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Luttes paysannes, alimentation... - Page 2

  • La Commune de Jemna Tunisie (Anti-k)

    Intervention du président de l’association de Jemna, lors de la réunion publique de soutien du 6 décembre 2016 à Paris.

    Permettez-moi d’emprunter un titre employé par le DrAyman Hussein, en parlant de l’expérience de Jemna : « la Commune de Jemna ». Même si nous ne prétendons pas atteindre quoi que ce soit des réalisations de la Commune de 1871, nous aspirons à suivre les traces de nos ancêtres les Communards.

    Avant d’entrer dans le vif du sujet – la gestion et l’auto-financement dans l’expérience de Jemna – je vais vous présenter sommairement l’historique de la palmeraie.

    Historique de la palmeraie

    Notre oasis est le symbole de la spoliation, de la corruption et de la malversation. Elle est d’ailleurs l’exemple régional pour ne pas dire national le plus frappant et le plus ancien.

    * Le problème a commencé avec la colonisation lorsqu’en 1912 M. Maus De Rolley s’est accaparé les terres fertiles appartenant à nos ancêtres. Il a d’ailleurs arrêté et emprisonné ceux qui s’y opposaient, et avec l’effort, la sueur et la force musculaire des indigènes il a planté des palmiers produisant des dattes de la meilleure qualité appelées Deglet Noor (Noor signifiant en arabe « lumière »).

    * Avec l’indépendance, nos parents ont conclu un marché avec les nouvelles autorités pour l’achat des palmiers. Ils leur ont versé en 1963 quarante mille dinars, soit la moitié de la somme totale. Avec notre argent versé sur le compte du gouverneur de la région de Gabès, l’Etat a réalisé des projets économiques rentables, tel qu’une société de transport, un hôtel et une société commerciale.

    * Avec le système coopératif (1964-1969) le gouvernement a mis la main sur l’oasis.

    * En 1974 la STIL, société étatique appartenant à Mzali Ben Osman Belkouja et autres ministres et hauts responsables, vient exploiter les richesses de Jemna.

    * Avec la faillite de la dite société, le gouvernement de l’ex-dictateur a loué en cachette, de gré à gré, la palmeraie :
    - 111 hectares à un grand entrepreneur de travaux publics contre la minime somme de 9 000 dinars et quelques,
    - 74 hectares au frère d’un commandant du ministère de l’Intérieur qui d’ailleurs a réprimé les émeutes de la région minière de Gafsa en 2008 et qui sera arrêté pendant la révolution.

    * Deux jours avant l’éviction de Ben Ali les jeunes de Jemna avaient repris ce qu’ils ont toujours considéré comme étant leurs terres.

    L’oasis aujourd’hui

    L’oasis compte à présent :
    - 306 hectares enregistrés comme propriété foncière d’Etat, dont les 185 hectares loués auparavant et qui sont à présent gérés par l’Association de la sauvegarde des oasis de Jemna
    - une centaine d’hectares loués aux anciens ouvriers de la STIL lors de l’assainissement de la dite société,
    - une vingtaine d’hectares non encore plantés.
    L’oasis compte aujourd’hui 7 puits artésiens dont 2 creusés par l’association.

    Le rapport d’un comité étatique, venu sur les lieux en mars 2011, prouve que les anciens locataires avaient totalement détruit et ruiné la palmeraie.
    Un autre rapport, quatre ans plus tard, vante la mise en valeur et le développement de l’oasis. Cela s’explique certes par la bonne gestion, mais surtout par le changement des mentalités des ouvriers qui suent, s’échinent, peinent et travaillent durement dans ce qu’ils ne considèrent plus comme bien public, mais plutôt comme un bien personnel. L’auto-gestion, la gouvernance locale, y sont aussi pour quelque chose.
    Chiffre à l’appui je dirai que la récolte a atteint ces dernières années des montants alléchants et vertigineux : 1,8 million de dinars en 2014, puis 1,6 million en 2015, et enfin 1,7 million cette année.
    Nous faisons travailler, en tant qu’association (à but non lucratif), de 120 à 130 travailleurs sans tenir compte des ouvriers occasionnels et saisonniers dans un domaine contenant 10 800 Palmiers. (Sans tenir compte des palmiers qui sont au début du stade de la production, ainsi que des toutes nouvelles plantations s’élevant à 2 000 nouveaux palmiers qui ne seront productifs que 7 à 8 ans plus tard).

    Le problème est que tous les responsables politiques étaient au courant. Nous avons toujours cherché à négocier une solution avec tous les ministres de l’agriculture et de la propriété domaniale. Les hauts responsables des partis, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont tous été contactés. Leurs promesses n’ont malheureusement pas été tenues, la langue de bois demeure la même.
    Toutefois si les précédents nous avaient laissé faire, ce gouvernement d’unité nationale nous empêche de continuer sur la bonne voie : celle qui sert les citoyens, qui construit, qui innove, qui embauche.
    Les locataires précédents avaient traduit devant la justice quelques militants pour des accusations insensées comme l’utilisation de la violence, la formation d’un gang, la saisie intentionnelle et violente de la propriété d’autrui, la diffamation, la volonté de mettre le feu.
    Ce gouvernement, en gelant nos comptes bancaires, nous empêche de vendre nos dattes et de continuer notre travail.

    L’organisation de notre lutte

    Pour revenir à notre lutte, j’ajouterai que lorsque, le 12 janvier 2011, les jeunes avaient repris leur terre on était en pleine campagne de récolte des dattes et il a fallu agir rapidement.

    Nous avons fondé le Comité pour la protection de la révolution, et nous avons été en toute modestie exceptionnels :
    - Ce comité n’est pas organisé de façon hiérarchique : il n’a ni président, ni trésorier, ni secrétaire général. Nous sommes tous chefs, et nous sommes tous membres.
    - Notre association a organisé l’une de premières élections libres et démocratiques puisque nous avons organisé l’élection du maire de Jemna-Nord et celle de Jemna-Sud, avant même les élections du 23 octobre 2011.
    - Nous avons demandé aux gens de choisir les membres du conseil municipal,
    - Nous avons organisé des réunions sur une place publique pour discuter et prendre les décisions qui s’imposaient.

    Notre association, héritière du Comité de protection de la révolution, poursuit le même chemin. A partir du 27 février 2011, nous avons organisé un sit-in qui a duré 96 jours, sans barrer des routes ni incendier des pneus. Ces derniers jours, on a manifesté notre refus par la musique, la poésie et le sport.

    Nous étions donc en 2011 face à la saison agricole qui nécessite beaucoup d’argent :
    - Nous avons demandé aux citoyens de payer chacun 30 dinars de contribution à la pollinisation, et le total des dons a atteint 33 100 dinars ;
    - Les associations nous ont prêté la somme de 22 500 dinars ;
    - Deux grands commerçants de dattes ont prêté la somme de 120 000 dinars.
    - Un groupe d’amis français qui ne connaissaient même pas Jemna, dirigé par le Dr Pierre Clément professeur universitaire, nous ont envoyé la somme de 2 252 dinars. Même si cette somme peut paraître minime, nous la considérons comme la plus importante, car elle relève de l’humanisme, de l’altruisme et de la solidarité.
    Tous ces fonds nous ont permis de faire face aux travaux que nécessitent les palmiers, sans oublier le travail bénévole effectué pour quelques jours par les jeunes de la région.

    Ainsi, grâce aux efforts déployés, la récolte a connu des chiffres qui ont à maintes reprises dépassé le million de dinars : 969 500 dinars en 2011, 941 000 dinars en 2012, et 847 600 dinars en 2013.
    Puis on a dépassé de loin le million avec 1,8 million en 2014 puis 1,6 million en 2015 et 1,7 million cette année.

    Je vous rappelle que les locataires précédents payaient aux environs de 16 000 dinars. Ils empochaient le reste et n’embauchaient qu’une vingtaine d’ouvriers. On dépense aujourd’hui dans le village, pour les salaires, l’achat de matériel et de l’engrais de 40 à 50 000 dinars par mois.

    La gouvernance locale de la gestion et de l’auto-financement

    Nous avons dépensé des sommes énormes pour métamorphoser l’infrastructure de la ville en construisant :
    - Un marché couvert, qui est le seul du gouvernorat de Kébili, et dont le coût s’élève à presque 600 000 dinars ;
    - Trois salles de classe et quatre blocs sanitaires, une clôture avec une belle façade, la restauration de l’équipement électrique et sanitaire dans les deux écoles primaires avec des dépenses totales de 350 000 dinars ;
    - Une salle de sport bien équipée au lycée, et qui a nécessité 360 000 dinars ;
    - Un terrain de football dont les travaux sont encore en cours, et qui devrait dépasser les 250 000 dinars, avec surtout le gazon synthétique de 6e génération que l’on attend encore.
    - Des subventions aux associations sportives et culturelles (Théâtre de la Ville, festivals de la région, équipes sportives) ;
    - Des subventions pour la section de l’Union tunisienne d’aide aux insuffisants mentaux qui a bénéficié aussi d’une ambulance et de 50 palmiers dattiers ;
    - Une aide financière très importante pour l’école des autistes, les sourds-muets, les cancéreux, ainsi que les associations nationales comme l’Union tunisienne de la femme et la section locale de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme ;
    - Une aide également pour un centre d’instruction religieuse, les mosquées et l’association caritative qui donne des subventions mensuelles pour 27 étudiants, ce qui montre que nous n’avons pas de problème avec notre identité arabo-musulmane ;
    - L’équipement bureautique pour le dispensaire, la bibliothèque publique et le poste de police
    (ordinateur climatiseurs fontaines fraiches matelas orthopédiques).

    En ce qui concerne la palmeraie que nous exploitons :
    - L’achat d’un ensemble d’équipements et de moyens d’outils et de matériels : pompe, tracteur et diverses machines.
    - La réparation et l’entretien des puits, avec le forage de deux nouveaux puits, de nouvelles plantations et le désherbage de mauvaises herbes.
    - La restauration d’un bâtiment administratif.

    Nos dépenses se font en toute transparence et un expert-comptable s’occupe de ce dossier financier. Chaque centime dépensé est facturé et documenté.
    Nous avons maintenu la propriété unifiée. Elle n’est pas fragmentée et morcelée comme c’est le cas à Tozeur près de chez nous.
    Nous veillons au respect des slogans de la révolution (travail, liberté et dignité), ainsi qu’aux principes et idéaux de solidarité, de coopération, de compassion et d’altruisme.

    Enseignements et leçons tirer de notre expérience

    En tant que responsables de l’association, nous sommes des bénévoles, et durant ces 6 ans nous avons beaucoup donné de nous-mêmes, physiquement et moralement. Nous avons exprimé le désir de nous retirer, mais cela nécessiterait l’émergence de dignes successeurs qui poursuivraient l’expérience.

    Nous considérons que notre expérience s’insère dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, ainsi que dans la gouvernance locale, nous sommes même des pionniers dans ce domaine. Notre action est une réponse aux partisans de la privatisation. Elle est une forme d’économie sociale et solidaire qui va à l’encontre du capitalisme sauvage, système économique périmé et qui a montré ses faiblesses.

    - Avec l’exercice de la démocratie locale et la tenue de réunions publiques nous avons pris l’avis du citoyen, et nous avons pu prendre les bonnes décisions.
    - L’intérêt public unit tout le monde
    - Accorder à l’agriculture beaucoup d’importance, en raison de la nature de la région.
    - Nous sommes tenus d’œuvrer pour la coordination avec les habitants d’autres régions qui souffrent des mêmes problèmes et vivent sur les mêmes terres « domaniales », pour trouver des solutions au profit des gens démunis de toute autre richesse que celle de leurs terres.

    Nous continuons, en dépit des difficultés et des obstacles, d’accomplir ce que nous croyons utile pour le domaine et le village.
    Nous sommes toutefois surpris de la position des partis nationaux, tel que le Front populaire qui aurait dû donner à l’expérience l’intérêt qu’elle mérite. Cela ne veut pas dire que nous sommes prêts à accepter l’ingérence de ces partis dans nos affaires.
    A un certain moment, nous ne nous étions pas intéressés non plus aux médias, quoique les amis du site Nawaat aient réalisé des documentaires très intéressants.
    Si nous n’avons pas fait une campagne médiatique importante pour expliquer davantage notre expérience, la responsabilité en incombe à l’association
    Il n’y a pas que du côté des médias que nous avons connu un échec relatif. Du côté judiciaire, nous aurions dû nous adresser aux tribunaux. C’est d’ailleurs ce que nous allons faire maintenant pour exiger l’application d’un jugement de la cour de première instance refusant d’accorder un titre de propriété foncière domaniale pour une partie de la palmeraie. L’application logique de ce jugement devrait être que l’Etat nous verse des indemnités pour s’être accaparé un terrain ne lui appartenant pas de par la loi.
    Nous serons également obligés de saisir la Justice pour remettre en cause le qualificatif de « domanial » attribué aux terres. Il doit y avoir une solution politique à ce sujet, et c’est une certitude, car le domaine nous a été volé suite à une décision politique.
    Aujourd’hui les négociations avec le gouvernement traînent mais elles continuent.

    Malheureusement chaque ministre présente une amorce différente de solution :
    - l’un évoque la mise sur pied d’une SIVAM (société de mise en valeur et de développement agricole),
    - l’autre propose la création d’une coopérative,
    - tantôt on entend parler d’une faible représentation de l’Etat au sein de la société, tantôt de sa détention d’une majorité des actions,
    - parfois, il est question d’appliquer l’article 16 de la loi 95 relatif aux coopératives, parfois l’article 14 de la même loi relatif aux associations,
    Chaque ministre prétend tenir le dossier entre les mains. Nous exigeons une solution écrite noir sur blanc, pour pouvoir la discuter avec les nôtres.
    Nous exigeons aussi le dégel des comptes bancaires comme preuve de bonnes intentions.

    Nous comptons sur vous pour faire pression sur le gouvernement, afin que nous puissions reprendre très prochainement notre activité. Merci de m’avoir permis d’expliquer l’affaire de Jemna. Jemna qui vous remercie infiniment d’avoir soutenu sa cause.

    NB : au 1er janvier 2017, 1 dinar équivaut à 0,41 euro.

    ETAHRI Tahar

    Intervention du président de l’association de Jemna, lors de la réunion publique de soutien du 6 décembre 2016 à Paris.

    * Professeur de français pendant 36 ans, Tahar Etahri est à la retraite depuis 2013.
    Il était avant cette date le secrétaire général du syndicat UGTT régional de l’enseignement secondaire.
    Militant de longue date de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Tahar en est actuellement le président régional.

    http://www.anti-k.org/2017/01/06/la-commune-de-jemna-tunisie/
  • Eau en Palestine

    Hommage à  Jean-Christophe Victor, présentateur du Dessous des cartes, décédé hier

    Israël - Palestine, la guerre de l'eau (Dessous des cartes Arte du 17/03/2010)

  • Marins du Maroc

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    النقابة الوطنية لبحارة الصيد الساحلي والصيد بأعالي البحار تنتزع حق الإعتراف القانوني.
    هنيئا لبحارة الصيد الساحلي والصيد بأعالي البحار المنضوون تحت لواء النقابة ...

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    El Sindicato Nacional de los marineros de la pesca costera y la pesca en alta mar arrogar el derecho de reconocimiento jurídico.

    Felicidades, marineros de la pesca costera y la pesca en alta mar se asuntos bajo la bandera del Sindicato Nacional de los marineros de la pesca costera y la pesca en alta mar, que victoria y extraer el reconocimiento legal del sindicato, tras la reciente sentencia del tribunal de casación de Rabat, día 8 Diciembre de 2016, ratifica núcleos del Sindicato Nacional.

    Vivió una lucha marineros de Marruecos
    Saludo de alta a la defensa que representa el profesor ahmed agujas de shell.
    " el tribunal de casación rechazó la solicitud de cordones el recurso de casación presentado por un factor de empleo agadir kit de gratitud día 08 de diciembre de 2016, lo que significa que el fallo del Tribunal Administrativo de baca monasterio de derogar la resolución tácita de autoridades locales baca der rechazar reconoce el archivo Legal del Sindicato Nacional de los marineros de la pesca costera y la pesca en alta mar en Marruecos y la entrega final de interfaces de assis. La fuerza de cosa juzgada "
     
     
     
     
  • O Limoeiro

    "O Limoeiro"

    Salma, uma viúva Palestina, vê a sua plantação de limoeiros [herdada do seu falecido pai] ser ameaçada quando o novo vizinho, o Ministro da Defesa de Israel, se muda para a casa ao lado.

    A Força de Segurança Israelita logo declara que os limoeiros de Salma colocam em risco a segurança do Ministro e, por isso, precisam ser derrubados. Salma, após muitas recusas, leva o caso ao Supremo Tribunal de Israel para tentar salvar a plantação, e com isso assegurar e manter em paz a sua vida, a sua história, o seu passado e futuro.

     

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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    • Jemna ou l’esquisse d’une alternative

      , par Union syndicale Solidaires

      Vague de grèves annoncées en Tunisie. Le 25 novembre, la Commission administrative nationale de l’UGTT a décidé d’appeler à une grève générale du secteur public pour le 8 décembre. Le but de celle-ci est de mettre un terme à la dégradation considérable du pouvoir d’achat des salarié-es ainsi qu’aux (...)

    • Syrie
      Solidarité avec Alep et le peuple syrien en lutte

      , par solidaritéS

      Un nouveau déluge de feu s’abat sur les quartiers libérés d’Alep-Est qui ne sont plus sous domination du régime Assad, ni des groupes djihadistes comme l’Etat Islamique ou Fateh al-Sham (ex Jabhat al-Nusra). Ces quartiers libérés comptent encore environ 375’000 habitant•e•s, dont 120’000 enfants, depuis (...)

     

  • Palestine : Retour de mission (NPA)

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    Le Comité rennais de l’Association France Palestine solidarité organise chaque année une campagne de « cueillettes solidaires » en Palestine. Plusieurs militantEs bretons du NPA en reviennent...

    Chaque équipe intervient auprès d’un paysanE ou d’un groupe de paysanEs qui, sans son intervention, seraient en difficulté pour mener à bien la récolte de l’année. Triple enjeu. Une terre non cultivée trois années de suite peut être confisquée par Israël (en vertu d’une loi… ottomane !). De plus, pour nombre de paysanEs, la récolte est vitale, économiquement. Enfin, garder la terre, la cultiver, c’est résister, combattre le système colonial.

    Il peut s’agir d’oliveraies situées près du « mur » – le plus souvent, à la campagne, matérialisé par des rangées de barbelés encadrant une route dite de sécurité – ou près d’une colonie, là encore au ras des barbelés, comme à Susiya, dans le sud, ou encore dans une zone menacée d’annexion, comme à Battir, près de Bethléem. Mais quel que soit le degré de tension autour de l’oliveraie, tous les paysanEs nous répètent que la première manifestation de solidarité qui compte pour eux, c’est notre présence, car elle montre que le monde ne les oublie pas, qu’il y a des gens pour agir à leur côté...

    Témoigner !

    C’est la première demande des PalestinienEs rencontrés : « De retour en France dites ce que vous avez vu ici » ! Et ce que nous avons vu, ce sont autant d’images d’un pays occupé, d’une population victime de l’apartheid.

    Ainsi les oliveraies de Hébron, coincées entre des colonies qui lacèrent la ville et l’étouffent peu à peu, où nous avons cueilli des olives, surveillés de près par des militaires désœuvrés, dans des parcelles accessibles seulement un jour pour la cueillette !

    Ainsi le village de Susiya, détruit par l’armée israélienne au profit d’une colonie qui a pris son emplacement et son nom. Reconstruit par des paysanEs déterminés, détruit à nouveau... Le bras de fer continue. Les paysanEs restent sur leurs terres, dans des tentes de bédouins : cultiver, c’est résister !

    Ainsi le village de Asfar, où l’on nous montre les traces de chenillettes… laissées par les engins venus, il y a moins de dix jours, détruire le village d’été qui permettait aux paysanEs d’être à pied d’œuvre pour la culture des olives. Ne subsiste qu’une maison – trop récente pour avoir fait l’objet d’un ordre de destruction, mais son tour viendra – au milieu d’un champ de gravats !

    Résister !

    Hébron incarne toute la problématique palestinienne. D’un côté, les colonEs, soutenus sans faille par l’armée, font tout pour prendre le contrôle de la ville : leurs établissements au cœur du vieux Hébron visent à couper la ville en deux, que les colonies des hauteurs dominent comme une menace permanente. De l’autre côté, les PalestinienEs, qui ont dû fuir un centre devenu invivable, font actuellement de gros efforts de réhabilitation qui portent leurs fruits : la population palestinienne revient ! La solidarité internationale, sans doute ici la plus concentrée, s’active sans compter pour les aider.

    Dans nos discussions, les Palestiniens nous disent le complet décalage qui existe entre l’Autorité palestinienne, corrompue, pieds et poings liés avec le gouvernement israélien, et les expériences de résistance populaire qui s’organisent sur le terrain, en lien direct avec les aspirations du peuple palestinien. 

    La présence agressive des colons, le mur qui continue de démanteler le territoire de Cisjordanie, les milliers de prisonniers politiques, Gaza, qui reste une prison à ciel ouvert, la violence de la domination coloniale infligée à la Palestine, semblent rendre toute solution impossible. Alors, la tâche est immense pour la solidarité internationale, qui devra être avant tout politique : il nous appartient d’obtenir de nos États qu’ils renoncent à soutenir ce régime colonial d’apartheid.

    CorrespondantEs

  • Tunisie Comite de Soutien à Jemna en France


    Comite de Soutien à Jemna:

    Le comité de soutien Jemna en France a le plaisir de vous convier à une journée festive de soutien et de conférence sur l’économie sociale et solidaire, L’oasis de Jemna en Exemple, pour une économie plus humaine et une révolution en douce. 

    Cette journée sera organisée le

    mardi 06 décembre de 18H à 22H30

    au 37 rue Leopold Bellan 75002 Paris.

    Cette soirée conférence sera agrémentée par:
    • une dégustation gratuite des dattes de Jemna.
    • une représentation musicale de chanteurs engagés.
    • une exposition de photos et une diffusion de documentaires courts sur l’expérience de l’oasis de Jemna.

    Une contribution et une participation active de votre organisation seront très appréciées.
    Cordialement

    Comité de soutien à Jemna en France

    Commentaire :

    Il s’agit de la poursuite depuis janvier 2011 d’une lutte dirigée par la population elle-même (cf. articles ci-après)
    La forme d’organisation retenue est celle d’une association de bénévoles qui rend des comptes à la population.
    Sur les 13 membres du bureau de l’association, aucun ne représente une organisation politique ou syndicale. Et cela même si une petite minorité d’entre eux sont connus pour avoir (à titre personnel) une orientation donnée. Le président de l’association est par exemple un enseignant retraité membre du syndicat UGTT de l’enseignement secondaire.

    Des originaires de la région de Jemna vivant en région parisienne ont constitué un collectif, qui comme à Jemna, est basée sur l’adhésion individuelle. Celle-ci se place sous le contrôle politique de l’association existant à Jemna.
    L’association de France a demandé le soutien de nombreuses associations tunisiennes et françaises, ainsi qu’aux organisations syndicales françaises.

    http://www.anti-k.org/

    Lire aussi :

    Sur la récupération et la gestion collective de ses terres par la population de Jemna

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  • Les carences du secteur agricole accentuent l’insécurité alimentaire (Algeria Watch)

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    En dépit d’un engouement des opérateurs étrangers à investir

    El Watan, 14 novembre 2016

    Des millions d’hectares de terre en jachère, d’autres mal exploités, certaines terres sont détournées de leur vocation, d’autres encore reclassées pour servir au bâtiment, une main- d’œuvre en désertion et des semences locales disparues du marché.

    Vue sous cet angle, la sécurité alimentaire de l’Algérie semble bien compromise. Pourtant on ne peut pas dire que la volonté politique a manqué avec le PNDA, le PNDRA, l’effacement des dettes des agriculteurs, les crédits bancaires à taux 0, etc.

    Si bien que l’agriculture a été le principal secteur porteur de la croissance économique durant une bonne partie des années 2000. Au cours des cinq dernières années, sa croissance a évolué à un rythme annuel de plus de 7% en moyenne. En 2015, la valeur ajoutée du secteur représentait 12% du PIB.

    Pourtant, les résultats semblent insuffisants, car même si le ministère de l’Agriculture avance un taux de couverture de nos besoins agricoles à hauteur de 70% par la production nationale, le pays reste entièrement dépendant des importations pour ce qui est des produits de première nécessité.

    «L’Etat est appelé à venir en permanence à la rescousse pour sauver un marché national exposé aux pénuries dès lors que le secteur agricole national couvre à peine 15 à 20 % du marché en produits de première nécessité», observe Akli Moussouni, expert agronome. La balance agricole et alimentaire est déficitaire et a quadruplé entre 2000 et 2011. «On couvre 70% de nos besoins en fruits et légumes, entre 80 % et 100% pour la viande rouge et blanche, mais on ne couvre localement que 30% de nos besoins en céréales et moins de 50% en matière de lait», argumente Laala Boukhalfa, expert en sécurité alimentaire.

    Dépendance

    Une dépendance aux conséquences économiques directes et pas seulement en termes de sorties en devises. D’après les données de l’Ifpri (International Food Policy Research Institue, 2007), une hausse de 15% des prix agricoles sur le marché international coûte à l’Algérie 0,7% du PIB en raison d’une facture d’importations agricole représentant 4,5% du PIB à plus de 3 milliards de dollars.

    Mais le problème pour l’Algérie ne s’arrête pas là. Car la dépendance aux produits agricoles commence à la base. Des experts dans le domaine agricole ont en effet tiré la sonnette d’alarme sur le fait que 80% des semences locales ont disparu et que celles qui sont importées ne font que renforcer la dépendance de l’Algérie puisqu’il s’agit majoritairement de semences hybrides utilisables une seule fois.

    Déperdition

    Le ministre de l’Agriculture reconnaît qu’il existe un problème de semence qui est en train d’être pris en charge, mais il admet aussi que son règlement prendra des années. Quand ce n’est pas la dépendance aux importations qui pose problème, c’est la déperdition des superficies agricoles qui inquiètent. Les besoins en construction de logements et d’investissements industriels ont sérieusement empiété sur le foncier agricole, mettant à l’arrêt des exploitations agricoles entières. En 2015, ce sont près de 4000 hectares de terres agricoles qui ont été reclassées au bénéfice de l’industrie.

    A cela s’ajoutent quelque 3 millions de terres qui demeurent en jachère, soit plus d’un tiers de la surface agricole utile (8,5 millions d’hectares). Certaines sont considérées à haut potentiel. Le chiffre est important, mais pour Mohamed Alioui, président de l’Union des paysans algériens, il y a lieu d’abord «de s’inquiéter des terres qui sont censées être en exploitation mais ne le sont pas».

    Pourtant le gouvernement a pris ces dernières années des décisions allant dans le sens de l’amélioration de la production agricole et de la couverture des besoins nationaux à travers des mécanismes d’aides directs au profit des agriculteurs. Ces derniers se sont vu effacer en 2009 une dette de 41 milliards de dinars, mais la décision n’aurait pas profité à qui de droit. Selon Mohamed Alioui, «50 à 60% de cet effacement n’a pas bénéficié aux véritables agriculteurs qui en avaient le plus besoin».

    Ambitions

    En cette période de crise, où l’agriculture se positionne comme une alternative au pétrole, la question de la sécurité alimentaire pose indéniablement l’impératif de réduire la dépendance aux importations pour les produits de première nécessité. Pour Akli Moussouni, la solution résiderait dans «un changement radical des politiques agricoles, dont la contrainte de dépendance vis-à-vis du produit agricole étranger doit constituer d’axe de développement».

    Dans ce cadre, le plan d’action Filaha 2019 prévoit la réduction de 30 % de la facture des importations alimentaires (2 milliards de dollars par substitution (poudre de lait, blé dur, semence pomme de terre (A), viande bovine et tomate industrielle) et le doublement des exportations. Pour ce faire, des efforts seront concentrés sur un certain nombre de filières, dont la céréaliculture, les légumes secs, le lait, les cultures fourragères, les viandes bovines et blanches, la pomme de terre, la tomate industrielle.

    Safia Berkouk


    Investissements dans le secteur agricole

    Engouement des opérateurs étrangers

    Les investisseurs étrangers et nationaux se bousculent pour la grande concession.

    Ils sont de plus de plus nombreux à frapper à la porte du ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche (MADRP) pour proposer leurs projets. Jusque-là, le secteur a attribué plus de 600 000 hectares pour la réalisation de projets structurants pour un montant de 600 milliards de dinars. Et ce, au profit de 1 500 investisseurs porteurs de projets intégrés dans les filières stratégiques. Sur ce montant, la valeur des investissements en cours de mise en œuvre avec des partenaires étrangers est de l’ordre de 25 milliards de dinars pour une superficie dépassant les 10 000 hectares par projet.

    Et ce, en dehors des régions du Nord. Le cap est en effet mis sur les IDE dans le Sud et dans les Hauts- Plateaux dans les filières stratégiques où l’Algérie est dépendante des importations C’est le cas notamment à Khenchela, Adrar et Ghardaïa, a-t-on appris auprès du MADRP. Les appels lancés par le gouvernement à l’égard des investisseurs étrangers, faut-il le rappeler, remonte à plusieurs années.

    Déjà en 2006, quand il était secrétaire général du ministère de l’Agriculture, Abdeslam Chelghoum avait invité les opérateurs étrangers à investir dans le domaine de la mise en valeur des terres par le biais du système de la concession mis en place et touchant les zones sahariennes, steppiques et montagneuses. «S’il y a des opérateurs étrangers qui veulent apporter leur contribution à la mise en valeur des terres ils sont les bienvenus», avait-il indiqué à l’issue d’une rencontre avec une délégation canadienne. Depuis, les appels se sont succédé par d’autres responsables du secteur. Il a fallu que les changements interviennent dans le cadre réglementaire notamment dans le cadre de la loi sur les concessions agricoles pour que les investisseurs se manifestent et affichent leur intérêt pour le secteur agricole algérien.

    Des mesures d’accompagnement

    Il faut dire en effet qu’une série de mesures a attiré l’engouement des investisseurs étrangers à la faveur d’une nouvelle stratégie en matière d’investissement dans le secteur agricole, qui mise sur le développement durable et la sécurité alimentaire en Algérie. Parmi ces mesures, on cite l’institutionnalisation d’une cellule d’accompagnement au ministère de l’Agriculture. Dans une de ses études, le cabinet Oxford Business Group ne manque pas d’ailleurs de le souligner.

    Projets structurants

    Il relève le nombre important de contrats d’investissements en projet ou conclus récemment, donnant comme chiffre 80 demandes d’investissements déposées au MADRP au cours du premier semestre 2016. Et rappelant par la même occasion les principaux projets conclus. A titre illustratif, celui conclu fin 2015 entre le Groupe Lacheb et le consortium américain International Agricultural Group, portant sur un mémorandum d’entente sur l’investissement de 100 millions de dollars dans la création d’une nouvelle joint-venture baptisée El Firma, dédiée à l’élevage bovin dans la région d’El Bayadh.

    Au total, six accords ont été signés entre les Etats-Unis et l’Algérie en 2015 dans plusieurs segments agricoles, dont l’irrigation, l’élevage de bétail et l’élevage de vaches laitières, ainsi que l’importation de semences. Plus récemment, le 15 septembre dernier, l’Algérie et la Chine ont signé un protocole d’accord pour l’exécution de la deuxième phase du projet pilote de l’aménagement des terres agricoles salines dans la région de Hmadna (Relizane). Pour le MADRP, ce projet est d’un intérêt stratégique pour l’Algérie, avec l’extension considérable de la salinisation des terres agricoles particulièrement dans les zones arides et semi-arides.

    Déjà en 2012, il y a eu le lancement de la première phase de ce projet pilote pour trois ans (jusqu’à 2015, entre l’Institut national de la recherche agronomique d’Algérie (INRAA) en coopération avec l’entreprise China Agriculture International Development.
    «Les résultats encourageants des expérimentations effectuées incitent à poursuivre les essais durant une seconde phase (2016-2018) avec l’appui de l’expertise chinoise», avait expliqué le MADRP après la conclusion de l’accord pour la deuxième phase du projet.
    Des intentions de projets sont par ailleurs exprimées par des partenaires français et allemands notamment.
    Samira Imadalou


    Développement des filières

    Les céréales et le lait, des défis majeurs

    Poussée par une croissance démographique et de nouvelles habitudes de consommation, la facture des ’importations céréalières a explosé face à une production nationale trop irrégulière pour répondre à tous les besoins.

    L’Algérie importe 80% de ses besoins en blé tendre et produit 60% de son blé dur. Pour le maïs, les importations sont de 100%, alors que pour l’orge, elles demeurent faibles à moins de 20%.

    Ces deux céréales sont destinées principalement à l’alimentation de bétail. 60% des céréales produites au niveau national sont du blé (dont 70% de blé dur et 30% de blé tendre). Selon une étude de l’Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen), l’Algérie a connu une progression rapide de la consommation de blé tendre utilisé pour le pain et la pâtisserie «avec l’occidentalisation du modèle de consommation». Une demande trop forte comparée aux disponibilités réelles. Les céréales occupent à peine un tiers des terres arables et plus de la moitié des exploitants agricoles. Mais on estime cependant que la moitié de la production est réalisée par des exploitations de taille modeste (moins de 50 ha).

    La production reste marquée par une forte irrégularité. «On est à 17q/h. C’est trop faible», observe Laala Boukhalfa, selon qui «il y a des zones de culture à fort potentiel qui ne sont pas exploitées». Une étude de l’Ipemed explique cette faiblesse aussi bien par des causes naturelles (sol et climat), que techniques (semences, pratiques culturales) qu’humaine (organisation et formation des producteurs). Pour réduire la facture d’importation, le ministère de l’Agriculture a prévu dans son plan d’action 2019 de doubler la production céréalière à près de 70 millions de quintaux et d’en finir complètement avec l’importation de blé dur. Cela serait notamment possible grâce à l’augmentation des surfaces irriguées, qui passeront de 230 000 hectares en 2016 à 600 000 hectares en 2019.

    Pour Akli Moussouni, expert agronome, il est possible de couvrir «les ¾ des besoins du marché national à condition de réduire d’environ de 50% les surfaces qui leur sont consacrées, mais en investissant dans la performance de celles qui seront cultivées pour atteindre des rendements élevés (plus de 50 q/ha)». Les surfaces abandonnées par les céréales seraient ensuite consacrées aux parcours pour les filières animales (ovine en particulier)

    Le lait en crise

    Même constat ou presque pour le lait, enclin à des crises cycliques, avec un taux de collecte qui reste faible, puisque seulement le tiers de la production laitière bovine est collectée (en 2012). A la fin des années 1960, les importations totales en lait couvraient 40% des disponibilités, pour une consommation qui atteignait les 50 litres équivalent lait /habitant. Aujourd’hui, elles en couvrent plus de 50 % pour une consommation par habitant qui a presque triplé à 147 litres équivalent lait/habitant. «Nous produisons environ trois milliards de litres pour des besoins estimés à 6 milliards», observe Laala Boukhalfa.

    Près de 30% des disponibilités laitières sont destinés à l’autoconsommation ou se retrouvent dans le circuit informel, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture. On estime que le taux d’intégration du lait cru est autour de 15% en moyenne, entre laiteries privées et publiques. Pourtant, pour augmenter cette production et son intégration dans le processus industriel de fabrication du lait pasteurisé, le gouvernement a mis en place un système de primes destiné aux producteurs, aux collecteurs et aux transformateurs.

    Rien n’y fait. Selon Laala Boukhalfa, les subventions constituent «un frein au développement de la filière». Les investisseurs «n’investissent pas car ils ne peuvent pas concurrencer un prix administré de 25 dinars le litre. Ils ne veulent pas investir dans des vaches laitières puisqu’il y a la poudre et qu’elle est subventionnée». En 2013, les subventions à la poudre de lait ont atteint 30 milliards de dinars. Mais, c’est loin d’être la seule contrainte. Dans une étude de l’IAMB (Institut agronomique méditerranéen de Bari) datant de 2015, il est noté que 99% des exploitations laitières sont du type «familial et traditionnel ».

    En 2008, «plus de 95% des exploitations laitières comptaient moins de cinq vaches, alors que celles qui disposaient de plus de 50 vaches laitières ne représentent que de 0,3% du total». Selon la FAO, la taille des troupeaux reste relativement faible, avec 6 à 8 vaches laitières par exploitation. En 2012, on estimait que le bovin laitier de race importée représentait 28% de l’effectif total des vaches laitières et assurait environ 70% de la production totale de lait de vache. Pour Akli Moussouni, la filière agit encore dans l’«archaïsme» pour au moins 4 raisons : sous-alimentation du cheptel, générant une faible rentabilité laitière, la petitesse des exploitations face à des coûts de productions trop importants, infrastructures d’élevages d’un autre âge et enfin le manque de professionnalisme.

    Insuffisances

    Si Laala Boukhalfa pose le problème de l’adaptation des vaches importées au climat algérien, il évoque également la question de la disponibilité de l’alimentation devant répondre aux besoins du cheptel. Des études publiées entre 2009 et 2013 par des chercheurs algériens (Chehat, Soukhal) montrent une «insuffisance des ressources fourragères qui constitue un obstacle au développement de l’élevage bovin en Algérie», puisqu’elles ne couvrent que 50% des besoins annuels, alors que «plus des 2/3 des besoins protéiniques du cheptel sont couverts par des aliments concentrés». En gros, les superficies fourragères ne représentent que 9% de la surface agricole utile, au moment où l’industrie des aliments du bétail est dépendante des importations des matières premières, soulignent les études.

    Selon la FAO, les contraintes liées à la production laitière en Algérie sont nombreuses, citant notamment, la faible production de l’élevage bovin, un prix de revient à la production trop important, des ressources fourragères insuffisantes, un coût de l’alimentation du bétail trop élevé et une désorganisation des réseaux de collecte. Des contraintes que le gouvernement compte lever pour les besoins de la sécurité alimentaire. A l’horizon 2019, l’objectif tracé est de réduire à 0 % l’importation de poudre de lait destinée à la fabrication de produits dérivés. Il est aussi question de promouvoir l’intégration de la production locale du lait cru par l’élargissement de son marché aux produits laitiers dérivés et le renforcement des capacités de production du fourrage.

    Safia Berkouk


    Maladies récurrentes et pratiques informelles

    Menace sur la production animale

    Avec des maladies à répétition, chaque année ou presque, une partie de l’élevage ovin, bovin et avicole est décimée. Brucellose, bronchite infectieuse, grippe aviaire, blue tongue, fièvre ap0hteuse, etc., les maladies sont multiples et leur propagation àa des degrés divers.

    Dernièrement encore, les citoyens ayant acheté le mouton de l’Aïd, n’ont pas sacrifié que ce dernier, mais également l’équivalent d’un mois de salaire pour ceux d’entre eux qui se sont retrouvés avec une viande putréfiée, impropre à la consommation. Pourtant les campagnes de vaccinations existent. En 2014, avec la fièvre aphteuse le gouvernement a dégagé une enveloppe de 100 millions de dinars pour l’achat de 900 000 doses de vaccin, alors que 1,6 million de bovins avaient déjà été vaccinés.

    Avec plus de 26 millions de têtes, l’élevage ovin représente près de 80% de l’effectif total du cheptel national devant le bovin qui en représente 6%. Importations frauduleuses d’animaux malades, abattages clandestins, non-déclaration des maladies, des pratiques hasardeuses en matière d’alimentation et d’administration des médicaments par les éleveurs, menacent cette richesse. Les résultats de l’enquête menée sur la viande de l’Aid avait mis en cause un surdosage de compléments alimentaires administrés aux bêtes en vue de leur engraissement rapide. Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

    Explications

    Pour les professionnels de la santé animale, ces maladies à répétition ne sont pas forcément anormales. Saida Akali, secrétaire générale du Syndicat national des vétérinaires fonctionnaires en explique les raisons. «Les effectifs de ces élevages sont sans cesse en augmentation (en nombre d’éleveurs et d’animaux), le nombre de vétérinaires augmente aussi et donc les diagnostics de maladies se font aussi plus souvent et leur déclaration se font aussi rapidement». Si l’apparition de ces maladies n’étonne pas, c’est que plusieurs facteurs y contribuent. «Nos élevages ne sont pas identifiés.

    On donne des crédits à toute personne qui le demande pour faire de l’élevage sans formation, sans structure d’encadrement, etc. Aussi, la protéine animale est devenue une valeur spéculative, donc des affairistes s’occupent de présenter des denrées d’origine animale par n’importe quels moyen et méthode». Ahcene Kaci, enseignant–chercheur, spécialiste des productions animales, partage une partie de cette analyse. «Des vétérinaires n’arrivent jamais à déterminer les véritables mortalités du cheptel car les barrières sanitaires ne sont pas respectées, le nombre de laboratoires d’analyse est très insuffisant, la veille sanitaire n’existe pas et la traçabilité des produits n’est pas prise en considération par l’ensemble des acteurs de la chaîne des filières animales». Les deux spécialistes mettent également en cause les faiblesses en matière de contrôle des frontières pour ce qui est des déplacements de troupeaux qui ne sont pas «systématiques».

    La production avicole

    Cet état des lieux vaut d’autant plus pour le secteur avicole. Dans un document consacré à l’analyse de la filière, le ministère de l’Agriculture note que les limites techniques et sanitaires des bâtiments traditionnels qui représentent la quasi-majorité des bâtiments d’élevage privés, mal aérés, provoque des maladies respiratoires et entraîne des taux de mortalité élevés, ainsi qu’une difficulté de désinfection et de mise en place de barrières sanitaires. Car la filière reste dominée par les pratiques informelles. Certains experts ont estimé que 80% des abattoirs de volailles ne possèdent pas d’agrément sanitaire.

    D’autres avancent un chiffre moins alarmant. «Selon l’étude non encore publiée par Ferrah Ali, chercheur à l’INRA Algérie, l’économie informelle dans l’aviculture algérienne représente 50 %, c’est-à-dire 1 opérateur sur 2 ne dispose pas d’agrément sanitaire», estime Ahcene Kaci. Selon Laala Boukhalfa, spécialiste des questions de sécurité alimentaire, la filière avicole peut produire jusqu’à un million de tonnes par an, mais «les abattoirs existants ne peuvent prendre en charge qu’une capacité de 20%, le reste se fait dans les abattoirs clandestins», posant un grand risque sanitaire. Seulement le problème est beaucoup plus grand qu’une simple question de pratiques informelles. Ahcene Kaci estime que «le risque sanitaire à l’avenir pourrait être d’une grande ampleur» au vu des carences. Car dit-il, il n’est plus concevable d’admettre la présence «des élevages modernes de grandes capacités à côté d’autres élevages traditionnels pourvoyeurs de maladies potentielles.»

    Organisation

    Mais les types d’élevage ne sont pas les seuls à mettre en cause. Pour Saida Akli on exige trop des vétérinaires fonctionnaires sans leur donner les moyens. On leur demande «d’assurer le contrôle sanitaire, les vaccinations, les prélèvements, les enquêtes épidémiologiques, la pharmacovigilance, les comités de lutte contre les zoonoses, les contrôles laitiers. Tout ça avec des effectifs réduits, des salaires dérisoires et des moyens matériels inexistants». En parallèle, la requête formulée pour une 6e année universitaire attend toujours une réponse, les recrutements sont gelés depuis 2014 et l’installation de jeunes vétérinaires relèverait «du casse-tête», selon notre interlocutrice.

    Avec la propagation de l’informel, l’impossibilité de l’identification des cheptels, les insuffisances en matière de contrôle et le manque de moyens au profit des professionnels, la protection des citoyens et de la richesse animale devient problématique. «Nous sommes le dernier maillon de la chaîne alimentaire, mais il faudrait que tous les autres maillons fonctionnent, à commencer par l’application des lois déjà existantes», affirme Saida Akli Abondant dans le même sens, Ahcene Kaci, qui considère que le véritable problème réside dans «l’organisation des filières animales», l’Etat doit prendre «des mesures strictes pour faire respecter la législation à travers ses services fiscaux et vétérinaires». De l’autre, «les autres acteurs doivent instaurer un système de coordination dans le cadre d’un groupement interprofessionnel représentatif afin de permettre à chaque maillon de la filière (agro-fourniture, secteur agricole, agro-industrie, distribution) d’investir, de garantir une traçabilité du produit et de dégager une valeur.»
    Safia Berkouk

    http://www.algeria-watch.org/

  • “Je suis le peuple”, la révolution égyptienne vue du village (Télérama)


     
    Ici pas d’images d’affrontements ou de répression : ce documentaire adopte le regard d’un paysan pour devenir une chronique d’une culture politique à venir. A l’occasion du Festival des Etoiles organisé par la Scam les 5 et 6 novembre prochains, Télérama.fr diffuse le documentaire d’Anna Roussillon.
     
    Rencontre avec la réalisatrice.
     

    Comment vit-on les soubresauts de la révolution égyptienne lorsque l’on passe le plus clair de son temps courbé sur les rigoles d’irrigation de son champ, à des encablures de la place Tahrir ? Somptueux premier long métrage d’Anna RoussillonJe suis le peuple adopte le point de vue de Farraj, paysan de la vallée de Louxor, propose un éclairant contre-champ aux images habituelles d’affrontements, de chars, de répression. Tourné sur la longueur, son film se révèle la chronique d’une culture politique naissante, scandée de doutes, d’enthousiasmes, de revirements et de désillusions… Deux ans et demi après la fin du tournage, et la chute de Mohammed Morsi, entretien avec sa réalisatrice.

    Comment est née l’idée de ce documentaire ?

    Il est le fruit de multiples bifurcations. En 2009, j’ai rencontré Farraj un peu par hasard, dans un champ où il venait de creuser des rigoles d’irrigation. J’étais en repérage à Louxor pour un projet de film sur le tourisme de masse et je ne parvenais pas à trouver la porte d’entrée pour mettre en images mon sujet. Farraj m’a présenté sa famille, quelques voisins. Sans idée précise, j’ai commencé à filmer son quotidien. Puis je suis revenue le voir à l’été 2010, et début janvier 2011, quelques jours avant la révolution. Je lui ai annoncé que je voulais faire un film avec lui sur la façon dont on vit à la campagne en Egypte. Les contours étaient flous. Le 27 janvier, veille du « Vendredi de la colère » où la révolution a démarré, j’ai repris l’avion pour Paris. L’idée était de préciser le projet, de déposer les dossiers pour les subventions et de revenir…

    L’irruption de la révolution modifie votre projet. Vous décidez de la saisir par le prisme du quotidien de Ferraj, à des centaines de kilomètres des événements. Un sacré pari ?

     Le lendemain de mon retour en France, la révolution a commencé. Il était impossible de faire comme s’il ne s’était rien passé. Plusieurs possibilités s’offraient à moi : rallier le Caire et documenter ce qui s’y déroulait, ou faire tout autre chose. Il était plus intéressant de tenter de saisir le processus depuis un endroit où il n’y avait personne, pas de caméra. Le sud du pays est resté assez calme par rapport au Delta où sont implantées les grandes usines textiles et où la tradition militante est forte.

    Je voulais voir comment les gens que je connaissais allaient se sentir reliés –ou pas- à ce qui se passait, à l’effervescence révolutionnaire. Cela m’a décidée à rester au village et à regarder, à partir de là, comment Farraj allait construire sa compréhension des événements qui se déroulaient à des centaines de kilomètres et qu’il suivait à la télévision.

    Il y avait, c’est vrai, une part de pari. Avant la révolution, nous n’avions jamais parlé politique avec Farraj. Mais, instinctivement, j’ai senti que quelque chose était possible. La forme précise du film s’est imposée au fur et à mesure.

    Vous avez passé votre enfance au Caire. Sans la maîtrise de l’arabe et la connaissance du pays, un tel film aurait-il été possible ?

    Je ne pense pas. La conversation politique avec Farraj, qui structure le documentaire, les échanges relatifs à la vie quotidienne auraient été impossibles. Mais au-delà de la langue, il y a cette espèce de rapport « entre-deux » que j’ai avec l’Egypte. Je ne suis ni complètement égyptienne ni complètement étrangère. Je connais bien le pays, je parle arabe… cela a permis de construire un espace intime.

    Farraj s’avère un observateur boulimique et plutôt fin de la chose politique, un débatteur ardent.

    C’est un moment très particulier que celui où un édifice politique est en train de craquer. Farraj comme beaucoup de gens rencontrés au village passait ses nuits devant la télé pour tenter de comprendre cet immense ébranlement et pouvoir en parler. Cela devenait l’un des attributs nécessaires à un homme de mettre des mots sur les événements. Une façon de se construire une image de responsable en étant capable d’élaborer un discours. En cela, Farraj est représentatif de cette vague qui a emporté tous les Egyptiens. Pour une fois, chacun était concerné par quelque chose qui excédait la famille, le village.

    L’intrusion de la révolution a modifié son rapport au politique ?

    Leur village est dans une zone très touristique. Le monde extérieur arrive par les touristes, la télé. Les habitants ne sont donc pas déconnectés. Mais c’était la première fois que Farraj faisait l’expérience de projeter ses espoirs dans un processus politique. Comme nombre d’Egyptiens.

    Pendant deux ans et demi, de la chute de Moubarak à celle de Morsi, j’ai cheminé avec lui. Moi aussi, j’ai beaucoup bougé. C’était important pour moi que cela prenne la forme d’une conversation. Pas plus que lui, je ne savais ce qui allait se passer. On a avancé ensemble, y compris de façon conflictuelle. Nous n’étions pas toujours d’accord. J’ai essayé de rendre compte d’une autre réalité que celle des activistes de Tahrir habituellement filmés. Loin des images d’affrontements avec la police, de chars dans les rues… J’ai fait le choix de chroniquer la construction d’une nouvelle culture politique. Je voulais voir comment se transmet une onde de choc à des kilomètres de son épicentre.

    Vos échanges avec Farraj et la voisine sont d’une grande liberté, empreints de profondeur, d’humour, de complicité joyeuse.

    Ma relation avec Farraj est de l’ordre de l’amitié. A chacun de mes séjours, j’ai habité chez lui et sa femme Harajiyyé. Cette intimité a rendu les choses naturelles. Quant à Bata’a, la voisine, elle est la seule femme du village à avoir accepté de jouer le jeu, de discuter politique, à sa façon, avec moi. J’ai un statut un peu particulier. Je n’ai pas d’enfants, je ne suis pas mariée, je ne corresponds pas du tout à la trajectoire des femmes au village. Quand elle me taquine, c’est sa manière à elle de me dire que ce n’est pas évident pour elle d’être filmée, d’avoir une parole publique autour des questions politiques. A chaque fois avec elle, il y avait une espèce de négociation, un truc sourd.

    Le film oscille entre deux temporalités : l’étirement d’un quotidien immuable fait de rituels, de tâches au village qui s’oppose à la frénésie révolutionnaire de la capitale vécue à travers le poste de télévision. Mais les deux mondes ne sont pas étanches, l’onde de choc se propage.

    Mon intention était d’entremêler ces deux temporalités à l’origine très hétérogènes que sont la chronique politique depuis le village et la vie quotidienne. La vie quotidienne sans la politique est devenue impossible avec la révolution. Mais la politique sans la vie quotidienne ne me semblait pas très intéressante. Ce qui donne beaucoup de profondeur au discours de Farraj est qu’on sait d’où il parle. On voit son travail, sa famille, ses rythmes, ses responsabilités. C’est dans ce cadre que s’inscrit sa réflexion politique..

    D’abord pro puis anti-Morsi… Farraj épouse les mêmes interrogations, les mêmes doutes, les mêmes désillusions, les mêmes revirements que des millions d’Egyptiens.

    C’est vrai. Mais les positions de Farraj différaient de celles des autres habitants du village. La zone est très touristique, et la rumeur voulait que les Frères musulmans interdisent le tourisme, l’alcool. Alors, lors de la présidentielle, les gens n’ont pas voté Morsi. Mais, en dépit de ce positionnement différent, Farraj est représentatif de ce qui a mû les Egyptiens : le fait de se sentir enfin concerné par ce qui se passe, de détenir un vrai pouvoir entre les mains en allant voter.

    Au fil du film, on assiste à un lent murissement, à l’émergence d’une nouvelle conscience politique, à une réflexion globale sur ce qui fait une société.

    Ce qui m’intéresse, c’est là où ça frotte entre les deux consciences politiques : l’ancienne et la nouvelle. Les nouveaux idéaux qui fleurissent, à ce moment-là, n’effacent pas le rapport qu’avaient, avant, les gens à l’Etat. On le voit dans le film au moment de la contestation du projet de réforme de la Constitution voulu par Morsi –NDLR, qui prévoyait de renforcer ses prérogatives–, la peur revient très vite. Cela fait partie de l’ancienne culture d’avoir peur de la chose politique, de s’en tenir le plus loin possible pour vivre tranquillement.

    Le film se termine avec la reprise en mains du pouvoir par Sissi. La malédiction qu’est la confiscation du pouvoir par les militaires depuis l’Indépendance se poursuit…

    Quand le tournage se finit, je ne sais pas ce qui va se passer. A ce stade, la tournure que vont prendre les événements n’est pas claire. Même si le retour des militaires au pouvoir n’est jamais une bonne nouvelle. Et la situation actuelle n’est pas rieuse.

    Mais, comme pour la Tunisie, je suis persuadée que ce qui s’est passé a profondément modifié le rapport des Egyptiens à l’autorité, à l’Etat. A l’heure actuelle, cette mue est un peu en sommeil tant il est redevenu dangereux de s’intéresser à la politique. J’ai pu le constater lorsque Farraj est venu, en janvier dernier, à Paris pour la sortie du film. Dans la salle, de nombreux spectateurs voulaient l’interroger sur la situation. Il s’y est refusé. Une réaction très significative du retour de la peur. Pourtant, j’en suis persuadée, les ferments de la révolution sont là, qui ne demandent qu’à être réactivés.

    Votre film est dédié à votre père et aux révolutionnaires égyptiens.

    Les deux ne sont pas liés. Mon père est décédé il y a une dizaine d’années. Il travaillait sur l’Egypte, il était politologue. La dédicace est une façon de le rendre un peu présent. J’aurais aimé qu’il voit le film.

    Les révolutionnaires ? Ce film est ma façon de prendre part au grand récit de cette période. Plus il y aura de récits, plus cela rendra compte de la profondeur, de la complexité des dynamiques à l’œuvre à ce moment-là. Le film est aussi la trace de mon enthousiasme.

    Marie Cailletet  03/11/2016 – Télérama

    http://www.anti-k.org/

  • Egypte. En 2011: «le pain, la liberté et la justice sociale». Cinq ans après, à nouveau… (Al'Encontre.ch)

    desperation-in-the-bread-line

    Par Noor El-Terk

    «C’est une mort lente.»

    Par ces mots, Soliman Bakar et sa femme résument la situation économique en Égypte, où les rapports montrent de plus en plus à quel point la situation est aujourd’hui désespérée, beaucoup sont incapables de s’offrir de la nourriture de base et ont du mal à joindre les deux bouts.

    Bakar, père de trois enfants, est un employé du gouvernement. Après sa journée de travail, il travaille comme chauffeur de taxi toute la nuit jusqu’au petit matin. «Je jongle avec deux emplois et ma femme travaille aussi, mais même avec les trois salaires, nous parvenons à peine à vivre.»

    «Les problèmes semblent sans fin, peu importe où vous regardez, vous êtes confronté à de plus en plus de difficultés. Le prix du gaz, l’électricité, l’eau, l’essence, tout a subitement augmenté. Maintenant que le prix de la nourriture a augmenté, la livre a également pris un coup. Le lait subventionné que nous avions pour nos enfants n’est plus disponible. Le prix des médicaments a quadruplé – et encore, quand vous parvenez à en trouver. Les pharmaciens nous disent soudainement qu’il y a une grave pénurie pour des milliers de médicaments, y compris les médicaments pour les insuffisances cardiaques et hépatiques. Nous mourons.»

    Avec sa plus jeune à l’école primaire, la plus grande crainte de Bakar est d’anéantir l’adoration innocente de sa fille. Elle croit encore en son père – son héros. «Je me sens impuissant», dit Solimon d’un air abattu. «Il n’y a rien qu’un père ne souhaite plus que d’être en mesure d’offrir le meilleur à ses enfants. Mais comment? Comment puis-je faire face à mes enfants?»

    Bakar n’est pas le seul à lutter. Ahmed, un avocat, analyse les dépenses mensuelles de sa famille pour illustrer la situation de plus en plus désespérée.

    «Donc, 1250 [livres égyptiennes] pour le loyer. L’électricité, le gaz et l’eau reviennent à 500. Les cours de mon frère cadet 1000 et la nourriture 2000… et cela ne comprend pas les dépenses personnelles et les transports.»

    Ses revenus? 1500 livres égyptiennes (LE) – près de trois fois plus que le seuil de pauvreté qui est fixé à 500 LE par mois, l’équivalent de 50 euros. «Je ne sais vraiment pas comment nous parvenons à vivre, ni comment nous parvenons à joindre les deux bouts. Comment survivons-nous? Honnêtement, je ne saurais le dire. Dieu seul le sait.»

    Alors que le taux d’Égyptiens vivant sous le seuil de pauvreté est de 28% selon les chiffres officiels, ce taux s’élève jusqu’à 60% en Haute-Égypte et semble augmenter.

    Jasmine Ali, mère célibataire, figure parmi les milliers d’Egyptiens vivant en dessous du seuil de pauvreté et estime qu’il est difficile, comme unique soutien de famille, de ne pas excéder ses moyens.

    «Comment peut-on attendre de quelqu’un gagnant 500 LE qu’il vive avec ses dépenses et trois enfants? Les dépenses liées à la maison, les frais de voyage, les études… Nous n’avons pas mangé de viande et de fruits depuis des mois et deux des garçons font des petits boulots pour payer leurs études.»

    «Les fruits? Les fruits sont un luxe. C’est de sucre, d’huile et de riz dont nous avons besoin, et même ces nécessités de base sont introuvables, et encore faut-il que vous puissiez vous le permettre. Et si vous avez assez de chance pour en trouver dans un magasin privé, ils refusent de vous vendre plus d’un kilo ou deux.»

    Le manque de viande abordable a conduit à l’escroquerie, avec un phénomène choquant de bouchers qui tentent de faire passer de la viande d’âne pour du bœuf. L’escroquerie et la corruption ne sont pas nouvelles en Egypte, ni la vente de viande d’âne, ce qui est toutefois nouveau, c’est l’assurance d’un certain nombre de «spécialistes» qui cherchent à rassurer l’opinion publique sur le fait que la viande d’âne est comestible sans danger.

    Hussein Mansour, chef de l’organisation de la sécurité alimentaire, une ramification du ministère de la Santé, a provoqué la controverse lorsqu’il a affirmé qu’il était pratiquement impossible de faire la différence entre les différents types de viande, qu’il s’agisse d’âne, de chat ou de chien, si celle-ci a été hachée. Lofty Shawer, un ancien employé du ministère de la Santé, a déclaré que la viande d’âne avait contribué à réduire un écart alimentaire au cours des dernières années.

    Scandales de sécurité alimentaire

    La sécurité et la qualité des aliments produits localement suscitent une inquiétude croissante. «De plus en plus, j’entends parler de gens intoxiqués par les fruits et légumes. Même lorsqu’on peut se le permettre, on ne sait pas s’il faut le risquer», explique Ali.

    L’enquête sur l’intoxication alimentaire qui s’est produite à l’école Awlad Nour à Manzala plus tôt ce mois-ci – 33 enfants de l’école primaire sont tombés malades après la vente de sacs de pop-corn périmé – a révélé que les dates sur les emballages avaient été changées par le propriétaire du supermarché.

    Cet incident n’est qu’un des nombreux incidents récents en matière de sécurité alimentaire. Plus tôt cette année, une épidémie d’hépatite A a éclaté – laquelle aurait été causée par des fraises produites en Égypte – ce qui a donné lieu au retrait de produits égyptiens des rayons de chaînes de supermarchés.

    Ahmed, l’avocat, a affirmé que beaucoup de produits locaux sont contaminés à cause de l’eau polluée qui est utilisée suite à une sécheresse provoquée par la construction du barrage géant en Ethiopie, lequel réduit le débit du Nil en Égypte. «En raison de la pénurie d’eau après [la construction du] Renaissance Dam, des sources alternatives ont dû être trouvées et les cultures ont été irriguées avec de l’eau recyclée venant du système d’égout.»

    «L’eau est toujours sale, sombre, parfois même brune. Les enfants sont constamment malades», indique Jasmine Ali.

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    Les inquiétudes concernant la sécurité alimentaire ne sont pas nouvelles.

    La Russie, l’un des plus grands fournisseurs de blé de l’Egypte, a déclaré qu’elle allait interdire l’importation de fruits et légumes égyptiens après que son organisme de surveillance réglementaire a déclaré que ces produits violaient les normes internationales. Cependant, à l’époque, les rumeurs prétendaient qu’il s’agissait de représailles à propos de la débâcle concernant le blé qui s’était produite plus tôt dans l’année, lorsque le ministère de l’Agriculture égyptien a rétabli sa tolérance zéro à l’égard de la contamination par des champignons du blé importé, rendant les achats de grains extrêmement difficiles.

    L’Égypte a tergiversé sur la réglementation relative à l’ergot [qui contamine le blé], un champignon qui touche les céréales, dans un contexte de débats quant à son caractère cancérogène. L’ergot peut provoquer des hallucinations s’il est consommé en grande quantité, mais est considéré comme inoffensif en faibles quantités. Plus tôt cette année, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a mené une évaluation des risques et a constaté que l’ergot ne représentait aucune menace pour les cultures égyptiennes. Le ministère de l’Agriculture, cependant, a formé un comité pour enquêter sur les risques, lequel a conclu que le grain doit être importé de régions depuis lesquelles les précédentes expéditions ne contenaient pas d’ergot, comme la Russie, l’Ukraine, la Lettonie et la Lituanie.

    Comme la dispute sur la sécurité des céréales importées perdurait, les marchés mondiaux ont pris peur avec l’Egypte stipulant la tolérance zéro sur l’ergot, revenant sur sa décision précédente, puis en infirmant à nouveau sa décision avant un appel d’offres.

    Avec des estimations à 11,5 millions de tonnes par an, l’Egypte est actuellement le plus grand importateur de blé au monde, et le blé reste une question de vie et de mort pour les dizaines de millions de personnes qui dépendent du système vital de subvention du gouvernement. Des changements dans les conditions d’achat signifient des prix alimentaires encore plus élevés, bien loin des prétentions du gouvernement d’essayer de rendre les aliments plus abordables.

    L’approvisionnement en pain peu onéreux est essentiel à la survie du gouvernement égyptien et avoir du pain était le slogan de la révolution égyptienne en 2011. En 1977, une hausse du prix du pain a forcé le gouvernement à déployer des chars dans les rues pour réprimer les émeutes qui s’en sont suivies.

    «Le pain, la liberté et la justice sociale»

    C’est sur ces trois exigences, «le pain, la liberté et la justice sociale», que le gouvernement Moubarak semble s’être effondré en Egypte. Des milliers de personnes étaient descendues dans les rues en 2011 pour demander sa chute et la satisfaction de ces trois nécessités de base. Cinq ans plus tard, la liberté et la justice sociale s’érodent rapidement et les prix montent en flèche.

    Dans une vidéo choquante, filmée par des témoins sur leurs téléphones, un chauffeur de taxi – dont l’identité n’est pas encore connue – s’immole en face d’un centre de l’armée à Alexandrie, après avoir critiqué vivement le gouvernement du président Sissi et protesté contre les prix élevés et les conditions de vie médiocres. Au moment de la rédaction de cet article, il était soigné pour des brûlures sur 95% de son corps. Par cet acte, le chauffeur de taxi désespéré reflète celui du vendeur de rue tunisien qui s’est immolé il y a six ans, mettant le feu aux poudres de ce qu’on appelle aujourd’hui le Printemps arabe.

    La dévaluation de la livre affecte le prix du sucre et la spéculation limite sa disponibilité

    La dévaluation de la livre affecte le prix du sucre et la spéculation limite sa disponibilité

    «La situation économique a été mauvaise pendant un certain temps, mais elle empire à un rythme auquel peu de gens s’attendaient. Elle est sur le point d’entamer un virage plus net, tandis qu’on prévoit que le gouvernement supprime davantage de subventions – quelque chose de plutôt inévitable – et dévalue la livre égyptienne», explique le Dr H. A. Hellyer, chercheur non-résident à Atlantic Council et au Royal United Services Institute à Londres.

    «Tout cela est susceptible de conduire à une inflation et une hausse de prix – hélas, plutôt inévitable, mais cela frappera très durement les franges les plus vulnérables de la société», ajoute le Dr Hellyer.

    À mesure que la situation économique du pays se détériore, de plus en plus de gens expriment leurs préoccupations, avec un certain nombre de vidéos apparaissant sur les réseaux sociaux, tandis que les Egyptiens expriment leur frustration et leur désespoir par rapport à leurs conditions de vie.

    La réponse du gouvernement a consisté à offrir des platitudes vides de sens, conseillant aux gens de «se serrer la ceinture» et, peut-être le plus étrange, leur demander de faire don de leur petite monnaie à l’Egypte.

    Dissidence croissante

    «Certains des projets du gouvernement nous donnaient de l’espoir – que ce soit les projets de construction d’une nouvelle capitale ou le canal de Suez ou d’autres encore – et nous espérions que cela permettrait d’améliorer notre qualité de vie, mais ce que nous voyons à la place est un rapide déclin de l’économie», a déclaré Bakar. «Tout va de pire en pire, la livre égyptienne n’a plus aucune valeur, les jeunes sont massivement au chômage et encore plus choisissent de risquer leur vie pour émigrer illégalement. Ils ont choisi de risquer la mort ou d’être emprisonnés plutôt que de rester et faire face à une mort certaine.»

    Tandis que la foi dans le gouvernement diminue, les troubles dans les rues sont de plus en plus prononcés, avec des appels à une «révolution des pauvres» prévue pour le 11 novembre 2016.

    Malgré la répression par les forces de sécurité, Solimon est catégorique: il ira. «Je suis avec la “révolution des pauvres”. Combien de temps devrai-je rester là et accepter cette demi-vie? Je descendrai dans la rue, mais pensez-vous que quelqu’un va s’en soucier? Vais-je recevoir une tape réconfortante ou des balles qui finiront dans mon cœur? Cela n’a plus d’importance», a déclaré Bakar.

    Il a ajouté: «Les gens parlent. Surtout les jeunes, ils sont au chômage, ils ont obtenu leur diplôme et des licences et n’ont rien en retour, ils sont de plus en plus inquiets et frustrés. Les gens sont désespérés.»

    Dans un contexte de répression sans précédent de la dissidence, l’idée de descendre dans les rues semble audacieuse, sinon téméraire. Depuis l’adoption de la loi sur les manifestations, les agents de sécurité ont été prompts à démanteler, souvent avec une force brutale, toute forme de protestation naissante et il semble peu probable qu’une répétition des événements du 25 janvier 2011 qui ont renversé Moubarak puisse se produire.

    «L’Egypte n’est pas sur le point de tomber dans une sorte de chaos sociétal – la situation économique est difficilement tenable, mais le régime qui gouverne l’Egypte est sécurisé, car il n’existe pas d’alternative au régime actuel auquel les principaux détenteurs du pouvoir en Egypte s’intéressent», a ajouté le Dr Hellyer.

    «Tout peut arriver en Égypte et le 11 novembre est encore loin, alors les choses pourraient changer, mais je ne vois aucun signe, du moins pour l’instant, indiquant que le 11 novembre soit plus qu’un petit phénomène localisé, et encore.»

    (Article publié le 26 octobre 2016 par MEE; traduit de l’anglais par VECTranslation; titre de la rédaction A l’Encontre)

    Alencontre le 28 - octobre - 2016

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