Les 22 pays membres de la Coalition internationale contre Daech (l’État islamique) se sont réunis, pour la deuxième fois, le 2 juin à Paris. Une réunion restreinte des ministres des Affaires étrangères sous la houlette de Fabius, alors que les djihadistes ont conquis les villes de Palmyre en Syrie et de Ramadi en Irak. Rodomontades guerrières, mépris des peuples, impuissance et rivalités affichées...
C’est un « combat de long terme », la « détermination de la France est totale », a affirmé Fabius. Des propos qui ne peuvent masquer ni l’impuissance ni les dissensions. Les 4 000 raids aériens effectués en dix mois par la coalition n’ont pas empêché la progression de Daech. Ils n’ont pas non plus convaincu les soldats de l’armée irakienne, dissoute par les USA en 2003 après la guerre et le renversement de Saddam Hussein, de combattre et de se sacrifier sous la direction et pour les intérêts de ceux qui ont mis leur pays à feu et à sang.
Faisant semblant d’ignorer les responsabilités des grandes puissances, Fabius distribue ses conseils : la stratégie militaire serait « indissociable de la mise en œuvre de la politique de réconciliation en Irak ». Ceux qui ont détruit le pays et dressé les communautés les unes contre les autres, prônent maintenant la réconciliation !
À la tête d’un État fantoche, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi est bien incapable d’associer les dirigeants sunnites qui n’acceptent pas l’autorité de son gouvernement dominé par les classes dirigeantes chiites et soumis aux responsables du chaos du pays.
Une stratégie aveugle
Toujours plein de conseils pour dire comment faire pour sortir du chaos qu’ils ont eux-mêmes créés et qu’ils continuent d’aggraver, les dirigeants des grandes puissances demandent la reprise du processus de négociation en Syrie pour « une transition politique » sous l’égide des Nations unies. Seul problème, l’opposition à Assad est dominée par le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida, grâce aux mêmes grandes puissances !
Et très présents à la conférence de Paris, la Turquie et l’Arabie saoudite continuent leur double jeu, poussés par leur ambition de puissances régionales et unis par leur rivalité avec l’Iran qui n’était pas invité. Là encore les ambiguïtés des grandes puissances jouent les uns contre les autres en accentuant les tensions entre ceux sur lesquels est censée s’appuyer leur politique. Les Kurdes, les seuls qui se soient réellement mobilisés contre Daech, n’étaient bien sûr pas de la partie...
Barack Obama ne peut avoir d’autre stratégie que de jouer des ambitions des puissances de la région, se résignant à la progression de Daech tout en continuant les frappes aériennes... et les grandes déclarations contre le terrorisme comme celle qu’il a faite au G7.
Toute la région est engagée dans une guerre à long terme dont les populations continueront d’être les premières et principales victimes. « La situation humanitaire en Irak est proche de la catastrophe ! », selon l’Unicef. Huit millions d’Irakiens ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, en particulier les trois millions qui ont dû fuir depuis le début de l’offensive de Daech. Mais pour les grandes puissances, l’essentiel est que le pétrole continue de couler...
Yvan Lemaitre Vendredi 12 Juin 2015