaires de 7,5 à 10 livres égyptiennes pour mille briques. Comme le signalait la militante syndicaliste Fatma Ramadan, ce résultat est extrêmement important, d’une part parce que les travailleurs des briques sont parmi les plus exploités et les moins organisés, mais aussi parce que plus de 500’000 ouvriers travaillent dans la région dans la fabrique de briques et 1 million en Egypte, et que ce succès partiel pourrait donner l’idée de faire la même chose à bien d’autres parmi eux et même au-delà.

    En septembre, après 100 jours de Sissi président, les grèves et manifestations
    paraissent encore plus nombreuses

    Parmi les grèves qui ont attiré l’attention, il y a celle pour les salaires des journalistes d’Al Ahram – le journal du pouvoir – mais aussi, plus significatif, pour le renvoi de leur direction aux ordres du régime. On peut relever aussi la grève des travailleurs de l’assainissement dans différentes villes du pays; des travailleurs de 24 universités qui en étaient à leur sixième jour de grève le 21 septembre; des travailleurs des transports de Sharqiya et d’autres villes dans l’Est; des conducteurs de bus de Qalubiya; des employés de l’hôpital de Beni Suef; des agents d’hygiène et de sécurité de l’hôpital de Louxor; des employés du Conseil National pour le Handicap; ceux de la Compagnie Badawi pour l’industrie alimentaire; des agriculteurs du centre de l’Egypte en grève de la faim contre la saisie de terres qu’ils avaient depuis le temps de Nasser… Il faut noter aussi que le 10 septembre, 2000 diplômés ont assiégé le siège de la direction de l’éducation à Abbasiya pendant que d’autres manifestaient au Ministère de l’éducation. Mais on constatait aussi des manifestations d’usagers pour plus de trains; de parents d’élèves à Assouan contre le manque de places à l’école et son état lamentable; d’autres dans le quartier populaire du Caire, Imbaba, pour demander des logements; à Héliopolis, quartier plus chic, pour la défense du métro; dans les villages de Kristin pour l’eau potable et Taarrot pour des routes, des écoles, des équipements médicaux, de l’eau potable et un assainissement… Mais c’est surtout la grève et les manifestations des salariés de la Compagnie Textile d’Alexandrie qui ont marqué l’opinion puisque la police a fait feu contre eux, ce qui a suscité plusieurs manifestations de solidarité dans le pays.

    Depuis trois ans et demi, des luttes sociales à caractère politique totalement occultées

    Depuis trois ans et demi, les luttes sociales ont été quasi toutes totalement occultées par les médias et les partis, tout particulièrement en Occident.

    Pourtant, ces mobilisations sociales, du fait de leur dimension, ont eu un rôle central pratiquement continu dans la vie politique du pays depuis début 2011 – et même déjà avant. Les chutes de Moubarak en 2011, l’échec du coup d’Etat du CSFA (Conseil supérieur des Forces armées) en 2012, la chute de Morsi en juillet 2013 et celle encore du gouvernement d’Hazam el-Beblawi (9 juillet 2013-1er mars 2014) sous l’autorité de Sissi sont dues ou liées à ces mobilisations populaires souvent massives.

    Enfin, si ces luttes avaient des objectifs sociaux et économiques criants au vu de l’extrême misère qui touche le pays, elles avaient également un aspect politique évident qui se manifestait le plus souvent dans les grèves par la revendication très fréquente de «dégager» – après Moubarak lui-même – tous les petits Moubarak, tous les responsables à tous les niveaux de l’appareil d’Etat ou de l’économie.

    Cependant, ce large mouvement n’a pas su trouver jusqu’à présent d’expression politique propre. Ce qui pèse considérablement sur la coordination de ces luttes à l’échelle nationale et l’émergence d’une conscience ouvrière révolutionnaire indépendante.

    On comprendra facilement que l’occultation du rôle nodal de ces mobilisations ouvrières a l’objectif d’empêcher toute cristallisation de cette conscience politique ouvrière. A commencer en Egypte bien sûr, mais aussi à l’échelle arabe et mondiale où il pourrait apparaître comme une alternative aux tentatives de mobilisation des esprits contre le terrorisme islamiste, voire même une perspective ou un encouragement, quand le monde ouvrier, attaqué de toutes parts, cherche à retrouver confiance en lui et sa force.

    A l’heure où on essaie de nous convaincre qu’après l’hiver islamiste on assiste à un hiver militaire et à une situation qui serait uniquement polarisée par l’affrontement entre l’armée et les Frères musulmans, il est important de chercher à éclairer la situation d’un point de vue ouvrier, d’en bas, même avec le peu de moyens d’information dont on dispose.

    C’est la base minimale pour se faire un point de vue indépendant et, par là, le point de départ indispensable pour se donner la capacité de construire une politique indépendante.

    Sur donc plus de trois ans et demi de révolution, la mobilisation des travailleurs n’a quasi jamais cessé, sinon pour de courtes phases n’excédant guère un ou deux mois. Il n’y a eu qu’une exception, c’est la période qui va de début juillet 2013 à la fin de janvier 2014, où durant sept mois, les grèves et manifestations ouvrières ont été à un niveau très bas. Mais elles ont repris en masse en février, mars et avril 2014 pour le salaire minimum, faisant même tomber le gouvernement. Elles se sont à nouveau interrompues deux mois avec les élections présidentielles de fin mai et les promesses de Sissi de satisfaire les revendications populaires une fois élu.

    Mais après le mois de juin post-électoral suivi du mois de ramadan en juillet peu propice aux conflits, les luttes ont à nouveau repris en août, assez fortement à la fin du mois puis ont continué à un niveau passablement appréciable en ce début septembre. Les grèves actuelles n’ont pas pris le caractère d’une vague croissante suffisante pour changer la situation; on n’en est pas là. Mais il y a un rythme des luttes suffisamment important – avec quelques succès marquants – pour qu’elles se fassent toujours craindre et montrer que la révolution n’est pas finie malgré la désertion de l’opposition et la répression du régime.

     

    Personne ne peut bien sûr prévoir l’avenir. D’autant plus qu’il est difficile de savoir précisément quel est l’état d’esprit des travailleurs en lutte, leurs aspirations et leur conscience après trois ans de révolution. Ce qui est déterminant.

    Par contre, on peut percevoir plusieurs choses dans les luttes actuelles.

    Des luttes et grèves qui continuent malgré
    de multiples obstacles

    Cette reprise des luttes révèle d’abord que ce qui a été atypique sur les trois ans et demi passés, c’est la période de sept mois de juillet 2013 à janvier 2014, seule phase au cours de laquelle la polarisation de la situation entre les Frères musulmans et l’armée a été au centre de la scène politique mettant à l’arrière-plan les oppositions de classe.

    Ensuite, ces luttes ont lieu malgré une période de répression terrible, peut-être plus dure que sous Moubarak. Des centaines de salariés, dont bien des syndicalistes, sont arrêtés arbitrairement, momentanément ou durablement, pendant que des milliers d’autres sont licenciés pour fait de grève ou tentative d’organisation d’un syndicat.

    Plus généralement, l’Egypte est au deuxième rang mondial pour les peines de mort et au troisième pour le nombre de journalistes arrêtés. Près de 41’163 personnes ont été arrêtées en un an et la loi interdit de fait toute manifestation ou grève. Outre les Frères musulmans, les militants révolutionnaires sont particulièrement visés par la répression, mais aussi les ONG, les athées, les homosexuels, les journalistes indépendants, des artistes et rappeurs révolutionnaires, les supporters Ultras, les blogueurs contestataires… En ce mois de septembre, 295 personnes sont en grève de la faim, prisonniers politiques, mais aussi à l’extérieur des prisons, journalistes, militants de différents partis, supporters Ultras de football… pour exiger la libération des prisonniers et l’abrogation de la loi qui interdit manifestations et grèves.

    Ensuite encore, ces luttes ont lieu malgré une démagogie permanente du pouvoir militaire appelant à l’union patriotique pour sauver l’économie égyptienne et lutter contre le terrorisme qui frappe une partie du pays. La propagande est incessante et omniprésente dans la plupart des médias qui sont complices du régime, essayant de faire passer ces travailleurs en grève pour des ennemis de l’Egypte et des complices des terroristes islamistes.

    Enfin, et pas le moindre, ces luttes ont lieu malgré la défection des dirigeants ouvriers ou de gauche ainsi que de la plupart des démocrates révolutionnaires. En effet les dirigeants des confédérations syndicales, d’Etat mais aussi des nouvelles confédérations indépendantes, se sont tous prononcés pour l’arrêt ou la suspension des grèves en se rangeant derrière la démagogie antiterroriste de Sissi; et les dirigeants syndicaux et politiques de la gauche comme des principaux partis de l’opposition laïque et libérale ou démocrate ont appelé Sissi au pouvoir par peur de la révolution montante fin juin 2013 et ont ensuite soutenu le régime pour leur majeure partie, voire même, ont été membres de son gouvernement et acteurs ou complices de sa répression.

    Des luttes et grèves qui tiennent en respect le régime militaire

    Ce n’est donc que pendant «l’anomalie» de ces sept mois de juillet 2013 à février 2014 que la menace constante d’une «révolution de la faim», qui est au fond des préoccupations de tous et des craintes des classes possédantes, s’est estompée. Mais à peine, parce que Sissi, pour obtenir une relative paix sociale a dû multiplier les promesses et les concessions à la révolution au moins verbales mais parfois réelles, même si elles sont secondaires – ce qui, de ce point de vue, est différent de l’ère Moubarak.

    Après l’augmentation du salaire minimum pour 4,7 millions de fonctionnaires en janvier et la promesse au printemps de l’étendre à d’autres catégories, il a mis en place un salaire maximum pour les plus riches fin juin à grand renfort de publicité même si les mesures d’applications l’ont vidé de tout contenu sérieux. Et puis il y a eu les promesses de construire des centaines de milliers de logements, des canaux d’irrigation, des stades… dont la réalisation hypothétique a été confiée aux services techniques de l’armée… histoire, pour ce qui sera fait, de remplir les poches de quelques généraux. Début juillet ce sont des cartes d’approvisionnement qui permettent à des millions de pauvres de s’approvisionner dans 25’000 épiceries en produits de première nécessité subventionnés et moins chers. Et puis, un peu plus sérieux, il y a également l’amélioration des pensions les plus basses, l’arrêt des poursuites bancaires contre les paysans défaillants, l’élargissement de la couverture maladie pour les agriculteurs, la création d’un fonds de solidarité pour les catastrophes agricoles et surtout la promesse le 8 septembre, juste avant la rentrée scolaire, de la création de 30’000 postes d’enseignants et de l’ouverture de 60000 diplômes d’enseignants du technique pour les besoins des Etats du Golfe.

    Et lorsque Sissi a osé pour la première fois s’attaquer directement aux classes populaires en baissant les subventions aux produits pétroliers, il l’a fait prudemment juste au début du ramadan, ce qui n’a pas empêché une grève immédiate des taxis individuels et collectifs… qui ont encore manifesté, associés à d’autres secteurs des transports, à 9 reprises en août. Ce qui pour le moment a dissuadé Sissi d’aller plus loin.

    Lorsqu’il a essayé, en maréchal droit dans ses bottes, de tenir sa promesse «d’ordre et de sécurité , il s’est attelé à nettoyer les rues des villes de la nuée des 5 millions de petits marchands ambulants dont le nombre a grossi aussi vite que l’autorité de la police diminuait et que le chômage augmentait (officiellement, de 8,9% en 2010 à 13, 4% en 2013). Mais ce faisant, il n’a fait que perdre un peu plus l’appui de cette couche misérable de la population, son principal soutien, affichant largement, par conviction (ou obligation), le portrait du maréchal sur ses étals. Aujourd’hui, la moitié des marchands ambulants sont syndiqués et ils sont plus d’un à oser dire dorénavant qu’ils continueront à occuper les rues jusqu’à la chute du maréchal. On notait en ce mois d’août 8 manifestations des petits vendeurs de rue.

    Par ailleurs, le 22 août, une grève des forces de sécurité d’Ismaïlia, où les conscrits se sont affrontés aux officiers les accusant de les traiter en esclaves, illustrait que le mois d’août avait connu 5 autres conflits de ce type au sein des forces de police ou de justice et rappelait que les forces de répression, en partie des appelés, peuvent être sensibles aux pressions populaires .

    Enfin, lorsque le pouvoir décide de reculer la rentrée universitaire d’un mois au 11 octobre, en essayant de multiplier à la va vite les mesures visant à interdire les groupes politiques à l’université ou les mouvements de protestation dans les cités universitaires, installer des caméras et des portiques électroniques, augmenter les droits d’entrée, cela apparaît non seulement dérisoire parce que tout le monde sait que ces mesures ne seront pas appliquées mais aussi la preuve d’une certaine impuissance envers la contestation étudiante qui se manifestait encore vivement en juillet. C’est peut-être aussi pour cela qu’en signe d’apaisement, à la veille de cette rentrée universitaire, le pouvoir a décidé de libérer quelques militants révolutionnaires comme Mahienour El-Massry ou Alaa Abd El Fattah et qu’en même temps, juste au moment de la rentrée scolaire du premier cycle, le 21 septembre, de violents attentats marquaient l’actualité du pays, permettant à un ministre de déclarer: «Nous sommes en guerre. Et en guerre il ne peut y avoir d’opposition.»

    Comme le disait un membre du «Mouvement du 6 avril»: les grèves sont interdites et elles ont lieu, nous sommes dissous, mais nous organisons des conférences de presse publiques. Nous n’avons pas le droit d’exister mais nous organisons des manifestations début septembre contre la hausse des prix du pétrole, des transports et les coupures de courants.

    La répression est d’autant plus violente que le pouvoir a beau multiplier les décisions, il a du mal à faire appliquer ce qu’il décide, à commencer par l’interdiction de faire grève et manifester.

    Il n’est pas le premier à rencontrer cette difficulté. Une des premières mesures que tous les gouvernements après Moubarak, CSFA ou Morsi, ont tenté de mettre en place aussitôt arrivés au pouvoir, a été cette interdiction des grèves et manifestations qu’ils n’ont jamais réussi à rendre effective.

    Une colère sociale d’autant plus dangereuse qu’elle pourrait changer de dirigeants

    Il est très difficile bien sûr de se faire un avis sur ce qui a changé depuis trois ans dans l’état d’esprit des ouvriers et des militants et sur ce qui est déterminant dans la situation actuelle, y a-t-il naissance d’une conscience politique dans la classe ouvrière?

    Cependant, ce qui a été remarquable dans le mouvement de grève de février et mars, c’est l’émergence à la mi-mars, pour la première fois dans l’histoire de la révolution égyptienne, d’une coordination affichant sa volonté de coordonner nationalement les luttes et les grèves autour d’un programme social commun à tous.

    Les grèves de cette période ont rompu par leur existence la polarisation de la vie politique entre armée et Frères musulmans en remettant la question sociale sur l’avant de la scène. Mais, plus que cela, avec cette coordination, elles ont fait émerger le spectre d’une conscience politique ouvrière.

    C’est le mouvement de grève des médecins (dont la grande majorité en Egypte est pauvre même si une toute petite minorité est excessivement riche), organisé autour d’une Assemblée générale et d’un comité central de grève nationaux, commencé en janvier 2014 pour ensuite entrer en mars dans une grève totale de deux mois, qui a initié cette coordination. Cette coordination s’est ensuite étendue aux autres professions de santé, pharmaciens, dentistes, vétérinaires, secrétaires médicaux, employés du ministère de la santé… mais également aux postiers en grève et à 11 grandes entreprises nationalisées reprivatisées en lutte avec également des représentants de l’aviation civile et des chemins de fer.

    Pour mieux unifier les luttes, cette coordination avait établi un programme commun reprenant l’essentiel des revendications: le salaire minimum pour tous, la renationalisation des entreprises privatisées, la revalorisation du budget de la santé et le limogeage de tous les dirigeants au niveau local ou national.

    Par l’ampleur de son programme social ainsi que son caractère clairement politique, cette coordination s’est tout de suite affrontée publiquement à Sissi… qui a préféré reculer devant elle et a choisi alors de se présenter aux élections présidentielles pour tenter de stopper cette grève qui prenait un tour politique si dangereux.

    Le mouvement s’est arrêté à ce moment. La coordination qui avait été la pointe avancée de la méfiance ou de la conscience populaire à l’encontre des confédérations syndicales qui soutenaient Sissi et qui n’ont jamais tenté d’organiser le mouvement social à l’échelle nationale, n’a guère eu le temps d’intervenir et de peser sur le cours des grèves et la situation générale.

    Toute la question aujourd’hui pour l’avenir de la révolution, alors que les grèves reprennent environ cinq mois après ces événements, est de savoir ce qu’il reste de cette coordination dans les esprits et les projets.

    Les dirigeants politiques et syndicaux de l’opposition ont soutenu Sisssi, expliquant la relative inactivité sociale des 7 mois passés, mais, en même temps, ce sont souvent des militants issus de ces mouvances politiques et syndicales qui animent ou sont à l’origine d’une grande partie des luttes. Or il est sûr que la plupart de ceux qui ont été influencés un moment par leurs dirigeants pour rester inactifs face à Sissi sont revenus des quelques vagues illusions qu’ils ont pu avoir. Les formidables taux d’abstention à son référendum de janvier comme aux élections présidentielles de mai avaient déjà montré que si les Egyptiens ne s’opposaient pas activement à lui, ils ne le soutenaient pas non plus. Et aujourd’hui, il est clair que Sissi ne tient guère de promesses et fait tirer sur les ouvriers.

    Verra-t-on réapparaître cette forme d’organisation comme illustration de cette conscience ?

    Pour le moment, les conflits en cours, ouvriers des briqueteries, travailleurs des universités, journalistes d’Al Ahram, petits vendeurs de rue… semblent toucher les secteurs les plus exploités, les moins organisés ou les moins conscients des salariés. Les noyaux de la contestation sociale des périodes précédentes ne paraissent pas encore en mouvement. Peut-être sont-ils plus freinés par leurs militants plus proches de la gauche. Ou tout simplement, parce que ce sont eux qui ont subi le plus la répression ou encore parce qu’il leur faut souffler un peu et prendre le temps de faire le point après des mobilisations si intenses et dans un tel chaos politique.

    Et à part pour les journalistes d’Al Ahram, il n’apparaît pas vraiment pour le moment qu’en plus des revendications économiques, ils aient la revendication politique de « dégager» leurs dirigeants, comme c’était très fréquent dans la période précédente.

    Cela peut changer rapidement. D’autant plus que les médecins ont organisé une protestation le 31 août en menaçant de reprendre les grèves s’il ne leur était pas plus donné que les miettes qui leur ont été consenties au printemps.

    Mais en attendant, un autre danger que la répression et les vagues illusions en Sissi, guette les ouvriers.

    Les Frères musulmans en embuscade pour tenter de récupérer un mouvement social
    encore sans direction politique

    La politique des Frères musulmans semble en train de changer en ce mois de septembre. Le déficit de direction politique ouvrière à gauche en même temps que la continuation des luttes, mais par des secteurs moins conscients, en est peut-être la cause.

    Jusque-là, les dirigeants de la Confrérie avaient tout fait pour couper leurs membres des pressions populaires qui leur étaient hostiles depuis que Morsi s’était fait l’apôtre d’une politique d’austérité anti-ouvrière provoquant la haine à son encontre. Ils avaient donc centré leurs appels constants à la manifestation, sur la défense de l’islam ou de la légitimité du pouvoir de Morsi. Aujourd’hui, ces deux aspects ont tendance à être remplacés depuis fin août et début septembre par des revendications plus sociales contre les hausses de prix et les coupures de courants. On a même eu un appel le 7 septembre à une grève générale des travailleurs, à une «insurrection des pauvres» et à une «révolution de la faim». On a vu apparaître le 9 septembre un mouvement, «Dank», inconnu, dont les porte-parole se présentent masqués, mais qu’on attribue le plus souvent aux Frères musulmans, qui a appelé partout à manifester pour la justice sociale, contre la hausse des prix, la détérioration des services et pour une révolution des pauvres.

    Cette évolution est peut-être due au rajeunissement des cadres de la Confrérie du fait des arrestations massives parmi ses anciens dirigeants et activistes. On avait déjà vu dans les mois précédents un glissement semblable dans les manifestations des Frères. Les familles et les étudiants des Frères musulmans étaient devenus le centre de leurs mobilisations à la place des anciens activistes en élargissant dès lors leurs revendications soit aux libertés à l’université soit à la libération de tous les prisonniers. L’évolution actuelle peut n’être le fait que d’une partie des Frères mais on voit bien qu’elle est aussi le fait d’une logique sociale.

    Anecdote peut-être significative, le 16 septembre, la presse a raconté l’arrestation à Ismaïlia de 4 jeunes de 19 à 24 ans, qui suivaient des policiers jusqu’à leur maison lorsqu’ils quittaient leur travail pour ensuite mettre le feu à leurs voitures en bas de chez eux. Selon la presse, ces jeunes étaient les membres présumés d’un groupe des Frères musulmans baptisé… «Che Guevara». On ne peut savoir s’il s’agit d’une intoxication de la police et de la presse pour identifier dans l’esprit des gens le mouvement révolutionnaire au terrorisme, mais il faut bien avoir à l’esprit que dans un pays de 87 millions d’habitants (plus 6 millions à l’étranger) avec un taux de croissance de la population de 2,5% par an, il y a chaque année 2 millions de jeunes de plus qui peuvent s’éveiller à la vie politique sans avoir vécu consciemment le passé, ni même connu Morsi au pouvoir.

    Pour le moment, il semble que les Frères musulmans soient encore très loin d’avoir retrouvé la confiance et le soutien de la population. Déjà parce que presque tout le monde a bien à l’esprit la politique anti-ouvrière de Morsi quand il était au gouvernement et la violence des Frères pour s’opposer à la révolution dans les jours qui ont suivi le 30 juin. Et puis, en plus, il y a aujourd’hui un réel terrorisme islamiste en Egypte dérivé de la véritable guerre qui a lieu au Sinaï entre l’armée et des tribus bédouines associées à des djihadistes (dont le mouvement le plus influent vient de rejoindre Daech). Or ce terrorisme est très mal ressenti par les Egyptiens du fait qu’il frappe aveuglément tout le monde et n’importe qui… Et le gouvernement l’attribue aux Frères musulmans. Enfin les grèves actuelles se concentrent dans les régions où il y avait eu le plus de luttes contre Morsi en 2012-2013.

    Cependant, on voit bien dans l’infléchissement politique de la Confrérie qu’elle pourrait bien se positionner pour tenter de récupérer le mouvement social que ses dirigeants syndicaux et politiques nassériens et de gauche ont abandonné ou trahi et qui n’intéresse pas le mouvement démocrate révolutionnaire. Surtout si la relève à gauche tarde à venir.

    Il y a bien sûr de moins en moins de monde aux manifestations plus qu’hebdomadaires des Frères musulmans. Cependant elles n’ont pas cessé malgré la répression violente depuis le coup d’Etat de Sissi du 3 juillet 2013. On en comptait 414 en août. Ce n’est pas rien. Encore qu’il soit difficile de savoir ce qu’il en est exactement car la presse aux ordres survalorise systématiquement ces manifestations pour mieux alimenter la crainte du terrorisme et justifier les atteintes à toutes les libertés.

    Mais il ne serait pas étonnant malgré la réalité d’une répression toujours présente et de la démagogie de l’Etat contre le terrorisme islamiste, que commence, si ce n’est pas déjà fait, un certain jeu avec ces manifestations. D’une part, le pouvoir a besoin de cet ennemi pour justifier la continuation de sa politique antiterroriste. Et d’autre part, il en aura peut-être aussi besoin, comme dans le passé, pour canaliser la contestation sociale si celle-ci se développait alors que la gauche a peut-être épuisé une partie de son influence et pourrait être dépassée par de nouveaux dirigeants plus radicaux.

    Les Frères musulmans pourraient alors négocier avec le pouvoir leur capacité à détourner cette colère sociale. Et si cela ne se fait pas déjà en sous-main avec le pouvoir, ce qui pourrait expliquer en partie l’ajournement indéfini des législatives, c’est en tout cas dans leur esprit.

    On voit les enjeux de l’éveil rapide d’une nouvelle génération politique ouvrière et révolutionnaire à gauche. Il y a une course de vitesse.

    C’est pourquoi, même de loin, ce que nous disons peut jouer un rôle, même minime, dans cet éveil. Affirmer sa solidarité, maintenir le drapeau d’un programme socialiste révolutionnaire internationaliste est bien sûr nécessaire. Mais on peut aussi plus concrètement affirmer que toute politique révolutionnaire indépendante ne peut avoir comme point de départ que l’expression de ce que pensent et ressentent les exploités, en commençant ne serait-ce, pour notre part, que décrire ce mouvement ouvrier, ses aspirations, ses besoins et sa conscience, en le faisant même pour ici. (21 septembre 2014)

    Publié par Alencontre le 24 - septembre - 2014

    Par Jacques Chastaing

    http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-reprise-progressive-des-luttes-ouvrieres-leur-signification.html

  • Les Chibanis de Paris se mobilisent pour garder un toit (France Culture)

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    Cela fait 10 ou 30 ans qu'ils habitent cet hôtel meublé du Faubourg Saint-Antoine, à Paris, qui n'a plus d'hôtel que le nom et qui tombe tristement en lambeaux.

    Malgré la vétusté des lieux, l'absence d'eau chaude et les cafards sur les murs, ces vieux messieurs, immigrés venus d'Algérie et du Maroc, des "chibanis", font de la résistance pour conserver leurs chambres. Reportage d'Agathe Mahuet à découvrir dans ce journal et ci-dessous.

    Parce qu'il veut vendre, le propriétaire (la CISE, Compagnie des immeubles de la Seine) les menace d'expulsion. Eux réclament d'être relogés, décemment. Tout de même, ils n'ont pas travaillé quarante ans en France, sur les chantiers ou dans les cuisines, pour finir abandonnés sur le trottoir.

    Sur les murs de sa chambre de 9m², Smaïl Regredj a collé les photos de sa famillenombreuse, restée en Kabylie. A Tizi-Ouzou, j'ai une femme, huit enfants, et pleins de petits-enfants. Mais cela fait 47 ans que je travaille en France! Je ne peux pas retourner là-bas. Ma vie est ici, j'ai mes habitudes ici

    Smaïl espère maintenant que la ville de Paris transformera le vieil hôtel en un immeuble de logements sociaux. Le problème, comme l'explique Moncef Labidi, responsable du Café social, à Belleville, c'est que les politiques français n'ont jamais pensé que ces travailleurs immigrés solitaires envisageraient de finir leurs jours ici, en France, loin de leur femme, de leurs enfants et du pays qu'ils ont quitté il y a bien trop longtemps pour pouvoir, aujourd'hui, retourner y vivre leur retraite :

    Pour Moncef Labidi, sociologue de formation, le sentiment d'intégration des jeunes Français issus de l'immigration maghrébine serait plus fort si l'on prenait davantage soin de leurs aînés, les Chibanis. En attendant que les politiques se saisissent du dossier, Moncef et son association ont mis en place des colocations pour immigrés âgés : quatre "domiciles partagés" sont déjà loués dans le nord parisien :

    10.09.2014 - 18:00

    http://www.franceculture.fr/emission-journal-de-18h-les-chibanis-de-paris-se-mobilisent-pour-garder-un-toit-2014-09-10

  • Qatar : des organisations internationales dénoncent une économie d’esclavage moderne (Bastamag))

    « Je suis suivi par la police. On dirait qu’ils vont nous faire des problèmes. »

    C’est le dernier message envoyé le 31 août depuis le Qatar par Krishna Upadhyaya et Ghimire Gundev, deux militants britanniques des droits humains. Depuis, ils n’ont plus donné de nouvelles. Les autorités qataries ont révélé le 7 septembre qu’ils étaient retenus prisonniers et interrogés pour avoir “violé les lois” de l’émirat [1]. Les deux hommes travaillent pour l’organisation norvégienne Global Network for Rights and Development (GNRD). Ils se sont rendus au Qatar pour rencontrer des travailleurs népalais et documenter la situation des travailleurs migrants sur les chantiers de la Coupe du monde de football 2022.

    L’organisation Global Network for Rights and Development (GNRD) a lancé aux côtés de la Confédération syndicale internationale (CSI), de la fondation pour la défense des droits de l’homme Front line defenders et de l’ONG contre l’esclavage moderne Anti slavery international une action pour demander la libération des deux militants.

    1,4 million de migrants travaillent dans le petit émirat du Qatar.

    Ils constituent la majorité de la population du pays, mais n’ont pratiquement aucun droit. « Les travailleurs étrangers sont presque réduits en esclavage – totalement soumis au pouvoir de leurs employeurs qui détiennent un contrôle total sur les salaires et les conditions d’emploi, ont le pouvoir d’attribuer les permis de résidence (ne pas en avoir peut conduire en prison) et peuvent refuser au travailleur un changement d’emploi, ou même un visa de sortie pour pouvoir quitter le pays », résumait la Confédération syndicale internationale dans un rapport au printemps dernier.

    Plus d’un millier d’ouvriers sont déjà morts sur les chantiers du Qatar depuis que l’émirat s’est vu attribuer l’organisation du mondial, en 2010. La plupart ont péri d’accidents du travail ou de crise cardiaque (Voir notre enquête "Coupe du monde : Bouygues et Vinci s’installent au Qatar, un pays qui recourt massivement au travail forcé").

    « À chacun de nos voyages au Qatar, les gens ont de plus en plus peur de parler »

    Suite aux rapports accablants de la CSI et d’Amnesty sur cette situation, le Qatar avait promis des améliorations en juin. L’arrestation des deux militants laisse présager du contraire. « Le Qatar semble penser que créer un climat de peur et d’intimidation va détourner l’attention du monde de son économie d’esclavage moderne, a réagi Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI après l’annonce de la disparition des deux hommes. Des centaines de travailleurs migrants, dont beaucoup de femmes, sont en train de dépérir dans les centres de détention de Doha tout simplement pour avoir voulu échapper à des employeurs violents et abusifs. Des journalistes étrangers ont été détenus pour avoir essayer de montrer la vérité, et la répression d’état s’accentue dans un pays qui n’a montré jusqu’à maintenant aucun respect pour les droits humains et les standards légaux de base. »

    En juin, Gemma Swart, de la CSI, témoignait déjà d’une pression grandissante sur les travailleurs migrants depuis les révélations toujours plus précises sur leurs terribles conditions de vie et de travail. « À chacun de nos voyages au Qatar, les gens ont de plus en plus peur de parler » , nous disait-t-elle. Manifestement, l’émirat veut aussi intensifier la pression sur les organisations qui luttent pour les droits de l’homme et des travailleurs. Sans réaction de la part de la Fifa.

    Rachel Knaebel 8 septembre 2014

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  • Droit de grève : ce qui va changer (Liberté Algérie)

    Le nouveau projet de Code du travail prévoit des restrictions

    Le nouveau code du travail est finalement dévoilé. Le projet de loi élaboré par le département du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale risque de provoquer un bras de fer, notamment concernant le droit de grève.


    Dans la loi soumise à débat, “le droit de grève” n’est pas clairement remis en cause, mais le législateur a mis des balises qui rendent compliqué l’exercice de ce droit. Dans le volet obligations des travailleurs, outre celles déjà prévues par la législation en vigueur, l’accent est particulièrement mis, dans le texte, sur l’exercice du droit de grève qui devient de plus en plus canalisé.

    Ainsi, il sera désormais fait obligation aux travailleurs observant un mouvement de grève d’assurer le service minimum, de se soumettre à toute réquisition des autorités compétentes, de ne pas entraver la liberté de travail (qui sera considérée comme une faute professionnelle grave).

    Selon le nouveau projet, les travailleurs sont désormais soumis “à l’obligation de se soumettre à la réquisition des autorités compétentes” en cas de grève.

    Selon l’article 352, le refus d’exécuter un ordre de réquisition constitue une faute professionnelle grave. Les rédacteurs du document ajoutent un nouveau concept qui peut prêter à confusion, à savoir “le droit au travail”. Selon l’article 344, l’entrave à la liberté de travail est punie par la loi. Dans l’article qui suit, soit le 345, il est dit que “l’occupation par des travailleurs en grève de locaux professionnels de l’employeur est interdite quand elle a pour objet de constituer une entrave à la liberté du travail”. Est-ce à dire que le piquet de grève est interdit sur le lieu du travail ? Cette “entrave à la liberté du travail” fait partie des motifs justifiant le licenciement.


    Le nouveau texte élargit également le champ d’application des domaines touchés par “le service minimum”.

    Ainsi, les enseignants “qui dispensent des programmes pédagogiques des examens à caractère national” sont touchés par l’obligation d’observer le service minimum (article 348). Le refus par un travailleur concerné d’assurer le service minimum auquel il est astreint constitue une faute professionnelle grave.


    Par ailleurs, il est clairement stipulé que durant les journées de grève, le salarié “n’a pas droit à une rémunération”.

    Un article susceptible de dissuader les salariés qui auront recours à la grève. À signaler aussi l’article 353 qui précise les domaines d’activité où le recours à la grève est interdit, à l’instar des agents actifs des douanes.


    Les entraves aux libertés syndicales ont de tout temps été dénoncées par les syndicalistes.

    Les dispositions contenues dans le nouveau projet de loi de code du travail risquent encore d’exacerber les tentions entre les syndicats et les pouvoirs publiques.

    Par : Said SMATI

    http://www.liberte-algerie.com/actualite/droit-de-greve-ce-qui-va-changer-le-nouveau-projet-de-code-du-travail-prevoit-des-restrictions-227779