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Luttes ouvrières - Page 9

  • Tunisie : Douze revendications des « sit-inneurs » au siège du gouvernorat de Kasserine (Essf)

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    1. Emploi d’un membre de chaque famille sans tenir compte du père ou de la mère, et ce dans le cadre de règles justes et équitables pour l’ensemble des chômeurs.

    2. Mise en application d’un classement préférentiel dans les recrutements selon les spécialités, l’année de l’obtention du diplôme, l’âge et le gouvernorat.

    3. L’application d’une discrimination positive pour les chômeurs de longue durée, les malades, les chômeurs âgés de plus de 35 ans et les cas sociaux.

    4. L’abaissement de l’âge de départ à la retraite pour permettre l’embauche des jeunes.

    5. L’octroi d’une indemnité de chômage égale au salaire minimum en vigueur ainsi que le bénéfice de la couverture sociale, de la gratuité des soins et du transport durant la période du chômage et la suppression des dispositifs précaires mis en place actuellement comme le travail volontaire ou les stagiaires professionnels.

    6. Mise en place de mesures d’exception dans les conditions d’âges requises dans le recrutement dans la fonction publique surtout celles en vigueur aux ministères de l’intérieur et de la défense.

    7. La restructuration de la Société Nationale de Cellulose et de Papier Alfa ainsi que la réouverture des unités fermées et leur modernisation afin qu’elles puissent pourvoir à l’embauche des jeunes chômeurs.

    8. L’attribution de terres domaniales au profit de projets agricoles pour les jeunes chômeurs.

    9. L’examen de la situation de la société pétrolière SEREPT et la société du phosphate de Jedliane afin d’accroitre les possibilités de recrutement dans ces deux sociétés.

    10. Création de sociétés publiques à l’instar de la société la Société Nationale de Cellulose et de Papier Alfa, et ce, dans le secteur des industries de transformation employant beaucoup de main d’œuvre.

    11. Recrutement statutaire des recrutés dans la fonction publique selon différents dispositifs précaires tels les professeurs contractuels en alternance, le dispositif n° 16, les chantiers ; et l’examen des listes d’attente des lauréats des concours de CAPES oraux et écrits.

    12. Augmentation du taux des chômeurs dans les recrutements et publications de toutes les données concernant les critères et les résultats des opérations de recrutement afin de garantir toute la transparence nécessaire.

    13. Publication de tous les engagements du gouvernement vis-à-vis des « sit-inneurs » dans le journal officiel de la République tunisienne, afin d’éviter les erreurs de communications car aujourd’hui la crédibilité ne prévaut que par l’écrit.

    Kasserine, le 25 janvier r2016

    الجمعية التونسية للدفاع عن طالبي الشغل بالقصرين
    Association Tunisienne de Défense des Demandeurs d’Emploi Kasserine

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36018

  • Tunisie: Les six jours qui ont de nouveau fait trembler l’ordre néocolonial (NPA)

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    Un calme relatif règne sur la Tunisie, après 6 jours de colère qui ont replongé le pays dans l’atmosphère insurrectionnelle de janvier 2011...

    C’est la crise de l’emploi qui a mis, de nouveau, le feu aux poudres ! Et ce sont encore des jeunes, notamment des « diplômés-chômeurs» qui se sont soulevés contre un gouvernement soumis aux ordres du capital mondial. Celui-ci poursuit la même politique économique et sociale qui ne cesse  d’alimenter la ruine économique et le chaos social.

    La nouvelle explosion de colère des sans-emploi a débuté le 17 janvier à Kasserine1, à la suite du décès du jeune diplômé-chômeur Ridha Yahyaoui lors d’une action de protestation. Très rapidement, la contestation a embrasé l’ensemble du pays. L’ampleur et la rapidité d’extension du mouvement, mais aussi les violences qu’il a déchaînées, ont poussé le pouvoir à décréter un couvre-feu sur l’ensemble du territoire2. Ce dernier a permis un retour au calme après des affrontements et des heurts violents entre manifestants et forces de l’ordre.

    Les dégâts sont importants : un policier est décédé et on dénombre plusieurs centaines de blessés des deux côtés. Le couvre-feu s’est traduit par l’arrestation de plus de 500 personnes, tous des malfaiteurs et des casseurs selon le ministère de l’Intérieur.

    Un mouvement discrédité, voire criminalisé

    Les crimes du système économique et social, qui ont poussé les classes populaires et la jeunesse à l’insurrection révolutionnaire il y a cinq ans, à savoir le chômage des diplômés du supérieur, le sous-emploi de masse et la misère généralisée, ont connu une extension phénoménale après la révolution. Le taux de chômage se situe officiellement à 15,3 %. Le sous-emploi touche deux actifs occupés sur trois. Le nombre de familles répertoriées comme étant extrêmement pauvres et bénéficiant des programmes d’aides de l’État, s’élève à 834 000 familles, soit environ 42 % de la population. Dans le même temps, beaucoup d’autres familles pauvres sont exclues de ce statut qui garantit un minimum vital3.

    Le chômage des diplômés du supérieur a augmenté de 71 % depuis 2010 : leur nombre est passé de 139 000 à 242 000 en 20154. Parmi eux, 34 000 médecins, pharmaciens et ingénieurs. Dans le même temps, plus de 100 000 sont en situation de chômage déguisé, insérés dans des programmes créés à cet effet.
    Le gouvernement, les quatre partis de la coalition gouvernementale, ainsi qu’une bonne partie de la presse ont tenté de discréditer, voire de criminaliser, la révolte des jeunes sans emploi. Le Front populaire, quant à lui, n’a pas hésité à soutenir le mouvement, reconnaissant même qu’il y est impliqué.

    Cette nouvelle révolte a remis à l’ordre du jour la grave crise sociale dans laquelle ne cesse de s’enliser la Tunisie. Elle a démontré aussi que le processus révolutionnaire conserve toute sa vigueur, malgré un bilan largement négatif. Plusieurs sit-in se poursuivent et réclament des réponses claires et rapides à un gouvernement très affaibli et aux abois. Des appels ont été lancés pour la reprise des manifestations.

    De Tunis, Fathi Chamkhi
    Député Front populaire

    • 1. Kasserine est une ville du sud-ouest, située à environ 280 km de Tunis.
    • 2. Le couvre-feu de 20h à 5h a été mis en place le 22 janvier. Il renforce ainsi l’état d’urgence en vigueur jusqu’au 21 février 2016.
    • 3. Une pension mensuelle d’environ 68 euros par famille (150 000 familles), plus un carnet de soins médicaux gratuits (232 000 familles) ou bien à demi-tarif (602 000 familles), des aides à la scolarité : 13 euros par élève (333 000 élèves) à chaque rentrée scolaire, et 45 euros par étudiant (40 000) à l’occasion de la rentrée universitaire.
    • 4. http ://www.ins.nat.tn/indexfr.php

    https://npa2009.org/tunisie-les-six-jours-qui-ont-de-nouveau-fait-trembler-lordre-neocolonial

     
  • Tunisie : la colère des jeunes chômeurs (Lutte Ouvrière)

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    Les mouvements de colère se multiplient dans les gouvernorats du centre-ouest de la Tunisie.

    La ville de Kasserine, en particulier, connaît une vague de protestations des chômeurs, qui réclament des emplois, le développement de la région et la fin de la corruption. Des manifestations et sit-in se sont déroulés dans une vingtaine de villes.

    À l’origine de cette récente flambée, il y a la mort, le 16 janvier, d’un jeune chômeur qui s’est tué en escaladant un poteau électrique lors d’un rassemblement. Son nom, comme d’autres noms, avait été retiré par l’administration d’une liste d’embauchés. Le même désespoir touche des milliers d’autres jeunes, comme ceux qui, grimpés pendant le rassemblement sur le toit de la préfecture, menaçaient de se jeter dans le vide.

    Face à la colère qui s’exprime à Kasserine, Sidi Bouzid, Siliana, villes où le chômage atteint près de 25 % et l’analphabétisme 32 %, et jusque dans les faubourgs de Tunis, les gaz lacrymogènes et l’appel à la patience sont la seule réponse du gouvernement. Le pouvoir, aux mains du parti de droite Nidaa Tounès, secondé par la parti islamiste Ennahda, déplore ne pas posséder de « baguette magique » pour régler la situation des classes travailleuses. À part des promesses de créations d’emplois et de formations, les jeunes chômeurs ne voient rien venir.

    Les prix grimpent, les grèves pour les salaires se développent dans les transports, les aéroports, le phosphate.

    L’état d’urgence proclamé depuis novembre dernier, à la suite d’un attentat meurtrier à Tunis, ne fait pas taire les protestations de la jeunesse ouvrière, pas plus que le couvre-feu instauré récemment.

    La promesse d’une aide financière d’un milliard d’euros est venue de la France, dont les groupes capitalistes ne voient pas d’un bon œil le mécontentement monter en Tunisie. Cette aide sera étalée sur cinq ans et représentera chaque année moins que le prix de deux Rafale. Il reste aussi à voir qui en seront les vrais bénéficiaires. En tout cas, elle fera au mieux l’effet d’un sparadrap sur une plaie béante.

    Viviane LAFONT 27 Janvier 2016
     
  • Tunisie. Ils veulent un autre ordre social. Eux, veulent l’ordre (A L'Encontre.ch)

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    Par Henda Chenaoui

    Le Conseil de sécurité nationale de Tunisie s’est réuni, le 25 janvier 2016, au Palais de Carthage sous la présidence du président de la République, Béji Caïd Essebsi (BCE), pour l’évaluation de la situation sécuritaire dans le pays.?La réunion s’est déroulée en présence du président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Mohamed Ennaceur, du chef du gouvernement Habib Essid, des membres du Conseil supérieur des armées, ainsi que de plusieurs hauts cadres sécuritaires, outre des membres du gouvernement et des députés de l’ARP, indique un communiqué de la présidence de la République. Autrement dit, face au mouvement social, «l’ordre» est réclamé par les sommets de l’armée, par les ex-bénalistes, ainsi que par ceux (Ennhada) qui «négocient» avec le pouvoir, tant l’ordre social est propre à leur programme socio-économique, Dès novembre 2015, la vieille garde se retrouve à la Sécurité nationale: Abderrahmane Belhaj Ali.

    Abderrahmane Belhaj Ali

    A. Belhaj Ali

    Ce dernier, très tôt, a attiré l’attention Zine el-Abidine Ben Ali, ancien directeur de la Sûreté devenu ministre de l’Intérieur. A sa prise de pouvoir, le 7 novembre 1987, Ben Ali fait de Belhaj Ali son directeur de la sécurité présidentielle. Ironie de l’histoire: déjà, à l’époque, il succède à Rafik Chelly, resté fidèle à Habib Bourguiba. Belhaj Ali officie à ce poste jusqu’en 2001, quand Leïla Ben Ali (femme influente de Ben Ali, du clan Trabelsi) commence à éloigner le premier cercle formé, depuis 1987, autour de son époux. «Déplacé» en Mauritanie il va compléter sa formation dans ce pays. Il sera aux premières loges du nouvel ordre que vise à imposer ECB qui doit faire face à une résistance sociale d’ampleur que décrit Henda Chenaoui. (Rédaction A l’Encontre)

    *****

    Entre Kasserine, Sidi Bouzid et Tunis, le mouvement social revendiquant travail et développement régional continue à rassembler des milliers de citoyens. Ce lundi, 25 janvier, les manifestations ont eu lieu à Kasserine, Sidi Bouzid, Regueb, Jebeniana, Hamma, Gafsa, Jendouba, Ghardimaou, Tibar, Siliana, Beja, Jendouba, le Kef et Tunis. Les manifestations et rassemblements ont conservé leur aspect pacifique dans toutes les régions.

    Là où tout a commencé le 16 janvier 2016 les jeunes chômeurs continuent leur sit-in au siège du gouvernorat pour revendiquer le développement régional et l’emploi. Dans un communiqué publié hier dimanche 24 janvier, ils se réjouissent «de l’échec des tentatives d’infiltration et de récupération des demandes légitimes du sit-in et de tout le mouvement social pacifique». Les chômeurs ont condamné «la surdité du gouvernement face à nos demandes d’ouverture d’un dialogue». Ils ont exprimé leur refus catégorique du «traitement hautain et centralisé des problématiques de la région de Kasserine et de sa jeunesse». Ils rappellent enfin leur détermination à affronter «le système de la corruption et de la bureaucratie qui a marginalisé depuis des années notre région et qui essaie à nouveau d’ignorer notre existence dans les programmes de développement».

    Dans les régions, la dignité passe par le travail et le développement

    A Sidi Bouzid, une manifestation a eu lieu ce matin, lundi 25 janvier, rassemblant des dizaines de personnes. Organisée par l’Union des diplômés chômeurs, le bureau régional de l’UGTT et le bureau régional de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, la manifestation s’est dirigée vers le siège du gouvernorat où les manifestants ont demandé à rencontrer le gouverneur. «Ce dernier nous a promis, la semaine dernière, une réunion pour recevoir nos demandes de développement et d’emplois. Mais il a tout annulé à la dernière minute sans explications», selon Atef Affi, membre de l’UDC (Union des diplômés chômeurs) à Sidi Bouzid. Le bureau régional de l’UDC a appelé le pouvoir central à régler la question de l’emploi précaire et à confier la gestion des concours publics à une commission indépendante où la société civile doit être représentée.

    Le rassemblement des jeunes chômeurs de la région a été réprimé par la police qui «a aspergé les manifestants de gaz lacrymogène et a attaqué même les passants à coups de matraques», témoigne Atef Affi. En même temps, des jeunes chômeurs ont entamé, ce matin, un sit-in au siège de la délégation de Regueb (40 km de Sidi Bouzid) pour demander le développement régional, l’emploi et l’ouverture du dossier de la corruption.

    À Jebeniana (Sfax), une grande manifestation a eu lieu, cet après-midi, au centre-ville, appelant à ouvrir le dossier du développement et de l’emploi mais aussi à la démission du gouvernement actuel. Deux sit-in se poursuivent aux sièges de la municipalité et de la délégation depuis mardi 19 janvier.

    hamma

    À El Hamma (Gabes), les manifestants ont barré la route nationale n°16 qui relie Gabes à Kebili pour exiger d’être reçus par les responsables locaux. Selon radio Tatouine toutes les administrations locales ont été fermées durant la journée.

    À Gafsa, plusieurs manifestations pacifiques ont eu lieu, aujourd’hui, rassemblant les diplômés chômeurs et les ouvriers des chantiers. Toujours avec les mêmes demandes, les manifestants ont appelé à l’application de la discrimination positive envers les régions défavorisées.

    Au nord-ouest, plusieurs délégations dans les gouvernorats de Jendouba, Siliana, Béja et le Kef ont continué à manifester pour les mêmes raisons. À Jendouba, des sit-in ont démarré, dès ce matin, dans de nombreuses délégations. À GharDimaou, Tibar et Siliana, les diplômés chômeurs ont manifesté pour rappeler leur droit à l’emploi et au développement régional.

    Deux grèves de la faim à Tunis

    Quinze employés diplômés de la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz continuent leur 22e jour de grève de la faim devant le siège de la compagnie, rue Kamel Ataturk à Tunis. Un rassemblement de soutien, organisé par les militants de Manich Msamah, a eu lieu ce midi. Les grévistes de la faim demandent de régler leurs situations financière et administrative.

    À la Kasbah, une dizaine de jeunes diplômés chômeurs se sont rassemblés pour rappeler les demandes du mouvement social revendiquant travail et développement. Malgré la forte présence policière, aucune agression n’a été enregistrée durant ce rassemblement pacifique.

    Le samedi 22 janvier, huit jeunes de Bouzayane (Sidi Bouzid) ont entamé une grève de la faim au siège de la Ligue tunisienne des droits de l’homme. à Tunis. Les grévistes demandent la mise en application immédiate d’un accord de l’année dernière pour l’emploi. Un sit-in a eu lieu à Bouzayane durant 47 jours suivi d’une grève de la faim du 22 avril au 4 juin 2015. Les deux actions ont débouché sur un accord d’embauche pour 64 jeunes de la région dans la fonction publique.

    L’accord a été signé par le ministère des Affaires sociales, le secrétaire général adjoint de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail), Bouali Mbarki, un membre de la LTDH et deux députées de la région Mbarka Aouinia (Front Populaire) et Nozha Bayaoui (Initiative Nationale). «Mais la liste a été modifiée et les autorités locales ont supprimé huit noms. Nous continuerons notre grève de la faim jusqu’à l’application de l’accord du 4 juin 2015 dans son intégralité», nous explique Akram Dhif Allah, un des grévistes de la faim. (25 janvier 2016, dans nawaa)

    Publié par Alencontre le 27 - janvier - 2016

    Henda Chenaoui est journaliste indépendante, spécialiste en mouvements sociaux et nouvelles formes de résistance civile. Elle s’intéresse à l’observation et l’explication de l’actualité sociale et économique qui passe inaperçue.

    http://alencontre.org/moyenorient/tunisie-ils-veulent-un-autre-ordre-social-eux-veulent-lordre

  • Répression des dernières manifestations : l’étonnante brutalité des forces de l’ordre (Algeria Watch)

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    La semaine qui s’achève aura été agitée à Oued El Ma, dans la wilaya de Batna.

    Les habitants de cette commune sont sortis manifester à partir de lundi pour dénoncer la marginalisation de leur région et l’absence de projets de développement. Ils ont fait l’objet d’une violente répression de la part des forces de l’ordre, selon plusieurs témoignages. Dans un communiqué publié ce samedi, le Front des forces socialistes (FFS) a notamment dénoncé les « dépassements en gros commis par les forces de sécurité », tels que des « arrestations arbitraires de citoyens, des violations de domiciles et destruction de la propriété privée ».

    Les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ainsi que l’intervention musclée de ces derniers dans la commune d’Oued El Ma ne sont pas sans rappeler la stratégie agressive utilisée par les forces de l’ordre en réponse au mouvement de protestation des travailleurs de l’usine SNVI de Rouiba en décembre dernier.

    Dans les deux cas, l’intervention des forces de l’ordre aura été immédiate et démesurée, en contraste avec ses méthodes habituelles. Car si les forces de l’ordre en Algérie sont traditionnellement et notoirement connues pour leur brutalité, la nouveauté réside dans la façon systématique avec laquelle les forces de l’ordre basculent désormais vers celle-ci.

    Cette nouvelle stratégie tranche par exemple avec la façon dont les forces de l’ordre avaient géré les émeutes de 2011. Si la répression avait bien été au rendez-vous, elle avait néanmoins d’abord laissé place à une période d’observation. L’action des forces de l’ordre semblait par ailleurs contenue, elle ne laissait pas transparaître de la nervosité comme c’est le cas actuellement.

    Qu’a donc changé entre ces émeutes-là et celles d’Oued El Ma ? Une option probable serait peut être que les autorités semblent vouloir transmettre un message à ceux qui seraient éventuellement tentés de sortir dans les rues. L’action des forces de l’ordre pourrait servir donc de démonstration de force destinée à décourager toute velléité de protestation, au moment où la situation économique s’apprête à s’aggraver en Algérie.

    Par Radia Touri, TSA, 23 janvier 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/mrv/mrvrepr/brutalite_forces_securite.htm

    Lire aussi:

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/revolte/occuper_rue.htm

  • Tunisie: révolte de la jeunesse marginalisée (Al'Encontre.ch)

    Un jeune Tunisien emmené après une tetntative de suicide  le 22 janvier 2016 à Kasserine

    Un jeune Tunisien emmené après une tetntative de suicide
    le 22 janvier 2016 à Kasserine

    Par Alain Baron, le 24 janvier 2015

    Depuis le 17 janvier, des explosions de colère secouent une partie de la jeunesse tunisienne. Elles se traduisent notamment par des manifestations, des sit-in devant ou à l’intérieur de bâtiments de l’Etat, des barrages routiers à l’aide de pneus enflammés, quelques pillages et même la mort d’un policier.

    Les raisons de la colère

    Tout a commencé à Kasserine, une ville déshéritée de l’intérieur du pays où un jeune chômeur est mort électrocuté le 16 janvier. Il était monté sur un poteau électrique pour protester contre son retrait arbitraire d’une liste d’embauches dans la fonction publique.

    Dès le lendemain, des affrontements avec la police ont eu lieu sur place. Ce mouvement s’est ensuite étendu dans une série de localités et certains quartiers de grandes villes. Le 22, le couvre-feu entre 20h et 5h a été décrété sur l’ensemble du pays [1].

    Les causes de ces mouvements ne sont pas nouvelles. Depuis des années des milliers de jeunes, souvent titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, réclament un emploi. C’était déjà le cas lors du soulèvement du bassin minier de Gafsa en 2008, puis de l’immolation de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010 qui a été le signal du début de la révolution.

    Mais cinq ans plus tard, la situation de l’emploi n’a pas changé, elle s’est même détériorée. Le nombre de suicides est en augmentation parmi les jeunes, et des explosions locales de colère ont périodiquement lieu. Cela a par exemple été le cas en 2015 dans le sud du pays ainsi que dans la région de Gafsa où des jeunes chômeurs ont paralysé plusieurs mois le bassin minier.

    Une des raisons pour lesquelles la tragédie de Kasserine a été le point de départ d’une vague nationale de mobilisations, est l’aggravation de la crise globale que traverse la Tunisie.

    Accentuant la politique néo-libérale en vigueur du temps de Ben Ali, le pouvoir est incapable d’apporter la moindre solution aux jeunes réclamant un emploi.

    Simultanément Nidaa Tounès, le parti arrivé en tête aux élections d’octobre 2015 a explosé. Un de ses députés a comparé les clans rivaux à « une dispute entre coqs pour une poubelle ».

    Résultat, Ennahdha est redevenu le premier parti représenté à l’Assemblée. Avec un ministre de la Justice et un ministre de l’Intérieur réputés proches d’Ennahdha, les dossiers des exactions commises lorsque ce parti dirigeait le gouvernement en 2012-2013 ne sont pas près d’avancer.

    L’absence d’alternative crédible

    La création rapide de milliers d’emplois durables serait pourtant possible. Pour financer une telle mesure, le Front populaire propose par exemple un impôt exceptionnel sur les grandes fortunes, ainsi qu’un moratoire de trois ans sur le remboursement de la dette, qui représente 18 % du budget et la principale dépense de l’Etat.

    Mais le Front populaire, qui rassemble l’essentiel des organisations de gauche, ne dispose que de 7 % des sièges au Parlement. Il peine également à se structurer et à définir une stratégie globale à la hauteur des enjeux.

    Plusieurs associations, dont la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH) ont appelé «à l’adoption d’un modèle économique dont l’objectif est la réduction des disparités régionales et des inégalités sociales», en disant leur «déception» face à l’inaction des différents gouvernements.

    En ce qui la concerne, l’UGTT a appelé le gouvernement à trouver des solutions «urgentes et efficaces» pour résoudre rapidement les problèmes du chômage et du développement dans les régions défavorisées. Elle a réitéré les projets alternatifs, qu’elle avait déjà proposés aux gouvernements précédents.

    Une solidarité hésitante

    Même si la grande majorité de la population reconnaît la légitimité des revendications des chômeurs, beaucoup sont choqués par les violences commises ces derniers jours. Ils craignent que des djihadistes se mêlent aux manifestants afin de développer le chaos. Suite au traumatisme causé par les exactions de Daech en Tunisie, la crainte existe que les tâches supplémentaires confiées à la police et l’armée se fassent au détriment de leurs autres tâches : la lutte contre les réseaux et maquis islamistes ainsi que le trafic d’armes en provenance notamment de Libye.

    En ce qui les concerne, les organisations de jeunes ont du mal à mobiliser. Les rassemblements et manifestations de solidarité organisés dans les grandes villes par l’Union des diplômés-chômeurs (UDC) et l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET) n’ont jamais rassemblé à ce jour plus de 300 participant-e-s.

    Les difficultés d’une jonction avec le mouvement ouvrier organisé

    Comme souvent en Tunisie, la possibilité d’un réel mouvement de solidarité va largement dépendre du positionnement du mouvement syndical. Mais de ce côté-là, rien n’est en ce moment très simple.

    Sous l’impulsion de la gauche de l’UGTT, le mouvement syndical sort en effet d’une année de mobilisations intenses.

    Celles-ci ont permis au premier semestre une victoire historique dans l’enseignement secondaire, et des avancées appréciables dans le reste du secteur public ainsi que dans certaines entreprises privées.

    La vague de grèves générales régionales dans le secteur privé au second semestre a par contre été brutalement interrompue le 25 novembre après l’attentat de Daech à Tunis.

    Après des mois de tensions, le risque existe aujourd’hui que les syndicalistes les plus combatifs relâchent la pression. Cela accentue au sein de l’UGTT le danger d’un retour de balancier vers la routine et la recherche de consensus avec les adversaires des intérêts des salariés et des chômeurs [2].

    Un compromis à minima avec le patronat a par exemple été trouvé en catastrophe le l9 janvier au sujet des augmentations salariales dans le secteur privé.

    Du coup, la reprise des grèves générales régionales dans le privé a été annulée, dont celle prévue le 21 janvier dans la région de Tunis. (24 janvier 2016)

    _____

    [1] Une série d’articles sur ces mobilisations est disponible sur le blog tunisien Nawaat :

    – Kasserine : après le deuil, l’embrasement (19 janvier)
    http://nawaat.org/portail/2016/01/19/kasserine-apres-le-deuil-lembrasement/

    – Reportage à Kasserine : « Personne ne saura calmer la colère de la faim » (21 janvier)
    http://nawaat.org/portail/2016/01/21/reportage-a-kasserine-personne-ne-saura-calmer-la-colere-de-la-faim/

    – Ridha Yahyaoui : Un stylo m’a tué (22 janvier)
    http://nawaat.org/portail/2016/01/22/ridha-yahyaoui-un-stylo-ma-tuer/

    [2] Le 20 janvier, au premier rang des invités à la cérémonie des 70 ans de l’UGTT, figuraient les porte-parole de l’ensemble du spectre politique tunisien, dont le Président d’Ennahdha, ainsi qu’un représentant du syndicat patronal UTICA.

     

    A Kasserine, le 21 janvier 2016: la police affronte les jeunesse. Le Premier ministre exige la «patience» et n'annonce aucune mesure contre le chômage. Selon l'AFP, Inès Bel Aiba: «Le ministre Kamel Jendoubi (société civile et droits de l'Homme) a, lui, affirmé que le chef du gouvernement ne tarderait pas à annoncer des mesures pour "la jeunesse, l’emploi et la prise en charge des situations difficiles». Interrogé par l'AFP, l'analyste Selim Kharrat ne s'est pas montré «étonné» de l'absence d'annonces immédiates. «Si le gouvernement avait des solutions à proposer, il l'aurait fait bien avant l'éclatement de cette crise. Il ne faut pas oublier que sa marge de manœuvre est très réduite»", notamment financièrement, a-t-il dit. Mais il "aurait pu prendre des mesures non coûteuses" contre la corruption et a "manqué une occasion de donner un signal positif", a ajouté M. Kharrat. Selon lui, «ce que réclament les manifestants, c'est non seulement du travail mais aussi des dirigeants intègres et au service des populations». La réponse du gouvernement, de facto, les ex-Benaliste et Ennhada: le couvre feu! (Réd. A l'Encontre)

    A Kasserine, le 21 janvier 2016: la police affronte les jeunesse. Le Premier ministre exige de la «patience» et n’annonce aucune mesure contre le chômage. Selon l’AFP, Inès Bel Aiba: «Le ministre Kamel Jendoubi (société civile et droits de l’Homme) a, lui, affirmé que le chef du gouvernement ne tarderait pas à annoncer des mesures pour la jeunesse, l’emploi et la prise en charge des situations difficiles».
    Interrogé par l’AFP, l’analyste Selim Kharrat ne s’est pas montré «étonné» de l’absence d’annonces immédiates.
    «Si le gouvernement avait des solutions à proposer, il l’aurait fait bien avant l’éclatement de cette crise. Il ne faut pas oublier que sa marge de manœuvre est très réduite», notamment financièrement, a-t-il dit. Mais il «aurait pu prendre des mesures non coûteuses» contre la corruption et a «manqué une occasion de donner un signal positif», a ajouté M. Kharrat. Selon lui, «ce que réclament les manifestants, c’est non seulement du travail mais aussi des dirigeants intègres et au service des populations». La réponse du gouvernement, de facto, les ex-Benalistes et Ennhada: le couvre feu! (Réd. A l’Encontre)

    Publié par Alencontre le 25 - janvier - 2016
     
  • Béjaïa : Marche contre la vie chère

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    Ils étaient plusieurs centaines de travailleurs à marcher hier à partir de la maison de la Culture jusqu’à la place Saïd-Mekbel.

    Ils sont issus de plusieurs secteurs de la fonction publique, à savoir des communes, de la direction des équipements publics, de la culture, de l’administration publique, de l’enseignement supérieur et des œuvres universitaires, de l’éducation nationale, de la santé publique, de la formation professionnelle, etc.

    Cette action a été observée par la coordination du Syndicat national des administrations publiques (SNAPAP) qui a appelé en parallèle à une journée de grève.

    Les manifestants ont tenu à dénoncer vertement « la politique d’austérité adoptée par le gouvernement qui s’est traduite par des augmentations sur les prix de l’énergie et des services et qui ont généré, par ricochet, d’autres hausses dans certains secteurs et sur certains produits ». Les mécontents ont évoqué en mal la loi de finances de l’exercice en cours (2016). 

    « Nous sommes sortis aujourd’hui pour dénoncer la politique d’austérité décidée, sans pitié, par le gouvernement et qui a enfoncé le pouvoir d’achat des travailleurs à travers la loi de finances 2016 », a asséné Nacer Kassa, président de la coordination du SNAPAP de la wilaya de Béjaïa. Et d’ajouter : « Nous nous attendions à l’amélioration de notre pouvoir d’achat par une hausse conséquente des salaires mais nous avons été surpris par les mesures d’austérité et les augmentations entérinées dans la loi de finances que nous dénonçons énergiquement ». 

    Augmentation conséquente des salaires, révision du statut de la fonction publique et des statuts des secteurs qui en dépendent, baisse de l’IRG, révision du point indiciaire, ouverture de postes budgétaires, intégration des contractuels, arrêt des harcèlements envers les travailleurs et syndicalistes sont autant de points figurant dans la plate-forme de revendications de la coordination. 20 janvier 2016 | 19:52

    http://www.jeune-independant.net/Bejaia-Marche-contre-la-vie-chere.html

    source:

    https://www.facebook.com/PSTDZ/?fref=nf

     

  • Encore de nouvelles grèves en Egypte accompagnées d’un changement d’ambiance politique (Al'Encontre.ch)

    Ouvriers de l’aluminium protestant contre la corruption de la direction (27 décembre 2015)

    Ouvriers de l’aluminium protestant contre la corruption de la direction (27 décembre 2015)

    La vague de grèves qui dure depuis plus de deux mois en Egypte, dont nous avions relaté fin décembre la portée politique nationale face à la dictature de Sissi [1], continue et s’est encore élargie en ce début d’année 2016.

    Ainsi, aux grèves que nous avions déjà citées dans le précédent article [2], s’ajoutent maintenant depuis une semaine environ des grèves toujours pour les salaires ou les bonus des travailleurs des docks près d’Assouan, des travailleurs du charbon au Caire, d’employés du gaz et des salariés des bateaux de croisière sur le Nil.

    Par ailleurs, la grève commencée il y a plus de 25 jours chez Petrotrade, compagnie pétrolière publique, continue et touche actuellement 16 000 de ses salariés (sur 18 000) et concerne 52 de ses 56 sites. En même temps, ce sont les salariés de la Suez Petroleum Production Company qui sont entrés en grève pour leurs bonus.

    Les travailleurs des docks de la Canal Company for Nile Services and Maintenance Works d’Airmant, près d’Assouan, demandent une égalité de traitement avec leurs collègues du Canal de Suez. Cette grève s’est déclenchée après celle de sept jours, la semaine passée, des travailleurs de six entreprises de sous-traitance au Canal de Suez. Ces derniers ont obtenu la garantie des autorités qu’ils bénéficieraient des mêmes avantages que les employés d’Etat du Canal de Suez.

    Au Caire dans la banlieue industrielle sud-est de Tibeen, ce sont 2300 salariés de la Nasr Coke Company pour la fourniture de charbon aux entreprises géantes de l’acier qui ont fait six jours de grève pour le paiement de leur part de bénéfices, la publication détaillée des comptes de la société et la démission du dirigeant du holding d’Etat qui chapeaute la compagnie. Ils ont suspendu la grève après que les forces armées leur ont promis de tenir compte de leurs revendications.

    Or, ce qui semble significatif, c’est que dans plusieurs de ces grèves, tout particulièrement à la Shebin al-Kom Textiles, les salariés sont sortis des usines malgré l’interdiction de manifester. Ils ont défilé en ville, y faisant entendre leurs chants et slogans, retrouvant l’habitude des places publiques, ce qui était rare depuis les couvre-feux et les discours sur le terrorisme.

    Ce changement d’attitude va dans le même sens que celui qu’illustre l’ouverture d’une page Facebook par les médecins en lutte – très fréquentée – où ils exposent publiquement la grande misère régnant dans les hôpitaux. Toujours dans le même esprit, ce sont les étudiants qui votent majoritairement lors des élections en décembre pour des candidats révolutionnaires [3], ce qui provoque une réaction courroucée du ministre de l’Education qui tente de mobiliser les «troupes étudiantes» du pouvoir. Ce sont encore les journalistes qui osent à nouveau dénoncer les mensonges du gouvernement. Enfin, les avocats n’hésitent plus à dénoncer les mauvais traitements ou les tortures que font subir les forces de police à ceux qu’ils arrêtent.

    Tout cela prolonge et accompagne ce qui s’était manifesté depuis la fin de l’été et en septembre 2015, avec une certaine contestation dans la bureaucratie d’Etat, où des policiers de «bas rang» avaient osé faire grève pour de meilleurs salaires et contre les mauvais traitements qu’ils subissent eux-mêmes. En même temps, des employés d’Etat, considérés souvent comme les fidèles du régime – de tous les régimes –, avaient mené quelques débrayages et menacé d’une grande grève en septembre contre une loi qui baissait les salaires et donnait plus de pouvoirs à leurs chefs.

    On ose élever la voix et s’élever contre ceux d’en haut

    Ce changement d’ambiance se mesure aussi aux protestations contre les violences policières qui ne sont plus le fait de seuls groupes organisés, mais de secteurs de la population, comme à Talaat Shaheeb ou à Ismailia, ce qui a obligé Sissi à présenter ses excuses. Enfin, on a vu dans le même esprit un retour des blocages de routes à Giza, Alexandrie, Assiut, Daqahlia et Port-Saïd au moment des colères populaires contre l’incurie du gouvernement à l’occasion des dernières inondations cet hiver.

    Ainsi, peu à peu, se dessine et monte globalement l’impression d’une certaine appréhension de l’Etat face aux colères populaires, réputées «apolitiques», mais surtout imprévisibles et difficilement contrôlables, alors que, parallèlement, les classes populaires semblent avoir de moins en moins de craintes à l’égard du régime des militaires.

    Jacques Chastaing

    Publié par Alencontre le 8 - janvier - 2016

    [1] Voir : http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-quelles-perspectives-pour-la-nouvelle-vague-de-greves.html

    [2] Entre autres, dans six compagnies sous-traitantes de la Suez Canal Authority, à la Egyptian Dredging Company à Abu Zaabal, dans le gouvernorat de Qalyubiya, à la Shebin al-Kom Textiles Company dans le gouvernorat de Monufiya, à Mahalla textiles Misr Spinning and Weaving Company, à Petrotrade à Alexandrie, à l’Egypt Gas Company, la Assiut Fertilizer Company, la Misr Helwan Iron and Steel company, la Egyptalum aluminum company dans le gouvernorat de Qena et la Jawhara food processing company.

    [3] Avec donc des candidats qui osent défier publiquement le pouvoir. Voir : http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-succes-des-revolutionnaires-dans-les-elections-etudiantes-reaction-du-ministre.html

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    HOREYA EL GED3AN_Political prisoners human chain_03

    Post Scriptum A l’Encontre du 8 janvier 2016.

    Selon le site Mada Masr (7 janvier 2016), des militants pour la défense des droits humains critiquent la déclaration de l’officiel Conseil national pour les droits humains (NCHR) qui affirme, dans son dernier rapport, que les plaintes présentées par les prisonniers incarcérés dans la prison de haute sécurité d’Al-Aqrab ayant trait au manque de nourriture et de soins ont été examinées. Si le rapport traite des questions relevant de l’accès à la nourriture et aux soins – ou encore à des livres et des couvertures contre le froid – il omet, par enchantement, de mentionner d’autres plaintes documentées concernant la torture, les viols ou les agressions sexuelles. Les autorités justifient la livraison d’un seul repas quotidien étant donné le manque d’une chaîne du froid assurant la qualité des produits. Et pour ce qui relève des habits et couvertures, il oublie que ces biens ont été transmis par les familles. La situation sanitaire de certains prisonniers était si grave qu’ils ont dû être transférés à l’Hôpital universitaire Manial ou à l’Hôpital de la prison Tora. Les critiques faites à ce rapport – un rapport dont la première version a été «revue et corrigée» complètement – traduisent un essor des réprobations publiques face aux comportements de la police et au non-respect des règlements et lois auxquels le pouvoir de Sissi se réfère.

    Quelque 70 personnalités connues* ont fait parvenir, fin décembre, un message au ministre de l’Intérieur concernant l’arrestation des militants et les conditions de leur détention, laissant transparaître qu’au nom de la Loi sur les protestations, le pouvoir agissait selon des modalités à l’œuvre sous Moubarack et qui conduisirent à «la révolution du 25 janvier». Le texte dénonçait aussi les tribunaux militaires qui «jugent» les Frères musulmans prisonniers. Ces protestations sont importantes. Certes elles ne mettent pas fin aux multiples initiatives répressives dans tous les domaines (politique, culturel, éditorial, syndical, etc.), mais s’affirme une atmosphère de contestations initiales, mais affirmée, de ces mesures propres à un régime dictatorial.

    * Parmi les signataires on peut remarquer:

    le dirigeant de gauche Ahmed Fawzy; le journaliste Esraa Abdel Fattah; le satiriste Bassem Youssef; la personnalité politique Bassem Kamel et l’avocat Gamal Eid; et encore le fondateur du Parti du Courant Populaire, Hamdeen Sabahi; de Khaled al-Balshy de la direction du syndicat des journalistes; du juriste Khaled Ali; de l’ex-parlementaire et avocat Ziad al-Alaimy; de l’avocat Tarek al-Awady, du militant pour les droits humains, Aida Saif al-Dawla; du romancier Alaa al-Aswany ou encore de l’ex-ambassadeur Maasom Marzouk.

    http://alencontre.org/encore-de-nouvelles-greves-en-egypte-accompagnees-dun-changement-dambiance

  • Tunisie - Sfax : Grève à la société de services pétroliers « Weatherford » (Afriques en luttes)

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    Ugtt/ Sfax

    Un groupe de 40 employés de la société de services pétroliers « Weatherford » à Sfax, ont mené un sit-in, devant le siège du gouvernorat, afin de réclamer la reprise de leur activité au sein de la société, après une grève menée par leur collègues, afin d’assurer la pérennité de l’investissement étranger en Tunisie.

    Le président de l’URICA de Sfax, Anouar Triki, a indiqué que les travailleurs de « Weatherford », qui sont entrés en grève pour une dizaine de jours, revendiquent une augmentation salariale et le retour de 4 employés du syndicat de base de l’URT, qui ont été suspendus pour des raisons disciplinaires.

    De son coté, le secrétaire général de l’union régionale du travail de Sfax, Hédi ben Jômaa , a souligné que l’administration de la société « Weatherford » a failli à ses engagements concernant l’augmentation des salaires et la réintégration des 4 employés licenciés.

    « Les employés qui sont contre la grève auraient du revendiquer le droit à la dignité humaine qui a été bafouée par les employeurs » a-t-il souligné.

    Source : Direct Info 1er janvier 2016 

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/tunisie/article/tunisie-sfax-greve-a-la-societe-de

  • Egypte. Quelles perspectives pour la nouvelle vague de grèves? (Al'Encontre.ch)

    Le 29 décembre 2015: des travailleurs de l'usine d'acier et d'aluminium d'Helwam en grève (Mada Masr Independent, progressive media)

    Le 29 décembre 2015: des travailleurs de l’usine d’acier et d’aluminium d’Helwam en grève (Mada Masr Independent, progressive media)

    Les grèves n’ont jamais vraiment cessé en Egypte [1] malgré le régime ultra-répressif de l’ex-maréchal Abdel Fattah Saïde Hussein Khalil al-Sissi – devenu président le 8 juin 2014 – et plus précisément malgré toutes ses attaques contre le droit de grève, les libertés de manifester et tout récemment encore contre la simple autorisation de syndicats indépendants.

    Mais depuis mi-octobre 2015. elles ont pris une nouvelle ampleur. Cette nouvelle vague traverse le pays, du nord au sud, du Canal de Suez au delta du Nil, dans de nombreux secteurs professionnels, du textile au pétrole en passant par l’acier, le textile la santé ou le tourisme. Les travailleurs entrent en grève. Ni la menace, ni la répression ne les arrêtent et des négociations s’ouvrent comme le rapporte la presse.

    Des grèves dans les grandes entreprises emblématiques

    Trois mille travailleurs de la plus grande compagnie d’aluminium du pays – Egytalum Company, majoritairement entreprise d’Etat, située à Nagaa Hammady dans le gouvernorat de Qena au sud du pays – ont entamé une grève le 27 décembre 2015. Pour le moment, elle est encore partielle et ne touche qu’un tiers des effectifs, mais pourrait s’étendre. Les mêmes jours, ce sont des ouvriers de l’entreprise géante d’acier Iron and Steel Company de 11’000 salariés, à Helwan, la banlieue du Caire, qui entraient en grève. Dans la même période, des grandes entreprises textiles de Shebin al-Kom ainsi que ceux d’une autre grande société, la firme pétrolière Petrotrade à Assiout (capitale du gouvernorat, dans la Haute-Egypte, sur la rive occidentale du Nil), ont engagé un mouvement.

    Travailleurs qui manifestent contre le non-paiement du «bonus» (Al-Masry Al-Youm,  27 octobre 2015)

    Travailleurs qui manifestent contre le non-paiement du «bonus» (Al-Masry Al-Youm, 27 octobre 2015)

    Ils demandent des «bonus», c’est-à-dire une part des bénéfices de ces entreprises que leur garantit, en principe, la loi, et qui constituent une bonne partie de leurs salaires. Toutefois, fort souvent, ces entreprises ne le leur accordent pas au prétexte de difficultés conjoncturelles ou de «malentendus» avec l’Etat.

    En plus des 12 mois de «bonus» réclamés à la compagnie d’aluminium (Egytalum Company), les salariés demandent également la démission du directeur ainsi que de nombreux responsables dont des élus politiques et syndicaux officiels. Ce qui rappelle bien sûr des exigences de la révolution. A l’aciérie d’Helwan les revendications sont semblables.

    La Shebin al-Kom Textile Company de 1500 ouvriers est localisée dans le gouvernorat de Menoufiya, dans le delta du Nil. Cette ancienne compagnie d’Etat, privatisée il y a dix ans, fut renationalisée en 2011. Lors de la période de privatisation, elle en a profité pour licencier de très nombreux travailleurs et réduire ses capacités de production. Or, l’engagement pris par les autorités judiciaires, en 2011, avait été de réembaucher les licenciés et de redonner ses pleines capacités productives à l’usine. Les salariés exigent donc par la grève, depuis déjà trois semaines, la réalisation de ces promesses.

    S’agit-il de simples grèves dispersées…

    Ce n’est pas la première fois que les ouvriers de Shebin al-Kom entrent en lutte. Leurs revendications ne leur sont pas propres. Il y a au moins une dizaine de grandes entreprises, dans des situations analogues, qui se battent depuis des années – régulièrement ou par intermittence – pour les mêmes objectifs.

    Travailleurs du textile rejoignant des travailleurs de l'administration qui exprimer leur mécontentement face à la retenue du «bonus» de 10% annuel (Al Masry Al-Youm, 26 octibre 2015)

    Travailleurs du textile rejoignant des travailleurs de l’administration qui expriment leur mécontentement face à la retenue du «bonus» de 10% annuel (Al Masry Al-Youm, 26 octibre 2015)

    Cependant, l’ampleur de leur lutte présente rappelle comment les travailleurs de cette entreprise ont été au centre d’un phénomène qui a été nouveau en Egypte en mars 2014: la première coordination de luttes regroupant 11 entreprises publiques privatisées, dont justement Shebin al-Kom, mais aussi Lin de Tanta, Chaudières el Nasr, Ideal, Huiles et Savons d’Alexandrie, Mécanique agricole de Nubara, Samanoud, Papier Simo et… Petrotrade.

    Or, Pétrotrade, compagnie pétrolière de 12’000 salariés, est aussi en grève à Assiout, dans le sud du pays, pour une égalité de traitement avec les autres unités du groupe, après que d’autres secteurs de la firme se soient mis en grève afin d’exiger leur part des «bonus », il y a un plus d’une semaine et durant dix jours sur 56 sites, surtout dans la région d’Alexandrie.

    A cela s’ajoute le mouvement des médecins des hôpitaux, propriété de la compagnie d’état d’assurance de santé. Ils se sont mis en grève à la mi-décembre pour obtenir les mêmes avantages en matière de salaires et de conditions de travail que leurs collègues des hôpitaux du ministère de la Santé. Or, ces derniers ont annoncé leur soutien et l’ont concrétisé par une manifestation, le 23 décembre 2015.

    Pour rappel, le mouvement des médecins, en mars 2015, avait été le moteur de la vague de contestation du moment et l’initiateur dans le secteur de santé de la première des coordinations en Egypte. C’était aussi lui qui avait été à l’origine – avec la coordination des entreprises privatisées/nationalisées – du premier embryon de programme revendicatif, à l’échelle nationale, des classes populaires égyptiennes. Il pouvait de décliner de la sorte:

    • salaire minimum que le gouvernement avait promis mais pas tenu;
    • retour des compagnies privatisées au secteur public;
    • limogeage de tous les éléments corrompus de leurs secteurs respectifs;
    • de meilleures conditions de travail et de salaires pour tous les secteurs: santé, poste, aviation, chemins de fer, compagnies privées…

    Néanmoins, analogie n’est pas similitude. Ces luttes ne peuvent faire penser à ces «coordinations passées». Il n’est possible d’entrevoir une coordination des luttes, qui manque tant, que si ces mouvements s’accompagnaient et trouvaient leur prolongement par un grand nombre d’autres. [Une dialectique qui renvoie à des moments spécifiques, dont les causalités sont d’origines multiples.]

    L’indice de grèves qui en accompagnent et prolongent d’autres

    En effet, tout d’abord, au cours des premières semaines de décembre 2015, se sont déclenchées des grèves au Canal de Suez, dans des hôtels de certaines villes de la mer Rouge ou de Charm el-Cheikh, dans une compagnie de produits fertilisants à Assiout et diverses autres.

    Au Canal de Suez, à partir du 8 décembre et pendant deux semaines, ce sont 2000 travailleurs, de 6 des 7 entreprises sous-traitantes de l’entretien et des transports des docks, qui ont demandé des hausses de salaires et des avantages égaux aux salariés en titre du Canal, avantages souvent 5 fois plus élevés. Il ne faut pas oublier que ces grèves écornaient l’image du projet de Sissi qui avait fait de son nouveau projet de Canal le centre de sa démagogie autour d’une nouvelle Egypte moderne où tout serait plus beau dans le meilleur des mondes.

    A Charm el-Cheikh, les employés des hôtels et du tourisme se battent contre les licenciements. En effet, après l’attentat terroriste contre l’avion de touristes russes, le 31 octobre, la fréquentation touristique s’est effondrée et les patrons en ont profité pour licencier environ 30% de leurs salariés. Or la chute du tourisme frappe de plein fouet non seulement cette région mais toute l’économie égyptienne pour qui elle est centrale. Et à travers ce conflit, comme au Canal de Suez, c’est encore l’incapacité du régime à assurer la sécurité économique du pays qui est dénoncée de fait par les grèves [voir encadré, en fin d’article sur le tourisme].

    A la Assiuut Fertilizer Company, les travailleurs se sont mis en grève – et ont occupé leur entreprise, ce qui est rare – contre une réduction de leurs salaires de 25%, pendant que les travailleurs de l’Egyptian Dredging Company à Abu Zaabal, dans le gouvernorat de Qalyubia, au nord du pays, font grève contre le non-paiement de leurs salaires, tout comme les journalistes d’Al-Shorouk ou de TeN TV. Cette pratique de l’employeur est fréquente en Egypte, alors que la richesse des nouveaux riches s’étale de plus en plus ouvertement dans certains quartiers du Caire. D’ailleurs, le pouvoir veut les rendre plus «présentables» en chassant les petits vendeurs de rue.

    Le 30 novembre 2015, grève de 5000 salariés à la Jawhara Food Processing Company (Mada Masr Independent, progressive media)

    Le 30 novembre 2015, grève de 5000 salariés à la Jawhara Food Processing Company (Mada Masr Independent, progressive media)

    Ce sont encore 5000 travailleurs de la Jawhra Food Processing Company, dans le gouvernorat de Beheira dans le delta du Nil, qui, à partir de fin novembre-début décembre, sont entrés en grève pour des augmentations de salaire et le paiement de leur part de bénéfices, tout comme les employés de la Compagnie d’assurances à Eitai al-Baroud ou les travailleurs du métro appartenant à l’administration Nationale des Tunnels. Ce à quoi il faut ajouter les chauffeurs de bus du Caire ou même les enseignants de l’école Ola Garden dans le gouvernorat de Giza… pour ce que la presse, soumise à la censure sévère du régime dictatorial de Sissi, veut bien laisser transparaître.

    Un signal aux grèves donné par l’usine textile géante de Mahalla el-Kubra et… Sissi,
    dans le développement des tensions dès septembre

    Ces luttes ont été enclenchées et unifiées, d’une certaine manière, par deux éléments à leur origine, à caractères tout à la fois politiques et nationaux.

    D’une part, l’ensemble de ces luttes a été déclenché par deux grèves en octobre, finies le 1er novembre: celle de 11 jours par 14’000 salariés de Misr Spinning and Weaving Company à Mahalla el-Kubra, l’usine géante de 17’000 salariés qui joue depuis longtemps un rôle central dans le mouvement social égyptien – dans le déclenchement de la révolution – rejointe par celle de 6 jours des 7000 salariés de Kafr al-Dawwar Textiles Company; les premiers débrayages menaçant à la Simo Paper Company, à l’Iron and Steel Company d’Helwan et à la Tanta Flax and Oils Company. Or, toutes ces entreprises ont marqué l’histoire récente – ou moins récente – du mouvement ouvrier égyptien, de la révolution et des coordinations pour Simo et Tanta. Le gouvernement a cédé au moment où il a senti planer une possible généralisation.

    Les travailleurs des deux plus grandes usines textile de Malhalla, Kafr al-Dawar Textile Company et Misr Spinning and Weaving Company, sont en grève pour non-paiement du «bonus» promis pat le président al-Sissi (25 octobre 2015). Mada Masr Independent, progressive media

    Les travailleurs des deux plus grandes usines textile de Malhalla, Kafr al-Dawar Textile Company et Misr Spinning and Weaving Company, sont en grève pour non-paiement du «bonus» promis pat le président Al-Sissi (25 octobre 2015). Mada Masr Independent, progressive media

    Il est difficile de savoir ce que les travailleurs des deux entreprises emblématiques ont réellement obtenu à l’issue de leur lutte, tellement les autorités ont l’habitude de faire des promesses qu’ils ne tiennent pas. Mais ce qui est apparu, à l’échelle du pays, c’est que les salariés ont crié victoire à la fin de la lutte. Dans la foulée s’est enclenchée une grève à la Samanoud textile Company à Gharbiya – une autre des 11 usines coordonnées de 2014 – et à l’entreprise textile Vistia à Alexandrie, les deux pour des augmentations de salaires. Puis tout le reste… Une sorte de généralisation diluée dans le temps et géographiquement. Ce genre de configuration qu’un événement pourrait à nouveau cristalliser.

    Dans les causes de cette «vague», il faut prendre en compte que Sissi avait promis en septembre un «bonus» de 10% aux salarié·e·s des entreprises publiques. Il faut avoir, aussi, en mémoire que Sissi avait promis cette hausse du «bonus» au mois de septembre 2015 parce qu’il craignait à ce moment un mouvement de colère qui était en train de gonfler dans la fonction publique. Il exprimait l’opposition à une nouvelle loi, qui, entre autres, devrait réduire les bonus, la part des bénéfices dédiée aux salarié·e·s2. Sissi avait réussi à contenir cette vague de colère qui cherchait à se rassembler dans une manifestation nationale appelée pour le 12 septembre. Il le fit, d’une part, par l’engagement de maintenir cette hausse, et, d’autre part, par l’interdiction simultanée de la manifestation et la répression la plus violente et, enfin, par le dérivatif d’élections législatives, prétexte à l’imposition d’un ordre encore plus rigoureux.

    De fait, s’il a repoussé l’échéance, la crise évitée en septembre semble éclater maintenant. A peine la farce des élections terminée – qui n’ont guère retenu que de 2 à 10% de participation [3] – la grève se déclenchait à Mahalla et, un peu plus tard, dans le tourisme et au Canal de Suez. Il y a là comme une sorte de réponse ouvrière à cette comédie électorale, une remise en cause, quasi directe, de la légitimité de ce pouvoir.

    Sissi avait déjà promis une hausse du salaire minimum pour janvier 2014. Il ne l’avait tenue que partiellement. Cela avait déclenché une énorme vague de grèves dans la fonction publique en février et mars et provoqué la chute du gouvernement el-Beblawi (9 juillet 2013-24 février 2014, démission présentée au président Adli Mansour). L’aboutissement interne au mouvement avait été la création des premières coordinations de lutte en Egypte. Du coup, craignant une cristallisation rapide des luttes en un tout et l’émergence d’une conscience ouvrière de classe, al-Sissi [le coup d’Etat militaire du 3 juillet 2013 avait fait tomber Morsi, il prenait «le relais» et «capturait» un mouvement de masse anti-Morsi], après sa démission de ses fonctions gouvernementale le 26 mars 2014, décidait de se présenter aux présidentielles pour couper court au travers du processus électoral au mouvement social et à la prise de conscience en cours.

    Sissi a donc repris, à nouveau, ses promesses qu’il ne tient pas et les élections comme dérivatif. Mais le procédé s’use et son efficacité décroît. Certes les effets sur des luttes ont été moins importants cette fois qu’en février-mars 2014, du moins à ce qui peut en être jugé. Mais cette technique gouvernementale commence à atteindre ses limites non seulement du fait du crédit politique nettement plus limité de Sissi, mais surtout du fait d’une situation socio-économique et politique globale très différente.

    En effet, au plan politique, jusqu’au début 2015 le champ politique était occupé et partagé par deux camps de frères ennemis: l’armée et les Frères musulmans. L’armée s’appuyait sur la crainte du succès du terrorisme islamiste qu’il confondait avec la Confrérie des Frères pour justifier toutes les entraves aux libertés et enrégimenter derrière lui tout ce qui dans la société égyptienne faisait passer sa haine des Frères musulmans avant tout autre chose, y compris au risque des libertés et d’une répression dont l’ampleur à venir n’était pas saisie, sur le moment

    Or, avec la disparition progressive de la Confrérie que ne compense pas la crainte suscitée par Daech, s’ouvre un espace politique où la question sociale pourrait à nouveau gagner le centre de la scène politique et où l’armée reste de plus en plus seule face au mouvement social. C’est la grande crainte de Sissi et des classes possédantes.

    Car cette situation ne pourrait que pousser à faire percevoir le mouvement ouvrier et populaire comme un véritable opposant, sérieux, face au régime. Et le seul porteur d’espoir pour toutes les classes opprimées, le poussant ainsi à le politiser dans la mesure où s’établit une jonction entre le passé encore présent dans une couche militante, le présent et des réseaux politico-sociaux se réanimant.

    Or justement, l’inflation touchant toutes les catégories populaires est au plus haut. L’année a été la pire depuis longtemps pour le monde rural. De nombreux villageois sont descendus dans les rues pour protester contre l’incurie des autorités face aux inondations récentes et on se rapproche de l’anniversaire du déclenchement de la révolution, le 25 janvier. C’est souvent l’occasion de toutes sortes de débordements de la part de fractions de la jeunesse. Une page Facebook à ce propos, «retour sur la place», annonce que des dizaines de milliers, et plus, de personnes sont prêtes à y retourner en 2016, alors que des détenteurs de hauts diplômes sans emploi ont déjà marché sur Tahrir, il y a quelques semaines.

    Bien sûr, il y a loin d’un clic sur Internet à une présence dans la rue face à des soldats qui n’hésitent pas à tirer. Mais le seul fait d’un défi aussi massif, ne serait-ce que sur Internet, inquiète le pouvoir, qui a révélé son appréhension en arrêtant le 28 décembre quatre dirigeants du «Mouvement du 6 avril», le seul mouvement important de démocrates révolutionnaires qui résiste encore.

    Alors, d’un côté, le régime n’a jamais été aussi féroce, dictatorial et jamais aussi proche de celui de Moubarak avec un retour massif aux affaires des riches «feloul» (résidus), les partisans de l’ancien régime… mais il n’a jamais été aussi proche, de ce fait, des conditions qui ont précipité la chute de Moubarak. [Des tensions existent entre des secteurs capitalistes et les positions imposées – appels d’offres biaisés – par les militaires pour ce qui est de leur emprise économique, entre autres dans le processus d’appropriation de terres bonifiées qui fait partie des plans du gouvernement, au même titre que la création d’une nouvelle capitale administrative sur la route Le Caire-Aïn Al-Sokhna (est), non loin de la zone du Canal.]

    La chute de Moubarak avait été décidée par l’armée lorsqu’il leur est apparu, au cours du soulèvement révolutionnaire de janvier 2011, que la classe ouvrière menaçait d’entrer en scène par un appel à la grève générale. Les autorités, de tous les «bords», lors des cinq années du processus révolutionnaire passé, n’ont eu de cesse de camoufler aux masses laborieuses le caractère central de cette opposition de classe.

    Dans ce décours, les Frères musulmans ont perdu de leur influence; l’essentiel de la gauche, les nassériens, les démocrates officiels se sont perdus en soutenant Sissi. Bien des démocrates révolutionnaires se sont découragés, victimes d’une répression terrible. Mais ne peuvent être négligés les contrecoups des limites de leurs conceptions stratégiques ou de leur impréparation – liée en partie à la jeunesse de secteurs des composantes révolutionnaires – face à un tel processus révolutionnaire.

    Aujourd’hui reste maintenant l’armée – qui certes met encore l’accent politique sur la lutte contre le terrorisme – face au prolétariat. Dans quelle mesure l’expérience accumulée pour des secteurs de ce prolétariat au cours des longues années de combats incessants et courageux va-t-elle trouver des voies d’expression et sous quelle forme? Ce que justement voulaient éviter les militaires, il y a cinq ans. C’est ce qui doit retenir ceux et celles qui saisissent la dimension de permanence de ce processus, au-delà des variations.

    Quels que soient les événements des semaines à venir, il est certain, pour la période qui s’ouvre, que les conditions d’un nouvel affrontement massif sont en train de se mettre en place.

    J’écrivais à propos des premiers événements révolutionnaires que la solution à la révolution égyptienne se trouvait en Chine. C’était une image faisant tout à la fois allusion au gigantisme de la classe ouvrière chinoise et de ses luttes, mais surtout à un premier signal d’arrêt donné au mouvement de réaction libérale mondial réalisé en 2010 par des mobilisations massives du prolétariat chinois [Foxconn, Honda, Toyota].

    Les révolutions arabes comme d’autres mouvements dans le monde ensuite se sont situés dans cette continuité. On ne comprendrait pas combien le mouvement du prolétariat égyptien est destiné à durer, si on ne le replace pas dans ce contexte mondial de retour général du balancier. Cependant, l’absence (ou la faiblesse extrême) d’organisations ouvrières et de conscience prolétarienne plus ou moins constituée fait tout à la fois que la crise multiface comme les combats se diluent dans le temps et que les prises de conscience dans cet espace sont lentes. Des processus sont en cours, de l’Egypte, de la Tunisie à la Turquie, au Bangladesh, y compris en passant par la Grèce et l’Espagne. Ce processus socio-politique, avec toutes ses variations locales et ses différentes figures, est à l’œuvre. Il est important d’en prendre conscience, de l’examiner en le soumettant au débat, et de la sorte de viser à en faire prendre conscience, si les socialistes révolutionnaires veulent participer et intervenir efficacement dans chacun de ces conflits.

    La classe ouvrière égyptienne illustre un aspect de ce processus général en montrant dans ces grèves qu’elle est loin d’être battue et qu’elle continue activement son chemin et son combat pour le pain, la liberté et la justice sociale dans le cadre d’une «longue révolution» [4]. La perspective de coordination et de politisation de ses luttes, certes difficile comme partout, n’apparaît pourtant pas si éloignée que ça, inscrite en tout cas dans les conditions objectives. Elle pourrait être un but atteignable pour la période, surtout si des militant·e·s révolutionnaires veulent ou savent s’en faire les vecteurs: la crise de l’humanité se réduit toujours à la crise de sa direction révolutionnaire… à l’échelle internationale. [Du moins si l’on comprend que la formule n’est pas univoque, mais renvoie à une dialectique complexe, historicisée et située dans un espace socio-politique interconnecté, mais pas homogène, entre: degré d’organisation du prolétariat au sens large, avec ses mutations; conscience accumulée, avec parfois accélération soudaine; et expressions organisationnelles plurielles aptes à saisir l’ensemble du tableau et à lui donner une signification, une dynamique et un sens pour une large majorité active des masses laborieuses.] La révolution égyptienne doit plus que jamais être la nôtre. (30 décembre 2015; les phrases entre crochets sont de la rédaction de A l’Encontre, comme le travail d’édition)

    Publié par Alencontre le 2 - janvier - 2016 Par Jacques Chastaing

    [1] Pour comprendre la signification de cette persistance à long terme des grèves en Egypte : http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-ce-que-la-persistance-des-greves-en-egypte-nous-dit-de-la-revolution.html

    [2] Sur ce qui se passait en septembre : http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-un-mois-de-septembre-imprevisible.html

    [3]  Selon des ONG. Officiellement elle est de 28%, mais personne n’y croit.

    [4] Selon la formule de Maha Abdelrahman: Egypt’s Long Revolution: Protests and Uprisings (Forthcoming) Routledge 2015.

    Dans Al-Ahram Hebdo du 30 décembre 2015, sous le titre «Urgence pour le tourisme: sortir de l’impasse», il est affirmé: « Tout dépend de la reprise des vols en provenance de Russie et de Grande-Bretagne», explique Elhami Al-Zayat, président de l’Union des chambres de tourisme. Car à la suite du crash de l’avion russe dans le Sinaï fin octobre dernier, ces deux pays qui fournissent à eux seuls près de 50 % des arrivées touristiques en Egypte, ont suspendu leurs vols : l’un vers la totalité de l’Egypte, l’autre vers Charm Al-Cheikh seulement. Ainsi, les chiffres du tourisme ainsi que les réservations à venir ont énormément baissé surtout que d’autres pays européens comme la France, la Suisse et la Belgique ont déconseillé à leurs ressortissants tout voyage en Egypte. «C’est une crise sans précédent pour le secteur du tourisme puisqu’elle touche la sécurité des moyens de transport aériens, qui constitue la colonne vertébrale de l’industrie du tourisme. L’Egypte a perdu près de 2 milliards de L.E. en novembre à cause de la décélération du mouvement du tourisme», assure Mohamad Abdel-Gabbar, vice-président de l’Organisme de la promotion touristique (ETA).» (Réd. A l’Encontre)

    http://alencontre.org/egypte/egypte-quelles-perspectives-pour-la-nouvelle-vague-de-greves