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Révolutions Arabes - Page 15

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

    Grève de la faim des prisonniers politiques palestiniens : La France doit entendre leur appel

    Communiqué de l’AFPS, lundi 24 avril 2017
    Le 17 avril Marwan Barghouthi lançait un mouvement de grève de la faim auquel participent aujourd’hui environ 1500 prisonniers politiques palestiniens. Son appel paru dans le New York Times a aussitôt connu une résonance mondiale et mis les autorités israéliennes en position d’accusées devant l’évidence des violations du droit qu’elles ont (...)
     

  • Syrie : « Le meilleur cadeau que l’on peut faire aux djihadistes serait de maintenir Bachar al-Assad aux commandes » (Basta)

    Une jeune activiste syrienne à Alep fin 2012 / CC Freedom House

    Alors qu’elle semblait plutôt bienveillante avec la dictature syrienne, l’administration Trump a bombardé, dans la nuit du 6 au 7 avril, une base militaire du régime.

    Comment expliquer un tel revirement, et quelles en sont les conséquences ? Si Bachar al-Assad venait à tomber, l’Europe serait-elle plus exposée au terrorisme ? L’opposition syrienne n’est-elle, comme on l’entend parfois, plus composée que de groupes djihadistes ? La tendance révolutionnaire et démocratique est-elle encore en capacité de se relever malgré un conflit qui a provoqué six millions d’exilés, sept millions de déplacés internes, 500 000 morts et 200 000 disparus ? Pour répondre à ces questions, qui touchent autant à l’avenir de la Syrie qu’à celui des sociétés européennes, Basta ! s’est entretenu avec le politologue franco-libanais Ziad Majed, spécialiste du Proche-Orient.

    Basta ! : Comment expliquer le revirement soudain de l’administration Trump, qui a récemment bombardé une base militaire du régime syrien, alors qu’elle semblait, à peine quelques jours plus tôt, beaucoup plus accommodante avec celui-ci ?

    Ziad Majed [1] : Il y a plusieurs éléments d’explication. D’abord, l’administration Trump n’a pas de vision claire sur la question. Une tendance, en son sein, prône un désengagement en Syrie et au Moyen-Orient, en conservant une priorité : la lutte contre Daech. Cela fait du maintien ou non de Bachar al-Assad une question secondaire. Une autre tendance est caractérisée par son hostilité envers l’Iran. Celle-ci ne peut s’exprimer en Irak, où les États-unis sont alliés à Téhéran par l’intermédiaire du gouvernement de Bagdad, et des combats contre l’État islamique. Elle peut cependant s’exprimer en Syrie, où l’expansion des Iraniens, dont les groupes armés sont omniprésents, énerve les américains. Une volonté d’endiguer cette situation expliquerait leur changement d’attitude vis-à-vis d’Assad.

     

     

     

     

     

     

     

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    Ensuite, Donald Trump affiche une volonté de se démarquer de son prédécesseur. Obama, sur les questions internationales, a installé une tradition moins interventionniste, privilégiant la diplomatie sur l’usage de la force. Trump a promis une politique isolationniste, mais il semble vouloir aussi réaffirmer la suprématie américaine sur la scène mondiale, sa capacité à être ferme devant un défi majeur. De ce point de vue, l’usage des armes chimiques par Assad s’est présenté comme une opportunité. Bien que s’étant rapproché de la Russie, Trump veut montrer qu’Assad ne peut le provoquer de la sorte. Sa riposte, même limitée, vise à repositionner les États-unis comme l’un des maîtres du jeu, à démontrer que son administration ne peut être tenue totalement à l’écart de la question syrienne.

    Cette démonstration de force viserait donc aussi à regagner quelques marges de manœuvre sur le plan diplomatique ? Mais que peut-il en sortir ?

    La question est de savoir ce que sera la position américaine et occidentale vis-à-vis d’Assad après cette frappe. Sera-t-il inclus dans une transition politique préparant l’avenir de la Syrie ? Si malgré la frappe américaine, les ambiguïtés persistent, à travers une position du type « soit Assad, soit les djihadistes », alors Assad a de beaux jours devant lui. C’est une invitation à l’impunité, car si l’on présente les choses de cette manière, bien entendu aucune capitale ne choisira les djihadistes ! Ce type de discours relève de l’ignorance, et d’un mépris du peuple syrien. Si on en termine avec ces ambiguïtés, s’il y a une volonté de mettre Assad hors jeu, alors la situation pourra peut-être évoluer dans le bon sens.

    Je pense que l’attaque chimique, comme en 2013, visait à tester la nouvelle administration américaine. Il est impossible qu’Assad ait agi sans l’aval des Russes et des Iraniens ; ce serait pour lui un risque énorme. Désormais, la réaction américaine est identifiée. Depuis, les Russes et l’armée du régime intensifient leurs frappes sur les mêmes zones, sans armes chimiques mais avec des bombes incendiaires. Ils veulent montrer leur détermination. Les États-unis ne riposteront probablement pas sur le plan militaire, mais qu’en sera-t-il sur le plan politique ? Tout cela va se préciser dans les semaines à venir. Nous saurons si le changement de ton vis-à-vis d’Assad était temporaire, ou bien s’il se confirme.

    Une action contre les capacités militaires du régime avait été demandée très tôt par les révolutionnaires syriens, dès l’année 2011...

    Ce que demandaient les révolutionnaires à leurs soutiens occidentaux, lorsqu’ils sont passés à la lutte armée, c’était de leur fournir des missiles anti-aériens pour lutter contre l’aviation du régime. L’administration Obama a refusé de leur fournir ces armes, et a fait pression sur d’autres États pour qu’ils suivent cette ligne. En 2012, lorsque le régime a commencé à utiliser l’aviation, ainsi que des missiles balistiques Scud, c’était pourtant le moment d’agir : Daech n’existait pas, et le Front al-Nosra, alors affilié à Al-Qaïda [2], était encore une fraction assez marginale. Il y avait en revanche l’Armée syrienne libre, ainsi que des mouvements islamistes syriens non-djihadistes, que la plupart des acteurs régionaux et occidentaux connaissaient bien.

    Mais la priorité américaine était la négociation sur le nucléaire iranien, et un désengagement militaire, faisant suite à leur retrait d’Irak et d’Afghanistan. Ce qui a encouragé le régime et ses alliés à être plus fermes encore. La rébellion n’a demandé un bombardement des aéroports militaires et des bases d’artillerie du régime qu’en août 2013, au moment du massacre chimique de la Ghouta, dans la périphérie de Damas. Mais Obama a fait machine arrière. C’est alors qu’est intervenu le deal pervers qui a permis à Bachar al-Assad d’échapper à toute sanction, en échange d’une restitution de son stock de gaz sarin. Rappelons qu’il niait déjà farouchement toute possession d’armes chimiques. Avant d’en restituer près de 1400 tonnes. Ce n’était probablement pas la totalité du stock. Et les bombardements classiques ont continué, puis les bombardements utilisant les barils explosifs et le chlore, causant plus de 100 000 morts civils.

    Quand on voit, sur le temps long du conflit, la réticence des États-unis et de l’Europe à soutenir réellement l’opposition, on semble bien loin de la thèse d’une guerre qui serait au service de l’« impérialisme occidental », ou pilotée de l’extérieur pour s’approprier les ressources du pays, comme on l’entend parfois...

    Malheureusement sur le Moyen-orient, les théories du complot sont toujours florissantes. Cela s’explique par un contexte particulier : des ressources importantes, notamment pétrolières et gazières, la position stratégique de la région, ou encore le conflit israélo-arabe, qui a nourri un sentiment de deux poids deux mesures. Ensuite, par des expériences récentes : la fabrication américaine de fausses preuves pour justifier l’invasion de l’Irak en 2003, et l’intervention en Libye, où la résolution 1973 des Nations-unies destinée à protéger les populations a été utilisée pour précipiter la chute du régime. La conséquence est qu’en occident, dans certains milieux à gauche, un discours officiel hostile à l’un des régimes arabes est immédiatement taxé d’« impérialisme », et de volonté « interventionniste » cachée derrière la question des Droits de l’homme.

    Les sociétés arabes et leurs populations sont absentes des analyses de la majorité des « experts » occidentaux. On ne connaît pas la société syrienne et les rapports de classes qui la traversent. On ne lit pas ses intellectuels, leurs récits des expériences carcérales, leurs projets de réformes, leurs relations avec le régime, la peur. On parle géostratégie, frontières, pétrole, pipelines… Mais la Syrie n’est pas le bon endroit pour les obsessions pétrolières et gazières ! Il y a du pétrole et du gaz, oui, mais pas en quantité importante. Il s’agit surtout d’une révolution dont il faut comprendre les causes profondes, de la lutte d’un peuple pour sa liberté, qui s’est transformée en lutte armée puis en guerre totale. La base du problème est là. Dans les discours politiques dominants, en France par exemple, on ne voit plus que les rivalités entre les grandes puissances, le conflit entre sunnites et chiites… Certains ne peuvent s’imaginer qu’une société à majorité musulmane puisse lutter pour la dignité et pour sa liberté. Non, pour eux, ce sont sans doute des télécommandes qui ont fait descendre des millions de personnes dans la rue !

    Mais la Syrie n’est-elle pas bel et bien devenue le champ de bataille d’un grand nombre de puissances étrangères, régionales et mondiales ?

    C’est vrai, mais il faut mettre les choses en perspective. On dénonce la récente intervention militaire américaine contre une base aérienne du régime. Mais il y a déjà eu près de 8000 raids américains contre Daech, ayant causé des centaines de morts civils, et personne ne les a dénoncés. Côté russe, plus de 10 000 raids, pour plus de 4500 morts civils et des milliers de morts parmi les combattants de l’opposition – et non de Daech. Pourtant, nous n’avons pas entendu parler d’« intervention », alors même qu’une partie d’Alep et de ses habitants ont été rayés de la carte. De même, la Syrie est occupée par 30 à 40 000 miliciens chiites libanais, irakiens, afghans, pakistanais… mobilisés par l’Iran et venus aider le régime. On ne les évoque pas ! Ne s’agit-il pas également d’une grave ingérence extérieure ?

    Je me demande quels êtres humains sont capables de manifester contre une frappe visant un aéroport militaire, tuant des militaires syriens et détruisant des appareils qui attaquaient des civils, sans jamais protester contre le massacre de 200 000 civils par le régime et ses alliés. Je me demande comment on peut rester silencieux face aux massacres quotidiens qui durent depuis six ans, puis dénoncer une « guerre impérialiste », parce qu’il y a eu 59 missiles tirés sur une base militaire du régime. Aucun civil tué, aucune destruction aux alentours, juste une base militaire, qui semait la mort et la terreur, qui massacrait des enfants. Pour moi, c’est le comble.

    On pourrait effectivement souligner que les avions de la base d’Al-Chaayrate, celle qui a été bombardée par les États-unis, ne décollaient pas pour aller frapper Daech…

    L’État islamique n’a aucune présence dans cette région. Cette idée selon laquelle le régime syrien combattrait Daech, c’est une grande illusion ! Cela n’arrive que de manière exceptionnelle, et dans une logique d’expansion territoriale souvent imposée par Daech – comme à Palmyre ou autour de l’aéroport de Deir Ezzour. Je ne dis pas non plus que Daech et le régime sont alliés ; ça, c’est une autre théorie du complot. Mais le régime n’a pas intérêt à éliminer Daech, qui lui est utile pour justifier son maintien au pouvoir.

    Ce sont surtout les combattants de l’opposition – dans la campagne d’Alep, à Qalamoun et dans le sud –, ceux des milices kurdes – au nord – et les américains qui frappent Daech. D’après l’Institute of war, plus de 86% des frappes russes ont visé l’opposition et des civils, et seulement 14% des zones contrôlées par Daech. Quant aux forces du régime, entre avril 2013, naissance de Daech, et septembre 2014, quand les américains ont commencé leurs bombardements, elles n’ont jamais attaqué directement l’État islamique.

    Au delà de l’État islamique, certains estiment que l’opposition syrienne ne serait, de toutes manières, plus composée que de groupes djihadistes. Partagez-vous cette affirmation ?

    Pour certains effectivement, il n’y aurait plus qu’Assad et des djihadistes. Qu’ils soient le fait de l’ignorance ou d’une volonté de manipulation, ces discours font le jeu d’Assad ; ils facilitent son maintien au pouvoir. Il y a en fait, aujourd’hui, trois composantes essentielles dans l’opposition. La première est l’Armée syrienne libre, qui est le prolongement direct de la révolution. Malgré son affaiblissement, malgré le fait qu’elle n’a pas reçu un grand soutien de la part des alliés de l’opposition, elle existe toujours sur plusieurs fronts, et domine la région de Deraa, au sud, de même que plusieurs poches dans le centre du pays.

    La deuxième composante, ce sont les groupes islamistes syriens, mais qui ne sont pas des groupes djihadistes. Ils sont proches des Frères musulmans, ou de courants de l’islam salafiste, par exemple. Ils considèrent l’islam comme une source de gouvernance et de législation, mais leur combat est limité à la Syrie, et leur priorité est de combattre le régime. Ils sont parfois puissants, ont été soutenus par la Turquie, l’Arabie saoudite, le Qatar. Mais, comme leur équivalent Palestinien, le Hamas, leur lutte armée est territorialisée, sans volonté de djihad international. Tous les syriens de l’opposition ne sont pas d’accord avec eux, mais ils sont, dans certains cas, acceptés par une partie de la population.

    Restent Daech et le Front al-Nosra, souvent considéré comme la branche locale d’Al-Qaïda...

    Effectivement. La troisième composante de l’opposition est le Front al-Nosra, qui appartient à la mouvance djihadiste. Ce groupe a changé de nom et s’appelle désormais Fatah al-Cham, depuis qu’il s’est, officiellement, séparé d’al-Qaïda. Al-Nosra combat le régime, Daech, et parfois les autres groupes de l’opposition. Quant à Daech, incarnation du djihadisme en Irak comme en Syrie, il n’a jamais fait partie de l’opposition. Il combat cette dernière beaucoup plus qu’il ne combat le régime.

    Il y a donc une diversité importante d’acteurs. Les djihadistes sont forts, mais ils ne sont pas la seule force, ni celle qui impose ses choix et ses priorités à l’opposition. Et si on a peur de la montée des djihadistes, et même des islamistes, pourquoi on ne soutient pas davantage l’Armée syrienne libre ? Le meilleur cadeau que l’on pourrait faire aux djihadistes et aux islamistes radicaux, pour les aider à recruter en Syrie, serait de maintenir Bachar al-Assad aux commandes du pays.

    Le départ de Bachar al-Assad ne ferait-il courir un risque supplémentaire aux pays européens, en permettant aux djihadistes d’occuper l’espace laissé vacant ?

    C’est exactement le contraire. Certes, le départ de Bachar al-Assad ne mettrait pas immédiatement fin au conflit. Certaines forces, telles Daech, tenteraient de nuire au processus politique. Mais ce serait le début de la fin d’un conflit des plus meurtriers. Six millions d’exilés, sept millions de déplacés internes, 500 000 morts, 200 000 disparus… Il n’y a pas pire que le chaos actuel ! Avec du temps, et une volonté internationale de soutenir la transition, toute alternative mettant fin aux bombardements sera préférable à cette catastrophe. Si quelqu’un se pose encore la question, c’est qu’il ne comprend pas bien ce qu’il se passe. Cela revient à dire aux Syriens : « Vous avez subi tous ces crimes, tous ces morts, mais vous allez garder le dictateur qui vous a massacrés, ça va aller... » C’est impossible. Par ailleurs, sans les occupations russe et iranienne, le régime ne pourrait tenir. Et nous savons ce que les occupations militaires donnent au Moyen-orient. Donc avec Assad, aucune solution n’est « réaliste ».

    Sans compter les conséquences extrêmement dangereuses du message qui serait envoyé aux syriens, ainsi exclus du droit international. Plus Assad reste, plus Daech, al-Nosra et d’autres pourront recruter, grâce à la frustration, la colère, l’injustice. Bien-sûr si Assad part, tous les problèmes ne seront pas réglés. Il y a eu six ans de conflit. Avant cela, 41 ans d’une dictature barbare. Sous le père de Bachar al-Assad, Hafez, il y a eu 20 000 civils tués à Hama en février 1982, et 17 000 disparus à travers ses trente ans de présidence. Il y a eu un état d’urgence permanent, une extermination de la vie politique. Aucun parti ne pouvait se créer, penser des alternatives. Il y a eu une invasion militaire du Liban, des guerres régionales, des milliers d’exilés et de réfugiés politiques. Pour en finir, il faut que les responsables de ce régime partent. La justice est la seule solution contre le nihilisme guerrier, contre la radicalisation.

    Au milieu de cette myriade d’acteurs, est-ce que la révolution syrienne, aujourd’hui, existe encore ? Si Assad partait, la société syrienne aurait-elle la capacité de reprendre son destin en main ?

    La révolution s’est métamorphosée. Elle est prise au piège d’un conflit armé, nourri par les interventions extérieures depuis 2012. Cela ne veut pas dire que certaines formes de lutte armée ne font pas partie du processus révolutionnaire. Mais ce dernier s’est trouvé piégé dans une guerre qui le dépasse, tout comme elle dépasse le régime, d’ailleurs. Celui-ci n’a plus d’indépendance vis-à-vis de ses soutiens. Mais la volonté révolutionnaire syrienne est toujours vivante : à travers les comités locaux, à travers toutes les initiatives de la société civile née sous les bombardements, autour de l’entraide et de la solidarité. Les médecins, les infirmiers, la défense civile – les fameux casques blancs –, les organisations de femmes, avec un nombre très important de veuves et d’orphelins qui sont pris en charge par des associations. Tous ceux qui travaillent avec les réfugiés et les déplacés.

    Cette volonté perdure aussi à travers les récits des artistes et des intellectuels. L’expression artistique s’est développée de manière phénoménale à partir de 2011, avec une incroyable libération de la parole, une destitution de la peur, des tabous, de l’auto-censure ; avec aussi une volonté de créer une mémoire syrienne, de refuser le silence qui a longtemps régné. La société civile syrienne est incroyablement résistante et résiliente. Elle est au cœur de la révolution, de sa permanence. C’est pourquoi elle est sans cesse visée, bombardée.

    Il faut évoquer l’avenir des exilés… Pourront-ils jouer un rôle dans l’avenir du pays ? Et si oui, sous quelles conditions ?

    Parmi les six millions d’exilés, dont cinq millions qui sont encore dans les pays voisins, il y a beaucoup d’activistes de la révolution syrienne, de membres des comités de coordination qui organisaient les manifestations et les sit-in, qui filmaient les événements. Des milliers de leurs camarades ont perdu la vie ou croupissent encore dans les prisons du régime. Il est important que ceux qui en ont réchappé puissent revenir un jour en Syrie. Mais tant qu’Assad sera au pouvoir, ces gens, comme la grande majorité des réfugiés, ne rentreront pas.

    Pour qu’ils rentrent, il faudra aussi un processus de reconstruction, avec une aide internationale. La Russie demande à l’Europe de financer ! Mais financer, avec Assad au pouvoir, reviendrait à consolider son régime et à lui offrir une nouvelle vie ! Il faut une transition dans la justice, excluant ceux qui, dans les renseignements, l’armée, les prisons, sont coupables de crimes. Mais il ne faut pas reproduire l’erreur irakienne, en purgeant la totalité des responsables du régime. Il faut des réformes, mais l’appareil étatique doit être préservé : l’électricité, l’eau, les infrastructures... Un système décentralisé est également nécessaire, pour donner leur place aux différentes composantes de la société syrienne : les courants politiques, les régions, les communautés, la population kurde. Mais encore une fois, la condition préalable est le départ d’Assad et de son clan.

     Thomas Clerget

    https://www.bastamag.net/

     

     A lire aussi sur internet :


    Le conflit syrien pour les nuls : « Journalistes et universitaires, connaisseurs du pays, nous souhaitons dépasser un récit médiatique parfois trompeur. Nous vous proposons ici de décrypter le conflit, ses causes, ses étapes et ses protagonistes. Bref, d’apporter des réponses claires à des interrogations légitimes. »

     

    Notes:

    [1Ziad Majed est un politologue franco-libanais, professeur d’Études du Moyen-Orient à l’Université Américaine de Paris, spécialiste des sociétés civiles et des mouvements démocratiques du Liban et des pays voisins.

    [2Le Front al-Nosra a depuis déclaré son autonomie vis-à-vis de l’organisation terroriste internationale. Le groupe a également changé de nom, pour se faire appeler front Fatah al-Sham (ndlr).

     

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  • Sous le bleu de Bab-El-Oued, l'hommage à M'Hamed Rachedi, "l'arabe" héros du printemps amazigh (Le Huff' Maghreb)

    mhamed rachedi
     M’hamed Rachedi était "l’arabe" héros du printemps amazigh. La fondation Bacha a exhumé son étincelant souvenir. Sous le bleu de Bab El Oued.
     
     

    C’était une silhouette aérienne, une énergie explosive haranguant les assemblées générales étudiantes du printemps 1980. Un jeune homme d’un grand courage.

    "Il savait qu’il en prendrait pour 20 ans incompressibles dans sa situation" a rappelé un de ses compagnons de lutte de cette période sur sa tombe ce samedi 25 avril, jour choisit par la fondation Bacha, grande figure du militantisme des années 80, pour faire le pèlerinage commémorative du cimetière El Kettar à Alger.

    M'hamed Rachedi, est né en mars 1955 d’une modeste famille de la basse Casbah. Il restera pour l’éternité le détenu arabophone parmi les 24 historiques de Berrouaghia, les animateurs du mouvement avril 1980 que le régime "débutant" de Chadli Bendjedid, voulait traduire devant la cour de sureté de l’Etat.

    "Ces interrogatoires à la sécurité militaire étaient particulièrement féroces". Les barbouzes ne comprenaient pas ce qu’un non kabyle faisait là, à la pointe d’un mouvement pour la reconnaissance du tamazight.

    M’hamed Rachedi ne s’est pas retrouvé par hasard dans cette galère. Il était militant clandestin du GCR , l’organisation de la gauche révolutionnaire.

    D’où le risque des 20 ans de prison sous le régime du parti unique – et l’un des leaders les plus actifs des campus d’Alger – avant 1980 - pour le droit des étudiants à s’organiser librement en dehors de la tutelle de l’UNJA, l’organisation de jeunesse du FLN.

    Il a été, à la salle Ben Baatouche de la faculté centrale, lieu mythique du mouvement à Alger, l’un des meilleurs pédagogues du lien entre la reconnaissance de la pluralité linguistique et culturelle de l’Algérie et l’avancée des libertés démocratiques.

    Tribun hors pair, M'hamed Rachedi était un cauchemar pour les RG de la DGSN. Après son intervention à la tribune, les actions du mouvement devenaient plus audacieuses, plus subtiles aussi.

    Salarié puis élu syndical à l’ARDESS, ancêtre du CNEAP, (Le Centre National d'Etudes et d'Analyses pour la Population et le Développement), à la fin de son cursus de licence, Mhamed avait également une expérience du syndicalisme d’entreprise, qui a beaucoup servi, avant son arrestation, la coordination des comités étudiants autonomes d’Alger durant le printemps 1980.


    Une étoile filante

    Face à la superbe crique de Bab El Oued, sur les pentes du cimetière d’El Kettar, un attroupement de quelques dizaines d’amis de M’hamed Rachedi a évoqué, ce samedi matin, le militant disparu en mars 1989 à quelques jours de son 35e anniversaire.

    Une étoile filante du combat démocratique et social en Algérie. Après les épreuves de l’interrogatoire et de la prison, le reflux du mouvement les années suivantes, M’hamed a poursuivi son crédo sur la scène du monde. A partir de Paris.

    Toujours engagé dans sa famille politique de la gauche révolutionnaire (GCR – Trotskyste devenu PST note du blog), il a, comme en Algérie était de tous les combats. Celui du peuple palestinien était un qui lui tenait le plus à cœur. Mhamed était l’homme au Keffieh. Elégance et fierté.

    Au cœur de l’attroupement, deux hommes, Mahmoud Rachedi, son frère cadet, porte-parole du PST, et Karim Bacha, frère cadet de Mustapha Bacha et co-fondateur de la fondation éponyme.

    Mahmoud témoigne de ce moment de la dernière volonté où M’hamed, condamné sur son lit d’hôpital à Paris, chuchote son souhait de revenir voir la lumière d’Alger avant de partir.

    Il a revu sa Casbah natale avant de s’adosser à son flanc d’El Kettar. Karim a rappelé combien il était important que la génération qui a animé les luttes démocratiques des années 80 transmette des repères aux jeunes d’aujourd’hui. M’hamed Rachedi, Mustapha Bacha et Salah Boukrif, les trois aujourd’hui disparus, étaient amis. C’étaient, sans doute avec Arezki Ait Larbi, les figures les plus emblématiques du printemps amazigh à Alger.

    La fondation Bacha, récemment créée a décidé de leur rendre hommage à l’occasion de ce 35e anniversaire du 20 avril. Le travail de la transmission commence dans l’émotion.

  • Nouveautés sur "Amnesty International"

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  • Rennes Conférence (AFPS)

    rennes

    Conférence « La vie à Gaza »
    .
    Mardi 25 Avril 18h30, Amphithéâtre Erasme,
     
    Sciences-Po Rennes
    .
    Conférence d’ Ibrahim Awad, Palestinien Gazaoui et professeur de français. Aujourd’hui résidant en France, il viendra nous expliquer la situation de la bande de Gaza et témoigner des conditions de vie imposées là-bas.La bande de Gaza représente une bande de terre de 41 km de long, longeant la mer Méditer- ranée et limitrophe de l’Egypte et d’Israël. Depuis la fin du mandat britannique, ce territoire a beaucoup souffert des conflits entre ses voisins.
    .
    C’est en 1993, avec les accords d’Oslo, que la bande de Gaza va être placée sous l’adminis-tration intérimaire de l’autorité palestinienne. Plus tard, en 2005, Israël sera contraint de retirer ses militaires du territoire gazaoui ainsi que des milliers de ses colons. Aujourd’hui, Israël et l’Egypte maintiennent depuis 10 ans un blocus militaire sur la bande de Gaza, et ce, officiellement, en réponse à la montée du Hamas dans cette région.
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    Avec ce blocus, ils imposent à 1,9 million d’habitants de vivre dans des conditions de vie misérables. Gaza est aussi tristement connue pour être fréquemment la cible d’attaques massives à l’encontre des Palestinien.ne.s comme en 2009, et 2012 et en 2014.
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    Associations Germinal, Salam et France Palestine Solidarité (AFPS)
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  • Ce qui se cache sous la « guerre contre le terrorisme » en Irak (Orient 21)

    mosoul.jpg

    L’offensive pour reprendre Mossoul se poursuit depuis des mois et nul ne peut douter qu’elle aboutira à la défaite de l’organisation de l’État islamique.

    Mais les civils libérés ont peu de raisons de se réjouir tant leur sort apparait incertain, prisonniers qu’ils sont de l’arbitraire des milices, de l’incompétence du gouvernement irakien, du jeu trouble des acteurs régionaux et internationaux (Iran, Turquie, États-Unis).

    Un fossé profond sépare le récit de la guerre contre l’organisation de l’État islamique (OEI) du vécu des gens ordinaires, pris entre deux feux. En Irak, les divers protagonistes du combat anti-OEI proposent une histoire simple et consensuelle : au fur et à mesure des avancées vers la reprise de la ville de Mossoul, les civils pris en otage par des terroristes sont libérés. Les premiers reçoivent de l’aide, les derniers sont exterminés. La lutte contre l’OEI unit dans un objectif commun le rassemblement hétéroclite de forces étrangères sans aucune coordination, de troupes irakiennes et de milices locales. Cet objectif met sous cloche le potentiel de divisions et de frictions entre tous ces acteurs.

    Dans la réalité, les plus vulnérables ne peuvent compter sur presque personne, et ils doivent pratiquement craindre tout le monde. Leur nombre est difficile à estimer, mais il y aurait plusieurs centaines de milliers de civils coincés dans Mossoul. Aucun couloir humanitaire pour faciliter leur évacuation n’a été mis en œuvre, ni même envisagé. Anéantis par les privations et pourchassés par l’OEI, ils fuient dès que possible avec ce qu’ils peuvent emporter à pied vers le sud de la ville, où l’on ne fait pas grand-chose pour les accueillir. Des officiels du ministère de l’émigration et des personnes déplacées, l’institution chargée des personnes déplacées à l’intérieur de l’Irak, estiment à 10 000 les arrivées quotidiennes. Ces responsables admettent aussi, en privé, que jusqu’à 60 % des ressources disponibles s’évaporent avant d’atteindre les bénéficiaires. Les camps sont surpeuplés et mal équipés, même en infrastructures sanitaires de base. Ce qui n’empêche pas les politiciens qui visent les élections parlementaires de se faire filmer en train de distribuer aux survivants des sommes dérisoires en espèces.

    Grandes peurs et petits profits

    Plus dérangeante est la peur, si palpable chez les personnes libérées. Certes, elles sont durablement marquées par le règne brutal de l’OEI, mais leur anxiété ne diminue pas quand elles parviennent à lui échapper, comme on pourrait s’y attendre. D’abord, la distinction entre combattants et civils a été gommée. Négocier avec l’ennemi sur le sort des non-combattants étant jugé superflu ou injustifiable, Mossoul est traitée comme un théâtre de guerre où tous peuvent être tués. Il est révélateur d’entendre les forces anti-OEI revendiquer l’élimination de dizaines de milliers de terroristes alors que leur nombre avait d’abord été estimé à seulement quelques milliers.

    Dans les camps, les gens sont susceptibles d’être dénoncés comme membres ou sympathisants de l’organisation djihadiste et peuvent être arrêtés ou disparaître sur la base de simples suspicions ou de délations mensongères bien plus que de preuves tangibles. Comme la plupart de ses « administrés » n’avaient d’autre choix que de trouver des accommodements avec l’organisation, une épée de Damoclès est suspendue en permanence au-dessus de leurs têtes. Pour subsister et échapper à la répression, les fonctionnaires se sont fondus dans la bureaucratie pléthorique de l’OEI, qui a laissé de nombreux documents écrits impliquant presque tous les groupes sociaux. Les médecins ont soigné des combattants. Contrebandiers et trafiquants ont créé une économie dynamique qui faisait quotidiennement des affaires avec les djihadistes. Un ex-détenu de la prison de l’OEI à Tell Afar s’est montré catégorique : « Dans cette seule ville, il y avait quelque 3 000 personnes employées dans la police. Si nous les tuons tous pour avoir été des terroristes, qui restera-t-il ? » Des informateurs occasionnels vendent des photos de suspects pour pas plus de 50 dollars. Les conditions de détention et d’interrogation sont lamentables, comme on pouvait le prévoir. Après avoir été torturés pour leur arracher des aveux, nombre de prisonniers sont rackettés puis libérés, en premier lieu parce que la logistique qui permettrait de les garder plus longtemps risquerait de perturber le déroulement des opérations militaires. D’autres détenus sont exhibés à la télévision, où l’on peut voir des hommes quasi analphabètes, en haillons et hirsutes confesser des crimes de niveau international.

    Deuxièmement, les militants de l’OEI — à l’exception des étrangers, objets d’une attention disproportionnée — étaient pour la plupart insérés dans la société locale, situation qui crée des formes de violence très intimes entre des gens qui sont condamnés à rester voisins. Dans cette région de l’Irak négligée depuis des décennies, la prise du pouvoir par l’organisation de l’État islamique s’est traduite par une cascade de larcins et de règlements de comptes mesquins qui ont secoué des hiérarchies jamais stabilisées. Les dominés, les déclassés et les médiocres ont trouvé là l’opportunité de s’élever dans l’échelle socio-économique.

    Au cours de ces quelques années, nombre d’entre eux sont devenus des « professionnels de la violence » utilisant toute nouvelle crise pour promouvoir leurs intérêts sous une quelconque légitimation. Un cas extrême a été celui des villageois du culte yézidi, dont les terres étaient convoitées depuis longtemps par des Arabes sunnites installés dans leur voisinage sous le régime de Saddam Hussein. En les massacrant et en les réduisant en esclavage, ces derniers ont pu s’approprier des terres fertiles, objectif bien plus concret que la vision grandiose d’un califat. « Il sont devenus salafistes radicaux du jour au lendemain, simplement pour mettre la main sur nos biens », dit un survivant. « Avant, ils partageaient nos repas et nos fêtes, particulièrement les cérémonies de circoncision ».

    Les seigneurs de la guerre

    Troisièmement, les personnes libérées ont peu de raisons de faire confiance à leurs sauveurs. Les Yézidis ne sont pas retournés dans leur région du mont Sinjar reprise il y a deux ans. Ils sont en principe défendus par des milices qui parlent toutes en leur nom, mais qui sont en concurrence pour les ressources et se comportent souvent en seigneurs de la guerre. Les chrétiens au nord-est de Mossoul se méfient tout autant de leurs propres et nombreuses formations paramilitaires, dispersées parmi les milices chiites ou kurdes. Les Shammar, une grande tribu arabe de la Djezira adjacente, auparavant unifiée sous le leadership de la famille Al-Jarba, ont éclaté en plusieurs factions rivales qui revendiquent chacune la prééminence sur les autres. Beaucoup de groupes armés tribaux chargés de sécuriser les territoires reconquis se réduisent à deux ou trois cents hommes montés sur des pick-up, affairés à récolter le butin de guerre, avant de battre précipitamment en retraite au premier soupçon d’une offensive de l’OEI.

    Mais il s’agit là de menu fretin. En remontant la chaîne, les plus gros poissons ne sont pas plus rassurants. Des milices kurdes rivales soutenues par la Turquie et les États-Unis avancent leurs pions, profitant de la moindre occasion d’étendre leur influence à des zones d’importance stratégique, car situées le long de la frontière syrienne. Des zones riches en pétrole ou en terres arables, ou contiguës au territoire du Gouvernement régional du Kurdistan, ou encore habitées par des minorités exigeant prétendument leur « protection ».

    Les milices parrainées par l’Iran sont également de la partie. Elles prennent prétexte de la présence de groupes chiites ou quasi chiites (les Turkmènes chiites dans le Sinjar et à Tell Afar, et les Shabak dans la plaine de Ninive) pour s’implanter localement, et recrutent des intermédiaires parmi les seigneurs de la guerre sunnites, prêts à se vendre à qui leur fournira armes et salaires. Des villages entiers ont déjà été nettoyés ou rasés au bulldozer dans le cadre de cette nouvelle ingénierie sociale à plusieurs visages. La recomposition du tissu ethnico-confessionnel de la région promet de cruels retours de bâton.

    Impuissance de l’État

    Ce qui reste de l’« État » irakien n’est pas d’un grand secours. Ses diverses forces armées non seulement opèrent sans coordination, mais sont en compétition pour l’accès aux armes et aux munitions. Chacune d’entre elles revendique les victoires les plus prestigieuses. Les forces spéciales des unités du contre-terrorisme, souvent en première ligne, se plaignent amèrement de leurs homologues de la police fédérale, qu’ils accusent de bombarder de façon indiscriminée. Ces derniers se sentent trahis par les précédents, leur reprochant un soutien tiède. La plupart des soldats et des officiers subalternes n’ont pas confiance dans leurs chefs, qu’ils considèrent obnubilés par les gains personnels, la visibilité médiatique et les futurs dividendes politiques qu’eux ou leurs parrains tireront du sacrifice de la piétaille.

    L’État n’exerce aucune de ses prérogatives régaliennes. La justice est la plupart du temps ad hoc, rendue par le premier qui s’empare d’un territoire. En tout cas, l’appareil judiciaire corrompu et incompétent est sous-équipé pour traiter efficacement un tel imbroglio d’exactions. En l’absence de définitions juridiques de l’esclavage et des crimes sexuels, par exemple, les juges se rabattent sur la catégorie attrape-tout de « terrorisme » pour aborder la question des femmes yézidies capturées et vendues par l’OEI — qui enregistrait scrupuleusement chaque transaction, comme on l’a découvert. Un juge confie : « les terroristes que nous arrêtons sont répartis entre des autorités opaques et rivales, sans oublier les États étrangers. Les victimes sont pour leur part obsédées par les compensations, frappent à toutes les portes pour y accéder et cherchent à se venger par leurs propres moyens. »

    S’il veut retrouver un semblant de crédibilité, l’État doit étendre ses services de base aux nombreuses victimes du conflit, au moment où elles en ont le plus besoin. Là encore, l’échec est presque total. Le ministère de la santé n’a pratiquement pas essayé de se manifester dans les zones « libérées », selon des membres d’une ONG médicale internationale.

    Pendant ce temps, les déplacés irakiens — estimés à quatre millions depuis que les troubles ont balayé en 2013 les régions à majorité arabe sunnite — sont de plus en plus empêchés de se réfugier là où de tels services sont disponibles. Il leur est interdit de circuler ou de s’installer dans un endroit sans la garantie d’un sponsor ou kafil, et leurs cartes d’identité sont souvent confisquées afin de les fixer indéfiniment dans des camps « temporaires » qui ne respectent aucune norme sanitaire. Certains gouvernorats déportent des familles entières s’il s’avère qu’elles sont liées d’une façon ou d’une autre à l’OEI — par exemple à cause d’un parent accusé d’avoir rejoint le mouvement. Les victimes de violences se voient souvent refuser des documents aussi indispensables que des certificats de naissance ou de décès sous le soupçon d’être des « fils de terroriste », et donc passibles de punition collective. On peut même entendre des ONG locales soutenir qu’elles préfèrent garder leurs « bénéficiaires » dans des lieux où la vie est de toute évidence insupportable. Certaines utilisent cette misère afin de lever des fonds pour des programmes qui l’allégeront très peu. Un survivant yézidi clame : « Nous ne pouvons pas rester chez nous après un tel traumatisme. Ceux qui nous ont tourmentés, ceux qui ont violé nos femmes sont toujours nos voisins. Ceux d’entre nous qui ont pu quitter le pays, au moins, ont une chance de se rétablir ».

    Le cercle infernal

    Le contexte international, évidemment, ne porte pas à une grande solidarité. Pire, un business cynique s’est développé autour des captives yézidies, revendues aux ONG à des prix qui peuvent monter jusqu’à 50 000 dollars. Un marché remarquablement organisé, où des intermédiaires prennent des commissions pour négocier le sauvetage de ces femmes.

    Les ONG et les agences internationales elles-mêmes ne peuvent agir que de façon limitée. L’intérêt du public diminue. Le réel coût humain de ce fiasco spectaculaire disparaît derrière un récit qui présente la guerre contre la terreur comme le combat de valeureux soldats irakiens sauvant des civils de l’abomination de l’organisation de l’État islamique. La fatigue engendrée par des années d’un conflit byzantin, le manque d’attention des médias, occupés sur d’autres fronts — de la tragédie syrienne à la politique intérieure américaine en passant par l’écroulement attendu de l’Union européenne — : tout se combine pour réduire au minimum l’attention des opinions publiques et diminuer toujours plus l’aide humanitaire.

    Les ressources disponibles sont minées par l’habituelle dispersion des efforts entre de nombreux programmes non coordonnés, gérés par des organisations ayant chacune leurs propres priorités, et qui couvrent toute la gamme : préservation des sites du patrimoine, réhabilitation des infrastructures, déminage, soutien psychologique, droits des minorités, justice et réconciliation, jusqu’à la protection des LGBT et au droit pénal international. Ce qui peut sembler, à première vue, une approche holistique d’une crise à multiples facettes finit par ressembler en pratique à une fable grecque ancienne : un cercle infernal dans lequel ceux qui souffrent reçoivent les biens terrestres en des quantités si insignifiantes que cela ne fait que raviver leur douleur.

    Un conflit sans perspective

    Une formule célèbre de Carl von Clausewitz définit la guerre comme « la continuation de la politique par d’autres moyens ». L’Irak défie pourtant cette assertion, étant donné la prévalence du court-termisme. Plutôt que de travailler à des objectifs atteignables, chacun des acteurs semble parier que son incompétence sera d’une façon ou d’une surpassée par celle des autres. La coalition internationale, qui frappe à l’aveuglette pour soutenir des milices peu fiables se comporte comme si elle espérait que le gouvernement irakien allait sortir de son chapeau une quelconque réconciliation, accompagnée d’aide et de politique de développement, alors que rien de tout cela n’est à l’ordre du jour. Le gouvernement semble compter sur l’OEI pour justifier tous ses échecs, sur l’aide militaire étrangère pour vaincre ce dernier, sur des milices incontrôlées et des tribus incontrôlables pour pacifier le terrain, sur une « société civile » fragile et désarmée pour rapiécer le tissu social, sur le monde extérieur pour reconstruire, etc. Pour leur part, la Turquie, l’Iran et le Gouvernement régional du Kurdistan avancent leurs pions, comme si la société brutalisée et complètement disloquée allait se stabiliser miraculeusement, leur permettant de ramasser la mise.

    Dans cette dystopie hobbésienne d’où la politique a disparu, les Irakiens ordinaires ne craignent pas seulement le terrorisme ; ils sont plutôt terrorisés partout, étant sans défense — abandonnés par leurs soi-disant responsables, servant de proie à leurs libérateurs, ignorés du reste du monde. Le pire dans leur détresse est peut-être la difficulté à se projeter dans l’avenir. Car ils savent bien que dans l’Irak d’aujourd’hui, la guerre n’est rien d’autre que la continuation… de la guerre par d’autres moyens.

    Peter Harling, Loulouwa Al-Rachid
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  • Callac Palestine (AFPS)

    printemps-62e94

    Printemps de la Palestine – projection

    Cinéma d’Argoat – Callac

    Lundi 24 avril – 20 h 30

    3000 nuits

    Un film de Mai Masri

    La révolte gronde dans une prison israélienne, où sont détenues des prisonnières politiques palestiniennes. Layal, une jeune institutrice de Naplouse, vient d’arriver, condamnée à 8 ans de prison pour un attentat dans lequel elle n’est pas impliquée, elle s’habitue progressivement à l’univers carcéral. Mais Layal découvre qu’elle est enceinte. Envers et contre tous, elle décide de garder l’enfant.

    Débat avec Yves Jardin, responsable AFPS au groupe de travail sur les Prisonniers Palestiniens.

    Télécharger le programme

    AFPS Centre Bretagne

    http://www.france-palestine.org/