Syrie - Page 42
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Solidarité Syrie
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Les Palestiniens de Syrie, (1 et 2) A l'Encontre.ch
La conquête fulgurante d’une large partie du camp de Yarmouk par l’Etat islamique (EI), au début du mois d’avril, a remis ce quartier palestinien de Damas au centre de l’actualité, pour quelques jours au moins. Il semblerait toutefois que l’on s’y intéresse pour de mauvaises raisons. Comme le relève le chercheur Salam Kawakibi, «cette irruption de Da’ech a de quoi surprendre. Alors qu’on peine à faire entrer un sac de blé à Yarmouk, comment les djihadistes ont-ils pu y pénétrer avec armes et bagages, sans que le régime syrien s’en aperçoive ?» De plus, ce ne sont pas les forces du régime qui ont subi l’assaut des djihadistes, mais bien des rebelles, syriens et palestiniens, qui ne maintiennent leur contrôle que sur une petite partie du camp. Malheureusement, comme le rappelle justement Salam Kawikibi, «les médias ne s’intéressent à la Syrie que lorsqu’il est question de Da’ech».
Le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk aurait dû être sous les feux de l’actualité bien avant l’intrusion du groupe djihadiste, lequel ne représente pas une menace particulière pour le régime syrien à Damas puisqu’il ne compte, dans la capitale, que quelques centaines de combattants. En fait, c’est le sort des Palestiniens de Syrie que cette affaire pose encore une fois. Il n’a pas suffisamment été traité.
Le régime syrien, on le sait, se présente comme un ardent défenseur des causes arabes en général et de la cause palestinienne en particulier. Ce mythe fondateur du système ba’athiste, transmis par héritage à Bachar al-Assad à la mort de son père, est aujourd’hui remis en question par l’engagement des dirigeants syriens dans la répression d’une autre cause arabe, celle de la révolution syrienne. Alors que le pouvoir basait sa légitimité sur sa volonté de «résistance et obstruction» – muqâwama wa-mumâna’a – à Israël, il cherche désormais une nouvelle forme de légitimation dans la «lutte contre le terrorisme», un programme d’action qui séduit beaucoup en Europe et outre-Atlantique.
Pour les Palestiniens dispersés depuis des décennies à travers le monde, cette modification sémantique ne change rien, ni au plan politique, ni au niveau diplomatique. Le régime syrien n’a jamais lutté pour les Palestiniens. Au contraire, il n’a eu de cesse d’instrumentaliser leur lutte nationale dans son intérêt particulier, comme un moyen parmi d’autres de garantir sa propre survie. Durant plus de quarante ans, les autorités syriennes ont maintenu l’état d’urgence dans leur pays en le justifiant par la non-résolution du conflit avec l’Etat hébreu.
La substitution de la «lutte contre le terrorisme» à «la résistance et l’obstruction» n’implique pour les Palestiniens aucun changement positif. Elle ne fait en rien progresser leurs droits et leurs revendications nationales légitimes. En revanche, pour ceux d’entre eux qui résident toujours en Syrie, qui ont été entraînés dans le conflit ouvert en 2011 et qui subissent au côté des Syriens les conséquences d’une répression dont le caractère brutal n’est plus à démontrer, cette modification est lourde de conséquences.
Une situation pré-2011 relativement favorable
L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) estimait, en 2011, qu’un demi-million de Palestiniens résidaient sur le territoire syrien. Ils y étaient arrivés en exil et s’y étaient établis en différentes vagues :
- la première était liée à la Nakba (la Catastrophe) de 1948;
- la seconde avait suivi la Guerre des six jours, en 1967;
- la troisième avait concerné des Palestiniens réfugiés en Jordanie, après les événements de Septembre noir, en 1970;
- la quatrième était composée de Palestiniens réfugiés au sud-Liban, chassés par l’invasion israélienne de 1982;
- la dernière, avait vu affluer en Syrie, au lendemain des guerres du Golfe de 1990 et 2003, des Palestiniens jusqu’alors accueillis en Irak.Il n’existe pas à proprement parler de statut commun à l’ensemble de cette population. Leurs obligations et leurs droits varient en fonction de leurs dates et de leurs conditions d’arrivée. Le statut le plus répandu est celui des réfugiés de 1948. Comparé à la situation des réfugiés palestiniens dans les autres pays d’accueil, ce statut est globalement considéré comme leur étant favorable. La loi 260 de 1956, adoptée avant l’arrivée au pouvoir du parti Ba’ath et maintenue en vigueur, précise ainsi que les Palestiniens bénéficiant de ce statut disposent des mêmes droits et devoirs que le reste des Syriens, à l’exception de celui de participer aux élections et d’y présenter des candidats. L’ensemble des professions, y compris au sein de l’administration – jusqu’à un certain échelon… – leur sont par ailleurs ouvertes. Comme l’ensemble des Syriens, ils sont soumis au service militaire obligatoire, mais ils l’effectuent au sein d’unités spécifiques, formées et entraînées, selon le discours officiel, dans le but de «libérer la Palestine».
Pour les Palestiniens ayant trouvé refuge en Syrie à la suite des affrontements entre l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et le gouvernement jordanien, en 1970-1971, la situation est plus difficile. Nombre d’entre ne disposent d’aucun document officiel. Le vide juridique rend leur situation complexe. Le fait qu’ils ne possèdent ni documents de voyage, ni papiers en règle, limite leur accès au marché du travail. Leur situation est similaire à celle des Palestiniens arrivés d’Irak, à la suite de l’invasion américaine de 2003, dont le nombre est estimé entre 4000 et 5000. Elle se caractérise par une complexité juridique qu’accompagne une vigilance sécuritaire particulière. Ils sont de ce fait privés de nombreux droits.
Malgré tout, de manière générale, le traitement des Palestiniens de Syrie était envié par nombre de leurs compatriotes, notamment ceux réfugiés au Liban. Ce traitement privilégié s’explique en partie par des raisons démographiques, le nombre de Palestiniens résidant en Syrie ne dépassant pas les 3% de la population. De ce fait, les conséquences sociales, économiques et politiques de leur accueil pèsent infiniment moins lourd qu’au Liban ou en Jordanie, dont la population est également plus réduite. Qui plus est, le choix d’intégrer économiquement et socialement les Palestiniens au sein de la société syrienne a contribué – c’était d’ailleurs là l’un de ses objectifs – à limiter l’émergence d’un sentiment identitaire puissant, susceptible de s’institutionnaliser.
La population palestinienne de Syrie est dispersée sur plusieurs régions du pays, répartie entre une dizaine de camps administrés par l’UNRWA et quelques autres implantations informelles. Les choix de résidence des premiers réfugiés ont initialement correspondu à leurs compétences professionnelles. Ceux qui bénéficiaient d’une expérience dans le secteur de l’agriculture ont fait le choix de s’établir dans des régions agricoles, dans les camps de Dera’a, de Sbeineh, de Khan Eshieh, de Khan Dunoun et de Aïn al-Tal à Alep. Les plus urbanisés ont préféré s’établir dans les principales villes du pays, dans les camps de Yarmouk, de Jaramana et de Qabr Essit, à Damas, mais aussi dans les camps de Hama, de Homs et de Neirab à Alep. Ceux qui avaient précédemment exercé des activités dans le domaine maritime, la pêche ou la navigation, se sont établis sur la côte, dans le camp de Raml à Lattaquié. Chacun de ces camps, qui sont devenus au fil du temps de véritables villes ou quartiers «en dur», compte approximativement entre 10’000 et 25’000 habitants. Avec près de 200’000 âmes, le camp de Yarmouk, au sud de Damas, fait exception. Mais une partie non négligeable de sa population est constituée de Syriens.
L’instrumentalisation des factions palestiniennes par le régime syrien
La gestion du dossier palestinien par Hafez al-Assad peut être définie comme une succession d’ingérences, de manipulations et d’agressions, dont les plus marquantes sont l’intervention de l’armée syrienne au Liban en 1975, le massacre de Tal al-Za’atar en 1976, la guerre des camps de la seconde moitié des années 1980 destinée à éliminer l’OLP de Yasser Arafat, etc. Tous ces événements étaient motivés par la volonté de la Syrie de s’approprier le contrôle du leadership palestinien, afin de pouvoir le déléguer à des personnalités fidèles à Damas. Cette stratégie était justifiée au niveau du discours par la subordination de la cause palestinienne à la «cause supérieure arabe». Pour se donner les moyens de ses ambitions, Damas a donc fait le choix d’une politique de division systématique du mouvement palestinien et d’ingérence dans ses débats et affaires internes par le biais de proxys.
Outre l’organisation d’Abu Nidal – tristement célèbre pour son implication dans l’attentat de la rue des Rosiers à Paris, en 1982 –, Damas a pu compter sur le Front Populaire pour la Libération de la Palestine – Commandement général (FPLP-CG), créé et toujours dirigé par Ahmad Jibril, un réfugié palestinien ayant fait ses preuves dans l’armée syrienne. Né d’une scission dans les rangs du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) de Georges Habach, provoquée par des motifs moins idéologiques que par le «nihilisme révolutionnaire» et l’activisme d’Ahmed Jibril, le FPLP-CG a pu opérer librement au-delà des frontières de la Syrie et de la région, sous la supervision et avec le soutien des autorités syriennes. Il est responsable de quelques-uns des attentats les plus marquants de la décennie 1970 : attentat contre un bus scolaire en Israël, bombe dans un avion de la Swissair, prises d’otages répétées… Basé dans la Beqa’a libanaise, afin d’être à même de lutter sur deux fronts, au nord contre Yasser Arafat et au sud contre l’occupation israélienne, le FPLP-CG souffre toutefois de son statut de proxy du régime syrien. Il ne dispose pas d’une véritable base populaire. Mais cela correspond aussi à son choix : il se considère moins comme un parti politique que comme une force paramilitaire. Il compense cette faiblesse par une stratégie d’alliances avec les autres mouvements palestiniens hostiles au Fatah de Yasser Arafat, parmi lesquels le Hamas.
Acronyme arabe du Mouvement de la Résistance islamique, bras armé de l’Association des Frères musulmans palestiniens, le Hamas offre le meilleur exemple de la manière dont le régime syrien – comme le régime iranien d’ailleurs – conçoit son assistance à la résistance armée palestinienne. Chef du Bureau politique du Mouvement, Khaled Mechaal s’établit à Damas en 1999, suite à son expulsion de Jordanie et à un bref séjour au Qatar. Cette alliance peut apparaître surprenante, voire contre-nature, le régime syrien ayant fait de l’islamisme et plus particulièrement des Frères musulmans ses principaux adversaires. Mais elle s’inscrit parfaitement dans la stratégie de division des rangs palestiniens poursuivie durant près de 30 ans par Hafez al-Assad. Il s’agit, dans le cas présent, de soutenir le principal rival du Fatah, de le rendre dépendant de sa relation avec Damas – notamment via un soutien logistique et un rôle d’intermédiaire entre Téhéran et le groupe islamiste – et de le maintenir dans une ligne dure en prévenant toute tentative de normalisation avec Israël. En accueillant le Hamas et en s’en faisant le parrain, le régime syrien entend également capitaliser sur sa posture de «résistant», le groupe islamiste étant, d’une part, fortement implanté à Gaza et en Cisjordanie, et bénéficiant, d’autre part, à la différence du FPLP-CG, d’une popularité indéniable parmi les Palestiniens.
Le soutien au Hamas suscite une certaine sympathie de la part des Palestiniens envers Bachar al-Assad, qui accède au pouvoir en 2000. Le caractère intéressé de cette relation ne leur échappe pas. Mais ils préfèrent voir le pouvoir syrien apporter son soutien à un véritable mouvement populaire qu’à une milice paramilitaire aux aspirations politiques douteuses.
Les Palestiniens de Syrie, en révolution contre les «factions»
Lorsque les premières manifestations populaires éclatent en mars 2011, les Palestiniens de Syrie se retrouvent dans une situation difficile. Craignant d’être encore une fois victimes de bouleversements dans un de leur pays d’accueil, ils font profil bas en prétextant de la neutralité que leur impose leur statut d’hôtes de la Syrie. De plus, comparant leur situation avec celle de leurs frères palestiniens dans les pays voisins, nombre d’entre eux estiment qu’ils n’ont pas de réel motif de prendre part à la contestation.
Mais cette position concerne surtout les réfugiés palestiniens les plus anciennement arrivés. La nouvelle génération, qui est née et a grandi en Syrie, éprouve un sentiment de double appartenance à leur pays d’origine et à leur pays d’accueil. Les premiers Palestiniens à prendre part aux manifestations, aux côtés des Syriens, font partie de cette catégorie d’âge.
Ils sont incités à rejoindre les rangs de la contestation par la poursuite de la politique stérile et provocatrice du régime syrien vis-à-vis des Palestiniens. Deux événements, similaires dans leur orchestration et dans leur visée, vont attiser leur colère, aussi bien vis-à-vis du régime que des factions palestiniennes qui ont avec lui partie liée. Le premier a lieu à l’occasion de la commémoration des 63 ans de la Nakba, le 15 mai 2011. Une manifestation est organisée ce jour-là par le régime sur le Golan, à la limite de la ligne de démarcation séparant le Golan syrien de sa partie occupée par Israël depuis 1967. Des manifestants sont poussés à provoquer les forces israéliennes, en franchissant la frontière en direction de la ville de Majdal Chams. Les militaires israéliens répliquent, tuant quatre personnes. Leurs funérailles, dans le camp de Yarmouk, donnent lieu à une grande manifestation qui rassemble les différentes factions palestiniennes.
Moins d’un mois plus tard, le 5 juin, une nouvelle manifestation est organisée sur les hauteurs du Golan. Les mêmes débordements ont lieu, mais le bilan est plus lourd. La confrontation se solde par la mort de 23 personnes. Les funérailles organisées le lendemain dans le camp de Yarmouk font à nouveau l’objet d’importantes manifestations. Mais, cette fois-ci, c’est contre ces mêmes factions palestiniennes que la population du camp exprime son mécontentement. Elles sont accusées d’avoir joué le jeu du pouvoir syrien en envoyant à la mort des jeunes gens, dans l’unique but de servir la propagande médiatique du régime et sa dialectique de «résistance». Le mécontentement ne se limite pas aux slogans – «le peuple veut la chute des factions», «un, deux, où est l’armée syrienne» – puisque les locaux du FPLP-CG, en pointe dans l’organisation des manifestations du Golan, sont incendiés, en réponse à des tirs contre les protestataires qui feront 14 morts.
Au cours des mois suivants, la situation sécuritaire se «stabilise» dans le camp de Yarmouk. Mais c’est au niveau politique que le divorce entre Bachar al-Assad et certaines factions palestiniennes se fait sentir. Le Hamas adopte des positions de plus en plus favorables à la révolution syrienne. Alors que, durant les premiers mois de contestation, le mouvement islamiste, dont le leadership est hébergé à Damas, s’est abstenu de critiquer la répression du régime syrien tout en n’affichant de soutien à aucune des parties, au nom de la non-ingérence, il change radicalement de cap. Khaled Mecha’al abandonne d’abord ses locaux de Damas pour s’installer au Qatar. Puis, au mois de février 2012, Ismaïl Haniyeh, Premier ministre du gouvernement palestinien, déclare depuis la mosquée d’al-Azhar, au Caire : «Je salue toutes les nations du Printemps arabe. Je salue l’héroïque peuple syrien qui lutte pour la liberté, la démocratie et les réformes». Depuis lors, l’engagement du Hamas en faveur des révolutionnaires ne s’est pas démenti. Il s’est uniquement atténué au fil du temps, le Mouvement de la Résistance islamique cherchant à ne froisser ni l’Iran, ni le Hezbollah libanais, ses principaux soutiens. Cela ne l’empêchera pas d’entretenir des relations avec certains groupes armés, notamment ceux qui émergent dans le camp de Yarmouk. (Par Frantz Glasman A suivre)
Frantz Glasman est doctorant en Sciences Politiques. Article publié sur le site Un oeil sur la syrie, en date du 5 avril 2015
le 12 - avril - 2015Lire la suite: -
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Camp de Yarmouk : "Mourir entre les mains du régime syrien ou entre celles de l’EI"
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Syrie : les Palestiniens se mobilisent pour le camp de Yarmouk
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Pour le Trio Joubran, « être artiste, c’est résister »
L’Orient le Jour, mercredi 8 avril 2015 -
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Cri de ralliement pour les déplacés du camp Yarmouk (Le devoir.ca)
Une grande mobilisation pour la sécurité des réfugiés palestiniens à Damas s’organise, après leur évacuation
Ramallah — Manifestations, appel de personnalités, déplacement à Damas d’un dirigeant de l’OLP : les Palestiniens se sont mobilisés lundi pour le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk en Syrie, pris en étau entre les troupes syriennes et le groupe État islamique.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a en outre réclamé que les agences humanitaires puissent avoir accès aux milliers de Palestiniens bloqués dans le camp afin qu’ils puissent être évacués en toute sécurité.
Un haut cadre de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Ahmed Majdalani, a expliqué à l’AFP être en route pour Damas pour discuter avec des responsables du gouvernement syrien des « moyens d’offrir une protection à notre peuple à Yarmouk ». « Le gouvernement est la partie principale, c’est lui qui est responsable de la sécurité en Syrie et qui est concerné dès lors qu’il s’agit de protéger le camp », a-t-il estimé.
Camp assiégé
L’OLP a appelé « tous les mouvements à se mettre d’accord immédiatement pour protéger le camp des tentatives d’en faire un champ de bataille ». Elle rappelle en outre « l’obligation d’éloigner les civils via des couloirs sécurisés et d’autoriser l’entrée immédiate d’une aide humanitaire et médicale d’urgence ».
Cet appel a été soutenu par les mouvements présents à Gaza — des islamistes à la gauche — qui, dans un communiqué commun, ont demandé à « s’accorder avec la délégation de l’OLP sur une position commune pour tenir les camps à l’écart [du conflit] et ne pas interférer dans les affaires syriennes ».
L’OLP a organisé ces derniers jours l’évacuation de 2000 personnes de Yarmouk, qui comptait encore la semaine passée quelque 18 000 habitants. Assiégés depuis plus d’un an par l’armée syrienne, les habitants de ce camp situé à environ sept km du centre de Damas souffrent de pénuries de nourriture, d’eau et de médicaments.
Selon M. Majdalani, c’est parce que son emplacement aux portes de la capitale est « stratégique » que le groupe EI tente de le prendre « pour y installer des bases d’où il peut lancer ses attaques ». Mais, a-t-il prévenu, « nous ne voulons pas que notre peuple paie le prix d’une bataille qui n’est pas la sienne ».
Le groupe armé État islamique a lancé mercredi une offensive sur le camp avec l’aide de djihadistes du Front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Ils en contrôlent désormais une grande partie après plusieurs jours d’affrontements contre des combattants palestiniens, qui ont fait une trentaine de morts.
Dans le même temps, l’armée syrienne a renforcé son siège autour de Yarmouk et mène des raids aériens réguliers sur le camp, dans lequel elle n’est jusqu’ici pas entrée.
Manifestation
Dans la bande de Gaza, des dizaines de personnalités politiques, dont les députés du Hamas, se sont rassemblées devant le Parlement pour demander aux belligérants d’arrêter immédiatement les tueries. Il faut que Yarmouk « soit un lieu neutre, à distance de la folie de la guerre », a lancé Mohamed Faraj al-Ghoul, un dirigeant du mouvement islamiste.
Dans le même temps, une centaine de femmes ont manifesté devant un bureau de l’ONU à Gaza pour, selon une participante, « lancer un appel aux pays arabes et à l’ONU pour qu’ils aident Yarmouk ».
Des jeunes Palestiniens ont également bloqué l’entrée de la Croix-Rouge à Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël. Sur la porte qu’ils ont cadenassée, ils ont accroché des pancartes de soutien aux habitants de Yarmouk abandonnés selon eux par la Croix-Rouge, a rapporté un photographe de l’AFP
7 avril 2015
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Contre DAESH et Al-Assad (Lcr.be)
Appel urgent à la solidarité internationale avec les populations syrienne et kurde
La situation en Syrie reste dramatique. Le pouvoir dictatorial continue à massacrer son peuple sans gêne, les groupes terroristes djihadistes continuent à semer la mort là où ils passent. Quant aux populations civiles, tant syrienne que kurde, piégées entre ces groupements d’hommes armés, elles sont condamnées à payer un lourd tribu pour avoir réclamé la liberté et la justice sociale.
La solidarité internationale tarde à se manifester.
Le bilan de la dernière attaque des escadrons de la mort de l’Etat islamique (DAESH) les 30 et 31 mars dernier contre le village de Maboujah, dans la banlieue est de Salmyah à Hama, fait état d’une cinquantaine de morts dont des femmes et des enfants et de dizaines de blessés.
Les groupes terroristes ont attaqué le petit village de plusieurs endroits et se sont acharnés sur les humbles citoyens laissés pour compte. Ils ont exécuté plusieurs personnes sur-le-champ, dont certaines battues à mort ou brûlées vives, avant de se livrer au pillage de dizaines d’habitations, mettant le feu à plusieurs autres. Ils ont ensuite emporté plusieurs femmes avec eux.
Les populations des villes et villages rebelles vivent toujours sous la menace des incursions des groupes terroristes ou des bombardements aveugles du régime sur des quartiers d’habitation. Ces jours-ci elles redoutent que le scénario de Maboujah ne se reproduise à Salmyah. Déjà le mois de mars dernier les groupes terroristes ont attaqué la localité d’al-Qanafez dans la banlieue est de Salmyah ; cette incursion s’est soldée par plusieurs morts et blessés.
Après quatre années du déclenchement de la révolution syrienne, l’on comptabilise 215 518 morts dont le tiers sont des civils parmi lesquels plus de 10 000 enfants . Il y a plus de 3 millions de réfugiés et presque un tiers de la population totale (soit plus de 6,5 millions de personnes) est déplacée dans son propre pays. Les réfugiés syriens survivent dans des conditions très précaires et manquent de tout. Ceux qui ont réussi à atteindre le continent européen sont confrontés à des obstacles énormes pour obtenir l’asile et la protection quand ils ne sont pas contraints au retour forcé, et leur situation dans les pays voisins (Liban, Egypte…) n’est pas meilleure.
Les puissances internationales et leurs alliés dans la région sont scandaleusement engagés aux côtés du régime dictatorial d’Al Assad, ou dans les meilleurs des cas sont en train de chercher une « sortie politique » dont Assad et son régime feraient partie, alors que leurs armes parviennent facilement entre les mains des divers groupes terroristes qu’ils entendent combattre ! Ces dernières semaines, tout le monde en est bien informé, les puissances impérialistes et leurs alliés dans la régions s’inquiètent plus de la situation au Yémen et de la « montée en puissance » des houthis plus que de l’expansion de DAESH qui a mis sous son contrôle des pans entiers des territoires syrien et irakien, réduit en esclavage des milliers de personnes, surtout des femmes, et menace d’égorger d’autres populations.
Suite au massacre terrible dans la village de Maboujah, des militants révolutionnaires et des activistes de la banlieue et la ville de Salmyah qui craignent pour leur sécurité et celle de leurs familles ont lancé un appel à toutes les forces progressistes pour qu’ils affirment leur solidarité et leur soutien au peuple syrien et à ses aspirations justes.
Plus que jamais, les militant.e.s et les organisations révolutionnaires et progressistes et les peuples du monde entier doivent affirmer leur solidarité avec la lutte et la résistance des masses populaires syriennes qui se sont soulevées pour la dignité, la liberté et la justice sociale. Seule la solidarité internationale peut aider à relancer le processus révolutionnaire.
Nous appelons à construire cette solidarité afin de consolider la lutte contre le régime dictatorial d’Al-Assad et ses alliés dans la région et ailleurs et contre les groupes djihadistes obscurantistes jusqu’à leur démantèlement.
A bas le régime dictatorial !
A bas les groupes djihadistes terroristes ennemis de l’émancipation de peuples.
Oui à toutes les formes d’aide pour l’auto-organisation et l’autodéfense des masses populaires syriennes !
Oui à toutes les formes d’aide et de solidarité pour la relance du processus révolutionnaire !
Vive la solidarité internationale !
Le secrétariat national de la LCR-SAP
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L’Association Solidarité Syrie (association enregistrée en France) a pour objectif d’apporter son aide au Courant de la Gauche Révolutionnaire.
Coordonnées du compte de l’association:
http://www.lcr-lagauche.org/contre-daesh-et-al-assad-appel-urgent-a-la-solidarite-internationale-avec-les-populations-syrienne-et-kurde/
SOLIDARITE SYRIE
LIEU DIT LA VOLINIERE
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Assad et Daesh unis contre les Palestiniens de Damas (Rue 89)
Le camp palestinien de Yarmouk, dans la banlieue sud de Damas, comptait au moins 100 000 résidents au début de la crise syrienne.
Les différentes factions palestiniennes sont parvenues à le préserver durant plus d’un an de l’escalade militaire qui gagnait peu à peu le reste de la capitale. Mais le bombardement aérien du camp par l’aviation d’Assad en décembre 2012, officiellement « par erreur », a précipité Yarmouk dans l’horreur du conflit.
Depuis juillet 2013, l’armée syrienne et les milices chiites qui lui sont alliées (Hezbollah libanais et mercenaires irakiens) ont imposé à Yarmouk un siège d’une extrême sévérité. La population du camp est tombée en-dessous de 20 000 personnes, dont les ressources se sont épuisées avec la poursuite du blocus. Les premiers cas de morts de faim ont été rapportés en décembre 2013.
Les organisations humanitaires estiment aujourd’hui qu’au moins 166 personnes ont péri de la faim à Yarmouk. Ce chiffre ne prend pas en compte les civils abattus par les snipers du régime lors de leur quête désespérée de nourriture, ni les victimes de séquelles désormais irréversibles d’une sous-alimentation prolongée. Les appels répétés de l’ONU, formellement responsable de ce camp de réfugiés, n’ont débouché que sur des distributions ponctuelles d’aide humanitaire, et non sur la levée d’un blocus aussi meurtrier.
« On aura Bachar et les djihadistes »
J’écrivais en décembre 2013, à propos de Yarmouk, que « à jouer Bachar contre les djihadistes, on aura Bachar et les djihadistes ».
Cette sinistre prédiction s’est réalisée avec l’offensive éclair menée par les djihadistes de Daesh, le 1er avril 2015, qui leur a permis d’occuper la plus grande partie du camp de Yarmouk. Il est impossible que les partisans de Baghdadi, absents de Yarmouk comme de la banlieue de Damas, aient pu ainsi investir un camp hermétiquement assiégé sans une complicité active du régime Assad.
Le despote syrien, dont le machiavélisme force l’admiration de certains, fait ainsi d’une pierre deux coups : il escompte briser par le truchement de Daesh la résistance de Yarmouk, inébranlable malgré les terribles souffrances de la population ; il met en scène la menace djihadiste à quelques kilomètres du centre de Damas, afin de se poser une fois encore comme moindre mal face à ce péril, alors même que, dans le nord-ouest de la Syrie et à la frontière jordanienne, il vient d’essuyer de très sérieux revers militaires.
Aux dépens des forces révolutionnaires
On ne répètera jamais assez que les territoires conquis par Daesh l’ont été aux dépens des forces révolutionnaires, et non du régime Assad. Ce qui était déjà vrai dans le reste de la Syrie l’est aussi à Yarmouk de manière tragiquement caricaturale : la contre-offensive menée par les factions palestiniennes et révolutionnaires contre Daesh, depuis le 2 avril 2015 à Yarmouk, est en effet la cible des pilonnages du régime Assad et des attaques de ses supplétifs.
Assad et Daesh ne sont que les deux faces du même monstre. Les activistes syriens le martèlent sur tous les tons, sans jamais négliger l’arme de l’humour. Le camp de Yarmouk, bombardé, affamé, mais toujours insoumis, est dorénavant livré par Assad à la terreur djihadiste. Le silence qui entoure une telle barbarie en dit long sur le monde dans lequel nous vivons.
Face à cette culture de mort, à ce culte de la mort, qui sont partagés par Assad et Daesh, les habitants de Yarmouk opposent leur volonté de vivre, envers et contre tout. Cela s’appelle la résistance, celle du pianiste Ayham Ahmed, toujours assiégé dans Yarmouk, celle des frères Mohammed et Yasser Jamous, rappeurs désormais réfugiés en France.
N’abandonnons pas Yarmouk une fois de plus à ses bourreaux.
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"Depuis l’arrivée de l’EI à Yarmouk, on vit cloîtrés" (Afps)
Dans le camp de Yarmouk, près de Damas, de violents combats ont éclaté entre des groupes armés palestiniens et les jihadistes de l’organisation de l’État islamique qui ont pénétré dans la zone mercredi. Une situation qui paralyse un peu plus encore les habitants qui vivent depuis des mois dans des conditions humanitaires désastreuses.
Les jihadistes sont parvenus à s’emparer mercredi d’une grande partie du camp de réfugiés palestiniens. Des groupes armés palestiniens, dont celui d’Aknaf Beit al-Maqdess proche du mouvement islamiste Hamas, ont alors lancé une contre-offensive contre l’organisation jihadiste et réussi à reprendre certains secteurs du camp, a indiqué Anouar Abdelhadi, un représentant de l’OLP à Damas cité par l’AFP.
Selon lui, six personnes ont été tuées et 17 blessées dans ces affrontements. Yarmouk est assiégé depuis plusieurs mois par les forces du régime syrien qui essaye de chasser les groupes rebelles du camp. Ils sont 18 000 à souffrir de pénuries de nourriture, d’eau et de médicaments.
"Personne n’ose plus distribuer les aides"
Ahmed est un réfugié palestinien de Yarmouk.
"Les conditions de vie étaient déjà difficiles dans les camps depuis plusieurs mois, mais là c’est intenable. Il y a des tirs et des snipers partout, je n’ai pas osé mettre le nez dehors depuis deux jours. Pour s’approvisionner en eau, nous avons l’habitude de remplir des jerricanes dans des puits dans certains quartiers du camp mais ces endroits sont devenus trop dangereux. Mercredi, un ami photographe, Jamal Abou Khalifé, a été tué alors qu’il couvrait ces combats. C’est désolant, il était jeune et plein d’espoir."
"Le seul hôpital qui était tenu par les volontaires du Croissant-Rouge a été évacué mercredi [Selon certaines sources, il serait dans une zone désormais contrôlée par les jihadistes de l’organisation État islamique] car il a été touché par des tirs d’obus.
La distribution des denrées alimentaires est également interrompue. Des ONG ont fait parvenir des aides à l’intérieur du camp hier mais personne n’a osé les distribuer car le point de distribution est situé dans la rue de la Palestine où les combats ont lieu aujourd’hui."
"C’est vraiment dommage parce la situation commençait à s’améliorer ces dernières semaines et les aides de l’ONU étaient distribuées trois fois par semaine depuis le 5 mars [les autorités syriennes avaient interrompu l’acheminement de l’aide humanitaire en décembre 2014 en raison d’affrontements entre des factions palestiniennes proches du régime et des groupes d’insurgés retranchés dans le camp, notamment des combattants du groupe jihadiste Jabhat al-Nosra, ndlr]."
Omar K. est secouriste. Il travaille dans un dispensaire improvisé depuis le début des combats. Dans ce centre médical, trois personnes sont mortes sous ses yeux.
Personne ici ne souhaite que les jihadistes de l’EI prennent le contrôle du camp. C’est vrai que des formations islamistes comme de Jabat al-Nosra sont présentes depuis plusieurs mois ici, mais ils ne persécutent pas les gens comme le fait l’organisation de l’EI ailleurs. Par exemple, ils n’ont pas interdit la vente de tabac. En revanche, ils sont inflexibles avec le blasphème [en janvier 2015, l’organisation Jabat al-Nosra avait exécuté un jeune accusé de blasphème].
Les combats ont lieu un peu partout dans le camp mais les jihadistes de l’EI contrôlent déjà toute la zone ouest au niveau de la rue Loubya ainsi que la zone est. Ils ont aussi coupé les accès vers les quartiers de Yelda et Babila jouxtant le camp à l’ouest, et où les habitants se rendent régulièrement pour acheter de la nourriture. Si ces combats continuent, on court vers une véritable catastrophe quand les habitants auront épuisé leurs stocks de nourriture.
France 24, vendredi 3 avril 2015
http://www.france-palestine.org/Depuis-l-arrivee-de-l-EI-a-Yarmouk-on-vit-cloitres
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20150402-syrie-yarmouk-camp-palestiniens-damas-etat-islamique/
Commentaire: Il en ressort que chassés un temps par les rebelles (dont le Hamas) ils sont revenus.
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Syrie: le groupe EI envahit le camp palestinien de Yarmouk, proche de Damas (Afps)
- Une photo de la foule attendant la distribution de nourriture à Yarmouk, le 31 janvier, prise par un membre de l’UNRWA.
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- Les combattants du groupe Etat islamique contrôlent le camp palestinien de Yarmouk, près de Damas, du moins en grande partie. L’offensive s’est déroulée mercredi 1er avril au matin et, selon plusieurs sources, les jihadistes ont pris position dans plusieurs des principales artères de ce camp situé à moins de huit kilomètres du centre de Damas.
Jamais depuis l’émergence de l’organisation Etat islamique en 2013, celle-ci ne s’était autant approchée, les armes à la main, du centre de Damas. L’offensive a été menée depuis une localité voisine du camp. Elle a permis aux combattants de l’Etat islamique de prendre le contrôle d’une grande partie du camp de Yarmouk.
Des centaines de combattants ont lancé une attaque surprise en direction du camp à partir du quartier voisin de Hajar al-Aswad. Ils ont profité de la complicité de plusieurs groupes jihadistes liés au Front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda, qui leur ont secrètement prêté allégeance. Dans leur progression, ils ont balayé une milice locale liée au Hamas palestinien, appelé Aknaf Beif al-Maqdas. Les combats se poursuivent dans certains points, mais la majeure partie de Yarmouk est tombée entre leurs mains.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), qui dispose d’un vaste réseau d’informateurs sur le terrain, c’est un groupe proche du Hamas qui tente de résister aux assaillants jihadistes.
L’armée syrienne, qui encercle le camp de trois côtés, a réagi à ce grave développement sur le terrain en bombardant à l’artillerie et avec l’aviation plusieurs secteurs de Yarmouk.
Le camp de Yarmouk est le plus grand camp de réfugiés palestiniens en Syrie.
Avant la révolution de 2011, il comptait près de 160 000 habitants. Il n’en compte désormais plus que 18 000. Resté neutre durant la première année de la guerre civile, le camp avait ensuite pris fait et cause pour la rébellion. Et depuis 2013, ses habitants souffrent de pénuries de nourriture, d’eau et de médicaments, en raison du siège imposé par le régime syrien.
RFI, jeudi 2 avril 2015
http://www.france-palestine.org/Syrie-le-groupe-EI-envahit-le-camp-de-Yarmouk-proche-de-Damas
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La résistance syrienne, toujours (Npa)
Comme cadeau d’anniversaire pour les quatre ans de l’insurrection syrienne, le gouvernement des États-Unis par la voix de John Kerry, a laissé entendre qu’un compromis serait souhaitable avec Bachar Al-Assad.Même si Kerry a tenté de noyer le poisson ensuite, les USA (comme la Russie) louvoient pour retrouver leur leadership et étouffent les aspirations des peuples à la liberté, la justice sociale et la dignité.Ces objectifs étaient au cœur du soulèvement provoqué par la sauvagerie et la politique néolibérale du régime de Bachar Al-Assad, responsable ensuite de l’immense majorité des 215 000 mortEs recensés, des villes rasées, des millions de déplacéEs. Très affaibli en 2012, le régime a trouvé son salut dans l’aide décisive du régime iranien, du Hezbollah libanais et de la Russie de Poutine.Mais les révoltés syriens ont aussi été trahis par leurs faux « amis » qui ont permis l’émergence d’un deuxième front d’oppression. L’État islamique/Daech est un cas d’école : créé par Al-Qaïda et les sbires de Saddam Hussein en Irak, mis en selle par le régime syrien, financé par les monarchies pétrolières et la Turquie, légitimé par les attaques américaines, pendant que les démocrates n’étaient encouragés que verbalement. Le monstre ayant échappé à tous ses créateurs, il justifie maintenant de nouvelles manœuvres prétendant le contrecarrer.
La révolution syrienne continue pourtant de s’exprimer de multiples façons, à Damas et d’autres villes contrôlées par le régime, par une vague de protestations ; dans le sud, par la résistance armée pluraliste ; dans le nord, autour de Kobané, en alliance militaire avec les kurdes du PYD ; à Idlib et à Alep par les mobilisations autant contre le régime que contre les islamistes qui ont pris le pouvoir. Et on a vu à Alep la difficulté à parvenir à une simple trêve permettant la survie des populations.Les 14 et le 15 mars, nous étions au côté des Syriens mobilisés dans leur pays comme à l’étranger, pour la liberté et la justice en Syrie, contre Assad et contre Daech, contre l’abandon des réfugiéEs et l’accaparement des aides humanitaires par le régime, cela sous l’égide d’institutions internationales indifférentes à « ceux d’en bas ».Jacques Babel
Mercredi 18 Mars 2015Crédit Photo:DR -
Syrie. Les photos de César commencent à parler (A l'Encontre.ch)
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Après avoir provoqué un choc par ce qu’elles confirmaient – plus qu’elles ne révélaient – des pratiques barbares du régime de Bachar al-Assad, les photos prises et rendues publiques par l’ancien photographe de la Police militaire syrienne surnommé César ont commencé à parler. Chaque jour plus nombreux, des noms sont mis sur les visages déformés par la douleur ou émaciés par la faim.
Encouragés par l’initiative de «l’Association syrienne pour les disparus et les détenus d’opinion» (SAFMCD), qui a entrepris de mettre progressivement en ligne – 3709 l’étaient au 13 mars courant – les moins choquants de ces terribles documents, en regroupant les victimes, pour en faciliter l’identification, en fonction du service de moukhabarat ou de la branche des services de sécurité qui les avait enlevées, les habitants de Darya ont annoncé avoir reconnu parmi elles plusieurs dizaines de leur Vingt trois ont été clairement identifiés. Une dizaine d’autres, dont les traits ont été altérés par les coups, les souffrances et les privations, seraient également originaires de cette grosse municipalité de la proche banlieue de Damas.
Parmi eux figurent le cheykh Nabil al-Ahmar, imam de la Mosquée Anas bin Malek, qui avait encouragé les jeunes de la ville à manifester, et un important activiste répondant au nom d’Ahmed Olayyan, dont l’influence sur les protestataires pacifiques avait été considérable. Tous deux avaient été arrêtés lors de l’attaque de la ville menée en août 2012 par les forces régulières. Cette attaque s’était soldée par plus de 800 morts, parmi lesquels des femmes et des enfants, et par des centaines de blessés.
Cette affaire «le plus grand massacre depuis le début de la guerre», selon L’Express – n’avait pas suscité beaucoup d’émoi, le régime ayant mobilisé tous les moyens habituels de sa propagande pour tenter d’imputer aux rebelles, comme à Houla quelques mois plus tôt, les méfaits de ses soudards. Aujourd’hui, près de 10’000 habitants de Daraya, parmi lesquels des femmes, sont encore emprisonnés.
D’autres victimes photographiées par César ont ailleurs été identifiées. C’est le cas du jeune Fadi al-Qoudaiïmi, originyaire d’al-Rahiba, un gros village situé au nord du gouvernorat de Damas campagne, dont l’histoire met en lumière le cynisme des agents du régime. Jeune marié, l’intéressé avait été enlevé lors d’une rafle menée dans le village le 9 mars 2013. Après avoir saccagé la maison familiale et l’avoir violemment battu sous les yeux de sa femme et de sa mère, les forces de sécurité l’avaient emmenée avec elles en compagnie de son père, de son frère, de proches et de voisins. Son père et son frère avaient été libérés quelque temps plus tard. Dans l’espoir d’obtenir aussi sa libération, sa femme avait payé une forte somme d’argent à un intermédiaire qui prétendait pouvoir le faire sortir de prison. Avec des complices, il avait tiré tout ce qu’il pouvait de cette famille, dont le chef était malade et qui manquait de moyens.
Ses proches avaient fini par entendre dire que Fadi était mort en détention. Mais ils n’étaient parvenus à obtenir ni la restitution de sa dépouille, ni l’acte de décès dont sa femme avait besoin pour régulariser à la fois son mariage et la situation de la petite fille qu’elle avait mise au monde après l’arrestation de son mari. Alors qu’elle avait dû se résoudre encore une fois à graisser la patte à un fonctionnaire, elle avait entendu dire que, peut-être…, finalement…, son mari pourrait être encore en vie dans l’une des geôles du pouvoir. Cela pouvait évidemment expliquer le refus des autorités de restituer à sa famille le corps du jeune homme.
Malheureusement, la famille avait dû se rendre à l’évidence en découvrant, comme des dizaines d’autres familles de disparus à travers toute la Syrie, la photo de celui qu’elle recherchait parmi celles des milliers de victimes mises en ligne sur le site de l’Association pour les Disparus et les Détenus d’Opinion.
Quelques jours après le début de cette opération, ce sont près de 90 victimes qui ont été identifiées dans le seul gouvernorat de Damas campagne. Outre Daraya (36) et al-Hasiba, elles étaient originaires des villes ou des quartiers de Doummar (17), Zabadani (15), Qatana (8), Kanaker (7), Ma’damiyet al-Cham (5) et Qoudsaya (1). Mais ces chiffres sont encore loin d’être définitifs, ne serait-ce que parce que seul un tiers des clichés a pour l’heure été posté.
D’autres associations ont été créées en Syrie et des pages ouvertes sur Facebook pour aider les familles à retrouver leurs proches, comme «Disparus et morts anonymes» qui s’est fixé pour objectif de publier les photos des Syriens et Syriennes enlevés et tués par les services de renseignements dans le secret de leurs prisons et celles de leurs compatriotes non identifiés après leur décès. D’autres espèrent, en contribuant à la diffusion des photos de César, pousser les Etats démocratiques et les organisations de défense des Droits de l’Homme à tout mettre en œuvre pour «stopper la machine à tuer de Bachar».
Ou, mieux encore, pour que justice soit faite et obtenir la mise en accusation du «traître qui tue son peuple» devant une cour pénale internationale pour «crimes contre l’humanité».
le 18 - mars - 2015 Par Ignace Leverrier