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Vidéos - Page 3

  • Le groupe de rap « Ewlade Leblade » défie le président mauritanien (Afriques en Lutte)

    https://www.youtube.com/watch?v=st7mvB2kP2U

    Le groupe de rap « Ewlade Leblade » défie le président mauritanien

    Nos amis du site mauritanien « Cridem » donnent la parole à des musiciens de rap en rupture avec le président Mohamed Ould Abdel Aziz.

    En effet, un des parents du Président mauritanien et un de ses conseillers ont tenté, par un grossier chantage, de forcer ce groupe de rap, Ewlade Leblade, d’écrire un morceau en faveur du régime en place depuis 2008 et qui a fait main basse sur les richesses du pays et piétine les droits élémentaires. Mais de telles courbettes allaient totalement contre l’éthique de ces musiciens qui ont refusé catégoriquement de répondre à cette demande.

    Du coup, leurs faits et gestes sont surveillés et leurs habitudes quotidiennes traquées (écoute téléphonique, suivi et renseignement près de nos proches etc.). Un des membres de leur groupe du nom d’Hamada s’est même retrouvé pendant deux mois dans la prison de Nouakchott enfermé avec les terroristes les plus dangereux du pays.

    Voici comment ces rappeurs expliquent et justifient leur engagement dans un clip et dans un texte dont nous publions des extraits, une charge sans concessions contre la nature profonde du régime mauritanien.

    La rédaction de Mondafrique

    « Vous n’êtes pas plus mauritaniens que nous »

    « Le clip dénonce différentes affaires passées sous la trappe ou du moins sur lesquelles personne n’a voulu s’attarder (…) Nous ne livrons que les informations dont nous sommes sûrs

    Le gâteau en forme de la Mauritanie et aux couleurs nationales n’est autre qu’une image pour représenter la répartition des richesses par les personnes qui dirigent le pays. L’image est choisie pour bien montrer que les richesses du pays sont découpées et partagées comme s’il s’agissait d’un gâteau, un gâteau qui pour le manger, on doit être invité à cette table. Une des personnes autour de la table prend 60% du gâteau pour symboliser la distribution inégale entre les mêmes personnes autour de la table. Ce symbole fort, n’est pas une insulte à notre nation car vous n’êtes pas plus mauritaniens que nous, mais une personnification de ce qui se passe aujourd’hui en Mauritanie.

    Deux portraits du président brulés

    Lorsqu’on brûle la photo du président, on parle de l’atteinte à l’éthique et la morale mais lorsque l’un de nos membres est mis en prison et accusé à tord de violeur et de vendeur de drogue, cela ne choque personne. Certains vont même avancer que cette hypothèse est possible, tout ça pour contenter le chef de d’Etat qui est dernière toute cette mascarade. Il a beau nié cela mais lorsque l’un de ses proches se permet de semer la terreur auprès des jeunes et que les forces de l’ordre jouent de leur pouvoir, il n’a d’autre mot que l’usage abusif du pouvoir pour qualifier de tels agissements.

    Voilà l’image que vous donnez à la jeunesse mauritanienne. Et nous n’acceptons pas que vous vous permettez de salir notre nom pour embellir le vôtre. Pour les défenseurs du président et ceux qui ont pu être offensé par notre clip, sachez que ce que vous avez ressenti lorsque vous avez vu le portrait du Président brûlé et le sentiment que nous avons eu suite aux fausses accusations portées sur notre groupe et Hamada.

    Pour ceux qui n’ont toujours pas compris que le rap n’est pas là pour chanter les louanges des personnes mais pour dénoncer les problèmes sociaux, tels que la pauvreté, le racisme, le chômage et l’exclusion. Nous avons pendant des années travaillé dans ce sens mais après un premier mandat sans aucun changement positif, nous avons fini par comprendre que la seule personne responsable de tous les maux des citoyens n’est autre que le chef d’Etat et son gouvernement mafiosi.

    « Alors nous chantons »

    Nous n’avons pas utilisé la violence physique, mais l’art pour exprimer notre colère et la frustration d’une majeure partie de la jeunesse, c’est une réalité que cela plaise ou non. Nous ne vivons pas dans le fictif, alors nous chantons, et continuerons à rapper le mal-être de notre société.

    « La colère est une haine ouverte et passagère ; la haine, une colère retenue et suivie » (C.D.P), comme le dit Izak « Nous sommes en colère, en colère parce que personne ne réagit devant notre injustice, en colère car on nous traite comme des moins que rien alors qu’on était les premiers à avoir cru qu’il y aura un changement, à avoir espéré que celui qui s’est dit « Président des pauvres » allait respecter ses engagements. Nous ne sommes pas les premiers ni les derniers à être tombé dans le panneau. Mais tous ça, c’est fini, nous n’accepterons pas de subir la terreur et les menaces. Et si Dieu le veut, nous retournerons dans notre pays, car il n’est pas plus mauritanien que nous. »

    Sachez une chose, c’est que nous sommes l’avenir de demain. Aujourd’hui, la jeunesse n’a pas froid aux yeux et que nous seront prêts à tout pour avoir nos droits. 9 mars 2016 

    Source : http://www.mondafrique.com

    http://www.mondafrique.com/groupe-de-rap-ewladeleblade-defie-president-mauritanien/

    http://www.afriquesenlutte.org/mauritanie/article/le-groupe-de-rap-ewlade-leblade

  • Homeland

    *

    « Homeland : Irak année zéro », un chef-d’œuvre documentaire 

    La fresque documentaire d’Abbas Fahdel nous plonge au cœur de la société irakienne et de son vécu de l’invasion américaine en 2003. Un témoignage inestimable, qui éclaire aussi notre présent.

    Il aura fallu dix ans à Abbas Fahdel, personnellement touché par la guerre, pour s’atteler au montage de Homeland : Irak année zéro, documentaire en deux parties sorti en salles le 10 février [1].

    Le réalisateur irakien, qui vit à Paris depuis les années 80, a filmé sa famille et leurs proches en Irak juste avant et juste après l’invasion américaine de 2003. La première partie du film, « Avant la chute », raconte la mise en tension progressive d’une société suspendue au déclenchement de la guerre. La seconde, tournée juste « Après la bataille », illustre la violence et les injustices de l’occupation, témoignant de cet instant où la population bascule sans retour dans le rejet de la présence américaine.

    Du particulier à l’universel

    La grande force de Homeland, qui en fait un document historique unique et l’antidote idéal à American sniper, est de raconter la guerre non pas du point de vue occidental, accompagné de ses habituelles représentations stéréotypées, mais du point de vue de la société irakienne elle-même, celui d’une famille des classes moyennes de Bagdad.

    Animé d’un souci quasi-ethnographique, Abbas Fahdel dépeint la vie quotidienne des irakiens – discussion autour d’un thé, traversée des souks, rires et jeux des enfants... – abolissant tout sentiment d’altérité entre "eux" et "nous". Rapidement, cette famille qui pose de l’adhésif sur les carreaux de ses fenêtres en prévision des bombardements, est déjà un peu la nôtre.

    La nature réelle de l’invasion, celle d’un crime contre l’humanité conduit à grande échelle – et pour des motifs fabriqués de toutes pièces – quitte alors le domaine de la simple évidence logique pour percuter avec force l’affect du spectateur. Par effet d’identification, l’agression vécue par les Irakiens, l’invasion puis l’occupation d’un pays bientôt à feu et à sang, prennent une portée universelle, qui la rend d’autant plus insupportable. Le film, sans aucune idéalisation de l’ancien régime, montre une société riche et complexe, qui rêvait d’un avenir meilleur. Autant de vies et d’espoirs atomisés par une guerre qui causera plusieurs centaines de milliers de morts [2], et plusieurs millions de déplacés.

    L’urgence de comprendre

    À l’heure où certains veulent renoncer à comprendre, le film d’Abbas Fahdel ne saurait mieux tomber. Cassant la vision d’un Moyen-Orient naturellement porté à la violence, la caméra du réalisateur vient rappeler la responsabilité des interventions militaires extérieures dans ses déstabilisations. Les magnifiques images tournées sur l’Euphrate, entre les palmeraies qui bordent la ville de Hit, suffisent à s’en convaincre. Au seuil de la guerre, les personnages racontent la fraternité qui unit les habitants de la ville, quelles que soient leurs origines confessionnelles. Située dans la province d’An-Anbar, futur épicentre de la guérilla sunnite contre l’armée américaine et le gouvernement chiite de Nouri Al-Maliki, la ville de Hit est aujourd’hui sous la coupe de l’État Islamique.

    « Mon but était de faire un film impressionniste. Je ne voulais pas donner de commentaires ou poser des questions, précise Abbas Fahdel. L’image suffit. Je mise beaucoup sur l’intelligence du spectateur ». Et ce dernier ne s’y trompe pas. Malgré une durée à la mesure de sa qualité – un peu moins de trois heures pour chaque partie – le film remplit déjà les salles. Dans le genre du cinéma documentaire, Homeland : Irak année zéro est une œuvre majeure, de celles qui ne laissent pas notre vision du monde indemne.

    Notes

    [1] Homeland : Irak année zéro, documentaire d’Abbas Fahdel, 2014, Irak, distribution France par Nour films.

    [2] Dès l’année 2008, certaines études font état de près d’un million de morts directement ou indirectement causés par la guerre. Voir par exemple ici.

  • L’affaire Salah Hamouri, une occultation française (Afps Rennes)

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    Un documentaire retrace le traitement médiatique et politique français de l’affaire Salah Hamouri, alors que son épouse vient de se voir interdire le retour à Jérusalem

     

    « Connaissez-vous Salah Hamouri » ?

    « Connaissez-vous Salah Hamouri ? ». C’est par cette simple question que le comédien français François Cluzet avait pu, un jour de novembre 2009, à l’heure du repas dominical, interpeller à la fois les médias et les politiques français.

    Devant un blond journaliste vedette médusé et un Jean-François Copé, alors porte-parole du gouvernement, passablement gêné, le comédien avait rappelé que « depuis quatre ans, un Français de mère [était] en prison en Israël […] pour délit d’opinion simplement parce qu’il a dit qu’il était contre la colonisation. Personne n’en parle, vous ne savez même pas qui c’est, Monsieur Copé non plus ». C’est par cette interpellation que débute le documentaire « L’affaire Salah Hamouri » réalisé par Nadir Dendoune.

    Le propos du film n’est en rien de reprendre le procès attenté à Salah Hamouri par Israël. En 2005, alors âgé de 19 ans, cet étudiant en sociologie à l’université de Bethléem est accusé d’avoir projeté de tuer le rabbin Ovadia Yossef, alors leader du parti israélien ultra-orthodoxe Shas. Autre chef d’accusation, son appartenance au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Seule allusion à ce procès dans le documentaire, l’intervention de Léa Tsemel, avocate du jeune homme. Cette figure reconnue de la défense des droits des Palestiniens indique que « dès le début, ses droits ont été bafoués ».

    Après avoir été détenu trois ans sans procès, Salah Hamouri avait dû se soumettre à la procédure particulière dite « du marchandage » ou du plaider coupable pour ne pas passer quatorze ans en prison. Le tribunal militaire l’avait alors condamné à sept ans d’emprisonnement.

    Nadir Dendoune tente surtout de comprendre pourquoi le sort de ce jeune franco-palestinien qui a passé sept ans dans les prisons israéliennes a si peu intéressé en France. Une interrogation d’autant plus vive qu’à la même époque, le sort du soldat franco-israélien Gilad Shalit avait fait l’objet d’une intense campagne politique et médiatique pour sa libération. Ce jeune soldat avait été capturé le 25 juin 2006, à la lisière de la bande de Gaza, par des combattants islamistes. Nicolas Sarkozy, alors président de la République, appellera en 2008 personnellement à sa libération tandis que la diplomatie française le considérera comme « le seul Français détenu en otage dans le monde », alors que dans le même temps, Salah Hamouri croupissait encore en prison sans procès. À l’initiative de Bertrand Delanoë, maire de Paris à l’époque, Gilad Shalit sera également fait citoyen d’honneur de la capitale française et son portrait sera affiché sur le fronton de l’hôtel de ville. À sa libération, il sera reçu à l’Élysée.

    Gilad Shalit, Salah Hamouri, comme l’illustration du tout et du rien que le documentaire illustre parfaitement, sans parti pris mais en obligeant au questionnement. Deux Français, l’un érigé en cause nationale, l’autre ignoré dans un silence épais, le visible contre l’invisible, le soldat contre le prisonnier politique. Ironie ou pirouette sarcastique de l’histoire, Gilad Shalit retrouvera la liberté fin 2011 en échange de la libération d’un millier de prisonniers palestiniens, dont Salah Hamouri… lequel avait de toute façon presque purgé sa peine.

    Ce que montre bien le film de Nadir Dendoune, c’est qu’au final l’affaire Hamouri est une affaire éminemment française, qui révèle comme un palimpseste jauni les ressorts et tabous du pays. C’est ce qu’explique admirablement l’historien Dominique Vidal dans le documentaire : « La France est l’un des pays qui a participé au génocide des juifs. Cela pèse encore dans la réaction du corps politique français […]. Cette culpabilité pèse dans la manière dont les autorités politiques et médiatiques se confrontent au conflit israélo-palestinien ».

    Pour Nadir Dendoune, les difficultés mêmes qu’il a rencontrées pour que son projet aboutisse traduisent ce malaise français. Il a dû d’ailleurs, pour le financer, faire appel au crowfunding : « Je savais que ce film ne serait pas simple à faire, à montrer, mais je ne pensais pas que ce serait aussi difficile. J’ai du mal à le faire diffuser ou même simplement à ce que les journalistes à qui j’ai fait parvenir une copie en parlent. C’est une spécificité française. En Suisse ou en Belgique, la question palestinienne est moins épineuse. C’est dommage car je suis persuadé qu’il n’y a rien de pire qu’une parole frustrée », déclare-t-il à Middle East Eye.

    « Certains ont peur que cela envenime les tensions entre juifs et musulmans, alors que ce n’est pas la question, poursuit-il. C’est une simple question de justice et de liberté d’expression. Mais je commence à me dire que quand la liberté d’expression concerne la Palestine, ce n’est jamais le bon moment. Cette attitude est contre-productive : plus on évite ce genre de débat, plus on alimente la haine et l’impression qu’il y a deux poids, deux mesures. Les journalistes français semblent tétanisés dès qu’ils entendent le mot Palestine et Israël ».

    Une situation confirmée dans le documentaire par l’intervention de deux journalistes. Charles Enderlin, journaliste franco-israélien, remarque ainsi que certains sujets sur la situation imposée aux Palestiniens peuvent déclencher en France « des réactions très vives » du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) et de l’Ambassade d’Israël notamment, concluant qu’« il est très difficile […] de couvrir la situation palestinienne ». Autre analyse, celle de la grand reporter de France 3 Gwenaëlle Lenoir : « Salah Hamouri avait été arrêté et condamné par un État considéré comme démocratique. […] C’est oublier que le système judiciaire israélien pour les Palestiniens est un système de tribunaux militaires. Et puis Salah Hamouri est un Arabe. On s’occupe moins des Arabes dans les médias français ».

    Et maintenant, vers une affaire Elsa Hamouri ?

    L’affaire Hamouri est-elle désormais close ? Pas si sûr, si l’on tient compte du fait qu’en mars dernier, le Franco-Palestinien a fait l’objet d’un ordre militaire israélien qui restreint ses déplacements dans les territoires occupés pendant six mois. Une restriction qui empêche de facto cet étudiant en droit à l’université de Birzeit, près de Ramallah, de passer son examen pour devenir avocat.

    Récemment, c’est son épouse, Elsa Hamouri, qui s’est vue interdire le retour à Jérusalem après des vacances en France. La jeune femme, enceinte de sept mois, a dû revenir en France après un séjour en détention à l’aéroport Ben Gourion alors qu’elle vit et travaille au consulat général de France à Jérusalem : « Je disposais d’un visa consulaire de service valable jusqu’en octobre 2016. On m’a questionnée sur les raisons de ma venue en Israël et si j’étais mariée. Puis on m’a annoncé que je devais rentrer sur le territoire israélien avec un visa d’épouse et non un visa de service », explique-t-elle à MEE.

    Dans la cellule sommaire où elle attendra son expulsion, Elsa Hamouri indique avoir dû protester pour avoir accès à des médicaments qu’elle avait dans sa valise et qu’on ne voulait pas lui donner. « Il a fallu l’intervention du consulat pour que je puisse aussi obtenir du savon et une brosse à dents », ajoute-t-elle.

    Un double argumentaire a été avancé par les autorités israéliennes pour justifier cette expulsion : d’abord, Elsa Hamouri aurait menti pour obtenir ce visa de service. « Or ce visa est demandé par le consulat auprès du ministère des Affaires étrangères israélien à qui j’avais fourni mon passeport. Le consulat savait que mon époux est un ancien prisonnier politique et que mon visa d’épouse avait été rejeté », précise la jeune femme. Face à ce refus, la Française avait interjeté un appel suspensif, ce qui lui permettait de circuler sur la base de son visa consulaire de service.

    Autre argument avancé par les autorités israéliennes : Elsa Hamouri constituerait une « menace ». « Le ministère israélien de l’Intérieur a fourni un rapport pour justifier de ce rejet de visa d’épouse. Selon ce rapport, je serais un danger pour la sécurité de l’État d’Israël et j’aurais des activités terroristes. Le rapport est vague, monté de toute pièce et vide », affirme-t-elle.

    Et la jeune femme d’énumérer les atermoiements et freins administratifs qui avaient de toute façon ralenti la demande de ce visa d’épouse : pièces justificatives sans fin, lenteur dans la réponse, etc.

    Pour Elsa Hamouri, pas de doute, la raison de cette expulsion est une simple question politique : « Ils font de moi un appât pour que mon époux me rejoigne en France. Ils font de moi une terroriste pour l’obliger à partir et pour qu’il perde ainsi sa carte d’identité d’habitant de Jérusalem, laquelle est conditionnée au fait d’y vivre. En outre, si l’enfant ne nait pas à Jérusalem, il n’aura pas ce statut de Hiérosolymite et pourrait être expulsé comme moi ».

    Le Quai d’Orsay a été saisi et Elsa Hamouri a interjeté appel de la seconde décision de rejet de son visa d’épouse. Elle dit ne demander que la stricte application de son droit à une vie familiale et à résider auprès de son mari à Jérusalem. La jeune femme en est convaincue : « Tout est fait pour présenter la chose comme un problème administratif alors que c’est un problème politique ».

    Source : Middle East Eye

    http://www.rennespalestine.fr/

  • Un village égyptien à l’heure de la révolution « Je suis le peuple », documentaire d’Anna Roussillon (Orient 21)

     

    C’est d’une rencontre hasardeuse en 2009 entre Anna Roussillon et Farraj, paysan de la vallée du Nil, près de Louxor, qu’est née chez la réalisatrice –- qui a grandi en Égypte et en parle la langue —, l’idée d’un documentaire sur la vie dans son petit village de Haute-Égypte. Puis, en janvier 2011, survient la révolution, qui impose un remaniement du scénario. Dès lors, c’est la perception des événements par Farraj et son entourage qui deviendra l’ossature du film, à travers le quotidien des habitants du village.

    Dans Je suis le peuple, si les lieux de la révolution ne constituent pas la scène de l’action, cette dernière n’en demeure pas moins l’arrière-plan omniprésent dans le monde où évolue Farraj. Dans sa maison, Anna filme Marwa et sa mère, Harrajaya, alors qu’elles sont en train de préparer le pain autour d’un four traditionnel. «  Que ceux qui veulent se faire cramer viennent dans notre four  !  », dit la fille à sa mère. Car l’immolation par le feu devant le Parlement fait des adeptes en ce début de l’année 20111. L’onde de choc créée par l’immolation de Mohamed Bouazizi en Tunisie est arrivée en Égypte. La scène est filmée à ce moment-là. Anna est alors en Égypte, d’où elle partira le 27 janvier 2011 pour Paris.

    Soudain, la place Tahrir

    Le film comporte plusieurs séquences à des moments différents. D’abord, la période pré-révolutionnaire. On assiste à des discussions anodines sur les difficultés liées à l’irrigation de la terre, on suit une balade en calèche avec Farraj. Cette première séquence ne présage en rien la révolution qui va suivre et les débats qu’elle suscitera deviendront l’objet principal du film. Les autres séquences ont été filmées successivement à l’été 2011, puis au printemps 2012, à l’hiver 2012 et enfin à l’été 2013. Chacune d’entre elles est liée à des événements politiques, révolutionnaires ou électoraux, qui ont à chaque fois suscité de vifs débats dans la société égyptienne.

    La révolution fait irruption dans le film à la onzième minute. Soudain, des images sont retransmises, diffusées à l’écran depuis la place Tahrir au Caire, probablement celles de la fameuse «  bataille des chameaux  » du 2 février 20112. On entend Anna Roussillon fredonner en tentant de capter une communication par Skype, «  Putain, je suis partie la veille de la révolution, mais je rêve, je ne sais pas comment je vais m’en remettre  ». Et à l’autre bout, la voix de Farraj, sceptique et moqueur, déconseillant presque à Anna — qui veut voir et vivre la révolution — de venir en Égypte et lui suggérant de la regarder plutôt comme lui, à la télévision. À son retour, en Égypte, au mois de mars 2011, Anna ne vivra pas la révolution au Caire depuis la place Tahrir. Elle retournera dans le village de Farraj, car sa décision est prise : elle filmera de là-bas les événements au prisme de la lecture qu’en font les villageois.

    C’est donc avec Farraj que le spectateur est amené à percevoir ce qui se passe en Égypte au cours de cet événement révolutionnaire et de ses évolutions au cours des deux années qui précèdent au fameux discours de «  mandat  » du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi de l’été 20133 sur lequel le film se termine. Farraj se place en commentateur des événements, et Anna Roussillon nous fait suivre comment cette révolution lointaine, vue du village d’Al-Jezira d’où il est originaire, s’invite dans le quotidien des habitants et devient même leur sujet de discussion quotidien. Les avis diffèrent, entre l’entourage de Farraj, sa femme et sa fille, sa voisine Bataa, ses collaborateurs et amis  ; mais ils s’expriment dans une ambiance de complicité mélangeant le sérieux et la rigolade.

    «  Le peuple qui veut  »...

    Ce premier documentaire long métrage d’Anna Roussillon reprend le nom de la chanson d’Oum Kalthoum diffusée en boucle sur la chaîne Al-Jazira pendant les premières journées révolutionnaires. Il met l’accent sur «  le peuple qui veut  », cet acteur-clé né de la révolution dont Farraj fait partie. Avec lui, le film nous montre le contraste inhérent entre une révolution faite au nom d’un peuple, de sa liberté, de sa dignité, de la justice sociale, et la vie de ce paysan qui n’a à aucun moment fait partie des débats houleux qui ont entouré l’événement révolutionnaire, tant la lutte pour le partage du pouvoir a eu tendance à marginaliser toute discussion d’ordre social.

    Avec Farraj et les habitants du village, nous partageons pour un temps le quotidien des Égyptiens obligés de recourir à la débrouille et à l’informel pour pouvoir arrondir des fins de mois souvent difficiles, leurs difficultés pour faire démarrer la pompe à eau qui permet d’irriguer leurs terres, les négociations houleuses des femmes pour s’octroyer une bouteille de gaz très souvent en crise de livraison…

    La révolution se passe en ville, pas au village. À Louxor, dans les premiers moments révolutionnaires, une seule manifestation a eu lieu en soutien à Hosni Moubarak. Mais elle s’impose dans les discussions politiques au village. Elle est omniprésente par la télévision et grâce aux chaînes satellitaires qui diffusent en direct tous les événements depuis la place Tahrir. On voit l’évolution du débat politique avec Farraj, influencé en quelque sorte par l’arrivée de la parabole qu’il s’offre pendant l’été 2011 pour pouvoir justement capter les images et les sons du Caire. Ce sont d’ailleurs ces images incessantes d’affrontements et de violence exercée par les forces de maintien de l’ordre sous la direction du Conseil suprême des forces armées (connu sous l’acronyme SCAF pour Supreme Council of the Armed Forces) et la présidence de Mohamed Morsi. Mais à travers cet écran, on voit aussi Farraj interagir avec les événements institutionnels et débattre autour de la Constitution, autour des élections4.

    Deux trajectoires qui se croisent

    Ce documentaire est construit sur deux cheminements qui se croisent : celui de la réalisatrice Anna Roussillon et celui de Farraj, qui regardent tous deux la révolution avec le même média d’information, à savoir la télévision. De la part de la réalisatrice qui a grandi en Égypte, c’est sans doute un engagement, une façon de participer aux événements : présenter la révolution et le récit qu’en fait Farraj devient une forme de sa propre implication. La trajectoire de Farraj est l’initiation à la politique d’une personne au départ sceptique face aux événements, quelqu’un qui éprouve de plus en plus d’intérêt pour la chose publique, sans qu’à aucun moment un quelconque agent institutionnel ne l’interpelle ou ne l’y invite.

    Le film se finit sur un moment crucial, celui où l’Égypte se scinde suite aux événements du 30 juin, avec le début du discours du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi qui demande au peuple de descendre dans la rue pour lui donner un mandat ’’pour lutter contre la violence et le terrorisme des Frères musulmans5’’. Nous n’entendrons pas la fin du discours puisqu’une double fin s’installe, celle de la coupure d’électricité qui fait taire la parole du général, et celle du film qui s’arrête dans le noir de la chambre de Farraj.

    Cette fin forte du film scelle une ère d’effervescence et — encore — d’optimisme révolutionnaires, mais nous laisse justement sur notre faim : comment Farraj, son entourage et son village ont-ils réagi  ? Il nous reste à imaginer les discussions auxquelles on aurait pu assister…

    1Inspirés par Mohamed Bouazizi en Tunisie, des cas similaires d’immolations par le feu de citoyens égyptiens commencent à se produire dès le 17 janvier 2011 devant le Parlement.

    2Le 2 février 2011, les manifestants anti-Moubarak occupant la place Tahrir sont l’objet d’une attaque d’abord par des hommes de main, à dos de chameaux et de chevaux, d’où la célèbre appellation de cette journée de la «  bataille des chameaux  », mais celle-ci en réalité dure 16 heures, avec une inertie et une inaction totales des militaires. Elle représente ainsi l’une des journées marquantes des 18 jours qui mènent vers la destitution de Hosni Moubarak.

    3Le 21 juillet 2013, Abdel Fattah Al-Sissi, encore ministre de la défense, appelle les citoyens égyptiens à manifester pour lui procurer un mandat afin de mener un combat contre la violence et en prévention du terrorisme. Il est à noter que ce mandat renvoie à une volonté de légitimation de la répression des sit-in organisés par les Frères musulmans contre la destitution de Mohamed Morsi et qui se soldent le 14 août par le meurtre de plusieurs centaines de personnes sur la place Rabaa al-Adawiya.

    4Dans le film, Farraj débat de plusieurs moments : l’élection présidentielle de l’été 2012 qui amène Mohamed Morsi au pouvoir  ; le coup de force constitutionnel entre Morsi et l’opposition en décembre 2013.

    5Voir note 3.

  • Témoignage de Nessim Soltani, cousin du martyr Mabrouk Soltani (Al'Encontre.ch)

    Dans l’article ayant trait à l’attentat commis par Daech à Tunis, le 28 novembre 2015, il était fait référence à la décapitation, le 13 novembre 2015, d’un jeune berger, Mabrouk Soltani, âgé de 16 ans par un groupe faisant référence à Daech. Ce dernier habitait le village tunisien de Slatniya, aux confins de Jelma, à une cinquantaine de kilomètres de Sidi Bouzid. Jelma bénéficie d’importantes ressources hydriques. Cela rend encore plus dramatique la déclaration d’un habitant lors des funérailles de Mabrouk Soltani, le 15 novembre: «Il n’y a pas de réseau de distribution d’eau potable, d’électricité et de routes entretenues dans les zones rurales de Jelma.»

    Le cousin de Mabrouk Soltani, Nessim Soltani, a dû apporter la tête du martyr jusqu’à sa maison, pour la remettre à sa mère. Le corps a été récupéré, le lendemain de la décapitation, par les habitants du village. Les funérailles ont eu lieu de 15 novembre 2015.

    La chaîne de TV Nessma a recueilli le témoignage de Nessim Soltani. Cette vidéo, sous-titrée en français, permet de saisir le sens de cet acte barbare et la réaction d’un témoin traduisant la vie quotidienne et les sentiments de la population. Le texte complet, version française, de cet entretien – de ce témoignage – est aussi disponible à la fin de l’article consacré à l’attentat de Tunis publié le 28 novembre. (Réd. A l’Encontre)

  • Un morceau de rap tunisien devient un hymne de la jeunesse (Global Voices)

     *

    Le 14 septembre dernier, les artistes tunisiens Hamzaoui Med Amine et Kafon publiaient leur nouvelle chanson, ‘Houmani’. Avec plus de 3,4 millions de vues sur YouTube à ce jour, c'est devenu l'hymne de la jeunesse tunisienne.

    Le clip vidéo, dont la production n'a coûté que 250 dinars (environ 112 euros), dépeint la vie quotidienne des habitants d'un quartier défavorisé.

    En dialecte tunisien, l'adjectif Houmani est dérivé du nom Houma, qui peut se traduire par ‘quartier populaire’.

    Ahd Kadhem, un Irakien, explicite le terme Houmani [arabe] :

    Houmani s'applique à quelqu'un qui vit dans un quartier populaire. Un quartier populaire en Tunisie se dit Houma… Et le rap parle de ces zones habitées par la classe pauvre, dont les dirigeants et les personnalités parlent rarement

    Dans la chanson, Hamzaoui et Kafon décrivent la vie des jeunes qui habitent les quartiers populaire de Tunisie. Extrait des paroles :

    Nous vivons comme des ordures dans une poubelle…[la vie] est étouffante ici

    Le blogueur Mehdi Lamloum explique les raisons du succès :

    7oumani, une chanson simple, avec un titre étrange et un clip produit a peu de frais a créé des débats énormes ces dernières semaines…Et c’est ce qui est intéressant dans cette oeuvre. Elle est entrée rapidement dans la culture populaire en générant des conversations et débats sur plusieurs sujets…La question des quartiers populaires vs quartiers riches, même si elle n’est pas directement abordées dans la chanson, y est très présente. Une question a émergé a ce propos sur … qui a le droit d'écouter 7oumani?
    Est-ce que les habitants des “quartiers riches”… ont le droit de s’identifier au quotidien que relate 7oumani?

    Et d'ajouter :

    Ceux qui critique la chanson sur un point de vue musical ont parfaitement raison…
    Mais ils devraient voir ce qu’il y a au-delà du morceau lui-même : une oeuvre qui a réussi a transcrire une partie de ce que ressentent les tunisiens, qu’ils viennent des quartiers populaires ou pas, qu’ils vivent le quotidien décrit ou pas…

     

    Hassan

    je viens de voir une chanson marocaine qui vient d’étre publiée sur YOUTUBE est elle trés semblante à Houmani voilà le lien :
    https://www.youtube.com/watch?v=nXsoFukUeVs

  • Tarbes:

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