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Syrie - Page 30

  • Syrie, EI, Russie... : « Les habitants de Palmyre dorment sur le sable et se couvrent avec le ciel » (ESSF)

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    Samira Walnabi : Mohamed Taha, archéologue et habitant de la ville de Palmyre, soyez le bienvenu parmi nous sur les ondes de Monte Carlo International.

    Mohamad Taha : Bonjour à vous et à ceux qui nous écoutent.

    S.W. : Dites-nous ce qui se passe maintenant dans la ville de Palmyre. Ce témoignage est celui de l’un des fils de la ville.

    M.T. : Ce qui se passe maintenant dans la ville de Palmyre n’a pa commencé hier, cela dure depuis plus d’un mois. Les bombardements de l’aviation, les missiles, y compris des missiles Scud et des bombes à sous-munitions bombardent continuellement Palmyre depuis un mois.

    En commun accord avec la Russie, le régime syrien a décidé de récupérer la ville après l’avoir remise à Daech il y a trois cent sept jours. Le but est d’envoyer le message qu’il est capable de récupérer des territoires, de vaincre Daech, et de protéger le patrimoine syrien, dont les antiquités de Palmyre, qui constituent une partie importante du patrimoine de l’humanité. Rien n’est plus faux, car le régime a contribué lui même a détruire Palmyre la ville antique et Daech n’a fait que compléter la destruction ensuite. Aujourd’hui les batailles, que le régime mène avec l’artillerie lourde et les chars , se déroulent au cœur de la ville antique, et se concentrent maintenant dans la vallée des tombes. Tout ce qui n’avait pas été pillé ou détruit auparavant est pillé et détruit en ce moment même.

    L’avancement des troupes terrestres du régime est le fruit de la campagne de bombardements aériens constants depuis plus d’un mois. Depuis quinze jours, les activistes de Palmyre ont documenté plus de mille deux cents raids de bombardements aériens, de missiles à longue portée et de Scuds.

    Les habitants de la ville avaient déjà commencé à fuir Palmyre et il ne restait plus que 200 familles en ville. Daech a ordonné hier à tout le monde de quitter la ville et les a emmenés dans une zone désertique, à 15 km de Palmyre, appelée la Vallée Rouge, et il les a laissés là-bas où ils ont passé la nuit. Les gens qui ont tenté de louer des voitures, ont été bombardés par l’aviation russe et beaucoup parmi eux ont trouvé la mort ou ont été blessés. En conséquence les propriétaires de voitures n’osent plus déplacer ces gens jetés en plein désert vers Raqua, qui est la seule destination possible pour eux.

    Pour la situation militaire, bien sûr, nous avons vu beaucoup de choses et beaucoup entendu. C’est une guerre médiatique entre le régime et Daech … Le régime publie des photos et des vidéos sur ses progrès et Daech y répond et chacun d’eux publie des images prouvant qu’il contrôle toujours la ville …

    Lors du dernier contact que j’ai eu avec Palmyre, avant que les communications ne soient coupées complètement avec la ville, il y a trois heures, j’ai obtenu les informations suivantes :

    • Le régime tente d’avancer vers la ville depuis l’ouest, le sud-ouest et le sud.

    • De l’ouest et du sud-ouest, le régime est arrivé durant la nuit à atteindre le palais de Musa dans la région d’Al-Eweyneh, à environ cinq kilomètres de la ville. Et puis il a avancé vers la ville, mais Daech a fait une contre-attaque militaire et a forcé le régime à se replier sur la région d’Al-Eweyneh. Il est donc à cinq kilomètres de la ville.

    • Le régime contrôle le mont Hayan, côté sud-ouest à 8 km de la ville. Et le mont Tar au nord-ouest de la ville à 3 km.

    • Il y a des combats très féroces qui ont lieu dans la vallée antique des tombes avec usage d’ artillerie lourde, d’explosifs et des bombardements de l’aviation. La ville est presque complètement vide à l’exception de ceux qui ne peuvent pas en sortir.

    La plupart des quartiers et des maisons de la ville ont été minées par Daech. Son plan est de faire exploser la ville si les forces du régime réussissent à la prendre. Ils l’ont déjà fait dans plusieurs régions du nord de la Syrie.

    Il n’y a plus d’habitants à Palmyre. Il y a 200 familles abandonnées depuis hier dans le désert à 15 km de la ville, sans nourriture, sans tentes et sans abri, qui dorment à la belle étoile.

    S.W. : Quel est l’appel que vous, Mohamed Taha archéologue de Palmyre et fils de cette ville antique, souhaitez adresser aujourd’hui au monde entier ?

    M.T. : En fait nous sommes fatigués de faire des appels au secours auxquels personne ne répond jamais. La tragédie du peuple de Palmyre fait partie de celle que le peuple syrien tout entier vit depuis plus de cinq ans et devant laquelle la communauté internationale ferme les yeux et bouche les oreilles. Personne ne veut résoudre le problème vraiment et nous ne savons pas ce que cette communauté internationale attend pour agir. Les gens sur place nous ont même demandé de ne plus lancer d’appels, parce qu’ ils savent qu’ils ne donneraient aucun résultat.

    Mais la communauté internationale doit arrêter d’appliquer deux poids, deux mesures et doit au moins regarder la souffrance humaine en face . Les gens là-bas sont des êtres humains et les êtres humains sur la terre sont tous égaux. La vie d’un être humain à Palmyre n’a pas moins de valeur que celle d’un être humain en France ou en Belgique ou ailleurs. Ce ci dit avec tout notre respect pour tous les êtres humains et notre condamnation de chaque action qui affecte les civils partout dans le monde.

    Mais ce qui se passe en Syrie n’a pas de précédent dans l’histoire et ce qui se passe à Palmyre en particulier fait pleurer même ses pierres. Ces pierres qui ont fait se soulever des voix du monde tout entier quand Daech a détruit une partie d’entre elles. Ces même voix qui s’étaient tues lorsque les forces du régime syrien avaient détruit certaines de ces pierres. Comme si ces crimes étaient pardonnables si le criminel est le régime syrien et ne le seraient pas si le criminel est Daech. Les deux, le régime syrien et Daech, sont des criminels, nous sommes tous d’accord sur cela, mais nous ne devrions pas tolérer le deux poids ,deux mesures.

    En tant qu’archéologue j’aime bien sûr mon métier, tout comme j’aime ma ville ville natale où j’ai grandi au milieu de ses antiquités. Toutefois, je me soucie aujourd’hui des habitants de Palmyre qui sont les miens qui se trouvent actuellement dans la vallée Rouge et qui sont sans rien et dont la seule couverture est le ciel. Tous ceux qui peuvent leur faire parvenir de l’aide, aussi minime soit elle, nous les en remercions. Un mot de solidarité est aussi le bienvenu, parce que ce qu’ils ont vécu est indescriptible avec des mots et aucune photo ou vidéo n’est capable d’exprimer leur souffrance. Parmi eux des enfants qui, pendant des mois, n’ont entendu que les voix des roquettes. Mais aussi des femmes qui ont perdu leurs enfants et leurs maris. Ces gens ne sont en aucun cas coupables de quoi que ce soit. Ils n’ont pas choisi Daech. Le régime diffuse, par ses médias et à tort, des propagandes qui stipulent que les habitants de Palmyre sont tous des membres de Daech, ce qui est dénué de la moindre véracité. Les habitants de Palmyre n’avaient pas choisi la d’être dominés par le régime Assad qui les tuait et les arrêtait, et en moins de trois jours, le régime a remis la ville à Daech. Ceci malgré la présence de 15’000 militaires, de l’aéroport militaire de Palmyre, mais aussi la présence de deux autres aéroports militaires à une distance qui ne dépasse pas 40 km. Malgré tout cela, Daech a pu prendre le centre de Palmyre facilement.

    , par TAHA Mohamed, WALNABI Samira

    S.W. : Merci beaucoup Mohamad Taha.

    http://www.mc-doualiya.com/chronicles/interviews-mcd/20160324-%D8%B3%D9%88%D8%B1%D9%8A%D8%A7

    http://www.europe-solidaire.org/

  • Les pays riches n'ont réinstallé que 1,39% des réfugiés syriens (Europe1)

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    L'ensemble des pays à économie forte pourraient accueillir directement 500.000 réfugiés syriens, selon les estimations de l'Oxfam. 

    Les pays riches n'ont réinstallé qu'une fraction des près de cinq millions de réfugiés qui ont fui la Syrie, a indiqué dans un rapport mardi l'ONG britannique Oxfam, leur lançant un appel pour en prendre plus. L'ONG demande aux pays riches de prendre au moins 10% des 4,8 millions de réfugiés syriens enregistrés dans la région entourant le pays déchiré par la guerre. Mais à ce jour les pays riches n'ont réinstallé que 67.100 personnes, soit 1,39% des réfugiés, selon elle.

    Sixième année de conflit. L'ONG a publié son rapport avant la tenue d'une conférence internationale le 30 mars sous l'égide de l'ONU à Genève, durant laquelle les pays seront priés de prévoir des places de réinstallation pour les réfugiés syriens. La grande majorité restent dans les pays proches, alors que le conflit entre dans sa 6ème année. La conférence de l'ONU, qui sera ouverte par son Secrétaire général, Ban Ki-moon, a pour objectif de faire "partager le responsabilité globale" liée à crise des réfugiés, provoquée par la guerre dans ce pays, qui a fait plus de 270.000 morts.

    1.000 réfugiés en France. Selon Oxfam, seuls trois pays riches, le Canada, l'Allemagne et la Norvège, ont fait plus que ce qu'ils étaient censés faire, par rapport à leur situation économique, en matière d'accueil permanent des réfugiés. Cinq autres (Australie, Finlande, Islande, Suède et Nouvelle-Zélande) se sont également engagés à faire 50% de plus que leur part, alors que les 20 autres pays examinés par Oxfam sont en-dessous des attentes. Ainsi, la France s'est engagée à ce jour à prendre 1.000 réfugiés syriens, soit 4% des 26.000 qu'elle devrait en principe accueillir.

    Une question de volonté. Les États-Unis, qui ont réinstallé 1.812 réfugiés syriens, et ont indiqué en prendre 10.000 autres, se sont engagés sur 7% des près 171.000 considérés comme étant leur part. Les Pays-Bas sont également arrivés à 7%, le Danemark à 15% et la Grande-Bretagne à 22%, selon l'Oxfam. Pour Winnie Byanyima, directrice d'Oxfam, "les pays à économie forte, avec des services performants et des infrastructures développées, peuvent immédiatement réinstaller 500.000 réfugiés, s'ils en font le choix".

    29 mars 2016

    http://www.europe1.fr/les-pays-riches-nont-reinstalle-que-1%39-des-refugies-syriens

  • Syrie. «La reconquête de Palmyre» et «les mérites» de Bachar el-Assad (AL'Encontre.ch)

    Maurice Sartre

    Maurice Sartre

    Entretien avec Maurice Sartre, historien

    Les médias diffusent des «images» sur la «reconquête» de Palmyre par la dite armée de Bachar el-Assad. Tout cela présenté comme une sauvegarde du «patrimoine de l’humanité» grâce à l’armée du clan Assad face aux criminels (effectifs) de Daech. Si ce n’est que Bachar et sa clique ne peuvent être rangés dans une autre catégorie de massacreurs que Daech, à la différence qu’ils sévissent depuis plus longtemps. Tout cela participe de la revalorisation de Bachar dans le contexte des dites «négociations de Genève».

    • Nombreux sont ceux qui, depuis mars 2011, ont sous-estimé la détermination de la clique de truands au pouvoir à Damas – dans une Syrie de plus en plus privatisée dans les années antérieures – de s’agripper aux structures de son «empire». Poutine, ses avions, ses hélicoptères de combat et leurs bombardements, ainsi que ses troupes «spécialisées» – avec l’expertise acquise en Tchétchénie – ont certes été d’une aide particulière pour lui permettre de refaire surface avec plus de force, depuis septembre 2015. Mais Bachar et son cercle de malfaiteurs disposent aussi de la carte iranienne: le duo Ali Kahmenei-Hassan Rohani et, avant tout, la structure militaire du «Corps des gardiens de la révolution» (en abrégé: Pasdaran). Bachar ne dépend pas du seul Poutine. Certes Poutine et sa garde militaire ont su utiliser la faillite des Etats-Unis dans la région pour y remettre leurs bottes ainsi que sur la scène diplomatique internationale.

    Toutefois, le marasme économique d’ampleur régnant en Russie, qui s’accompagne d’une crise sociale s’exprimant sous diverses formes – et pas seulement en Asie centrale où ses traits nationaux-religieux sont invoqués pour justifier l’intervention en Syrie, avec la bénédiction ou le silence approbateur de divers impérialismes –, ne fait pas du Kremlin un «acteur» qui puisse jouer un rôle déterminant. De plus, la camarilla Assad peut compter sur le bras armé de l’Iran dans l’espace syrien: le Hezbollah libanais.

    Enfin, comme le disent les diplomates ayant fricoté avec le régime de Damas dans des «négociations»: «il dit 49 fois non et une fois noui». Ce qui ne constitue un «obstacle» que pour ceux – des Etats-Unis à la France en passant par d’autres puissances» – qui ont accepté que dans une prétendue «transition démocratique» l’ascendant des Assad se perpétue. Le gouvernement de Netanyahou ne fait d’ailleurs aucune objection à ce scénario. Car cela le sert. Divers articles de la presse israélienne le constatent et l’analysent.

    • Revenons à la présentation de la «reconquête de Palmyre». Le 26 mars 2016, lors du journal d’informations de 12h30, Antoine Denéchère nous annonce: «Une bonne nouvelle nous parvient depuis la Syrie. La cité antique de Palmyre, patrimoine mondial de l’Humanité, est en passe d’être libérée. L’organisation Etat Islamique subit en effet une offensive importante de l’armée de Bachar el-Assad, appuyée par les Russes.» Puis, il nous prévient que sera interrogé, en direct, en tant qu’invité, l’historien Maurice Sartre, spécialiste de Palmyre.

    Ce dernier va effectuer quelques mises au point face à un journaliste qui puise «ses informations» – pour ne pas dire son savoir – dans on ne sait dans quel battage publicitaire. (Rédaction A l’Encontre)

    *****

    Vous êtes professeur émérite d’histoire ancienne à l’Université de Tours et vous avez coécrit récemment Zénobie, de Palmyre à Rome (Ed. Perrin, 2014). Est-ce que vous avez des informations sur la libération de Palmyre, est-ce que c’est fait?

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    Maurice Sartre: Non, je ne crois pas que c’est fait. Les dernières informations font état de combats qui ont encore lieu et il semblerait – et là je suis comme tout le monde, je ne suis pas à Palmyre – que les troupes de Daech se soient retranchées précisément dans la ville antique. Ce qui modère en quelque sorte notre joie ou notre plaisir de les voir déguerpir du site antique. Car la menace qui pèse sur la ville reste très grave, très lourde et ce n’est pas les combats au milieu des ruines qui peuvent nous rendre très optimistes. Donc, pour l’instant, il semblerait que l’armée de Bachar tienne la citadelle, la zone des grands hôtels à l’entrée sud-ouest de la ville et une partie au moins de la vallée des tombeaux, c’est-à-dire la zone archéologique à l’ouest de la grande colonnade.

    Maurice Sartre, je rappelle que vous êtes spécialiste de la Syrie antique et notamment de Palmyre, est-ce que, en tant qu’historien justement, vous pouvez dire «merci Bachar el-Assad de nous aider à libérer Palmyre»?

    Sûrement pas. D’abord, parce que Bachar est à l’origine de tout le drame que traverse la Syrie. Il ne faut quand même pas oublier que huit morts sur dix sont le fait de Bachar el-Assad et pas de Daech. Ensuite, le pillage de Palmyre, l’armée de Bachar el-Assad s’y est livré grandement pendant le temps où elle l’occupait et en avait repris le contrôle entre 2012 et 2015. Et, enfin, je n’oublie jamais non plus que c’est Bachar el-Assad qui a livré sans combat Palmyre à Daech, s’abstenant même de bombarder les convois de Daech qui faisaient route de Deir ez-Zor à Palmyre à travers 200 km d’un désert plat comme la main et où il n’y a aucune cachette.

    Ne faisons pas de Bachar le sauveur qu’il faut remercier. Il est le complice de Daech très largement. Il ne faut pas oublier que c’est quand même lui qui leur achète du pétrole et une partie du blé qui font leur fortune et qu’il avait livré la ville de Palmyre sans aucun combat. Cela n’empêche pas que je suis très heureux de voir Daech déguerpir. Mais que le deuxième tyran de la Syrie reprenne le contrôle de Palmyre n’est sûrement pas quelque chose qui est fait pour réjouir qui que ce soit et sûrement pas les Syriens.

    Est-ce que vous vous dites aujourd’hui que vous allez bientôt pouvoir retourner à Palmyre et observer l’étendue des dégâts?

    D’abord, que je retourne à Palmyre est très accessoire. Bien sûr j’aimerais y retourner. Je pense que le directeur général des antiquités qui fait un travail formidable va sans doute très vite faire le bilan des destructions. Bien sûr il ne pourra pas, comme d’habitude, tout dire et notamment révéler l’ampleur des pillages qui avaient eu lieu avant l’arrivée de Daech et qui étaient considérables déjà. Mais peu importe, je crois que pour l’instant ce qui est urgent c’est effectivement de faire le point. Non pas sur ce qu’on connaît déjà, car par les photos aériennes on connaît beaucoup des destructions les plus graves, c’est-à-dire ce qu’a fait Daech et qu’il a mis en scène, ce qui fait que le monde entier est au courant. Cela on le connaît. Mais ce qui est le plus grave, c’est l’étendue des pillages et donc la disparition d’un patrimoine archéologique insoupçonné, inconnu, non identifié même encore par les historiens. Et il est extrêmement important de le faire le plus vite possible avant que l’armée de Bachar el-Assad ne se remette, comme elle l’avait fait avant, à piller le site et à se livrer elle-même au trafic des antiquités. (26 mars 2016, journal d’informations de France culture de 12h30).

    Publié par Alencontre le 27 - mars - 2016
     
  • Rashid Khalidi: «Les frontières du Moyen-Orient sont brûlantes» (A l'Encontre.ch)

    Image de propagande de Daech montrant la destruction de la frontière Sykes-Picot par un bulldozer

    Image de propagande de Daech montrant la destruction de la frontière Sykes-Picot par un bulldozer

    Entretien avec Rashid Khalidi
    conduit par Joseph Confavreux

    Au-delà des « frontières artificielles » du Moyen-Orient, voulues par les puissances impériales, Daech pourrait-il réussir là où le panarabisme a échoué, en recomposant les cartes du monde arabe ? Entretien avec Rashid Khalidi, successeur d’Edward Saïd.

    Cent ans tout juste après les accords secrets Sykes-Picot, au moyen desquels les puissances impériales ont redessiné la carte du Moyen-Orient sur les décombres de l’Empire ottoman, la question des frontières a rarement été aussi brûlante dans la région.

    L’organisation de l’État islamique met en scène, dans sa propagande, la destruction de la ligne de démarcation entre l’Irak et la Syrie, deux États qui pourraient bien disparaître dans leurs limites et compositions actuelles. Les Kurdes, déjà largement autonomes en Irak et en Syrie, aspirent de plus en plus ouvertement à un État-nation, inacceptable pour la Turquie. Certains jugent que la lutte contre Daech passera inévitablement par la reconnaissance d’une entité autonome pour les sunnites d’Irak. Quelques rêveurs espèrent encore une confédération des peuples arabes aujourd’hui désunis, bien que celle-ci supposerait une démocratisation profonde d’États rongés par l’autoritarisme et le clientélisme. Quant à la perspective d’un État palestinien viable, elle a rarement paru aussi lointaine…

    L’historien américain d’origine palestinienne Rashid Khalidi observe le Moyen-Orient avec le savoir de l’historien et l’inquiétude lucide d’un homme situé entre plusieurs cultures, dans un moment où les adeptes d’une « guerre des civilisations » entre Orient et Occident ne cessent de gagner du terrain.

    Il dirige le département d’histoire de l’université Columbia et est le titulaire de la chaire créée pour Edward Saïd en études arabes modernes. Il est notamment l’auteur de Palestine, histoire d’un État introuvable (Actes Sud, 2007), de L’Empire aveuglé. Les États-Unis et le Moyen-Orient (Actes Sud, 2004) et de L’Identité palestinienne (La Fabrique, 2003).

    Il était, lundi 14 mars, au MuCEM (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) de Marseille, pour le cycle de conférences Pensées du Monde, consacré cette année à « l’avenir des frontières », dont Mediapart est partenaire.

    Quelles sont les conséquences présentes de la manière dont les frontières du Moyen-Orient ont été découpées pendant la Première Guerre mondiale, à l’heure où l’organisation État islamique a axé une partie de sa propagande sur la disparition de ces « frontières artificielles » ?

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    Rashid Khalidi. Daech a transformé les accords secrets signés voilà un siècle, en 1916, par le Britannique Mark Sykes et le Français François Georges-Picot, en une question politique brûlante et contemporaine, comme on l’a vu dans plusieurs vidéos où l’État islamique mettait en scène la destruction de postes frontaliers entre la Syrie et l’Irak, une démarcation issue de ces accords.

    Mais au-delà de l’actualité, liée à l’action de Daech, de cette question des frontières, le fait que les contours des pays du Moyen-Orient aient été créés par des décisions prises par des puissances impériales hante le monde arabe depuis un siècle.

    D’autant plus que les exemples de l’Iran ou de la Turquie, qui ont réussi à construire de puissants États-nations en résistant aux volontés impérialistes de diviser leurs territoires – puisque la Grande-Bretagne avait promis aux Arméniens et aux Kurdes un État autonome pendant la Première Guerre mondiale – agit, en creux, comme un rappel constant de la division et de la faiblesse des Arabes.

    Le mépris pour la volonté des peuples se trouvant dans ce qui était alors l’Empire ottoman n’a pas seulement nourri l’hostilité nationaliste vis-à-vis des puissances impériales, mais aussi la défiance vis-à-vis des élites arabes séduites par les modèles britannique ou français de démocratie libérale, que ce soit dans le cadre d’une République ou d’une monarchie parlementaire.

    Pour la majorité des peuples arabes, la violence du démantèlement de l’Empire ottoman, accompli en fonction des intérêts économiques et des rivalités des puissances impériales, a été considérée comme l’échec des élites arabes libérales et comme une disqualification du modèle démocratique. Cette faillite des idées libérales, couplée à l’hypocrisie de puissances impériales faisant de la devise « liberté, égalité, fraternité » un symbole, tout en se comportant à l’inverse dans le monde arabe, a nourri l’installation, après la Seconde Guerre mondiale, de régimes militaires et autoritaires dans la plupart des pays arabes, après une série de coups d’État, notamment avec le parti Baas en Irak et en Syrie.

    La manière dont Daech attaque aujourd’hui les frontières « artificielles » et « impérialistes » du Moyen-Orient est-elle similaire à la dénonciation de ces mêmes frontières véhiculée par les nassériens égyptiens, ou les baasistes d’Irak ou de Syrie, après la Seconde Guerre mondiale ?

    La rhétorique n’est pas identique, même si le carburant de l’humiliation est fondamental dans les deux cas. Même quand Daech développe des arguments anti-impérialistes contre les frontières actuelles, ils ne viennent pas du nationalisme arabe tel qu’il a été développé par les nassériens ou les baasistes. En dépit de l’existence, entre 1958 et 1961, d’une République arabe unie faite de l’union entre la Syrie et l’Égypte, les nationalistes arabes n’ont pas réussi à abolir les frontières. En particulier parce que si la règle du « diviser pour mieux régner » a bien été appliquée par les puissances étrangères, plusieurs divisions du monde arabe préexistaient, de longue date, aux accords Sykes-Picot.

    Carte du de?coupage du Moyen-Orient suivant les accords Sykes-Picot

    Carte du découpage du Moyen-Orient suivant les accords Sykes-Picot

     

    Daech peut facilement moquer ces nationalistes qui n’ont pas réussi à unifier le monde arabe et affirme vouloir, et pouvoir, effacer les frontières sur une base religieuse. Mais en dépit de cet objectif affiché, il agit avec un pragmatisme inédit que ne possédaient pas Al-Qaïda ou les talibans. Comme historien, je suis saisi de voir à quel point Daech constitue une alchimie très étrange entre des idées baasistes et des idées islamistes, ou qui utilisent l’islam.

    Les gens qui dirigent l’organisation État islamique sont d’anciens cadres de l’Irak de Saddam Hussein que l’idiotie des décisions américaines, après l’intervention de 2003, a jetés dans les bras des extrémistes. Ces gens savent parfaitement gérer un État, avec férocité et brutalité, mais aussi avec efficacité. Ils sont donc soucieux des frontières, même s’ils sont également pris dans des rhétoriques religieuses, voire apocalyptiques.

    Cette convergence entre l’idéologie djihadiste et le baasisme, un mouvement à l’origine séculier, date d’avant l’apparition de l’organisation de l’État islamique. Le régime irakien baasiste, affaibli par les mouvements d’opposition, sunnites ou chiites, a choisi, sur le tard et en réponse, de s’islamiser. Il avait symboliquement changé son drapeau pour y intégrer des références religieuses, en dépit de son histoire laïque. Les traumatismes successifs de la guerre avec l’Iran, de la guerre du Golfe, puis de l’occupation américaine après 2003, ont facilité des évolutions profondes de la société et permis ce type de retournements.

    Comme historien, je constate que, même si Daech prétend revenir à un islam d’il y a plusieurs siècles, ses membres ne cessent de faire ce qu’ils prétendent rejeter, à savoir des « innovations », des « hérésies », qu’on désigne en arabe par le terme de bid’ah. Rien, dans leur prétendu « État islamique », ne ressemble à ce qui a existé dans d’autres États islamiques à travers l’histoire. La manière dont ils décapitent les gens au nom du Coran montre non seulement qu’ils sont ignorants du texte sacré, mais aussi qu’ils ne sont pas seulement les enfants d’un certain islamisme ou d’un certain baasisme, mais aussi, voire surtout, les enfants du XXIe siècle, capables d’allier la modernité technologique des réseaux sociaux à une propagande de violence, d’horreur et de brutalité qu’on avait déjà pu voir sous le nazisme.

    Aux États-Unis, nous avons depuis longtemps des personnes fascinées par les images et les propos ultra violents. Mais il y en a aussi beaucoup au Moyen-Orient, qui se recrutent au sein de ces populations brutalisées par des années de guerre, qui s’avèrent particulièrement réceptives à cette propagande que nous ne faisons que renforcer lorsque nos armées bombardent des populations civiles.

    Il faut avoir été bombardé, comme cela m’est arrivé à Beyrouth en 1982, pour comprendre ce que cela provoque sur les esprits et les corps. Depuis 1975 et la guerre du Liban, il y a eu l’Irak, et maintenant la Syrie. Bien sûr, il existe des problèmes endogènes aux sociétés arabes, mais les différentes ingérences et occupations n’ont fait que les aggraver. Al-Qaïda est un produit de la guerre en Afghanistan, et Daech celui de la guerre en Irak.

    Comme historien, jugez-vous que le Moyen-Orient du début du XXIe siècle pourrait jouer le rôle des Balkans au début du XXe, et constituer l’étincelle d’un conflit mondial généralisé, notamment si l’Irak et la Syrie s’effondraient encore plus ?

    C’est une possibilité. Un nouveau président à la Maison Blanche, les Iraniens, les Turcs, les Saoudiens ou l’État islamique ont les moyens de déclencher un conflit incontrôlable. Mais si l’étincelle de la Première Guerre mondiale a été allumée dans les Balkans, ce sont les grandes puissances qui ont eu, ensuite, la responsabilité de faire la guerre. Aujourd’hui, les grandes puissances ont la responsabilité de vendre des armes et de ne jamais braquer l’Arabie saoudite, dont l’idéologie wahhabite s’est répandue grâce à l’argent du pétrole et constitue le cœur du problème.

    Cette haine intolérable envers les chiites, et toutes les autres minorités, est devenue une forme d’orthodoxie sunnite explosive. Notamment car les chiites, que ce soit en Iran ou ailleurs, ne sont pas dénués de puissance. Et que l’Arabie saoudite, qui est une théocratie pétrolière, ne possède pas la légitimité populaire qu’a la République islamique d’Iran, même si beaucoup d’Iraniens revendiquent davantage de liberté et de démocratie. La guerre par procuration que se livrent les Iraniens et les Saoudiens, au Yémen, en Libye ou en Syrie, peut changer d’échelle et de degré, si les puissances occidentales laissent l’idéologie wahhabite s’accroître encore, parce que l’Arabie saoudite est un client auquel on n’ose rien dire.

    Pensez-vous que les frontières du Moyen-Orient décidées pendant la Première Guerre mondiale pourraient disparaître ou se transformer ?

    Je suis historien et non futurologue, mais je ne suis pas sûr que ces frontières vont s’effacer. Ces frontières sont désormais là depuis un siècle, et de telles lignes, artificielles à l’origine, ont pris de la consistance. L’Irak et la Syrie sont devenus des États-nations, même si on peut envisager aussi leur effondrement et leur démantèlement.

    En outre, de telles frontières fixées par les puissances impériales de l’époque existent partout dans le monde, en Asie, en Afrique, et pas seulement dans le monde arabe. Or, je constate qu’à part au Soudan, dans les Balkans et dans l’ancienne Union soviétique, ces lignes dessinées après la Première Guerre mondiale n’ont pas été modifiées. Bien sûr, des changements sur les frontières du Moyen-Orient sont envisageables, notamment du fait des revendications kurdes, des pressions subies par certaines minorités, des guerres civiles en Irak ou en Syrie. Mais en tant qu’historien, je constate qu’il est difficile de modifier des frontières qui existent depuis cent ans.

    On voit bien que les Kurdes d’Irak pourront difficilement réintégrer un État irakien centralisé, et que les Kurdes de Syrie ont obtenu une autonomie de fait. Le futur du Moyen-Orient ne passe-t-il pas par des entités territoriales plus autonomes et réduites, peut-être davantage susceptibles de mettre un frein aux spirales de violences communautaires ou religieuses auxquelles on assiste, notamment en Irak et en Syrie ?

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    Il me semble effectivement impossible d’intégrer les Kurdes d’Irak à un État unitaire. Même chose pour les Kurdes de Syrie. Mais il me paraît aujourd’hui également impossible d’acter la fin certaine des entités irakienne ou syrienne. Une autonomie croissante de certains territoires est sans doute inévitable, mais cela peut s’envisager sans effondrement des pays qui existent actuellement. Il y a un an, on estimait le régime de Damas voué à une défaite historique ; aujourd’hui, alors que la guerre dure depuis cinq ans, ce n’est plus le cas. L’histoire doit laisser sa place aux changements conjoncturels de configuration.

    Et à quelles conditions un projet, inverse, d’une confédération arabe élargie serait-il envisageable ?

    Cette idée me paraît impossible tant que les peuples arabes auront des gouvernements qui ne représentent pas leurs aspirations. Même s’il existe quelques exceptions, avec des formes de représentativité au Liban, au Maroc, ou en Tunisie bien sûr, la plupart des régimes des pays arabes sont des dictatures qui foulent au pied la volonté des peuples et gèrent les biens de la société pour leur compte personnel, familial ou dynastique. Une union accrue du monde arabe ne saurait se faire sans démocratisation.

    Mais il faut rappeler que cette situation bénéficie à d’autres, hors du monde arabe. Ces familles régnantes qui vivent sur le dos de leur société achètent à Paris, Londres ou New York des banques, des bâtiments, des institutions, des chaires d’université, des armes… Dans quel état seraient des grandes compagnies comme Airbus ou Boeing sans les achats massifs des compagnies du Golfe ? Dans quel état seraient les industries d’armement américaines ou européennes sans les conflits du Moyen-Orient ? L’Occident n’a aucun intérêt à voir émerger une grande entité confédérale démocratique dans le monde arabe.

    Compte tenu de ce qui se passe aujourd’hui au Moyen-Orient, comment regardez-vous la situation de la Palestine ?

    De façon très pénible et comme un symbole supplémentaire de la désunion des Arabes. La puissance actuelle d’Israël fait partie du problème, mais l’essence de celui-ci réside dans le fait que le mouvement national palestinien se trouve dans une période de recul. Les Palestiniens et les Arabes sont dans une situation de faiblesse et de division depuis la Première Guerre mondiale, alors qu’Israël, adossé aux États-Unis, n’a jamais été aussi puissant militairement et politiquement et a presque complètement absorbé la Cisjordanie.

    Toutefois, le projet du Grand Israël, de plus en plus raciste et expansionniste, auquel nous assistons, n’existait pas comme tel en 1967. Or, ce projet est de plus en plus difficile à soutenir, que ce soit en Europe ou aux États-Unis. Ce tournant explique les crispations autour de la campagne BDS (Boycott – Désinvestissement – Sanctions). Dans le pays où je vis et enseigne, je constate qu’Israël ne cesse de perdre du soutien, chez les jeunes, dans les universités, parmi les syndicats ou les églises… Tout cela n’existait pas il y a encore vingt ans, et le virage à droite pris par Israël renforce son isolement.

    Pourquoi la cause palestinienne a-t-elle reculé dans le monde arabe ? Peut-on imaginer que la Palestine soit intégrée à un projet de monde arabe redécoupé sur d’autres bases et dans d’autres frontières ?

    Les guerres incessantes expliquent le recul de la cause palestinienne. Depuis 1975, avec le Liban, puis ensuite avec l’Irak et la Syrie, la guerre ne s’est jamais éteinte au Moyen-Orient. Comment voulez-vous, avec toutes ces guerres civiles, que les gens pensent à la Palestine ? En outre, si les peuples arabes ont soutenu les Palestiniens, les régimes arabes ne les ont jamais vraiment appuyés et, depuis la déclaration Balfour de 1917, ont toujours composé avec la volonté des grandes puissances qui voulaient un État juif en Palestine.

    Quant à l’idée d’intégrer la Palestine à une nouvelle entité arabe, elle me semble lointaine. Comment intégrer les Palestiniens dans le chaos syrien ou le système confessionnel qui régit le Liban ? L’histoire montre toutefois que tout est envisageable et que les transformations peuvent être rapides. Pendant la Première Guerre mondiale, les puissances impériales occupaient surtout les côtes du Moyen-Orient, au Liban ou en Palestine, et l’Assemblée de Damas représentait un vaste territoire arabe relativement unifié qui couvrait une surface allant bien au-delà de la Syrie actuelle. Mais les accords signés par Mark Sykes et François Georges-Picot, liés eux-mêmes à l’expansion du chemin de fer pour l’exploitation des ressources de la région, ont bouleversé tout cet équilibre. En dépit de leur caractère étonnamment durable, ils ne sont toutefois pas gravés dans le marbre pour l’éternité. (Article publié par le site Mediapart, le 23 mars 2016)

    Publié par Alencontre le 23 - mars - 2016
     
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    Cérémonie de bienvenue pour les militaires russes qui reviennent de Syrie sur la base aérienne près de la ville russe Voronezh, le mardi 15 mars 2016

    Entretien avec Isabelle Facon
    conduit par Olivier Tallès

    Maître du tempo dans la crise syrienne, Vladimir Poutine a orchestré, lundi 14 mars 2016, un nouveau coup de théâtre en annonçant à la surprise générale – du moins officielle, car les relations avec Kerry semblent, sur cette affaire, plus informées que ce qui transparaît en public – le retrait d’une partie de ses troupes de Syrie. Isabelle Facon, spécialiste des politiques de sécurité et de défense russes à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), donne, ici, son point de vue. (Rédaction A l’Encontre)

    Quels étaient les objectifs de la Russie en intervenant militairement aux côtés des troupes de Bachar al-Assad?

    Isabelle Facon: En engageant son aviation, son artillerie et sans doute des forces spéciales en Syrie, la Russie souhaitait avant tout aider les troupes gouvernementales syriennes, qui avaient perdu beaucoup de terrain, à se refaire. L’idée était de faire en sorte que Bachar al Assad arrive à la table de négociation [à Genève] en position de force, tout en répétant, d’ailleurs, ne pas se considérer «mariés» à Bachar. Les Russes estiment avoir rempli leur cahier des charges en repoussant la rébellion et en fragilisant considérablement ses lignes d’approvisionnement avec la Turquie.

    La Syrie se place aussi dans un continuum stratégique vu de Moscou: tout ce qui se passe au Moyen-Orient a potentiellement un impact au Caucase, en Asie centrale et sur le territoire même de la Russie, notamment au Daguestan, en Ingouchie, en Tchétchénie… [La fédération de Russie est composée de 22 Républiques; de 9 raïs, soit des territoires administratifs; de 46 oblasts, de régions administratives gouvernées par des gouverneurs fédéraux désignés; 3 villes fédérales: Moscou, Saint-Pétersbourg et Sébastopol; 4 districts autonomes.]

    L’embrasement du Moyen-Orient peut déstabiliser les marches de la Fédération de Russie, des territoires déjà passablement tourmentés. D’où la nécessité, selon Moscou, de s’attaquer à des mouvements rebelles syriens qualifiés de terroristes, et dont certains comptent dans leurs rangs des ressortissants russes, comme c’est le cas de Daech.

    Comment expliquer ce soutien russe à Damas?

    La Russie a fait du maintien du régime baasiste une question de principe après les changements de régime survenus ces dernières années derrière lesquels elle voit la main de l’Occident. Pas question à ses yeux que les Américains et les Européens ne rebattent les cartes en Syrie comme ils l’ont fait en Libye, en Irak, en Ukraine ou en Géorgie.

    Depuis le début, l’idée «russe» [Poutine et son cercle] est d’éviter la redite de ces scénarios en Syrie et, dans le même temps, de montrer au monde que la Russie est redevenue une grande puissance militaire et diplomatique avec laquelle il faut compter. Globalement, les Russes considèrent sans doute avoir atteint leurs objectifs: Moscou donne l’impression de faire la pluie et le beau temps sur le dossier syrien, militairement et diplomatiquement.

    Les dirigeants russes ont remis en selle Bachar al Assad par la voie militaire et, en parallèle, ont montré une réelle force de frappe diplomatique en multipliant les discussions avec tous les pays qui interviennent plus ou moins directement dans le conflit syrien: l’Iran, l’Arabie saoudite, les États-Unis, Israël… En revanche, ils n’ont pas réussi à mettre en place une coalition internationale contre le terrorisme qui aurait «obligé» les Occidentaux à la coopération au nom de la lutte contre le terrorisme.

    Pourquoi Vladimir Poutine a-t-il décidé de retirer de Syrie une partie de son armée?

    Considérant qu’elle a atteint ses objectifs stratégiques, la Russie espère sans doute aussi obtenir des dividendes politiques. Elle peut estimer que ce qui pourra être vu comme un geste de bonne volonté peut renforcer l’argumentaire de ceux qui, en Europe, veulent renouer le dialogue avec Moscou et sont tentés d’alléger les sanctions économiques décidées dans le cadre de la crise ukrainienne. Il s’agit aussi d’un signal envoyé à Bachar Al Assad qui serait réticent à écouter Moscou sur les termes du compromis, d’après certains analystes.

    Enfin, il se peut que la situation difficile de la Russie, marquée par la récession du produit intérieur brut en 2015, pousse les autorités à faire des économies. Alors que l’intervention en Syrie coûte cher et tire sur les ressources de l’armée, le budget de la défense devrait être amputé de 5% cette année [et il est quantitativement et qualitativement inférieur à celui des Etats-Unis; Moscou dépensait 3 millions d’euros par jour dans les derniers mois, alors que la crise économique est très forte; un missile 648’000 euros. A cela s’ajoute la crise pétrolière qui implique des relations plus serrées entre la Russie poutinienne et l’Arabie saoudite qui prend, un peu, ses distances face à Washington suite aux accords entre Washington et Téhéran].

    Il faut cependant relativiser ce retrait. Les Russes n’abandonneront pas leurs grandes bases en Syrie (Tartous, Hmeimim) ni ne retireront leurs systèmes antiaériens S-400…[ni leurs hélicoptères d’attaque, ni une partie des avions, bien que pour leur maintenance implique un retour; reste à voir si des «retours» ne sont en préparation]. Ils gardent des infrastructures et rien ne dit qu’en fonction de la situation, ils ne reviendront pas en force.

    Le retrait russe peut-il faciliter les négociations de paix?

    Cela peut apparaître comme un élément incitatif pour les uns et les autres. A Bachar Al Assad, il s’agit de faire passer le message: «On a sauvé ta tête, maintenant il faut faire des compromis.» L’opposition pourrait aussi l’interpréter comme un signal d’apaisement.

    Mais la Russie n’ignore pas que les discussions de Genève seront très difficiles, indépendamment du rôle des acteurs extérieurs au conflit. Pour elle, le dossier syrien va bien au-delà des enjeux régionaux. Il porte sur la place de la Russie dans le monde, sur son rapport de force avec les Occidentaux. Des questions beaucoup plus stratégiques de son point de vue. (Publié dans La Croix le 15 mars 2016)

    *****

    Comment s’effectue le retrait des troupes russes?

    Par Benjamin Quénelle (Moscou) et Olivier Tallès

    poutine

    Familles au grand complet, drapeaux russes au vent, bouquets de fleurs, ballons: les images joyeuses des premiers bombardiers Su-37 de retour de Syrie ont tourné en boucle, le 15 mars, sur les chaînes de télévision russes, dans la foulée de l’annonce surprise de la Russie de retirer la majeure partie de son corps expéditionnaire aux côtés des troupes de Bachar Al Assad.

    «On estime à 2500 à 8000 Russes envoyés sur place pour cette intervention, en incluant une centaine de civils qui assurent le soutien technique, observe l’expert militaire Ruslan Poukhov. Faire revenir les avions dans les bases aériennes russes, c’est facile et rapide. Rapatrier tout ce personnel sera plus long.»

    Cette annonce met fin à un engagement aérien de grande envergure lancé le 30 septembre 2015, même si Moscou dit ne pas renoncer à des bombardements plus ciblés au nom de la lutte contre le terrorisme.

    Pourquoi la Russie a-t-elle décidé de retirer l’essentiel de son contingent militaire? Le chef de l’État russe avait précisé en septembre 2015 que l’intervention aérienne serait limitée dans le temps. A ses yeux, les objectifs «ont été globalement accomplis».

    Cinq mois ont passé et le rapport de force a changé sur le terrain: l’armée syrienne n’est plus enlisée, les forces rebelles ont reculé sur tous les fronts et le régime de Bachar Al Assad est provisoirement sauvé. «La Russie n’a pas réussi à liquider Daech, mais la question du terrorisme n’était qu’un prétexte à l’intervention», juge Alexandre Golts, un expert militaire critique du Kremlin.

    Durant les cinq mois d’intervention en Syrie, la Russie estime avoir démontré qu’elle était une grande puissance militaire et diplomatique, capable de supporter le coût élevé d’une intervention loin de ses bases malgré la récession économique qui la frappe depuis 2014. «Le conflit en Syrie, première crise mondiale majeure où Moscou a réussi à imposer son tempo, a montré aux Occidentaux, et tout d’abord à Washington, l’intérêt d’un dialogue d’égal à égal avec la Russie», conclut Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire du centre-franco russe d’analyse.

    Le retrait russe peut-il faciliter les négociations de paix?

    Pour Moscou, il est temps de traduire à la table des négociations de Genève le nouveau rapport de force acquis sur le terrain. Ce retrait sonne en effet comme un avertissement envoyé à Bachar Al Assad. «Le soutien russe lui avait peut-être donné l’impression qu’il pourrait sortir de la crise sans négociations diplomatiques, pense Sergeï Markov, politologue proche du Kremlin. Il doit comprendre qu’avec le retrait de l’armée russe, la solution ne peut plus désormais être seulement militaire.»

    A Genève, l’annonce du Kremlin a été saluée par l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, qui a parlé de «développement significatif» et espéré un «impact positif sur l’état d’avancement des négociations».

    *****

    La Russie en Syrie, cinq années d’intervention

    Depuis le début du conflit, la Russie joue un rôle déterminant auprès du régime de Bachar al-Assad. Après avoir livré des armes et des conseillers, Moscou a conforté les positions des troupes gouvernementales syriennes face à la rébellion en intervenant directement grâce à son artillerie et son aviation.

    La Russie, dont le soutien au régime de Bachar al-Assad depuis le début du conflit syrien en 2011 d’inscrit dans le cadre d’une relation étroite qui remonte à l’époque soviétique, est passé à l’acte en 2015 en menant ses premiers bombardements en Syrie. Retour sur cinq années d’interventions directes et indirectes.

    2011

    • 27 avril: La Russie et la Chine bloquent à l’ONU une déclaration proposée par des pays occidentaux condamnant la répression par le régime du mouvement de contestation.
    • 7 octobre: Le président russe Dmitri Medvedev estime que le régime doit faire des réformes ou partir, mais souligne qu’une telle décision n’est pas du ressort de l’Otan ni de certains pays européens.

    2012

    • 8 janvier 2012: Un groupe de navires de guerre russes accoste dans la base de Tartous, la seule dont dispose la Russie en mer Méditerranée. En avril, l’agence d’État Ria Novosti affirme que Moscou a décidé de déployer des navires «en permanence» près des côtes syriennes.
    • 30 juin: A Genève, un «groupe d’action» s’accorde sur les principes d’une «transition». Mais Washington estime que l’accord ouvre la voie à l’ère «post-Assad» [ce qui ne signifie pas une situation post-régime Assad] alors que Moscou et Pékin réaffirment qu’il revient aux Syriens de déterminer leur avenir. Il ne sera jamais appliqué.
    • 27 novembre: Moscou et Damas entretenaient des relations «privilégiées» du temps d’Hafez al-Assad (père de Bachar) et de l’Union soviétique, contre simplement de « bonnes relations de travail » aujourd’hui, selon le premier ministre Dmitri Medvedev.

    2013

    En août, les Occidentaux, Etats-Unis en tête, brandissent la menace d’une action armée après une attaque chimique ayant fait des centaines de morts. Washington accuse le régime, Damas et Moscou déclarent qu’il s’agit d’une provocation des rebelles. Le recours à une action internationale est écarté en septembre après un accord russo-américain sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien.

    2014

    22 mai 2014: La Russie et la Chine mettent leur veto à un projet de résolution français à l’ONU qui prévoyait de saisir la Cour pénale internationale (CPI) des crimes commis en Syrie par les deux camps. Il s’agit du quatrième blocage par les deux pays de résolutions occidentales depuis le début du conflit syrien.

    2015

    • 15 septembre: Le président russe Vladimir Poutine défend sa stratégie de soutien au régime syrien. Moscou renforce sa présence militaire en construisant une base aérienne près de Lattaquié, fief du clan Assad dans le nord-ouest du pays, et intensifie ses livraisons d’armes à l’armée syrienne.
    • 30 septembre: Moscou confirme ses premières frappes aériennes en Syrie, quelques heures après l’obtention par Vladimir Poutine du feu vert du Sénat russe. « Le règlement définitif et durable du conflit en Syrie n’est possible que sur la base d’une réforme politique et d’un dialogue avec les forces saines du pays », déclare le président russe, en référence à l’opposition tolérée par le régime. L’aviation russe mène à la demande de Damas ses premiers bombardements, Moscou affirmant avoir visé des cibles de Daech. Mais d’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), les frappes ont visé principalement le Front al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaida, et des rebelles islamistes.
    • 7 octobre: Pour la première fois, des missiles russes sont tirés depuis des croiseurs de la flottille dans la mer Caspienne. Plus tard, le 9 décembre, l’armée russe frappe pour la première en Syrie à partir d’un sous-marin déployé en mer Méditerranée. Washington affirme que la quasi-totalité des bombardements russes visaient des organisations armées modérées qui combattent le régime.
    • 20 octobre: Après trois semaines de bombardements de l’aviation russe, Vladimir Poutine passe à l’offensive sur le front diplomatique et politique en recevant Bachar al-Assad.
    • 14 novembre: Après une première rencontre le 30 octobre, les grandes puissances, dont les États-Unis, la Russie et l’Iran, s’entendent à Vienne sur une feuille de route, mais de profondes divergences subsistent sur l’avenir du président syrien.
    • 24 novembre: La Turquie abat un avion militaire russe qui avait selon elle violé son espace aérien à sa frontière avec la Syrie, provoquant la colère de la Russie qui dénonce « un coup de poignard dans le dos ». Ce grave incident provoque une brusque escalade des tensions entre les deux pays autrefois amis.
    • 23 décembre: Amnesty International accuse la Russie d’avoir tué «des centaines de civils» et causé «des destructions massives» dans des raids contre des zones d’habitation pouvant «constituer des crimes de guerre ». Moscou rejette les accusations « fausses » et « sans preuves » d’Amnesty.

    2016

    • 1er février: Les forces du régime, avec le soutien des bombardiers et avions d’attaque au sol russes, lancent une offensive contre les rebelles autour de la ville d’Alep, poussant des dizaines de milliers de civils sur les routes de l’exode. Début mars, l’OSDH a affirmé que plus de 1 700 civils dont 429 enfants avaient péri depuis le début de l’intervention russe.
    • 27 février: Initié par Washington et Moscou, un accord de cessation des hostilités sans précédent entre en vigueur entre régime et rebelles. L’accord concerne seulement les zones de combat entre forces du régime, appuyées par l’aviation russe, et rebelles. Il exclut Daech et Al-Nosra, qui contrôlent plus de 50 % du territoire syrien.
    • 14 mars: Vladimir Poutine ordonne le retrait de la majeure partie du contingent militaire déployé en Syrie et dont les milliers de raids aériens ont permis à l’armée syrienne de reprendre l’avantage sur le terrain. L’annonce, après un entretien téléphonique entre Poutine et Assad, intervient au moment où débute à Genève un nouveau cycle de négociations entre représentants du régime et de l’opposition. (Chronologie établie par La Croix, du 15 mars 2016)
    Publié par Alencontre le 16 - mars - 2016
     
  • Réunion témoignage-débat

     

     

     
     
    Réunion publique 

    Syrie : la résistance de la société civile à la barbarie du régime d’Assad et de Da’ech, pour bâtir une Syrie libre et démocratique


    L’expérience d’ALEP libre



    Avec Youcef Seddik et Zein al-Rifai, co-fondateurs d'Aleppo Media Center (*)
     

    Mercredi 16 mars 2016 (19h-21h) - 17 rue Léopold Bellan, 75002 PARIS

    Mairie de Paris 2ème (salle Jean Dame)



    Le Collectif des Amis d'Alep, basé à Lyon, organise la tournée en France, en Belgique et en Suisse de quatre journalistes d'Alep du 8 mars au 10 avril 2016. Ils sont invités sur la période de la commémoration du 5ème anniversaire du début de la révolution syrienne.

    L'absence de journalistes étrangers en Syrie, conjuguée à la puissance des propagandes du régime syrien, de la Russie, de l'Iran et de Da’ech, a largement contribué à brouiller notre vision du drame syrien et à faire disparaître de notre champ l’existence des civils restés sur place.

    L'objectif de cette rencontre est d’écouter le témoignage de citoyens-reporters et de débattre avec eux sur la situation à Alep et dans sa région où la société civile, qui a pu émerger à partir de 2012, parvient à s'organiser et à faire fonctionner différentes institutions créées après le retrait du régime, et ce, malgré les bombardements incessants des aviations russe et syrienne.

    Ils témoigneront de la capacité des habitants à gérer les zones libérées, s'organisant en associations, syndicats, collectifs... résistant au régime et à Da’ech, et résolus à bâtir une Syrie libre et démocratique.


    Organisateurs : Collectif Pour une Syrie Libre et Démocratique, Déclaration de Damas, Revivre, Collectif des Amis d’Alep.

    Avec le soutien de : LDH, MRAP, Collectif Avec la Révolution Syrienne (Alternative Libertaire, Cedetim, Émancipation, Ensemble, NPA, UJFP, Union syndicale Solidaires), Attac France.
     
    http://www.aveclarevolutionsyrienne.blogspot.fr/2016/03/reunion-temoignage-debat.html
  • En soutien à la lutte du peuple kurde pour vivre libre et dans la dignité (ESSF)

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    Le Bureau de la Quatrième Internationale, sur mandat du Comité International du 2 mars, publie la déclaration suivante.

    1. Après deux années de négociation avec le leader du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Öcalan, le régime autoritaire-néoliberal-islamiste d’Erdogan a décidé de reprendre une guerre sanglante contre le peuple kurde à partir de l’été 2015.
    Cet été avait pourtant débuté avec un immense espoir populaire, suite aux résultats des élections législatives du 7 juin. L’exceptionnel résultat de 13% obtenus par le HDP (Parti démocratiques des peuples – parti unitaire réformiste de gauche issu du mouvement kurde) qui en doublant ainsi ses voix obligeait l’AKP à former un gouvernement de coalition, susceptible de briser sa domination dans les sphères de l’appareil d’Etat. De plus ce résultat empêchait l’AKP d’atteindre le nombre de siège nécessaire pour opérer un changement de la constitution et instaurer le régime présidentiel autocratique souhaité pas R.T. Erdogan et dont il serait le sultan.

    2. Erdogan avait déjà donné dès le mois de mars 2015 les signes de son virage vers un nationalisme pur et dur, confronté à la perte de voix que semblait subir l’AKP en faveur de l’extrême-droite hostile aux négociations, mais surtout terrifié par les émeutes d’octobre 2014 en soutien à la résistance de Kobanê assiégé par DAESH/Etat Islamique. Cette explosion de colère des masses kurdes reposait sur l’accumulation de déceptions causées par le refus de l’AKP de prendre des mesures concrètes dans le cadre des « négociations de paix ». A ceci s’ajoutait l’indignation relevant de la conviction largement partagée que l’AKP soutenait DAESH. Cela s’appuyait sur le fait que les djihadistes de l’Etat Islamique ont longtemps pu passer à travers la frontière turco-syrienne dans les deux sens sans être contrôlés, et ont bénéficié de soins sanitaires dans les hôpitaux proches de la frontière. Et nous savons que le régime turc préférait et préfère toujours explicitement avoir DAESH comme voisin que les kurdes. “La question kurde n’existe pas” a donc fini par déclarer Erdogan en interdisant toute visite à Öcalan et suspendant ainsi de facto le déroulement des négociations déclarées en mars 2013.

    3. Mécontent du résultat des législatives, l’AKP, sous les auspices d’Erdogan s’est déclaré pour des élections anticipés. Toutefois l’affaiblissement du HDP était pour l’AKP la condition sine qua non de sortir vainqueur des prochaines élections. C’est ainsi que de façon fort suspecte, l’attentat de Suruc attribué à DAESH et les représailles immédiates “d’unité locales” du PKK causant la mort de deux policiers ont fourni l’occasion de re-déclencher la guerre contre les kurdes, et par-là même de criminaliser le HDP considéré comme branche légale de “l’organisation terroriste”. Le climat de guerre civile, accompagné d’une répression violente envers toute contestation sociale et politique, d’une criminalisation de la presse oppositionnelle et d’un renforcement du nationalisme se traduisant par des tentatives de pogroms envers les kurdes a finalement donné ses résultats. L’AKP a remporté haut la main les élections anticipées du 1er novembre 2015.

    4. C’est désormais un régime de massacres qui est en vigueur. Le parti-Etat d’Erdogan mobilise des brigades “antiterroristes” ouvertement fascistes et islamistes liées à la police et la gendarmerie pour écraser toute contestation et résistance dans le Kurdistan de Turquie. Les divers quartiers des villes de Diyarbakir, Mardin, Şırnak, Hakkari où les jeunes milices kurdes urbaines liés au PKK (mais non sous son contrôle direct) ont déclaré une “autonomie démocratique” -parallèlement au modèle de Rojava-, sous couvre-feu depuis plusieurs mois, en proie à la famine, sont assiégés et détruits par les tanks et véhicules blindés militaires. Des centaines de cadavres, certains totalement brûlés et non reconnaissables gisent sous les décombres, plus d’une centaine de milliers d’habitants ont dû quitter leur foyer. Selon les chiffres de la Fondation des droits de l’homme de Turquie, 224 civils (dont 42 enfants), 414 militants et 198 membres de l’appareil policier et militaire ont perdu la vie entre mi-août 2015 et début février 2016.

    5. Le choix du PKK et des milices urbaines du YDG-H (Mouvement des Jeunesses Révolutionnaires Patriotiques) de transférer les conflits de la montagne vers la ville – contrairement d’ailleurs aux recommandations antérieures d’Öcalan – peut bien sûr susciter des débats au niveau tactique. L’atmosphère de conflit a manifestement affaibli les possibilités de réception du message démocratique, combatif et en défense de la paix du HDP, qui avait réussis à s’imposer comme un pôle hégémonique pour de larges secteurs de la population opposée aux tentations dictatoriales d’Erdogan et aux manœuvres étatiques d’islamisation de la société – dépassant le seul cadre du peuple Kurde.

    Mais c’est bien au régime d’Erdogan et à l’instrumentalisation de ses politiques successives vis-à-vis du peuple kurde en vue de consolider son pouvoir qu’incombe la responsabilité de cette tragédie, qui attise de plus les sentiments nationalistes des deux côtés et dégrade profondément les possibilités d’une vie commune des deux peuples.
    Nous condamnons la politique guerrière du régime d’Erdogan et de l’AKP. Nous exigeons que l’Etat turc mette fin aux massacres et qu’il lève les couvre-feux et blocus en cours dans les villes kurdes. Nous exigeons de même que soient identifiés et condamnés les responsables des violations des droits de l’homme et de la femme.

    Nous appelons l’Etat turc à mettre fin à l’isolement d’Öcalan et à reprendre les négociations avec les divers composantes du mouvement kurde afin d’instaurer les conditions d’une paix durable, qui ne peut passer que par la satisfaction des revendications démocratiques et sociales du peuple kurde.

    Nous dénonçons de même la complicité des impérialismes occidentaux et notamment de l’Union Européenne qui, terrifiée par le flux migratoire –dont elle est d’ailleurs en partie responsable- semble prête à s’accommoder d’un régime de répression et de massacre, à condition que la Turquie accepte de devenir un énorme camp de détention pour migrants, loin de ses yeux. Nous réclamons l’arrêt des persécutions et des poursuites contre le mouvement kurde en Europe. Le PKK doit être retiré de la liste des organisations terroristes partout où il s’y trouve.

    Nous exprimons notre soutien au peuple kurde dans sa lutte pour vivre dans la dignité, au HDP en proie à une criminalisation sans pareils de la part de l’appareil d’Etat, aux militant-E-s de la gauche radicale, aux activistes pour la paix et la défense des droits de l’homme, aux universitaires et journalistes persécutés par le régime autoritaire nationaliste et confessionnel d’Erdogan.

    6. La guerre menée par l’Etat turc contre le mouvement kurde tout autant que la stratégie du PKK sont maintenant principalement déterminées par les développements survenus en Syrie.

    La consolidation et l’élargissement des administrations sous son contrôle à travers son parti frère le PYD (Parti de l’Union démocratique) dans le nord de la Syrie (le Rojava) est beaucoup plus important pour le PKK que les acquis qu’il peut obtenir par des négociations avec l’Etat turc, notamment du point de vue de sa concurrence historique avec la ligne féodale et pro-américaine de Barzani pour instaurer son hégémonie sur le peuple kurde divisé en quatre pays (Iran, Irak, Turquie et Syrie).

    Quant à la Turquie, dans sa visée de devenir la puissance régionale hégémonique dans le Moyen Orient, le régime d’Erdogan avait, après le début du soulèvement populaire syrien, d’abord cherché les premiers mois une sorte de négociation entre le régime et les Frères musulmans, puis centré sa politique étrangère sur un engagement actif dans la question syrienne en misant sur un renversement rapide d’al-Assad. Dans cet objectif la Turquie a tout d’abord soutenu le Conseil National Syrien dominé par les Frères musulmans et l’opposition libérale. Et avec la militarisation du soulèvement face à la violente répression du régime, elle n’a pas hésité à soutenir à différents niveaux (politique, financier, logistique, militaire, sanitaire) divers groupes armés djihadistes dont DAESH, que ce soit de manière directe et/ou indirecte.

    7. Une des principales raisons de l’engagement du régime d’Erdogan dans le combat pour le renversement d’al-Assad a été la présence d’une forte population kurde à la frontière turco-syrienne. La formation d’une administration régionale kurde au nord de l’Irak suite à l’intervention impérialiste en 2003 avait sans doute constitué un des traumatismes politiques les plus marquants de l’État turc. C’est donc manifestement la crainte de revoir le même scénario se réaliser à la suite d’un changement de régime en Syrie qui a poussé le gouvernement turc à tenter d’intervenir dans la crise syrienne. Cependant la situation est devenue d’autant plus critique que suite au retrait des forces armées du régime d’une partie du Kurdistan syrien en juillet 2012, le PYD a réussi à prendre le contrôle de cette région frontalière à la Turquie pour, par la suite, y proclamer l’autonomie.

    Aujourd’hui, le gouvernement turc impose un blocus à la frontière avec la Syrie, faisant obstacle aux efforts de solidarité avec le Rojava organisés en Turquie et à l’étranger. Nous condamnons l’emploi du contrôle des frontières par les gouvernements pour empêcher les initiatives civiles contre l’oppression et soutenons les campagnes contre ce blocus.

    8. Issu de la tendance à la décentralisation du PKK en 2003, le PYD reconnait toujours la direction idéologique et politique d’Abdullah Öcalan. L’administration des trois cantons de Jazira, Afrin et Kobanê faisant suite à la « Révolution de Rojava » représente une tentative d’application de la stratégie de « l’autonomisme démocratique » (ou « fédéralisme démocratique ») d’Öcalan, censée remplacer l’ancienne adhésion du PKK au marxisme-léninisme (auquel il a renoncé au début des années 1990). La Charte de Rojava déclarée en janvier 2013 est fondée sur des principes démocratiques, laïcs, multiculturalistes et est marquée par une profonde sensibilité écologique. L’accent mis sur les droits des femmes, des minorités ethniques et religieuses, surtout au milieu du chaos syrien, est impressionnant. Et malgré l’instabilité qui règne dans la région, tous ces engagements ne restent pas totalement lettre morte, même si bien sûr ils méritent d’être approfondis. Toutefois dans cette expérience originale et progressiste d’auto-administration à travers divers conseils et assemblées, le pluralisme politique est pratiquement absent. Le PYD, n’ayant pas une forte implantation historique dans le Rojava, a réussi à instaurer son hégémonie après son retour d’exil depuis le Kurdistan irakien en 2011 en grande partie grâce à sa puissance militaire (YPG : Unités de protection du peuple). Ce dont il n’a pas non plus hésité à se servir pour réprimer les divers courants locaux du nationalisme kurde de même que des réseaux démocratiques de jeunes activistes kurdes profondément engagés dans le soulèvement révolutionnaire. Ajoutons aussi que dans certaines villes comme Hassake et Qamichli, même après la déclaration d’autonomie le régime Assad continuait à garder une présence.

    9. Aujourd’hui le PYD et les YPG jouissent, grâce à leur héroïque résistance de Kobanê (à laquelle participèrent aussi des organisations révolutionnaires de Turquie, des groupes de l’Armée Syrienne Libre et les Peshmergas du Kurdistan Irakien) face à la barbarie de DAESH, d’un prestige international largement mérité. La position du PYD sur le terrain et son efficacité dans le combat en fait paradoxalement un allié privilégié, d’une part de Washington soucieux de ne pas s’enfoncer dans le chaos syrien dans lequel il porte une responsabilité majeure, et d’autre part de Moscou qui désormais depuis le 30 septembre 2015 intervient militairement dans le conflit aux côtés du régime sanguinaire d’al-Assad, de l’Iran et du Hezbollah libanais afin d’accroître sa domination dans la région. Cependant Erdogan tente d’empêcher à tout prix que la région qui s’étend d’Azaz à Jarablus - se trouvant en grande partie sous le contrôle de DAESH - passe aux mains du PYD-PKK, car c’est la seule partie de ses frontières avec la Syrie qui ne soit pas contrôlée aujourd’hui par les forces kurdes.

    Ainsi les Forces Démocratiques de Syrie (FDS) dont la principale composante sont les YPG, avec le soutien des raids aériens russes combattent de façon effectives les différents groupes djihadistes de DAESH, El Nusra ou Ahrar El Sham et autres groupes salafistes soi-disant modérés, armés et soutenus par l’Arabie Saoudite, la Turquie et le Qatar. Toutefois ces avancés et victoires des troupes des FDS sont traversés de contradictions en raison du pragmatisme des politiques d’alliance en cours sur le terrain. Ils peuvent se retrouver côte à côte avec les forces du régimes ou bien en concurrence avec eux pour occuper le plus tôt les territoires “adversaires”. De plus comme conséquence de la domination des groupes salafistes-djihadistes dans les zones libérées du régime, et des cas d’interpénétration de ceux-ci avec l’Armée Syrienne Libre, les FDS et donc les YPG entrent souvent en conflit avec l’ASL et les milices rebelles locales très hétérogènes, ce qui accroit les risques d’être perçus comme solidaires du régime par les populations locales. De plus les accusations à l’égard du YPG de déplacements de populations arabes dans certaines régions, reposant sur plusieurs rapports et témoignages, renforcent aussi le sentiment de méfiance envers le PYD, sur fond de tensions ethniques dans les régions du nord de la Syrie qui durent depuis des décennies entre arabes et kurdes. Enfin, les faits que les forces dominantes (libérales et liés au Frères musulmans) au sein de la Coalition Nationale Syrienne parrainée par la Turquie et Monarchies du Golfe, soutiennent la répression du régime turc contre le PKK, tiennent des discours chauvinistes arabes et ne donnent aucune garantie pour les droits nationaux kurdes, expliquent la méfiance du PYD contre cette opposition.

    10. La Quatrième Internationale réaffirme son opposition à tout type d’intervention militaire et à tout plan impérialiste de découpage de la Syrie. Ces interventions impérialiste et sous-impérialistes n’ont pour seul but que de renforcer les intérêts propres de ces puissances mondiales et régionales, et constituent une catastrophe supplémentaire pour les peuples de Syrie. Nous réclamons l’arrêt immédiat des bombardements russes comme de tout bombardement, et le retrait de toutes forces belligérantes étrangères. Nous pensons d’autre part que, face à la barbarie djihadiste de même qu’à celle du régime, et contre toute forme d’oppression les populations de Syrie ont le droit de se défendre par les différents moyens qu’elles peuvent acquérir.

    Malgré les critiques que nous pouvons formuler à l’égard de certaines pratiques du PYD et des FDS, nous saluons leur combat contre les forces réactionnaires et djihadistes qui constituent un des pôles de la contre-révolution en Syrie et exprimons toute notre solidarité à la lutte du peuple kurde pour son autodétermination. Et nous soulignons résolument que le destin de l’autodétermination du peuple kurde et celui de la révolution syrienne sont profondément liés. L’émancipation des peuples de la région ne passera que par le renversement des régimes autoritaires et la libération de l’emprise des grandes puissances et des multinationales, à travers l’alliance des classes populaires de ces peuples.

    Bureau de la Quatrième Internationale, Paris le 9 mars 2016

    , par Quatrième Internationale

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37423

  • Syrie : Les révolutionnaires syriens toujours debout ! (Npa)


     

    Le vendredi 4 mars, des manifestations populaires massives ont eu lieu à travers les zones libérées de la Syrie sous le slogan « La révolution continue »1. Plus de 100 manifestations ont été enregistrées ce jour-là du nord au sud du pays.

    L’esprit du début de la révolution se retrouvait dans les slogans et chants démocratiques et non confessionnels comme « Le peuple syrien est un et uni », ou comme un manifestant l’a écrit sur une pancarte, « les portes de la révolution pacifique s’ouvrent à nouveau ». Le drapeau révolutionnaire syrien était brandi partout. Il faut souligner que les forces salafistes djihadistes et leurs symboles étaient absentes de ces manifestations, tandis que les soldats de Jabhat al-Nusra ont organisé une contre-manifestation plus petite dans la ville de Ma’aret al-Naaman près d’Idlib, et scandaient des slogans contre la démocratie et la laïcité et pour un État islamique.

    Ces mobilisations surviennent une semaine après un cessez-le feu négocié par les États-Unis et la Russie, qui a ralenti le rythme des hostilités mais sans les stopper. Les forces du régime d’Assad et ses alliés ont continué à bombarder et attaquer des zones tenues par l’opposition, alors même que les forces de l’État islamique et de Jabhat al-Nusra, non incluses dans la trêve, n’y sont pas présentes. Selon diverses sources, il y a eu plus de 180 violations du cessez-le-feu par les forces du régime et de l’opposition… dans les cinq premiers jours de la trêve entrée en vigueur le 27 février. La majorité de ces violations ont néanmoins été commises par les forces du régime. 135 personnes ont été tuées, dont 32 civils, dans les régions couvertes par la trêve, et 552 personnes dans les autres zones.

    Assad doit partir !

    L’Organisation des Nations unies a déclaré que le prochain cycle de « négociations de paix » devrait reprendre à Genève le 10 mars, malgré les réticences de l’opposition qui, se plaignant des nombreuses violations du cessez-le-feu, doit encore confirmer sa participation. Celle-ci réclame aussi la libération des prisonniers et l’acheminement de l’aide humanitaire, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU. Son médiateur, S. de Mistura, a rappelé que «  l’ordre du jour du processus est clair : premièrement des négociations en vue d’un nouveau gouvernement, deuxièmement une nouvelle Constitution, et troisièmement des élections parlementaires et présidentielle dans un délai de 18 mois ». En réalité, un départ d’Assad semble encore bien loin, alors qu’aucun changement du régime autoritaire, notamment de ses forces de sécurité, n’est à l’ordre du jour…

    Les nombreuses manifestations populaires de la semaine dernière, dans un pays autant écrasé par les bombes et la répression, sont impressionnantes. Elles ont montré que les Syriens libres sont prêts à saisir toutes les occasions, même un répit partiel des frappes aériennes, pour réitérer leurs revendications et proclamer les objectifs de la révolution. Leurs slogans démocratiques et non confessionnels rappellent au monde entier, une fois encore, qu’il existe une alternative au régime d’Assad et aux forces salafistes djihadistes, les deux acteurs de la contre- révolution et les deux perdants de ces mobilisations. L’alternative, ce sont ces centaines de milliers de Syriens et de Syriennes libres. Comme scandé par les révolutionnaires, « cinq ans après le début de la révolution, le peuple veut toujours la chute du régime ».

    La solidarité internationale de la société civile, qui fait tant défaut au peuple syrien, est plus que jamais nécessaire ! publié dans 14 mars 2016

    Joseph Daher

     

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